- État civil :
- Né le 11 novembre 1818
Décédé le 18 octobre 1866 - Profession :
- Diplomate
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Ancien sénateur du Second Empire
Elu le 7 mai 1859
Fin de mandat le 18 octobre 1866
Ministre des Affaires étrangères du 4 janvier 1860 au 15 octobre 1862
avant 1889
Biographie mise à jour le 20 novembre 2020.
La notice biographique tirée du dictionnaire « Robert et Cougny » figure infra.
ÉDOUARD THOUVENEL
Né le 11 novembre 1818 à Verdun, Édouard Antoine Thouvenel est le fils d'un officier artilleur de l'Empire rayé des cadres sous la Restauration. Étudiant en Droit, il effectue un voyage en Europe orientale et, à vingt et un ans, en tire un article remarqué dans la Revue des deux mondes. Le patronage de sa soeur, épouse d'Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury, l'ancien précepteur du duc d'Aumale, lui permet d'entrer en 1841 au ministère des Affaires étrangères, chose alors difficile pour un jeune homme issu de la bourgeoisie dépourvu de parrainage au Département.
Attaché au sein des bureaux durant trois ans, le Thouvenel rejoint Bruxelles en 1844 puis Athènes l'année suivante comme secrétaire de légation sous les ordres de Théobald Piscatory. Remarqué « pour la maturité de son jugement et la qualité de sa correspondance politique » (1), il est, après la proclamation de la République le 24 février 1848, favorable aux idées de Louis-Napoléon Bonaparte et le fait savoir. Sa carrière bénéficie à la fois de sa proximité politique avec le bonapartisme et du rappel de nombreux diplomates orléanistes. Brièvement chargé d'affaires en 1848, il est nommé ministre plénipotentiaire l'année suivante, chargé de représenter la République auprès du roi de Grèce Othon Ier. Envoyé à Munich en 1850 où il reste à peine plus d'un an, il est promu en 1852 directeur des affaires politiques du ministère, c'est-à-dire plus haut fonctionnaire après le ministre, à seulement trente-trois ans.
À ce poste trois ans durant, Thouvenel fait preuve de remarquables qualités et d'une activité sans borne, effectuant lui-même une partie du travail de ses sous-directeurs. Craignant de voir la pensée du ministre mal formulée, il rédige lui-même la presque totalité de la correspondance politique au plus grand bénéfice du corps diplomatique qui consulte ses dépêches comme des augures. « L'intelligence de son argumentation met en difficulté les diplomates les plus avertis d'Europe (2) », tant pour le fond que pour les qualités intrinsèques de sa plume, au point que l'on parle bientôt d'un « style Thouvenel ». Ces brillantes facultés sont vites remarquées et l'intérim du ministère lui est confié lorsque le ministre, Édouard Drouyn de Lhuys, se rend plusieurs mois à Vienne en 1855. Démissionnant quelques mois plus tard sur fond de désaccord avec ce dernier, Thouvenel est nommé ambassadeur à Constantinople par Napoléon III.
Depuis les rives du Bosphore, il attire régulièrement l'attention du congrès de Paris sur la situation des provinces danubiennes, future Roumanie, qui, unies, comptent plus de quatre millions d'âmes, population plus importante que celle de divers États d'Europe. L'empire ottoman proteste alors contre la double élection d'Alexandre Couza comme hospodar de Moldavie et de Valachie, craignant que les deux principautés s'unissant, elles ne marchent de facto vers l'indépendance. La pression des puissances, notamment des ambassadeurs auprès de la Sublime Porte, l'oblige toutefois à reconnaitre la double élection. Fort peu turcophile, comme en témoignent des dépêches assez dédaigneuses à l'égard des vizirs turcs, Thouvenel tente néanmoins d'influencer le gouvernement ottoman dans la mise en oeuvre de réformes de l'État.
Élevé à la dignité de sénateur le 8 mai 1859, Édouard Thouvenel siège dans diverses commissions de la Chambre Haute et se montre assidu aux votes. Il est désigné à plusieurs reprises secrétaire et président de bureau. Il monte rarement à la tribune, sauf pour s'exprimer sur la politique extérieure, en particulier à propos de la question italienne, par exemple en 1863 lorsqu'il est entendu dans la discussion préparant le projet d'Adresse, au sujet de la question italienne (3). Nommé ministre des Affaires étrangères le 4 janvier 1860, il remplace le comte Walewski dont la conception diplomatique prudente et traditionnelle s'oppose frontalement à la politique secrète de Napoléon III au sujet de l'Italie. Thouvenel incarne en effet, au sein du corps diplomatique français, et comme il l'a montré à propos de la Roumanie, la tendance favorable à la politique des nationalités, notamment à l'égard de l'Italie. C'est avec une certaine sympathie qu'il observe les révolutions italiennes dans le sillage de la guerre franco-autrichienne de 1859 et notamment l'expédition des Mille menée par Garibaldi pour envahir le royaume des Deux-Siciles. Dans une lettre au marquis de Moustier, ambassadeur à Vienne, Thouvenel résume ainsi sa vision de l'intérêt français en Italie : « L'Italie, pendant des siècles, a été un champ ouvert à une lutte d'influence entre la France et l'Autriche. C'est ce champ qu'il faut à jamais fermer. [...] La France ne cherche pas à se substituer à l'Autriche en Italie ; c'est l'Italie elle-même qu'il s'agit de constituer comme un intermédiaire, comme une sorte de terrain désormais impénétrable à l'action tour à tour prédominante et toujours précaire de l'une ou de l'autre des deux puissances (4). »
La principale affaire du ministère Thouvenel, outre les expéditions au Liban et au Mexique, est la question italienne. Thouvenel sera le chef de file des « italianissimes ». Le ministre négocie la cession de Nice et de la Savoie à la France, contrepartie à l'alliance française. Après maintes difficultés suscitées par Cavour, le président du Conseil de Piémont-Sardaigne, ainsi que par l'Angleterre et la Suisse, les deux territoires sont officiellement rattachés à la France le 24 mars 1860. Entre 1860 et 1861, Thouvenel parvient à faire accepter à la Grande-Bretagne l'envoi d'un corps expéditionnaire français au Liban destiné à protéger les chrétiens maronites des massacres menés par les Druzes, fidèle en cela à la tradition française de protection des chrétiens d'Orient. Au cours de l'année 1862, la France s'engage dans une autre expédition, vers le Mexique cette fois, de concert avec l'Angleterre et l'Espagne dont l'objectif est de faire reconnaitre ses dettes au nouveau gouvernement républicain de Mexico.
C'est finalement sur la question italienne que chute Thouvenel. L'opinion catholique française ne pouvant accepter la remise en cause de l'intégrité du territoire pontifical, la politique italienne du régime est fortement décriée dans la presse et dans les travées du Corps législatif. La rigidité de la diplomatie italienne, refusant toute négociation avec le Saint-Siège, provoque la volte-face Napoléon III. Sa ligne désavouée, Thouvenel démissionne du ministère le 15 octobre 1862.
Sa carrière diplomatique terminée, il se retire dans sa Meuse natale jusqu'à sa nomination par décret, le 4 août 1865, à la dignité de grand référendaire du Sénat, logeant jusqu'à sa mort au petit Luxembourg. Les Archives du Sénat ne gardent aucune trace marquante de l'activité de Thouvenel concernant l'organisation du Sénat impérial (5). La Bibliothèque du Sénat conserve toutefois un autographe de sa main (6). Sa santé ayant fortement souffert de l'intensité de ses activités, il meurt au palais du Luxembourg, le 18 octobre 1866, à l'âge de quarante-huit ans.
L'abondance et la qualité de sa correspondance diplomatique a permis à son fils, Louis Thouvenel, de publier plusieurs ouvrages rédigés à partir des écrits de son père : Trois années de la question d'Orient, Le secret de l'empereur, la Grèce du roi Othon, Nicolas Ier et Napoléon III, et Épisodes d'histoire contemporaine.
Grand-croix de la Légion d'honneur, il était président du conseil d'administration du chemin de fer de l'Est ainsi que du conseil général de la Meuse (7).
Bibliographie
Yves Bruley, Le Quai d'Orsay impérial, Paris, Pedone, 2015.
Yves Bruley « Thouvenel » dans Jean Tulard (dir.), Dictionnaire des ministres des Affaires étrangères, Paris, Fayard, 2004.
Lynn M. Case, Édouard Thouvenel et la diplomatie du Second Empire, trad. Guillaume de Bertier de Sauvigny, Paris, Pedone, 1976.
Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891
Annales du Sénat et du Corps législatif, sessions de 1859 à 1866, Bibliothèque du Sénat.
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(1) Yves Bruley, Le Quai d'Orsay impérial, Paris, Pedone, 2015, p. 87-88.
(2) Ibid, p. 89.
(3) Voir Annales du Sénat et du Corps législatif, années 1859 à 1866, Bibliothèque du Sénat.
(4) Lettre du 24 janvier 1860, Archives diplomatiques, Papiers Moustier, 231PAAP, volume 1.
(5) Voir les cotes 266S 5 (registre de correspondance du grand référendaire, du 5 février 1852 au 27 décembre 1869) et 573S 88 (obsèques de Thouvenel, fonds de l'architecture), Archives du Sénat.
(6) Source Victor Frond, Panthéon.
(7) Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891.
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Biographie extraite du dictionnaire « Robert et Cougny » :
THOUVENEL (ÉDOUARD-ANTOINE), sénateur du Second Empire et ministre, né à Verdun (Meuse) le 11 novembre 1818, mort à Paris le 18 octobre 1866, fit son droit, voyagea en Autriche et en Hongrie, et entra en 1839 dans les bureaux du ministère des Affaires étrangères. Attaché à la légation de France à Bruxelles (1844), il devint (1845) secrétaire de légation à Athènes, puis chargé d'affaires auprès du même gouvernement. Il eut à lutter, dans ce poste contre l'influence de l'Angleterre, et fut relevé de ses fonctions à la révolution de février; mais il retourna à Athènes en 1849 avec le titre de ministre plénipotentiaire. Ministre de France en Bavière (1-850), M. Thouvenel ne resta, que peu de temps à Munich, et fut bientôt appelé par L.-N. Bonaparte à prendre, au ministère des Affaires étrangères, la direction des affaires politiques. Lorsque M. Drouyn de Lhuys fut désigné pour aller prendre part aux conférences de Vienne, ce fut à M. Thouvenel que l'empereur confia l'intérim du ministère. En 1855, au milieu de la guerre d'Orient, il fut nommé ambassadeur à Constantinople, y resta cinq ans, entra au Sénat le 8 mai 1859, et fut nommé ministre des Affaires étrangères le 4 janvier 1860. Le traité de commerce avec la Belgique, l'annexion de la Savoie et de Nice, les expéditions de Syrie et de Chine, la chute de François II, les entreprises de Garibaldi, les négociations avec Rome marquèrent son passage au pouvoir. Démissionnaire le 15 août 1862 à l'occasion des modifications que subit alors la politique française en Italie, il expliqua à la tribune du Sénat, à la session suivante, les motifs de sa retraite : « Ceux qui faussent la politique de l'empereur, dit-il, sont ceux qui ne comprennent pas que Victor-Emmanuel peut seul représenter le principe d'ordre en Italie; qui rêvent je ne sais quelle restauration chimérique contre laquelle protestent trente mille Français morts, et qui oublient qu'un ministre sans portefeuille disait ici, l'année dernière, que l'unité italienne était un fait accompli. » Le 4 août 1865, il fut élevé à la dignité de grand référendaire du Sénat, en emplacement du général marquis d'Hautpoul. Il mourut au palais du Luxembourg, le 18 octobre 1866. Grand-croix de la Légion d'honneur, le 4 juin 1860, lors de l'annexion de Nice et de la Savoie à la France, président du conseil d'administration du chemin de fer de l'Est, et membre et président du conseil général de la Meuse. On a de lui : La Hongrie et la Valachie, souvenirs de voyages (1840).
Extrait du « Dictionnaire des Parlementaires français », Robert et Cougny (1889)
Extrait de la table nominative
Résumé de
l'ensemble des travaux parlementaire
de Édouard-Antoine THOUVENEL
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