COM (2007) 766 final
du 05/12/2007
Date d'adoption du texte par les instances européennes : 13/07/2009
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 19/12/2007Examen : 06/02/2008 (délégation pour l'Union européenne)
Politique étrangère et de défense
Communication de M. Didier Boulaud sur le Paquet
défense
Textes E 3740 et E 3741
(Réunion du 6 février 2008)
Le 5 décembre dernier, la Commission européenne a présenté une série de textes regroupés sous le nom de « paquet défense ». Il s'agit :
- d'une communication de portée générale qui propose une « stratégie pour une industrie européenne de défense plus forte et plus compétitive » ;
- d'une directive relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services dans le domaine de la défense et de la sécurité ;
- d'une directive simplifiant les conditions des transferts des produits liés à la défense dans la Communauté.
Si la communication ne pose pas de difficultés et ne mérite pas un examen approfondi parce qu'elle ne fait que reprendre des éléments précédemment évoqués par la Commission, il n'en va pas de même pour les deux directives, qui soulèvent des enjeux importants.
Avec ces deux directives portant sur le secteur de la défense, nous touchons à un domaine d'une importance et d'une sensibilité exacerbées, tant les États sont jaloux de leurs prérogatives de souveraineté nationale, et les enjeux financiers conséquents pour les industries du secteur. Il est donc important que la délégation puisse exprimer ses positions à cet égard. Cela n'a un intérêt réel que si nous le faisons en temps utile pour pouvoir contribuer à la négociation. C'est le cas puisque les négociations au sein du Conseil viennent tout juste de commencer sur l'une de ces deux directives et n'ont même pas encore été entamées pour la seconde.
Les deux directives sont indépendantes l'une de l'autre et relèvent de deux directions générales différentes de la Commission européenne : la directive sur les marchés publics a été élaborée par la direction générale « marché intérieur », sous l'autorité du commissaire Charly McCreevy, tandis que la directive sur les transferts a été élaborée par la direction générale « entreprises et industrie », sous l'autorité du Commissaire Günter Verheugen. Cependant, les deux commissaires ont insisté lors de la présentation du « paquet défense » sur la cohérence du paquet qu'elles forment et sur leur complémentarité pour renforcer la compétitivité de l'industrie de défense européenne.
Enfin, il faut rappeler que ce n'est pas la première initiative de la Commission européenne dans ce domaine. Elle s'est en effet montrée particulièrement active depuis cinq ans, en publiant quatre textes sur le sujet depuis 2003.
La situation actuelle du secteur
La Commission déplore à juste titre l'inefficacité actuelle de l'industrie de défense européenne, affectée par une trop grande fragmentation des marchés et des règlementations nationales. Dans tous les États membres, en raison des spécificités des produits de défense, les gouvernements jouent un rôle prédominant, tant comme clients que comme régulateurs. Ils ont tendance à faire primer la sécurité sur toute autre considération et à négliger les règles de transparence et de libre concurrence. De plus, le régime actuel ne fait pas de distinction entre les exportations à des pays tiers et les transferts entre États membres, ce qui entrave le développement d'un marché européen de la défense. Enfin, il existe de grandes disparités entre les États membres. La plupart des États membres ne sont essentiellement que des importateurs d'armement. Seuls six pays ont des industries de défense compétitive : la France, le Royaume-Uni, la Suède, l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne. Ces six pays représentent 90 % des productions et des exportations d'armement dans l'Union européenne. Ils se sont regroupés dans le cadre intergouvernemental de la Letter of Intent ou Lettre d'Intention (LoI) de 1998 et de l'Accord-cadre de Farnborough de 2000, qui organisent une coopération industrielle et militaire renforcée.
Le « paquet défense » de la Commission européenne vise à réduire les obstacles à la circulation des biens et des services liés à la défense dans le marché intérieur, ainsi que les distorsions de concurrence qui en résultent. Dans l'esprit de la Commission, les États membres disposeront alors d'un cadre commun de règles de passation garantissant à la fois l'application du traité instituant la Communauté européenne et la prise en compte de particularités propres à ces achats, telles que la sécurité de l'information, la sécurité de l'approvisionnement et la flexibilité nécessaire des procédures.
Le régime juridique actuel des marchés publics de défense
Ils ne sont actuellement pas régis par des règles spécifiques. Ils relèvent en effet des règles de droit commun du marché intérieur, à savoir la directive générale 2004/18/CE relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.
Cependant, étant donné la spécificité de ces marchés, caractérisés par des enjeux de sécurité et de souveraineté, il existe deux dispositions permettant aux États membres de contourner les règles du marché intérieur.
La première de ces dispositions est l'article 296 du Traité sur la Communauté européenne, repris par l'article 10 de la directive 2004/18/CE. Cet article autorise les États membres à déroger aux règles communautaires pour la passation de marchés d'armes, de munitions et de matériel de guerre aux fins de la protection des intérêts essentiels de leur sécurité. Or, la Commission estime que la plupart des États membres recourent de façon abusive à l'article 296.
La seconde disposition permettant d'échapper aux règles de droit commun du marché intérieur est l'article 14 de la même directive, qui exclut du champ d'application des règles relatives aux marchés publics européens certains marchés relevant des « intérêts essentiels » d'un État membre. Cette définition, peu précise, est parfois utilisée de manière extensive par les États.
Le régime juridique des exportations d'armements en France
Le système français est spécifique par rapport aux autres États membres. Les autorisations sont individuelles ou globales, d'une durée de trois ans par tacite reconduction. Les autorisations individuelles portent sur un seul pays, tandis que les autorisations globales portent sur plusieurs pays. Les autorisations se font en deux étapes.
D'abord, la délivrance d'un agrément préalable par le Premier ministre qui permet de signer le contrat. L'agrément du Premier ministre est octroyé dans le cadre de la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre (CIEMMG).
La commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre (ou CIEEMG) examine les demandes d'agrément préalable en vue d'une exportation de matériels de guerre ou matériels assimilés. Elle émet un avis sur ces demandes afin d'assister le Secrétaire général de la défense nationale qui, au nom du Premier ministre, délivre les agréments préalables.
Elle est présidée par le Secrétariat général de la défense nationale et comprend des représentants du ministère des affaires étrangères, du ministère de la défense, et du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
La deuxième étape est une autorisation d'exportation physique, appelée « autorisation d'exportation de matériel de guerre ». Elle est octroyée après la vérification du respect du contrat. Le régime français de contrôle des exportations est réputé particulièrement fiable.
Je vais maintenant vous présenter chaque directive de façon plus précise.
Première directive : la directive relative aux marchés publics de défense.
Les principales mesures
Cette directive vise à introduire un nouvel instrument juridique pour les achats dans le secteur de la défense qui sont identifiés comme « sensibles » et pour lesquels, de ce fait, la passation des marchés comporte des exigences et des précautions particulières. La Commission a hésité dans un premier temps entre un aménagement de la directive générale 2004/18/CE et la préparation d'une directive autonome. La plupart des États membres étaient partisans d'une directive autonome, qui aurait repris les dérogations existantes, c'est-à-dire à la fois celles qui résultent de l'article 296 du traité instituant la Communauté européenne, et celles qui résultent de l'article 14 de la directive 2004/18/CE.
La Commission n'a pas totalement suivi cette demande. Elle n'a repris que de façon restrictive les dérogations résultant de l'article 296 et aucunement celles de l'article 14. C'est là un motif de conflit entre la Commission et les États membres.
La directive propose un cadre commun pour la passation des marchés publics de défense. Ce cadre vise à instaurer la transparence et l'ouverture qui font défaut aujourd'hui.
La directive a un double champ d'application. Elle recouvre un pilier dit défense et un pilier dit sécurité :
- le pilier défense concerne, d'une part, les matériels définis par une liste communautaire arrêtée en 1958, et, d'autre part, les marchés dits annexes de services et de travaux.
- le pilier sécurité concerne des matériels relatifs à des informations sensibles, à des informations classées secret défense ou à des informations ayant trait à des menaces terroristes.
Je souligne que le double champ d'application de la directive est en parfaite cohérence avec le Livre blanc en préparation sur la défense nationale, qui inclut également la sécurité.
Dans un souci de plus grande flexibilité, le texte prévoit l'instauration de marchés publics négociés avec publicité de plein droit, ce qui signifie que, à tous les niveaux de la passation, on peut exiger des garanties de confidentialité des informations et de sécurité des approvisionnements pour les candidats.
Les difficultés posées par la directive
On ne peut qu'être favorable à un texte spécifique sur les marchés publics de défense, si l'on veut que les industries de défense en Europe puissent disposer d'un véritable marché où s'exerce une concurrence non faussée. L'industrie française de défense ne peut qu'en profiter. Néanmoins, la proposition de directive laisse apparaître quelques difficultés.
Quatre points doivent à l'évidence être revus à l'occasion de la négociation au Conseil.
? La première difficulté concerne le champ d'application de la directive. Je vous ai dit que pour le pilier défense, qui est le plus important, le champ d'application résultait d'une liste élaborée en 1958. Cela ne va pas sans problèmes :
- d'abord, parce qu'une liste datant de 50 ans n'est pas forcément en adéquation avec la réalité d'aujourd'hui ;
- ensuite, parce que l'idée de procéder par liste entraîne le risque d'oublier certains matériels.
Il paraîtrait donc préférable de recourir à une définition générale du champ d'application de la directive, plutôt qu'à une liste qui, par définition, reflétera une situation datée.
? La deuxième difficulté concerne les seuils fixés par la directive, qui sont de 211 000 euros hors taxes. Or, en raison de leur nature même, aucun marché public relatif à un programme d'armement ne sera, dans les faits, sous les seuils communautaires. Cela reviendrait à soumettre l'ensemble des marchés de fournitures et de services relatifs aux armes, munitions et matériels de guerre aux règles imposées par la directive. Je pense donc que ces seuils sont inadaptés, et que la directive devra prévoir des seuils adaptés aux spécificités des marchés de défense et de sécurité.
? La troisième difficulté concerne la garantie du respect de la souveraineté des États. La directive proposée ne reprend pas l'article 14 de la directive 2004/18/CE. Celui-ci dispose que « la présente directive ne s'applique pas aux marchés publics lorsqu'ils sont déclarés secrets ou lorsque leur exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité, conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives en vigueur dans l'État membre considéré, ou lorsque la protection des intérêts essentiels de cet État membre l'exige ». Or, il importe que la directive garantisse une protection maximale des marchés de sécurité les plus sensibles. La réintégration du contenu de cet article 14 dans la nouvelle directive s'avère donc essentielle. Sur ce point, tous les États membres sont d'accord.
? La quatrième difficulté porte sur l'articulation de la directive avec l'Accord sur les marchés publics de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) : la directive ne doit pas permettre aux intérêts commerciaux hors Union européenne de s'introduire unilatéralement sur les marchés européens. C'est pourquoi, il importe de veiller à ce que le champ d'application de la directive reste en dehors du champ de l'Accord sur les marchés publics, conclu dans le cadre de l'OMC.
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Les négociations ont commencé au Conseil le 13 décembre dernier. Cinq réunions du groupe de travail « marchés publics » sont prévues sous présidence slovène. Cinq autres réunions devraient avoir lieu également sous présidence française. Le Parlement européen devrait très bientôt se saisir du texte. On peut espérer aboutir à une première lecture en fin d'année. Dans l'ensemble, les États membres sont favorables à cette directive, et les difficultés relevées devraient pouvoir être surmontées.
Compte tenu de la sensibilité du sujet, je vous propose de suivre l'évolution des négociations, mais il ne me semble pas nécessaire, à ce stade, que nous prenions position sur cette proposition de directive.
J'en viens maintenant à la directive sur les transferts, qui me paraît poser plus de problèmes.
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Deuxième directive : la directive simplifiant les conditions de transfert des produits liés à la défense dans la Communauté.
Les principales mesures
Cette directive se propose de simplifier et d'harmoniser les conditions et les procédures d'octroi des licences. Au départ, elle répond à une demande des industriels. Le Royaume-Uni a été très actif auprès de la Commission et a largement influé sur le texte de la proposition.
La Commission avait initialement préparé un projet de règlement. Elle y a finalement renoncé en raison de la réticence de la plupart des États membres et a donc préparé une directive.
Sur le fond, la grande innovation de la directive, notamment par rapport au régime juridique français, est l'introduction de licences générales. Elle prévoit ainsi de remplacer le régime d'octroi de licences individuelles par un système de licences générales et de licences globales.
Les licences individuelles, délivrées à un destinataire unique, deviennent exceptionnelles.
Les licences générales sont une autorisation a priori couvrant les exportations de certains biens et services, sans limitation de quantité ni de montant.
Les licences globales sont un intermédiaire entre les licences individuelles et les licences générales. Elles permettent de délivrer une autorisation permettant à une entreprise d'exporter des biens et services définis par la licence sans limitation de quantité ni de montant, vers une liste de destinataires proposée par l'entreprise.
Avec les licences générales et globales, le principe de l'autorisation demeure, mais, une fois la licence accordée, le transfert des produits est facilité, dans la mesure où chaque expédition de matériel ne doit plus faire l'objet d'une autorisation individuelle.
Concrètement, les États membres seraient obligés de mettre en place et de publier des licences générales pour deux types de transferts de produits :
- les transferts destinés à des gouvernements d'autres États membres ;
- les transferts à des entreprises ayant fait l'objet d'une certification sur la base de critères communs définis dans la directive.
Parmi ces critères, on peut citer l'obligation d'avoir une expérience et une réputation démontrées dans les activités de défense, d'avoir une activité industrielle pertinente et de détenir un engagement écrit de l'entreprise s'engageant à respecter les conditions d'utilisation des produits fixées dans la licence.
Les difficultés posées par la directive
Cette directive est beaucoup plus délicate que la précédente et pose de nombreux problèmes. On ne peut que comprendre et approuver les objectifs affichés, mais on peut aussi s'interroger sur les moyens proposés par la Commission. J'ai relevé quatre difficultés majeures :
? La première difficulté est la question de la compétence externe.
Si cette directive est adoptée, on assistera à un changement de cadre juridique fondamental. Jusque-là, ces questions relevaient du second pilier, c'est-à-dire de la politique étrangère et de sécurité commune. La directive impliquerait un passage au premier pilier, c'est-à-dire au pilier communautaire. On peut se demander si l'instrument communautaire est le plus adapté à ce stade, dans la mesure où une coopération intergouvernementale existe déjà entre les six États ayant des industries de défense compétitive.
De plus, ne peut-on pas craindre que, demain, la Commission s'arroge également des compétences sur les exportations d'armement hors Union européenne ? Elle pourrait s'appuyer pour cela sur la jurisprudence AETR (1971) de la Cour de justice des Communautés européennes, selon laquelle une compétence interne acquise dans un domaine par la Commission implique également sa compétence externe. Or, le domaine des exportations de matériels de guerre vers les pays tiers relève actuellement de la souveraineté exclusive des États. La Commission risquerait alors de réglementer encore plus strictement l'exportation des armes hors de l'Union européenne, en interdisant par exemple l'exportation d'armes à destination de certains pays.
On peut certes débattre du bien fondé d'une décision d'interdiction de ce genre, mais il est indéniable qu'elle n'irait pas dans le sens des intérêts de l'industrie de défense européenne à long terme, et l'on peut penser que les États membres sont en mesure d'avoir par eux-mêmes une politique responsable d'exportation d'armes, sans que la Commission ait à intervenir. Or, le risque d'une telle immixtion ne peut pas être totalement exclu, même si la Commission garantit aux États membres qu'elle n'a pas de telles ambitions. D'autant qu'on ne peut exclure que le Parlement européen aille dans le même sens car cet enjeu de compétence le concerne également. En effet, si ces sujets relevaient du pilier communautaire, il aurait un droit de regard qu'il n'a pas aujourd'hui dans le cadre du second pilier.
? La seconde difficulté concerne l'articulation de la directive avec la Lettre d'intention. Si la directive est adoptée, on peut s'interroger sur l'avenir de la coopération intergouvernementale qui a lieu dans le cadre de la Lettre d'intention. Le principe de la « coopération loyale » entre tous les États membres pourrait empêcher ou gêner la poursuite de toute initiative concurrente à la compétence communautaire, et par là même rendre impossible la poursuite des travaux de la Lettre d'intention. En effet, la « coopération loyale » s'oppose à l'approche discriminante de la Lettre d'intention. Celle-ci est par définition discriminante, dans la mesure où elle regroupe six pays ayant les mêmes intérêts qui sont prêts à aller plus loin entre eux. On peut donc redouter que la directive ne freine les progrès entre les six pays dont les industries de défense sont les plus compétitives. Or, leur coopération paraît d'autant plus nécessaire qu'ils ont des groupes transnationaux.
Il est vrai que la directive ne sera pas applicable avant un délai important. L'adoption de la directive, sa transposition, puis sa mise en oeuvre nécessiteront sans doute au moins cinq ans. Cela laisse du temps pour avancer dans le cadre de la Lettre d'intention, qui est totalement indépendante du cadre communautaire. Quelques avancées ont été réalisées, mais elle a pâti d'un manque de volonté et d'implication politique. Actuellement, cette enceinte de dialogue reste très technocratique. La perspective politique initiale a été perdue de vue. Il faudrait en fait que les ministres de la défense s'impliquent davantage pour relancer et redynamiser la Lettre d'intention, qui reste indispensable pour la construction d'une Europe de la défense compétitive.
? La troisième difficulté est relative aux certifications et aux clauses de sauvegarde. Les licences générales ne permettent pas de faire de discrimination entre les 27 États membres. Il en va de même avec les sociétés certifiées des 27 États membres. Or, les pays sont différents. Un État membre n'est pas naturellement porté à rechercher le même degré d'implication et de collaboration dans ce domaine avec l'Allemagne qu'avec Chypre, Malte ou la Bulgarie, pays qui apparaissent beaucoup moins fiables. L'approche égalitaire et non discriminante de la directive pose donc problème, dans la mesure où les 27 États membres ne garantissent pas le même niveau de sécurité pour le contrôle des exportations d'armement.
En outre, les critères de certification semblent insuffisants et inadaptés, car le projet actuel repose sur un régime déclaratif de certification des entreprises. Ce régime ne prévoit aucun réel contrôle étatique, ni aucune procédure obligatoire d'audits et de modalités de révision de l'octroi des certifications. Des critères insatisfaisants pourraient donc aboutir à affaiblir le marché en réduisant la confiance entre les États membres. De plus, les règles de certification ne prévoient aucune procédure de sanction ni de recours contre une entreprise ne respectant pas les critères de certification. La directive ne prévoit qu'une clause de sauvegarde qui paraît insuffisante. Celle-ci traite des risques exceptionnels, en permettant aux États membres d'interrompre les transferts sous licences générales vers des entreprises certifiées dont la fiabilité n'est pas absolue.
Enfin, le dispositif de certification est inadapté aux petites et moyennes entreprises : il favorise les grandes entreprises déjà implantées, ce qui pourrait constituer un frein aux échanges déjà existants effectués par les PME.
? La quatrième difficulté concerne l'Agence européenne de défense. Il est regrettable que les deux directives ne mentionnent pas l'Agence européenne de défense et ne lui attribuent aucun rôle. Pourtant, celle-ci apparaît comme l'organe européen expert sur les questions de défense. De plus, elle représente - certes dans un cadre intergouvernemental - les ministres de la défense. À ce titre, elle pourrait jouer le rôle d'autorité responsable du contrôle des certifications ou d'autorité édictant les critères communs de certification des entreprises. De plus, elle pourrait éventuellement devenir une sorte de Cour d'appel en cas de litige entre les États membres sur les certifications. Elle serait en tout cas bien plus fondée à jouer ce rôle que la Commission. Cela permettrait de centraliser le contrôle et de renforcer la sécurité du dispositif. La participation de l'Agence européenne de défense pour le contrôle des certifications figurait d'ailleurs dans les documents de travail de la Commission, et le commissaire Verheugen, encore récemment, s'est prononcé en ce sens devant le Parlement européen. Le principal obstacle à cette participation ne vient pas de la Commission, qui s'est montrée ouverte aux propositions françaises sur la question, mais des Britanniques, qui ne veulent pas alourdir leur contribution financière au budget de l'Agence. Pour ma part, j'estime qu'il est indispensable de réintégrer l'Agence européenne de défense dans le dispositif prévu par la directive.
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La directive sur les transferts est beaucoup plus controversée que celle sur les marchés publics de défense. C'est pourquoi, les négociations n'ont pas encore commencé au Conseil. Le groupe de travail du Conseil ne devrait pas se réunir avant le mois de mars. Il est donc difficile de faire des prévisions sur le calendrier des négociations. Le Parlement européen n'a pas encore nommé de rapporteur, mais c'est la commission sur le marché intérieur et la protection des consommateurs qui traitera le texte. Les négociations seront certainement longues, difficiles et compliquées. Une partie d'entre elles se déroulera sous présidence française.
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Étant donné l'importance des questions soulevées par cette directive, je vous propose d'adresser un projet de conclusions au Gouvernement.
Compte rendu sommaire du débat
M. Hubert Haenel :
Vous avez soulevé un certain nombre de difficultés qui montrent que les questions de défense, au sein de l'Union européenne, sont loin d'être simples.
Il est clair que l'on peut redouter que la Commission, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice, revendique un jour une compétence externe sur ce sujet. On peut également redouter un enlisement de la coopération entre les pays les plus compétitifs dans le cadre de la Lettre d'intention. Car, dans ce domaine de la défense, les vingt-sept États membres ne sont pas à égalité ; et cela tout à la fois pour les forces et pour l'armement. Il est clair que certains comptent peu, tandis que d'autres ont une capacité substantielle.
M. Robert Bret :
Si j'ai bien compris, pour les exportations d'armes hors de l'Union européenne, vous craignez que la Commission européenne puisse à terme fixer une liste de pays où il ne serait pas possible d'exporter. Il me paraîtrait compréhensible, dans cette hypothèse, que la Commission européenne souhaite que cette liste soit respectée par tous les États membres, même par les six pays les plus compétitifs dans le domaine de la défense. Cela ne me paraît pas un problème, car la logique d'un pays producteur d'armes doit à mon avis se concilier avec d'autres considérations liées à la stabilité internationale ou aux risques de conflits, qui peuvent, je pense, être prises en compte plus globalement par la Commission européenne.
M. Didier Boulaud :
La proposition de directive porte sur le fonctionnement du marché intérieur. Mais la crainte est que, en raison de la jurisprudence de la Cour de justice, il ait pour conséquence de conférer à la Commission une compétence que, aujourd'hui, en vertu des traités, elle ne détient pas. L'inquiétude est alors que les États ne se voient dépossédés de leur compétence pour les exportations de matériels de guerre hors de l'Union européenne. Il ne s'agit que d'un risque et non d'une implication certaine, mais il convient d'éviter ce risque.
M. Hubert Haenel :
Comme vous l'avez souligné, nous en sommes encore au tout début du processus législatif communautaire. Nous intervenons donc en temps utile pour que le Gouvernement prenne notre avis en compte au cours des négociations.
Le projet de conclusions que vous nous soumettez résume parfaitement les différents points que vous avez soulevés dans votre communication. Y a-t-il des observations à ce sujet ?
M. Pierre Bernard-Reymond :
La dernière phrase du projet de conclusions pourrait être ressentie comme une injonction faite au ministre de la défense. Peut-être pourrait-on la rédiger de façon plus nuancée ?
M. Didier Boulaud :
Je suis en plein accord avec vous ; il ne s'agit aucunement de stigmatiser le ministre. Ce qui est important, c'est de demander qu'il y ait une véritable implication politique. La LoI est malheureusement une structure devenue aujourd'hui plus technocratique que politique, car les ministres de la défense s'en sont peu à peu désintéressés. Les industriels eux-mêmes s'en plaignent. Ils estiment qu'il n'y a pas assez d'implication politique dans cette LoI et que celle-ci mériterait une vraie relance politique.
M. Hubert Haenel :
Je constate qu'il y a unanimité sur le projet de conclusions ainsi amendé.
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À l'issue de ce débat, la délégation a adopté les conclusions suivantes :
Conclusions
La délégation pour l'Union européenne demande au Gouvernement d'agir au cours des négociations, de façon à ce que la directive :
- n'ouvre pas la voie à une intervention de la Commission européenne dans les exportations d'armement hors de l'Union européenne ;
- prévoie la participation de l'Agence européenne de défense dans le contrôle des certifications des entreprises ;
- retienne des critères de certification permettant de maintenir, voire renforcer, la confiance entre les États membres ;
La délégation pour l'Union
européenne demande au Gouvernement de relancer la Lettre d'intention
(LoI) en garantissant une forte implication politique dans cette structure de
dialogue intergouvernementale.