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Question de Mme Toine Bourrat (Yvelines - Les Républicains-A) publiée le 13/05/2021
Mme Toine Bourrat attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la recrudescence des communications officielles rédigées au moyen de l'écriture dite inclusive.
Un nombre croissant d'établissements universitaires contreviennent à la circulaire du 21 novembre 2017 du Premier ministre en usant du point médian ou de la syntaxe « épicène ». Ce phénomène concerne à la fois des communications internes adressées aux étudiants et des publications destinées au public.
En février 2019, le Conseil d'État a pourtant rejeté un recours soumis à son appréciation et confirmé l'esprit de la circulaire du Premier ministre en enjoignant les administrations à respecter les règles grammaticales et syntaxiques en vigueur dans la rédaction des actes administratifs qui leur incombent. Cette jurisprudence, qui avalise les conclusions du rapport publié le 28 février 2019 par l'Académie française aux fins de rejeter un « péril mortel » pour la langue nationale, n'est donc pas respectée dans l'ensemble des rectorats. L'utilisation constatée du point médian par certains ministères accroît par ailleurs l'ineffectivité de la circulaire auprès des administrations qui en relèvent directement.
L'ordonnance de Villers-Cotterêts a généralisé l'utilisation de la langue française au travers des actes administratifs. Les publications émanant d'autorités investies d'une mission de service public ne peuvent donc contrevenir aux règles syntaxiques sans fragiliser l'égalité devant la langue et l'unité nationale.
Au regard de la violation flagrante de la circulaire, une initiative législative émanant du ministère de la culture aurait pour effet de consacrer des principes sanctuarisés par l'Académie française et défiés jusque dans la sphère éducative.
Elle souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement en matière de renforcement de la lutte contre l'écriture dite inclusive.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité publiée le 14/07/2021
Réponse apportée en séance publique le 13/07/2021
M. le président. La parole est à Mme Toine Bourrat, auteure de la question n° 1672, adressée à Mme la ministre de la culture.
Mme Toine Bourrat. Il est aujourd'hui un bien triste constat : notre langue française est étrillée par l'écriture dite inclusive.
En effet, un nombre croissant d'établissements universitaires contreviennent à la circulaire du 21 novembre 2017, en usant du point médian ou de la syntaxe dite épicène. Parmi eux la liste n'est pas exhaustive -, la faculté de droit de Nanterre, où les panneaux d'affichage, les mails de la présidence ou des supports de travaux dirigés sont affectés, l'université Paris Dauphine, où ce sont les sujets de partiels ou les polycopiés de cours qui sont touchés.
Ce phénomène concerne à la fois des communications internes adressées aux étudiants et des publications destinées au public.
Mais il y a plus grave encore : des rapports publiés par un certain nombre d'institutions relaient eux aussi cette orthographe néfaste.
Pourtant, en février 2019, le Conseil d'État avait rejeté un recours soumis à son appréciation et confirmé l'esprit de la circulaire Philippe, en enjoignant aux administrations de respecter les règles grammaticales et syntaxiques en vigueur dans la rédaction de leurs actes administratifs.
Cette jurisprudence ne doit pas être minimisée, car elle vient consacrer les conclusions d'un rapport de l'Académie française mettant en garde depuis près de trois ans contre « un péril mortel pour la langue nationale ».
Le 2 mai dernier, Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, a étendu l'interdiction de l'écriture inclusive aux usages pédagogiques. C'est une avancée louable, mais encore insuffisante, alors qu'un nombre substantiel d'administrations, de rectorats ou de directions d'établissements publics d'enseignement s'en exonère.
Vous inaugurerez en mars prochain la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, où fut prise l'ordonnance généralisant l'utilisation du français dans les actes administratifs. Or c'est précisément par ces actes administratifs que l'écriture inclusive bafoue aujourd'hui notre héritage culturel.
Au regard de la violation flagrante de la circulaire Philippe, n'est-il pas temps d'initier une réponse législative pour consacrer définitivement les principes posés par notre académie ? C'est un patrimoine sensible que nous avons à préserver. Comme l'écrivait la philosophe Simone Weil, « nous sentons vivement que les choses vraiment belles devraient être assurées d'une existence éternelle et ne le sont pas. » Il en va de même pour notre langue, aujourd'hui en péril.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la ministre de la culture, qui m'a chargé expressément de vous répondre.
Avec la circulaire du Premier ministre du 21 novembre 2017 que vous avez citée, le Gouvernement a clairement rappelé les principes de rédaction des textes officiels. Cette circulaire invite au maintien des règles en usage, qu'elles soient typographiques, par l'exclusion du recours aux formes abrégées par un point médian ou par tout autre séparateur graphique faisant ressortir l'existence d'une forme féminine en complément de la forme masculine, ou grammaticales, avec le masculin comme forme neutre.
Les administrations de l'État doivent se conformer à ces règles, pour des raisons d'intelligibilité et de clarté, non seulement parce que la complexité de la typographie dite inclusive pénalise les personnes affectées d'un handicap, mais aussi parce que la majorité de nos concitoyens en ignore les mécanismes et ne reconnaît plus d'ailleurs sa propre langue.
L'apprentissage et la maîtrise de la langue française relevant des missions fondamentales de l'école, il était important que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports rappelle les principes de rédaction dans la circulaire du 5 mai 2021, adressée aux rectrices et aux recteurs d'académie, aux directrices et directeurs de l'administration centrale et à leur personnel.
La langue française apprise et pratiquée par les élèves et les lycéens reste soumise à la règle commune. L'exclusion de la typographie inclusive ne saurait cependant accréditer l'idée que la langue française conforte les inégalités entre les femmes et les hommes. Nous devons renforcer notre engagement pour l'égalité, et privilégier les recommandations de la circulaire du 21 novembre 2017 en faveur de la féminisation de notre langue.
Cela passe notamment par la promotion du recours à la féminisation systématique des noms de métier ou de fonction exercés par une femme ou à des mots épicènes.
L'application systématique de ces préconisations, qui accorde aux femmes, à l'écrit comme à l'oral, autant de visibilité et d'égards qu'aux hommes, contribue à la consolidation et à l'évolution de la langue française, sans pour autant la dénaturer.
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