COM(2021) 812 final
du 14/12/2021
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
Réponse de la Commission européenneCe texte a fait l'objet de la proposition de résolution : Proposition de résolution portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport (2021-2022) : voir le dossier legislatif
v Proposition de règlement sur les orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport, modifiant le règlement (UE) 2021/1153 et le règlement (UE) n° 913/2010 et abrogeant le règlement (UE) n° 1315/2013 - COM (2021) 812
La proposition de règlement COM(2021) 812 qui doit abroger le règlement actuel (UE) 1315/2013 vise à réviser les lignes directrices du réseau transeuropéen de transport dit RTE-T. Cette initiative, particulièrement ambitieuse, a pour objectif de constituer un réseau interopérable, sûr et intégré et d'aligner son développement sur les objectifs climatiques de l'Union européenne.
La révision du RTE-T fait partie du paquet « mobilité verte », présenté par la Commission européenne le 14 décembre dernier, qui s'inscrit dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe, de la stratégie de mobilité durable et intelligente et de l'adaptation de l'Europe à l'ère numérique. Le secteur des transports doit, en effet, réduire de 90 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Certaines dispositions du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » qui concernent le domaine des biocarburants et des infrastructures de recharge pour carburants alternatifs sont aussi visées dans ce texte.
Pivot de la politique de l'Union européenne dans le domaine des transports, le RTE-T définit des règles et des exigences communes pour mettre en place un réseau efficace et multimodal (ferroviaire, routier, fluvial, maritime, aérien et terminaux multimodaux) à l'échelle européenne. Cet ensemble de normes et d'objectifs sert de cadre à l'octroi de financements pour les projets d'infrastructures de transport, à travers le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE).
Afin d'avancer plus rapidement dans la réalisation du réseau transeuropéen de transport et de mieux répondre aux exigences liées à la transition écologique, la Commission européenne opte pour des mesures particulièrement contraignantes et de nouvelles obligations, en introduisant des dispositions pour verdir les infrastructures, aligner les efforts de planification et de mise en oeuvre des services de transport et encourager le report modal vers des modes de transports moins polluants.
Le RTE-T, dont les premières orientations ont été adoptées en 1996 et modifiées depuis à plusieurs reprises, est fondé sur les articles 170 à 172 du traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Ces articles disposent que l'Union est compétente pour définir les grandes orientations et objectifs dans le domaine des réseaux transeuropéens ainsi que pour identifier des projets d'intérêt commun. En revanche, la programmation et la mise en oeuvre de ces projets relèvent de la compétence des États membres. Il en est de même de la gestion de la mobilité urbaine qui incombe aux États membres ; par conséquent, l'Union européenne dispose d'un rôle limité dans ce domaine. La proposition de révision n'a pas d'incidence sur la base juridique sur laquelle est fondée la directive initiale, à savoir l'article 172.
La proposition de la Commission européenne présente plusieurs évolutions importantes :
- la création d'un « réseau central étendu » dont l'échéance de réalisation est fixée en 2040, situé entre le « réseau central » - parties du réseau global présentant la plus haute importance stratégique pour l'UE - et le « réseau global », dont les dates d'achèvement sont maintenues, respectivement en 2030 et 2050 ;
- la création de neuf corridors de transport européens, qui remplacent ceux du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) ;
- des exigences techniques plus élevées afin de favoriser la multimodalité et l'interopérabilité entre les modes de transport du RTE-T, et répondre aux enjeux de développement durable ;
- le renforcement du rôle des instruments de gouvernance pour les adapter aux nouveaux besoins du réseau ;
- la modification des cartes du RTE-T. 424 grandes villes1(*) sont ainsi reconnues comme des noeuds urbains.
Or certaines évolutions proposées dans ce cadre pourraient soulever des interrogations au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Plusieurs points soulèvent des difficultés à cet égard :
- l'élargissement des missions et des responsabilités des coordonnateurs européens des corridors (art. 51), mis en place par le règlement de 2013. De nouvelles missions sont ainsi confiées aux coordonnateurs européens des corridors, notamment le recensement et l'identification des besoins d'investissement pour le fret ferroviaire et les lignes ferroviaires de voyageurs, le suivi des aspects administratifs, opérationnels et d'interopérabilité du trafic de fret, le recueil systématique de leur avis lors de l'examen des dossiers de demande de financement au titre du MIE ou leur implication dans la recherche de solution en cas de retard dans l'achèvement du réseau. L'élargissement du champ d'activité des coordonnateurs européens nécessite des éclaircissements pour s'assurer que leur rôle dans la mise en oeuvre des corridors de transport européens ne s'opère pas au détriment des prérogatives des États membres ;
- l'obligation pour 424 grandes villes, situées le long du RTE-T, d'élaborer des plans de mobilité urbaine durable (PMUD) d'ici au 31 décembre 2025 ;
- la fixation d'exigences sur la maintenance et le cycle de vie des infrastructures du RTE-T (art. 48), afin d'« offrir le même niveau de service et de sécurité au cours de leur durée de vie ». Or cet entretien relève de la responsabilité des États membres, ce qui est bien le cas dans le règlement actuel. Il convient de s'interroger sur la valeur ajoutée de ces nouvelles obligations qui sont, en principe, prises en compte par les règlementations nationales ;
- l'adoption par la Commission d'un acte d'exécution pour chaque plan de travail relatif aux corridors de transport européens et aux priorités horizontales (art. 54). Ces plans de travail des coordinateurs reposent sur des plans préalablement validés par les États membres. Cette mesure a déjà été mise en oeuvre pour le projet Seine-Escaut. Toutefois l'utilisation systématique des actes d'exécution pour la réalisation des projets peut susciter des réserves quant à l'intérêt d'une telle disposition, même si des mesures contraignantes semblent nécessaires pour achever le RTE-E. Il faut rappeler que le Sénat a déploré, à plusieurs reprises, le recours excessif aux actes délégués et aux actes d'exécution ;
- l'alignement des plans nationaux avec la politique des transports de l'Union et la notification de ces projets à la Commission dans un délai imparti (12 mois avant leur adoption). L'objectif est de mettre en cohérence les réalisations nationales avec les obligations européennes. Or les priorités en matière de transport et d'investissement sont fixées par les États membres, dans le cadre d'une procédure d'adoption par les parlements nationaux.
Compte tenu de ces observations, le groupe de travail a jugé nécessaire que la commission des affaires européennes analyse précisément la question de la conformité de ce texte aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, en vue de de l'adoption d'un éventuel avis motivé.
* 1 Pour la France, les noeuds urbains sont les suivants : Aix-en-Provence, Ajaccio, Amiens, Angers, Annecy, Besançon, Bordeaux, Brest, Caen, Cayenne, Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Pointe-à-Pitre-Les Abymes, Le Havre, Le Mans, Lille, Limoges, Aire métropolitaine de Lyon, Fort-de-France-Lamentin, Marseille, Dzaoudzi-Mamoudzou, Metz, Montpellier, Mulhouse, Nancy, Nantes, Nice, Nîmes, Orléans, Aire métropolitaine de Paris, Perpignan, Poitiers, Saint-Denis de La Réunion, Reims, Rennes, Rouen, Saint-Étienne, Strasbourg, Toulon, Toulouse, Tours.
Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution
Texte déposé au Sénat le 03/02/2022ÉNERGIE, CLIMAT, TRANSPORTS
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport, modifiant le règlement (UE) 2021/1153 et le règlement (UE) n° 913/2010 et abrogeant le règlement (UE) n° 1315/2013
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2010/40/UE concernant le cadre pour le déploiement de systèmes de transport intelligents dans le domaine du transport routier et d'interfaces avec d'autres modes de transport
COM (2021) 812 et 813 final - Textes E16386 et E16421
(Procédure écrite du 31 mai 2022)
Dans le cadre de sa stratégie de mobilité durable et intelligente, la Commission européenne a présenté, le 14 décembre 2021, un ensemble d'initiatives destinées à moderniser le réseau de transport de l'Union européenne, en particulier ses infrastructures. Le paquet « mobilité verte et efficiente » comprend ainsi deux propositions législatives, l'une sur le réseau transeuropéen de transports et l'autre sur les systèmes de transports intelligents, ainsi que trois communications (mobilité urbaine, transport ferroviaire longue distance et transfrontalier de passagers, extension du RTE-T aux pays du voisinage).
Ce paquet s'inscrit dans le cadre du Pacte vert européen qui prévoit notamment un certain nombre de mesures destinées à décarboner le secteur des transports. Il est ainsi envisagé une trajectoire de réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre provenant de ce secteur d'ici à 2050, et d'au moins 55 % en 2030. Les transports sont, à l'heure actuelle, responsables d'environ 30 % des émissions totales de CO2 de l'Union européenne. Or, malgré les efforts de décarbonation des filières du secteur, les émissions de gaz à effet de serre se sont accrues de 18 % en Europe depuis 1990, ce qui s'explique par le développement du transport routier et aérien.
Le réseau transeuropéen de transports « RTE-T » constitue l'un des piliers de la politique de l'Union européenne en matière de transports. Ce réseau vise à développer la connexion entre les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux ainsi que les ports et aéroports des États membres.
La proposition de révision du règlement sur le RTE-E doit permettre d'achever et de moderniser l'ensemble du réseau. Elle comporte ainsi plusieurs évolutions importantes par rapport à la législation actuelle :
- la création d'un « réseau central étendu » dont l'échéance de réalisation est fixée en 2040, qui se situe entre le « réseau global » - parties du réseau global présentant la plus haute importance stratégique pour l'UE - et le « réseau central », dont les dates d'achèvement sont maintenues, respectivement en 2050 et 2030 ;
- la création de neuf corridors de transport européens combinant le rail, la route et les voies navigables. Ils remplacent ceux du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) ;
- des exigences dans le domaine du rail qui concernent la circulation de trains à 160 km/h ou plus d'ici à 2040 pour les principales lignes ferroviaires de voyageurs du RTE-T ;
- la modification des cartes du RTE-T. 424 grandes villes, situées le long du RTE-T, sont ainsi reconnues comme des noeuds urbains et doivent élaborer des plans de mobilité urbaine durable (PMUD), d'ici au 31 décembre 2025, afin d'encourager une mobilité à émissions nulles. Il convient de relever qu'un millier de villes en Europe disposent déjà d'un tel plan ;
- des exigences techniques plus élevées afin de favoriser la multimodalité et l'interopérabilité entre les modes de transport du RTE-T, et répondre aux enjeux de développement durable ;
- le renforcement du rôle des instruments de gouvernance pour les adapter aux nouveaux besoins du réseau, qui s'appuie pour l'essentiel sur l'élargissement des missions et des responsabilités des coordonnateurs européens des corridors, mis en place par le règlement de 2013. De nouvelles missions nouvelles leur sont confiées, notamment le recensement et l'identification des besoins d'investissement pour le fret ferroviaire et les lignes ferroviaires de voyageurs, le suivi des aspects administratifs, opérationnels et d'interopérabilité du trafic de fret, le recueil systématique de leur avis lors de l'examen des dossiers de demande de financement au titre du MIE ou leur implication dans la recherche de solution en cas de retard dans l'achèvement du réseau. L'élargissement du champ d'activité des coordonnateurs européens doit être clairement défini afin qu'il ne s'opère pas au détriment des prérogatives des États membres ;
- l'adoption par la Commission d'un acte d'exécution pour chaque plan de travail relatif aux corridors de transport européens et aux priorités horizontales. Ces plans de travail des coordinateurs reposent sur des plans préalablement validés par les Etats membres. Cette mesure a déjà été mise en oeuvre pour le projet Seine-Escaut. Toutefois l'utilisation systématique des actes d'exécution pour la réalisation des projets peut susciter des réserves quant à l'intérêt d'une telle disposition, même si des mesures contraignantes semblent nécessaires pour achever le RTE-E ;
- l'alignement des plans nationaux avec la politique des transports de l'Union et la notification de ces projets à la Commission dans un délai imparti. Bien que les priorités en matière de transport et d'investissement soient fixées par les États membres, il semble opportun de mettre en cohérence les réalisations nationales avec les obligations européennes.
L'achèvement du RTE-E est ainsi un des objectifs fixés par la stratégie de mobilité durable et intelligente pour l'ensemble du réseau de transport. Il suppose le déploiement de lignes ferroviaires à grande vitesse qui constitue un élément essentiel du report modal vers le train. L'attractivité du transport ferroviaire est, en effet, au coeur de la stratégie de la Commission européenne. Or force est de constater que la part modale du train tant pour le transport de marchandises que celui de passagers n'a pas connu de progression significative au cours des dernières décennies. La route demeure le mode de transport privilégié. L'Union européenne s'est pourtant fixée comme objectif d'accroître la part du rail afin de contribuer à la transition écologique. Ces mesures nécessitent d'importants efforts d'investissements de la part des États membres.
Ainsi cet objectif d'un réseau transeuropéen de transport n'a donc pas encore été atteint malgré plusieurs décennies d'interventions européennes pour éliminer les barrières existantes entre les réseaux des États membres. Or un tel réseau est indispensable au bon fonctionnement du marché intérieur et au renforcement de la cohésion de l'Union ainsi qu'à l'atteinte de nos engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ses répercussions vont ainsi bien au-delà des frontières des États membres. Par conséquent, les insuffisances constatées et les nouveaux besoins identifiés, plus spécifiquement en termes de connectivité et de fluidité des flux de transport, nécessitent une action concertée et coordonnée au niveau de l'Union européenne. Les initiatives de la Commission européenne prises pour coordonner la mise en place du RTE-T, plus particulièrement en ce qui concerne la révision des dispositifs de gouvernance, doivent toutefois être bien circonscrites afin de préserver les prérogatives des États en matière de programmation et de mise en oeuvre des projets d'infrastructures.
La Commission européenne propose aussi une révision de la directive du 7 juillet 2010 sur le déploiement des systèmes de transports intelligents (STI). Les systèmes de transport intelligents traitent de l'application au secteur des transports et de sa logistique des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
L'évaluation de la directive précitée a fait apparaître « des lacunes persistantes qui se sont traduites par un déploiement fragmenté et non coordonné, ainsi que par un manque de continuité géographique des services STI sur l'ensemble du territoire de l'Union et à ses frontières extérieures ». La révision de la directive STI doit ainsi permettre de renforcer l'interopérabilité et la continuité des systèmes de transports intelligents dans l'ensemble de l'Union européenne, en y incluant les innovations dans les domaines de la mobilité, et de disposer des données exploitées dans ce cadre. Les nouveaux services STI devraient contribuer au développement du parc de véhicules à émission zéro et à une meilleure efficacité dans leur utilisation. Ils devraient également permettre d'améliorer la sécurité routière et la gestion du trafic.
La proposition de directive élargit son champ d'application en redéfinissant quatre domaines prioritaires pour les services STI : l'information et la mobilité, les voyages, le transport et la gestion du trafic routier, la sécurité et la sûreté routières, la mobilité coopérative, connectée et automatisée.
Les principales mesures concernent :
- l'obligation de disponibilité et d'accessibilité des données au format numérique sur une couverture géographique étendue à l'ensemble du réseau routier et de déploiement de certains STI ;
- la mise en place d'une architecture communautaire de la protection des données ;
- la possibilité donnée à la Commission européenne de mettre à jour la liste des données et des services obligatoires au moyen d'actes délégués.
Les négociations ont démarré au cours du mois de février 2022. La Présidence française a proposé, dans un document de compromis soumis au Conseil en avril dernier, plusieurs modifications qui doivent permettre d'apporter des garanties notamment en matière de coût du déploiement des STI pour les États membres et d'accorder un peu plus de marge de manoeuvre aux États membres sur certaines dispositions considérées comme particulièrement contraignantes.
Compte tenu de ces éléments, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces textes.