COM(2022) 32 final
du 02/02/2022
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
La normalisation est l'un des fondements du marché unique européen et de la compétitivité mondiale. Elle permet de garantir l'interopérabilité des produits et des services, de réduire les coûts, d'améliorer la sécurité et de stimuler l'innovation. Elle joue ainsi un rôle clé dans la vie quotidienne des consommateurs, l'activité des acteurs économiques et la protection de l'environnement. De ce fait, elle constitue un enjeu tout à la fois économique et stratégique de premier plan, au niveau européen comme au niveau mondial.
Le 2 février dernier, la Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie en matière de normalisation1(*), dans laquelle elle expose son approche des normes au sein du marché unique et à l'échelle mondiale, dans le cadre du commerce international. Annoncée lors de la présentation de la mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle de 20202(*), cette stratégie est fondamentale pour « la souveraineté technologique de l'Europe, sa capacité à réduire ses dépendances et la protection des valeurs de l'UE »3(*). Elle vise à renforcer la compétitivité de l'UE à l'échelle mondiale, à favoriser l'émergence d'une économie résiliente, verte et numérique, et à « ancrer les valeurs démocratiques dans les applications »4(*). La stratégie, qui identifie cinq grands domaines d'action5(*), est assortie d'une proposition de modification du règlement de 2012 relatif à la normalisation, d'un rapport sur la mise en oeuvre de celui-ci et d'un programme de travail annuel en matière de normalisation européenne pour 20226(*).
La proposition de règlement encadre la prise de décision en matière de normalisation européenne. Au sein du système européen de normalisation, qui est organisé sur la base de représentations nationales, seuls trois organismes européens de normalisation - le Comité européen de normalisation (CEN), le Comité européen de normalisation électronique (Cenelec) et l'Institut européen de normalisation des télécommunications (ETSI) - sont habilités à travailler sur des demandes de normalisation émanant de la Commission. Comme le prévoit le chapitre II du règlement (UE) n°1025/2012 relatif à la normalisation européenne, ces organismes européens de normalisation, qui ont un statut de droit privé, associent à leurs travaux des organismes nationaux de normalisation, y compris ceux des candidats et des candidats potentiels à l'adhésion, ainsi que différentes parties prenantes internationales et européennes. Le considérant n°4 de la proposition de règlement modificatif estime que « cette coopération est la bienvenue car elle contribue à un processus de normalisation transparent, ouvert, impartial et consensuel ».
Toutefois, lorsque ces organismes élaborent des normes et des publications en matière de normalisation à la demande de la Commission, conformément à l'article 10§1 du règlement, - normes qui sont publiées au JOUE et que la Cour de justice considère comme faisant partie du droit de l'Union7(*) -, le même considérant observe que la participation sans restrictions de toute partie prenante à la prise de décision interne « peut conduire à des décisions qui ne tiennent pas entièrement compte des intérêts, des objectifs d'action et des valeurs de l'Union ainsi que des intérêts publics en général ».
Soucieuse de préserver l'intégrité, le caractère inclusif et l'accessibilité du système européen de normalisation en établissant des principes de bonne gouvernance, la Commission avait annoncé en 2020 qu'elle proposerait de réserver aux seuls représentants des organismes nationaux de normalisation l'adoption de décisions de normalisation en réponse aux demandes de la Commission. Lors de sa réunion du 9 juin 2020, le Conseil, qui avait également identifié cette problématique, a salué « l'intention de la Commission [...] de renforcer le système européen de normalisation et sa gouvernance ».
Les modifications proposées complètent l'article 10 du règlement de 2012 pour préciser que les décisions prises en réponse à une demande de la Commission d'élaboration ou de publication en matière de normalisation adressée à une ou plusieurs organisations européennes de normalisation doivent être prises par les seuls représentants des organismes nationaux de normalisation au sein de l'organe de décision compétent de ladite organisation.
La proposition apparaît conforme au principe de subsidiarité. Fondées, comme le règlement de 2012 qu'elle modifie, sur l'article 114 (marché intérieur) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), les modifications qu'elle propose d'apporter au règlement (UE) n°125/2012 en matière de normalisation européenne affirment le monopole décisionnel des représentants nationaux (c'est-à-dire les organismes nationaux de normalisation) au sein des organisations européennes de normalisation, lesquelles constituent le seul niveau pertinent en la matière, ce qui permet d'assurer tant l'objectivité finale de la prise de décision en matière de normalisation européenne que sa conformité aux objectifs des politiques européennes, et cela sans remettre aucunement en cause la fructueuse coopération développée avec les parties prenantes. Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé de ne pas intervenir sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution. |
* 1 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Une stratégie de l'UE en matière de normalisation - Définir des normes mondiales à l'appui d'un marché unique européen, résilient, vert et numérique » (COM(2022) 31 final).
* 2 COM(2021) 250.
* 3 Déclaration du commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, lors de la présentation de la stratégie de l'UE en matière de normalisation.
* 4 Communiqué de la Commission européenne du 2 février 2022.
* 5 Ces cinq objectifs sont les suivants :
- anticiper et hiérarchiser les besoins en matière de normalisation dans les domaines stratégiques et y répondre afin d'accélérer la production de normes en conformité avec le programme européen en matière d'innovation et de politique industrielle (en particulier en matière de production de vaccins et de médicaments anti-Covid, de matières premières critiques pour les batteries et de recyclage de celles-ci, de résilience climatique des infrastructures et de production de ciment bas-carbone, de technologies en matière d'hydrogène et de composants, de transport et de stockage d'hydrogène, de certification des semi-conducteurs ou encore de contrats intelligents en matière d'espaces de données ;
- préserver l'intégrité, le caractère inclusif et l'accessibilité du système européen de normalisation en établissant des principes de bonne gouvernance ;
- renforcer le rôle de l'Europe en matière de normes mondiales ;
- stimuler l'innovation en exploitant mieux le potentiel de la recherche financée par l'UE afin de valoriser des projets innovants au moyen d'activités de normalisation, notamment par le lancement d'un « accélérateur de normalisation » pour aider les chercheurs travaillant dans le cadre du programme Horizon Europe à tester la pertinence de leurs résultats pour la normalisation ;
- faciliter le changement de génération chez les experts en normalisation, en particulier en sensibilisant le milieu universitaire aux normes.
* 6 Ce programme de travail, qui accompagne les politiques européennes en matière numérique, de marché unique, de programme spatial, d'efficacité énergétique et climatique ou encore de commerce international, identifie des priorités en matière de standardisation européenne pour atteindre les objectifs d'un marché unique vert, numérique et résilient. Ce programme prévoit en particulier une revue des normes actuelles pour les mettre en conformité avec les objectifs du Pacte vert et de la décennie numérique. Il prévoit en outre de poursuivre la coopération sur la normalisation avec les États-Unis et le G7 ainsi que les travaux sur les normes en matière de technologies de l'information et de la communication (ICT) - C(2022) 546 final.
* 7 CJUE 27 octobre 2016, C-613/14, ECLI :EU :C :2016 :821.