COM (2000) 324 final
du 23/05/2000
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 19/12/2002
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 31/05/2000Examen : 20/10/2000 (délégation pour l'Union européenne)
Politique de coopération
Accord de
Cotonou
Texte E 1469 - COM (2000) 324 final
(Procédure écrite du 20 octobre 2000)
La Communauté et les Etats membres ont signé le 23 juin dernier un accord de partenariat d'une durée de vingt ans avec 77 pays du groupe Afrique, Caraïbes, Pacifique (ACP).
Ce texte, dit accord de Cotonou, remplace les accords de Lomé qui organisaient les relations commerciales et de coopération entre la Communauté et les pays ACP depuis 1975.
1. Un changement nécessaire
La Convention de Lomé n'a pas atteint la mission qui lui avait été assignée d'assurer le décollage économique des pays ACP. Même si elle a contribué à améliorer les conditions de vie, la qualité des infrastructures ainsi que les niveaux d'éducation et de santé dans de nombreux pays, la part des pays ACP dans le commerce mondial s'est réduite et leur situation économique s'est dégradée (croissance faible, endettement élevé...). Cette dégradation de la situation économique s'est souvent accompagnée d'instabilité politique, de guerres civiles et de conflits internationaux.
Par ailleurs, la Commission insiste sur la nécessité d'adapter le partenariat à la nouvelle donne Nord-Sud, résultant de modifications importantes :
· l'effondrement du bloc communiste, qui a fait disparaître l'enjeu géopolitique que représentaient certains pays ;
· les nouvelles règles du système commercial international qui n'a pas profité aux pays pauvres, faute d'accès aux nouvelles technologies et à un personnel qualifié ;
· la perte de légitimité de l'aide publique au développement à la suite d'affaires de corruption ou de mauvaise utilisation des fonds.
Aussi est-il apparu souhaitable de relancer le partenariat UE-ACP sur de nouvelles bases.
2. Un accord ambitieux
Le nouvel accord vise à concilier les trois aspects suivants : coopération économique et commerciale, dialogue politique et aide au développement, et doit s'appuyer sur les principes suivants : appropriation par les pays ACP, participation d'une gamme élargie d'acteurs, dialogue avant la coordination, différenciation selon les besoins et les stratégies.
a) Le renforcement de la dimension politique
L'aide au développement n'aura un impact significatif que dans le cadre d'un environnement politique stable. Aussi le dialogue politique pourra-t-il porter sur toutes les questions d'intérêt mutuel (maintien de la paix, prévention des conflits, migrations, pauvreté...) et se dérouler à plusieurs niveaux : dans les institutions conjointes UE/ACP, au niveau régional ou national.
Le texte de l'accord prévoit que le respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et de l'Etat de droit constituent des « éléments essentiels » du partenariat. Leur violation peut, après une procédure consultative, conduire à la suspension totale ou partielle de la coopération. En cas d'urgence particulière (lorsqu'il y a eu violation grave de l'un des éléments essentiels), des mesures peuvent être prises directement et sont dans ce cas simplement notifiées à l'autre partie.
L'Union souhaitait compléter ces trois éléments par un quatrième -la bonne gestion des affaires publiques-, mais les Etats ACP s'y sont opposés, en soulignant que cet élément était difficile à apprécier de manière objective.
Aussi, la solution trouvée a-t-elle été de faire de la bonne gestion des affaires publiques un élément « fondamental » de l'accord, qui fera l'objet d'un dialogue régulier et d'un appui institutionnel et financier de la Communauté. De plus, une procédure spécifique sera appliquée dans les cas graves de corruption, qui pourra conduire à la suspension de l'aide. Cette procédure s'appliquera lorsque les cas de corruption impliquent des fonds communautaires, mais aussi dans les cas de corruption constatée dans un pays où la Communauté est financièrement impliquée, quelle que soit l'origine des ressources. Cette disposition constitue une innovation importante.
b) Une approche participative
Le nouvel accord cherche à promouvoir une meilleure participation des acteurs économiques et sociaux et de la société civile au processus de développement :
- en les informant sur la mise en oeuvre du partenariat et en les consultant sur les réformes et les politiques économiques, sociales, institutionnelles qui feront l'objet d'un soutien de la Communauté ;
- en les faisant participer à la mise en oeuvre des programmes et projets ;
- en mettant à leur disposition une partie des ressources financières allouées aux Etats.
Cette disposition constitue une avancée importante, elle « décentralise » la coopération vers les acteurs de terrain : collectivités territoriales, société civile (ONG, associations), secteur privé.
c) Une stratégie de développement centrée sur la lutte contre la pauvreté.
La réduction de la pauvreté est l'objectif central du nouvel accord. Il s'agit d'avoir une approche intégrée des politiques du développement qui doit permettre d'agir dans les domaines économique, social, culturel, institutionnel, environnemental et en matière d'égalité hommes-femmes.
Cette approche est ainsi conçue :
Développement économique
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Développement social et humain |
Intégration et coopération régionales |
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· Investissement et développement du secteur privé · Politiques et réformes macroéconomiques et structurelles · Renforcement de la compétitivité des entreprises |
Meilleur accès des populations aux services sociaux (santé, éducation, emploi) |
Favoriser les unions douanières
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Ces trois axes de développement sont complétés par trois principes directeurs transversaux :
· égalité hommes-femmes ; · gestion durable de l'environnement et exploitation rationnelle des ressources naturelles ; · développement institutionnel et renforcement des capacités.
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Ce cadre général ne signifie pas que la Communauté s'engagera dans tous les domaines de coopération, dans tous les pays. Elle établira, pays par pays, les priorités selon le principe de différenciation.
d) Le cadre commercial
Les pays ACP bénéficient de l'accès préférentiel le plus large au marché de l'UE : 92 % de leurs produits entrent en franchise. Toutes les exportations industrielles sont exemptées de droit de douane et 80 % des produits agricoles le sont.
Toutefois, l'avantage comparatif accordé aux pays ACP s'est progressivement érodé. Les ACP ont perdu des parts de marché sur le marché communautaire au profit de leurs concurrents d'Asie ou d'Amérique latine. Ces préférences commerciales n'ont, de plus, pas suffi à assurer la croissance des ACP. Par ailleurs, le respect des principes de l'OMC doit conduire, à terme, à la fin des préférences commerciales dont bénéficient les ACP de la part de l'Union européenne. Pour le moment, les relations non réciproques entre les deux parties font l'objet d'une dérogation de l'OMC car le traitement préférentiel est incompatible avec la clause de la nation la plus favorisée qui est à la base de l'OMC.
C'est pour ces raisons qu'une nouvelle stratégie commerciale a été définie. Elle est fondée sur le développement de zones de libre échange entre l'Union européenne et des unions douanières régionales formées au sein de la zone ACP. Le calendrier est le suivant :
2000-2002
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Phase préparatoire qui doit permettre un renforcement des processus d'intégration régionale. |
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2002
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Ouverture des négociations sur les nouveaux accords commerciaux. |
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2004
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Evaluation de la situation des pays ACP non PMA, qui ne peuvent négocier des accords de partenariat économique et étude des alternatives possibles. |
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2006
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Evaluation des progrès de la négociation sur les nouveaux accords. |
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2008 |
Entrée en vigueur des nouveaux accords (jusqu'en 2008, le régime actuel est maintenu). |
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2008-2020
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Mise en oeuvre asymétrique des accords. |
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Jusqu'en 2008, les préférences commerciales actuelles seront maintenues, sous réserve que la nouvelle demande de dérogation introduite auprès de l'OMC soit acceptée.
e) La coopération financière
Le régime d'aide s'appuiera sur des mécanismes de programmation plus évolutifs, qui devraient permettre de mieux adapter les ressources aux besoins et aux performances des pays, et sur des instruments rationalisés.
Auparavant, chaque Fonds européen de développement (FED), financé sur contribution volontaire des Etats (donc hors budget communautaire), était subdivisé en plusieurs instruments. Chacun d'entre eux avait ses propres procédures, sa propre méthode de programmation, et une allocation rigide des ressources. Ce système ne permettait pas d'avoir une vue d'ensemble, et manquait de flexibilité. Désormais, la totalité des ressources du FED sera distribué par le biais de deux enveloppes :
- l'enveloppe de soutien au développement à long terme, qui regroupera toutes les aides non remboursables. Elle représentera 10 milliards d'euros. Chaque pays recevra un montant forfaitaire, qu'il pourra distribuer selon ses besoins. Un montant de 1,3 milliard d'euros est réservé aux programmes régionaux. Les Etats ACP détermineront eux-mêmes les régions éligibles ;
- la facilité d'investissement, qui sera gérée par la Banque européenne d'investissement (BEI) et dotée de 2,2 milliards d'euros du 9ème FED.
Les clés de contribution ont été maintenues et le montant total du 9ème FED, qui entrera normalement en vigueur en 2003, a été accru de 5 % par rapport au précédent. La France a accepté de maintenir son effort de financement (elle finance 24,3 % du FED contre 17,5 % pour le budget communautaire).
Les instruments de stabilisation STABEX (pour les produits agricoles de base) et SYSMIN (pour les produits miniers de base), qui protégeaient les ACP contre les fluctuations de marché ou de production, seront supprimés à l'issue de la période transitoire. Toutefois, un soutien additionnel en cas de fluctuation des recettes d'exportation des produits de base pourra être versé aux pays ACP, selon de nouveaux critères d'éligibilité moins automatiques.
Récapitulatif des ressources financières |
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· 9ème FED : 13,5 milliards d'euros dont 10 milliards pour l'enveloppe à long terme 1,3 milliard pour l'enveloppe régionale 2,2 milliards pour la facilité d'investissement · Ressources propres BEI : 1,7 milliard d'euros
· Reliquats des 6e, 7e et 8e FED : 9,9 milliards d'euros
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Le Gouvernement français est globalement satisfait de cet accord qui apparaît relativement conforme à ses vues - promotion de la bonne gestion des affaires publiques, enrichissement du dialogue politique, inclusion de nouveaux acteurs dans le processus de développement, maintien du partenariat spécifique UE-ACP - même s'il n'a pas réussi à faire adopter certaines de ses propositions. Il avait envisagé par exemple d'instaurer des incitations négatives pour les pays ACP qui ne s'orienteraient pas vers une intégration régionale.
Toutefois, il faut souligner qu'un certain nombre d'incertitudes entourent la mise en place du nouvel accord.
· C'est notamment le cas pour l'une des dispositions-clés : les accords de partenariat économique régionalisés. En effet, cette intégration régionale ne pourra pas progresser à un rythme identique pour tous : les unions douanières existantes en sont à un stade d'élaboration variable. Certains pays importants ont du mal à trouver leur place dans les schémas régionaux en construction (comme, par exemple, le Nigeria).
L'objectif n'est pas de construire de simples zones de libre échange, mais de permettre la construction de zones où régneraient stabilité politique, croissance partagée et développement durable.
· C'est aussi le cas dans le domaine commercial :
- l'application de la clause suspensive en cas de corruption grave fera-t-elle l'objet d'un consensus ? Quels seront les critères d'application ?
- les pays ACP accorderont-ils aux acteurs non gouvernementaux la place qui leur est réservée par l'accord de Cotonou ?
- l'Union européenne pourra-t-elle réellement simplifier ses procédures financières ?
- les pays méritants pourront-ils bénéficier d'une aide supplémentaire, alors que les pays ACP sont attachés à la notion de prévisibilité de l'aide ?
- le principe d'appropriation par les pays ACP du processus de développement sera-t-il réellement appliqué ?
Le Gouvernement a obtenu certaines garanties, notamment sur le plan financier. Initialement, lors des négociations, la France souhaitait à la fois préserver les flux d'aide vers les ACP et réduire sa clé de contribution. Afin d'éviter un blocage, la France s'en est tenue au premier objectif. Toutefois, elle a obtenu que la Commission présente en 2003 un rapport sur une éventuelle budgétisation du FED, solution à laquelle la France est favorable pour diminuer son apport financier.
L'accord entrera en vigueur après avoir été approuvé par le Parlement européen et ratifié par les Parlements nationaux.
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Bien que tous les souhaits formulés par le Gouvernement français n'aient pas été satisfaits, l'accord de Cotonou est un compromis acceptable qui traduit certains progrès dans l'approche du partenariat UE-ACP. Dans ces conditions, la délégation a décidé de ne pas intervenir sur ce texte.