VIII. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE DU MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2011

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement n° 298.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le présent amendement, présenté par le Gouvernement au Sénat, où il a été rejeté, a pour objet d'adapter l'assiette de la taxe due par les distributeurs de services de télévision et affectée au Centre national du cinéma et de l'image animée, et de faire échec à divers mécanismes d'optimisation qui menacent son produit.

Le texte proposé clarifie le champ de l'assiette de la taxe, qui comprend toute offre permettant d'accéder à des services de télévision. Il prévoit que la taxe est assise tant sur les abonnements aux services de télévision distribués séparément que sur les abonnements à des services de communication électronique fixe et mobile à haut et très haut débit - comprenez internet - proposés au grand public, dès lors que leur souscription permet de recevoir des services de télévision.

Afin d'adapter le texte législatif aux contraintes de gestion des opérateurs, l'exclusion relative aux abonnements proposés à des professionnels passibles de l'impôt sur les sociétés prévue initialement est remplacée par une limitation de l'assiette de la taxe aux abonnements souscrits dans le cadre d'une offre destinée aux particuliers.

Pour tenir compte de la modification de l'assiette de la taxe, son barème est adapté ainsi que l'abattement applicable aux abonnements. Le nombre de tranches a été réduit à quatre contre neuf précédemment, et les taux de chacune d'elles ont été modifiés.

Toutefois, par rapport à l'amendement adopté à l'Assemblée nationale le 20 octobre dernier, l'abattement est porté de 55 % à 66 %, au vu des données les plus récentes transmises par les opérateurs de communications électroniques fournisseurs d'accès à internet. Il permettra ainsi de garantir une charge fiscale pour le secteur équivalente à celle supportée en 2010.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 336 présenté par M. Carrez et M. Giscard d'Estaing, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 6, insérer l'alinéa suivant :

« aa) Le premier alinéa du 1° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce seuil est fixé à 16 000 000 € pour les éditeurs de services de télévision qui ne bénéficient pas de ressources procurées par la diffusion de messages publicitaires. »

II. - En conséquence, compléter l'alinéa 13 par les mots :

« , à l'exception du aa) du 3° qui entre en vigueur à la date de promulgation de la présente loi ».

III. - Compléter cet amendement par l'alinéa suivant :

« III. - La perte de recettes résultant pour le Centre national du cinéma et de l'image animée du aa) du 3° du I est compensée à due concurrence par la création et l'affectation d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour soutenir le sous-amendement n° 336.

M. Louis Giscard d'Estaing. Ce sous-amendement reprend certains éléments de l'amendement n° 136, qui vient après, que nous avions défendu et fait adopter en commission, monsieur le rapporteur général.

Le dispositif qui nous est proposé soulève la question de la compensation prévue au profit du CNC en ce qui concerne les chaînes qui perçoivent des recettes non publicitaires, dont certaine nous intéresse ici directement.

L'objet du sous-amendement est de remonter le seuil proposé par le Gouvernement pour faire en sorte que ces chaînes soient assujetties à cette taxe sur un montant excédant 16 millions d'euros de recettes, notamment de dotations.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement du Gouvernement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement n'est pas favorable à une exonération des éditeurs ne bénéficiant pas de ressources publicitaires, c'est-à-dire, en réalité, des chaînes parlementaires. En revanche, il est favorable à la modification du barème que vous proposez.

Le Gouvernement vous invite à retirer votre sous-amendement et à vous rallier à son amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. L'amendement et le sous-amendement suscitent deux débats différents.

S'agissant du sous-amendement, je trouve l'initiative excellente. Il y a une certaine logique à vouloir faire échapper les éditeurs de télévision qui ne bénéficient pas de recettes publicitaires ou ne profitent pas des émissions de télé-achat, ce qui est le cas des deux chaînes parlementaires, LCP et Public Sénat. Il n'y a même pas d'émission de télé-achat sur LCP pour le Kiosque de l'Assemblée nationale, c'est dire ! (Sourires.)

En passant de 11 millions à 16 millions, elles n'échapperont pas totalement à la TST éditeurs, mais, incontestablement, l'impact sera réduit.

Le gros morceau, c'est l'amendement du Gouvernement qui revient sur un sujet qui nous a occupés en première lecture : le plafonnement des ressources du CNC à 700 millions d'euros et le reversement du surplus produit par la taxe sur les services de télévision, revue tant en ce qui concerne son barème que son assiette, dans le budget de l'État.

J'essaie de bien comprendre votre amendement, madame la ministre. Je me demande si, en portant l'abattement de 55 % à 66 % et en réduisant du coup la TST éditeurs à 190 millions, vous n'allez pas tomber miraculeusement à 700 millions d'euros de ressources pour le CNC, évitant ainsi qu'un surplus, que nous avions évalué en première lecture à 70 millions d'euros, ne retombe dans le budget de l'État, ce qui risquerait de provoquer les foudres de Bruxelles, puisque nous vivons sur un système dérogatoire qui ne peut avoir qu'un objectif culturel. Ai-je été assez clair ?

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Une courte réponse, madame la ministre, concernant le sous-amendement de M. Giscard d'Estaing : il ne s'agit pas d'une exonération, mais de la modification du barème, qui, au lieu de jouer à partir de 11 millions d'euros, jouera à partir de 16 millions d'euros.

Ce n'est donc pas exonération.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Puis, pour répondre à M. Bloche, le Centre national du cinéma bénéficie de ressources tellement dynamiques que son budget est passé de 400 millions d'euros en 2004 à 700 millions d'euros aujourd'hui. Nous nous en réjouissons tous.

Mais vous savez également que l'écart entre les recettes et les dépenses dans le budget de l'État est très préoccupant. Or la recette affectée il y a quelques années au Centre national du cinéma, la taxe sur les services de télévision, surtout dans sa partie fournisseurs d'accès à Internet, jouit d'un dynamisme extraordinaire. Il est donc tout à fait légitime qu'une partie de cette dynamique soit affectée au budget de l'État.

C'est ce qui a été fait. Pour ma part, je trouve cela extrêmement sain.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour répondre à la question qui m'a été posée par M. Bloche, en réalité, et comme vous le savez, on ne parle ici que d'une des recettes qui abondent le CNC. Nous avions surcalibré en première lecture la taxe prévue sur les fournisseurs d'accès. Cela se traduisait par une augmentation totalement disproportionnée avec les évaluations que nous avions faites sur le rendement de cette taxe.

En fait, nous souhaitons avoir une taxe sur les fournisseurs d'accès à Internet dont le rendement soit exactement celui de 2010 puisqu'en 2011, ce rendement avait baissé, les fournisseurs d'accès ayant développé une stratégie d'évitement qui consistait à ne pas faire du triple play mais du double play afin d'échapper à la taxe. Nous nous sommes donc calés sur le rendement de la taxe en 2010 et avons recherché le mécanisme - un peu technique, je le reconnais - qui nous permettrait d'obtenir le même rendement pour le CNC en 2012 qu'en 2010. Cette taxe continuera ensuite à vivre sa vie, à prospérer et, nous l'imaginons tous ici, à embellir puisqu'elle touche les fournisseurs d'accès à Internet.

Quant à Gilles Carrez qui me susurrait quelques mots à l'oreille, effectivement, comme il le remarquait à juste raison, cinq sixièmes d'exonération de l'assiette ne constitue pas une suppression de la taxe pour les chaînes parlementaires, mais simplement une exonération sur les cinq sixièmes de l'assiette.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, je trouve que vous faites là une mauvaise manière au Parlement.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il ne faut pas exagérer, ni au CNC ni au Parlement.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez entendu notre collègue Giscard d'Estaing qui a très bien expliqué son propos, repris et soutenu par M. le rapporteur général. Nous sommes tous d'accord, et voilà que nous tombons dans l'épicerie ! Pourquoi cinq sixièmes ? Pourquoi dix millions d'euros au lieu de seize ? Pourquoi ?

Madame la ministre, vous vous rappelez sans doute le débat que nous avons eu la semaine dernière...

Mme Valérie Pécresse, ministre. Lequel ?

M. Jean-Pierre Brard. Celui sur le logement d'urgence et les gilets pare-balles.

Eh bien, là encore, je ne sais qui a pu vous suggérer une telle proposition, car il n'est pas possible qu'elle vienne de vous. Qui a bien pu vous suggérer une sottise pareille ? Cela n'est pas bien, c'est une mauvaise manière à l'égard de l'Assemblée nationale. Je pense que nous n'en sommes à gratter trois francs six sous sur le dos de l'expression des parlementaires !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je remercie M. Brard de me donner l'occasion de revenir sur cet événement majeur de la vie parlementaire française qu'a été cet amendement sur les gilets pare-balles et l'équipement des polices municipales, qui avait été demandé par les élus de France au ministre de l'intérieur.

Nous proposions de récupérer de la trésorerie non utilisée de crédits qui allaient être supprimés. Nous les avions pris sur quelque chose qui, symboliquement, vous a beaucoup fait rire...

M. Jean-Pierre Brard. Non, justement, cela ne m'a pas fait rire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. ...et vous a permis d'avoir une petite notoriété médiatique cette semaine. Je m'en félicite pour vous, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Cette notoriété était surtout la vôtre !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il n'empêche que certaines dépenses sont parfois bien utiles et l'argent qui dort n'est pas utile.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Madame la ministre, reprenons bien la séquence des événements : à l'origine, cette taxe a été instituée en compensation de recettes publicitaires, puisqu'à l'initiative du Gouvernement, il a été décidé que les recettes publicitaires des chaînes publiques n'avaient plus lieu d'être. Mais nous nous trouvons dans la situation de chaînes parlementaires qui n'ont jamais eu de recettes publicitaires ; donc, mettre en place un dispositif dans lequel des recettes non publicitaires entrent dans le champ d'une mesure destinée à compenser la disparition de recettes publicitaires, avouez que cela pose un problème de cohérence du dispositif.

Nous avons trouvé une solution qui nous paraît parfaitement défendable, consistant à dire que nous acceptons le principe qu'il n'y ait pas une dérogation absolue sur ce dispositif touchant les chaînes qui n'ont aucune recette publicitaire par leur définition même, puisqu'il avait été décidé que ces chaînes parlementaires ne donneraient pas lieu à la possibilité de régie publicitaire. Dès lors, nous vous présentons avec M. le rapporteur général une proposition, qui a été débattue en commission des finances et qui est parfaitement équilibrée puisqu'elle tient compte de ce que vous avez souhaité pour compenser ce qui correspondait à des absences de recettes publicitaires dans l'ancien dispositif, tout en l'appliquant à des chaînes qui n'ont pas de recettes publicitaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié . Ce débat me fait penser à ce qu'il s'est passé il y a quelques années quand a été instaurée la TNT. Alors qu'elles étaient auparavant exonérées, on a oublié d'inscrire les chaînes parlementaires, aussi bien Public Sénat que LCP, dans l'exonération de la TNT. La présidente de séance, Mme Catherine Vautrin, le sait très bien pour l'avoir vécu elle aussi : d'année en année, la taxe à payer augmentait parce que les chaînes qui étaient dans le même bouquet, peu à peu, en partaient. En conséquence, nous connaissions d'année en année une augmentation phénoménale, madame la ministre, de la redevance que devait la chaîne parlementaire pour la TNT.

Ne commettons, s'il vous plaît, mes chers collègues, la même erreur.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je ne reviens pas sur le sous-amendement et les chaînes parlementaires qui ont été parfaitement défendues dans cet hémicycle. Je reviens à l'amendement lui-même, c'est-à-dire au plafonnement des ressources du CNC - si tant est qu'il existe encore un plafonnement !

J'ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur général du budget. Nous avions déjà eu ce débat en première lecture et, effectivement, le rendement de la TST, dès lors qu'elle a été étendue aux fournisseurs d'accès Internet, a amené le budget du CNC à progresser très fortement ces dernières années.

Cela dit, le ministère de la culture en a profité pour « déléguer », si j'ose dire, au CNC le financement de la Cinémathèque, de la Femis, l'école nationale du cinéma, ainsi que 50 millions d'actions culturelles. On lui a également demandé de numériser les salles ainsi que les oeuvres, au titre de sa mission patrimoniale. Bref, on en a profité pour « charger la barque » !

Mais, monsieur le rapporteur général, je ne voudrais pas que vous soyez trop déçu de ne pas obtenir le rendement que vous espériez, ce surplus à partir du plafonnement des ressources du CNC qui aurait pu être reversé au budget de l'État, car, comme le laisse entendre la réponse de Mme la ministre, si l'abattement passe de 55 % à 66 %, sachant que le fonds de soutien du CNC est également financé par deux autres taxes, la nouvelle TST a été calculée pour atteindre tout juste le niveau de 2010, soit 700 millions d'euros, et vous risquez fort de ne pas avoir de surplus, monsieur le rapporteur général !

Nous y gagnerons, car ce qui était critiquable n'était pas tant de plafonner à hauteur de 700 millions d'euros, mais de reverser l'éventuel surplus au budget de l'État. Cela nous faisait courir un risque à l'égard de la Commission européenne, car, je le rappelle, le financement du cinéma et de la production audiovisuelle est un système dérogatoire qui n'est autorisé par Bruxelles que parce qu'il poursuit un objectif culturel.

(Le sous-amendement n° 336 est adopté à l'unanimité.)

(L'amendement n° 298, sous-amendé, est adopté.)

(L'article 5 bis, amendé, est adopté.)