COM (2003) 512 final  du 22/08/2003
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 24/07/2006

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 22/10/2003
Examen : 23/01/2004 (délégation pour l'Union européenne)


Justice et Affaires intérieures

Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée et ses deux protocoles additionnels

Texte E 2405

(Procédure écrite du 23 janvier 2004)

Ce texte vise uniquement à permettre à la Communauté européenne d'adhérer à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et à ses deux protocoles additionnels.

La Convention, dite « de Palerme », a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 15 novembre 2000. Elle a été signée par 147 États et ratifiée par 56 d'entre eux. Elle est entrée en vigueur en septembre 2003. Elle est complétée par trois protocoles additionnels sur le trafic de migrants, la traite des personnes et le trafic d'armes, qui ne sont pas encore entrés en vigueur, leur ratification par au moins quarante États étant requise. Parmi les quinze États membres de l'Union européenne, seuls deux États - l'Espagne (le 1er mars 2002) et la France (le 29 octobre 2002) - ont, à ce jour, déposé les instruments de ratification de la Convention et de ses protocoles additionnels auprès du Secrétariat général des Nations Unies. La ratification par la France, le 6 août 2002, de la Convention et de ses deux premiers protocoles a été autorisée par les lois n° 2002-1039, 2002-1040 et 2002-1041. Dans les autres États membres, le processus de ratification est toujours en cours.

La Convention de Palerme et ses protocoles comportent de nombreuses dispositions, tant pénales qu'administratives. Cette Convention a, d'abord, pour objet d'harmoniser certaines infractions pénales, telles que la participation à un groupe criminel organisé, le blanchiment d'argent, la corruption ou l'entrave au bon fonctionnement de la justice. Elle prévoit également des mesures pour améliorer la coopération judiciaire entre les États, notamment en matière d'entraide judiciaire, d'extradition et pour la mise en place d'équipes communes d'enquête. Parmi les autres dispositions, on peut relever, en particulier, des mesures relatives à la prévention et à la protection des témoins et des victimes, ainsi que des dispositions relatives aux collaborateurs de justice.

Les protocoles additionnels comportent des dispositions spécifiques destinées à lutter contre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, les réseaux criminels impliqués dans l'immigration clandestine et le travail clandestin ainsi que le trafic d'armes.

Étant donné que certaines dispositions de la Convention de Palerme et de ses protocoles additionnels touchent à des compétences de la Communauté européenne, comme, par exemple, la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers communautaires, le Conseil a autorisé la Commission à négocier ces dispositions et à signer, au nom de la Communauté européenne, la Convention et ses protocoles. La Communauté européenne devrait donc être partie à la Convention, à côté des quinze États membres de l'Union.

Le document E 2405 comporte trois projets de décision du Conseil autorisant la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la Convention de Palerme et de ses deux protocoles additionnels relatifs au trafic de migrants et à la traite des êtres humains. En revanche, la ratification par la Communauté du protocole sur les armes à feu, qui concerne également certaines compétences communautaires, ne figure pas dans la présente proposition. En effet, la ratification de ce protocole a été retardée par la Commission, car elle nécessite, au préalable, une modification de la législation communautaire y afférente.

Le Gouvernement a transmis à l'Assemblée nationale et au Sénat, le 3 décembre 2003, une fiche simplifiée d'impact juridique, qui détaille les textes de droit interne concernés et les éventuelles modifications législatives nécessaires à la mise en oeuvre de ces instruments. D'après ce document, il ressort que la quasi totalité des dispositions de la Convention et de ses deux protocoles additionnels ne nécessitent plus de modification de la législation française, soit parce que celle-ci apparaît conforme aux dispositions de la Convention, soit parce que les dispositions en question ont d'ores et déjà été intégrées dans divers textes législatifs récents, à l'image des dispositions sur la traite des personnes, introduites dans le code pénal par la loi du 18 mars 2003. La seule exception concerne la mise en oeuvre des dispositions relatives au trafic de migrants par voie de mer, pour lesquelles un projet de loi devra être présenté par le Gouvernement.

Malgré le fait que la plupart des dispositions de la Convention de Palerme et de ses protocoles additionnels soient rédigées en termes généraux ou non contraignants, ces textes n'en demeurent pas moins utiles, car il s'agit du premier instrument global de lutte contre la criminalité transnationale organisée. Il s'agit également du premier instrument normatif des Nations Unies dans ce domaine, qui nécessite, au delà du renforcement de l'espace judiciaire européen, une action concertée au niveau mondial.

La difficulté majeure de la proposition porte sur le partage de compétences entre l'Union européenne et les États membres. En effet, il s'agit d'une question essentielle qui a déjà donné lieu à des controverses entre la Commission européenne et le Conseil, en particulier à propos de l'introduction de sanctions pénales en matière environnementale.

A cet égard, chacun des trois projets de décision contient une déclaration sur l'étendue de la compétence de la Communauté. Cependant, la rédaction proposée par la Commission était assez équivoque sur l'étendue des compétences communautaires et les États membres ont souhaité apporter des précisions et des corrections. Ainsi, alors que le texte initial reconnaissait une compétence générale de la Communauté en matière de lutte contre le blanchiment, les négociations au sein du Conseil ont abouti à limiter cette compétence aux seules matières traitées par les directives relatives au blanchiment de capitaux et aux marchés publics, en excluant notamment la prévention de la corruption, ainsi que les mesures liées à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, qui relèvent, pour leur part, du troisième pilier de l'Union.

De la même manière, la rédaction de la déclaration relative au protocole sur la traite des personnes est assez ambiguë car elle reconnaît une compétence générale de la Communauté pour certains aspects du contrôle des frontières extérieures et de la politique d'immigration, y compris lorsque la Communauté n'a pas encore légiféré sur ces questions. Ainsi, le texte initial reconnaissait une compétence à la Communauté en matière de rapatriement des personnes en séjour irrégulier. Or, sur ce point, la position prise par les ministres de l'intérieur français, allemand, anglais, italien et espagnol, lors du sommet de la Baule le 20 octobre dernier, plaidait en faveur d'une compétence partagée.

Il convient donc de faire preuve d'une vigilance particulière sur le partage des compétences entre l'Union européenne et les États membres afin que celui-ci soit conforme aux traités.

Sous cette réserve, la délégation a décidé d'approuver ce texte afin de permettre une entrée en vigueur rapide de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et de ses protocoles additionnels au sein de l'Union européenne. Dans cette optique, il serait souhaitable que la Commission européenne soumette le plus tôt possible au Conseil le projet de décision relatif à la conclusion du protocole sur les armes à feu.