COM (2004) 489 final  du 14/07/2004
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 21/06/2005

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 30/07/2004
Examen : 06/12/2004 (délégation pour l'Union européenne)


Politique agricole et de la pêche

Fonds agricoles : FEADER et FEAGA

Textes E 2654 et E 2655
COM (2004) 489 final et COM (2004) 490 final

(Procédure écrite du 6 décembre 2004)

I - LE CONTEXTE

L'Agenda  2000 a fait du développement rural le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC). La réforme de la PAC, adoptée le 26 juin 2003, a renforcé ce pilier, notamment en étendant le champ d'application des mesures éligibles (en matière de soutien des jeunes agriculteurs et du respect des normes liées à l'environnement) à la santé, au bien être des animaux et à la qualité alimentaire. Les régions rurales représentent 90 % du territoire de l'Union européenne, avec des terres principalement affectées à l'agriculture et à la sylviculture. L'agriculture seule ne pouvant garantir la survie de ces régions, la politique de développement rural doit permettre de développer l'emploi dans de nouveaux secteurs et de freiner l'exode rural.

En novembre 2003, la Commission a organisé une conférence pour préparer le contenu et le financement du développement rural pour la période 2007-2013. Les conclusions de cette conférence sont allées dans le sens de la création d'un fonds spécifique destiné à financer le développement rural. C'est dans ce cadre que s'inscrivent les deux propositions de la Commission, l'une fixant le nouveau cadre de programmation des actions en matière de développement rural (E 2655) et l'autre la base juridique du financement de la PAC (E 2654).

II - PRÉSENTATION DU FEADER

Il s'agit de renforcer la politique de développement rural en créant un instrument unique de financement - le Fonds européen agricole de développement rural (FEADER) - dont le montant serait de 89 milliards d'euros pour la période 2007-2013. Les objectifs du FEADER seraient les suivants : amélioration de la compétitivité de l'agriculture et de la sylviculture (axe 1), gestion de l'espace rural et de l'environnement (axe 2), amélioration de la qualité de la vie dans les zones rurales et diversification des activités économiques (axe 3).

Le tableau ci-dessous récapitule les modalités d'intervention dans ces trois domaines :

FEADER 2007-2013

 

Objet

Pourcentage du financement

Taux de cofinancement communautaire

Axe 1 :
amélioration de la compétitivité

 potentiel humain :

- installation de jeunes agriculteurs

- formation professionnelle des actifs

- préretraite

 potentiel physique :

- investissements dans les exploitations et les petites entreprises agricoles et forestières

- amélioration des infrastructures

- reconstitution du potentiel de production agricole à la suite de catastrophes naturelles

 amélioration de la qualité alimentaire

Au moins 15 % de l'enveloppe nationale

Plafonné à 50 % (75 % dans les régions de convergence)

Axe 2 :
environnement et gestion des terres

 utilisation durable des terres agricoles :

- indemnités compensatoires de handicaps naturels

- mesures agro-environnementales

 utilisation durable des terres sylvicoles

 paiements effectués dans le cadre de Natura 2000

 investissements non productifs (prise en compte de l'environnement ou de l'utilité publique...)

Au moins 25 %

Plafonné à 55 % (80 % pour les zones de convergence)

Axe 3 :
diversification

 diversification de l'économie rurale :

- diversification des activités non agricoles

- aides aux micro-entreprises en zone rurale

- encouragement des activités touristiques

- valorisation du patrimoine naturel

 amélioration de la qualité de vie en zone rurale :

- services essentiels pour la population

- rénovation des villages

- préservation du patrimoine rural

 formation professionnelle des acteurs ruraux (hors agriculteurs et forestiers)

 animation et assistance pour la mise en oeuvre de stratégies locales de développement rural

Au moins 15 %

Plafonné à 50 % (75 % dans les zones de convergence)

Chaque programme doit comporter un élément « LEADER » (approche qui vise à expérimenter de nouvelles approches et de nouvelles méthodes du développement local en milieu rural) répondant à un des trois axes, avec 7 % des fonds accordés aux programmes nationaux qui lui sont réservés. De plus, 3 % du financement global seraient mis en réserve pour être attribués en 2012-2013 aux États membres ayant obtenu les meilleurs résultats (« réserve de performance »).

La programmation du FEADER se fera en trois étapes :

- des orientations stratégiques au niveau communautaire ;

- un plan stratégique national ;

- un ou des programmes de développement rural (soit par un programme national, soit par des programmes régionaux).

Enfin, il est prévu de renforcer le contrôle, dans le cadre de l'apurement des comptes, par un système d'audit généralisé à tous les aspects du développement rural et de mener une évaluation annuelle. Un rapport annuel sur l'exécution devra être effectué pour chaque programme ainsi qu'un rapport annuel national de synthèse.

III - PRÉSENTATION DU RÈGLEMENT FINANCIER

Cette proposition de règlement s'inscrit dans le cadre des perspectives financières 2007-2013 : elle vise à établir un cadre réglementaire unique pour le financement de la PAC, à compter du 1er janvier 2007, incluant le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et le FEADER.

Ce texte devrait aboutir à une simplification et une rationalisation de la gestion financière des fonds agricoles. Des règles de gestion communes aux deux fonds sont ainsi prévues, tout en maintenant des règles spécifiques pour chacun d'eux du fait de leur statut propre. Les dispositions communes portent sur l'agrément des organismes payeurs (OP) et des organismes de coordination, ainsi que sur le dépôt des comptes annuels accompagnés d'une déclaration d'assurance du responsable de l'OP et d'une certification comptable par un organe de certification.

Toutefois, chacun des deux fonds gardera ses spécificités :

 Pour le FEAGA, les crédits ne seront pas dissociés et le rythme de paiement sera mensuel. Par ailleurs, ils seront soumis à des règles d'annualité et de discipline financière particulières (respect des plafonds annuels, exclusion des paiements au-delà du 15 octobre). En application de la réforme adoptée en 2003, lorsque les plafonds des aides risqueront d'être dépassés, il est prévu que le Conseil devra, avant le 30 juin, arrêter un taux de dégressivité des aides directes aux agriculteurs. La proposition prévoit que la Commission fixera ce taux dans les cas où le Conseil ne parviendrait pas à statuer dans le délai qui lui a été imparti.

 Pour le FEADER, le financement s'effectuera désormais sur la base de crédits dissociés (distinction entre les crédits d'engagement ouverts chaque année utilisables sur trois ans et les crédits de paiement), avec un rythme de paiement trimestriel.

IV - ÉVALUATION

Le Gouvernement français soutient l'orientation générale de ces deux textes.

· En ce qui concerne le FEADER, la France souscrit aux objectifs recherchés par la Commission, à savoir une simplification et une rationalisation de la politique de développement rural. La proposition, en prévoyant un cadre unique, devrait apporter une amélioration par rapport à la situation actuelle qui prévoit cinq types de programmation et trois instruments de financement et de contrôle.

Toutefois, le Gouvernement est réservé sur la fixation d'un seuil minimal de financement par axe. Cette mesure répond à une volonté de la Commission de marier les trois objectifs, mais ne semble pas adaptée aux spécificités des États membres. La France demande donc davantage de subsidiarité en la matière. Pour l'élément « LEADER » de chaque programme, la réserve de performance lui semble difficile à gérer (comme c'est actuellement le cas pour la réserve existant en matière de fonds structurels).

· En ce qui concerne le règlement financier, le Gouvernement est favorable au rassemblement, dans un règlement unique, des dispositions concernant le développement rural et les mesures de marché et à l'institution de règles communes pour les deux fonds. Toutefois, plusieurs problèmes subsistent sur ce texte :

- le financement des actions de pêche ne relève pas de ce règlement. Il n'a, par ailleurs, pas non plus été prévu dans la proposition sur le Fonds européen pour la pêche actuellement en cours de négociation. La Commission a indiqué que la gestion et l'ordonnancement des mesures de l'OCM Pêche devraient être assurées par la Direction générale chargée de la pêche, mais n'a pas précisé sur quelle ligne budgétaire ;

- le système prévu pour l'application de la discipline financière ne paraît pas satisfaisant. En pratique, sera-t-il réellement possible d'avoir en juin une visibilité suffisante sur l'éventualité d'un dépassement des aides et le niveau de ce dépassement sur l'année ? Par ailleurs, il ne paraît pas acceptable que la Commission puisse avoir le droit de décider seule sur la discipline financière alors qu'il s'agit d'une compétence du Conseil ;

- enfin, certains points techniques posent des difficultés au Gouvernement. On peut notamment citer :

 le délai de six ans prévu pour le recouvrement des sommes indûment versées à un opérateur en cas d'irrégularités dans le cas de procédures judiciaires, ainsi que le report sur le budget national de l'État membre de la moitié de la charge découlant du non-recouvrement ;

 la suppression de la réserve de 4 % du montant des aides qui pouvait être versée après le 15 octobre ;

 les modalités de calcul de la correction financière en matière d'apurement des comptes.

La Commission est actuellement peu réceptive aux préoccupations soulevées par les États membres. Les discussions doivent continuer sous présidence luxembourgeoise afin d'arriver avant la fin du premier semestre 2005 à un accord sur les aspects techniques de ces deux textes. À ce stade, la délégation a décidé de soutenir le Gouvernement dans sa volonté de rendre ce texte plus conforme aux réalités des marchés agricoles.