COM(2022) 707 final
du 08/12/2022
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
Proposition de directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (COM (2022) 707)
Description du dispositif
Le champ de la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal est plus vaste que celui du texte qu'il modifie.
Son objectif affiché est très ambitieux, puisqu'il ne se limite pas au domaine de la TVA et de la fiscalité indirecte. Il vise en effet « l'équité fiscale », qui figure parmi les piliers essentiels de l'engagement de la Commission européenne en faveur d'une «économie au service des personnes»1(*).
Il est vrai que la pandémie de COVID-19 et les conséquences de la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine, ont montré l'urgence de consolider les finances publiques, afin que les États membres disposent de recettes fiscales suffisantes pour financer les efforts considérables qu'ils consentent afin de contenir les répercussions économiques négatives de ces crises, tout en assurant la protection des plus vulnérables. Dans ce contexte, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales est prioritaire. Il est donc jugé nécessaire de renforcer la coopération administrative et l'échange d'informations en matière fiscale à cette fin.
Le présent texte se concentre sur les moyens de paiement et d'investissement alternatifs, tels que les crypto-actifs et la monnaie électronique.
Il découle des conclusions du Conseil (Ecofin) adoptées le 27 novembre 2020, « sur une fiscalité équitable et efficace en période de relance, sur les défis fiscaux liés à la transformation numérique et sur la bonne gouvernance fiscale dans l'UE et au-delà »2(*), saluées par le Parlement européen dans une résolution du 10 mars 2022.
Il doit aussi s'apprécier dans le contexte des efforts menés au sein de l'Organisation de Coopération et de Développement économique (OCDE) en vue de convenir d'une norme pour l'échange d'informations sur les crypto-actifs à des fins fiscales (le «cadre de déclaration des crypto-actifs») et de l'extension du champ d'application de la norme commune de déclaration (dite «NCD») à la monnaie électronique, qui ont conduit à un accord au mois d'août 20223(*) et ont été salués par le G20 dans la déclaration des dirigeants de Bali4(*) en novembre 2022.
Il prolonge les efforts menés récemment par l'UE sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales et sur le renforcement de la transparence, en matière d'échange d'informations, grâce notamment aux modifications de la directive relative à la coopération administrative (la «DAC»)5(*).
Il tend à répondre aux observations de la Cour des comptes européenne6(*) sur la nécessité d'améliorer plusieurs aspects de la directive relatifs à toutes les formes d'échanges d'informations et de coopération administrative. La Cour évoquait notamment l'absence de dispositions particulières couvrant la monnaie électronique et les monnaies numériques de banque centrale, les décisions fiscales anticipées en matière transfrontière pour les contribuables « à fort enjeu » ainsi que le manque de clarté des mesures de conformité.
Il y avait donc lieu de rendre plus strictes les règles actuelles, et d'élargir à de nouveaux domaines la coopération administrative dans l'UE, afin de répondre aux défis posés par l'utilisation sans cesse croissante des crypto-actifs à des fins d'investissement.
Il s'agit d'aider les administrations fiscales dans l'UE à améliorer la qualité et l'efficacité de la perception des impôts et à suivre le rythme des évolutions des crypto-actifs, dont les caractéristiques rendent très difficiles la traçabilité et la détection des faits générateurs de l'impôt par ces administrations, en particulier lorsque les opérations sont réalisées grâce à des prestataires de services ou des opérateurs situés dans un autre pays, ou directement effectuées entre des personnes physiques ou des entités établies dans une autre juridiction.
La déclaration et l'échange d'informations entre les administrations compétentes des États membres relatives à la détention de crypto-actifs et aux transactions impliquant ces derniers sont d'autant plus urgentes et nécessaires qu'elles peuvent améliorer les conditions d'application des sanctions prises par l'UE à l'encontre de la Russie.
Selon des estimations citées dans l'étude d'impact, les recettes fiscales supplémentaires pourraient atteindre 2,4 milliards d'euros. Les règles communes en matière de déclaration contribueraient également à créer des conditions de concurrence égales entre les prestataires de services sur crypto-actifs. Les coûts ponctuels découlant de la mise en oeuvre de la déclaration automatique à l'échelle de l'Union sont estimés à approximativement 300 millions d'euros pour la totalité des prestataires de services sur crypto-actifs déclarants et des administrations fiscales, et les coûts récurrents à environ 25 millions d'euros par année, en raison du développement et des opérations des systèmes informatiques.
Base juridique
L'article 115 du TFUE est la base juridique pour les initiatives législatives dans le domaine de la fiscalité directe. Bien qu'il n'y fasse aucune référence explicite, cet article 115 renvoie aux directives relatives au rapprochement des législations nationales qui ont une incidence directe sur l'établissement ou le fonctionnement du marché intérieur. Pour que cette condition soit remplie, une proposition législative de l'Union en matière de fiscalité directe doit corriger des incohérences existantes dans le fonctionnement du marché intérieur.
En outre, étant donné que les informations échangées au titre de la directive relative à la coopération administrative peuvent également être utilisées dans le domaine de la TVA et des autres impôts indirects, l'article 113 TFUE est également cité comme base juridique.
Respect du principe de subsidiarité
L'application de l'article 113 ne soulève pas de difficulté au regard du principe de subsidiarité.
Quant à l'article 115, l'on peut estimer que la sécurité juridique et la transparence nécessaires au bon fonctionnement du marché intérieur et à l'atteinte des objectifs ci-dessus rappelés exigent de remédier aux lacunes nationales constatées en la matière, au moyen d'un ensemble unique de règles applicables à tous les États membres.
Le marché intérieur ne peut fonctionner que si ces lacunes sont comblées de manière uniforme et si les distorsions existantes sont corrigées : pour cela, les autorités fiscales doivent recevoir les informations appropriées en temps utile.
Un cadre de déclaration harmonisé dans l'ensemble de l'UE semble donc indispensable, compte tenu de la dimension transfrontière très répandue des services fournis par les prestataires de services sur crypto-actifs déclarants. Étant donné que l'obligation de déclaration des revenus tirés d'investissements en crypto-actifs vise en premier lieu à informer les autorités fiscales des transactions transfrontières employant des crypto-actifs, l'action enclenchée par ce texte au niveau de l'Union paraît nécessaire afin d'assurer une approche uniforme des administrations nationales concernées.
En effet, la directive proposée garantira une application cohérente des règles dans l'ensemble de l'Union. Tous les prestataires de services sur crypto-actifs déclarants entrant dans le champ d'application seront soumis aux mêmes obligations de déclaration. Enfin, les informations issues des déclarations seront échangées entre les administrations fiscales, qui auront ainsi une approche commune des revenus tirés d'investissements en crypto-actifs.
C'est pourquoi ce texte élargit le champ d'application de l'échange automatique d'informations à certaines informations spécifiques déclarées par les prestataires de services sur crypto-actifs.
Les règles de coopération administrative proposées contribuent à un meilleur fonctionnement du marché intérieur et à une application plus claire, plus cohérente et plus efficace de la directive. L'obligation de déclaration prévue pour les prestataires de services sur crypto-actifs permettra aux administrations concernées de mieux lutter contre les fraudes, objectif d'intérêt général pour les États membres et l'UE, conforme aux dispositions du Traité.
Or, les articles 113 et 115 du TFUE prévoient explicitement que la législation dans ce domaine ne peut être adoptée que sous la forme d'une directive.
Dans ces conditions, le principe de subsidiarité parait respecté.
Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.
* 1 Commission européenne, Orientations politiques pour la prochaine Commission européenne 2019-2024, Une Union plus ambitieuse, https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/62e534f4-62c1-11ea-b735-01aa75ed71a1
* 2 Document 13350/20, FISC 226.
* 3 https://www.oecd.org/fr/fiscalite/echange-de-renseignements-fiscaux/l-ocde-presente-au-g20-un-nouveau-cadre-de-transparence-applicable-aux-crypto-actifs.htm
* 4 http://www.g20.utoronto.ca/2022/G20%20Bali%20Leaders-%20Declaration,%2015-16%20November%202022.pdf
* 5 Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE.
* 6 Rapport spécial 03/2021: Échange d'informations fiscales dans l'UE: le système est solide, mais sa mise en oeuvre laisse à désirer.