COM(2023) 532 FINAL
du 12/09/2023
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
Ø Proposition de directive du Conseil relative à un cadre pour l'imposition des revenus des entreprises en Europe (BEFIT) (COM (2023) 532 final)
La proposition dite « BEFIT » (Business in Europe : Framework for Income Taxation), annoncée par la Commission européenne en mai 2021 dans sa communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle, est un projet visant à créer une base commune pour l'imposition des sociétés au sein de l'Union européenne. Cette initiative est également intégrée dans le programme de travail de la Commission pour 2024 et s'inscrit dans la perspective de la réforme des ressources propres de l'Union, telle que détaillée dans la communication de 2021 sur la prochaine génération de ressources propres pour le budget de l'Union.
Malgré les trente ans d'existence du marché intérieur, il n'existe toujours pas de règles communes pour calculer le revenu imposable des entreprises opérant au sein de l'Union. Actuellement, ces entreprises doivent ainsi se conformer à 27 régimes fiscaux nationaux différents, ce qui alourdit les opérations transfrontalières et peut engendrer des distosins de concurrence. La complexité et les disparités entre ces régimes fiscaux créent également de l'insécurité fiscale et des coûts élevés de mise en conformité pour les entreprises exerçant leurs activités dans plusieurs États membres, entravant ainsi le fonctionnement efficace du marché intérieur. Cependant, grâce à l'amélioration des capacités administratives et technologiques des autorités fiscales des États membres, la mise en oeuvre et la gestion d'un cadre fiscal commun au niveau de l'Union sont désormais envisageables de manière réaliste.
Pour ce faire, la présente proposition s'appuie sur les enseignements tirés des propositions antérieures relatives à une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS), datant de 2011 et 2016, dont les négociations ont permis d'aboutir à une relative convergence des approches techniques des États membres. En 2020, un accord a été conclu entre le Conseil, le Parlement et la Commission pour utiliser une base d'imposition commune des sociétés comme base d'une nouvelle ressource propre pour le budget de l'Union. Par ailleurs, en 2021, au travers du Cadre inclusif pour le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), sous l'égide de l'OCDE et du G20, plus de 136 pays ont accepté de calculer le taux d'imposition effectif des grands groupes multinationaux en se basant sur les états financiers consolidés des groupes et d'utiliser une formule de répartition pour réattribuer une partie des bénéfices imposables. Cet accord international1(*) a été approuvé par les États membres de l'Union et constitue l'une des principales bases de la présente proposition.
1. Le contenu de la proposition législative
La présente proposition vise à établir un ensemble commun de règles en vue de déterminer la base d'imposition pour les grands groupes de sociétés opérant au sein de l'Union européenne, c'est-à-dire les sociétés faisant partie d'un groupe ayant des états financiers consolidés et soumises à l'impôt sur les sociétés dans un État membre de l'Union.
Les points clés de la proposition sont les suivants :
1. Un champ d'application hybride, mêlant application obligatoire et facultative
La proposition établit un champ d'application hybride pour ses règles, combinant des éléments d'application obligatoire et facultative.
Le champ d'application obligatoire est aligné sur celui défini dans le cadre de l'accord BEPS de 2021 (cf. supra). Les groupes dont le chiffre d'affaires annuel cumulé atteint au moins 750 millions d'euros sont ainsi inclus dans ce champ, à condition qu'au moins 75 % de leur participation soit détenue au sein de l'UE. S'agissant des groupes ayant leur siège en dehors de l'UE, ils doivent également atteindre un seuil minimum de chiffre d'affaires annuel au sein de l'UE (50 millions d'euros, représentant au moins 5 % du chiffre d'affaires total du groupe) pour être inclus dans le champ d'application obligatoire.
La proposition offre également une option d'application volontaire pour les groupes de petite taille établissant des états financiers consolidés. Cette option est susceptible de présenter un intérêt particulier pour les petits groupes exerçant des activités transfrontalières, disposant de ressources limitées à consacrer à la mise en conformité avec les régimes fiscaux nationaux.
La proposition n'exclut par principe aucun secteur d'activité de son champ d'application, mais prend toutefois en compte les caractéristiques particulières de certains secteurs tels que les transports internationaux et les activités extractives (pétrole, gaz, mines), où des régimes fiscaux spéciaux sont souvent nécessaires. À titre d'exemple, les revenus provenant de l'exploitation des navires seront ainsi exclus de la nouvelle base d'imposition.
2. L'introduction d'une méthode simplifiée de calcul du résultat fiscal préliminaire
La proposition comprend des règles relatives à la détermination du résultat fiscal préliminaire de chaque membre du groupe de sociétés concerné. Le point de départ de ce calcul est le résultat net figurant dans les états financiers, qui doit être établi conformément à une norme comptable unique pour le groupe concerné.
Afin de maintenir la simplicité du système par rapport aux règles nationales en matière d'imposition des sociétés, la proposition limite au strict minimum les ajustements fiscaux nécessaires en vue de calculer le résultat fiscal par rapport au résultat net figurant dans les états financiers du groupe. Les éléments devant être inclus dans la base de calcul, s'ils ne sont pas déjà enregistrés dans les états financiers, comprennent notamment des éléments tels que les actifs financiers détenus à des fins de transaction, les coûts d'emprunt versés à des parties non-membres du groupe, les amendes et les pénalités.
À l'inverse, afin d'éviter le risque de double comptabilisation, sont exclus de ce calcul certains éléments tels que les dividendes, les plus-values ou moins-values sur actions ou titres de participation, les bénéfices ou pertes des établissements stables, les déductions pour les plus-values sur actifs renouvelés, les coûts d'acquisition, de construction et d'amélioration d'actifs amortissables ainsi que les subventions afférentes, et les gains ou pertes non réalisés résultant des fluctuations de change concernant des immobilisations.
Afin de simplifier le traitement fiscal des immobilisations corporelles et incorporelles, la proposition inclut en outre des règles d'amortissement fiscal simplifiées, principalement calquées sur les normes de comptabilité financière. Afin d'éviter les pratiques abusives, la proposition comprend également des règles relatives à la mesure cohérente d'éléments tels que les stocks, provisions, créances douteuses, produits et coûts des contrats à long terme et instruments de couverture.
2. Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?
La présente proposition relève de l'article 115 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui prévoit la possibilité pour le Conseil d'arrêter, à l'unanimité, des directives « pour le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont une incidence directe sur l'établissement ou le fonctionnement du marché intérieur », ce qui est le cas des règles énoncées dans la présente proposition de directive. La coexistence de 27 régimes fiscaux nationaux différents au sein de l'UE crée en effet une fragmentation du marché intérieur et complexifie la gestion des entreprises opérant au-delà des frontières nationales, entraînant pour celles-ci des coûts élevés de mise en conformité avec les divers régimes fiscaux nationaux. En outre, les disparités entre ces différents régimes peuvent entraîner des asymétries fiscales, pouvant conduire à une double (non-)imposition et à des (dés)avantages fiscaux involontaires. Ces problèmes, communs à l'ensemble des États membres, ne peuvent être efficacement résolus par des mesures nationales non-coordonnées.
Sur le fond, le champ d'application des mesures proposées étant limité à la base d'imposition, les politiques relatives aux taux d'imposition et au contrôle de l'application de la législation fiscale demeureront de la compétence exclusive des États membres. La proposition n'a pas pour objectif d'harmoniser intégralement les régimes fiscaux des États membres en matière d'imposition des sociétés, mais d'établir des règles communes pour déterminer le revenu imposable des grands groupes de sociétés opérant au sein de l'UE. Pour ce faire, elle se basera principalement sur les règles de comptabilité financière existantes, telles que les principes comptables nationaux des États membres et les normes internationales d'information financière (IFRS). En outre, la proposition autorise des ajustements supplémentaires après la répartition de la base d'imposition BEFIT, prenant en compte les spécificités des politiques fiscales nationales. Enfin, afin de garantir que l'initiative ne dépasse pas ce qui est strictement nécessaire, l'application de ces règles demeurera facultative pour la plupart des entreprises, qui conserveront la possibilité de continuer à appliquer les règles fiscales existantes de leur État membre respectif.
La présente proposition de directive ne semble donc pas porter atteinte aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.
* 1 Déclaration sur la Solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie.