Mme la présidente. Mes chers collègues, si le Gouvernement venait à déposer une demande de coordination sur le projet de loi de finances pour 2026, sans préjuger de la décision du Sénat sur cette demande, nous pourrions, en accord avec la commission des finances et le Gouvernement, procéder à l'examen des amendements de coordination le lundi 15 décembre prochain, à douze heures.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures,

est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (suite)

Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural (suite)

Mme la présidente. Nous poursuivons l'examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Mes chers collègues, 145 amendements ont été déposés sur cette mission. Si nous voulons terminer son examen ce soir, nous devons tenir un rythme d'examen soutenu, voire très soutenu. En effet, à la vitesse de 38 amendements par heure, nous terminerions aux alentours de deux heures du matin. (Exclamations.)

Je vous rappelle que, conformément à la décision de la conférence des présidents qui s'est réunie le mercredi 3 décembre dernier, les temps de parole sont fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 2025 aura été une année parlementaire fertile pour le monde agricole. De nombreuses mesures, qui étaient attendues, pour alléger et simplifier le quotidien ont été adoptées.

Toutefois, le chemin sera encore long, semé d'embûches et sinueux, avant de restaurer la confiance et d'apaiser les professionnels de ce secteur, qui constituent une fierté française. Il est donc urgent que les décrets d'application de l'ensemble de ces textes soient publiés, ce qui ne semble pas avoir encore été fait à l'heure actuelle. Madame la ministre, pourriez-vous nous dresser un bilan à cet égard ?

Dans ce contexte, il importe de conserver un budget relativement stable, avec des réductions de crédits limitées. Tel est le cas dans le présent projet de loi de finances, puisque le budget alloué à l'agriculture reste supérieur au budget moyen des cinq dernières années.

Ces moyens sont indispensables pour agir et apaiser. Et puisque je parle d'apaisement, je souhaite bien évidemment dire un mot de la situation liée à la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Les images diffusées depuis quelques jours, notamment ces dernières heures, font peine à voir.

Je comprends le désarroi et la colère des agriculteurs, qui doivent faire face à des exigences administratives et sanitaires qui prennent parfois la forme d'une décision brutale ou d'un coup de massue, susceptible de briser le travail acharné d'une vie.

Toutefois, les affrontements survenus la nuit dernière doivent rester une exception. Ne cédons pas aux tentatives de récupération politique qui ne visent qu'à semer les germes de la violence, à nous opposer les uns aux autres et à créer l'affrontement entre le monde agricole et les forces de l'ordre.

La région Occitanie va débloquer une aide d'urgence de 300 000 euros pour les éleveurs concernés. Cette aide sera la bienvenue et s'ajoutera au dispositif prévu dans ce projet de loi de finances, à savoir l'exonération des indemnités d'abattage pour raisons sanitaires d'animaux affectés à la reproduction du cheptel, qui pourra s'appliquer dès 2025 sur les indemnités perçues à cause de la dermatose nodulaire contagieuse.

Face à la multiplication des foyers, le ministère de l'agriculture vient d'étendre la zone d'obligation vaccinale de tous les bovins à huit départements du Sud-Ouest. La vaccination est intégralement prise en charge par l'État dans les zones réglementées.

Madame la ministre, compte tenu des inquiétudes et des tensions actuelles, pourriez-vous nous rappeler pourquoi le confinement généralisé ou la vaccination préventive sur l'ensemble du territoire ne sont pas des stratégies suffisantes pour lutter contre la propagation de cette maladie ? C'est une question que les agriculteurs se posent.

Pouvez-vous également nous confirmer que les mesures que je viens d'évoquer ont été prises en concertation avec les vétérinaires ? N'oublions pas qu'elles ont fait la preuve de leur efficacité dans des départements comme la Savoie, dont vous êtes l'élue, madame la ministre, ou le Rhône, qui ont également été atteints, mais qui ne font plus partie plus aujourd'hui des zones réglementées.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) exprime sa solidarité avec les éleveurs touchés et souhaite que ce fléau puisse être jugulé au plus vite.

Espérons que la mission d'information sénatoriale en cours sur les enseignements pouvant être tirés de la gestion de la crise sanitaire de la dermatose nodulaire contagieuse formulera des recommandations permettant d'avancer dans cette voie, car le schéma auquel on assiste actuellement risque malheureusement de se reproduire.

Ces dernières années, rares sont les exploitations qui ont été épargnées par les maladies. C'est la raison pour laquelle nous saluons les assises du sanitaire animal prévues pour l'année 2026.

Le ministère entend poursuivre également le déploiement de la police sanitaire unique de l'alimentation, avec le transfert de compétences de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Nos éleveurs ont besoin de se sentir protégés par l'État, et de l'être effectivement. Ils sont déjà mis à rude épreuve avec la prédation du loup. À ce propos, madame la ministre, la nouvelle méthode de comptage des loups est-elle réellement adaptée et partagée ?

Certains éleveurs ne sont pas de cet avis, à l'image de Sylvain, éleveur à Eygalayes dans la Drôme, qui dénonce une « fraude scientifique » de nature à influer sur les politiques publiques. Avez-vous davantage d'éléments à nous communiquer à ce sujet ?

J'en viens à la viticulture.

Là encore, nous devons accentuer les efforts pour soutenir la filière. Rappelons que FranceAgriMer met à disposition une enveloppe de 150 millions d'euros au niveau national pour soutenir les investissements des entreprises vitivinicoles.

Chaque année, un appel à projets, généralement lancé en décembre ou en janvier, permet aux viticulteurs de déposer des dossiers de demande d'aide pour des projets d'investissement, qu'ils soient matériels ou immatériels. Ces aides visent à financer des équipements nécessaires à la production, au conditionnement, au stockage et à la commercialisation du vin.

L'Union européenne souhaite également doubler, pour porter l'enveloppe totale à 900 millions d'euros, les aides à l'arrachage des vignes, afin de lutter contre la surproduction structurelle du secteur.

Mes chers collègues, si l'arrachage des vignes semble inéluctable dans certains endroits, il existe en revanche une chose sublime à planter. Je veux bien évidemment parler des haies !

Comme l'année dernière, le Sénat a adopté l'amendement que Daniel Salmon et moi-même avons déposé, et qui a été cosigné par plus d'une centaine de collègues, pour instaurer un crédit d'impôt à destination des exploitations agricoles qui plantent et préservent des haies.

J'espère que, cette année, cette disposition demeurera dans le projet de loi de finances final. Car si d'aventure la commission mixte paritaire venait à être conclusive, ce dispositif risquerait de ne pas survivre. Nous devrons donc être vigilants sur ce point.

Le groupe RDPI a également déposé un amendement visant à augmenter les crédits du pacte en faveur de la haie, pour les porter à 53 millions d'euros. Ces crédits subissent une diminution tout à fait contestable si l'on souhaite atteindre les objectifs fixés.

Par ailleurs, nous défendrons également l'augmentation des moyens du régime spécifique d'approvisionnement (RSA) d'aides à l'importation de produits en outre-mer. Cette mesure avait été adoptée l'an dernier, mais abandonnée lors de la commission mixte paritaire.

Enfin, notre groupe tient à saluer la reconduction du dispositif des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE) et du soutien financier apporté au secteur forestier, grâce à l'affectation de 229 millions d'euros à l'Office national des forêts (ONF) et de 98 millions d'euros à l'enveloppe forêt de la planification écologique.

Pour conclure, madame la ministre, notre groupe vous accordera sa confiance en votant en faveur de l'adoption de ces crédits. Nous comptons sur vous pour faire entendre la voix du monde agricole dans le cadre des négociations sur l'accord de libre-échange entre le Mercosur et l'Union européenne. Celui-ci est, en l'état, incompatible avec le maintien de nos exploitations agricoles. (M. Daniel Salmon applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sebastien Pla. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Sebastien Pla. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j'avais prévu d'intervenir uniquement au sujet de la viticulture, mais j'ai été extrêmement choqué de voir la disproportion des moyens déployés hier par les forces de l'ordre dans une ferme ariégeoise.

Même si je comprends très bien la complexité des problèmes liés à la DNC, je suis heurté par ce triste spectacle, à l'heure où un agriculteur se suicide chaque jour et où la détresse touche l'ensemble du monde agricole français.

Je voudrais évoquer maintenant les nouveaux bouleversements, dont je suis le témoin direct, qui menacent nos campagnes : la viticulture risque de connaître le plus grand plan social de l'histoire de l'agriculture française si nous ne réagissons pas.

Crise structurelle, déconsommation, conflits internationaux, aléas climatiques : les maux dont souffre la viticulture française sont nombreux. Nous les avons analysés dans un rapport très complet, La Viticulture, une filière d'avenir : l'urgence de l'union !, que nous vous remis la semaine dernière.

Nous proposons des pistes novatrices pour sortir de l'impasse : nous invitons l'amont et l'aval à renouer le dialogue, à partager une stratégie commune gagnant-gagnant, tandis qu'il serait pertinent de conditionner les aides publiques à des indicateurs de performance.

La culture de la vigne, fleuron économique de la France, représente un enjeu majeur d'aménagement du territoire. Elle est d'utilité publique pour protéger face aux incendies, qui sont de plus en plus violents, comme nous l'avons constaté cet été dans les Corbières, dont je suis élu.

Je tiens d'ailleurs à vous remercier, madame la ministre, de l'efficacité des dispositifs d'accompagnement des viticulteurs sinistrés qui ont été mis en œuvre.

J'espère que vous nous éclairerez, lors de nos débats, sur le contenu et les modalités du plan de sortie de crise que vous avez annoncé, notamment en ce qui concerne la prorogation des prêts structurels, l'allègement des charges et des cotisations sociales, l'activation de la réserve de crise européenne, la restructuration des caves coopératives et le programme d'arrachage définitif des vignes.

En effet, force est de constater que cette recette a déjà été utilisée maintes fois par le passé. Je vous l'ai dit : si elle a le mérite de répondre aux difficultés conjoncturelles, elle ne règle aucunement les problèmes structurels de la filière.

L'enjeu majeur réside dans la sécurisation du revenu des vignerons par la protection des rendements, la conquête de nouveaux marchés et la réforme de l'assurance climatique, dont le mécanisme n'est pas adapté.

L'audace consiste non pas à détruire le potentiel productif, mais à préserver les rendements. La véritable innovation serait d'orienter les financements vers des projets de protection contre la grêle ou le gel, d'irrigation dans les zones de sécheresse ou de mise en œuvre de mesures pour renforcer la résilience agro-environnementale.

Au-delà de ces défis incontournables, que nous devrons relever, n'oublions pas, mes chers collègues, que la principale difficulté de la viticulture, et de l'agriculture en général, est l'adaptation au changement climatique.

Le climat de notre pays est en voie de réchauffement – c'est un fait –, tandis que les régions méditerranéennes sont en voie d'assèchement.

Le Président de la République vient de donner son feu vert pour que l'Occitanie devienne un territoire d'expérimentation. Comment cela va-t-il se traduire ? Quels seront les moyens affectés ? Des systèmes dérogatoires, des dispositifs différenciés, permettant de gagner du temps dans les procédures administratives, seront-ils prévus ?

En tout cas, il y a urgence. L'amplification du changement climatique que vit la zone méditerranéenne aujourd'hui préfigure ce qui se passera demain dans les autres territoires français.

Madame la ministre, je vous interpelle solennellement au nom des viticulteurs, mais aussi au nom de tous mes collègues agriculteurs, céréaliers, maraîchers, pêcheurs, éleveurs, qui sont aujourd'hui à bout. La baisse drastique du budget consacré à l'agriculture en 2026 est un très mauvais signal envoyé à la profession. Nous allons essayer d'améliorer ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Marie-Lise Housseau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'agriculture constitue un pan majeur de l'économie française. La loi d'orientation agricole l'a reconnu, en fixant comme objectif à notre pays de parvenir à la souveraineté alimentaire.

La loi du 11 août 2025 visant à lever les contraintes sur l'exercice du métier d'agriculteur visait, quant à elle, à donner de l'oxygène aux exploitants, découragés par les réglementations en tous genres. Il s'agissait alors de répondre à la crise agricole de 2024 et d'apporter des solutions concrètes au désarroi du monde agricole.

Malgré des avancées, force est de reconnaître que la censure partielle de cette loi par le Conseil constitutionnel, la non-publication des décrets d'application ou encore la multiplication des crises sanitaires, sur fond de baisse des cours des céréales, n'ont guère amélioré la situation.

Dans ce contexte, que dire du budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ? Comme l'ont souligné les rapporteurs, les crédits sont en baisse pour la deuxième année consécutive : ils s'élèveront à 3,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement, au lieu de 4,2 milliards en 2025.

Cette baisse est surtout concentrée sur le principal programme de la mission, le programme 149, « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt », qui comporte l'essentiel des interventions auprès des agriculteurs.

Les crédits destinés à la gestion des crises, notamment, diminuent de 50 %, alors que les crises sanitaires s'enchaînent. Après la maladie hémorragique épizootique et la fièvre catarrhale ovine, la dermatose nodulaire contagieuse fait des ravages. Elle matraque des vies et terrorise le monde agricole.

L'actualité en Ariège et en Occitanie se télescope avec l'examen du projet de loi de finances. L'abattage total des troupeaux est un drame. Cet après-midi, une cellule de crise s'est tenue dans le Tarn, dans je suis élue, réunissant l'ensemble des acteurs et des syndicats. Tous demandent que soit reconsidéré le protocole appliqué en Ariège, ce que vous avez rejeté. Ils souhaitent aussi le rattachement du Tarn à la nouvelle zone d'obligation vaccinale. Je me dois, madame la ministre, de relayer cette demande.

Au-delà de cette actualité terrible, c'est toute l'agriculture qui est en souffrance. La filière viticole connaît une crise exceptionnelle, notamment dans le Sud, et vous avez commencé à y répondre. Que dire également de la filière noisette ? Nous avons déposé des amendements, afin de la soutenir. Je compte sur vous, madame la ministre, pour agir en ce sens.

En ce qui concerne la mise en œuvre des mesures figurant dans la loi d'orientation agricole, les crédits destinés à l'aide à la restructuration des exploitations agricoles sont insuffisants, de même que ceux du fonds d'allègement des charges (FAC). J'espère que les deux amendements de nos rapporteurs visant à les augmenter seront adoptés. De même, en matière de soutien à l'installation des agriculteurs et à la transmission des exploitations, le compte n'y est pas non plus.

Enfin, comme en 2025, la planification écologique est la grande perdante de ce budget, puisque ses crédits en autorisations d'engagement chutent de 65 %.

Néanmoins, le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique a été relevé à 6 000 euros et prolongé jusqu'en 2028 lors de l'examen de la partie recettes du projet de loi de finances. J'ose espérer que cette disposition passera le cap de la commission mixte paritaire.

Plus positif est le maintien, au même niveau qu'en 2025, des allègements sur le coût du travail de la main-d'œuvre saisonnière, qui a été décidé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je regrette toutefois que l'ouverture de ce dispositif aux coopératives viticoles, que le Sénat avait votée, n'ait pas été retenue.

Au total, si les crédits de l'agriculture n'échappent pas aux restrictions budgétaires, il convient de noter que les fondamentaux sont respectés.

Toutefois, madame la ministre, vous êtes très attendue sur d'autres chantiers, tels que la signature du traité avec le Mercosur, la mise en place du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), c'est-à-dire la taxe carbone à nos frontières, la définition de la politique agricole commune (PAC) post-2027, car les propositions formulées sont inacceptables en l'état, et, bien évidemment, la crise de la DNC.

Dans cette perspective, et malgré ces interrogations en suspens, le groupe Union Centriste, en responsabilité, votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Favreau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gilbert Favreau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la dermatose nodulaire contagieuse, dont mes collègues ont déjà parlé à plusieurs reprises, frappe actuellement les éleveurs. Plus de 2 600 bovins ont été abattus et 108 foyers recensés dans sept départements. Derrière ces chiffres, ce sont des vies, des exploitations, des familles qui sont frappées.

Aujourd'hui, dans mon département des Deux-Sèvres, l'exaspération est montée d'un cran. À Bressuire, à La Crèche, à Parthenay, les agriculteurs se sont heurtés aux forces de l'ordre.

Les éleveurs ne contestent pas la nécessité de protéger les troupeaux ; ils refusent la méthode retenue, une solution qu'ils jugent « brutale » et « sans nuance », pour reprendre les mots entendus lors de ces mobilisations.

Cette crise s'ajoute à d'autres. Dans les Deux-Sèvres, nos arboriculteurs subissent ainsi une chute de production de 30 % à 50 % à cause des ravageurs, tels les pucerons cendrés, contre lesquels les protections autorisées ne sont plus efficaces. Or, lorsque des arbres ne fructifient plus pendant deux ans, la pérennité des exploitations concernées est directement mise en péril.

Madame la ministre, vous avez appelé récemment à un « grand réveil alimentaire » et alerté sur la « guerre agricole qui se prépare », dans un contexte mondial tendu, alors que, pour la première fois en cinquante ans, notre balance commerciale agricole pourrait devenir déficitaire.

Ces mots résonnent d'autant plus fortement que nos agriculteurs se plaignent aussi des normes françaises et européennes et de la concurrence déloyale des importations, tout comme ils craignent la possible baisse de 24 % des aides de la PAC d'ici à 2027.

Ce réveil, madame la ministre, ne sera pas possible sans associer les vétérinaires ruraux, qui constituent un maillon indispensable de la chaîne sanitaire. Ce sont eux, en effet, qui détectent les premiers signaux, comme cela a été le cas en Savoie. Pourtant, leur maillage s'affaiblit.

M. Laurent Somon. C'est vrai !

M. Gilbert Favreau. La profession demande l'instauration d'un forfait de 168 euros par élevage, mais les 10 millions d'euros actuellement prévus n'en financeraient que 28 euros. Le compromis proposé, qui vise à porter l'enveloppe à 25 millions d'euros, afin de verser un forfait de 84 euros par élevage, semble raisonnable, réaliste et indispensable.

Madame la ministre, si nous voulons répondre à cette colère et soutenir nos éleveurs, nos arboriculteurs et nos territoires, il convient d'investir massivement dans la prévention et de moderniser notre organisation sanitaire.

Il faut aussi arrêter de multiplier les normes qui asphyxient nos producteurs tout en laissant entrer sur notre territoire des produits qui n'ont pas été obtenus en respectant les mêmes règles.

C'est ainsi, et seulement ainsi, que nous serons à la hauteur de l'enjeu que vous avez rappelé : garantir la souveraineté alimentaire de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lucien Stanzione. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Lucien Stanzione. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j'aborderai trois sujets concernant l'agriculture méditerranéenne. Je ne reviendrai pas sur la question de la viticulture dans le sud-est de la France, qui a été traitée par mon collègue Sébastien Pla.

En ce qui concerne la filière de la cerise et la lutte contre la drosophila suzukii, j'ai réuni dernièrement, à Flassan, dans le Vaucluse, les producteurs de cerises et les scientifiques pour faire le point sur la lutte biologique.

J'ai ainsi convié Nicolas Borowiec, chercheur à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), à Sophia-Antipolis, pour qu'il présente ses résultats, un an et demi après avoir lâché 750 femelles parasitoïdes ganaspis kimorum. Ses constats n'ont malheureusement rassuré ni les producteurs ni les élus locaux.

Il faut une nouvelle fois constater que la France n'engage la recherche agricole que lorsque le mal est fait. Les moyens d'urgence n'ont été ouverts qu'en 2024, alors que les chercheurs travaillaient déjà sur le sujet depuis 2012 !

C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à renforcer, en 2026, l'effort budgétaire réalisé pour le Parsada par la création d'un fonds d'accélération et de déploiement des résultats de la recherche, doté de 300 000 euros.

Peut-être conviendrait-il, madame la ministre, de prendre, comme en Italie, des décisions plus radicales et immédiates lorsque la survie de la filière est en jeu.

En ce qui concerne la lutte contre la cécidomyie de la lavande, il existe là aussi une solution ciblée, en attendant, comme cela a déjà été promis, un produit de substitution réellement efficace, mais qui n'a jamais été proposé aux lavandiculteurs. Il vous appartient, madame la ministre, de prendre les bonnes décisions !

Enfin, j'évoquerai le pastoralisme. Celui-ci représente un atout majeur pour nos communes de montagne, la biodiversité, la prévention des incendies, notre souveraineté alimentaire et nos paysages. Pourtant, la prédation du loup est de plus en plus importante. Nous déplorons à présent des attaques jusque dans les bergeries, comme celles qui ont eu lieu dans le Vaucluse en septembre dernier.

Il faut trouver les meilleures solutions : il convient de modifier en profondeur le plan national d'actions 2024-2029 sur le loup et les activités d'élevage, de protéger les zones pastorales, de renforcer la formation des bergers, de valoriser ce métier essentiel.

J'ai déposé un amendement visant à augmenter de 15 millions d'euros les crédits destinés à financer la lutte contre la prédation du loup et à soutenir la profession d'éleveur et de gardien de troupeau en milieu rural.

La diversification des productions méditerranéennes est souhaitable, mais dans quelles productions peut-on se diversifier quand toutes les filières sont en crise ? Comment s'engager dans cette voie quand les exploitations agricoles sont au plus mal ?

Nous avons besoin d'une politique prospective, articulée autour d'une stratégie globale de sauvegarde des cultures méditerranéennes.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile pour moi aussi d'aborder ce débat sans faire référence à la situation de tension qui entoure cette ferme de l'Ariège, où un nouveau cas de DNC a été découvert. Cela prouve que l'épizootie est non pas derrière nous, mais devant nous.

Le traumatisme pour les éleveurs est lourd. Nous avons donc besoin de disposer d'avis scientifiques. Madame la ministre, vous fondez vos décisions sur ces derniers, et nous ne vous le reprocherons pas. Il faut en effet rappeler un certain nombre de vérités.

M. Laurent Somon. Très bien !

M. Gérard Lahellec. Au demeurant, la question qui se pose aujourd'hui est celle de savoir comment dégager des moyens pour accompagner les décisions prises. Ce n'est pas aisé, mais ce serait utile !

Revenons-en au débat budgétaire. Quelqu'un a dit que la contradiction était la loi fondamentale des choses… Ce projet de budget en constitue l'illustration matérielle.

Alors que vous avez fait adopter, cette année, une loi d'orientation présentant l'agriculture comme une activité d'intérêt général majeur, les crédits en autorisations d'engagement de la mission devraient baisser l'année prochaine de 12 %, pour s'établir à 4 milliards d'euros.

Or notre agriculture et notre secteur agroalimentaire ont rarement été confrontés à autant de crises qu'aujourd'hui, qui touchent plusieurs aspects d'une activité pourtant essentielle à la vie : une crise des revenus, qui concerne quasiment toutes les filières ; des crises sanitaires, de plus en plus nombreuses ; une crise écologique, qui affecte la possibilité même de produire ; une crise liée à l'insuffisant renouvellement des générations, etc.

On me rétorquera sûrement que l'agriculture et l'agroalimentaire participent à l'effort de réduction de la dépense publique, au même titre que les autres budgets. Mais il ne s'agit pas d'activités économiques comme les autres. Accepterons-nous d'échanger notre souveraineté alimentaire contre la vente de voitures ou contre la vente d'armes, par exemple ?

Il suffit de réfléchir un instant pour s'apercevoir que la mondialisation des prix agricoles n'a aucun sens. Au Brésil, il est ainsi possible de réaliser, chaque année, deux récoltes d'oléoprotéagineux, quand nous ne pouvons en faire qu'une seule. Il en résulte que, dans ce pays, à conditions identiques, on peut produire deux fois plus de poulets !

Considérer l'agriculture et l'alimentaire comme des exceptions n'est donc pas un combat corporatiste : c'est tout simplement tenir compte de la capacité de nos sociétés de permettre aux humains de se nourrir.

Voilà pourquoi les débats budgétaires ne peuvent pas être dissociés de ceux qui ont trait aux politiques européennes ou à la conclusion des traités de libre-échange, notamment celui qui est en discussion avec le Mercosur, à propos duquel nous examinerons une proposition de résolution européenne dans quelques jours.

Le discours à ce sujet ne peut pas varier selon les circonstances. Toutes les dispositions, y compris juridiques, doivent être prises pour s'opposer à cet accord, car il convient de soutenir et d'encourager l'acte de produire, une agriculture de production, que je ne confonds pas, pour ma part, avec une agriculture productiviste.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire. Bravo !

M. Gérard Lahellec. Or, en Bretagne, qui est une région d'élevage, les indicateurs de production ne sont pas bons, en particulier dans les filières du lait et de la viande. Il suffit pour s'en convaincre de constater les fluctuations des cours du porc en ce moment. Ce contexte pèse évidemment sur le renouvellement des générations.

Compte tenu de la multiplication des situations de crise auxquelles nous assistons, nous nous serions attendus à ce que ce budget comporte quelques dispositions spécifiques pour soutenir les activités en souffrance.

Au lieu de cela, on nous parle de compétitivité, mais dans un sens qui, à mes yeux, consiste à dire que l'on va continuer comme avant, en allant simplement plus vite ! Cette logique produit pourtant des ravages, nous l'avons vu, et je ne développerai pas davantage.

Ce budget finance des urgences, mais au détriment des politiques de long et de moyen termes. Le volet consacré à la transition agro-écologique est celui qui paie le plus lourd tribut à l'austérité budgétaire, au moment même où nous commençons à découvrir les coûts d'une telle politique, qu'il s'agisse de la perte de biodiversité ou des maladies professionnelles, par exemple.

En conclusion, ce projet de budget est davantage guidé par des impératifs de maîtrise de la dépense publique que par une véritable stratégie agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et UC.)