15309/01 EUROPOL 107
du 14/12/2001
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 28/02/2002
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 26/12/2001Examen : 23/01/2002 (délégation pour l'Union européenne)
Justice et affaires intérieures
Communication de M. Hubert
Haenel
sur quatre textes européens relatifs à
Europol
Textes E 1749, E 1898, E 1899 et
E 1900
8785/01, Europol 107, Europol 105 et Europol 106
(Réunion du 23 janvier 2002)
Nous sommes saisis, dans le cadre de l'article 88-4, de quatre propositions de textes européens relatifs à Europol :
- d'une part, de deux projets d'accords de coopération d'Europol avec la République tchèque et la Suisse (E 1900 et E 1899) ;
- d'autre part, d'une initiative de la Suède tendant à modifier les règles relatives à la transmission de données à caractère personnel par Europol à des Etats et des instances tiers (E 1749) ;
- enfin, d'un projet de budget rectificatif et supplémentaire d'Europol pour 2002 (E 1898).
Le groupe de travail « coopération policière » de la délégation, qui s'est réuni déjà à cinq reprises, a eu l'occasion d'évoquer ces textes avec les personnes qu'il a auditionnées : M. Hervé Masurel, préfet en poste à la représentation permanente à Bruxelles, chargé du suivi des négociations du troisième pilier, M. Stéphane Piallat, chef de la section centrale de coopération policière (Sccopol) de Nanterre, M. Gilles Leclair, directeur adjoint d'Europol à La Haye et M. Patrick Riou, directeur central de la police judiciaire (DCPJ), chef de la délégation française pour Europol.
C'est notamment en fonction des informations recueillies au cours de ces auditions que je vous propose d'examiner maintenant ces textes sur Europol, qui feront l'objet d'une décision du prochain Conseil Justice et Affaires intérieures (JAI) début février.
I - LE PROJET D'ACCORD DE COOPÉRATION D'EUROPOL AVEC LA SUISSE
Ce projet s'inscrit dans le cadre de la stratégie adoptée par Europol pour engager une collaboration avec des Etats tiers ou des instances tierces par le moyen d'accords internationaux. Cette stratégie a été autorisée par un acte du Conseil en mars 1999. Ces accords permettent à la fois des échanges d'informations concernant des données à caractère personnel entre Europol et ces Etats et l'envoi d'officiers de liaison à la Haye de la part de ces Etats, et éventuellement d'Europol dans les pays concernés.
Nous avons déjà examiné six accords avec des Etats tiers : Islande, Norvège, Pologne, Hongrie, Slovénie, Estonie. Un septième accord a été conclu avec l'organisation mondiale de police Interpol installée à Lyon. Un huitième accord portant uniquement sur des données techniques ou stratégiques a été conclu avec les Etats-Unis ; un autre accord avec les Etats-Unis portant sur des échanges de données à caractère personnel est en cours de négociation.
Selon l'avis de l'Autorité de contrôle commune d'Europol (ACC), présidée par notre collègue Alex Türk, il n'existe aucun obstacle à ce que le Conseil permette au directeur d'Europol de conclure un accord avec la Suisse, compte tenu de la législation et des pratiques administratives de la Suisse en matière de protection des données, et notamment compte tenu de l'existence d'une autorité suisse chargée des questions relatives à la protection des données.
S'agissant de l'échange d'officiers de liaison, l'ACC interprète la Convention Europol comme lui permettant de contrôler les activités et les locaux des officiers de liaison d'Europol situés dans des Etats ou instances tiers. Elle insiste par ailleurs sur la nécessité de s'assurer que les officiers de liaison d'Europol occupant l'immeuble d'Europol à La Haye ne puissent avoir un accès direct aux données détenues par Europol, et ne présentent d'aucune manière un risque pour la sécurité des données détenues par l'organisation européenne de police.
Compte tenu de l'avis favorable donné par l'Autorité de contrôle commune, il ne me semble pas nécessaire que la délégation intervienne davantage sur cet accord qui ne semble pas présenter de difficultés.
Peut-être Alex Türk pourrait-il nous dire son sentiment ?
M. Alex Türk :
Nous n'avons eu aucun problème sur l'accord avec la Suisse car son système de protection des données à caractère personnel est très proche de celui des pays occidentaux. La seule particularité tenait au fait que, s'agissant d'un Etat fédéral, un engagement devait être pris, indiquant que l'accord valait pour tous les services de sécurité de la Suisse. La Confédération helvétique nous a confirmé que l'accord valait pour l'ensemble des services concernés dans sa structure fédérale.
II - LE PROJET D'ACCORD DE COOPÉRATION D'EUROPOL AVEC LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
Pour l'autorité de contrôle d'Europol, il n'existe également aucun obstacle à ce que le Conseil permette au directeur d'Europol de conclure un accord avec la République tchèque. En revanche, et à la différence du projet d'accord avec la Suisse, l'ACC a estimé que cet accord devrait spécifier l'obligation qu'a ce pays de faire en sorte que les données sensibles reçoivent un niveau de protection des données comparable aux dispositions spécifiques imposées à Europol. De ce fait, elle demande à Europol de vérifier, au cas par cas, si le niveau de protection des données en matière de données sensibles est adéquat et comparable aux dispositions spécifiques imposées à Europol.
Je vais demander à Alex Türk s'il souhaite intervenir à ce propos.
M. Alex Türk :
Les données sensibles sont celles qui touchent aux opinions politiques, culturelles, religieuses ou aux moeurs. La difficulté tient au fait qu'avec ce pays, comme pour les précédents accords avec les pays d'Europe centrale, nous n'avons pas encore toutes les garanties souhaitées, même si cette réserve ne nous conduit pas à manifester une hostilité totale à l'accord.
M. Hubert Haenel :
Sous cette réserve importante, je suggère que la délégation donne son accord à l'adoption de cet accord par le Conseil.
III - L'INITIATIVE DE LA SUÈDE TENDANT À MODIFIER LES RÈGLES RELATIVES À LA TRANSMISSION DE DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL PAR EUROPOL À DES ETATS ET DES INSTANCES TIERS
Ce projet d'acte du Conseil, sur initiative de la Suède, a pour objet de modifier l'acte du Conseil du 12 mars 1999 arrêtant les règles relatives à la transmission de données à caractère personnel par Europol à des Etats et instances tiers. Il appartient en effet au Conseil, statuant à l'unanimité, d'arrêter les règles générales concernant la transmission d'informations par Europol à des Etats tiers ou des instances tierces, qui, elles-mêmes, pourraient, dans certaines circonstances, retransmettre ces informations à d'autres Etats ou instances tierces (par exemple, les Etats-Unis au Canada dans le cadre d'un accord bilatéral de coopération policière).
La Suède, qui est particulièrement attentive aux conditions de protection des données à caractère personnel, a estimé que, afin de sauvegarder les intérêts des Etats membres concernés et de respecter les principes de la protection des données, il convient d'arrêter des dispositions appropriées pour définir les conditions auxquelles la transmission ultérieure des données peut avoir lieu.
Ce projet d'acte tend ainsi à renforcer le contrôle exercé par le conseil d'administration et par l'Autorité de contrôle commune sur les décisions d'échanges d'informations prises par le directeur dans le cadre des accords de coopération signés par l'organisation. Il impose, en outre, le consentement préalable d'Europol pour la transmission ultérieure de données à d'autres Etats tiers ou instances tierces, ainsi que le consentement de l'Etat concerné.
A nouveau, je vais me tourner vers Alex Türk.
M. Alex Türk :
Ce texte a des conséquences matérielles très lourdes. Il s'agit d'une question moins technique que les deux précédents accords et vous avez donné un exemple pertinent ; dans le cadre de l'accord avec les Etats-Unis, le FBI peut avoir besoin de retransmettre certaines informations au Canada ou au Brésil ou à d'autres pays encore. La question de la retransmission d'informations d'un pays tiers vers d'autres pays tiers n'était pas traitée dans le texte d'origine de 1999. C'est pourquoi ce projet, d'initiative suédoise, remédie à cette carence et précise que le niveau de protection des données, dans le cas d'une transmission indirecte - c'est-à-dire d'un pays tiers vers un autre pays tiers -, doit être assuré grâce à des garanties équivalentes à celles de la transmission d'Europol vers un pays tiers. L'Autorité de contrôle a en outre fait imposer la règle selon laquelle, à partir de janvier 2005, il sera procédé à une évaluation de ce système sous son contrôle et celui du conseil d'administration.
M. Hubert Haenel :
Il me semble que la délégation ne peut que se réjouir de cette proposition.
IV - LE PROJET DE BUDGET RECTIFICATIF ET SUPPLÉMENTAIRE D'EUROPOL POUR 2002
A la suite des événements du 11 septembre, les ministres de l'Intérieur et de la Justice ont décidé, lors du Conseil extraordinaire Justice et Affaires intérieures du 20 septembre, la constitution, au sein d'Europol, pour une durée de six mois renouvelable, d'une équipe de spécialistes antiterroristes pour laquelle ils invitaient les Etats membres à désigner des officiers de liaison provenant des services de police et des services de renseignement spécialisés en la matière. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont confirmé cette décision lors du Conseil européen extraordinaire de Bruxelles le 21 septembre.
Europol disposait, avant le 11 septembre, d'une équipe de 11 fonctionnaires affectés à la lutte anti-terroriste, domaine dans lequel il ne s'était jusqu'à présent guère investi, à l'exception d'un projet sur l'islamisme fondamentaliste. Le fichier avait été essentiellement alimenté par les Italiens et les Allemands.
Le directeur d'Europol a estimé nécessaire d'ouvrir 40 postes supplémentaires pour répondre aux préoccupations du Conseil européen. On peut se demander si le directeur n'a pas voulu profiter de l'opportunité que lui fournissait le souhait politique de répondre aux événements du 11 septembre car la plupart des observateurs ont jugé cette demande sans commune mesure avec les besoins. C'est pourquoi elle a finalement été ramenée à 20 postes nouveaux, ce qui portera de 260 à 280 les effectifs d'Europol. Les dépenses supplémentaires qui en résultent s'élèvent à 3 160 000 euros pour l'année 2002.
Le conseil d'administration d'Europol a accordé un appui unanime à cette demande lors de sa réunion des 11 et 12 décembre 2001. Le Conseil JAI devrait entériner cette décision lors de sa prochaine réunion de février.
Lors de nos réunions du groupe de travail, nous nous sommes étonnés de cet accord du conseil d'administration alors qu'il apparaît que l'effort de la lutte anti-terrorisme est d'abord assuré dans les Etats membres et que ceux-ci ont détaché des officiers de liaison auprès d'Europol à cette fin. On peut également regretter que les membres du Conseil européen, comme les membres du Conseil des ministres Justice et Affaires intérieures, aient tendance à arrêter leurs orientations en fonction de considérations politiques générales, sans avoir au préalable procédé à la consultation des services nationaux concernés, seuls susceptibles de faire apparaître les besoins réellement nécessaires pour atteindre les objectifs recherchés. Peut-être aurait-on pu aussi souhaiter que le directeur d'Europol privilégie un redéploiement interne et temporaire d'effectifs qui aurait permis une réponse plus rapide de l'organisation à la demande formulée par le Conseil européen.
Je crois qu'il n'est pas inutile de revenir sur le budget 2002 d'Europol tel qu'il se présente avant cette nouvelle augmentation. D'abord, pour regretter que nous ayons dû alors nous prononcer sur ce budget initial en urgence puisqu'il avait été transmis au Sénat le 7 mai 2001 et que la présidence suédoise de l'Union avait souhaité son adoption par le Conseil Justice et Affaires intérieures des 28 et 29 mai. Ensuite, pour rappeler que ce budget initial était déjà en augmentation de 37 % par rapport au budget 2001 et traduisait le recrutement de 36 personnes supplémentaires. Le budget rectificatif et supplémentaire qui nous est aujourd'hui soumis aura donc pour effet un accroissement de 46 % des dépenses d'Europol en 2002 par rapport à 2001 et le recrutement de 56 personnes en 2002.
Il est intéressant de noter que la croissance du budget initial nous avait été présentée comme la traduction de trois priorités :
- la lutte contre la contrefaçon de l'euro,
- la lutte contre l'immigration clandestine,
- la lutte contre le trafic des êtres humains.
On peut se demander si l'apparition, très explicable et très légitime, de cette nouvelle priorité que constitue la lutte contre le terrorisme ne devrait pas amener une reconsidération des priorités antérieures. Comme chacun sait, « qui trop embrasse, mal étreint ». Il serait temps que le conseil d'administration d'Europol reconsidère globalement l'ensemble des priorités de l'Office européen de police.
C'est pourquoi je suggère que la délégation demande au Gouvernement de donner des instructions en ce sens aux représentants de la France au conseil d'administration d'Europol. Sous cette réserve, je vous propose de lever la réserve parlementaire de ce projet de budget rectificatif et supplémentaire.
M. Lucien Lanier :
Quelles sont les garanties de qualité des personnels qui seront recrutés dans une matière aussi sensible que le terrorisme ? Si le recrutement ne correspond pas aux attentes qui ont été placées dans Europol pour la lutte contre le terrorisme, alors on peut craindre une perte de confiance dans l'organisation.
M. Alex Türk :
Le choix des personnels recrutés est décidé par le conseil d'administration sur la base des propositions faites par le directeur.
Sous cette réserve, la délégation a décidé de lever la réserve parlementaire sur ces quatre textes.