VI. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 22 NOVEMBRE 2010
M. le Président . La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.
M. Hervé Maurey. L'article 11 vise à assujettir l'offre triple play au taux de TVA à 19,6 %. Ainsi, la moitié de cette offre ne bénéficierait plus du taux réduit de TVA. Bruxelles nous en aurait fait la demande...
Dans cette affaire, le Gouvernement a fait preuve d'un zèle assez inhabituel. En réalité, Bruxelles nous a demandé non pas de renoncer au taux réduit sur l'offre triple play , mais de revoir la répartition entre le taux réduit et le taux normal, qui s'appliquaient respectivement à hauteur de 50 % sur cette offre. À aucun moment, on ne nous a demandé de renoncer au taux réduit en la matière !
Le Gouvernement a donc obtempéré dès la première demande de Bruxelles. Cette attitude est assez inhabituelle, si on la compare à celle qui a prévalu lors du traitement du dossier, assez voisin, de la taxe à 0,9 % sur les fournisseurs d'accès. Cette taxe, instituée de façon assez baroque au détour de la loi audiovisuelle, était destinée, je le rappelle, à compenser la suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision. Il est d'ailleurs pour le moins curieux de taxer les fournisseurs d'accès, non pas pour assurer la couverture numérique du territoire, mais pour compenser une telle disposition ! Dans cette affaire, l'État français était resté sourd aux demandes réitérées de Bruxelles...
Mme Lagarde, sans doute consciente que l'argument fondé sur la sollicitation communautaire était fragile, a déclaré, au mois d'octobre, dans une interview au Figaro , que la disparition du taux réduit de TVA sur l'offre triple play était justifiée par la volonté de réduire une niche fiscale.
Avant que nous n'abordions l'examen des amendements, je souhaite attirer votre attention, mes chers collègues, sur l'impact important - chiffré par les opérateurs entre 1 et 3 euros par mois - que cette hausse de la TVA aura sur le montant des abonnements.
Au moment où nous devons dégager des moyens pour assurer la couverture numérique des territoires et relever le défi du très haut débit, dont le Président de la République a fait un objectif prioritaire, cette augmentation brutale et dépourvue de contrepartie du taux de TVA dans le domaine de la couverture numérique me paraît inopportune. Je vous présenterai, tout à l'heure, un amendement en ce sens.
M. le président. L'amendement n° I-245, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. L'intervention de M. Maurey plaide en faveur de cet amendement de suppression.
Sans entrer dans un débat technique, aux dires du Gouvernement, les efforts fournis par les entreprises et par les ménages sont finalement équilibrés. Or, en l'occurrence, le relèvement du taux de TVA sur l'offre triple sera répercuté intégralement sur les clients et concernera la majorité des Français.
Vous affirmez, monsieur le ministre, que vous ne souhaitez pas d'augmentation générale des impôts ; en l'espèce, pourtant, c'est bien un prélèvement général que vous opérez, non pas sur les entreprises, mais directement sur les clients.
Je comprends les contradictions dans lesquelles vous vous débattez. La majorité a passé une partie importante de la soirée à défendre la baisse de la TVA dans la restauration, une mesure qui coûte 3 milliards d'euros. Il vous faut bien tenter de trouver une contrepartie...
Il s'agit, pour le coup, d'un bricolage général, qui se fait au détriment des ménages.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je ferai un commentaire d'ensemble, qui vaudra pour plusieurs amendements que nous aurons à examiner. Je sollicite, en particulier, l'attention de mes collègues de la majorité, car l'enjeu de cet article 11 est important.
Le 18 mars dernier, la Commission européenne a mis en demeure la France sur l'infraction à la directive TVA que représente l'application d'un taux réduit de TVA sur 50 % du prix des offres composites comprenant des services électroniques et télévisuels, au motif que l'application de ce taux réduit, premièrement, ne prend pas en compte le nombre et l'importance des autres services associés, Internet et téléphone, et, deuxièmement, ne tient pas compte de l'effectivité de la prestation, en particulier lorsque le client n'est pas matériellement susceptible de bénéficier du service de télévision inclus dans l'abonnement, lorsqu'il est techniquement impossible d'accéder au réseau téléphonique, ou en cas d'absence de mise à disposition du décodeur spécifique par l'opérateur.
L'article 11 modifie le droit existant en ce qu'il prévoit que le taux réduit forfaitaire de TVA n'est plus applicable lorsque la distribution du service de télévision est comprise dans l'offre composite, qui comporte l'accès à un réseau de communications électroniques pour un prix forfaitaire.
Cet article prévoit toutefois une exception : il maintient la possibilité d'appliquer le taux réduit de TVA sur la part de l'abonnement correspondant au droit de distribution de services de télévision acquis contre rémunération par l'opérateur. On voit donc qu'il s'agit d'une solution équilibrée.
L'appréciation de la part éligible au taux réduit ferait dorénavant l'objet d'une appréciation in concreto en fonction de deux modes de calcul alternatifs.
Dans le premier cas, le calcul est effectué au regard des sommes effectivement payées, par usager, pour l'acquisition de services télévisés pour lesquels l'opérateur a réellement négocié et acquitté des droits.
Pour les opérateurs de téléphonie, cela aurait vraisemblablement pour effet de réduire la part effective du prix de l'abonnement triple play éligible au taux réduit de TVA.
Dans le second cas, le calcul est effectué sur la base du prix auquel le même service de télévision est distribué par le même opérateur, dans une offre distincte de l'offre composite.
Il n'échappe pas à la commission des finances que la mise en place de ces deux modalités de calcul différentes pourrait créer des distorsions de concurrence entre les opérateurs de téléphonie et les câblo-opérateurs. Le débat étant plus technique que fiscal, la commission ne souhaite pas prendre partie et fait confiance au Gouvernement.
Ce qui nous importe, premièrement, c'est que l'article 11 met fin à un risque juridique tout à fait réel, qui se concrétiserait un jour ou l'autre s'il n'était pas tenu compte de l'avertissement de la Commission européenne.
Deuxièmement et surtout, pardonnez-moi de le dire - mais je ne sais pas s'il faut s'en excuser -, cet article permet un gain de recette de TVA de 1,1 milliard d'euros. De ce point de vue, c'est l'une des mesures significatives du projet de loi de finances pour 2011.
La commission des finances milite donc activement pour l'article 11. Bien entendu, elle ne peut pas imaginer que l'on prenne la responsabilité de le supprimer. Elle est donc très défavorable à tous les amendements de suppression.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Pour que les choses soient claires, je voudrais préciser que je ne voterai pas cet amendement de suppression.
Mon propos visait seulement à montrer que l'article 11 n'était pas présenté à la demande de Bruxelles - il est d'ailleurs assez rare que l'on obtempère à la première demande de Bruxelles : l'exemple que j'ai cité à propos de la taxe sur les fournisseurs d'accès le montre bien.
Il faut simplement avoir le courage de dire, comme l'a fait le rapporteur général de la commission des finances, que c'est une mesure qui va rapporter un peu plus d'un milliard d'euros aux caisses de l'État.
Je ne voterai pas l'amendement de Mme Bricq, mais je voulais que les choses soient clairement dites quant à la réelle motivation de cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-245.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-56, présenté par Mme Payet et MM. Deneux, Soulage et Détraigne, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Après le mot :
usagers
insérer les mots :
, sauf dans les départements de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion,
II - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à permettre aux départements d'outre-mer de maintenir le taux réduit de TVA sur les offres triple play .
Je vous rappelle que, dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public, le Sénat avait adopté mes amendements visant à faciliter l'instauration d'une TNT pour tous en outre-mer. Le Gouvernement, ce jour-là, avait manifesté le souhait que dix chaînes de la TNT soient accessibles à tous dès 2010 sur tous les territoires ultramarins, mais nous attendons toujours.
Il convient en effet de soutenir le développement des offres de télévision par ADSL dans les départements d'outre-mer, beaucoup moins répandues qu'en métropole : les bouquets sont beaucoup plus restreints, avec dix chaînes seulement pour la TNT à venir et pas de chaîne en haute définition.
Le coût de l'Internet est plus élevé dans les départements d'outre-mer qu'en métropole. De plus, le développement des nouvelles technologies reste aujourd'hui fortement pénalisé par les coûts d'accès aux infrastructures internationales, supportés par les acteurs locaux, et par l'étroitesse des marchés.
Le coût pour l'État d'une TVA réduite est nettement plus faible dans les départements d'outre-mer qu'en métropole, compte tenu d'un différentiel de taux plus de deux fois moindre, soit 6,4 % contre 14,4 %. Les estimations du gain espéré d'une suppression du taux réduit ne dépassent pas un million d'euros pour l'ensemble des départements d'outre-mer.
Il serait donc à tout le moins souhaitable d'attendre l'établissement d'une véritable continuité numérique avant d'envisager une modification de fiscalité qui ne manquerait pas de peser lourdement sur le développement des offres de diffusion.
M. le président. L'amendement n° I-246 rectifié bis , présenté par MM. S. Larcher, Lise, Gillot, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne sont pas applicables dans les départements de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion. »
II - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. L'outre-mer présente un taux de pénétration de la téléphonie mobile légèrement supérieur à celui de l'Hexagone, mais les offres Internet n'ont pas encore atteint le même niveau de développement.
Les besoins en matière de réseaux et de multimédia y sont encore très importants, mais les coûts de l'Internet et du téléphone sont beaucoup plus élevés. Le développement des nouvelles technologies reste en effet fortement pénalisé, d'une part, par les coûts d'accès aux infrastructures internationales supportés par les acteurs locaux et, d'autre part, par l'étroitesse du marché.
Après les événements qui ont secoué les départements d'outre-mer au début de l'année 2009, le Gouvernement avait promis, pour lutter contre la vie chère, d'engager des actions pour faire baisser notamment le prix de la téléphonie et de l'Internet.
Pourtant, la situation n'a guère évolué depuis l'an dernier. Ainsi, les offres d'abonnement triple play , qui coûtent environ 30 euros par mois en métropole pour un débit de 20 mégabits, tournent autour de 50 euros, voire 60 euros, outre-mer, pour un débit nettement inférieur, de 2 à 8 mégabits.
Il est évident que le relèvement de la TVA, qui ne manquera pas de provoquer une augmentation des tarifs de ces offres, pénalisera encore plus gravement les départements d'outre-mer, et freinera encore davantage le développement des offres de diffusion des nouvelles technologies dans leur ensemble.
De plus, pour les départements d'outre-mer, le gain relatif pour l'État est nettement plus faible que dans l'Hexagone, compte tenu du différentiel de taux de TVA plus de deux fois moindre dans les départements d'outre-mer qu'en métropole.
Ainsi, les gains espérés sont de l'ordre d'un million d'euros pour l'outre-mer. Comme le soulignait l'ancien Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, à propos de la TVA sur la restauration, les économies à réaliser se comptent en milliard et non en million d'euros.
Par conséquent, compte tenu de tous ces éléments, pourquoi ne pas maintenir pour les départements d'outre-mer le taux réduit de TVA sur les offres triple play ?
L'Europe accepte déjà nos spécificités en matière de TVA, et cette décision ira dans le sens des engagements du Gouvernement, tant en matière de lutte contre la vie chère que pour l'établissement d'une véritable continuité numérique du territoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L'amendement n° I-56, présenté par Mme Payet, est largement satisfait, car le dispositif proposé à l'article 11 maintient le bénéfice de la TVA à taux réduit pour les services de télévision. C'est l'une des préoccupations essentielles de l'auteur de l'amendement et elle me paraît satisfaite.
Ensuite, je n'ai pas le sentiment que cet amendement réponde vraiment au problème soulevé par ses auteurs, en particulier parce qu'il ne remet pas en cause la rédaction de l'alinéa 3 de l'article 11, qui régit les conditions d'application de la TVA à taux réduit dans les offres composites.
La commission des finances souhaiterait donc que cet amendement puisse être retiré.
S'agissant de l'amendement n° I-246 rectifié bis , présenté par M. Serge Larcher, il ne nous semble pas qu'il réponde, lui non plus, au problème soulevé par ses auteurs.
En effet, cher collègue, vous souhaitez écarter l'application outre-mer de la nouvelle rédaction de l'article 279 du code général des impôts, mais vous ne dites pas quel régime de TVA vous souhaitez définir pour le substituer à la rédaction proposée par l'article 11 du projet de loi de finances.
En d'autres termes, il ne me semble pas que cet amendement puisse être appliqué. C'est la raison pour laquelle nous en demandons le retrait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est toujours avec beaucoup de bonheur que nous évoquons ensemble la problématique des caractères dérogatoires des dispositifs permettant d'accompagner les départements et territoires ultramarins, au service de politiques publiques qui servent nos compatriotes.
Je ne méconnais naturellement pas les spécificités, tant techniques que commerciales, du marché local. Cependant, l'alternative est la suivante : soit le service de télévision proposé constitue un service rendu en tant que tel au consommateur, à raison de ce que les droits de distribution ont été acquis auprès d'un éditeur ou d'un distributeur, auquel cas le taux réduit demeurera applicable, selon les modalités prévues par l'article 11 ; soit il n'y a pas de réel service de télévision proposé au client, auquel cas l'application du taux normal, fixé à 8,5 % dans les départements d'outre-mer, à la totalité du prix du forfait, est justifiée.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher, pour explication de vote.
M. Serge Larcher. Si je vous ai bien compris, monsieur le rapporteur général, vous êtes d'accord, sur le fond, sur l'amendement que j'ai présenté, mais ce dernier poserait un problème rédactionnel.
Monsieur le ministre, le taux de TVA appliqué sur les offres triple play aujourd'hui est de 5,5 % dans les départements d'outre-mer, sauf en Guyane où il n'y a pas de TVA. En appliquant le dispositif prévu à l'article 11, ce taux passerait à 8,5 %.
Je voudrais donc savoir précisément s'il s'agit d'un problème rédactionnel, auquel cas nous pourrions revenir sur cette rédaction plus tard, ou bien si, véritablement, le taux réduit de TVA sur le triple play sera conservé. Je vous pose une question très simple, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Virapoullé. Je souhaitais poser la même question que M. Serge Larcher. Je n'ai pas bien compris la réponse de monsieur le ministre : veut-il bien la préciser ?
M. le président. Monsieur le ministre, pourriez-vous expliciter votre réponse ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-56.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-246 rectifié bis .
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-411, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la distribution de services de télévision est comprise dans une offre unique qui comporte pour un prix forfaitaire l'accès à un réseau de communications électroniques au sens du 2° de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, le taux réduit n'est applicable pour la fraction correspondant à la distribution de ces services de télévision que si ces services peuvent être reçus sur un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l'usage privatif du foyer, dont la détention justifie l'assujettissement à la contribution définie par l'article 1605.
« Le distributeur de services, sous sa responsabilité, peut appliquer pour partie le taux réduit lorsqu'il est en mesure de démontrer selon une méthodologie simple, que la proportion retenue traduit la réalité économique de la prestation offerte conformément à l'article 268 bis . »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-57 est présenté par MM. de Montesquiou, Jégou et Adnot.
L'amendement n° I-134 est présenté par M. Trucy.
L'amendement n° I-434 est présenté par M. Hérisson.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Cette part est égale aux sommes payées, par usager, pour l'acquisition des droits susmentionnés.
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour présenter l'amendement n° I-57.
M. Jean-Jacques Jégou. Cet article 11 vise à rendre plus transparente l'application du taux réduit de TVA sur la part de l'abonnement souscrit auprès d'un opérateur de communications électroniques à une offre dite « composite » ou « triple play » .
Toutefois, si l'on ne peut que se réjouir de cette mesure qui permettra un accroissement particulièrement significatif des recettes de l'État, il demeure dans le texte qui nous est proposé une ambiguïté qui risque de conduire à des pertes de recettes fiscales et que cet amendement veut lever.
En effet, l'article 11 prévoit la possibilité pour un opérateur de communications électroniques de choisir entre deux formules pour justifier de l'application partielle du taux réduit de TVA. Or l'une de ces deux formules permettra à un opérateur de communications électroniques de préférer se fonder sur le prix auquel est par ailleurs proposée, seule, l'offre de télévision pour en déduire la part de l'abonnement triple play .
Ainsi, si cet article 11 entre en vigueur en l'état, le risque existe de voir un opérateur de communications électroniques proposer une offre de télévision seule, existante ou créée à cette seule fin, à un prix public avoisinant la moitié du prix d'une offre composite. En proposant parallèlement la même offre au sein d'une offre composite, il pourra alors justifier le maintien du taux réduit de TVA pour son offre composite.
Afin d'éviter ce contournement de la mesure proposée et toute perte de recettes fiscales ainsi que toute distorsion de concurrence entre les différents opérateurs de communications électroniques, cet amendement vise à supprimer cette possibilité de contournement et à mettre ainsi tous les opérateurs de communications électroniques sur un pied d'égalité.
L'application du taux réduit de TVA demeurera ainsi possible sur la seule partie du montant de l'abonnement correspondant aux coûts des droits effectivement versés aux chaînes de télévision incluses dans l'offre composite. Par la même occasion, cela encouragera les opérateurs de communications électroniques à acheter davantage de droits aux chaînes et contribuera à irriguer un secteur, notamment les chaînes du second marché, qui en a particulièrement besoin.
M. le président. Les amendements n os I-134 et I-434 ne sont pas soutenus.
L'amendement n° I-412, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Après les mots :
pour l'acquisition des droits susmentionnés
insérer les mots :
, et des frais techniques engagés pour la diffusion des services de télévision
L'amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-57 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s'agit d'un sujet très compliqué, très technique.
Je comprends qu'il existe deux catégories d'interlocuteurs : ceux qui viennent du monde de la télévision et ceux qui viennent du monde la téléphonie. Il s'agit de parvenir à l'équilibre, afin que la concurrence soit aussi équitable que possible entre les uns et les autres.
Au sein de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'éminents spécialistes de ces sujets pourront certainement nous éclairer.
Du point de vue de la commission des finances, l'opération est neutre pour le solde des finances publiques. Je me demande même si l'amendement de MM. Aymeri de Montesquiou et Jean-Jacques Jégou ne serait pas meilleur sur ce plan-là. Mais je n'en ai pas la preuve chiffrée.
Monsieur le ministre, je comprends que cette solution a le mérite d'aligner tous les opérateurs sur la même grille d'analyse. Néanmoins, ces câblo-opérateurs sont eux-mêmes en concurrence avec les distributeurs de bouquets hertziens ou satellites. Pour supprimer une distorsion de concurrence, ne risque-t-on pas d'en créer une autre ? C'est la question que je me pose.
N'étant pas capable d'analyser de manière plus approfondie cette question, je m'en remets à l'avis du Gouvernement et aux éclairages qui nous seront apportés par nos collègues de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Dans cette affaire du triple play , le Gouvernement a voulu entendre deux messages.
Le premier était adressé par la Commission, ce qui était bien légitime. Quoi qu'on en dise, nous étions dans une procédure déjà avancée d'évolution et de demande à la France de réévaluation de son taux.
Le second, lorsque cette information est sortie dans la presse, portait sur la priorité du métier, laquelle a conditionné la proposition gouvernementale en la matière.
L'amendement n° I-57 créerait une distorsion de concurrence entre Canal+ et les autres opérateurs de télévision payante, et dépasse très largement le cadre de la TVA sur les offres triple play .
Canal+ bénéficie d'un taux de TVA réduit à 5,5 % applicable sur l'intégralité du prix de vente. Le texte du projet de loi prévoit la même disposition pour les autres opérateurs de télévision payante, afin que tous les acteurs de ce secteur soient traités sur un pied d'égalité.
L'amendement proposé prévoit de limiter l'application du taux réduit à 5,5 % uniquement sur la part correspondant à l'acquisition des droits. On voit bien l'esprit qui sous-tend cet amendement. Ainsi les offres de télévision payantes, y compris lorsqu'elles sont vendues isolément, seraient taxées intégralement à 5,5 % lorsqu'il s'agit de Canal+, mais à un taux très supérieur pour toutes les autres sociétés concurrentes de Canal+. Cette distorsion de concurrence ne peut pas être soutenue par le Gouvernement.
Par ailleurs, vous craignez que la double référence permette aux opérateurs de communications électroniques de contourner la remise en ordre voulue par le Gouvernement en proposant une offre de services de télévision créée à cette seule fin avec un prix fictivement majoré.
Refuser de prendre en compte l'ensemble des coûts de diffusion d'un service de télévision - pas seulement ceux d'acquisition des droits, mais aussi ceux de commercialisation, voire de production - pénaliserait injustement les opérateurs les plus actifs en matière de télévision, notamment les câblo-opérateurs. C'est alors qu'il y aurait une réelle distorsion dans les conditions de la concurrence, ce que nous avons voulu éviter.
J'ajoute que Canal+ a un positionnement singulier, notamment dans le financement de l'aide au cinéma. Nous avons aussi retenu cette ligne pour permettre à Canal+ de continuer son oeuvre très utile au service d'une certaine idée de l'exception culturelle à la française.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Jégou. L'explication de M. le ministre m'amène à retirer l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-57 est retiré.
L'amendement n° I-464, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
...Ces dispositions s'appliquent aux prestations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est exigible à compter du 1 er janvier 2011.
La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. Il s'agit de l'entrée en vigueur de l'article 11 et des nouvelles dispositions qui seront applicables aux prestations dont le fait générateur intervient à compter du 1 er janvier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Avis favorable, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-464.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° I-413, présenté par MM. Maurey, Dubois, Détraigne, Biwer, Jarlier, Amoudry, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Une partie des ressources nouvelles générées par les dispositions prévues au présent article abonde directement le fonds d'aménagement numérique du territoire créé par la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique.
Le montant correspondant à cette part est fixé annuellement en loi de finances initiale. Pour l'année 2011, il s'élève à 500 millions d'euros.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Cet amendement vise à ce qu'une partie des recettes supplémentaires générées par l'augmentation du taux de TVA sur l'offre triple play soit affectée au fond d'aménagement numérique des territoires, créé par la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite loi Pintat, parce que le Président de la République a fixé en février de cette année un objectif ambitieux en faveur de la couverture de notre territoire par le très haut débit.
Il a souhaité que 70 % de la population soit couverte par le très haut débit en 2020 et 100 % en 2025. C'est un objectif ambitieux que nous devons atteindre. Il en va en effet de la compétitivité de notre économie comme de l'attractivité de nos territoires.
Pour ce faire, des moyens financiers sont naturellement nécessaires. Dans le rapport de mission que j'ai eu l'honneur de remettre au Premier ministre, ils ont été évalués à 660 millions d'euros par an. Le fond d'aménagement numérique des territoires ne prévoyant pas de ressources pérennes - c'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette mission m'avait été confiée -, j'avais imaginé des recettes pour alimenter ce fonds, notamment la création d'une contribution de solidarité numérique de 75 centimes par mois pour chaque abonnement.
Dès lors qu'une recette supplémentaire va être supportée par les consommateurs, il me semblerait opportun qu'une partie de la recette dégagée, environ la moitié, soit affectée à ce fonds, afin que nous puissions relever le défi du très haut débit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sans nier l'importance des dépenses d'aménagement du territoire dont il s'agit, j'espère que M. Maurey ne m'en voudra pas de rappeler que la commission est par nature, par principe, très réservée sur les affectations nouvelles.
Quant au rendement de la mesure de l'article 11, 1,1 milliard d'euros, il est bien nécessaire pour limiter le déficit budgétaire.
Telles sont les raisons d'ordre général et de principe qui nous conduisent à solliciter le retrait de l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement est selon moi important. Nous savons bien que nous sommes entrés dans l'ère du numérique et que, demain, notre vie quotidienne sera profondément affectée par cette révolution technologique.
Aujourd'hui, on parle beaucoup de la neutralité du Net. L'ex-secrétariat d'État chargé de la prospective et du développement de l'économie numérique avait réalisé des travaux importants qui ont donné lieu à un rapport. La commission de la culture, de l'éducation et de la communication, en lien avec la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a elle-même organisé au Sénat, voilà quelques semaines, une table ronde sur ce que nous appelons la neutralité du Net. Les travaux de cette table ronde ont conclu à une absolue nécessité de l'aménagement du territoire.
Encore une fois, il ne faut pas manquer ce virage. Comme l'a souligné dans son très bon rapport notre collègue Hervé Maurey, si nous n'accélérons pas l'investissement dans ce que l'on appelle les tuyaux, des territoires entiers seront pénalisés.
La neutralité du Net, c'est parvenir à ce que nous soyons tous égaux en matière de nouveaux équipements, quels que soient notre localisation sur le territoire, le fournisseur d'accès auquel nous avons recours ou les contenus que nous cherchons à consulter. Voilà pourquoi je soutiendrai l'amendement de mon collègue.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je dois vous faire part d'un déchirement personnel.
Je veux saluer la qualité de la réflexion conduite par Hervé Maurey et transcrite dans le rapport qu'il a remis au Premier ministre.
Monsieur le ministre du budget, il est clair qu'il faut doter la France d'un réseau de très haut débit ; peut-être faut-il regarder du côté des investissements d'avenir.
Mais, cela dit, je ne peux pas recommander une méthode qui consiste à préempter une partie des recettes pour les affecter à un fonds. En effet, si nous procédions par affectation de ressources vers une ligne de dépenses, nous aurions les pires difficultés pour établir le budget.
Si, comme nous le souhaitons, le Gouvernement fait le choix de privilégier cet investissement, il aura la sagesse d'inscrire les crédits nécessaires et de prononcer les arbitrages requis lorsqu'il préparera son budget de fonctionnement et d'investissement.
Je souhaite qu'Hervé Maurey veuille bien retirer son amendement, car je serais vraiment malheureux de devoir voter contre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Jégou. À moins qu'à cette heure tardive nous ne nous souvenions plus de ce qui a été engagé, il me semble bien que 500 millions d'euros ont été prévus pour le très haut débit dans le cadre du grand emprunt.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Investissement d'avenir !
M. Jean-Jacques Jégou. Dans la mesure où nos collègues veulent imputer au fonds d'aménagement numérique des territoires quelque 500 millions d'euros sur une recette estimée à 1,1 milliard d'euros, nous ne serions pas loin du compte et ils auraient satisfaction.
M. le président. Monsieur Hervé Maurey, l'amendement est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Je regrette que M. le ministre n'ait pas essayé d'être plus convaincant qu'il ne l'a été à mon égard. J'aurais bien aimé entendre la position du Gouvernement sur cet amendement qui, une fois encore, vise à atteindre les objectifs fixés par le Président de la République dans son discours du 9 février dernier. C'était dans une commune qui porte mon nom, même si l'orthographe est différente : Morée, dans le Loir-et-Cher ; mais ce n'est naturellement pas pour cela que je défends cet amendement ce soir.
Monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, vous vous opposez au principe de l'affectation, alors que celui-ci est d'ores et déjà inscrit dans la loi. Je n'ai rien inventé !
En effet, la loi du 17 décembre 2009, dite loi Pintat, du nom de notre collègue qui en est l'auteur, prévoit un fonds d'aménagement numérique des territoires, destiné à aider les collectivités qui apporteront le très haut débit en zone rurale. Ce fonds doit être alimenté !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par crédits budgétaires !
M. Hervé Maurey. Sinon, quel est son intérêt ?
C'est justement parce que ce fonds était dépourvu de ressources que, dans le cadre du grand emprunt, ont été affectés, monsieur Jégou, pour « amorcer la pompe », 750 millions d'euros. Or une telle somme est tout à fait insuffisante, comme je le démontre dans le cadre du rapport qui m'a été confié, puisque les besoins sont de l'ordre de 13 milliards d'euros. C'est la raison pour laquelle il faut arriver à trouver 660 millions d'euros par an.
Tel est donc le sens de cet amendement. Les enjeux, faut-il le rappeler, sont très importants. Il y a naturellement l'aménagement du territoire, notamment de ces territoires ruraux auxquels nous devons être très sensibles dans cette assemblée, et, au-delà, la compétitivité même de notre économie. Alors que nous visons une couverture en haut débit de 100 mégabits par seconde, les Asiatiques en sont déjà à 1 gigabit. Nous risquons donc, une fois de plus, d'être tout à fait dépassés dans la compétition internationale si nous ne relevons pas le défi du très haut débit.
Il est également déchirant pour moi de ne pas céder, monsieur le président de la commission des finances, à vos pressions insistantes. Toutefois, dans cette affaire, l'enjeu me paraît plus important que nos sentiments personnels puisqu'il en va, je le répète, de la compétitivité de notre pays et de l'aménagement de nos territoires ruraux
J'aurais retiré cet amendement si le Gouvernement m'avait proposé une solution de remplacement pour alimenter le fonds d'aménagement numérique des territoires. Dans la mesure où tel n'est pas le cas, je le maintiens, car je ne veux pas que ce fonds reste une coquille vide et que nous rations ce rendez-vous très important pour notre économie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cher collègue, ce fonds peut être alimenté par une dotation budgétaire. Nous examinerons à partir de jeudi les crédits des différentes missions. Peut-être pourrez-vous déposer un amendement affectant l'une d'entre elles.
M. Hervé Maurey. On m'opposera l'article 40 de la Constitution !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il faut procéder par redéploiement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il suffit, pour alimenter ce fonds, de prélever les sommes nécessaires sur d'autres lignes de crédits.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-413.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)