VI. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 24 NOVEMBRE 2010

Article 19

Séance du mercredi 25 novembre 2010

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'an dernier, à la même époque, M. le rapporteur général de la commission des finances affirmait, au sujet des collectivités territoriales : « L'augmentation de 0,6 % de la DGF en 2010 n'est évidemment pas considérable, mais elle aura le mérite de les obliger à améliorer leur gestion. »

Nous attendons aujourd'hui de connaître quelle formule il utilisera pour nous expliquer comment l'évolution, si l'on peut dire, de 0 % de la dotation générale de fonctionnement, la DGF, contribuera à améliorer la gestion de nos collectivités.

Monsieur le rapporteur général, l'article 19 incite les collectivités territoriales à « être pleinement associées à l'effort de maîtrise des dépenses publiques ».

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !

Mme Marie-France Beaufils. Voilà le sempiternel dogme que vous nous assénez depuis votre arrivée au pouvoir pour nous faire « avaler » les critères de Maastricht. L'on voit aujourd'hui où ils nous ont conduits : une situation dégradée des économies européennes, lorsqu'elles ne sont pas au bord de l'implosion, comme c'est le cas de la Grèce, de l'Irlande ou du Portugal.

Monsieur le rapporteur général, vous partez du principe que nos budgets locaux participeraient largement au déficit de la nation alors qu'ils ne représentent guère que 10 % de l'endettement de notre pays.

Quelle sera la capacité de nos collectivités à répondre aux besoins de nos concitoyens, alors que le « panier du maire » est généralement estimé au double de l'inflation et que nos ressources vont être amputées de fait ? Une augmentation de la DGF de 0 %, si l'on peut appeler cela une augmentation, alors que l'inflation globale sera de 2 %, ne nous permettra pas d'apporter à nos concitoyens des réponses de nature à remédier à la situation de plus en plus critique qui est la leur. Je sais bien que l'augmentation annoncée pour la DGF est légèrement supérieure à 0 %, mais elle porte sur la masse globale, qui tient compte de l'évolution de la population de notre pays.

Au cours des derniers budgets, la DGF a évolué, passant de 2 % à 0,6 % l'an dernier. En proposant aujourd'hui 0 %, si vous suivez la même tendance, vous nous annoncerez peut-être l'an prochain une évolution négative,... toujours afin de mieux nous aider dans notre gestion, bien évidemment !

Le gel en valeur des dotations aux collectivités locales, auquel vont s'ajouter une baisse de garantie et des réductions de dotations de compensation, placera les collectivités locales dans une situation où elles ne pourront pas faire face à l'évolution de leurs coûts de fonctionnement et leur interdira toute possibilité d'investissement. Vous savez que nombre de nos charges sont incompressibles, que les augmentations des tarifs du gaz et de l'électricité, du coût de l'énergie, dont vous êtes les principaux décideurs, nous placent dans l'obligation soit d'augmenter les impôts, soit de supprimer des services.

Nous considérons pour notre part que ces services de proximité utiles, efficaces et à la disposition de l'ensemble de la population, permettent l'atténuation des inégalités, comme le montre le portrait social de la France réalisé par l'INSEE, qui a été rendu public ces derniers jours.

C'est bien, donc, d'une politique de rigueur pour les collectivités et leurs habitants dont il faut parler. Dans un article intitulé « La rigueur n'épargne pas les finances locales », paru dans un journal économique, et faisant notamment référence à la note de conjoncture de Dexia, on pouvait lire : « En 2011 et au cours des années suivantes, compte tenu du gel des dotations, du renforcement de la péréquation, du moratoire sur les normes mais également des impacts de la mise en place des réformes fiscale, territoriale et de la dépendance, les budgets locaux devraient être revus à la baisse. »

Le gel des dotations de l'État aura obligatoirement des conséquences graves sur nos budgets. L'an dernier, la progression de la DGF, de 0,6 %, s'est traduite par une baisse de la dotation pour environ 16 000 communes. Combien d'entre elles supporteront les conséquences du gel prévu cette année ? On peut craindre que 6 000 collectivités, dont le potentiel financier est supérieur de 75 % à la moyenne nationale, ne voient leur dotation réduite de 5 %, voire 6 %.

L'indexation que nous proposons permettrait, à compter de 2011, que la dotation globale de fonctionnement soit calculée sur la base de la DGF inscrite dans la loi de finances de l'année précédente, en fonction d'un indice faisant la somme du taux prévisionnel d'évolution du prix à la consommation des ménages hors tabac, pour la même année, et de la moitié de la croissance prévue du produit intérieur brut marchand. Ce mode de calcul permettrait aux collectivités de retrouver des marges de manoeuvre pour mener à bien leur action.

Le gel de la DGF que vous proposez aura des conséquences catastrophiques pour les finances de toutes les collectivités locales. Or, ces dernières permettent aux entreprises de continuer leur activité, en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

C'est pourquoi nous considérons que votre décision de geler la DGF constitue une mise en cause des possibilités dont disposent les collectivités pour répondre sur le terrain aux besoins des habitants de l'ensemble de notre pays.

M. le président. L'amendement n° I-170, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cet amendement de principe vise à supprimer l'article 19, qui prévoit une évolution faible de la DGF pour 2011.

Dans la continuité de la politique menée par les différents gouvernements depuis 2007, la DGF sert, cette année encore, de variable d'ajustement du budget de l'État.

Après avoir supprimé, en 2009, l'indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation majorée de 50 % de la croissance du produit intérieur brut, le PIB, mise en oeuvre sous Lionel Jospin, le Gouvernement supprime aujourd'hui, dans l'article 19, l'indexation automatique de la DGF et plonge ainsi les collectivités territoriales dans l'imprévisibilité budgétaire, puisqu'il reviendra dorénavant à la loi de finances annuelle d'en fixer le montant.

Eu égard à la politique d'austérité budgétaire à laquelle le Gouvernement contraint les collectivités territoriales par l'application du gel en valeur à l'ensemble des concours financiers de l'État, il y a fort à parier que, dans les années à venir, l'évolution de la DGF sera égale ou proche de zéro. Pour 2011, le Gouvernement proposait initialement une évolution réduite à 0,2%, soit seulement 86 millions d'euros.

Toutefois, le quasi-gel de la DGF n'est pas la seule menace qui pèse sur les recettes budgétaires des collectivités territoriales. Chaque année, un besoin de financement important se manifeste au sein de la DGF : prise en compte du recensement rénové, qui pèse pour plus de 73 millions d'euros sur la DGF des communes et des départements ; montée en puissance de l'intercommunalité, avec les prévisions de regroupements de communautés de communes, qui coûtera en 2011 89 millions d'euros ; prise en compte du coefficient d'intégration fiscal le plus élevé pour le calcul de la nouvelle DGF ; évolution faible de la péréquation verticale, pour un montant inférieur à 180 millions d'euros.

Pour parvenir à financer cette augmentation interne à la DGF en restant dans une enveloppe fermée, le Gouvernement a pris une double décision.

En premier lieu, il a décidé de geler le montant des composantes de la dotation forfaitaire de la DGF perçue par les communes et les départements, et de diminuer la dotation des régions

En second lieu, il a décidé de réduire la dotation de compensation de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle perçue par les communes et leurs groupements, et d'écrêter le complément de garantie perçu par les communes.

Ces mesures d'économies entraîneront donc une perte de recettes budgétaires pour les collectivités territoriales, particulièrement pour les communes dont la population stagne ou diminue.

Sur l'initiative du rapporteur général de la commission des finances à l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, et du rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », les députés ont été contraints, cette année encore, à de nombreuses contorsions budgétaires pour tenter de ramasser ici et là quelques millions d'euros. Ils ont notamment dénoncé la gestion opportune du Gouvernement qui comptait conserver pour l'État le bénéfice de la diminution de la dotation de compensation pour pertes de bases, à la suite de la suppression de la taxe professionnelle, pour un montant de 149 millions d'euros.

Ainsi, l'Assemblée nationale a choisi, au motif qu'ils disposaient encore de sommes inutilisées, de diminuer d'une part le Fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des catastrophes naturelles et, d'autre part, le Fonds d'aide au relogement d'urgence, le FARU.

Dans tous les cas, puisque la DGF et les concours financiers évoluent au sein d'une enveloppe fermée, l'augmentation d'une dotation se fait toujours au détriment d'une autre. C'est un jeu à somme nulle pour le Gouvernement, mais cela se traduit par des pertes bien réelles pour les collectivités territoriales.

Le vrai problème est inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Il s'agit du gel en valeur de l'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales. Tant que vous ne permettrez pas une évolution dynamique des dotations, vous serez condamnés tous les ans à gérer la pénurie budgétaire, et les collectivités territoriales seront condamnées à voir diminuer le montant de leurs recettes. Dans ces conditions, toute volonté de renforcer la péréquation est vouée à l'échec !

Notre groupe s'est vivement opposé au gel en valeur des dotations dans le projet de loi de programmation des finances publiques.

Dans cet esprit, il ne peut accepter aujourd'hui le quasi- gel de la dotation globale de fonctionnement et les nombreuses manoeuvres budgétaires qu'il induit.

Au-delà de tout ce que je viens d'énoncer, il en va de l'avenir de l'investissement des collectivités, avec les répercussions que la baisse de ce dernier aura sur l'activité des entreprises et sur l'emploi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Comme l'a indiqué très justement le sénateur Gérard Miquel, c'est un amendement de principe. Je vais donc y apporter une réponse de principe ! (Sourires.)

Compte tenu des difficultés des finances publiques, les collectivités locales sont traitées ni plus, ni moins comme l'État. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Comment voulez-vous qu'elles soient exonérées de la contrainte commune et comment envisagez-vous de dire à nos concitoyens que les collectivités territoriales peuvent en être exemptées ? C'est totalement contraire au bon sens !

Dans cette discussion du volet collectivités territoriales du projet de loi de finances, nous allons bien entendu faire au mieux et éventuellement apporter quelques rectifications. Toutefois, vous connaissez le cadre macroéconomique actuel. Il n'y a pas de surprise ! Nous appliquons simplement la clause d'égalité de traitement. Il est quand même bien naturel que tous les budgets publics soient soumis aux mêmes contraintes. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, chargé de la fonction publique Mesdames, messieurs les sénateurs, je profiterai de cette première intervention sur le sujet des collectivités territoriales pour préciser un ou deux points déjà énoncés par M. le rapporteur général et pour évoquer le cas particulier de la DGF. Cela me permettra de faire ensuite des réponses plus laconiques.

Monsieur le sénateur, vous proposez la suppression de l'article 19 et donc le rétablissement de l'indexation de la DGF sur l'inflation, avec une progression de 1,5 % en 2011.

Tout d'abord, je voudrais vous dire la même chose que le rapporteur général - cela ne vous surprendra pas -, à savoir que l'objectif de maîtrise des dépenses publiques impose un effort évidemment partagé et auquel les collectivités territoriales sont associées. Ce n'est pas simplement une vue de l'esprit, c'est surtout un principe de cohérence puisque, pour le budget de l'État, l'effort historique de stabilisation de la dépense en valeur sur trois ans, hors charge de la dette et pensions, a été décidé.

Il ne faut pas oublier que les concours aux collectivités territoriales constituent le deuxième poste des dépenses de l'État après celui de l'éducation nationale. Dès lors, il se situe devant la charge de la dette et le budget de la défense. La DGF représente 75 % de ces concours. Aussi, lorsque l'on évoque ce sujet, on n'est pas en train de parler de montants secondaires, loin s'en faut !

Par définition et comme l'a affirmé très justement M. le rapporteur général, l'objectif du « zéro valeur » suppose tout naturellement que la règle soit également appliquée sur l'ensemble des concours de l'État aux collectivités territoriales. C'est un effort qui doit être partagé ; je pense que nous sommes tous bien conscients du fait que si l'on veut - et on le veut ! - aboutir à un rétablissement des comptes publics, il faut, de fait, que l'État ne soit pas le seul à s'imposer cet exercice.

En revanche, je voudrais souligner deux points qui sont, me semble-t-il, de nature à amoindrir un peu la portée de la critique que vous avez développée dans votre argumentation : d'une part, la stabilisation en valeur des concours financiers de l'État n'empêche pas une progression modérée de la DGF ; d'autre part, un effort significatif en faveur de la péréquation est effectué.

La DGF va progresser en 2011 à hauteur de 210 millions d'euros, soit 0,5 %. En plus de cette augmentation qui est prévue dans le PLF, l'Assemblée nationale a créé un nouveau prélèvement sur recettes de 115 millions d'euros qui abondera également la DGF. En outre, 8 millions d'euros seront prélevés sur différents fonds et lui seront affectés en 2011. On a donc un effort qui montre que la progression de la DGF continue néanmoins d'être assurée.

Par ailleurs, cette stabilisation des dotations forfaitaires s'accompagne d'un renforcement de la péréquation dont les dotations, elles, continueront de progresser. Ainsi, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la DSU, et la dotation de solidarité rurale, la DSR, progresseront l'une et l'autre de 6 % en 2011. Par conséquent, un effort est nécessaire et celui-ci doit être partagé par les collectivités territoriales. Par définition, la DGF représentant le concours le plus important, il va de soi qu'elle doit être affectée par cet effort. La progression de la DGF et le renforcement simultané des dispositifs de péréquation font que l'on comprend la logique de l'article 19.

Monsieur le sénateur, je ne peux que préconiser le retrait de l'amendement n° I-170, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable sur celui-ci.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne ferai cette déclaration qu'une seule fois alors même qu'elle serait à mon avis également valable pour l'évolution de la dotation générale de décentralisation, la DGD.

Personne ne souhaite plus que moi la maîtrise de la dépense publique et accompagner le Gouvernement dans cet effort, mais cela supposerait que ce dernier s'engage à ne pas laisser filer l'augmentation des dépenses.

Or j'ai décidé de tenir une main courante de ce qui nous arrive tous les jours. La commission d'évaluation des normes se réunira demain et, la semaine prochaine, nous aurons une réunion de la commission d'évaluation des charges. Tous les jours, le Gouvernement créé des dépenses supplémentaires qui s'imposent aux collectivités locales ! Monsieur le rapporteur général, il n'est pas possible de dire qu'il faut que les collectivités participent à l'effort si, en même temps et continuellement, la charge ne cesse d'augmenter.

Je vais illustrer mon propos par quelques exemples. L'État n'a pas assez d'argent pour s'occuper des jeunes mineurs délinquants et il les met donc à charge du département avec l'obligation conséquente d'en couvrir la dépense.

De même, il existait autrefois des volontaires civils chez les sapeurs pompiers dans les services départementaux ; or l'État vient de supprimer la possibilité d'utiliser les volontaires du service civil. En outre, nous venons de voter la réforme des retraites ; mais tout trimestre supplémentaire avant la retraite est une augmentation du revenu de solidarité active, le RSA, non compensée. On pourrait allonger comme cela la liste. Ainsi, il n'y a pas un seul jour où l'on ne constate pas une nouvelle augmentation de charge !

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai une seule demande à vous faire, et je ne vous la répéterai pas : il n'est pas possible de vous aider à maîtriser la dépense si vous ne prenez pas l'engagement d'arrêter le massacre, de faire cesser l'évolution permanente de l'augmentation des charges supportées par les collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai bien entendu ce que vous nous dites sur la stabilisation en valeur, sur le prélèvement sur recettes et sur les modifications apportées par l'Assemblée nationale. Or vous oubliez que, comme l'ensemble des mesures sont toujours dans l'enveloppe normée, ce sont les autres collectivités qui supportent l'impact des augmentations. Par exemple, pour la DSU et la DSR, l'augmentation de 6 % se fait au détriment de la dotation des autres collectivités qui auront moins de marge de manoeuvre pour améliorer la solidarité en direction de ces communes.

Vous nous dites également que vous allez conserver des moyens pour la péréquation. Mais c'est Mme Lagarde elle-même qui, lors de sa présentation au comité des finances locales, affirmait que cette loi de finances parvenait difficilement à opérer une véritable péréquation à l'égard des communes et que c'est un travail qui allait devoir être mené.

Vous ne pouvez pas nous dire une chose et son contraire ! La réalité, aujourd'hui, comme vient de le rappeler M. le rapporteur général, est que vous voulez faire participer les collectivités territoriales à la réduction des dépenses publiques. Vous oubliez que si le budget de l'État est en grande fragilité aujourd'hui, c'est quand même en raison de l'importante diminution des recettes qui l'alimentaient que nous observons depuis votre arrivée au Gouvernement.

Ces décisions-là, les collectivités ne les ont pas prises. Je ne connais pas de collectivités qui ont baissé leurs ressources, qui ont baissé leurs impôts ! Aujourd'hui, vous leur demandez d'assumer des décisions que vous avez prises et qui ont des conséquences sur l'ensemble de votre activité.

J'ajouterai un dernier mot pour expliquer pourquoi notre groupe votera en faveur de cet amendement. La possibilité donnée aux collectivités territoriales d'intervenir grâce à leurs moyens financiers en investissement est en train de se réduire comme l'Observatoire des finances locales a pu le démontrer. Sur le fond, cela signifie que l'on va se trouver avec une diminution des interventions en direction de nombreuses entreprises qui, aujourd'hui, fonctionnent et vivent grâce à ces marchés des collectivités territoriales. Je vous rappellerai, tout de même, que l'investissement des collectivités territoriales représente le maintien de 800 000 emplois dans le secteur privé. L'impact risque donc d'être plus lourd que vous ne le pensez !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais reprendre l'argumentation qui a été développée par mes deux précédents collègues.

Monsieur le secrétaire d'État, vous voulez entraîner les collectivités locales dans ce que vous appelez un cercle vertueux sur le plan budgétaire avec à la clé des économies substantielles ; néanmoins, je tiens à rappeler le chiffre qui a été évoqué tout à l'heure. Pour employer une expression un peu triviale, je serais tenté de dire qu'en termes d'endettement les collectivités locales ne « boxent » pas dans la même catégorie que le Gouvernement puisque seulement 10 % de l'endettement du pays est tributaire de ce qui se passe dans les collectivités territoriales.

Ensuite, quand vous nous dites que l'on doit « scotcher » les collectivités à l'État, c'est négliger quelque peu le fait qu'en période de difficultés budgétaires et de crise sociale, il n'aura échappé à personne qu'à l'échelon des départements, les dépenses sociales et de solidarité - par définition - explosent et augmentent de manière exponentielle. Ce constat est vrai, personne ne peut le nier ! Mais là où il s'aggrave, monsieur le secrétaire d'État, c'est que, s'agissant de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, du RSA ou de la prestation de compensation du handicap, la PCH, ce sont des responsabilités que le Gouvernement a déléguées aux départements et auxquelles ces derniers ne peuvent pas échapper. Nous sommes donc dans une situation où les départements sont obligés de supporter l'augmentation considérable de ces charges qui lui ont été déléguées par un État qui refuse de l'aider à assumer cette mission. Vous comprendrez facilement que nous ne pouvions pas ne pas dénoncer cette injustice !

Par ailleurs, le gel des dotations va entraîner un affaiblissement du fonctionnement des collectivités territoriales ce qui aura un contrecoup sur l'investissement. Il n'est pas inutile de rappeler, encore et toujours, que de 60 % à 70 % des investissements pratiqués dans ce pays, notamment dans le bâtiment, le sont par les collectivités territoriales.

À force de réduire la voilure des deux côtés, arrivera un moment où il sera très difficile d'expliquer aux collectivités territoriales qu'elles doivent toujours faire mieux avec des moyens qui sont rognés budget après budget. Je vous signale au passage que, sur les prestations que j'évoquais tout à l'heure - cela a déjà été dit et ce sera sans doute répété de nombreuses fois après moi -, la dette de l'État par rapport aux collectivités est immense. À titre d'exemple, pour le seul département de la Haute-Garonne, le manque à gagner pour le RSA, l'APA et la PCH depuis l'exercice 2008 s'élève à 400 millions d'euros.

Vous comprendrez bien que, pour toutes ces raisons, nous voterons avec conviction cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.

M. Gérard Miquel. Le discours ambiant consiste à faire croire aux Français que l'État est vertueux et que les collectivités territoriales ne le sont pas. L'État nous dit que les dépenses en direction des collectivités locales ne cessent d'augmenter et qu'elles représentent une part importante du budget national. Mais cette situation est normale puisque le début de la décentralisation remonte à plus de vingt-cinq ans ! Je sais bien qu'existe aujourd'hui la volonté d'opérer une recentralisation, mais il est évident que l'État s'est déchargé d'un grand nombre de compétences sur les collectivités locales et n'assume pas la compensation !

En plus de ces compétences décentralisées, que fait l'État aujourd'hui ? Lorsqu'on veut construire une ligne à grande vitesse, ou LGV, l'État demande aux collectivités de payer. Mon département qui n'est pas desservi directement par la LGV Tours-Bordeaux-Toulouse doit ainsi payer 11 millions d'euros pour la réalisation de cette ligne !

L'État a transféré aux départements la gestion des routes nationales. Ainsi, mon département du Lot a l'entière charge de ces dernières, à l'exception de seize kilomètres, sur lesquels l'État nous demande de participer aux travaux !

Est-ce aux collectivités locales de construire les gendarmeries pour le compte de l'État ? Bien sûr que non ! Que l'État assume les missions qu'il a conservées, et qu'il ne leur demande pas d'y suppléer.

Nous sommes également confrontés au problème de l'emploi : le nombre d'employés dans les collectivités doit diminuer, tandis que nous ont été confiées de nombreuses compétences, que nous ne pouvons assumer qu'avec un nombre suffisant de personnels.

Des efforts de rigueur, les collectivités en ont fait dans toute la France. Nous avons essayé d'optimiser l'utilisation de l'argent public, et, si l'État avait fait de même, nous connaîtrions aujourd'hui une situation meilleure.

Tout cela fait suite à une réforme de la fiscalité qui a été conduite à l'emporte-pièce, sans que les répercussions sur les contribuables et les collectivités elles-mêmes aient été mesurées.

La taxe professionnelle a été supprimée et remplacée par une nouvelle contribution versée par les entreprises. Évidemment, cela entraîne des pertes de recettes pour toutes les collectivités, notamment les agglomérations et les départements.

Je citerai un exemple dans ma région. L'importante agglomération de Toulouse et le département de Haute-Garonne ont perdu beaucoup de ressources en raison de la suppression de la taxe professionnelle, et la compensation provenant de la taxe d'habitation ne suffit pas. Il faudra donc prélever sur les autres départements une part de taxe d'habitation pour apporter la compensation méritée par l'agglomération toulousaine. Mon département donnera sa contribution. C'est la péréquation à l'envers !

Les normes, que nous avons déjà évoquées, sont de plus en plus contraignantes. On nous dit qu'il faut que cela cesse. Monsieur le secrétaire d'État, demandez donc à ceux de vos services qui sont chargés de l'application des lois de moins contraindre les collectivités et d'arrêter d'exiger d'elles la mise en oeuvre de normes très coûteuses.

Les départements se sont également vu attribuer la gestion des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS. Il me semble pourtant que la sécurité relevait de l'État. Qu'en est-il aujourd'hui ? Même en prenant des mesures très astreignantes, nous sommes souvent contraints, compte tenu de l'application des normes, d'augmenter le budget des SDIS dans des proportions quasiment insupportables si nous voulons exécuter les missions qui sont les nôtres en matière de sécurité.

Les questions à caractère social - la PCH, l'APA, le RSA - sont gérées de façon très rigoureuse par les conseils généraux. Dans quelle situation nous trouvons-nous ? Dans mon département, qui est petit, le différentiel est chaque année de 10 millions d'euros entre les versements de l'État et les allocations diverses et variées que nous payons à ces trois secteurs : en prenant en compte l'APA, qui représente 50 % des aides, nous respectons encore la première loi que nous avons votée.

Dans le même temps, le point d'impôt a été abaissé lors des réformes de la fiscalité. Dans mon département, il faut 300 000 euros de recettes fiscales pour une augmentation d'un point. Tout cela crée une situation insupportable qui nous obligera à diminuer nos programmes d'investissement. Ce sera forcément préjudiciable pour nos entreprises et nos emplois ; de plus en plus de personnes demanderont le RSA ou souhaiteront bénéficier des aides sociales que nous connaissons.

C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je comprends naturellement le souhait du Gouvernement de réduire nos déficits et notre endettement, dont le niveau est évidemment tout à fait insupportable. Nous le disons depuis le début de l'examen de ce projet de loi de finances, et chacun en est convaincu.

Dans ce contexte, il n'est pas anormal de demander aux collectivités de participer à cet effort, en gelant un certain nombre de dotations.

Il n'en demeure pas moins que cette mesure me semble particulièrement rude, surtout pour les départements et les régions, qui sont déjà les grands perdants de la réforme de la taxe professionnelle.

Je veux bien accepter cette règle, mais je rejoins tout à fait ce qu'a dit Philippe Adnot. Il faut que, dans le même temps, l'État joue le jeu, si j'ose dire. Il ne peut pas à la fois geler les recettes des collectivités, et faire en sorte, par son attitude, que leurs dépenses continuent à augmenter.

La question des normes qu'a évoquée Philippe Adnot est très importante, puisque la Commission consultative d'évaluation des normes a évalué leur coût, pour les collectivités locales, à 580 millions d'euros. Ce n'est pas rien ! Et, pour la seule année 2009, le montant des nouvelles normes a été de 80 millions d'euros.

Cela explique en partie, me semble-t-il, que l'évolution des dépenses des communes, au cours des dix dernières années, a été supérieure à l'inflation : entre 1999 et 2009, l'évolution des dépenses des communes a été en moyenne de 2,8 % quand l'indice des prix était de 1,8 %.

Le Président de la République lui-même a parlé hier de ce phénomène au Congrès des maires, envisageant de revenir sur certaines normes. Je souhaiterais que le Gouvernement prenne des engagements forts sur ce sujet, afin que nous ayons un certain nombre d'assurances.

D'autres assurances me paraissent indispensables, comme l'a évoqué notre collègue Gérard Miquel, car il faudrait que le Gouvernement arrête de demander systématiquement aux collectivités de venir en aide à l'État pour payer des équipements qui relèvent de la compétence de ce dernier.

Je ne voterai pas l'amendement de suppression, car je suis responsable et j'appartiens à une famille politique qui lutte pour la réduction des déficits.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Vous aurez bien compris que, pour le groupe socialiste, cet amendement est un amendement de principe,...

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Voilà pourquoi j'ai fait une réponse de principe !

Mme Nicole Bricq. ... qui tend à revenir sur le gel des dotations aux collectivités locales.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a !

Mme Nicole Bricq. J'interviens, car M. le rapporteur général et M. le secrétaire d'État nous ont dit que la réponse qu'ils faisaient à notre amendement vaudrait pour tous les autres.

Si nous ne prenons pas la parole pour explication de vote, nous risquons non pas d'avoir un dialogue de sourds, mais de parler dans le vide, ce qui est tout de même très désagréable quand on défend des amendements de conviction.

Je voudrais reprendre l'argumentation de M. le rapporteur général, qui est finalement identique à celle que le Président de la République a développée hier devant le Congrès des maires,...

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C'est normal, je suis dans la droite ligne de l'UMP !

Mme Nicole Bricq. ... à savoir que l'effort doit être partagé par tout le monde.

Nous avons constaté, tout au long de l'examen de la première partie de ce budget, que les ménages étaient beaucoup plus mis à contribution que les entreprises. Maintenant, vous invoquez l'effort partagé entre l'État et les collectivités locales dans la lutte contre les déficits et la dette. Mais, monsieur le rapporteur général, votre argument n'est pas fondé, dans la mesure où les règles ne sont pas les mêmes !

Je prends pour exemple le fait que la commission des finances a été saisie d'un décret d'avance à hauteur de près de 1 milliard d'euros, ce qui n'est pas rien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Un peu plus !

Mme Nicole Bricq. Même un peu plus, selon M. le président de la commission. Quel est l'objectif de ce décret d'avance ? Il est, ô surprise, pratiquement essentiellement consacré...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aux salaires !

Mme Nicole Bricq. ... aux salaires des fonctionnaires de cinq ministères.

Cela veut dire que le Gouvernement a été imprévisible dans son antienne. Il a dit qu'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne serait pas remplacé ; or ceux-ci ont compris que ce n'était pas le moment de quitter leur emploi.

Ce mot d'ordre repris par le Gouvernement coûte très cher, et - c'est là où je veux en venir - nous le payons bien sûr par le déficit ! Connaissez-vous une collectivité locale qui peut dire qu'elle paie ses fonctionnaires avec le déficit ? Non, ce n'est pas possible ! Par conséquent, n'invoquez pas l'effort partagé, à partir du moment où les choses ne sont pas égales par ailleurs.

Mes collègues ont démontré avec brio le sort assez pitoyable qui est réservé aux départements. M. Navarro exposera ensuite la situation tragique des régions après la réforme de la fiscalité locale. Moi, je citerai des exemples de communes.

J'ai examiné comment le gel des dotations pendant trois ans serait assumé par les collectivités locales. À Trilport, dans mon département, il faudrait augmenter l'impôt des ménages, qui a pourtant connu une hausse depuis plusieurs années, de 17 points. Croyez-vous qu'une collectivité prendra cette responsabilité ? Que fera-t-elle ? Elle réduira ses investissements, et limitera encore plus ses dépenses de fonctionnement, ce qui aura des conséquences négatives pour le service public local et l'économie nationale.

Permettez que nous n'acceptions pas, les uns et les autres, d'être traités comme le fait l'État : il nous raconte qu'il va procéder à une baisse historique du déficit. Mais on l'a dit et redit, la baisse des déficits telle qu'elle est prévue dans le projet de budget pour 2011 est artificielle, puisque cela correspond en fait à un arrêt de mesures provisoires qui ne pèseront donc plus sur le budget.

Par conséquent, cessez de nous demander de faire un effort. Cet argument n'est pas acceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Robert Navarro, pour explication de vote.

M. Robert Navarro. Quel est l'objet de ce projet de loi de finances ? On nous demande à nous, élus locaux, de tenir compte - comme si c'était une découverte ! - de l'endettement de notre pays. Les déséquilibres seraient tels que des mesures drastiques s'imposent. Les collectivités locales devraient donc participer à l'effort national du Gouvernement.

Je dirai tout d'abord que la situation ne date pas d'aujourd'hui. Que je sache, le Gouvernement n'est pas en place depuis six mois ! Cela fait huit ans que vous êtes là, et que vous nous tenez le même discours ! En termes de solidarité, vous aidez toujours les mêmes. Ce n'est pas nous qui avons inventé le bouclier fiscal ! Ce n'est pas nous qui avons créé d'innombrables dépenses dans une multitude de domaines ! Ce n'est pas nous qui, depuis des années, réduisons comme peau de chagrin les recettes des collectivités, notamment des régions ! Ce n'est pas nous qui, au travers de la dernière réforme, comme ultime coup de massue aux régions ou aux départements, avons empêché ces régions, qui ont des besoins énormes - le Gouvernement est complètement absent des grands projets -,de lever l'impôt et de percevoir des recettes !

Vous nous demandez d'être solidaires, et d'aider ce gouvernement qui gère le pays de façon complètement « abracadabrantesque », pour reprendre un terme de Jacques Chirac !

Quand on veut réduire les déficits, on commence par réduire les dépenses de l'État, en essayant de faire rentrer un maximum de recettes. On prend l'argent là où il est, pas là où il n'existe pas !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On ne peut pas tondre un oeuf !

M. Robert Navarro. On essaie d'aider au maximum les entreprises à créer de la richesse en devenir. On épaule les collectivités qui, depuis des années, créent de l'activité, de l'emploi, et réalisent des investissements énormes dans le pays. Si les collectivités locales - agglomérations, départements, régions - n'avaient pas été là, qui les aurait faits ?

Nous voudrions bien être solidaires avec vous si, à un moment donné, votre politique allait dans le sens de l'intérêt du territoire et des populations.

Mais vous ne pouvez pas nous demander d'être solidaires de ce projet de budget alors que vous tapez en permanence sur les collectivités que nous représentons !

Je serai donc fier, avec le groupe socialiste, de voter cet amendement, et je vous appelle à faire de même, mes chers collègues. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Je m'associe bien entendu aux propos de mes collègues, mais je voudrais, pour ma part, sur ce sujet extrêmement sensible, reprendre les arguments que j'ai développés dans la discussion générale.

J'avais alors rappelé à quel point le fait que la croissance reste atone dans notre pays suscite des inquiétudes majeures, notamment quant aux conséquences qu'une telle situation pourrait avoir sur l'emploi. Par conséquent, la croissance sera-t-elle suffisante dans les prochains mois pour recréer un peu de dynamique économique ?

À cet égard, nous devons garder à l'esprit que l'investissement local constitue bien souvent le levier qui permet à la croissance de redémarrer. Je vous rappelle, mes chers collègues, que 75 % de l'investissement public repose aujourd'hui sur les collectivités territoriales.

Dans ces conditions, si l'on affaiblit les moyens d'intervention des collectivités, on va restreindre la capacité d'investissement local, et la croissance en pâtira inévitablement.

Cet argument complète ceux qui ont été évoqués à propos du devoir de l'État de compenser les charges résultant des compétences qu'il a transmises aux collectivités. Nous avons évalué ce besoin de compensation, mais nous ne voyons rien venir... Je souhaitais attirer votre attention sur cette réalité, monsieur le secrétaire d'État.

L'un de nos collègues a dit que son département présentait une ardoise de 400 millions d'euros. Le retard pris est donc aujourd'hui considérable.

De surcroît, l'affaiblissement des moyens d'action et des capacités d'investissement est préjudiciable pour l'avenir. J'insiste sur le fait que les attentes sont fortes, non seulement en matière d'investissements de proximité et de services publics, mais aussi dans le domaine des investissements d'avenir, notamment quant au déploiement sur nos territoires des réseaux numériques à haut et très haut débit. Aujourd'hui, parce que l'État n'a pas trouvé les moyens nécessaires pour faire face à ces besoins, il demande aux collectivités de prendre le relais et d'assurer le financement de cet investissement considérable, qui s'élève à plusieurs milliards d'euros dans chaque département. Si les collectivités ne peuvent pas suivre, le retard pris par la France en la matière risque de s'accentuer. On pourrait ainsi multiplier les exemples.

Mon collègue Gérard Miquel a parlé des lignes à grande vitesse. Là encore, la collectivité départementale au sein de laquelle je siège doit débourser 104 millions d'euros pour que l'équipement prévu soit réalisé dans les meilleures conditions et les plus brefs délais. Si l'on ne peut pas respecter l'échéancier de paiement, la réalisation de l'investissement sera retardée.

Au-delà de ces quelques exemples, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les conséquences du gel des dotations. Depuis plusieurs années déjà, l'effort financier en direction des collectivités décroît, avec, d'abord, la suppression du contrat de croissance et de solidarité, ensuite, la fin de l'indexation et, enfin, l'évolution vers les normes zéro volume et, désormais, zéro valeur.

Ce ralentissement accéléré de l'effort financier de l'État envers les collectivités nous inquiète profondément. Nous redoutons que ces dernières ne soient plus en mesure de répondre à temps aux enjeux d'avenir, alors même que, avec la crise économique, les besoins sociaux s'accroissent et la nécessité d'investissement est ressentie avec d'autant plus d'acuité.

Dans ces conditions, il me semble que cet amendement se justifie pleinement dans son principe, en ce qu'il nous permet de revendiquer une capacité d'action améliorée pour les collectivités et de répondre à une exigence : il faut certes rééquilibrer les finances publiques, mais il convient surtout de préparer l'avenir de nos enfants, en construisant des équipements adaptés à leurs besoins. Si les collectivités locales ne peuvent pas le faire, la France prendra du retard. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Comme beaucoup d'entre vous, mes chers collègues, je suis élu local, à la tête d'une collectivité située au beau milieu de la Seine-Saint-Denis, dont le potentiel financier est inférieur de 23 % à la moyenne de la région en Île-de-France.

Je pourrais donc, comme certains parmi vous, me plaindre du gel des dotations. Sauf que nous ne vivons pas dans la quatrième dimension, et que les collectivités locales ne peuvent pas demander toujours plus de crédits, au nom d'une dépense publique qui serait par nature vertueuse (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, marquent également leur approbation. - Mme Nicole Bricq s'exclame.)

Laissez-moi terminer mon intervention, madame Bricq ! Vous jugerez de mon propos à son terme.

Nous ne pouvons pas, ici, au Sénat, en tant que représentants de ces élus locaux, nous comporter comme si la dette publique n'existait pas et comme si le Gouvernement n'avait pas l'impérieux devoir de nous conduire à l'équilibre budgétaire.

M. Jean-Marc Todeschini. Qui est à l'origine de la dette ?

M. Philippe Dallier. Je ne peux pas vous suivre sur le terrain du « toujours plus » !

Mes chers collègues, ayons le courage de reconnaître que, dans le passé, nous avons parfois pris des décisions qui ont très fortement concouru à l'augmentation de la dépense des collectivités locales.

Lors de la réalisation de l'intercommunalité, qu'a fait le gouvernement socialiste ? Qu'a proposé Jean-Pierre Chevènement ? De distribuer de l'argent ! Ayons le courage de le dire !

On a attribué aux intercommunalités une dotation globale de fonctionnement, ou DGF, sans rien retirer aux communes, alors même que les secondes étaient censées transférer des compétences aux premières... La machine infernale était enclenchée ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Marc Todeschini. N'importe quoi !

M. Philippe Dallier. Bien entendu, tout le monde reconnaît sur ces travées qu'un vrai problème se pose au niveau des départements, et qu'il va falloir, notamment à travers la réforme de la dépendance, leur permettre de faire face à leurs charges. Tout le monde s'accorde sur un point : il va falloir trouver des solutions !

M. Jean-Louis Carrère. On va leur transférer le produit de l'ISF ! (Sourires.)

M. Philippe Dallier. Ensuite, il va falloir s'occuper sérieusement de la péréquation financière. En effet, en dépit du gel de l'enveloppe globale, nous savons fort bien que certaines collectivités ont besoin de moyens supplémentaires, alors que d'autres ont largement les moyens. Là encore, il faut avoir le courage de le dire !

C'est seulement à l'aide d'une péréquation financière digne de ce nom que nous pourrons permettre aux collectivités en difficulté de s'en sortir.

Mme Nicole Bricq. Il n'y a plus de péréquation !

M. Philippe Dallier. Il va falloir demander un effort aux collectivités les plus riches, celles dont le potentiel fiscal ou économique est le plus important, qu'elles soient dirigées par des majorités de droite ou de gauche. Les exemples sont nombreux en Île-de-France.

Je regrette simplement que ceux qui ont la chance d'être à la tête de ces collectivités fassent en sorte que le sujet de la péréquation n'avance pas aussi vite qu'il le devrait. (MM. Adrien Gouteyron et Roland du Luart marquent leur approbation.)

Ayons le courage, les uns et les autres, à droite comme à gauche, de poser les vrais problèmes, de dire que là où des économies peuvent être réalisées, il faut les faire, mais aussi d'avancer sur la péréquation.

Oui, l'État doit faire des économies, mais les collectivités locales peuvent aussi contribuer à cet effort en s'entraidant mutuellement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.

M. Edmond Hervé. Je voudrais réagir très brièvement à l'intervention de Philippe Dallier.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez relancé la machine infernale, monsieur Dallier !

M. Edmond Hervé. Je ne peux pas accepter que l'on mette systématiquement en cause le courage et la responsabilité des exécutifs territoriaux. (Mme Nicole Bricq applaudit. )

Sans verser dans une déclaration de principe, je prendrai un exemple que je connais bien, celui de la communauté d'agglomération de Rennes, dont j'ai assumé la présidence pendant de longues années.

En 1993, nous avons été l'un des tout premiers établissements publics de coopération intercommunale à mettre en place la taxe professionnelle à taux unique.

À l'époque, la taxe professionnelle par habitant entre les différentes communes variait de un à soixante. Cette concurrence, fort coûteuse, empêchait toute solidarité et freinait l'aménagement du territoire. En l'espace de cinq ans, nous avons réduit cet écart, pour le ramener de un à quatre.

Je ne peux donc pas, monsieur Dallier, vous laisser proférer de telles contre-vérités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialist, du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À ce stade de nos travaux, je voudrais remercier ceux qui viennent de s'exprimer - leurs interventions étaient très intéressantes -, mais aussi ceux qui auraient pu s'exprimer, et qui ont renoncé à le faire... (Sourires.)

En effet, étant donné que nous avançons au rythme effréné de un amendement à l'heure,...

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. ... et encore !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...et qu'il nous reste quatre-vingt-quinze amendements à examiner d'ici à ce soir, je crains que nous ne votions l'article d'équilibre que tard dans la nuit.

Je vous demande de penser à ceux de nos collègues qui sont rapporteurs spéciaux ou rapporteurs pour avis des crédits des missions, et qui devront peut-être intervenir samedi ou dimanche, compte tenu du décalage qui est en train de se profiler.

Pour le reste, je n'ajouterai rien au débat sinon pour constater que, finalement, qu'il s'agisse de retraites ou de dotations aux collectivités territoriales, notre République s'endette pour perpétuer les inégalités... (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je renonce à prendre la parole ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-170.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable de même celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 107 :

Nombre de votants

337

Nombre de suffrages exprimés

328

Majorité absolue des suffrages exprimés

165

Pour l'adoption

151

Contre

178

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° I-340, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - L'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 1613-1 . - À compter de 2011, la dotation globale de fonctionnement est calculée par application à la dotation globale de fonctionnement inscrite dans la loi de finances pour l'année précédente d'un indice faisant la somme de taux prévisionnel, associé au projet de loi de finances de l'année de versement, d'évolution des prix à la consommation des ménages, hors tabac, pour la même année et de la moitié de la croissance prévue du produit intérieur brut marchand. »

II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. En 2009, la DGF, tout comme l'ensemble des dotations de l'État aux collectivités territoriales, a progressé selon le taux d'inflation prévisionnel associé au projet de loi de finances, c'est-à-dire de 2 %, soit 801,12 millions d'euros.

En 2010, elle a progressé, à titre dérogatoire, de 0,6 %, ce qui correspond au taux d'indexation global des dotations de l'État hors Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, ou FCTVA. Si l'on ajoute les sommes allouées dans ce cadre, on aboutit à un taux de 1,2 %, soit l'équivalent de l'inflation prévisionnelle en loi de finances. Voilà comment nous est expliqué le fait d'être au même niveau que les années précédentes.

Et, en 2011, la progression sera nulle !

Vous nous avez présenté la sortie du FCTVA de l'enveloppe normée comme une avancée. Cela signifie-t-il que vous avez fini par admettre qu'il s'agit d'un remboursement, et non d'une dotation ? Ou bien est-ce encore une de vos décisions cyclothymiques qui finissent par lasser les élus, car ils n'y comprennent plus rien ? Mais c'est peut-être votre objectif...

En tout cas, nous constatons une différence d'environ 220 millions d'euros entre le montant de FCTVA prévu en loi de finances rectificative et le montant effectivement alloué en 2010. En d'autres termes, les collectivités territoriales ont dû assumer une baisse de leur dotation de 220 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Je tenais à rappeler cet élément, car c'est peut-être ce qui explique le retrait du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée de l'enveloppe.

Au total, en 2011, les concours de l'État aux collectivités locales s'élèveront à 53,38 milliards d'euros, soit la même somme que l'année dernière. Et, compte tenu de l'inflation, il s'agit d'une baisse relative.

Je repose donc une question à laquelle je n'ai toujours pas obtenu de réponse : combien de communes seront affectées par une telle décision ? Comment peut-on admettre que vous acceptiez d'emblée une baisse de 5 %, voire plus, de la dotation de certaines d'entre elles ?

Revenir à un mode de calcul tel que celui que nous proposons redonnerait à la DGF toute sa capacité péréquatrice et son efficacité à la dotation globale de fonctionnement. Vous avez fait un choix totalement inverse, et nous ne pouvons que le regretter.

Mais, comme vous le dites si bien, l'objectif est d'associer les collectivités territoriales à ce que vous appelez l'« effort de maîtrise de la dépense publique », qui se traduit en réalité par la disparition des services publics, pourtant si utiles à la population.

Le gel de la DGF est un nouveau coup de poignard contre les collectivités locales, que vous souhaiteriez nous faire gérer selon vos propres conceptions partisanes, des conceptions à nos yeux conservatrices et rétrogrades. Nous pensons avec les élus qu'un autre chemin est possible. (M. Jean-Marc Todeschini applaudit.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à rédiger intégralement l'article 19. À la vérité, son inspiration est très voisine de celle de l'amendement précédent.

Le texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, que notre commission approuve, prévoit que le montant de la DGF est désormais fixé chaque année en loi de finances.

Pour 2011, le montant de la DGF est fixé à 41,3 milliards d'euros, incluant une majoration de 86 millions d'euros, ce qui correspond à périmètre constant à une progression de 0,2 % par rapport à 2010, le bloc communal, les départements et les régions obtenant respectivement 23,6 milliards d'euros, 12,25 milliards d'euros et 5,45 milliards d'euros. Cela nous semble satisfaisant.

C'est la raison pour laquelle la commission appelle au rejet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l'avis de la commission et émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Cet amendement, tout comme le précédent, pose un véritable problème.

Nous pourrions à la limite accepter que les collectivités territoriales soient associées à l'effort d'économie à l'échelon national si on ne leur avait pas par ailleurs fait un mauvais coup en supprimant la taxe professionnelle !

Les communes sont encerclées financièrement, cernées de tous côtés. Et on leur demande sans arrêt de prendre en charge des dépenses supplémentaires, qu'il s'agisse, entre autres, de l'obligation d'accueil des écoliers en cas de grève des enseignants ou de l'accessibilité des bâtiments publics. Certes, il s'agit de mesures positives. Mais on ne peut pas, dans le même temps, charger la barque et étrangler financièrement les collectivités territoriales!

Comme je l'ai déjà indiqué hier, je ne comprends pas très bien la cohérence de l'action du Gouvernement et sa stratégie me laisse pour le moins perplexe.

Pour ma part, je n'ai toujours pas digéré la suppression de la taxe professionnelle. On a déjà fait payer les communes ; on ne va pas les faire payer une nouvelle fois en gelant la DGF !

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. J'ai bien entendu les explications de M. le rapporteur général de la commission des finances sur la majoration de 86 millions d'euros de la DGF par rapport à l'an dernier.

Mais, et il a oublié de le préciser, c'est juste une mesure de périmètre liée à l'augmentation de la population, phénomène dont nous sommes bien obligés de tenir compte. En clair, il ne s'agit nullement d'une augmentation de l'enveloppe globale destinée aux collectivités territoriales.

Soyons sérieux : il y a bien une réduction des capacités d'intervention des collectivités locales !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-340.

(L'amendement est adopté.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Comment est-ce possible ?

M. le président. En conséquence, l'article 19 est ainsi rédigé.