du 30/06/2009
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 03/07/2009Examen : 04/11/2009 (commission des affaires européennes)
Justice et affaires intérieures
Texte E 4552
Transmission des procédures
pénales
(Procédure écrite du 4 novembre 2009)
Le programme de La Haye avait envisagé la possibilité de regrouper les poursuites dans un seul État membre dans le cadre des affaires transnationales multilatérales afin d'accroître l'efficacité des poursuites tout en garantissant une bonne administration de la justice. Le sujet est sensible puisque le droit de poursuivre est un droit régalien par excellence. La création d'Eurojust a été une première réponse : sa mission est précisément d'améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites entre les autorités compétentes des États membres. La présidence tchèque a fait adopter une décision-cadre sur la prévention et le règlement des conflits dont la plus-value apparaît limitée. Dû à une initiative de la présidence suédoise à laquelle la France s'est associée, le présent texte pourrait avoir une utilité supérieure en permettant à un pays de dénoncer officiellement des faits à un autre pour que celui-ci décide d'engager des poursuites.
Plusieurs instruments de droit international prévoient d'ores et déjà un cadre juridique applicable aux dénonciations officielles. Treize États membres ont ratifié la convention du Conseil de l'Europe du 15 mai 1972 sur la transmission des procédures répressives. Par ailleurs, la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres prévoit une procédure de dénonciation officielle. En application de cette convention, la France applique cette procédure qui s'avère à la fois souple et efficace.
Cependant, le dispositif qui est proposé permettrait d'établir une procédure uniforme applicable à la coopération entre tous les États membres dans le cadre de la transmission des procédures pénales. Il apporterait par ailleurs des précisions utiles sur la procédure à mettre en oeuvre : formalisation des demandes, obligation de réponse et de motivation des refus, introduction d'une règle de compétence spécifique liée à la mise en oeuvre de l'instrument.
En pratique, le transfert de la procédure d'un État membre au profit d'un autre pourra être demandé si au moins l'un des critères suivants est rempli :
- critères liés à l'enquête : lieu de commission de l'infraction ou de réalisation du dommage lié à cette infraction situés dans l'État destinataire, principaux éléments de preuve localisés dans l'État destinataire ;
- critères liés au suspect : lieu de résidence ou de détention du suspect dans l'État destinataire, existence de procédures pendantes à l'encontre du même suspect ou mettant en cause la même organisation criminelle ;
- critères liés à la victime : lieu de résidence situé dans l'État destinataire.
L'avis du suspect devra, s'il y a lieu et conformément au droit national, être recueilli avant d'envisager le transfert. La victime devra de même être informée. La demande sera matérialisée par l'envoi d'un formulaire (annexé au projet) accompagné d'une copie des éléments pertinents de la procédure, traduits. Les consultations préalables seront encouragées.
Chaque État membre devra prendre les mesures permettant à ses juridictions de se saisir des procédures ainsi transmises Mais lorsque la compétence ne s'appuie sur aucun critère de compétence autre que celui résultant de la mise en oeuvre de l'instrument, la juridiction destinataire pourra refuser le transfert s'il ne lui semble pas concourir à une bonne administration de la justice. Le transfert pourra par ailleurs être refusé en l'absence de double incrimination, lorsque l'action publique est prescrite dans l'État membre destinataire ou que l'infraction est couverte par l'amnistie. La décision, qui devra être motivée, sera portée à la connaissance de l'autorité de transmission.
L'acceptation du transfert aura pour effet de suspendre ou de clore la procédure ouverte dans l'État de transmission. Les poursuites pourront être reprises dans l'État de transmission en cas de clôture de la procédure dans l'État destinataire, lorsque cette décision ne fait pas obstacle à l'engagement d'une nouvelle procédure. L'application de ces règles sera sans effet sur la possibilité reconnue dans certains États membres aux victimes d'engager elles-mêmes l'action publique.
La procédure transmise sera régie par le droit de l'État membre destinataire. Lorsque la compétence de ce dernier est exclusivement fondée sur la mise en oeuvre de l'instrument, la sanction prononcée ne pourra être plus sévère que celle encourue selon le droit de l'État de transmission.
Ainsi conçu ce dispositif est de nature à rationaliser le traitement des procédures pénales au sein de l'espace judiciaire européen, en rapprochant les poursuites des justiciables (transmission du dossier vers le lieu de résidence des suspects ou des victimes), ou en regroupant les dossiers mettant en cause les mêmes personnes ou la même organisation criminelle. Il contribue aussi à éviter les doubles poursuites.
Toutefois, les discussions engagées en juillet 2009 au sein du groupe « coopération judiciaire pénale » du Conseil ont mis en évidence la réticence de certains États membres à introduire dans leur droit national les dispositions utiles, en particulier un transfert effectif de compétences. Or ce n'est que sous cette condition que ce texte pourra avoir une véritable valeur ajoutée et renforcer effectivement la coopération judiciaire. Dans le cas contraire, il ne serait pas utile de superposer les instruments.
Sous cette réserve, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte.