7ème rencontres sénatoriales de l'entreprise - La contrefaçon : risque ou menace pour l'entreprise



colloque le 31 mars 2006 au Sénat

I. ALLOCUTION D'OUVERTURE : LÁSZLÓ, KOVÁCS, COMMISSAIRE EUROPÉEN À LA FISCALITÉ ET À L'UNION DOUANIÈRE

J'ai le regret de vous informer que je ne parle pas le français et que je présenterai donc mon exposé en anglais. En compensation, je vous épargnerai la lecture du « position paper » de la Commission, qui a d'ailleurs été traduit en français et qui sera distribué à l'issue du colloque. Je procéderai donc à quelques remarques liminaires qui permettront d'introduire nos discussions d'aujourd'hui.

Je tiens à vous faire part tout d'abord de mon immense plaisir à être présent parmi vous aujourd'hui, à l'invitation du président du Sénat et du ministre délégué à l'industrie. Devant cet aréopage représentant non seulement le Sénat, mais aussi et surtout la communauté des affaires françaises, je suis heureux d'aborder ces problèmes, qui divisent tout de même les membres de l'Union et qui font parfois l'objet d'interprétations divergentes d'un Etat à l'autre. Cette question est pourtant essentielle, puisqu'elle conditionne pour une part l'atteinte des objectifs de Lisbonne, auxquels je suis très attaché. Concurrence et maintien de l'emploi sont réellement des mots clés pour l'Europe. En effet, faute de parvenir à ces objectifs, nous ne pourrons tenir notre rôle dans la concurrence mondiale.

A cet égard, les problèmes douaniers me semblent toutefois plus simples à régler que ceux qui touchent la question de l'harmonisation fiscale. En particulier, une décision récente de la Commission, prise à la fin du mois de novembre 2005, prévoit l'élaboration d'un code douanier européen, qui servirait de base pour tous les États membres, ceci pour les points sur lesquels il n'existe pas de divergence. D'ailleurs, tous les pays soutiennent une telle simplification des règles et une amélioration des procédures qui en diminuera le coût.

La contrefaçon : un phénomène inquiétant

La lutte contre la contrefaçon me semble être l'un des domaines dans lesquels l'unanimité des Etats membres est la plus forte. En effet, chacun est convaincu du caractère alarmant de la contrefaçon. Par exemple, le nombre des saisies effectuées l'année dernière est mille fois plus important que celui enregistré il y a huit ans. Il ne s'agit pourtant que de la partie émergée de l'iceberg. Je pourrais également évoquer le nombre de produits saisis ou d'autres chiffres tout aussi inquiétants. Je me contenterai de souligner que le total estimé du produit de la contrefaçon représente environ cinq cents milliards d'euros à travers le monde, soit dix fois plus que le montant des dépenses consacrées par l'Union à la politique agricole commune.

De nouvelles tendances plus alarmantes encore se font jour. A côté des produits traditionnellement victimes de la contrefaçon qui s'avèrent inoffensifs (textiles, produits de luxe), apparaissent aujourd'hui des contrefaçons de produits alimentaires ou pharmaceutiques, de pièces détachées automobiles, etc. Or ces produits mettent en danger la sécurité, voire la vie de nos concitoyens, ce qui est extrêmement grave. De même, la complexification croissante des circuits de distribution est inquiétante. Ainsi, des contrefaçons de pièces détachées Mercedes ont récemment été saisies en Russie, en provenance de Chine. Or, ces pièces avaient transité par Hong Kong, le Liban, les Etats-Unis et finalement la Finlande, alors même que ce pays et la Russie partagent tout de même une frontière commune. Le défi auquel sont confrontées les autorités douanières est donc immense.

Autre caractéristique dangereuse du phénomène, le lien de plus en plus fort et évident entre la contrefaçon et les organisations criminelles responsables du trafic de stupéfiants. Selon certains experts, la contrefaçon s'avèrerait même plus rentable que le trafic de drogue, puisqu'il serait plus profitable de vendre un kilo de DVD piratés que la même quantité de cannabis, alors que le risque est bien moindre.

Comment lutter contre ce fléau ?

En octobre dernier, la Commission européenne a adopté un projet de communication intitulé « Stratégie contre la contrefaçon ». Il présente la réponse des douanes à ce phénomène alarmant. Le mot-clé en est « coopération ». Celle-ci doit être plus intense entre les douanes, les polices et toutes les autres agences impliquées dans la surveillance des frontières de l'Union. La coopération doit également être renforcée entre les autorités compétentes des différents Etats membres de l'Union européenne, tout comme entre l'Union et ses partenaires commerciaux.

A cet égard, je dois mentionner spécifiquement le cas de la Chine. En effet, plus de 50 % des contrefaçons saisies en Europe proviennent de ce pays. Le combat contre la contrefaçon passe donc par une coopération avec la Chine. Un bon moyen de progresser dans cette lutte passerait par un accord avec les autorités douanières de ce pays. Une première réunion dans ce but a d'ailleurs eu lieu récemment, à laquelle j'ai participé, ce qui m'a permis de rencontrer de très nombreuses personnalités, parmi lesquelles le Numéro deux du gouvernement chinois, avec lequel j'ai pu aborder l'idée d'un partenariat stratégique entre l'Union européenne et la Chine. Je suis en effet convaincu qu'étant donné son poids économique et géopolitique, il est impossible de faire pression sur la Chine.

La seule voie envisageable est donc celle du partenariat fondé sur des intérêts communs. Or les autorités chinoises sont de plus en plus sensibles aux conséquences négatives de la contrefaçon. Des progrès peuvent ainsi être observés dans l'activité développée par les Chinois pour mettre en oeuvre leur législation nationale de lutte contre la contrefaçon. Ainsi, des marchés de contrefaçons ont été fermés récemment, et les propriétaires de ces lieux ont été personnellement, condamnés au côté des trafiquants. Cette coopération devrait donc s'avérer de plus en plus efficace à l'avenir, ce qui permettra d'impliquer aussi d'autres pays asiatiques.

Un autre type de coopération me semble indispensable, celle qui doit unir les douanes et le monde des affaires. En effet, les représentants de ce secteur sont les plus à même d'identifier les contrefaçons. Je crois donc que cette après-midi de débat s'avèrera très utile. C'est pourquoi la Commission apporte son entier soutien à vos travaux. J'ai eu plaisir à accepter votre invitation pour venir partager vos inquiétudes et en discuter avec vous.Voici résumée en quelques mots ma position personnelle sur le thème de vos travaux, que je vous souhaite particulièrement profitables. Je vous remercie.

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