- État civil :
- Né le 2 janvier 1897
Décédé le 7 novembre 1991
Ancien sénateur de la Communauté
Accéder à la notice de Gaston MONNERVILLE sous la Ve République
Accéder à la notice de Gaston MONNERVILLE sous la IVe République
Elu le 8 juillet 1959
Fin de mandat le 16 mars 1961
Sénat de la République francaise
Groupe de l'Alliance pour l'unité de la Communauté et Gauche démocratique
Président du Sénat
Député de la deuxième Assemblée nationale constituante
Membre de la Chambre des députés
1940-1958 (Extrait du Dictionnaire des parlementaires français)
Ve République (Extrait du Dictionnaire des parlementaires français)
1889-1940
MONNERVILLE (GASTON, CHARLES, FRANÇOIS), né le 2 janvier 1897 à Cayenne (Guyane).
Député de la Guyane de 1932 à 1942.
Sous-secrétaire d'Etat aux colonies du 22 juin 1937 au 13 mars 1938.
Fils d'un fonctionnaire de l'administration coloniale, Gaston Monnerville est d'abord élève du collège de Cayenne, sa ville natale; il est reçu, en 1912, au concours des bourses métropolitaines et vient à Toulouse pour y achever, au lycée Bernuy, ses études secondaires comme boursier du gouvernement.
Etudiant aux Facultés de lettres et de droit de Toulouse, il passe à la fois sa licence ès lettres et sa licence en droit avec félicitations du jury. C'est également avec félicitations du jury qu'il est reçu, en 1921, docteur en droit, après avoir soutenu une thèse sur L'enrichissement sans cause.
Dès 1918 Gaston Monnerville s'inscrit au barreau de Toulouse. Reçu en 1921 au concours des secrétaires de la conférence, il prononce à une séance solennelle de rentrée, un discours remarqué sur « La critique et le droit de réponse ».
Ayant obtenu toutes les satisfactions que peut apporter un barreau de province à un jeune avocat, Gaston Monnerville quitte Toulouse et vient s'inscrire en 1921 au barreau de Paris. Il devient le principal collaborateur du célèbre avocat, César Campichi ; il devait le rester pendant huit ans.
En 1923 il est reçu au concours des secrétaires de la conférence des avocats à la cour d'appel de Paris et, en 1927, il est élu président de l'union des jeunes avocats.
Gaston Monnerville plaide plusieurs grands procès, en particulier celui de l'affaire Galmot où il fit acquitter, devant la cour d'assises de Nantes, les Guyanais qui y avaient été traduits à la suite des incidents de Cayenne en 1928.
C'est à la suite de ce procès retentissant que ses compatriotes lui demandent de se présenter en Guyane contre le député sortant, Eugène Lautier.
Elu au premier tour de scrutin en 1932, il est réélu en 1936, après avoir été élu maire de Cayenne en 1935. Pendant ses années d'études toulousaines, Gaston Monnerville avait fondé et animé un groupe d'étudiants républicains qui défendait dans les milieux universitaires l'idéal démocratique quotidiennement exposé dans La Dépêche de Toulouse par « Pierre et Paul » et l'équipe des Yvon Delbos, François de Tessan, Maurice Colrat, Guglielmo Ferrero et de bien d'autres qui illustrèrent par la suite le Parlement ou la presse.
Inscrit dès cette époque au parti radical et radical-socialiste, Gaston Monnerville resta toujours fidèle à son parti. Au congrès de Marseille en 1938, il en était élu vice-président.
Deux fois sous-secrétaire d'Etat aux colonies dans les 3e et 4e cabinets Chautemps, sa connaissance des questions internationales et d'outre-mer le font choisir comme membre de la délégation française à la conférence du Pacifique qui a lieu à Bruxelles en 1937 lors de l'agression du Japon contre la Chine.
A la Chambre il siège à la commission de l'Algérie et à la commission de la législation civile et criminelle au nom desquelles il rapportera de nombreux projets de loi.
Ses interventions en séance porteront essentiellement sur les affaires d'outre-mer.
En septembre 1939 n'étant pas mobilisable comme parlementaire âgé de plus de quarante ans, Gaston Monnerville déposa avec cinq de ses collègues sur le Bureau de la Chambre des députés une proposition de loi permettant aux parlementaires de contracter un engagement volontaire. Un décret-loi lui donna satisfaction et il s'engagea dans la marine.
Il navigua sur le cuirassé Provence de janvier à juillet 1940. Le 3 juillet 1940 son bâtiment se trouva mêlé à l'affaire de Mers-el-Kébir.
Il ne put, de ce fait, prendre part au vote du 10 juillet 1940 à Vichy.
Extrait du « Dictionnaire des Parlementaires français », Jean Jolly (1960/1977)
1940-1958
MONNERVILLE (Gaston, Charles, François)
Né le 2 janvier 1897 à Cayenne (Guyane)
Décédé le 7 novembre 1991 à Paris
Député de la Guyane de 1932 à 1942
Sous-secrétaire d'Etat aux colonies du 22 juin 1937 au 13 mars 1938
Député à la première et à la seconde Assemblée nationale constituante (Guyane)
Conseiller de la République de Guyane de 1946 à 1948
Sénateur du Lot de 1948 à 1958
(Voir la première partie de sa biographie dans le Dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, Tome VII, p. 2492)
Engagé dans la marine, et embarqué à ce titre de janvier à juillet 1940 sur le cuirassé Provence, à bord duquel il participe aux combats de Mers-el-Kébir, Gaston Monnerville ne prend pas part au vote de la loi du 10 juillet 1940. Démobilisé le 17 juillet 1940, il se rend à Vichy pour protester contre l'armistice et la situation faite aux originaires d'outre-mer par le gouvernement du maréchal Pétain. Joignant l'acte à la parole, Gaston Monnerville milite, dès l'hiver 1940-1941, dans le mouvement Combat. Avocat à Marseille, il défend de nombreuses personnes poursuivies pour délit d'opinion ou d'origine raciale. Ceci lui vaut d'être, à plusieurs reprises, inquiété et arrêté par la police.
A partir de l'invasion de la zone libre, il rejoint et participe activement, sous le nom de commandant Saint-Just, aux maquis d'Auvergne d'octobre 1942 à octobre 1944. Il s'établit avec son épouse à Cheylade, dans le Cantal. Il y assure les fonctions d'agent de liaison entre les réseaux de Lozère, de l'Ardèche et du Gard. De juin à août 1944, il administre, toujours avec son épouse, l'hôpital militaire FFI de Cheylade qu'ils ont créé. En septembre 1944, il prend part aux opérations du « bec d'Allier », avant d'être démobilisé à la fin du mois. En récompense de son courage et de son patriotisme, il reçoit à la Libération la croix de guerre 1939 1945 et la rosette de la Résistance. Il est nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1947. Fidèle au souvenir de la Résistance auvergnate, il retournera souvent dans la région pour y présider des céré monies commémoratives ou y honorer la mémoire de compagnons disparus.
Désigné par le parti radical, il siège à partir de novembre 1944 à l'Assemblée consultative provisoire. Il y préside la commission de la France d'outre-mer. Il a ainsi l'honneur de célébrer la victoire des Alliés au nom des populations de l'Union française, au cours de la séance solennelle du 12 mai 1945. Il prononce à cette occasion un discours qui reste le plus bel hommage rendu par un des leurs aux soldats d'au-delà des mers. Parallèlement, il a rouvert son cabinet d'avocat.
En 1945, le gouvernement provisoire de la République française appelle Gaston Monnerville à la présidence de la commission chargée de préparer le futur statut politique des territoires d'outre-mer. En compagnie de nombreuses personnalités, il y dessine le futur cadre constitutionnel de l'Union française, et y prépare la représentation parlementaire, pour la première fois, de toutes les populations d'outre-mer.
Le 21 octobre 1945, il est élu, au premier tour par 3 298 voix contre 1 393 à Albert Darnal, député de la Guyane à la première Assemblée nationale constituante. Il rejoint naturellement le groupe radical-socialiste et suscite la création d'un intergroupe des élus d'outre-mer. Il est envoyé comme délégué de la France à la première session de l'ONU à Londres en janvier 1946. Au Palais-Bourbon, il prend une part déterminante dans la transformation de la Martinique, de la Guyane, de la Guadeloupe et de la Réunion en départements d'outre-mer. Il reprend également son ancien projet de création d'un fonds colonial, et dépose en ce sens une proposition de loi en mars 1946, qu'il rapporte. Elle débouchera le 30 avril suivant sur l'adoption de la loi créant le fonds de développement économique et social des territoires d'outre-mer (FIDES). Il est réélu député à la seconde Constituante en 1946, mais pour la première fois doit attendre le deuxième tour, où il obtient 3 493 voix contre 1087 à Constant Chlore, maire communiste de Cayenne, et 1 670 à René Jadfard.
Cette intense activité l'ayant tenu loin de son département de la Guyane - il s'y rend cependant en octobre 1945, mai 1946 et novembre 1946 - mais aussi en raison de certains intérêts guyanais mécontentés par son combat pour la fermeture du bagne de Cayenne, il est battu au premier tour des élections législatives de novembre 1946 par René Jadfard, obtenant 3 007 voix contre 3372 à son adversaire. Alors qu'il se trouve en France et qu'il n'a pas fait acte de candidature, il est cependant élu le 15 décembre suivant au Conseil de la République à l'unanimité des 10 votants.
Inscrit au groupe du Rassemblement des gauches républicaines, il est nommé vice-président du Conseil de la République. Il est également nommé aux commissions de la France d'outre-mer, et des moyens de communication et des transports. Il prend part aux discussions du projet de loi portant fixation de la date légale de cessation des hostilités et du projet de budget de reconstruction. Le 14 mars 1947, suite au décès prématuré, le 6 mars, d'Auguste Champetier de Ribes, Gaston Monnerville est porté, par 141 voix contre 131 au communiste Henri Martel, à la présidence de la Haute Assemblée, qu'il ne devait plus quitter tout au long de la IVe République. Il bénéficie alors du ralliement du groupe MRP à sa candidature et de nombreuses voix personnelles.
Dès lors, il s'attelle avec ardeur à sa fonction, présidant pas moins de 68 séances pour la seule année 1947. Ses collègues apprécient l'objectivité, la compétence et la dimension personnelle de sa présidence de leurs débats. Conformément aux usages, il s'abstient de tout travail législatif, hormis pour les sujets qui lui tiennent personnellement à coeur, comme sa proposition de loi tendant à réformer le FIDES en 1948, ou sur quelques questions particulières. En revanche, il multiplie les interventions en tant que président du Conseil de la République. Son art oratoire forgé au barreau, reconnu et apprécié de tous, trouve ainsi de nombreuses matières pour exceller, à commencer par les exercices difficiles des éloges funèbres. Gaston Monnerville sait à chacune de ses interventions mettre en avant les qualités humaines et le dévouement au bien public de ceux dont il évoque la mémoire. De même, lors de ses traditionnels discours de remerciements à l'issue de ses réélections, ou de clôture des sessions, il sait s'effacer devant la collégialité de l'Assemblée, et commenter avec hauteur les événements les plus préoccupants que connaît le pays.
Après les mises en cause du bicamérisme et au vu de la place réduite accordée au Conseil de la République par la Constitution de 1946, Gaston Monnerville s'attachera tout au long de sa présidence à défendre le rôle et les pouvoirs de son assemblée. Selon les mots de Léon Blum, il lui faut créer la « jurisprudence du Conseil de la République » pour en faire un rouage essentiel de la IVe République.
Dès les premiers mois de son mandat, il doit faire face au climat politique très difficile provoqué par le départ, en mai 1947, des ministres communistes du gouvernement. Il préside notamment des séances très houleuses, fait rarissime au Palais du Luxembourg à cette époque, notamment lors de l'examen du projet de loi sur la protection des libertés et la défense du travail. Il fait preuve à ces occasions d'une grande fermeté, renforçant l'estime que lui portent ses collègues.
En juin 1948, il saisit le comité consultatif constitutionnel sur l'usage abusif fait, selon lui, de la procédure d'urgence par l'Assemblée nationale, qui revenait à priver le Conseil de son pouvoir d'avis sur les textes législatifs. Le comité donna alors raison au président du Conseil de la République, contraignant l'Assemblée à prévoir un délai pour l'exercice de cet avis, et marquant surtout un coup d'arrêt à une pratique monocamérale des institutions. Dès lors, le Conseil de la République peut commencer à retrouver toute sa place de seconde chambre. Signe de cette volonté, il modifie, le 16 décembre 1948, son règlement intérieur pour restaurer le titre de sénateur. En juin 1949, sont introduites les questions orales avec débat. Dans le courant de la même année, une navette de fait se met en place entre les deux chambres. Les ministres se font plus présents au Palais du Luxembourg, en commission comme en séance publique. Enfin, le point d'orgue de cette reconquête, par la Haute Assemblée, de sa place dans les institutions, orchestrée par Gaston Monnerville, est la révision constitutionnelle du 7 décembre 1954. Elle rétablit la navette entre les deux chambres et le droit d'initiative des sénateurs en matière législative. Elle institue le droit, pour le Conseil de la République, d'examiner en première lecture les propositions déposées par ses membres. Elle rouvre la possibilité, pour le gouvernement, de déposer ses projets en première lecture sur le bureau de l'une ou l'autre des deux assemblées. Le Conseil de la République redevient ainsi une assemblée législative effective.
En 1948, instruit par son échec aux législatives de 1946 sur les dangers de l'éloignement, il abandonne la Guyane et, sur les conseils d'Henri Queuille, se présente aux élections au Conseil de la République dans le Lot, où un nouveau siège de membre du Conseil vient d'être créé, sur la liste du RGR d'union républicaine de défense paysanne. Au premier tour, il réunit 278 voix sur 576. Après avoir fait alliance avec le conseiller de la République MRP sortant Pierre Boudet, il est élu au second tour par 324 voix sur 571. Il sera réélu sur la liste d'union républicaine et de défense paysanne, en juin 1955, dès le premier tour par 376 voix sur 563. Il s'implantera rapidement dans son département d'élection puisqu'il sera élu conseiller général du nouveau canton de Sousceyrac en 1949 et deviendra président du conseil général en 1951.
Quoique élu du Lot à partir de 1948, Gaston Monnerville, loin de rompre tout lien avec l'outre-mer, reste très attaché aux questions coloniales et au souvenir de l'esclavage. Il obtient ainsi en 1949 le transfert au Panthéon des cendres de Victor Schoelcher et de Félix Eboué. De même, il multiplie les visites privées ou publiques outre-mer, aux Antilles comme en Afrique occidentale et équatoriale françaises. En 1950, il représente la France aux cérémonies du deuxième centenaire de la fondation de Port-au-Prince. De même, En septembre 1957, le gouvernement l'envoie expliquer aux pays d'Amérique latine la position de la France en Algérie. Souvent Gaston Monnerville eut ainsi souvent pour mission de montrer que la France n'était pas un pays esclavagiste et colonialiste. Malgré ses fonctions officielles, il se montre très attentif aux travaux de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme, ainsi qu'à ceux de son parti. Fidèle à la mémoire de son ancien patron et ami, il assure les fonctions de secrétaire général de la société des amis de César Campinchi.
Le président du Conseil de la République se trouve naturellement en première ligne lors de la crise de mai 1958. Dans la nuit du 28 au 29 mai 1958, Gaston Monnerville accompagne André Le Troquer, président de l'Assemblée nationale, à la demande du Président de la République, auprès du général de Gaulle, « afin de bien connaître ses intentions réelles » comme il l'écrira dans ses mémoires. Si l'entretien est difficile quant aux conditions d'investiture du président du Conseil pressenti, Gaston Monnerville joue le rôle de modérateur et est heureux de voir l'accord de points de vue qu'il partage avec le général de Gaulle sur la question de l'avenir de l'outre-mer.
En tant que président du Conseil de la République, conformément à l'usage, il ne prend pas part aux votes sur le projet de loi relatif aux pleins pouvoirs et sur la révision constitutionnelle, les 2 et 3 juin 1958.
Quoique n'appartenant pas au comité consultatif constitutionnel, il se montre extrêmement vigilant à ses travaux durant l'été 1958, coordonnant l'action des sénateurs qui y siègent et ne manquant pas de faire valoir ses points de vue au garde des sceaux Michel Debré pour donner à la Haute Assemblée une place importante dans la nouvelle Constitution. Satisfait de l'équilibre ainsi obtenu, il plaide pour l'adoption de celle-ci.
Ve République
MONNERVILLE (Gaston, Charles, François)
Né le 2 janvier 1897 à Cayenne (Guyane)
Décédé le 7 novembre 1991 à Paris
Député de la Guyane de 1932 à 1942
Sous-secrétaire d'Etat aux colonies du 22 juin 1937 au 13 mars 1938
Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Guyane)
Conseiller de la République de Guyane de 1946 à 1948
Sénateur du Lot de 1948 à 1974
Président du Conseil de la République, puis du Sénat de 1947 à 1968
(Voir première partie de la biographie dans le dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, tome VII, p. 2492 ; et dans le dictionnaire des parlementaires français 1940-1958, tome V, p. 442-444)
Gaston Monnerville ne participe pas directement à la rédaction de la Constitution de la Ve République, mais il ne ménage pas ses conseils à ceux qui, à l'instar du garde des Sceaux Michel Debré, s'y consacrent pendant l'été 1958. Particulièrement satisfait de la création de la « Communauté » et du rééquilibrage des pouvoirs entre la Chambre haute et la Chambre basse, il appelle à voter « oui » au référendum du 28 septembre 1958. Quelques mois plus tard, le renouvellement du Sénat apparaît comme une des dernières étapes dans la mise en place du nouveau régime. Le résultat de ces élections déçoit pourtant les gaullistes, car plusieurs des « battus » des législatives de novembre 1958 font leur retour au Parlement à cette occasion : c'est le cas de François Mitterrand, de Gaston Defferre et d'Edgar Faure, par exemple. Pour sa part, c'est sans difficulté que Gaston Monnerville est réélu sénateur du Lot ce 26 avril 1959. Il n'a d'adversaire que communiste et l'emporte dès le 1er tour avec 439 suffrages de grands électeurs sur 511 (85,9%). Il est confirmé dans ses fonctions de président du Sénat dès le 28 avril 1959 et reste fidèle au groupe de la Gauche démocratique.
L'ancien sous-secrétaire d'Etat aux colonies du gouvernement de Camille Chautemps est en outre désigné pour siéger au Sénat de la Communauté le 8 juillet 1959, puis porté à la présidence de cette assemblée. C'est précisément sur le terrain des relations entre la métropole et les anciennes colonies d'Afrique noire que Gaston Monnerville éprouve ses premières déconvenues en 1959-1960. Il ne peut en effet que constater, impuissant, que la notion de Communauté est progressivement vidée de son contenu, à mesure que les territoires choisissent de prendre leur indépendance pleine et entière. Les gaullistes portent, selon lui, une part de responsabilité dans cette évolution : l'ambition de construire un « Commonwealth à la française » leur aurait fait défaut. En 1959, la rédaction du nouveau règlement du Sénat donne lieu, en outre, à d'importantes frictions entre une Haute assemblée soucieuse de ses prérogatives et un exécutif qui souhaite encadrer très strictement le contrôle parlementaire. Gaston Monnerville respecte l'usage qui veut que le président du Sénat ne prenne pas part aux scrutins sur les projets et propositions de lois, mais son sentiment n'est guère éloigné de celui de ses collègues qui, le 21 décembre 1959, rejettent d'abord le budget préparé par le gouvernement Debré, puis l'approuvent deux jours plus tard, après que le texte a été amendé. Le second personnage de l'Etat regrette que le Sénat ne soit pas consulté sur la politique générale de la France, alors que l'article 49 de la Constitution le permet.
De par ses fonctions, Gaston Monnerville incarne donc dès les débuts de la Ve République un Sénat frondeur et critique à l'égard de la politique gaullienne. Cette posture se mue en opposition franche, voire radicale en septembre 1962. Le président de la République, qui a échappé à un attentat le 22 août 1962, souhaite donner à ses successeurs une autorité suffisante pour exercer pleinement les prérogatives du chef de l'Etat. Il faut pour cela, selon lui, que le président de la République soit élu au suffrage universel direct. Le général de Gaulle annonce qu'il soumet ce projet à référendum, lors d'un discours radio et télédiffusé, le 20 septembre 1962. L'exécutif se « dispense » à cette occasion de consulter les Chambres. L'article 89 de la Constitution de la Ve République prévoit pourtant que le Parlement examine les projets de consultation référendaire ayant trait à la loi fondamentale ; mais le président de la République et le gouvernement de Georges Pompidou s'appuient, eux, sur l'article 11 de la Constitution.
Le débat s'engage alors sur le terrain juridico-politique. L'ensemble des formations politiques, à l'exception des gaullistes et d'une fraction des Indépendants, dénonce une interprétation spécieuse de la Constitution. Beaucoup de parlementaires redoutent en outre que la « présidentialisation » du régime s'accélère avec cette réforme. Gaston Monnerville se fait le porte-parole de ces opposants dans un discours prononcé à Vichy, lors du congrès du Parti radical, le 29 septembre 1962. De la critique très serrée qu'en bon juriste il développe contre la procédure de révision constitutionnelle, les journalistes retiennent un mot, celui de « forfaiture ». Le président du Sénat l'a utilisé pour qualifier l'attitude du Premier ministre Georges Pompidou. Mais l'acception traditionnellement administrative ou militaire du mot conduit la presse à l'appliquer, par glissement, au chef de l'Etat. La rupture entre le général de Gaulle et l'ancien résistant qu'est Gaston Monnerville est dès lors définitive, au point que le natif de Cayenne fait figure de « premier opposant de France » en considération de ses responsabilités. Réélu triomphalement à la présidence du Sénat quelques jours plus tôt, Gaston Monnerville redit sa double opposition au référendum, de forme et de fond, dans un discours prononcé au Palais du Luxembourg le 9 octobre 1962. Il n'hésite pas à employer des mots très durs pour condamner l'attitude des gouvernants : c'est qu'à ses yeux « le jeu normal des institutions est faussé, la Constitution [...] violée ouvertement, le peuple [...] abusé ». Ses collègues décident de faire afficher ce discours dans toutes les mairies de France. Plus de 62% des Français approuvent cependant l'élection du président de la République au suffrage universel direct lors du scrutin du 28 octobre 1962.
Entre 1962 et 1968, les rapports entre le Sénat et l'exécutif sont très dégradés, ou limités à ce que le bon fonctionnement des institutions exige. Gaston Monnerville n'abandonne plus le rôle de censeur du régime. Il n'est plus reçu à l'Elysée qu'aux occasions prévues par la Constitution de la Ve République. Les séances du Sénat ne se déroulent souvent qu'en présence de secrétaires d'Etat peu au fait des questions examinées. Le dédain de l'exécutif indigne certes la majorité des sénateurs, mais d'aucuns considèrent déjà, notamment chez les Indépendants ou les centristes, qu'un changement à la présidence de la Haute assemblée permettrait de « débloquer » la situation. Le renouvellement du Sénat, le 26 septembre 1965, pourrait en être l'occasion. Maire de Saint-Céré et président du Conseil général, Gaston Monnerville bénéficie à cette occasion du soutien de plus de 9 grands électeurs lotois sur 10 (92,3%) dès le 1er tour de scrutin. Quelques jours plus tard, la candidature du modéré Georges Portmann, professeur de médecine et élu de la Gironde, complique sa réélection à la présidence du Sénat. Le succès finalement acquis au 1er tour, avec 127 voix sur 250, ne fait pas oublier les réserves nouvelles qui se sont exprimées avant le scrutin. Gaston Monnerville, parce qu'il est considéré comme un opposant irréductible au général de Gaulle, ne tient plus aussi bien lieu de « point d'équilibre » entre les différentes sensibilités de la Haute assemblée qu'auparavant. Son humanisme, sa hauteur de vues et sa fine connaissance du règlement sont néanmoins reconnus et appréciés par tous. Il préside aux travaux du Sénat avec beaucoup de sang-froid et de compétence, en particulier pendant les événements de mai 1968. Jusqu'au Palais du Luxembourg montent alors les slogans et revendications d'une jeunesse impatiente de bousculer l'ordre établi. Gaston Monnerville interprète ce mouvement comme une conséquence du refus de l'exécutif de dialoguer avec la société et de reconnaître des contre-pouvoirs. Il réprouve discrètement certaines des violences exercées à l'encontre des manifestants, en particulier au début du mois de mai. Espère-t-il un temps que la déstabilisation du régime conduise le général de Gaulle à démissionner, ce qui lui permettrait d'exercer l'intérim de la présidence de la République ? C'est possible. Mais sa principale préoccupation demeure la sécurité du Palais et du jardin du Luxembourg pendant ces journées de trouble. Le théâtre de l'Odéon, qu'occupe un collectif d'étudiants, d'artistes et de travailleurs à la fin du mois de mai, n'est en effet séparé du Sénat que par la rue de Vaugirard... En mai 1968 paraît aussi une biographie que le président du Sénat prépare depuis de nombreuses années : celle de Georges Clemenceau, un de ses modèles en politique.
Après le retour à l'ordre de l'été 1968 s'annonce une nouvelle bataille politique. Le général de Gaulle a l'intention de consulter le pays sur un projet de réforme du Sénat et de régionalisation. Alors que la date du référendum est encore inconnue, beaucoup considèrent que Gaston Monnerville n'est pas le mieux placé pour conduire cette bataille en tant que président du Sénat. L'élu du Lot souhaite en outre retrouver sa pleine liberté de parole et ne se présente pas à sa propre succession de président du Sénat à l'automne 1968. Le centriste Alain Poher le remplace alors. Gaston Monnerville mène une campagne très active en faveur du « non » au référendum du 27 avril 1969. Il dénonce dans le projet de réforme du Sénat une atteinte aux valeurs républicaines et critique plus globalement les orientations suivies depuis 1958, notamment en matière de politique étrangère. La victoire du « non » par 52,4% des suffrages exprimés répond aux attentes de Gaston Monnerville. Son successeur Alain Poher échoue cependant, aux élections présidentielles, face à Georges Pompidou, quelques semaines plus tard : l'après-gaullisme s'ouvre donc sous les auspices de la fidélité au général de Gaulle.
Après avoir présidé le Sénat pendant 21 ans, l'enfant de Cayenne retrouve le quotidien d'un sénateur presque comme les autres à la fin des années 1960. Il est considéré comme un « grand ancien » même si son âge n'en fait pas un des doyens de la Haute assemblée. Il participe aux travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées jusqu'au printemps 1973, puis rejoint la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation. Profondément humaniste, Gaston Monnerville poursuit au Parlement son combat de toujours en faveur des droits de l'homme et contre les discriminations. L'examen de sa question orale relative à la non-ratification par la France de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme lui permet, le 16 juin 1970, de donner à nouveau la mesure de son exceptionnel talent oratoire. Il observe en premier lieu que « tous les pays signataires ont ratifié cette convention sauf un, la France ». Pour expliquer ce retard, les gouvernements successifs ont invoqué des motifs d'ordres juridique et politique. Gaston Monnerville estime que « les adversaires de la ratification [...] grossissent artificiellement » le premier obstacle. La jurisprudence a en effet, dès cette époque, dégagé des voies permettant de concilier la conception « française » de la garde à vue et les exigences européennes en matière de libertés publiques. Aussi l'ancien président du Sénat fait-il mine de s'interroger sur « les raisons exactes » des réticences gouvernementales. En l'espèce, le « motif d'indépendance nationale » lui apparaît comme un « terme ... amphigourique ... et peut-être trop commode ... qui mériterait d'être pleinement clarifié ». Il craint que le recours à ce vocable ne soit qu'une façon d'habiller « la vieille conception périmée et attardée de la souveraineté rigide, absolue des Etats, source de trop malentendus entre les peuples et parfois [...] de trop de guerres ».
Un an plus tard, il défend, en qualité de rapporteur, un projet de loi autorisant l'adhésion de la France à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Cette convention a été adopté par l'Assemblée générale des Nations unies au cours de sa vingtième session, à la quasi-unanimité, le 21 décembre 1965. Les pays signataires s'engagent notamment à proscrire de leur territoire « la ségrégation raciale et l'apartheid ou toutes pratiques de cette nature » de leur territoire. Gaston Monnerville rappelle que la France s'est dotée dès 1939, avec le décret-loi Marchandeau, d'un cadre juridique pour lutter contre les discriminations. Ce texte lui paraît pourtant insuffisant ; il n'établit pas la recevabilité des plaintes déposées par des personnes morales si elles n'ont pas subi de préjudice direct. Au-delà des règles de droit, le sénateur du Lot appelle solennellement les gouvernements du monde entier à faire reculer le racisme en développant l'éducation. Il ajoute qu'« il faut commencer cette éducation, cette information dans la jeunesse dès l'école », car « c'est en apprenant qu'ils sont égaux que les enfants deviendront fraternels » (séance du 18 mai 1971). Après la publication au Journal officiel de la loi autorisant la ratification de cette convention, Gaston Monnerville se montre très vigilant quant au devenir et à l'application du texte (séance du 1er décembre 1971). Le 9 mai 1972, il dépose ainsi sur le bureau du Sénat une proposition de loi tendant à la répression de toutes formes de discrimination et de ségrégations raciales, ethniques ou religieuses. A peine quelques semaines plus tard, la Haute assemblée est saisie d'un texte proche, dans sa philosophie comme dans son équilibre, de celui de Gaston Monnerville. Modeste ou amusé, celui-ci feint de se demander « dans quelle mesure le dépôt d'une proposition de loi au Sénat a ou n'a pas animé la volonté d'action de [ses] collègues de l'Assemblée nationale » (séance du 22 juin 1972). Gaston Monnerville ne peut manquer de saluer l'aboutissement que représente l'examen, par le Sénat, d'un projet de loi autorisant la ratification par la France de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 30 octobre 1973. Il use pour ce faire d'une expression d'« allégresse populaire » et s'exclame avec humour : « tant crie-t-on après Noël qu'enfin il arrive ! ».
Au début de l'été 1973, l'ancien président du Sénat dépose une proposition de loi visant à modifier le régime financier des collèges. Les hautes fonctions qu'il a occupées ne le dissuadent pas de s'acquitter de celles, plus modestes mais très exigeantes, de rapporteur du budget des affaires culturelles pour 1974. Il considère en effet comme « un honneur caractérisé » de s'exprimer au nom de la commission des finances du Sénat. Ce parlementaire particulièrement chevronné se livre à un examen nuancé et précis des différents chapitres budgétaires. Il s'étonne, par exemple, que le ministère de la Culture contribue aux frais du défilé du 14 juillet. Cette répartition des charges budgétaires ne lui semble en effet pas de bonne méthode, même s'il demande à ses collègues d'approuver le budget des affaires culturelles dans son ensemble (séance du 7 décembre 1973).
Gaston Monnerville s'est toujours considéré comme un homme de progrès, attaché aux valeurs du libéralisme politique et du parlementarisme, ennemi des sectarismes et des exclusives. Il juge néanmoins que ces valeurs d'ouverture se retrouvent plus fréquemment à « gauche » qu'à « droite ». Aussi apporte-t-il son soutien à ceux des radicaux qui, derrière Maurice Faure et Robert Fabre, quittent le parti de la place de Valois en 1972 pour pouvoir s'associer au Programme commun de la gauche. Il s'oppose à la création des régions lors du vote au Sénat sur cette question, le 29 juin 1972, mais devient ensuite membre du Conseil régional de Midi-Pyrénées. Gaston Monnerville commence toutefois à prendre ses distances à l'égard de la politique « active » à cette époque. Après avoir laissé la présidence du Conseil général du Lot à Maurice Faure en 1970, il renonce à se présenter aux élections cantonales en 1973, alors qu'il représentait le canton de Sousceyrac à l'Assemblée départementale depuis 1949, secteur du Haut-Quercy proche de l'Auvergne, région à laquelle Gaston Monnerville reste attaché pour y avoir été actif dans la Résistance.
Le président du Sénat Alain Poher nomme son prédécesseur au Conseil constitutionnel le 29 février 1974. L'article 57 de la Constitution française établissant l'incompatibilité entre un mandat parlementaire et les fonctions de membre du Conseil constitutionnel, en acceptant cette responsabilité, Gaston Monnerville met donc un terme à sa très longue carrière parlementaire. Sa nomination surprend néanmoins les observateurs. Outre qu'Alain Poher se reconnaît désormais dans la majorité, alors que Gaston Monnerville soutient le Programme commun, ce dernier avait critiqué en 1962 le Conseil constitutionnel après que l'institution s'était déclarée incompétente pour juger de la constitutionnalité d'un référendum. L'ancien président du Sénat prend au sérieux ses nouvelles fonctions. Avocat de profession, attaché au respect des règles de droit, il se considère comme astreint à une certaine obligation de réserve et ne s'exprime plus guère dans la presse après 1974, sinon pour défendre l'institution du Palais-Royal. Il accorde une attention toute particulière à la question des compétences des collectivités d'outre-mer, dans le cadre des débats du Conseil constitutionnel. Il y est très écouté, à l'instar du président Roger Frey ou de l'ancien ministre Paul Coste-Floret, autres anciens acteurs de la vie politique. En 1983, Gaston Monnerville quitte le Conseil constitutionnel.
Après avoir livré ses souvenirs dans deux ouvrages publiés en 1975 et 1980, il donne de nombreuses conférences dans les années 1980. Les premières atteintes de la maladie ne le privent pas de sa lucidité, ni de sa mémoire exceptionnelles. Il meurt à l'automne 1991, âgé de 94 ans.
La presse française résume alors son existence d'une formule : Gaston Monnerville serait « l'homme qui a dit « non » à de Gaulle ». Ceux qui l'ont bien connu complètent ce portrait en louant l'humanisme et la droiture de l'ancien deuxième personnage de l'Etat. Henri Caillavet, qui présida longtemps la Fraternelle parlementaire, voit ainsi en Gaston Monnerville un « citoyen aux choix lucides », qui avait « le courage tranquille du patriote », là où son cadet Maurice Faure se souvient d'un « homme de rigueur, tout d'un bloc, sans failles » et son ancien collègue Etienne Dailly d'un « grand humaniste, [...] fin lettré ». Une Société des amis du président Gaston Monnerville est fondée peu après son décès. L'objectif en est notamment de « contribuer à la défense des idées » de l'ancien élu de la Guyane et du Lot.
Gaston Monnerville était officier de la Légion d'honneur, commandeur des Arts et Lettres, médaillé de la Résistance, et titulaire de la Croix de guerre 1939-1945. Une esplanade porte désormais son nom à Paris.
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