Date d'adoption du texte par les instances européennes : 06/11/2003

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 30/09/2003
Examen : 08/10/2003 (délégation pour l'Union européenne)


Justice et affaires intérieures

Communication de M. Hubert Haenel sur le
projet d'accord entre Europol et la Roumanie

Texte E 2382

(Réunion du 8 octobre 2003)

Après le projet d'accord entre Europol et la Fédération de Russie, que nous avons examiné la semaine dernière, je voudrais évoquer aujourd'hui les difficultés soulevées par un nouveau projet d'accord, qui concerne cette fois-ci la Roumanie.

Ce texte, qui nous a été transmis il y a seulement quelques jours, figurait, en effet, à l'ordre du jour du Coreper de jeudi prochain, en vue d'un accord politique, ce qui nécessitait que nous prenions position le plus rapidement possible.

Je rappellerai, à cette occasion, que le délai de six semaines prévu entre le dépôt d'une proposition et son inscription à l'ordre du jour du Conseil, inscrit dans un protocole annexé au traité d'Amsterdam, ainsi que le mécanisme de la réserve parlementaire, ne peuvent avoir un effet utile que si les représentants des États membres au sein du Conseil s'abstiennent, dans ce délai, de formuler des accords de principe. Car, si les propositions en question font l'objet d'un accord entre les Gouvernements avant même que les Parlements nationaux aient eu le temps de les examiner, comment imaginer que nos observations puissent être réellement prises en considération ?

Bien qu'ayant été informé, juste avant notre réunion, que ce texte avait été retiré de l'ordre du jour du Coreper de demain, ce dont je me félicite, je crois qu'il est utile que nous prenions position dès aujourd'hui.

Mais avant d'aller plus avant, je voudrais revenir brièvement sur l'accord entre Europol et la Russie.

Je rappellerai que nous avions, lors de notre dernière réunion, exprimé trois préoccupations sur ce texte, qui portaient sur l'ambiguïté du projet au regard de l'inclusion des données à caractère personnel, sur le champ de la coopération, qui paraissait aller au delà des compétences de l'office, et sur l'utilisation exclusive du russe et de l'anglais pour la mise en oeuvre de cet accord. Conformément au souhait unanime des membres de notre délégation, j'ai adressé un courrier au ministre de l'Intérieur pour faire état de ces trois difficultés. Je n'ai pas encore reçu de réponse de sa part mais j'espère que celle-ci interviendra prochainement. En son absence au Conseil des ministres chargés de l'Intérieur du 2 octobre, c'est notre Représentant permanent, M. Pierre Sellal, qui s'est exprimé au nom de la France sur ce projet d'accord. D'après les informations que j'ai pu obtenir de la part du SGCI, notre Ambassadeur a fait état, lors de cette réunion, des trois observations que nous avions formulées.

Pour autant, l'accord entre Europol et la Russie a été adopté et le texte n'a pas été modifié. En particulier, la disposition selon laquelle « dans le cadre de la coopération liée au présent accord, les parties utilisent le russe et l'anglais », que nous avions dénoncé, a été maintenue.

Certes, la perspective du prochain Sommet entre l'Union européenne et la Russie n'est pas étrangère à l'attitude de notre Gouvernement, mais je regrette le maintien de cette disposition, qui contrevient aux règles européennes en matière linguistique et qui me paraît susceptible de constituer un dangereux précédent dans le contexte de l'élargissement.

Je voudrais aborder à présent le projet d'accord entre Europol et la Roumanie, qui, bien qu'il soit d'une nature très différente de celui conclu avec la Russie, soulève des difficultés comparables.

Tout d'abord, on retrouve, à l'article 7 de ce projet, la mention d'après laquelle « toutes les communications entre la Roumanie et Europol se font en langue anglaise ». Comme pour l'accord avec la Russie, on voit bien que la direction d'Europol cherche à adapter le fonctionnement de l'office au contexte de l'élargissement. Mais il s'agit ici d'instituer un monopole linguistique au profit de l'anglais qui contrevient aux dispositions européennes elles-mêmes. Celles-ci reconnaissent notre langue comme une langue officielle et de travail, et cela devrait s'appliquer à Europol comme à tout organisme européen.

De plus, ce qui apparaissait comme illégal dans l'accord avec la Russie, apparaît d'autant plus scandaleux et inacceptable pour un accord avec la Roumanie. Je rappellerai que la Roumanie est un pays francophile qui est membre à part entière de la francophonie. Notre pays a d'ailleurs développé une coopération très étroite avec Bucarest en matière de « justice et affaires intérieures ». Cette coopération comprend notamment la formation de juges et de policiers, y compris sur le plan linguistique. Comment expliquer à des policiers francophones formés par la France qu'ils seront supplantés par des anglophones dans leur relation avec l'Europe ? Le maintien de cette disposition serait un très mauvais signal pour tous les fonctionnaires francophones de l'Union élargie.

Outre ce problème, le projet d'accord avec la Roumanie soulève d'autres difficultés qui concernent la transmission des données à caractère personnel. Si ces données sont bien comprises dans ce projet d'accord, à la différence de l'accord avec la Russie, l'Autorité de contrôle commune d'Europol, qui a été consultée, a formulé trois réserves dans son avis. Ces réserves sont très importantes puisqu'elles portent sur la durée de conservation des données personnelles, sur le droit d'accès aux informations transmises et le droit de faire contrôler ces informations, ainsi que sur le rôle du point de contact national dans le cadre de l'échange d'informations. Il s'agit cependant plus d'une exigence de clarification, que d'une véritable opposition de principe.

Étant donné que les trois réserves formulées par l'Autorité de contrôle commune me paraissent fondées, je vous proposerai de demander au Gouvernement de s'assurer qu'elles ont bien été prises en compte avant la conclusion de cet accord.

Par ailleurs, je vous propose d'appeler le Gouvernement à s'opposer fermement au paragraphe 6 de l'article 7, qui prévoit l'utilisation exclusive de l'anglais.

*

La délégation a décidé à l'unanimité de ne pas considérer que l'examen de ce texte par le Sénat est arrivé à son terme tant que le Gouvernement ne lui aura pas fait connaître son sentiment sur les points soulevés et donné l'assurance qu'il prendra en considération ses préoccupations.