ARTICLE 5 DECIES A (NOUVEAU) : NON DÉDUCTIBILITÉ DE LA TAXE DE RISQUE SYSTÉMIQUE SUR LES BANQUES
I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU LUNDI 21 NOVEMBRE 2011)
Article additionnel après l'article 5 nonies
M. le président. L'amendement n° I-98, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 5 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le IV de l'article 235 ter ZE du code général des impôts, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :
« IV bis . - Cette taxe n'est pas déductible pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je voudrais développer une argumentation de droit à l'appui de l'avis favorable de la commission à la non-déductibilité de la taxe de risque systémique.
En droit fiscal, les entreprises peuvent déduire les « dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu », comme le précise l'article 13 du code général des impôts. Mais la taxe de risque systémique n'entre pas dans cette catégorie, car elle existe à des fins de stabilisation de la sphère financière, en venant inciter les établissements à limiter leur prise de risque.
Cette taxe est donc assise non sur la production, mais sur les risques. Ne serait-ce qu'à ce titre, il convient de la rendre non déductible, sinon son effet incitatif serait nul, puisqu'elle serait neutralisée. Or il faut, précisément, maximaliser cet effet incitatif.
J'ajoute que, d'après le fascicule Évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2012, cette charge s'élève à 126 millions d'euros.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État Sur ce point, l'analyse juridique du Gouvernement est exactement contraire à celle de Mme le rapporteur général. Étant moi-même juriste, je m'inquiète, madame le rapporteur général, de n'avoir pas très bien compris la logique de votre raisonnement...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C'est une taxe sur les risques, pas sur la production !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Permettez-moi de vous rappeler ceci, madame Bricq. Par principe, en France, le bénéfice imposable de toutes les entreprises - y compris les établissements de crédit - est minoré de l'ensemble des charges engagées dans l'intérêt de l'entreprise, ce qui englobe les impôts et taxes dont elles sont redevables.
Tel est le principe : on peut déduire l'ensemble des charges liées à l'intérêt de l'entreprise, y compris les impôts. Des exceptions à ce principe sont parfois prévues dans le code général des impôts, mais elles visent avant tout des dépenses qui, bien qu'engagées dans l'intérêt de l'entreprise, présentent un caractère de sanction ou de pénalité : on ne peut pas déduire les sanctions ni les pénalités.
Or tel n'est pas le cas de la taxe de risque systémique sur les banques. Elle constitue, certes, une nouvelle imposition pour les inciter à ajuster leurs activités, mais elle n'a pas le caractère d'une sanction. De ce point de vue, elle ne saurait constituer une exception à la règle de base de notre législation fiscale. Au terme de ce raisonnement juridique, je ne pense pas que l'amendement n °I-98 soit recevable.
Enfin, je l'ai déjà dit, le Gouvernement préfère agir résolument pour l'introduction, dès 2012, d'une taxe sur les transactions financières qui visera le même objectif.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les argumentaires juridiques sont, en effet, très intéressants et devront être relus de façon détaillée, à loisir, pour bien comprendre la logique qui inspire chaque partie afin de séparer clairement les charges déductibles de celles qui ne le sont pas, question tout à fait centrale en droit fiscal.
Sur le plan économique, mes chers collègues, croyez-vous vraiment bien opportun de créer cette charge supplémentaire à un moment où le problème qui se pose est celui des fonds propres des banques et, donc, de leur capacité à allouer du crédit, à un moment où se profile la menace d'une diminution de la quantité globale de crédit distribuée dans l'économie ? Personnellement, je ne le crois pas !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je tiens à procéder à un petit rappel historique : quand le Gouvernement a introduit cette taxe, il n'avait pas prévu qu'elle soit déductible. Ce sont les députés qui, à l'Assemblée nationale, ont ajouté cette précision. Le Gouvernement ne tenait donc pas le même discours que ce soir.
J'ajoute que certaines taxes ne sont pas déductibles : la taxe sur les véhicules de société, dont le rendement est très important, n'est pas déductible de l'impôt sur les sociétés, par exemple.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. C'est une exception !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Une exception de taille, monsieur le secrétaire d'État !
Quant à l'argument selon lequel, à trop charger les banques, car elles risqueraient se retirer du marché et de cesser de financer l'économie réelle, permettez-moi d'observer qu'elles n'ont pas attendu la non-déductibilité pour le faire !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elles le feront encore davantage ! Le risque est devant nous ! Il n'est pas derrière nous !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les banques n'ont pas attendu pour se retirer du marché des collectivités locales ! C'est réglé, elles ne prêtent plus à aucune collectivité locale ! Ainsi, le président de la région Île-de-France, qui renégocie un emprunt, a eu beaucoup de mal à trouver le financement, alors que la région francilienne est cotée AAA+ !
En ce qui concerne les entreprises, nous avons longuement débattu de ce sujet, et à plusieurs reprises, au cours de l'examen de cette loi de finances : nous ne pouvons que constater les difficultés rencontrées, particulièrement par les PME, pour trouver des financements du côté des banques.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Inutile d'en rajouter !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mes chers collègues, les banques n'ont pas attendu la mesure proposée par l'amendement du groupe CRC pour se retirer du financement de l'économie. Je vous invite donc à l'adopter !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-98.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5 nonies .