Question de M. Jean-Jacques Mirassou (Haute-Garonne - SOC) publiée le 02/04/2009
M. Jean-Jacques Mirassou attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la fermeture « programmée » du site de Molex situé à Villemur sur Tarn, prévue pour le mois de juin 2009.
Molex représente 1,2 millions d'euros de bénéfices en 2008 (le double de 2007). Cette entreprise est le deuxième fournisseur de PSA (classement effectué par PSA lui-même) et arrive première en termes de qualité en Europe. Sa fermeture "programmée" signifie le licenciement de 300 salariés, dotés de savoir-faire très spécialisés, et d'une moyenne d'âge de 46 ans. Ainsi, 300 familles de Villemur et des environs sont susceptibles de voir leur destin basculer au son de ces seuls mots, émanant de la direction: « nous anticipons des pertes éventuelles ». Or nombreux sont ceux aujourd'hui qui se demandent si l'on peut tolérer que le destin d'une population soit gouverné par ces éventualités... . En effet, la direction de Molex n'est pas en mesure de justifier économiquement son choix. Il n'existe jusqu'alors aucune pièce comptable, permettant d'établir que la situation de l'entreprise, au moment de la décision de délocalisation, justifiait le choix de fermeture du site de Villemur.
Le 12 novembre 2008, le porte-parole du Gouvernement déclarait que l'attitude de l'État serait fonction des résultats des investigations menées par le cabinet mandaté par le comité d'entreprise. Il n'est pas admissible, en pleine crise financière, que 300 salariés soient maintenus dans l'ignorance des motifs de leur licenciement. La direction, par une décision du TGI de Paris en date du 5 février 2009, a été condamnée à fournir au cabinet Syndex, les documents qui auraient justifié la fermeture du site. Or jusqu'à ce jour, elle persiste dans son refus de transmettre au cabinet d'expertise, mandaté par le comité d'entreprise, les données comptables ayant servi de support à la décision de fermeture de l'usine, et ceci en s'abritant derrière le droit américain. L'arbitrage de l'État est sollicité pour tenter de sortir de cette situation de blocage intolérable dans le dossier Molex.
Sa question est simple : dans une période où l'État découvre enfin la nécessité d'une forme d'éthique appliquée au capitalisme, que compte-t-elle faire, dans le cas de Molex, pour permettre le respect de droits fondamentaux, le droit du travail français, et plus simplement celui des salariés, à connaître les véritables raisons de la sanction qui les menace ?
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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services publiée le 13/05/2009
Réponse apportée en séance publique le 12/05/2009
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question n° 506, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je ne doute pas que M. Novelli remplacera avantageusement Mme Lagarde ! (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'État, ma question est relative à la situation de l'entreprise Molex, sise à Villemur-sur-Tarn, dans le département de la Haute-Garonne.
Il est important de préciser que la direction de Molex avait déclaré, pour l'exercice 2008, un bénéfice de 1,2 million d'euros. Pourtant, cette direction, elle-même délocalisée dans un premier temps aux États-Unis, a annoncé très rapidement aux trois cents salariés de l'entreprise une délocalisation à très court terme. Trois cents salariés licenciés, ce sont trois cents familles touchées, c'est un nouveau coup porté à un bassin d'emploi déjà sinistré, la direction justifiant cette délocalisation par l'anticipation de pertes éventuelles
Du reste, la direction de Molex est restée longtemps incapable de justifier économiquement son choix. De surcroît, un cabinet d'expertise mandaté par le comité d'entreprise n'a pas réussi, malgré une décision du tribunal compétent, à obtenir qu'elle produise des éléments comptables permettant d'apprécier clairement la situation de l'établissement. S'abritant derrière le droit américain, la direction de Molex s'est livrée à une véritable obstruction, empêchant tout contrôle de la réalité de la situation économique et adoptant à l'égard des trois cents salariés une attitude véritablement inqualifiable.
Mme Lagarde avait alors été interrogée sur les moyens d'intervention dont dispose l'État pour assurer le simple respect du droit du travail. Cependant, en un mois et demi, les choses ont évolué très vite, et le cas de l'entreprise Molex, d'abord de portée locale, a pris pour différentes raisons une dimension nationale.
En effet, les salariés de Molex ont eu accès à des informations leur permettant de prouver que, au moment même où la direction américaine envisageait une délocalisation pour le moins erratique, d'abord en République tchèque, puis en Chine, une autre chaîne de production de connectique fonctionnait déjà aux États-Unis, pour un résultat d'une qualité très discutable.
Tout cela tend à montrer que la décision de supprimer le site de Villemur-sur-Tarn était programmée de longue date, et justifie pleinement la procédure pour délit d'entrave engagée par les salariés de Molex.
Or, monsieur le secrétaire d'État, il faut savoir que le principal client de Molex est le groupe PSA Peugeot Citroën, qui a reçu de l'État, au titre du pacte automobile, une somme très importante. Compte tenu des quatre mois de sursis qui ont été accordés au site de Villemur-sur-Tarn, l'urgence est désormais de rétablir des relations directes et préférentielles, en matière de commandes, entre ce dernier et PSA Peugeot Citroën. Compte tenu de l'aide financière consentie par l'État, j'estime que le Gouvernement doit obtenir satisfaction sur ce point auprès de ce groupe. Est-il disposé, monsieur le secrétaire d'État, à agir en ce sens ? C'est un passage obligé : ce n'est qu'à ce prix que nous parviendrons à apporter la preuve que l'outil de Villemur-sur-Tarn peut être pérennisé.
J'ajoute que d'autres informations font peser une incertitude sur l'avenir de la production aux États-Unis. Si d'aventure le site de Villemur-sur-Tarn était rayé de la carte et si, par la suite, la direction décidait de supprimer sa production en Amérique, cela signifierait tout simplement que l'industrie automobile française, privée de fournisseurs de cet élément essentiel que représente la connectique, courrait un véritable danger. J'aimerais savoir, monsieur le secrétaire d'État, si vous en êtes bien conscient.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le sénateur, la question de la fermeture du site que vous avez évoqué préoccupe aujourd'hui les quelque trois cents salariés de l'entreprise Molex et, au-delà, l'ensemble du bassin de Villemur-sur-Tarn.
Cette décision a été perçue comme totalement injustifiée par la plupart des salariés de l'établissement et a donné lieu à l'expression d'un profond désarroi, qui a été par la suite, et cela est tout à fait regrettable, instrumentalisé par certains leaders. Cela a mené, on le sait, à la séquestration de dirigeants de la société, action que le Gouvernement a très fermement condamnée parce qu'elle ne peut en aucun cas déboucher sur le règlement de situations, si difficiles soient-elles. Rien ne peut remplacer le dialogue entre les organisations syndicales et la direction de l'entreprise.
Le secrétaire d'État chargé de l'industrie, Luc Chatel, ses collaborateurs et les services de l'État en région ont été impliqués vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans la résolution d'une crise qui, de jour en jour, gagnait en intensité. Grâce à l'engagement total du Gouvernement, le dialogue entre les organisations représentatives des salariés et la direction a été renoué et un accord de fin de crise a pu être trouvé.
Vous connaissez, monsieur le sénateur, les principaux points de cet accord : le report au 31 octobre de l'arrêt d'activité ; la reprise d'activité à un niveau satisfaisant avec une période de montée en charge progressive de quinze jours ; la mobilisation d'importants moyens supplémentaires pour la revitalisation de ce territoire, la priorité étant donnée aux projets « internes » de réindustrialisation à partir des compétences des équipes et des matériels présents sur le site.
Notons que cet accord aurait pu être obtenu plus tôt si la direction et les syndicats ne s'étaient pas enfermés pendant des semaines dans un dialogue de sourds. Aujourd'hui encore, des actions en justice menées par le comité d'entreprise le fragilisent, alors qu'il aurait pu, j'en suis convaincu, constituer la base d'une relance des négociations de fond entre les représentants des salariés et la direction de Molex.
Les demandes des salariés rejoignent l'inquiétude que vous manifestez quant aux motivations économiques de la décision prise par le groupe Molex. Lorsqu'elle envisage un plan de sauvegarde de l'emploi, et a fortiori la fermeture d'un site de production, une entreprise doit fournir aux représentants des salariés les arguments économiques qui justifient sa décision. Les salariés de Molex estiment, en l'espèce, que l'information qui leur a été transmise n'était pas loyale. La justice a été saisie. Comme l'a indiqué M. le Premier ministre, si le délit d'entrave dont le comité d'entreprise accuse Molex est confirmé par la justice, alors l'entreprise sera condamnée, et nous veillerons à ce que toutes les conséquences de cette condamnation soient tirées. Néanmoins, vous le savez, nous devons attendre le résultat de la saisine du juge des référés, le 19 mai prochain, avant toute déclaration péremptoire.
La situation de Molex, dont le principal client est effectivement français mais dont la production est délocalisée dans d'autres pays, fait également écho au problème des relations entre les constructeurs automobiles et les sous-traitants.
L'État a mis en place un pacte automobile très ambitieux pour répondre à la grave crise qui secoue le secteur et tenter de pallier ses effets. La mise en oeuvre de ce pacte a été conditionnée notamment à une amélioration du comportement des constructeurs à l'égard de leurs sous-traitants. En l'espèce, PSA Peugeot Citroën est mis à l'index pour avoir contribué à la délocalisation d'une production stratégique.
Vous m'avez interrogé, monsieur le sénateur, sur l'action du Gouvernement dans cette affaire. Je vous indique que l'attitude du constructeur fera l'objet d'un examen et, si nécessaire, donnera lieu à un rappel à l'occasion du comité que Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, réunit tous les mois pour piloter la mise en oeuvre du pacte automobile. Des règles ont été collectivement fixées, qui s'imposent donc à toute la filière automobile. En effet, seule l'implication de tous les partenaires, en particulier celle des producteurs et des sous-traitants, permettra de maintenir dans la durée une filière automobile qui se trouve aujourd'hui affectée par la crise mais qui demain, j'en suis convaincu, pourra être de nouveau performante et pourvoyeuse d'emplois dans nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le secrétaire d'État, nous attendons avec au moins autant d'impatience que vous la date fatidique du 19 mai !
Par ailleurs, je vous laisse toute la responsabilité du jugement que vous avez porté sur les dérapages qui ont eu lieu dans cette entreprise. Vous avez désigné des coupables supposés, mais je vous rappelle que ces incidents ont été engendrés dans une large mesure par le mépris affiché par la direction de Molex à l'égard des salariés, ainsi que par certaines déclarations plus qu'intempestives du dirigeant local selon lesquelles les salariés manquaient de moyens intellectuels et de discernement pour se rendre compte qu'ils étaient manipulés à des fins médiatiques
En ce qui les concerne, l'ensemble des élus de Haute-Garonne ont choisi leur camp !
Dans votre réponse, vous ne niez pas, bien au contraire, la nécessité, à travers le fameux pacte automobile, de renforcer les liens entre le groupe PSA Peugeot Citroën et le site de Villemur-sur-Tarn. C'est là une sorte d'euphémisme, car le retour de l'activité à son niveau normal dépend bien plus du premier que du second !
Par ailleurs, je souhaite attirer l'attention sur le paradoxe suivant : comment la direction peut-elle envisager des pertes en 2009 tout en demandant aux salariés une productivité encore bien plus forte pendant les quatre mois de sursis accordés qu'avant la crise ? S'il est nécessaire de travailler autant, c'est bien que les débouchés existent !
Nous serons très vigilants pour éviter que, passé le cap de la crise, la direction de Molex ne procède à ce que l'on appelle, dans le jargon du rugby, un « cadrage-débordement ».
Mme Françoise Laborde. C'est parfait !
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