M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois de plus, les crédits inscrits en faveur de la « politique industrielle » au sein de la mission « Économie » sont en baisse. Je ne vous cache pas qu'à lire ce projet de budget pour 2026 je m'inquiète pour notre « politique industrielle » – si je mets cette formule entre guillemets, c'est que je crois de moins en moins à l'existence réelle d'une telle politique.

La « politique industrielle » est tout bonnement introuvable, et l'ambition à laquelle elle est censée répondre – la « réindustrialisation » – l'est également.

Un chiffre m'a frappé d'emblée dans ce projet de loi de finances : pour la première fois, nous descendons sous le seuil symbolique du milliard d'euros, l'enveloppe de l'action n° 23 « Industrie et services » du programme 134, qui regroupe une partie des crédits d'intervention pour l'industrie, ne s'élevant qu'à 941 millions d'euros en crédits de paiement. Bien sûr, cette action ne retrace pas la totalité des moyens alloués à la politique industrielle de notre pays, dont la dispersion est grande ; mais il y a là, tout de même, un très mauvais signal, alors que l'industrie française poursuit malheureusement son déclin – nous en avons chaque jour des illustrations.

Dans un tel contexte, je conteste le choix gouvernemental consistant à accélérer la baisse des soutiens à l'industrie dans le projet de loi de finances pour 2026.

L'industrie française doit être aidée différemment et de manière beaucoup plus ambitieuse. Nous avons besoin de grands plans industriels : il y va de notre souveraineté.

À cet égard, je veux redire que la politique industrielle est aujourd'hui illisible d'un point de vue budgétaire, car ses moyens sont éclatés au sein du budget, ce qui nuit à la mission de contrôle du Parlement. C'est par exemple le programme 112 de la mission « Cohésion des territoires » qui finance le dispositif Territoires d'industrie, lequel aurait toute sa place, pourtant, dans la mission « Économie ».

Monsieur le ministre, vous avez conscience de cet éclatement : la direction générale des entreprises a elle-même réclamé une refonte de la maquette budgétaire visant à faire apparaître de manière unifiée et consolidée, pour une meilleure lisibilité, les crédits de la politique industrielle au sein du projet de loi de finances.

Cette réforme, le Gouvernement la repousse ; nous devons soutenir au contraire sa concrétisation rapide, afin que le changement s'opère dès le budget 2027 et que toutes les administrations concernées aient le temps de s'y préparer.

J'attends de votre part aujourd'hui, monsieur le ministre, que vous vous engagiez à veiller au respect de cette réforme indispensable à l'horizon de la préparation et de la présentation du prochain budget. Vous pouvez compter sur ma détermination ainsi que sur celle de mes collègues. Nous resterons vigilants quant à la mise en œuvre d'une telle réforme de la maquette budgétaire dans le PLF pour 2027.

Pour l'heure, vous avez entendu mes inquiétudes et mes réserves, qui vont bien au-delà de la seule question budgétaire. Notre industrie a pourtant bien besoin de nous !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits relatifs au programme « Plan France Très haut débit » de la mission « Économie », sous réserve du vote de deux amendements adoptés à l'unanimité en faveur de la cohésion numérique des territoires.

En effet, au-delà de l'investissement dans des infrastructures numériques robustes, il est nécessaire de faire en sorte que le très haut débit soit accessible et bénéfique pour tous, à l'heure où un adulte sur trois est éloigné du numérique.

Je vous livre ainsi deux points de vigilance issus des travaux de notre commission.

Tout d'abord, sur le plan des infrastructures, à la fin de l'année 2025, 94 % des locaux du territoire national seront éligibles à la fibre optique. Il s'agit presque d'un triplement depuis 2017. Cette généralisation du déploiement de la fibre optique sur l'ensemble du territoire français est qualifiée de « très satisfaisante » par les services de l'État.

Cependant, au-delà de ce succès incontestable, notre commission souhaite partager avec vous un point de vive préoccupation, d'ores et déjà évoqué par les orateurs précédents : la situation de Mayotte.

Après la mobilisation dont nous avons fait preuve l'an dernier en faveur du soutien au déploiement de la fibre optique sur ce territoire, et en dépit des engagements qui ont été pris alors devant la représentation nationale lors de la précédente discussion budgétaire, la situation n'a malheureusement pas évolué. Mayotte constitue toujours le seul projet de réseaux d'initiative publique (RIP) qui ne bénéficie pas encore d'une décision de financement définitive relative au déploiement de la fibre optique.

En conséquence, nous vous proposons de réaffirmer cette année encore notre engagement en faveur du démarrage effectif du dernier chantier qui nous sépare d'une généralisation complète du déploiement de la fibre optique sur notre territoire.

À cette fin, nous vous proposons un amendement qui vise à inscrire dans la loi de finances les crédits à cet effet qui n'ont pas encore été transférés à ce jour, soit près de 23 millions d'euros.

J'en viens maintenant au second pilier de la politique publique d'aménagement numérique du territoire, à savoir l'inclusion numérique.

Le projet de loi de finances prévoit le retrait de l'État du dispositif des conseillers numériques, avec une baisse de plus de 66 % des crédits associés. Ce désengagement financier a été opéré dans des délais rapides, ce qui menace la pérennité du dispositif et des compétences acquises.

Les collectivités et les associations qui emploient actuellement les conseillers numériques n'auront pas toutes la capacité de pérenniser ces postes une fois que le cofinancement de l'État prendra fin. Selon les estimations de la Banque des territoires, seulement un quart des postes pourraient faire l'objet d'une reconduction dans ces conditions, alors même que cette politique publique a fait la démonstration de toute son efficacité.

Nous vous proposons ainsi de rétablir une partie de ces crédits à hauteur de 20 millions d'euros, afin de diminuer de moitié l'effort financier supplémentaire demandé aux collectivités territoriales, ainsi qu'aux porteurs de projets associatifs et du monde de l'économie sociale et solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Franck Dhersin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je formulerai quatre questions en quatre minutes.

La première concerne le budget de la mission « Économie ». Nous allons débattre pendant trois heures d'un budget de 3,6 milliards d'euros, qui masque, une fois intégrées l'inflation et les diminutions d'effectifs, une baisse des moyens.

De nombreux amendements seront présentés. Les chambres de commerce et d'industrie subissent une diminution de leurs crédits de 230 millions d'euros ; les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), une baisse de 56 millions d'euros ; le budget de France Services, structure présentée comme le remède miracle permettant le déploiement de l'ensemble des services publics sur tous les territoires ruraux et dans les quartiers populaires, se trouve divisé par trois ; quant à La Poste, elle subit coup de rabot sur coup de rabot !

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas, chaque année, voter ici des coups de rabot sur La Poste et, une fois revenus dans nos territoires, hurler parce que tel ou tel bureau de poste ferme ! Il nous appartient, ensemble, de trouver les moyens permettant à La Poste d'exercer sa mission de service public et d'égalité républicaine.

Ma deuxième question porte sur la protection des consommatrices et des consommateurs. Là aussi, le manque de moyens apparaît criant pour de nombreuses associations, aujourd'hui asphyxiées.

Pourtant, vous décidez – madame la rapporteure spéciale l'a indiqué – d'acter la disparition de 60 millions de consommateurs, l'un des outils permettant à chacune et à chacun de se faire un avis.

Par ailleurs, j'entends que les effectifs de la DGCCRF seraient stables, voire en légère augmentation. Certes, 5 ETP doivent être réintégrés, mais, en quinze ans, ce sont 911 ETP qui ont été perdus ! Peut-on réellement penser, avec 5 ETP, revenir sur la perte de 911 postes, alors même que se multiplient des phénomènes nouveaux, au premier rang desquels la prolifération du e-commerce, qui exige un déploiement massif des agentes et des agents sur l'ensemble du territoire ?

Troisième question : nous raisonnons en silo. Nous examinons une mission « Économie » dotée de 3,6 milliards d'euros, mais on oublie que 64 dépenses fiscales, pour un montant de 13,4 milliards d'euros, accompagnent votre politique de l'offre ! Celle-ci se déploie partout dans le pays et, j'en viens à mon quatrième point, conduit à une désindustrialisation massive de l'ensemble de nos territoires.

Monsieur le ministre, je me trouvais encore jeudi en Isère auprès des salariés de Tesseire. Je sais que vous les avez rencontrés également. Ils vous demandent d'ailleurs d'être reçus mercredi à Bercy, en même temps que leur direction. Allons-nous continuer à accepter que le capital, qu'une multinationale comme Carlsberg, puisse, cinq ans après avoir pris le contrôle de cette entreprise, tirer un trait sur 305 ans de présence sur le territoire et sur plus de 135 emplois ?

Il devient indispensable de changer les règles. Cela vaut également pour les salariés de Brandt, pourtant soutenus massivement par les pouvoirs publics et l'ensemble des territoires afin de constituer une société coopérative participative (Scop). Or, malheureusement, dans ce budget vous amputez encore de 38 % les crédits alloués à l'économie sociale et solidaire.

Parallèlement à l'examen de ce budget, il faudra bien qu'ensemble nous changions les règles. Allons-nous continuer à distribuer, sans transparence, sans condition, sans suivi ni évaluation, des aides publiques qui devraient être conditionnées à des objectifs de politique publique, laissant ainsi le capital tirer un trait sur des territoires entiers ? Actuellement, 483 plans de licenciement sont en cours. Il n'y a pas que Brandt et Teisseire : il y a aussi Vencorex, STMicroelectronics et tant d'autres, qui ferment souvent à bas bruit. Dans mon département, c'est Orangina, présent depuis plus de cent ans sur notre territoire, qui est concerné !

Il faut donc modifier les règles de fonctionnement des tribunaux des activités économiques et celles de la concurrence afin de pouvoir accompagner les éventuels projets de Scop. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Antoinette Guhl. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis inquiète.

Tout d'abord, je suis inquiète de ce que ce budget révèle pour 2026.

La mission « Économie » apparaît amputée, incohérente, incapable de répondre aux défis sociaux et écologiques qui sont devant nous. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : une chute historique qui ne correspond ni aux urgences ni aux engagements du Gouvernement.

Après avoir annoncé en grande pompe la décarbonation industrielle, vous divisez par trois les moyens. Ce sont 500 millions d'euros pour 2026, alors que l'État reconnaît qu'il faudrait entre 50 milliards et 70 milliards d'euros d'ici à 2030 pour atteindre nos objectifs de décarbonation. Ce n'est pas sérieux. Les crédits ne sont pas à la hauteur et le cap n'est pas clair.

Un suivi, contrat par contrat, des aides publiques versées aux grands émetteurs s'impose d'ailleurs. Fabien Gay l'a souligné : aujourd'hui, nul ne sait réellement à quoi sert cet argent. Le rapport sénatorial sur les aides publiques aux entreprises a rappelé l'ampleur des dégâts : 211 milliards d'euros d'aides directes et indirectes sont versés chaque année, sans stratégie, sans pilotage, sans évaluation.

Je suis inquiète aussi pour les consommateurs et les consommatrices. Vous avez décidé de fermer l'Institut national de la consommation et de mettre également un point final à 60 millions de consommateurs. Vous choisissez, cette année encore, d'affaiblir considérablement la DGCCRF, au moment même où ses missions explosent.

En 2023, nous avions déjà alerté : depuis 2007, la DGCCRF a perdu 25 % de ses effectifs. Pour 2026, que proposez-vous ? Une baisse de 17 ETP, alors que nous avons voté, au cours des trois dernières années, trente textes élargissant ses missions de contrôle ! Je n'en citerai que trois : le contrôle, par exemple, des plateformes comme Shein ou Temu, le contrôle de la sécurité des produits importés ou encore le contrôle du respect des lois Égalim.

Nous proposons, pour notre part, 50 ETP supplémentaires et une hausse des crédits de 3 millions d'euros : 3 millions d'euros, ce n'est pas grand-chose pour que la République protège ses enfants et contrôle, comme il se doit, des plateformes vendant des poupées pédocriminelles ou des jouets non conformes.

Enfin, je suis profondément inquiète pour l'économie sociale et solidaire (ESS), un pilier de notre économie que vous êtes tout simplement en train d'abandonner. Il ne s'agit pas ici d'un programme budgétaire comme les autres. Ce qui se joue ici, c'est un modèle économique qui concerne 2,4 millions de salariés, 14 % de l'emploi privé, 10 % du PIB, des milliers d'associations, des coopératives, des fondations, des Scop, des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC), des entreprises sociales, que vous décidez de traiter comme une variable d'ajustement.

Le budget pour 2026 fait chuter les crédits de l'économie sociale et solidaire. Jamais l'État n'avait autant reculé sur ce périmètre. Ce n'est pas une coupe budgétaire, monsieur le ministre, c'est un plan social. L'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (Udes) l'a clairement dit : jusqu'à 180 000 emplois sont aujourd'hui menacés par la contraction des financements publics.

Je pense, ici, aux associations que j'ai rencontrées, aux Scop sauvées par l'engagement sans faille de leurs salariés, ainsi que par celui des collectivités : Duralex, La Meusienne, Bergère de France. En coupant les budgets de l'ESS, vous ne facilitez ni la reprise des entreprises en coopérative ni la pérennité d'une entreprise comme Brandt. Ces entreprises sont pourtant indispensables à leur territoire.

Mme la présidente. Il faut conclure !

Mme Antoinette Guhl. Lorsqu'on abîme les territoires, qu'on laisse fermer les associations et qu'on développe ce sentiment d'exclusion et de relégation, on produit les germes du Rassemblement national. Je suis inquiète, vraiment ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Jean-Luc Brault applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Grosvalet. (MM. Vincent Louault et Grégory Blanc applaudissent.)

M. Philippe Grosvalet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Brandt, c'est un peu comme ma mobylette pour aller au lycée, comme le frigidaire au milieu de la cuisine, comme le Kodak familial que l'on emporte en vacances. Brandt, ce n'est pas simplement une entreprise presque centenaire qui a disparu il y a deux jours ; Brandt, c'est beaucoup plus que cela : c'est un symbole qui vient de mourir !

En août 2025, en cumul sur douze mois, la France comptait 67 613 défaillances d'entreprise, contre une moyenne de 59 342 sur la période 2010-2019.

Le recensement 2025 des plans sociaux, réalisé par la CGT, fait état de 483 plans sociaux, menaçant ou supprimant 107 562 emplois, dont 46 560 dans l'industrie.

Une fois n'est pas coutume, monsieur le ministre, les chiffres annoncés par l'organisation syndicale semblent inférieurs à ceux de la police !

À l'aune de ces constats, alors que s'aggravent des risques de toute nature en Europe et dans le monde, que propose la mission « Économie » pour 2026 ?

Les crédits de la mission chutent de plus de 27 % en autorisations d'engagement par rapport à 2025, avec la suppression ou la réduction de plusieurs dispositifs structurants.

Les pôles de compétitivité constituent l'un des rares outils qui ont fait la preuve de leur efficacité pour l'innovation et l'industrialisation. Pour rappel, 1 euro public investi dans un pôle génère en moyenne 2,8 euros de dépenses de recherche et développement (R&D), et l'adhésion à un pôle se traduit par une hausse d'environ 20 % des exportations des entreprises concernées.

Dans une économie ouverte, où chaque brevet, chaque partenariat industriel compte, renoncer à ce levier, c'est affaiblir nos territoires industriels alors même que d'autres puissances soutiennent massivement les leurs.

Je tiens donc à remercier ici le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux pour avoir rétabli, lors de l'examen du PLFG pour 2025, les crédits 2026 des pôles de compétitivité.

Concernant l'économie sociale et solidaire, les crédits passent de 10,5 millions à 5 millions d'euros alors que ce secteur représente plus de 2,6 millions de salariés et près de 10 % du PIB. Sont directement fragilisés les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire, les pôles territoriaux de coopération économique et de nombreux réseaux associatifs qui accompagnent la transition écologique, la revitalisation des centres-bourgs, l'insertion et les services de proximité.

Là encore, on coupe ce qui nourrit les dynamiques économiques et sociales dans les territoires.

Enfin, alors que la fracture numérique demeure un frein majeur à l'accès au droit, aux démarches de nos concitoyens et à la transformation des petites entreprises, il est proposé de diviser par trois des crédits dédiés aux conseillers numériques France Services. Allons-nous accepter qu'une partie du pays reste au bord du chemin numérique ?

Je n'évoquerai pas en détail les baisses de crédits pour le tourisme, La Poste ou Atout France, autant de sources d'inquiétude fortes sur nos territoires.

Mes chers collègues, à quelles ambitions économiques et industrielles œuvrons-nous lorsque nous amputons nos entreprises et nos territoires des outils qui structurent les filières, accompagnent les transitions et garantissent les solidarités sociales ?

Au contraire, c'est dans les temps difficiles qu'il faut avoir le courage d'investir dans l'avenir. Quand certains augures outre-Atlantique nous prédisent l'effacement de la vieille Europe, ne faut-il pas davantage accompagner nos filières d'excellence et encourager la recherche et l'innovation ?

C'est tout le sens des amendements que nous défendrons et qui guideront nos votes tout au long de l'examen des crédits de cette mission.

Mme la présidente. La parole est à M. Guislain Cambier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. Guislain Cambier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente mission porte une part essentielle des crédits en faveur de l'industrie. Elle pose d'emblée la question de la lisibilité de l'effort public en faveur de ce secteur.

En effet, les crédits relatifs à l'industrie sont répartis entre la présente mission, le programme 112 de la mission « Cohésion des territoires » et la mission « Investir pour la France de 2030 ». Cette dispersion rend l'analyse budgétaire plus complexe et nuit à la compréhension globale – et donc au pilotage – de la politique industrielle.

Au-delà de cette question, la réindustrialisation de la France ne saurait se réduire aux seuls montants budgétaires en jeu.

Oui, les autorisations d'engagement diminuent de 1,2 milliard d'euros, soit une baisse de 46 %. Il s'agit d'une diminution importante. Pour autant, une enveloppe budgétaire est loin de définir à elle seule une politique industrielle.

Nous devons sortir d'une lecture strictement comptable de l'action publique. Une politique industrielle ne peut pas être un simple ajustement annuel ; il nous faut une vision pluriannuelle pour avoir une véritable attention politique.

Si la performance industrielle dépendait uniquement du niveau de subvention, la France serait déjà l'un des pays les plus compétitifs au monde !

Les débats autour des aides publiques aux entreprises, estimées entre 112 milliards et 211 milliards d'euros par an, ont le mérite d'interroger la logique selon laquelle il faudrait toujours plus d'argent public pour soutenir nos industries et nos entreprises.

Or, nous le savons tous, la réalité est bien différente. Subventionner ne suffit pas. La politique industrielle est indissociable de défis bien plus structurels qui la sous-tendent : l'accès à une énergie abondante et décarbonée, au foncier, à des compétences, le tout si possible dans un cadre réglementaire incitatif. Nous ne semblons pourtant pas emprunter cette voie.

Entre le « zéro artificialisation nette » (ZAN), qui freine certaines implantations, la difficulté pour les entreprises de lever des fonds afin de financer le passage à l'étape industrielle ou le doublement en vingt ans du corpus normatif, qui compte aujourd'hui près de 250 000 articles réglementaires, de nombreuses actions extrabudgétaires restent encore à mener.

Les conséquences sont réelles. En septembre 2025, 165 sites industriels étaient menacés de fermeture, représentant 10 000 emplois. L'annonce avant-hier de la liquidation judiciaire du groupe Brandt ainsi que l'ensemble des défis que je viens d'évoquer nous font converger vers une conclusion claire : nous devons retrouver la compétitivité.

Pour réussir, une véritable politique industrielle doit piloter, évaluer et suivre les projets financés afin d'en mesurer les retombées concrètes et d'assumer des priorités clairement définies.

À cet égard, le nord de la France, en particulier le hub industriel de Dunkerque que vous avez visité il y a peu, monsieur le ministre, montre qu'une autre voie est possible. Dunkerque est en passe de devenir un véritable laboratoire du renouveau industriel via la construction d'une chaîne de valeur complète de la batterie.

En amont, le projet Orano-XTC prévoit l'implantation d'usines de production de composants. Celles-ci alimentent ensuite des gigafactories de production et d'assemblage de batteries, comme Verkor. En aval, l'usine de démantèlement de batteries de Suez ferme le cycle. Il s'agit de la constitution de facto d'une chaîne de valeur complète, sur un enjeu majeur de souveraineté industrielle, alors qu'aujourd'hui 90 % des batteries électriques sont produites en Chine.

Ce succès repose sur une cohérence d'ensemble, avec une coopération entre acteurs publics et privés aux échelles locale, nationale et européenne, une culture industrielle forte, ainsi qu'un positionnement géographique stratégique.

J'en suis convaincu, la réussite du Dunkerquois appelle d'autres succès. Dans le prolongement du programme Territoires d'industrie et des recommandations de la commission des affaires économiques formulées en décembre dernier, nous devons identifier des zones prioritaires où concentrer les efforts pour créer des chaînes de valeur, comme à Bourges pour l'industrie de défense ou dans le nord-est de la France pour l'automobile. À titre d'exemple, il n'est pas acceptable qu'il faille près de neuf ans pour raccorder une usine au réseau électrique dans l'Avesnois.

Si les crédits de cette mission ne nous apportent pas totale satisfaction, nous appelons de nos vœux une dynamique d'ensemble territorialisée permettant de bâtir une stratégie industrielle plus lisible, mieux ciblée et fondée sur les bonnes pratiques que le Dunkerquois peut et doit nous inspirer à l'échelle nationale. Je me réjouis, par exemple, de l'annonce de Ford d'installer deux nouvelles lignes de production sur le site Ampere ElectriCity à Maubeuge et à Douai.

C'est dans cet état d'esprit que le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Économie ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Brault.

M. Jean-Luc Brault. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis mal à l'aise. Le ras-le-bol gagne nos entreprises, grandes comme petites.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner les crédits de la mission « Économie » et de la mission « Investir pour la France de 2030 », c'est-à-dire pour encourager l'activité, l'emploi, la croissance et la compétitivité des entreprises de nos territoires.

Nous ne pouvons plus faire semblant. L'industrie va mal, des bassins d'emploi se vident, les savoir-faire disparaissent. Je veux le dire clairement : nous étouffons nos industries sous la paperasse, les règles et normes en tout genre. On se demande parfois si on ne joue pas à qui sera le plus original dans les ministères. Sauf que, sur le terrain, on joue avec la vie des gens et l'avenir de notre pays !

France 2030 incarne la politique des grands projets et des grandes innovations. N'oublions pas que la Chine forme actuellement 1,3 million d'ingénieurs par an, quand la France en forme environ 30 000.

Comment parler de tout cela après un nouveau drame industriel ? Vous l'avez tous évoqué à l'instant. Pourtant, semaine après semaine, nous dressons les mêmes constats. Pendant qu'un chef d'entreprise se bat pour préserver 50 emplois, il doit remplir des dizaines de formulaires, attendre des autorisations qui n'arrivent jamais, faire face à des contrôles qui n'encouragent rien, mais sanctionnent tout, guettant le moindre faux pas. J'ai dirigé une entreprise de 120 salariés : je parle d'expérience !

Oui, c'est vrai, nous ne sommes pas d'accord sur tout, et c'est heureux. Mais qui, dans cet hémicycle, conteste la nécessité impérieuse de réindustrialiser notre pays, la France ? Qui soutient sérieusement qu'il faudrait continuer à laisser partir nos savoir-faire à l'étranger, avec toutes les conséquences que nous connaissons ?

Je serai très clair : ce ne sont pas les Chinois qui ferment nos usines. Les Français en ont ras-le-bol de ce système. Ceux qui créent sont suspects et ceux qui compliquent sont promus. Voilà la nouvelle méritocratie d'aujourd'hui !

Cette semaine encore, dans mon territoire de Loir-et-Cher, 700 femmes et hommes se retrouvent sur le carreau, emportant avec eux tout un savoir-faire industriel. Nous marchons sur la tête, mes chers collègues ! Nous ne pouvons pas multiplier les grands discours à longueur de journée et rester sans rien faire, les bras croisés, lorsque l'industrie s'effondre dans nos territoires. J'adresse mes pensées à ces salariés et à tous ceux qui se sont battus pour sauver ce fleuron industriel.

Aurons-nous demain un nouveau Brandt ? Retrouverons-nous le pays d'industrie qui a permis à Brandt d'entreprendre hier ?

Permettez-moi d'en rappeler brièvement l'histoire. Edgar William Brandt, né en 1880, fut un artiste réputé, le plus grand ferronnier d'art de sa génération, mais aussi un inventeur dans le domaine de l'artillerie. À 13 ans, il obtient son certificat d'études – comme moi en 1963 – puis entre l'année suivante à l'école professionnelle de Vierzon – comme moi également. Cinq ans plus tard, il en sort avec une solide formation de métallier : il a appris, entre autres, à forger le fer à 14 ans.

Brandt, c'est plusieurs hommes en un : l'homme de l'art, l'homme de la conception, l'inventeur du mortier de 60 millimètres, l'entrepreneur de l'électroménager.

En 1926, il fonde la marque d'appareils ménagers Brandt au sein de ses établissements de fabrication d'armements légers. Mais depuis avant-hier, Brandt, c'est fini !

Une question se pose alors : une telle aventure industrielle serait-elle encore possible aujourd'hui ? Eh bien, je vous certifie que non ! Impossible pour un jeune entrepreneur de lancer une saga industrielle de cette ampleur sans un soutien massif des élus et des établissements bancaires. Or ces derniers sont bien souvent absents !

La fougue et l'insouciance des entrepreneurs d'hier se sont aujourd'hui transformées en folie et résignation !

Les crédits des missions « Économie » et « Investir pour la France de 2030 » vont-ils dans le bon sens ? Probablement, mais la dévitalisation progressive de France 2030 interroge. Ces crédits seront-ils suffisants ? Je crois que nous sommes bien loin du compte et que nous continuons d'aller droit dans le mur.

L'industrie française n'a pas besoin qu'on l'enterre avec élégance. Elle réclame un soutien effectif et des moyens réels, à commencer par la levée des entraves – sans même évoquer ici la question financière.

Comment terminer sur une touche d'optimisme après avoir dit tout cela ?

La question fondamentale qui se pose est comment donner « l'envie d'avoir envie » ? Comment « rallumer le feu » de l'entrepreneuriat ? Comment faire en sorte que chacun, dans notre pays, ait envie d'entreprendre, à tout moment ? Comment permettre qu'après un dépôt de bilan une entreprise renaisse de ses cendres et qu'un échec se transforme en opportunité ?

Je crois, mes chers collègues, que c'est un choc de culture, de logiciel, qu'il nous faut !

Il importe d'admirer celui qui tente, de valoriser celui qui réussit et de soutenir celui qui échoue afin de lui donner l'envie de recommencer, bref, « l'envie d'avoir envie ». Nous le devons à notre jeunesse.

Nous ne pouvons pas lui léguer un tel fardeau financier – car il est déjà trop tard. Nous ne pouvons pas non plus, c'est un impératif de survie, lui imposer un choc de conscience avec la guerre sans lui donner envie de faire, de bâtir et d'entreprendre. C'est là, mes chers collègues, le sel de la vie et l'avenir de notre économie dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)