Mardi 14 mai 2024

- Présidence de Mme Amel Gacquerre, présidente -

La réunion est ouverte à 15 heures.

Audition de Mme Eva Simon, chargée de programme au plan Urbanisme construction architecture (Puca), M. Laurent Peinaud, président de l'Agence Qualité Construction (AQC), Mme Valérie Flicoteaux, vice-présidente du Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA), M. Alexandre Vitry, président de la Compagnie des architectes de copropriété (CAC) et Mme Laure-Anne Geoffroy-Duprez, présidente de l'Union des syndicats français des architectes (UNSFA)

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Je suis très heureuse d'accueillir Mme Eva Simon, chargée de programme au sein du plan Urbanisme construction architecture (Puca) du ministère de la transition écologique, M. Laurent Peinaud, président de l'Agence Qualité Construction, Mme Valérie Flicoteaux, vice-présidente du Conseil national de l'ordre des architectes, M. Alexandre Vitry, président de la Compagnie des architectes de copropriété et enfin Mme Laure-Anne Geoffroy-Duprez, présidente de l'Union des syndicats français des architectes.

Votre profession intervient sur un très large spectre d'opérations relatives à la vie des copropriétés, que celles-ci soient en difficulté ou non. Il nous semblait donc primordial de consacrer un temps de nos travaux aux problématiques architecturales et techniques qui sont les conséquences de la paupérisation des copropriétés et qui jouent un rôle central dans leur redressement.

Plusieurs personnes auditionnées avant vous ont souligné que le phénomène de paupérisation et de dégradation résultait, pour une large part, d'un double mouvement de vieillissement du bâti collectif d'après-guerre et de ses habitants, puis d'un cercle vicieux où la fragilisation du bâti et des copropriétaires ou des locataires se renforcent mutuellement. Que pensez-vous de cette analyse d'un bâti d'après-guerre arrivé en fin de vie, ou du moins à un stade où des travaux très lourds sont nécessaires ?

On cite notamment les maladies ou cancers du béton - corrosion des aciers, carbonatation - qui, lorsqu'elles se déclarent, sont difficiles et coûteuses à traiter. On serait donc confronté à un phénomène générationnel qui pourrait s'amplifier avec le vieillissement des constructions des années 1980 ou 1990 produites grâce aux avantages fiscaux pour l'investissement locatif et qui se dégraderaient plus rapidement compte tenu de leur faible qualité et d'un entretien insuffisant.

Les grands ensembles sont souvent cités en exemple. Certains ont déjà fait l'objet de réhabilitations, mais est-ce possible pour toutes ces copropriétés ou devons-nous nous préparer à des opérations de recyclage de grande ampleur ?

Notre commission d'enquête s'attache à ne pas laisser dans l'ombre les petites copropriétés. Identifiez-vous des problématiques ou des difficultés particulières pour intervenir sur ces immeubles ? Comme pour le syndic, le coût du recours à un architecte est-il une difficulté ? Y a-t-il des problèmes spécifiques de structure dans ces immeubles ?

Plusieurs se sont effondrés ces dernières années dans des centres-villes anciens qui parfois ne sont pas identifiés comme des zones d'habitat dégradé. Pour tenter d'éviter cela, la récente loi du 9 avril a rendu obligatoire, dans certaines conditions, un diagnostic structurel. Il pourra être réalisé d'office à la demande du maire.

On peut également penser à la colline de Saint-Cloud, sur laquelle une fissure a récemment conduit à la fermeture de l'A13, et qui compte sur son territoire nombre de copropriétés confrontées à la fragilisation de la structure et des fondations des immeubles, ce phénomène étant sans doute amplifié par le changement climatique. Au-delà même de cet exemple, quel est votre regard de professionnel sur cette problématique ?

La rénovation énergétique paraît aujourd'hui être une porte d'entrée vers une réflexion des copropriétaires sur la remise à niveau de leur lieu de vie. Les agences départementales d'information sur le logement (Adil) nous ont indiqué que c'était l'occasion d'un accompagnement approfondi de copropriétés non gérées, non immatriculées et sans syndic. Comment les architectes participent-ils à ce mouvement, qui peut être vertueux, de check-up de l'immeuble puis de travaux en vue d'une « seconde vie », comme l'Union sociale pour l'habitat (USH) a pu le théoriser pour le logement social ?

Avant de laisser la parole à chacun d'entre vous pour répondre à ces premières questions et pour un propos introductif, il me revient de vous indiquer que cette audition est diffusée en direct et en différé sur le site internet du Sénat, et qu'un compte rendu sera publié.

Je dois également vous rappeler qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, qui peuvent aller de trois à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 euros à 100 000 euros d'amende.

Je vous invite donc, madame Simon, monsieur Peinaud, madame Flicoteaux, monsieur Vitry et madame Geoffroy-Duprez, à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Eva Simon, M. Laurent Peinaud, Mme Valérie Flicoteaux, M. Alexandre Vitry et Mme Laure-Anne Geoffroy-Duprez prêtent serment.

Mme Valérie Flicoteaux, vice-présidente du Conseil national de l'ordre des architectes. - Le Conseil national de l'ordre des architectes (Cnao) représente les 30 000 architectes français, dont 10 000 sont établis en Île-de-France. Il tient le tableau des architectes, veille à la bonne exécution de la déontologie et garantit au public qu'une personne qui porte le titre d'architecte est bien titulaire d'une formation initiale, d'une assurance et qu'elle continue de se former tout au long de sa carrière.

Le Conseil national a aussi pour mission de représenter les architectes et la profession auprès des institutions au niveau national. Les 17 conseils régionaux en font autant dans leur région respective.

Instauré par la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture, le Cnao remplit une mission de service public. À la différence d'un syndicat, il a vocation à défendre, non pas les architectes, mais l'intérêt public de l'architecture.

Le maillage de notre profession en fait un bon relais sur l'ensemble du territoire, même si des déserts architecturaux se font jour, comme la Creuse qui ne compte que 13 architectes dont la moitié partiront prochainement à la retraite.

En 2022, le Cnoa a publié un plaidoyer intitulé Habitats, Villes, Territoires, l'architecture comme solution qui reprend les thèmes que nous voulons porter. Ces trois dernières années, l'accent mis sur la rénovation, sur la résorption du nombre de logements vacants ou insalubres, et partant, sur les copropriétés dégradées a constitué l'un des axes de notre action. Le réinvestissement des zones de recyclage urbain et des friches est également primordial à nos yeux.

Selon Archigraphie, qui est notre observatoire de la profession, 87 % des architectes ont déclaré faire de la rénovation en 2023, ce qui montre que la profession s'est emparée de ce sujet, même si nous peinons encore à voir les effets de ces évolutions. Les architectes sont désormais bien conscients qu'il faut composer avec l'existant et réparer la ville.

Les dispositifs proposés par l'État afin d'encourager la rénovation énergétique ont sans doute permis de mettre au jour certains dysfonctionnements. Nous avons beaucoup travaillé avec l'Agence nationale de l'habitat (Anah) sur ces sujets.

J'émettrai deux points d'alerte.

Le premier concerne la réglementation, qui est aussi performante pour ce qui est de la construction neuve - il s'agit de la RE 2020 - qu'elle est obsolète pour la rénovation. La RE 2015 n'aborde en effet ni la décarbonation ni le confort d'été, et ses objectifs thermiques sont assez basiques.

Le second point d'alerte porte sur le ciblage du soutien financier de l'État, qui se concentre aujourd'hui sur les travaux alors qu'il serait judicieux de soutenir également les études, qui sont bien souvent la condition d'une intervention cohérente et stratégique prenant en compte le bâtiment dans sa globalité.

Au-delà des aspects structurels et techniques, l'approche architecturale prend en considération les paramètres urbains, patrimoniaux et d'usage du bâti souvent négligés dans le cadre d'audits saucissonnés qui ne permettent pas d'élaborer une stratégie. Comme le corps humain, un bâtiment doit être envisagé non par morceau, mais dans sa globalité si l'on veut poser un diagnostic et proposer un traitement efficace.

Ce n'est pas tant la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée (MOP), que le code de déontologie des architectes qui garantit l'indépendance de notre profession. Il interdit en particulier à l'architecte d'être juge et partie, et exige que celui-ci se consacre à l'accompagnement de son client. Toute forme d'accointance - avec des entreprises, des solutions techniques ou des solutions industrielles - étant exclue, l'architecte prend en compte l'état du bâtiment et la situation de la copropriété, notamment sociale et financière.

Mme Laure-Anne Geoffroy-Duprez, présidente de l'Union des syndicats français des architectes. - Principale représentation syndicale de la profession, l'Union des syndicats français des architectes (UNSFA) regroupe 44 syndicats répartis dans l'ensemble du territoire. Nous avons de ce fait une bonne vision des spécificités territoriales.

Le sujet qui nous occupe aujourd'hui nous tient à coeur. Nous y travaillons depuis plusieurs années dans le cadre de groupes de travail, notamment sur la massification des rénovations de copropriétés et sur les petites copropriétés. L'association « Les architectes de la rénovation » s'efforce pour sa part d'élaborer des outils permettant d'améliorer l'efficacité des opérations de rénovation des petites copropriétés.

Il n'y a pas de solution unique pour remédier aux difficultés des copropriétés dégradées. Chaque territoire, chaque copropriété, chaque situation sociale sont uniques. Il convient d'adopter le regard le plus large possible - c'est en cela que le rôle des architectes peut être essentiel -, en prenant en compte les aspects technique, énergétique, structurel et social pour présenter une stratégie cohérente dans le temps. Il faut à mon sens absolument éviter les actions de type one shot, car les actions entreprises aujourd'hui le sont aussi pour demain. À défaut d'une telle vision globale, une intervention peut avoir pour effet de bloquer des possibilités qui pourront être utiles à l'avenir.

Les diagnostics et les études sont à ce titre essentiels. J'estime donc moi aussi que les aides financières doivent également soutenir les études.

Si la rénovation thermique est effectivement une porte d'entrée vers d'autres améliorations, il ne faut pas la considérer isolément. Il convient au contraire d'anticiper les évolutions du bâtiment, sans se cantonner à l'aspect technique.

Les aides sont conditionnées à un certain pourcentage d'amélioration de la performance technique des bâtiments. Cela peut conduire à faire des choix fondés uniquement sur l'atteinte de ce seuil. Il est par exemple absurde d'isoler deux façades d'un bâtiment, mais cela peut permettre de passer un seuil. Le travail de l'architecte consiste à imaginer des opérations éligibles aux aides, mais cohérentes.

J'en viens aux constructions neuves et aux moyens d'éviter une évolution défavorable des copropriétés. Une solution pourrait consister à établir un plan de travaux à long terme dès l'achat. Cela permettrait à l'acquéreur d'avoir de la visibilité sur les charges pour plusieurs décennies et pousserait le promoteur à concevoir un bâti de meilleure qualité.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Pourriez-vous nous en dire davantage sur les architectes de la rénovation ?

Mme Laure-Anne Geoffroy-Duprez. - Cette association issue de l'UNSFA regroupe des architectes spécialisés dans la rénovation de logements individuels, de petits bâtiments tertiaires et de petites copropriétés, c'est-à-dire de copropriétés de moins de 10 logements. Ils travaillent notamment à l'élaboration de contrats incluant la conception et les travaux de manière à rassurer les commanditaires, qui n'auraient ainsi qu'un seul interlocuteur tout au long de l'opération. Cette association existe depuis quelques années, et elle a des représentants dans l'ensemble du territoire.

J'en profite d'ailleurs pour ajouter que dans les plus petites copropriétés, le reste à charge des copropriétaires est souvent très élevé. Il paraîtrait justifié de permettre à ces copropriétaires de bénéficier d'aides individuelles. Bien souvent, ces copropriétés de centre-bourg optent d'ailleurs pour une isolation par l'intérieur, car l'isolation par l'extérieur n'est pas possible. Ces copropriétaires se trouvent donc de fait dans une situation très comparable à celle de propriétaires individuels.

M. Alexandre Vitry, président de la Compagnie des architectes de copropriété. - Je suis très honoré que vous ayez convié notre association aux côtés de notre ordre. La Compagnie des architectes de copropriété rassemble depuis 30 ans 100 à 130 architectes spécialisés dans l'entretien du bâti du patrimoine ordinaire et implantés sur l'ensemble du territoire national. Nous nous réunissons tous les mois pour échanger sur les pathologies du bâtiment et pour apprendre à rénover le patrimoine.

Notre devise est « Un immeuble, un architecte ». Dès lors que cette devise n'est pas appliquée, j'estime que les copropriétés risquent de se paupériser. Il faut un architecte dans chaque immeuble, de même qu'il faut un médecin de famille dans chaque famille.

Notre spécificité, en tant qu'architectes de copropriété, est que nous avons une approche à la fois technique et sociale. Comme nous avons, non pas un, mais 5, 10, voire 150 clients, il nous faut à chaque fois mobiliser le syndicat des copropriétaires et coconstruire le projet. À défaut, on n'aboutit à rien.

En France, nous avons la passion de l'accession à la propriété, mais nous ne savons pas toujours ce qu'être propriétaire veut dire. Quand on achète une voiture, on sait qu'il faut prévoir son entretien. Il en va de même des bâtiments, dont il faut prévoir le ravalement de façade, l'entretien de la couverture, etc.

Mme Éva Simon, chargée de programme au sein du plan Urbanisme construction architecture du ministère de la transition écologique. - Je suis, pour ma part, non pas architecte, mais ingénieure de formation, et je suis titulaire d'une thèse de sciences politiques consacrée à la manière dont l'action publique s'est intéressée aux copropriétés dégradées dans les territoires de Lyon, de Grenoble et de Marseille entre les années 1980 et 2015. Après avoir occupé un poste en administration centrale, j'ai rejoint, en 2020, le plan Urbanisme construction architecture (Puca), une agence ministérielle placée sous la double tutelle du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et du ministère de la culture.

Le Puca a vocation à lancer des recherches et des expérimentations afin d'éclairer l'action publique. Les sciences sociales montrent que les deux grandes politiques publiques relatives aux copropriétés - la rénovation énergétique et les copropriétés dégradées -rencontrent d'importantes difficultés qui sont liées à la structure même et au fonctionnement des copropriétés.

Il existe très peu d'études sur les copropriétés ordinaires, qu'il importe pourtant de comprendre si l'on veut comprendre les copropriétés dégradées et les enjeux de rénovation énergétiques. En 2021, nous avons donc lancé un programme sur ce sujet. Les recherches sont encore en cours, mais nous avons d'ores et déjà publié une étude sur les petites copropriétés et une étude sur le métier de syndic.

Je reviendrai d'abord sur l'importance de la gouvernance, avant d'aborder ce que j'estime être deux angles morts des auditions précédentes.

En 1999, dans son ouvrage intitulé La copropriété en difficulté : faillite d'une structure de confiance, Marie-Pierre Lefeuvre a montré que les difficultés d'une copropriété tenaient à des difficultés de gouvernance, et que seuls l'assemblée générale des copropriétaires, le conseil syndical et le syndic étaient à même d'inverser un processus de dégradation. Or pendant très longtemps l'action publique ne s'est intéressée qu'à la paupérisation des copropriétés et à la dégradation du bâti, ce qui, à défaut d'un nouvel élan de gouvernance, n'a pas permis d'améliorer durablement la situation des copropriétés. Certains immeubles, dont la façade vient pourtant d'être ravalée, présentent des fuites deux ans plus tard, faute d'entretien.

La prise en compte de l'importance de la gouvernance dans les politiques publiques est récente, et beaucoup reste à faire en la matière.

Les ménages précaires, par exemple, n'ont pas nécessairement conscience de ce qu'emporte l'acquisition d'un bien en copropriété, soit parce qu'ils sont issus de milieux familiaux éloignés de la propriété, soit parce qu'ils sont originaires de pays où la copropriété n'existe pas.

Les syndics sont eux aussi en difficulté du fait d'un manque de régulation et de formation, mais aussi de problèmes de recrutement. Or si la gestion n'est pas correctement menée, cela se répercutera tôt ou tard sur la copropriété.

Les impayés, enfin, ont récemment fait l'objet de nombreuses évolutions législatives, mais à défaut de recherches sur ce point, nous ne savons pas si ces évolutions permettront ou non de redresser un peu la barre autour de ce sujet essentiel. La gouvernance repose en effet sur la confiance, or les impayés remettent en cause la confiance dans le fait que chacun joue le jeu.

J'en viens au premier angle mort, la formation professionnelle. Entre 1990 et 2010, les recherches en sciences sociales reprochaient à l'action publique l'insuffisante prise en compte des spécificités des copropriétés. En me replongeant dans ces recherches et en travaillant avec les professionnels du secteur, je me suis rendu compte qu'il y avait, derrière cette critique, des difficultés liées à un déficit de formation professionnelle. Les différents professionnels qui interviennent dans les copropriétés - services de l'État, collectivités locales, opérateurs, bailleurs sociaux - n'ont jamais été formés à la copropriété. J'ai été surprise de constater que la copropriété est également le parent pauvre des formations, initiales comme continues, de syndic.

Le second angle mort est le rôle des collectivités locales. Je montre dans ma thèse qu'entre 1990 et 2015, les collectivités locales ont très peu communiqué sur les actions qu'elles ont engagées dans les copropriétés de leur territoire, alors que certaines ont mené des actions très intéressantes. La capacité d'influence des collectivités locales constitue à mes yeux une marge de progression importante.

Certaines collectivités nomment par exemple un référent copropriété qui rencontre régulièrement les syndics de son territoire. Si un syndic sait que la mairie soutient les copropriétés, il acceptera plus facilement d'en assumer la gestion. Lorsque l'action publique locale est organisée, les copropriétés en difficulté parviennent, de fait, à embaucher de meilleurs syndics.

De même, lorsque les copropriétaires sont formés, les copropriétés fonctionnent mieux.

M. Laurent Peinaud, président de l'Agence Qualité Construction. - L'Agence Qualité Construction (AQC) est une agence gouvernementale qui a été mise en place après la loi du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la construction, dans le but de maîtriser la sinistralité dans la construction neuve.

Nous travaillons sur trois principaux axes : l'observation, la prévention et l'information des différentes parties prenantes. Nos membres sont donc issus de l'ensemble de l'écosystème de la construction.

Je dois donc avouer que j'ai été un peu surpris d'être convoqué à cette audition ! Je me plie toutefois volontiers à l'exercice.

À mon niveau, je constate que certains travaux qui semblent améliorer la performance des bâtiments la dégradent en réalité. L'exemple classique est celui d'une rénovation énergétique omettant le volet ventilation, qui améliore le bilan énergétique tout en dégradant le volet sanitaire, avec, bien souvent, des moisissures à la clé !

Notre expérience sur les copropriétés est très réduite. Je ne puis donc témoigner qu'à titre personnel. J'observe qu'il existe une grande diversité du bâti, mais aussi des occupants. Je suis pour ma part propriétaire d'un bien en bord de mer qui a été construit en 1920 en béton, et qui n'a pas une fissure. On peut donc aussi avoir de la chance !

L'élaboration d'un plan pluriannuel de travaux me paraît une excellente idée.

J'estime aussi que tout repose sur la gouvernance et la connaissance des copropriétés, dont les faiblesses restent bien souvent invisibles tant qu'un propriétaire ne déclare pas un problème dans son logement. Il y a sans doute des moyens de détecter les faiblesses invisibles d'un bâti et de déterminer à quel moment des dégradations peuvent intervenir.

Certains départements s'engagent et des équipes pluridisciplinaires s'efforcent d'intégrer une vision globale. Mais de quels moyens ces instances disposeront-elles ?

Il faut également prendre en compte les effets des actions que l'on entreprend sur le bâti existant. Dans certains cas, l'isolant utilisé pour une isolation thermique peut nuire aux qualités acoustiques d'un bâtiment.

Je terminerai par un exemple belge. À Bruxelles, haut lieu de l'art nouveau, le gouvernement a assumé de ne pas pouvoir rénover certaines maisons classées sans les dégrader. Il aide donc les propriétaires de ces logements à payer leurs factures d'énergie.

Mme Marianne Margaté, rapporteure. - L'accélération et l'amplification du phénomène de paupérisation des copropriétés amènent les pouvoirs publics au chevet des copropriétés dégradées ou paupérisées, au risque parfois de bousculer leur système de gouvernance. Dans de telles conditions, comment la gouvernance interne de la copropriété peut-elle reprendre pied ?

Quels sont les partenariats qui vous semblent opportuns en matière de copropriété ? Comment travaillez-vous avec le conseil syndical, les communes ou intercommunalités et, de manière plus générale, avec l'ensemble des interlocuteurs de cet écosystème ?

Quel regard portez-vous sur les risques de dégradation qu'emportent les ventes HLM ? Ces ventes comportent-elles des risques et si oui comment les prévenir ? Quid des divisions pavillonnaires qui créent, de fait, de petites copropriétés ?

Mme Éva Simon- Nous disposons actuellement de très peu de recherches sur les copropriétés dégradées, mais les études existantes montrent que lorsque l'on tente d'imposer des thématiques aux copropriétaires cela ne fonctionne pas. Comme j'ai pu le souligner dans ma thèse, ce n'est pas du tout la pratique des acteurs à Grenoble, par exemple.

Mon intuition est que les redressements réussis reposent sur un travail de construction avec les copropriétaires et avec le syndic, mais il faudrait lancer un véritable programme de recherche pour documenter ce phénomène et ses limites. À ce stade, les recherches existantes se bornent à retracer l'histoire d'une quinzaine de copropriétés dégradées depuis 1980, ce qui est très peu.

En tout état de cause, le préalable est de partir de ce qui préoccupe les copropriétaires. Le bien-vivre au quotidien, la dégradation et la saleté ne sont pas pris en compte par les acteurs publics, dans la mesure où ces sujets, bien qu'ils soient très décourageants pour les copropriétaires, n'emportent pas de danger. Les copropriétaires ont pourtant besoin que les choses s'améliorent concrètement dans leur quotidien avant d'envisager des actions plus ambitieuses.

Gaëtan Brisepierre a ainsi montré que les copropriétés qui se lancent dans une rénovation énergétique ambitieuse ont d'abord fait de petits gestes qui ont permis au collectif de prendre confiance dans le fait qu'il pouvait améliorer la situation. Le dispositif « Mon Accompagnateur Rénov' » pourrait inspirer l'accompagnement des copropriétés en difficulté. De fait, la trajectoire de copropriétés qui sollicitent un accompagnement est souvent favorable, car leur demande permet d'engager une démarche de co-construction.

J'en viens aux partenariats. J'observe que plus il y a d'acteurs mobilisés autour de la table et plus les collectivités locales s'investissent, mieux les choses se passent.

Une expérimentation très intéressante a été menée à La Courneuve autour de la médiation dans de petites copropriétés. La mairie a systématiquement appuyé les difficultés que les acteurs ont relayées, si bien que des situations qui paraissaient inextricables ont pu être débloquées.

Le Puca et l'Union sociale pour l'habitat ont lancé un vaste programme sur la vente HLM dont les rapports définitifs seront remis dans le courant du mois. Les conclusions intermédiaires montrent des trajectoires variées selon que les logements se situent dans un immeuble de standing en centre-ville et qu'ils sont acquis par des ménages plutôt aisés ou dans un immeuble qui prend l'eau parce que sa gestion va coûter cher et à des ménages qui ont moins de revenus.

Lorsque le bâtiment a des pathologies nombreuses, des conflits peuvent naître avec les locataires qui, du fait de l'arrivée de propriétaires parmi eux, peuvent se sentir déclassés. Une vente HLM qui se passe mal entraîne de forts conflits au sein de la copropriété.

La vente d'une copropriété de 20 à 50 logements s'étendant par ailleurs sur 10 à 20 ans, une longue période de transition s'installe avec le bailleur, ce qui peut susciter des difficultés et se révéler pénible pour tout le monde.

En somme, la vente HLM peut constituer un mauvais départ pour une copropriété. Or les copropriétés en difficulté ont souvent connu un mauvais départ.

Mme Valérie Flicoteaux- Dans le questionnaire que vous nous avez envoyé, vous nous demandiez de préciser dans quelle mesure les architectes urbanistes de l'État (AUE) et les architectes-conseils de l'État (ACE) étaient associés aux opérations menées dans les copropriétés dégradées. Leur intervention est à la discrétion du représentant de l'État déconcentré sur le territoire. Les AUE répondent aux questions sur lesquelles on les missionne, de même que les ACE, qui sont pilotés par les directions régionales des affaires culturelles (Drac) ou par les directions départementales des territoires (DDT). Ils ne choisissent donc pas les sujets sur lesquels ils interviennent. Il serait toutefois sans doute opportun que les vacations d'ACE soient plus nombreuses.

Le parc datant de la reconstruction ou d'avant 1948 est effectivement vieillissant, et il a été plus ou moins bien entretenu. Les alertes que nous avons eues à Lille ou à Marseille concernaient des bâtiments anciens mal entretenus. Mais tout cela intervient à un moment où nous savons que nous allons devoir habiter différemment.

Le réchauffement climatique nous impose de réfléchir à la consommation énergétique, mais aussi aux retraits-gonflements d'argile, qui entraînent également des dégradations sur des structures qui n'ont pas nécessairement été conçues et construites en songeant à ce risque, ou au recul du trait de côte. Les événements climatiques majeurs affectent les bâtiments, mais on sait que les bâtiments peuvent apporter des réponses. Cela dépend de la capacité à convaincre les copropriétaires et à disposer des moyens pour réaliser les travaux nécessaires, qui sont coûteux.

Acquérir un bien immobilier implique désormais de se projeter sur au moins 50 ans, car les bâtiments devront évoluer pour faire face à ces crises. Or peu de copropriétaires ont cette culture de la propriété, selon laquelle ils doivent investir et entretenir leur bien tout au long de leur vie : effectuer régulièrement un ravalement, s'assurer du bon état des choses, et surtout éviter toute dégradation. Vous évoquiez les petits et grands travaux. Il est évident que décider de refaire une toiture peut être complexe si le hall d'entrée est déjà insalubre.

Il faut intégrer tous ces aspects et fournir de la médiation et du conseil. Le CNOA essaie de sensibiliser les architectes à ces questions, notamment à l'accompagnement des collectivités territoriales. Nous avons lancé un dispositif appelé « un maire, un architecte », pour aider les petites communes à développer des stratégies pour leur patrimoine, mais aussi pour repérer les situations problématiques sur leur territoire afin de mobiliser les aides ad hoc. En effet, de nombreuses aides sont disponibles pour les très petites collectivités, mais elles ne sont pas toujours bien connues. Nous entretenons des contacts réguliers, notamment avec le programme « Action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique » (Actee), dont le budget a connu une augmentation exponentielle, au point de conférer parfois l'impression de disposer de ressources importantes sans savoir comment les utiliser, car les principaux bénéficiaires, les collectivités locales, ne connaissent pas suffisamment ce dispositif.

Ainsi, il est crucial d'impliquer davantage les experts du bâtiment que sont les architectes, qui, en vertu de leur code de déontologie, ont une obligation d'intervenir dans l'intérêt public et dans l'intérêt de l'architecture. Ils peuvent donc jouer un rôle essentiel en matière de conseil, d'accompagnement et de stratégie à tous les niveaux. Lorsque les architectes s'occupent d'un immeuble en copropriété, c'est une démarche similaire : il est nécessaire de fournir des conseils réguliers pour éviter de gros travaux. Même si nous savons que la réponse aux crises climatiques nécessitera de toute façon des interventions sur le patrimoine, il est crucial de se poser ces questions dès maintenant.

La division pavillonnaire peut générer aussi bien de la qualité qu'une grande misère, voire même favoriser l'implantation de marchands de sommeil, comme des études l'ont montré dans la Seine-Saint-Denis. On entend parfois que les lotissements peuvent apporter une solution à la crise du logement, pour peu qu'on fasse les choses intelligemment et correctement. Beaucoup d'habitats pavillonnaires sont sous-occupés, par des personnes âgées seules, qui n'ont plus l'énergie d'entretenir un grand jardin. On pourrait donc imaginer de faire plusieurs logements par parcelle, mais il serait mieux de raisonner au niveau urbain, avec un fort accompagnement de la collectivité locale, qui peut porter un regard stratégique. Le CNOA estime que les architectes peuvent relever ce défi, car ils sont disponibles et mobilisables rapidement sur tout le territoire. Ils sont également en relation avec l'écosystème de l'architecture publique, y compris les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) et les architectes des bâtiments de France (ABF).

Les ABF font d'ailleurs l'objet d'une mission du CNOA : nous pensons qu'ils ne devraient pas seulement être consultés pour valider des permis de construire, mais qu'ils devraient également être impliqués en amont pour orienter les interventions sur les bâtiments patrimoniaux. Leur action ne se limite pas uniquement aux bâtiments classés, mais concerne également le petit patrimoine d'avant 1948. Les ABF jouent un rôle crucial en tant que garde-fous pour s'assurer que les interventions sur ces bâtiments respectent les normes techniques et historiques appropriées. Par exemple, ils peuvent alerter sur les risques liés à l'utilisation de certains matériaux inadaptés, comme un enduit de ciment sur une façade en pierre qui nécessite une respiration. L'expérience passée montre que des erreurs telles que celles-ci, souvent commises dans les années 80-90, ont eu des conséquences néfastes sur la durabilité des bâtiments historiques. Ainsi, les ABF ont un rôle crucial d'alerte.

Dans l'ensemble, l'écosystème de l'architecture, y compris les ABF et les architectes, peut être mobilisé pour soutenir les politiques publiques en matière d'urbanisme et de préservation du patrimoine. Les architectes, avec leur expertise et leur représentation locale, sont bien positionnés pour jouer un rôle-clé dans cet accompagnement.

Mme Laure-Anne Geoffroy-Duprez. - L'idée de travailler avec un écosystème élargi, en collaborant avec différents acteurs, peut en effet conduire à des solutions novatrices et agiles pour résoudre les problèmes de copropriétés en difficulté. Plutôt que de se limiter à l'échelle individuelle de la copropriété, il peut être bénéfique d'adopter une perspective plus large, en examinant l'échelle de l'îlot, du quartier, voire de la commune entière.

Par exemple, une solution que nous proposons depuis quelques années est le concept de surélévation solidaire. Cette approche peut être adaptée en fonction des caractéristiques spécifiques des différents territoires. Dans les métropoles où les valeurs au mètre carré sont élevées, l'idée est d'utiliser les bénéfices générés par la construction de nouveaux logements pour financer la rénovation complète de biens existants. Cette initiative peut être coordonnée par des agences publiques comme l'Anah ou la commune elle-même, qui identifient les copropriétés en difficulté et les opportunités de construction. Un opérateur social peut alors être impliqué pour gérer la construction de la surélévation et la rénovation des biens concernés. De plus, il est envisageable de mutualiser les bénéfices générés par ces opérations afin d'intervenir également sur des copropriétés qui n'ont pas la possibilité de construire de nouvelles structures. Cette approche nécessite une vision plus globale, qui sort du cadre strict de la copropriété.

M. Alexandre Vitry. - Je pense qu'il faut remettre la confiance dans la copropriété. Il est surtout nécessaire de restaurer la confiance dans sa nature même : c'est la seule démocratie participative jouissant d'un taux de participation de 90 % ! Les copropriétaires assistent aux assemblées générales et votent ou ne votent pas, mais c'est significatif. Il est crucial de leur redonner confiance, de les remobiliser. Cependant, il ne faut pas les mobiliser uniquement autour d'un projet de rénovation, mais plutôt autour d'un projet d'amélioration. Il faut être beaucoup plus ambitieux. Il faut aller au-delà du simple fait d'isoler, d'améliorer l'efficacité énergétique, de refaire une belle façade et de repartir pour 20 ans. Non, il faut envisager une perspective de 50 ans, avec des espaces communs, des jardins, etc. Il faut peut-être même penser à l'échelle de la ville, travailler plus globalement.

En ce qui concerne les partenariats, je n'ai pas forcément une grande expérience à l'échelle de la ville, mais je pense qu'il serait judicieux de coopérer avec les acteurs et les services de l'État pour développer le programme « un maire, un architecte » et éviter d'en arriver à l'état d'urgence. En effet, dans de nombreux cas, on intervient sur des bâtiments que lorsqu'un arrêté de péril est pris ou lorsqu'une urgence catastrophique survient. Mais en réalité, à ce stade, il est déjà trop tard. Par conséquent, le CNOA a raison : il faut se mobiliser, diagnostiquer et répertorier d'abord ce qui va et ce qu'il faut simplement entretenir.

Quant à la découpe du patrimoine HLM, je vais être très clair : il faut faire attention à ne pas répéter les erreurs passées. Il y a déjà eu des divisions et, comme vous l'avez souligné, les copropriétés mixtes, avec des bailleurs et des propriétaires privés, sont très risquées, surtout si les nouveaux copropriétaires ne sont pas accompagnés dans leur rôle, et si une partie des bénéfices de ces ventes ne profite pas à la nouvelle copropriété. Il est important de partir avec un fonds lorsque l'on crée une copropriété, qu'elle soit issue d'un bâti existant ou d'un nouveau bâti.

Pour ce qui est de la division du pavillonnaire, attention à ne pas créer de nouveaux ghettos. Bien sûr, on peut diviser les pavillons en logements, mais il faut que la ville accompagne. Il faut des équipements, des commerces, des lieux de vie. Car si vous transformez un petit lotissement en mini-ensemble, vous risquez de créer un ghetto, et cela n'est pas une bonne idée.

Enfin, il faut consulter les ABF, bien sûr, mais aussi leur donner les moyens d'être plus disponibles. Aujourd'hui, ils doivent gérer entre 3 000 et 4 000 dossiers par an, c'est impossible ! Nous parvenons tout de même à dialoguer avec eux. Nous avons même participé à une table ronde avec eux il y a quelques mois, au cours de laquelle nous avons échangé et partagé. Mais ils sont submergés de travail. Nous avons tous énormément de travail dans la copropriété, mais pour les ABF, c'est encore pire. Il faut donc les rendre plus disponibles.

M. Laurent Peinaud. - Nous devons en être conscients, la dégradation ne fera que se poursuivre. Pour prendre un exemple simple, ceux qui ont construit selon la réglementation thermique de 2012 ont aujourd'hui des ouvrages obsolètes. On ne sait même pas comment les améliorer, on est confronté à un mur. C'est souvent une véritable préoccupation pour les propriétaires que d'améliorer leur bien. On parle souvent de confort, mais, en réalité, il y a aussi un impact économique derrière. La rénovation énergétique est une porte d'entrée, certes, car elle a un impact économique de plus en plus lourd sur les propriétaires ou les locataires.

Culturellement, en France, nous sommes habitués à des patrimoines très anciens. Au Japon, par exemple, on ne peut même pas imaginer un bâtiment de plus de 30 ans. Mais nous oublions une chose : notre mode de vie a changé depuis 50 ans, ou même 100 ans, qu'il s'agisse de mobilité, d'accessibilité, de réseaux. Tout cela entre également en jeu, en plus des dégradations techniques du bâti, notamment structurelles, qui sont parfois liées à des phénomènes de changement climatique. Certains centres anciens sont fondés sur des pieux en bois. Les variations du niveau de la nappe phréatique font qu'ils se retrouvent à découvert, ce qui constitue une situation critique, qu'il est extrêmement coûteux de corriger.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Philippe Estingoy prête serment.

M.  Philippe Estingoy, directeur général de l'Agence qualité construction. - J'ai été pendant douze ans directeur départemental des territoires (DDT), et voilà douze ans que je dirige l'Agence qualité construction.

Je salue la manière dont Éva Simon a présenté les choses dans ses études. Je m'y retrouve parfaitement, ayant été un homme de terrain et ayant mis en oeuvre plusieurs plans de sauvegarde - un concept essentiel en ce qui concerne les copropriétés dégradées.

« Copropriété dégradée » est une expression générique qui recouvre plusieurs situations très différentes selon la taille et le positionnement du bâtiment. Lorsqu'on se trouve dans une copropriété dégradée située en zone rurale, la situation n'est pas tout à fait la même que dans une copropriété dégradée en centre-ville ou en périphérie calme. Les approches, y compris en ce qui concerne les plans de sauvegarde, doivent donc être différentes.

J'ai eu l'occasion de mettre en oeuvre plusieurs plans de sauvegarde, financés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) ou par l'Anah. Je confirme que c'est extrêmement complexe et que ces plans prenaient énormément de temps. Pour pouvoir les mettre en oeuvre correctement avec les financements dont nous disposions, nous imposions des changements de syndic, en optant pour des syndics spécialisés dans les problématiques de propriété dégradée. De plus, nous faisions appel à des architectes spécialisés dans la copropriété dégradée, et je mobilisais de préférence mon architecte-conseil de l'État.

Une autre personne impliquée dont nous n'avons pas encore parlé est le commissaire de police, car, dans les copropriétés dégradées, on trouve souvent des problèmes de marchands de sommeil et divers trafics. Il ne faut pas fermer les yeux là-dessus. Lorsqu'il y a des trafics chez un bailleur social, il peut prendre certaines actions. Dans une copropriété, c'est quasiment impossible. La seule conséquence lorsque des problèmes surviennent, c'est le départ des personnes respectueuses des règles et la multiplication des problèmes liés aux marchands de sommeil. Il est vraiment important de faire ces distinctions, car nous ne pouvons pas intervenir de la même manière. Lorsque nous intervenons dans une copropriété dégradée avec un plan de sauvegarde, là où il y a des problèmes juridiques, nous faisons également intervenir le procureur. Il est nécessaire d'agir sur tous les fronts, sinon il n'y a aucune chance de succès.

En ce qui concerne la vente HLM, je serai de nouveau assez catégorique. Je ne suis pas sûr de l'état actuel de la réglementation à ce sujet, mais, lorsque j'étais directeur départemental et que j'exerçais ce type de contrôle, j'interdisais la vente HLM de bâtiments qui n'avaient pas été préalablement rénovés. Je le faisais bien évidemment en accord avec mes préfets, c'était un travail collectif, et nous interdisions même les opérations où nous sentions de la bonne foi, car les habitants ne voyaient pas exactement ce qui allait se passer.

Il est fondamental de maintenir cette exigence. Cela soulève la problématique de la capacité des bailleurs sociaux à disposer de fonds propres pour intervenir en matière de rénovation. Nous avons proposé aux bailleurs sociaux de générer des fonds propres en vendant des HLM. En centre-ville, il faut prendre des précautions pour éviter les problèmes de copropriété. Mais, dès lors que cette précaution est prise, cela fonctionne, c'est évident. Les personnes qui y habitent ne sont pas les mêmes, elles n'ont pas les mêmes revenus. Mais dans les quartiers plus délicats, cela ne fonctionne pas. Quant à la vente sur dix ans, cela ne se concrétise même pas en dix ans, car cela coince complètement.

Mme Audrey Linkenheld. - Je voulais également faire une distinction entre les différents types de désordres. Je suis depuis longtemps convaincue qu'être copropriétaire ne s'improvise pas. C'est ce que vous avez tous dit, d'ailleurs. À mon sens, notre sujet n'est pas tant la question générale des copropriétés dégradées que celle de la paupérisation des copropriétés. On parle surtout des petites copropriétés pour lesquelles, comme vous l'avez souligné dans vos interventions, et comme cela a été rappelé en introduction, on a le sentiment de manquer d'outils. Cela ne veut pas dire que c'est facile pour les grandes copropriétés paupérisées, mais les outils qui ont été progressivement mis en place dans l'arsenal législatif et réglementaire leur conviennent mieux qu'aux petites copropriétés.

Celles-ci échappent assez largement au débat qui vient de s'ouvrir sur la vente HLM. En général, cela ne se fait pas dans une petite copropriété, mais plutôt dans les moyennes et grandes copropriétés. Je n'ai pas de position tranchée sur cette question. J'ai toujours eu une approche assez pragmatique sur la vente HLM. Je pense que ce n'est pas le bon moyen de redonner de l'argent aux bailleurs sociaux, car leur demander de réhabiliter avant de vendre, c'est tout simplement freiner la vente. Une fois que le bailleur a investi de l'argent dans un bâtiment et l'a réhabilité, quel est son intérêt de le vendre ? D'autant qu'il le vend généralement à des tarifs relativement bas puisqu'il le vend à ses locataires avec des décotes, etc. C'est un peu le serpent qui se mord la queue...

Je ne crois pas que ce soit mauvais de mélanger du privé et du social. Interdire une vente HLM parce qu'elle crée de la copropriété ne me semble pas un argument fondé. En tant qu'élue locale, j'ai souvent favorisé la mixité, que ce soit avant ou après la vente HLM. Il faut simplement être vigilant dans la manière dont on gère une copropriété dans laquelle il y a de la mixité, et être attentif à la place qu'on donne aux bailleurs sociaux. Il faudrait peut-être faire en sorte que leur place soit plutôt majoritaire que minoritaire, et ne pas être totalement naïf sur le fait que, parce qu'on est bailleur social, on est automatiquement un très bon syndic de copropriété. Mais c'est un débat que nous avons déjà eu.

Je reviens au coeur de notre sujet, qui concerne plutôt les petites copropriétés. Je trouve intéressant ce que vous avez dit sur les architectes, non tant dans le lien avec les maires que dans le lien avec les syndics. Dans les petites copropriétés, si on veut ne pas intervenir quand l'arrêté de péril est déjà prononcé, il faut intervenir en amont. Avec qui dialogue-t-on ? Avec le conseil syndical, qu'il soit bénévole, libre, professionnel ou autre. C'est là que doit pouvoir se nouer un dialogue. Marseille et Lille, ce n'est pas du tout pareil : les effondrements survenus à Lille ne sont pas dus à un mauvais entretien ni à de la dégradation par des marchands de sommeil, comme à Marseille. Ce sont des bâtiments du XVIIe ou du XVIIIe siècle qui, avec le temps, ont subi des interventions, lesquelles ont fini par fragiliser l'édifice. Mais les propriétaires d'aujourd'hui sont des gens tout à fait convenables qui, malheureusement, sont les premières victimes de cet état de choses, car rien ne laissait penser que l'immeuble allait s'effondrer d'un coup.

Pour anticiper, avant que ne soient rendus obligatoires les diagnostics structurels tous les dix ans, il aurait fallu favoriser un dialogue un peu différent entre les architectes qui accompagnent les copropriétaires et les syndics. De ce point de vue, cela n'aide pas que les seuls architectes dont les copropriétaires ou les syndics aient connaissance soient les ABF. Je ne les mets certes pas tous dans le même panier, et je ne suis pas favorable à leur suppression. Mais ils sont trop souvent le seul interlocuteur, voire un interlocuteur difficile, parce qu'il méconnaît souvent les impacts des conseils qu'il peut donner. Ce qui est compliqué pour les copropriétaires, c'est qu'ils sont souvent propriétaires depuis peu. Même s'ils le sont depuis dix ou vingt ans, ce n'est pas eux qui ont construit l'immeuble, qui date d'un, de deux ou de trois siècles. Ils ne sont donc pas responsables, ils ne font que récupérer toutes les contraintes. Il faut donc faire preuve de pédagogie.

Vous êtes bien placés pour apporter cette pédagogie, et ce le plus en amont possible. Comment construire cette relation ? Elle ne passe pas nécessairement par les collectivités à ce stade, bien que nous puissions être des intermédiaires, mais je pense qu'il y a matière à réflexion. Nous savons que ces petites copropriétés ne sont pas celles qui font spontanément appel à des architectes, pas plus qu'elles ne font spontanément appel à des syndics professionnels.

M. Alexandre Vitry. - Vous évoquez la place de l'architecte. Je pense qu'il faut conserver le cloisonnement, préserver le rôle des uns des autres et, surtout, nous valoriser. Même si le CNOA fait un gros travail, la profession d'architecte arrive toujours derrière celle des ingénieurs. Il nous arrive, sur un chantier, qu'on nous demande ce que nous faisons là, dès lors qu'il y a un chef de chantier sur place ! La collectivité doit aider le CNOA à mettre en avant sa capacité à aider les copropriétés.

Mme Valérie Flicoteaux. - Il est essentiel de soutenir davantage l'accompagnement des études dans les projets de rénovation, voire de les imposer. Une intervention bien planifiée et calibrée peut entraîner des évolutions techniques bénéfiques pour les bâtiments. Ainsi, financer des études, même coûteuses, est un investissement judicieux pour éviter des travaux mal calibrés qui pourraient coûter encore plus cher à long terme.

Un problème majeur réside dans le fait que le monopole de l'architecte ne s'applique actuellement qu'aux permis de construire, ce qui signifie que de nombreux travaux de rénovation échappent à son expertise, car ils ne requièrent qu'une déclaration préalable. Cela peut entraîner des interventions fragmentées et limitées, sans la vision globale et l'accompagnement nécessaires pour garantir le succès du projet.

En outre, il existe une réticence en France à valoriser la prestation intellectuelle, notamment en ce qui concerne les études. Les gens ont tendance à préférer payer pour des matériaux concrets comme le béton plutôt que pour des études, car ces dernières peuvent sembler abstraites et coûteuses. La puissance publique pourrait jouer un rôle crucial en sensibilisant à l'importance des études et en encourageant leur financement. D'ailleurs, le programme Actee ne finance pas de travaux, uniquement des études.

Les études sur les bâtiments nécessitent une approche pluridisciplinaire : il s'agit aussi bien d'économies d'énergie que de structure ou d'écologie. Les architectes sont souvent les seuls à avoir une vision globale du projet et à pouvoir coordonner une équipe multidisciplinaire. Leur rôle va au-delà de la simple conception technique ; ils sont également chargés de convaincre et d'accompagner les parties prenantes tout au long du projet. Ainsi, encourager le recours à des équipes pluridisciplinaires dirigées par des architectes peut garantir le succès et la durabilité des projets de rénovation.

Mme Laure-Anne Geoffroy-Duprez. - En effet, nous avons certes un rôle technique, mais nous avons essentiellement un rôle de conseil, de sensibilisation, d'accompagnement. Nous pouvons mener des ateliers avec les copropriétaires, créer un lien avec les intervenants. Quand on a une voiture, il faut passer un contrôle technique ; en matière de santé, on incite très fortement à faire des contrôles réguliers. Pourquoi n'en irait-il pas de même pour nos bâtiments ? Une visite régulière d'un architecte, ou en tout cas d'un sachant, avec un regard large, permettrait de ne pas attendre qu'il y ait une problématique, mais d'anticiper et d'intervenir en amont sur nos bâtiments.

M. Laurent Burgoa. - Sénateur du Gard, j'ai été, pendant deux mandats, adjoint au maire de Nîmes, en charge de la rénovation urbaine, de la politique de la ville et du logement social.

Les interventions sur les copropriétés sont complexes techniquement, administrativement, financièrement. Elles sont aussi lourdes à porter dans le temps. On est en pleine période de simplification administrative : c'est dans l'air du temps et nous allons bientôt examiner un texte sur le sujet. Nous sommes demandeurs dans ce domaine : avez-vous des préconisations pour simplifier ces procédures ? Vous avez raison, monsieur le directeur, ces dossiers s'étendent trop dans le temps. Un plan de sauvegarde nécessite dix à vingt ans, par exemple. Comment simplifier et améliorer l'intervention des pouvoirs publics en la matière ?

Mme Valérie Flicoteaux. - Cela nous amène à la question de l'accompagnement et de la contrainte. Sauf situations complexes, avec intervention de l'État, il n'y pas de contrainte aujourd'hui dans la rénovation des petites copropriétés. Faut-il aller jusque-là, quitte à accepter de prendre en charge la totalité des travaux pour les copropriétaires les plus en difficulté ? Certains le demandent - je suppose que la Fondation Abbé Pierre vous en a parlé. Si l'on va jusqu'à 100 % de financement de travaux, cela signifie qu'on peut s'autoriser de la contrainte. Mais, en France, contraindre le droit de propriété est extrêmement délicat, voire impossible.

M. Laurent Peinaud. - On a toujours ce débat sur la contrainte, mais les plans pluriannuels de travaux, dont je parlais à l'instant, sont obligatoires. Simplement, il n'y a pas de vrais contrôles. On doit produire ce document sur demande des autorités, si celles-ci ont été alertées. Il serait très utile, et assez simple, de collecter les informations. L'un des handicaps, pour les petites copropriétés, c'est qu'elles sont à peu près invisibles. Elles ne se voient pas dans le paysage. Nous avons l'occasion, avec cet outil législatif, d'en avoir une connaissance suffisamment fine, car ce plan permet d'évaluer le poids estimé par des tiers, et de voir où il faut agir en priorité. Les remontées d'informations issues de ce plan pluriannuel standard, sur 10 ans, permettraient de compléter sensiblement le paysage et d'anticiper mieux les difficultés, avant que la copropriété ne parte à la dérive jusqu'à un point où elle sera quasi impossible à rattraper, ou alors à grands frais. Par exemple, pour un patrimoine ancien, si on vous annonce un programme de travaux relativement réduit sur 10 ans, cela pose question. D'autant plus qu'il y a une obligation pour les copropriétés de provisionner 2,5 % par an...

Il ne s'agit pas d'aller pister, mais de disposer de l'information existante. Aujourd'hui, nombre de copropriétés sortent complètement du radar, soit parce qu'elles n'ont pas de syndic, soit parce qu'elles n'ont pas d'architecte et ne sont pas connues des collectivités locales. Celles-ci ne peuvent pas connaître toutes les copropriétés, surtout dans certains périmètres géographiques à très forte densité. Ce sont celles qui n'ont pas de syndic qu'on connaît le moins, alors que ce sont elles qui sont le plus en danger. Sans syndic, elles sont en errance et abandonnées aux choix de copropriétaires souvent très mal informés.

Une démarche simple, sans être trop lourde, serait de demander à ceux qui élaborent les plans pluriannuels de travaux de faire remonter quelques informations-clés, permettant aux collectivités territoriales, voire à d'autres acteurs, d'identifier rapidement les problèmes potentiels et de les anticiper. Car une fois que les difficultés surviennent, il est trop tard. La provision qui en découlerait, prévue par la loi, de 2,5 % sur 10 ans, représente 25 %. Cela ne couvre peut-être pas la totalité des dépenses, mais cela garantit que la copropriété a tout de même provisionné.

Ces mesures assez simples pourraient être traitées de manière très mécanique, en utilisant un peu d'intelligence artificielle, ou du moins une intelligence humaine rendue artificielle, pour aider toutes les parties prenantes à obtenir cette visibilité. Car rien n'est pire que de proposer un texte, d'imaginer de nombreuses bonnes solutions, pour finalement ne pas pouvoir cibler l'objet du texte. Il serait intéressant de contraindre ceux qui élaborent les plans pluriannuels de travaux patrimoniaux à les publier en ligne et à créer une plateforme permettant de collecter ces informations, accessible aux pouvoirs publics et autres.

Mme Éva Simon. - Je souhaiterais apporter deux réponses concernant la simplification. Je commence par la veille et tous les dispositifs mis en place avant l'apparition des difficultés. Les recherches en sciences sociales révèlent presque systématiquement qu'à côté d'une copropriété en grande difficulté se trouve une autre copropriété construite au même moment et souffrant des mêmes problèmes, mais qui a su résister. Par exemple, sur le plateau de Clichy-Montfermeil, près du Chêne Pointu, nous trouvons des copropriétés habitées par des ménages très modestes, mais stables et nécessitant un peu d'aide pour se rénover, sans pour autant être considérées comme des copropriétés en difficulté. Ces copropriétés ont survécu grâce à un conseil syndical, un syndic, mais aussi, souvent, grâce à des associations, à un accès à la formation, et à une mobilisation opportune des collectivités locales et des avocats.

Être copropriétaire ne s'improvise pas, en effet, madame la sénatrice. Mais la recherche en sciences sociales démontre qu'il existe de nombreux acteurs capables de soutenir le développement des compétences des copropriétaires, même parmi les ménages les plus défavorisés, notamment dans les quartiers prioritaires de la ville, où les ménages peuvent être peu familiarisés avec le français. Si ces ménages disposent d'interlocuteurs prêts à leur expliquer le fonctionnement d'une copropriété, la lecture des comptes, etc., ils peuvent développer de véritables compétences. Souvent, leur logement est leur seul bien, leur seule richesse à transmettre à leurs enfants, et ils sont prêts à y consacrer beaucoup de temps. Nombre d'entre eux possèdent également des compétences, que ce soit en gestion ou en techniques, car dans ces copropriétés, on trouve souvent des ouvriers du bâtiment. Ces personnes sont prêtes à mettre leurs compétences et leur temps à disposition. Ainsi, il est essentiel d'intervenir en amont, d'où l'importance de la formation des professionnels, mais aussi de la formation et du soutien des personnes, ainsi que du rôle crucial des associations et des structures publiques d'aide et de conseil. L'offre est très inégale sur le territoire, ce qui a joué un rôle déterminant.

Le deuxième volet de simplification que nous n'avons pas abordé concerne les nouvelles constructions. Actuellement, la tendance est de créer des copropriétés au sein d'une association syndicale autorisée (ASA) ou d'une association foncière urbaine libre (Aful). Ce processus n'est pas simple. Un excellent guide élaboré par le Centre de ressources de gestion urbaine et sociale de proximité (GUSP) de Grenoble-Alpes Métropole souligne l'importance d'anticiper les questions de gestion lors de la construction. Il cite des exemples récents où des constructions ont abouti à des situations catastrophiques, dans lesquelles entretenir une simple chaudière nécessite des démarches compliquées. La moindre complication risque de plonger la copropriété dans des difficultés rapidement. Il est donc primordial de simplifier les choses dans les nouvelles constructions, tout en tenant compte des enjeux de développement durable et de mutualisation des équipements au niveau des quartiers. La mutualisation, toutefois, pose des défis en matière de formation des professionnels et des copropriétaires, ainsi que des questions financières et de gestion. Cela peut fonctionner, mais c'est un risque supplémentaire à prendre en compte.

M. Philippe Estingoy. - Il y a des enjeux liés aux règles de décision en copropriété et aux règles d'organisation des assemblées générales, qu'il faut pouvoir tenir de façon plus fréquente. Cela ferait gagner beaucoup de temps, mais les règles de décision en copropriété interrogent le droit de la propriété... Il faut mettre la question sur la table : cela fait 40 ans qu'on se dit cela et que rien ne change.

Il existe toutefois des outils qui peuvent être tout à fait intéressants dans certaines circonstances : les opérations d'urbanisme et les établissements publics d'aménagement, avec le droit de préemption. Ces outils peuvent être relativement lents à utiliser, mais ils ont une certaine puissance : une fois qu'on a commencé à avancer, cela finit par fonctionner. À Saint-Étienne, un établissement public d'aménagement dont j'étais administrateur a ainsi fini par traiter les propriétés dégradées du centre-ville, ce qui a permis d'éviter des effondrements spontanés.

M. Alexandre Vitry. - La remontée d'informations serait vertueuse et nécessaire. Mais il faut cadrer et structurer le plan pluriannuel de travaux, afin que l'information soit simple à lire.

Oui, madame la sénatrice, la paupérisation concerne aussi les petites copropriétés, qui ne sont pas protégées de l'augmentation du coût de l'énergie et de celui des travaux. Quand de petits retraités doivent financer des travaux lourds dans du bâtiment ancien, ils sont conduits à vendre et ils se paupérisent.

Mme Valérie Flicoteaux. - Nous n'avons pas évoqué les banquiers. Le système de financement des travaux est assez ancien et peu innovant, alors que de nombreux dispositifs existent. Nous parlons du rapport à la propriété et à la copropriété, mais il est envisageable d'adopter une approche différente de la propriété. Je pense notamment à la dissociation du bâti et du foncier, qui s'applique actuellement au bâti-foncier, mais on pourrait considérer les murs comme une forme de foncier à part entière, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles formes de copropriété et peut-être à un accompagnement plus public, permettant d'élargir le champ d'action. Nous parlions de synergies entre différents acteurs, mais si les autorités publiques ne fournissent pas un accompagnement adéquat, que ce soit au travers des ABF ou d'autres structures adaptées, il est difficile d'avancer.

Nous avons des échanges avec des notaires et avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), car il est important que ces professionnels se montrent proactifs et puissent fournir un soutien. L'une de vos questions portait sur la nouvelle capacité à emprunter collectivement, mais nous n'avons pas de retour à ce sujet. Combien de banques seront disposées à accorder ces prêts ? Si l'État ne les sollicite pas, comment pourrons-nous les amener à la table des négociations ? C'est une question qui fait partie de nos réflexions, même si elle sort quelque peu du domaine de l'architecture qui nous concerne directement.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Vous sortez peut-être du champ de l'architecture, mais pas du tout de notre sujet ! Nous avons récemment convoqué des banquiers, avec lesquels nous avons évoqué la piste de la dissociation entre foncier et bâti.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Claire Doniau prête serment.

Mme Claire Douniau, vice-présidente de la Compagnie des architectes de copropriété. - Je suis vice-présidente de la Compagnie des architectes de copropriété...

Le règlement de copropriété fait que les travaux sont souvent votés par bâtiment. Très souvent, il y a un parent pauvre, qui ne peut pas suivre, et qui est le seul à ne pas bénéficier de toutes les capacités des autres immeubles.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Merci à tous.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Audition de M. Gilles Bouvelot, directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France (Epfif), Mme Sophie Lafenêtre, directrice générale de l'établissement public foncier d'Occitanie (en téléconférence) et Mme Léa Makarem, présidente exécutive de la Sifae

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Madame et monsieur les directeurs généraux, madame la présidente, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux en recevant M. Gilles Bouvelot, directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France (Epfif), Mme Sophie Lafenêtre, directrice générale de l'établissement public foncier d'Occitanie et Mme Léa Makarem, présidente exécutive de la société immobilière et foncière d'Action Logement et de l'Epfif (Sifae), qui intervient aux côtés des collectivités locales pour la requalification des secteurs pavillonnaires dégradés.

En préambule, je souhaiterais que vous nous expliquiez comment les établissements publics fonciers (EPF), en Île-de-France et en Occitanie, interviennent pour lutter contre la dégradation des copropriétés et agissent pour leur redressement. À quel moment intervenez-vous ? À quelles situations êtes-vous confrontés ? Quels sont alors les remèdes mis en oeuvre ? Pensez-vous qu'une intervention plus précoce, fondée sur la détection en amont des difficultés, aurait pu faciliter les choses et réduire les coûts ? Avez-vous des propositions à faire à ce sujet ?

Vous assurez la conduite de plusieurs opérations de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (Orcod-IN). Ces opérations nécessitent l'action d'un large panel d'acteurs pour mener à bien la réhabilitation de quartiers parfois très dégradés, où résident des populations en grande difficulté sociale. Après le vote de la loi du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé, dite « loi Habitat dégradé », considérez-vous qu'il existe encore des pistes d'amélioration envisageables au niveau tant réglementaire que législatif ? L'accompagnement social des populations fragiles est-il systématique dans le cadre de ces opérations ? Comment celui-ci se concrétise-t-il ?

Bien souvent, l'état de certaines copropriétés implique le rachat des biens des copropriétaires en difficulté, qui ne peuvent régler leurs charges et laissent ainsi une dette très élevée. L'estimation de la valeur de ces biens est réalisée par France Domaine. Ces évaluations vous posent-elles parfois des problèmes, au point, par exemple, de mettre à mal l'équilibre financier de certaines opérations ?

Concernant vos ressources financières, la loi Habitat dégradé offre la possibilité d'un déplafonnement de la taxe spéciale d'équipement (TSE). Avez-vous déjà une idée des effets concrets que cette réforme aura sur vos capacités de financement ?

Il nous serait également utile de vous entendre sur la question du relogement des habitants. La loi précitée vous donne-t-elle des solutions suffisamment opérationnelles- je pense à la possibilité de recourir à des hébergements temporaires ?

À côté des grands ensembles en difficulté, bien identifiés, et sur lesquels les dispositifs de l'État se concentrent, notre commission d'enquête veut mettre en lumière la problématique des petites copropriétés. Comment celle-ci est-elle prise en compte par les EPF ? Ces dispositifs sont-ils les outils idoines pour cette mission ? Permettent-ils d'aider les collectivités locales, y compris dans les petites communes, voire en zone rurale ?

Je souhaite également profiter de la présence de Mme Léa Makarem, présidente de la Sifae, pour aborder les spécificités des zones pavillonnaires. Plusieurs interlocuteurs nous ont parlé du développement de divisions pavillonnaires et d'un essor des marchands de sommeil en Île-de-France à côté des grands ensembles. Au-delà de cette dérive, les divisions entraînent-elles parfois la constitution de copropriétés dans des bâtiments qui n'étaient pas conçus à cette fin et dans lesquels les propriétaires n'ont pas conscience de relever de la loi de 1965 ?

Par ailleurs, les lotissements ont souvent été organisés sous la forme d'associations syndicales libres (ASL). Quels sont les problèmes spécifiques liés à ces ensembles ? Lors de l'examen du projet de loi sur l'habitat dégradé, plusieurs de nos collègues sénateurs ont attiré notre attention sur le fait que ces ASL n'étaient pas immatriculées au registre national d'immatriculation des copropriétés (RNIC) et n'étaient pas éligibles aux aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Confirmez-vous ces difficultés et le manque d'informations les concernant ? Comment pourrait-on remédier à cette situation ?

Avant de vous céder la parole pour répondre à ces premières questions dans le cadre d'un propos introductif d'environ dix minutes, il me revient de vous indiquer que cette audition est diffusée en direct et en différé sur le site internet du Sénat, et qu'un compte rendu sera publié.

Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.

Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Gilles Bouvelot, Mme Léa Makarem et Mme Sophie Lafenêtre prêtent serment.

M. Gilles Bouvelot, directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France (Epfif). - Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de cette audition, qui me permet de témoigner de notre expérience des grandes copropriétés dégradées en Île-de-France, qui sont concernées par des Orcod d'intérêt national.

Pour rappel, la France compte une trentaine d'EPF au total. Il s'agit d'opérateurs fonciers, qui ont vocation à céder les terrains qu'ils ont acquis et gérés. Il s'agit en somme de « transformateurs » et non de bailleurs sociaux ou d'aménageurs.

En règle générale, le foncier que ces établissements « portent » est constitué de friches, une tendance qui s'est accentuée depuis la mise en oeuvre du « zéro artificialisation nette » (ZAN) : nous gérons beaucoup de terrains urbains, souvent bâtis, et quasiment plus d'espaces naturels ; il s'agit de plus en plus d'immeubles en monopropriété ou en copropriété, qui sont destinés à être transformés en logements sociaux. Beaucoup d'opérations se déroulant en Île-de-France sont réalisées aujourd'hui selon ces modalités.

À cet égard, la loi Habitat dégradé nous offre un certain nombre d'outils et nous donne des perspectives intéressantes dans le cadre de notre activité traditionnelle de mobilisation du foncier pour le compte des collectivités que nous assistons.

En créant les Orcod, et plus spécifiquement les Orcod d'intérêt national, définis par décret en Conseil d'État au regard de certains critères de gravité, la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi Alur », a confié aux EPF d'État, en plus de leur mission d'opérateur foncier, un rôle d'aménageur, au sens du code de l'urbanisme, un rôle de pilote et d'ensemblier d'une démarche qui est, par nature, assez complexe et implique beaucoup d'acteurs, ainsi qu'un rôle de financeur de ces opérations de requalification grâce à la mobilisation d'une partie de notre ressource fiscale qui résulte, comme vous le savez, de la taxe spéciale d'équipement.

Il existe quatre Orcod-IN en Île-de-France, les deux plus importantes étant celles de Clichy-sous-Bois et de Grigny, communes dont votre commission a d'ailleurs auditionné les maires le mois dernier. Ces opérations concernent de grands ensembles : d'une part, ceux, massifs, des années 1970, qui posent des problèmes de sécurité, sans pour autant soulever des problèmes d'insalubrité plus classiques et, d'autre part, de petites copropriétés dans les coeurs de ville, de plus petite taille, souvent construites dans les années 1900, dont l'état de dégradation ou d'insalubrité les expose à des arrêtés de péril - je vous renvoie à cet égard aux exemples cités dans le rapport Hanotin-Lutz, dont une grande partie des recommandations ont été reprises dans la loi Habitat dégradé.

Notre diagnostic de ces copropriétés est limpide : nous observons tout d'abord un état de dégradation du bâti important, un foncier en mauvais état, parce qu'il n'a pas été bien géré pendant des décennies. C'est notamment le cas à Clichy-sous-Bois, dans la mesure où ce grand ensemble souffrait aussi de nombreuses malfaçons - il est concerné par un arrêté de péril en raison de son manque de solidité. Nous constatons également l'essor des phénomènes de pauvreté : plus de 40 % des ménages résidant dans ces ensembles vivent, dans des proportions variables selon les immeubles, sous le seuil de pauvreté. Enfin, ces copropriétés se caractérisent par un taux élevé de propriétaires bailleurs : il s'élève à 80 % à Clichy-sous-Bois et atteint 50 % à Grigny ; parmi ces propriétaires bailleurs, la proportion de marchands de sommeil est en outre significative.

Il est par ailleurs à noter que la valeur de ces logements s'est érodée avec le temps. Un logement de taille moyenne à Clichy-sous-Bois ou à Grigny vaut environ 60 000 euros. Dans les Orcod-IN de Villepinte et de Mantes-la-Jolie, la valeur des logements est légèrement supérieure, car le bâti est moins dégradé. En tout état de cause, le marché locatif est inexistant, si ce n'est pour les marchands de sommeil, que nous nous sommes efforcés de cibler prioritairement dans le cadre de nos interventions, tout simplement parce qu'ils se livrent à un business juteux et quasi mafieux.

Les opérations que nous menons sont assez lourdes, puisqu'elles impliquent l'intervention et, donc, la coordination de nombreux acteurs. Au-delà de l'achat des logements à proprement parler, une acquisition que nous faisons d'abord lot par lot, puis dans le cadre de déclarations d'utilité publique - cette intervention de nature foncière et immobilière s'inscrit dans les missions traditionnelles d'un EPF -, notre action repose sur un accompagnement social massif, qui vise notamment à assurer le relogement des ménages concernés, lesquels sont parfois composés de personnes en situation irrégulière, qui plus est victimes de marchands de sommeil. Nous élaborons à cette occasion une charte destinée à lutter contre l'habitat indigne prévoyant la mise en place de procédures spécifiques.

Nous agissons également en faveur des copropriétés, qui ne sont pas concernées par ce recyclage foncier, en mettant en oeuvre des plans de sauvegarde dans le cadre de conventions signées avec l'Anah et, éventuellement, des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (Opah). Je précise qu'une Orcod, dès lors qu'elle constitue un vaste projet urbain et s'apparente à une opération d'aménagement, s'inscrit aussi dans le cadre d'un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Vous le constatez, les Orcod nous permettent d'actionner un grand nombre de leviers.

La gouvernance des opérations de requalification est assez complexe. Il existe cependant un comité de pilotage associant l'ensemble des acteurs. Nous ne pouvons que nous féliciter du partenariat fructueux noué entre les différents intervenants, qu'il s'agisse d'Action Logement, de l'Anah, des collectivités locales, de l'Agence régionale de santé (ARS), de l'Union sociale pour l'habitat d'Île-de-France (Aorif) ou de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Un pilotage plus restreint réunissant la commune, l'État et l'EPF est également prévu. La direction de projet nous est confiée : elle a pour objet de garantir une bonne coordination des interventions de chacun.

Pour être tout à fait complet au sujet des quatre Orcod-IN d'Île-de-France, je vous livre quelques chiffres. L'Epfif a acquis 2 555 lots au total, c'est-à-dire que nous avons atteint environ 60 % de notre objectif.

Pour ce qui est de l'Orcod de Clichy-sous-Bois plus particulièrement, sachez que nous avons procédé à 1 200 démolitions et que 1 500 logements ont été recréés dans une perspective naturellement plus contemporaine de l'aménagement urbain, puisque des espaces verts et des commerces au pied d'immeuble ont été conçus. Sur les pourtours de l'opération de requalification stricto sensu, nous accompagnons certaines copropriétés, soumises à un simple plan de sauvegarde, tout simplement parce que leur état ne nécessite pas que l'on recoure à une intervention de plus grande ampleur. Dans le reste du périmètre, nous aidons les copropriétés à se redresser financièrement - nous achetons, dans cette perspective, 10 à 15 % des logements au sein de la copropriété visée. En somme, les Orcod permettent non seulement de reloger des ménages, mais aussi de stabiliser les comptes des copropriétés qui peuvent encore être sauvées.

Au total, dans le cadre des quatre Orcod-IN franciliennes, 650 ménages ont déjà été relogés ; quarante et un plans de sauvegarde, dont vingt-sept dans le cadre de la seule Orcod-IN de Grigny, sont en cours.

Dès que nous prenons possession des logements, nous réalisons des travaux de sécurité s'ils s'avèrent nécessaires, travaux qui sont financés à 100 % dans le cadre de l'opération. Nous parvenons également à financer la quasi-totalité des travaux d'aménagement et d'amélioration des logements conservés dans le cadre des plans de sauvegarde, grâce aux aides de l'Anah ou au dispositif +X apporté directement par l'Epfif. Ces aides représentent la quasi-totalité du coût de l'opération, avec un reste à charge minime pour le copropriétaire représentant environ la somme due au titre de la TVA et possiblement les frais financiers.

Pour gérer ces quatre opérations de requalification, l'Epfif s'est doté d'une direction générale spécifique, dont dépendent quatre agences qui sont sur le terrain, et qui mobilise une dizaine de personnes. Nous avons aussi créé un centre de ressources, qui apporte son expertise tant à nos collègues des établissements publics fonciers locaux qu'à tout opérateur ou toute collectivité qui entend mener une Orcod. Ce centre est extrêmement sollicité : il fournit moult documents et assure des formations ; il a vocation à apporter éventuellement des solutions sur le terrain, sans pour autant prétendre jouer le rôle d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO).

Vous m'interrogez, madame la présidente, sur l'accompagnement social que nous délivrons aux populations fragiles dans le cadre des Orcod-IN. Sachez que les locataires sont maintenus en place jusqu'à ce que leur logement soit démoli. Nous laissons aux propriétaires occupants une liberté de choix totale : ils peuvent choisir une vente libre ou décider de rester dans leur logement en attendant d'être relogés ailleurs. Nous avons en outre mis en place un dispositif de location-réaccession, qui doit permettre aux propriétaires occupants qui vendent un logement dont la valeur a beaucoup chuté, de racheter un logement réhabilité, ce qui leur permet de bénéficier de travaux financés par la puissance publique. Ce dispositif, en cours d'expérimentation, me semble intéressant : de nombreux propriétaires vivent dans ces quartiers depuis plus de trente ans et souhaitent y rester.

J'ajoute que nous avons engagé des opérations de maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale (Mous), qui offrent un accompagnement spécifique aux familles qui souhaitent constituer un dossier auprès de la caisse d'allocations familiales (CAF), un dossier de surendettement, ou qui veulent bénéficier des aides du Fonds de solidarité pour le logement (FSL), notamment parce qu'elles éprouvent des difficultés financières pour se maintenir dans leur logement. Enfin, nous accompagnons les copropriétaires à travers un certain nombre de formations, notamment sur la meilleure manière de bien gérer une copropriété.

Le pilotage des Orcod-IN nous pose malgré tout quelques difficultés. Tout d'abord, ces opérations de requalification impliquent le déploiement de moyens significatifs : des moyens humains, mais aussi financiers. En moyenne, dans le cadre des Orcod, le montant des aides publiques - TSE, aides de l'Anah, aides de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) - s'élève à environ 120 000 euros par logement, dont un bon tiers est consacré à l'ingénierie, notamment sociale. Un tel chiffre est probablement transposable aux plus petites copropriétés se situant dans les coeurs de ville, dans la mesure où elles sont confrontées à des problèmes similaires.

Le relogement des occupants reste difficile à mettre en oeuvre, en particulier en dehors du site concerné par la requalification, car il faut alors prélever des logements sur le contingent social existant. Or, si l'on prend l'exemple du département de la Seine-Saint-Denis, on s'aperçoit que ce contingent est déjà saturé, notamment par les opérations Anru et les relogements relevant du droit au logement opposable (Dalo). Cette problématique est susceptible de ralentir les opérations, même si des protocoles ont été mis en place avec les bailleurs sociaux.

Je n'oublie pas la question du manque de moyens de la justice : nous manquons notamment de juges de l'expropriation pour faciliter les interventions, dans le cadre des Orcod-IN notamment.

Vous m'interrogez également, madame la présidente, sur la prise en compte des petites copropriétés des coeurs de ville par les EPF.

En cas de recyclage foncier, l'intervention des EPF est strictement foncière et s'inscrit dans le cadre d'une convention signée avec la collectivité locale. La loi Habitat dégradé nous procure des outils intéressants, notamment la possibilité de mettre en oeuvre une procédure de déclaration d'utilité publique (DUP) et, donc, d'expropriation, en amont, avant que la situation ne se dégrade. Pour bien faire, il convient d'abord de recourir aux outils régaliens - je pense à la loi tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre, dite « loi Vivien » -, avant de se lancer dans des opérations de maîtrise publique foncière ; en faisant l'inverse, on attire les marchands de sommeil, et la puissance publique se transforme elle-même en marchand de sommeil pour avoir acheté trop tôt... Il faut se méfier de cet écueil.

Si le portage foncier est destiné au redressement d'une copropriété, l'Epfif a tendance à créer des filiales, car nous estimons que ce n'est pas tout à fait notre coeur de métier. Nous nous associons aux bailleurs sociaux et à Action Logement pour les pavillons, à CDC Habitat pour les copropriétés.

En la matière, les besoins en ingénierie, en particulier technique, sont énormes. Les communes, notamment les plus petites, s'appuient sur l'expertise des EPF ou encore celle des sociétés d'économie mixte (SEM) pour la gestion d'un site et le lancement des procédures. En revanche, elles doivent la plupart du temps faire appel à des financements extérieurs pour combler leurs besoins en ingénierie sociale.

Vous le suggériez dans votre propos liminaire, madame la présidente, la détection des difficultés en amont permet effectivement d'éviter, autant que faire se peut, les interventions chirurgicales de type Orcod-IN. D'une certaine manière, c'est la solution que nous appliquons sur les sites dont nous nous occupons et qui ne relèvent pas d'une opération de requalification.

La loi Habitat dégradé offre un large panel d'outils à notre disposition. Un certain nombre de mesures sont d'ailleurs inspirées de notre propre expérience, notamment la scission judiciaire des copropriétés et la procédure de prise de possession anticipée. Ces dispositifs nous permettent d'agir plus vite, sans attendre, par exemple, que le juge de l'expropriation ait statué.

Je l'ai déjà dit, nous assurons un accompagnement social de grande ampleur dans le cadre des Orcod-IN, même si je considère que les fonds de solidarité pour le logement des départements de la Seine-Saint-Denis et de l'Essonne ne sont pas forcément à la hauteur des enjeux.

Vous avez évoqué la question du rachat des biens. L'évaluation d'un logement par France Domaine tient compte de l'occupation effective ou non du logement, puisqu'il faut prendre en considération les frais de relogement. Certains propriétaires, qui avaient acheté leur bien il y a dix ans, possèdent effectivement un logement qui a perdu de la valeur. Cela étant, nous constatons que notre intervention contribue à interrompre la spirale de dégradation, y compris économique, de ces grands ensembles. Nous l'observons notamment à Clichy-sous-Bois où la baisse des prix s'est enrayée depuis le lancement de l'Orcod-IN.

Vous souhaitez m'entendre sur la question du relogement des habitants. Les procédures de relogement qui s'appuient sur les solutions temporaires prévues par la loi fonctionnent à petite échelle, mais sont inefficaces à une échelle comme celle des sites concernés par les Orcod-IN. Cet enjeu reste problématique et complexe à gérer.

Pour ce qui est des petites copropriétés, je pense qu'il faut engager des démarches analogues à ce que nous faisons pour les grands ensembles. Cela étant, il faudra trouver les financements...

Pour terminer, permettez-moi d'aborder la question de la taxe spéciale d'équipement. Dans sa version initiale, le projet de loi Habitat dégradé prévoyait de plafonner à 5 euros par habitant la part de TSE pouvant être affectée par les EPF d'État dans le cadre des opérations de requalification, ce qui représentait pour la région francilienne un peu plus de 60 millions d'euros.

En Île-de-France, les administrateurs, tous confondus, ont accepté, après que nous avons constaté que ces 60 millions d'euros ne suffisaient plus, de voter une part de TSE supplémentaire pour qu'aucun prélèvement ne soit effectué sur l'activité ordinaire, qui reste essentielle : cette part de TSE est donc passée de 5 à 15 euros - 14 euros aujourd'hui.

Nous avions anticipé ce vote, puisque le conseil d'administration de l'Epfif a prévu un budget dans lequel les ressources tirées de la TSE représentent 6 euros par habitant. Il sera difficile d'aller au-delà de ce montant, sauf à obérer les autres opérations conduites sur les friches, y compris dans les coeurs de ville.

Mme Sophie Lafenêtre, directrice générale de l'établissement public foncier d'Occitanie. - Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je ne compléterai que très partiellement les propos de Gilles Bouvelot, tout simplement parce que nous intervenons bien moins que l'Epfif sur les copropriétés dégradées.

En effet, nous agissons sur des territoires extrêmement différents et il nous est demandé en conséquence de travailler sur des thématiques très diversifiées. Ainsi, notre champ de compétence est vaste, allant du secteur économique aux risques, notamment le risque inondation.

En matière d'habitat, nous nous occupons bien évidemment de la revitalisation des centres anciens, ce qui représente une activité colossale dans une région qui regroupe treize départements ; nous sommes mobilisés sur les enjeux liés à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), sur les problématiques d'habitat spécifique, en particulier le logement des saisonniers, ainsi que sur celle de l'habitat dégradé, qui concerne majoritairement des logements individuels ou des monopropriétés dégradées.

Les copropriétés nous sollicitent essentiellement pour trois types d'interventions : il y a tout d'abord les interventions qui s'inscrivent dans le cadre du NPNRU). Je citerai les exemples de Muret dans la périphérie de Toulouse, du quartier de la Mosson à Montpellier, ou de l'ensemble du Portal à Nîmes. Dans ce cadre, notre mission est de droit commun : elle consiste à acquérir et à recycler des logements par démolition.

La deuxième source de sollicitations, nettement plus importante, concerne de petites copropriétés : on nous demande d'agir, soit dans le cadre de la revitalisation de centres anciens, soit dans le cadre d'interventions hors ANRU. Cela représente un volume d'interventions significatif, et toute la chaîne des acteurs est mobilisée. Ce chaînage est essentiel, puisque, je le rappelle, les établissements publics fonciers ont pour mission première d'être des porteurs transitoires : notre rôle est d'accélérer la réalisation d'un projet en assurant sa maîtrise foncière ou immobilière. Ce qui relève de la sortie, de la réhabilitation ou du réaménagement ne nous concerne théoriquement pas. Nous sommes censés pourvoir nous concentrer sur l'aspect procédural des interventions, la négociation et la gestion technique de ces opérations.

Dans ce cadre, la question de la maîtrise des polices de l'habitat se pose avec acuité : comment faire pour coller un arrêté de traitement de l'insalubrité ? Comment prescrire une interdiction temporaire ou définitive d'habiter ? Nous sommes évidemment appelés à cofinancer les études, même si le maître d'ouvrage reste la collectivité. Enfin, nous agissons en lien avec l'Anah : les logements acquis et réhabilités doivent-ils être maintenus dans la copropriété ou en sortir ?

Plus récemment, on a fait appel à nous pour piloter l'Orcod-IN d'un quartier de Nîmes, qui regroupe 1 600 logements sociaux, et sur lequel portait déjà un NPNRU. Dans ce cadre, nous sommes aménageurs, comme l'est l'EPF d'Île-de-France. Les enjeux sont les mêmes : empêcher la venue des marchands de sommeil, favoriser le relogement, sécuriser les copropriétés et prendre des mesures « anti-squat », assurer le recyclage partiel ou total de tout un ensemble, sachant que près de la moitié des 1 600 logements sociaux seront à recycler. L'autre moitié sera traitée via des plans de sauvegarde et sera concernée par des opérations de redressement ou des démolitions partielles - l'outil de scission figurant dans la loi Habitat dégradé est de ce point de vue extrêmement intéressant.

J'insiste, comme l'a fait Gilles Bouvelot sur le fait qu'il ne s'agissait pas là de notre mission première, puisque les EPF sont avant tout des porteurs transitoires. Ce rôle de gestionnaire qui nous échoit a un impact en termes de gestion des personnes et des biens et, donc, des incidences extrêmement importantes sur le plan administratif. D'une certaine manière, nous avons changé de métier : nous sommes chargés de la gestion patrimoniale et locative de ces logements, alors que nous ne sommes pas structurés comme un bailleur social pour gérer des rentrées locatives. Aussi sommes-nous obligés de mettre en place toute une série de mandats de gestion et de collaborations avec des partenaires - CDC Habitat, bailleurs sociaux - qui nous aident sur ce volet « gestion ».

Comme l'Epfif, nous avons créé une direction ad hoc, à laquelle nous avons confié le pilotage de l'Orcod-IN, mais uniquement pour ce qui concerne des aspects déjà traités dans le cadre d'opérations menées sur d'autres copropriétés. Nous nous appuyons également sur le centre de ressources géré par l'Epfif.

Pour mieux repérer les copropriétés en difficulté à l'échelle de l'Occitanie, nous avons développé un outil spécifique de qualification des copropriétés, en partenariat avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), qui permet de croiser les fichiers du RNIC, un certain nombre de données foncières et d'indicateurs territoriaux - niveau de vacance, dates de rénovation du bâti, proportion de propriétaires occupants : cet outil nous aide à obtenir rapidement une qualification très précise des copropriétés, des plus petites à des copropriétés d'une trentaine de lots. Nous avons mis cet instrument à la disposition des collectivités : il sert à démontrer le bien-fondé d'une potentielle intervention sur des copropriétés, qui ne souffrent pas forcément de paupérisation avancée, mais qui pourraient, à un moment donné, basculer.

S'agissant de la TSE, je rappelle que l'EPF d'Occitanie a pour mission d'intervenir dans le secteur de l'habitat - cela représente 70 % de ses engagements financiers -, de participer au développement économique du territoire - cette mission correspond à 20 % de son budget -et d'agir en matière de prévention des risques - pour 10 % de ses capacités financières restantes. Si l'on veut densifier les centres anciens et reconquérir des logements vacants, encore faut-il qu'on réduise le risque inondation, notamment par des aménagements hydrauliques en amont.

Avant le lancement de l'Orcod-IN de Nîmes, la part de TSE s'élevait à 6,4 euros par habitant en Occitanie. Un tiers de cette ressource fiscale a été budgétisé. La part affectée à l'Orcod-IN s'élève, elle, à 1,7 euro par habitant pour l'ensemble de la région. Aussi, la pression fiscale qui pèse sur la région reste-t-elle acceptable pour notre région.

En termes de financement, je partage le constat de Gilles Bouvelot : chaque nouveau retard, en particulier en cas de relogement nécessitant du gardiennage, fait grimper les coûts sur la partie travaux et gestion, alors que la copropriété se vide de plus en plus. La question de la TSE disponible par rapport à l'ensemble des actions à conduire à l'échelle de la région reste une équation compliquée quand vous ne disposez que de 1,70 euro par habitant.

En ce qui concerne l'Orcod, nous levons environ 7,5 millions d'euros par an pour une opération globale estimée à 180 millions d'euros. Pour maintenir ce niveau d'activité, il faudrait que nos ressources soient a minima préservées. Si l'on acquiert d'autres copropriétés du même acabit, nous aurons du mal à suivre et à maintenir les activités sur lesquelles nous sommes déjà engagés pour plusieurs années.

En matière de foncier, particulièrement en ce qui concerne les copropriétés, lorsque l'on « rentre » et que l'on commence à acquérir, ce n'est pas pour « sortir » au bout d'un an. Les actions de type revitalisation des centres anciens ou portage sur le développement économique en accompagnement emploi-logement font que nous ne pouvons pas récupérer nos fonds dans l'immédiat par des ventes. Nous avons donc besoin a minima de ressources pérennes. J'ai dimensionné l'activité en fonction de la TSE dont je dispose : si on nous demande d'aller beaucoup plus loin, nous devrons procéder à des arbitrages sur nos actions au sein des conseils d'administration.

Mme Léa Makarem, présidente exécutive de la Sifae (Société immobilière et foncière d'Action logement et de l'Epfif). - La Sifae est assez récente, puisqu'elle a été créée en 2021 par l'Établissement public foncier d'Île-de-France et Action Logement Immobilier, qui en sont actionnaires à 50 %.

Nous sommes partenaires d'une vingtaine de collectivités et participons à une démarche de lutte contre la dégradation de l'habitat, spécifiquement en tissu pavillonnaire. Nos partenariats prennent la forme, d'une part, de protocoles d'intervention avec des communes et, d'autre part, de conventions de coopération avec des établissements publics territoriaux (EPT). Ils consistent à identifier des propriétés privées dégradées, à les acquérir, puis à les transformer en logement social ou principalement en logement social et intermédiaire avec des bailleurs sociaux, après requalification et travaux de requalification.

Depuis trois ans, nous avons identifié avec ces collectivités près de 500 adresses présentant des caractéristiques d'indignité. Cette première étape permet de faire émerger une véritable problématique dans ces tissus, qui sont finalement peu connus, ou du moins rarement pris en compte dans les études urbaines et dans les diagnostics sur l'habitat. Pourtant, les communes avec lesquelles nous travaillons commencent à prendre la mesure de ce phénomène et à en payer le prix. Nous-mêmes, nous faisons assez quotidiennement le constat de la paupérisation de certains quartiers pavillonnaires, de la dégradation de l'habitat, de la baisse des valeurs à la revente, ainsi que du départ de propriétaires occupants au profit de propriétaires bailleurs, voire de marchands de sommeil.

Or les communes qui sont confrontées à cette problématique sont justement celles qui ont beaucoup investi dans leurs copropriétés dégradées, dans les grands quartiers d'habitats sociaux ou dans les centres anciens dégradés. S'il est assez difficile de décrypter les raisons de ce mécanisme de report, nous en faisons néanmoins le constat et ces quartiers sont finalement, en quelque sorte, l'angle mort des politiques de la ville.

Nous disposons d'assez peu de chiffres pour mesurer l'importance de cette paupérisation des tissus pavillonnaires. Selon le diagnostic régional francilien réalisé par la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (Drihl), il y avait 1 000 maisons potentiellement indignes en 2019 dans le périmètre des EPT les plus touchés, soit 4 000 à 5 000 propriétés privées concernées. Cette dimension est donc non négligeable et ce problème encore mal identifié.

L'enjeu est avant tout préventif : il s'agit d'enrayer le phénomène pour éviter que les quartiers pavillonnaires d'aujourd'hui deviennent les copropriétés dégradées de demain. De plus, ces divisions qui causent du mal-logement en locatif donnent aussi naissance à de petites copropriétés qui vivent assez mal. La vente à la découpe de ces pavillons est sans doute la pire des situations. Le risque est que, d'ici à quelques années, en plus du sujet technique et financier se pose celui du relogement, avec notamment des cas de suroccupation. La réponse de la Sifae est donc avant tout préventive. Elle permet de traiter des biens dégradés qui ont été transformés par leur propriétaire en logements aménagés dans des sous-sols ou dans des caves, et qui, du fait de ces divisions, sortent du marché classique de l'accession et ne peuvent être rachetés que par des bailleurs privés, voire par des marchands de sommeil.

L'objectif de la démarche est aussi d'attirer dans ces quartiers quasiment intégralement privés des bailleurs sociaux, qui sont censés investir massivement pour requalifier ces logements et créer une nouvelle offre de logements abordables. À ce jour, nous avons acquis ou sommes en train d'acquérir en Île-de-France 66 pavillons, qui donneront à terme, après les travaux de requalification, environ 150 logements.

Si nous répondons partiellement au problème, cette action reste selon nous insuffisante, dans certaines communes, pour enrayer le phénomène. Les moyens humains et financiers pour réaliser un traitement curatif ne peuvent pas reposer entièrement sur les collectivités. À certains égards, les quartiers pavillonnaires sont peut-être plus complexes encore à traiter que les copropriétés : dans ces quartiers, les collectivités font face à une multitude de propriétaires et n'ont pas l'intermédiaire ou l'interlocuteur référent que peuvent être le syndic, l'association de représentants de locataires ou le gestionnaire. En outre, le relevé des propriétés à traiter est complexe à établir, car, de fait, l'habitat est disparate : l'âge du bâti, son état, sa typologie sont très variables. On ne peut donc faire que du cas par cas.

Enfin, faire venir des bailleurs sociaux est peut-être encore plus compliqué : ces opérations sont coûteuses - si l'on englobe l'acquisition et les travaux, on dépasse pour certaines d'entre elles les 4 000 euros - et mobilisent fortement les équipes pour un nombre de logements finalement toujours assez faible. En effet, transformer un pavillon en cinq logements ne fera jamais, par unité foncière, que cinq logements.

Il y a tout de même selon nous un modèle à inventer pour ces quartiers dégradés. Un état des lieux de leur appauvrissement est certainement nécessaire. Cela vaut pour l'Île-de-France, mais pas seulement. Il serait intéressant de savoir si cette démarche fait écho dans d'autres territoires. Par ailleurs, les collectivités auront besoin d'un relais, qu'il faut prévoir et organiser. L'idée de donner la possibilité de déléguer le droit de préemption nous semble très intéressante. Dans le cadre de cette démarche, nous avons identifié depuis trois ans 200 adresses, qui font aujourd'hui l'objet d'une veille des collectivités sur les déclarations d'intention d'aliéner (DIA). Une chose est sûre, les collectivités ne pourront pas tout préempter.

Enfin, il faudrait que les quartiers pavillonnaires - ils représentent 20 % des habitats en métropole - soient mieux pris en compte dans les réflexions générales, et que ces réflexions soient menées sous l'angle de la lutte contre l'habitat indigne, afin que l'on puisse mettre en oeuvre des opérations d'ensemble. Dans ces quartiers pavillonnaires, la coordination des différents acteurs fait parfois défaut, qu'il s'agisse des actions curatives menées par les collectivités ou des sorties d'habitat indigne. Elle est en tout cas nécessaire pour enrayer le phénomène de paupérisation qui est à l'oeuvre.

En ce qui concerne France Domaine, les références sont globalement justes. Néanmoins, nous constatons, sur la question spécifique du pavillonnaire, des décotes pour des travaux en fonction de l'état des biens, qui sont souvent sous-évalués. Les références sont en effet de l'ordre 500 à 800 euros par mètre carré pour des travaux, quand nos estimations atteignent plutôt 1 700 à 2000 euros sur ce type d'habitat.

Pour ce qui est des surfaces, je prendrai l'exemple de deux pavillons - de fait des pavillons-dortoirs - que nous avons acquis dans la commune d'Aubervilliers auprès d'un marchand de sommeil. De nombreuses surfaces présentaient soit des conditions impropres à l'habitation, soit des hauteurs sous plafond insuffisantes. Finalement, il va falloir démolir ou, du moins, restructurer lourdement ces surfaces pour qu'elles redeviennent véritablement habitables. Il est peut-être difficile pour France Domaine d'évaluer ces surfaces, qui pourtant existent, que les propriétaires entendent céder et valoriser.

Par ailleurs, le coût de la démolition ou du curage de ces annexes aménagées en logement n'est jamais pris en compte dans les valorisations. Elles représentent pourtant une charge pour l'opérateur qui devra curer ces surfaces. Une directive sur les règles de calcul pourrait peut-être permettre d'homogénéiser les pratiques et les références d'un territoire à l'autre.

Sur la question des petites copropriétés, le modèle Sifae n'a pas été imaginé pour acheter directement des lots de copropriétés. Nous avons toutefois connaissance de ces petites copropriétés en tissu pavillonnaire, sur lesquelles nos collectivités partenaires nous ont alertés. De manière ponctuelle, elles ont été traitées via des rachats directs par les collectivités et des reventes à des bailleurs. Là encore, il n'y a finalement que les bailleurs qui puissent racheter ensuite ce type de biens, dont le traitement est assez coûteux et nécessite de gros travaux.

Enfin, nous n'avons pas eu l'occasion de travailler sur des rachats de pavillon en ASL.

Mme Marianne Margaté, rapporteure. - Je vous remercie. Je retiens de vos interventions - en tout cas pour l'EPF d'Île-de-France - que la question des petites copropriétés est secondaire et que les EPF n'ont pas véritablement déployé d'intervention structurée en la matière. Cela peut s'entendre, au regard des grands enjeux que vous nous avez présentés.

Pour autant, notre commission d'enquête s'intéresse à ce qui semble être un angle mort, celui des petites copropriétés. Si les copropriétés suscitent un intérêt croissant et font l'objet de nombreuses interventions, les plus petites d'entre elles ont besoin d'une chaîne d'acteurs et de dispositifs efficaces, en premier lieu pour être identifiées. À cet égard, l'outil de connaissance et de qualification développé par l'EPF Occitanie est intéressant.

Vous avez indiqué que la question des petites copropriétés prenait de l'ampleur. En tant que responsables d'EPF, avez-vous été saisis par les maires ou les intercommunalités sur leurs difficultés à intervenir sur ces petites copropriétés dont eux-mêmes ont peut-être eu jusqu'à présent peu connaissance, mais qui commencent, du fait de l'actualité ou des interpellations des habitants, à prendre une place croissante ?

Par ailleurs, l'outil de qualification mis en place par l'EPF Occitanie s'accompagnera-t-il de propositions d'actions particulières en direction des élus et des communes concernés ? Peut-il être utile à l'élaboration d'une politique d'intervention dans les petites copropriétés ?

Enfin, dans les dispositifs que vous mettez en place sur le foncier ou les reventes, travaillez-vous avec les organismes de foncier solidaire (OFS) sur l'option du bail réel solidaire (BRS) ? Comment prenez-vous en compte celle-ci en compte ?

M. Gilles Bouvelot. - Nous allons développer notre action sur les petites copropriétés, qui peuvent tout de même compter jusqu'à quinze logements. La loi Habitat dégradé nous donne des outils. Mais pour intervenir - beaucoup de communes ont senti le problème, mais n'ont pas pu acheter plus de trois lots en dix ans -, il faut un véritable diagnostic, il faut avoir un projet et il faut anticiper : veut-on recycler la copropriété, la démolir, la transformer en logement social ? Forts de notre expérience, nous agirons sur ces petites copropriétés, sachant que ces opérations seront financées non pas par la TSE, mais par l'Anru notamment.

L'identification de ces petites copropriétés n'est pas simple en effet. Au sein de Plaine Commune, Mathieu Hanotin a tout de même réalisé un travail précieux. Des agences d'urbanisme, comme l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur), commencent par ailleurs à mettre en place des outils de repérage des copropriétés en début de difficultés.

L'EPF d'Île-de-France ne finance pas ce genre d'études en direct, mais cofinance à hauteur de 50 % - pour un montant d'environ 1 million d'euros par an - des études stratégiques conduites par les intercommunalités. Ces dernières nous permettent à la fois de jouer notre rôle de service public, d'alimenter nos actions opérationnelles et de développer nos activités. Aujourd'hui, il s'agit plutôt d'études sur l'évolution des zones d'activité économique ou sur les programmes locaux de l'habitat (PLH), mais nous pourrions cofinancer une étude sur cette thématique, à condition que l'intercommunalité la porte.

J'en viens aux organismes de foncier solidaire, à qui nous cédons de plus en plus de foncier. À l'instar de certains de nos collègues, nous avions envisagé de créer un OFS sous la forme d'une filiale, mais il en existe déjà huit en Île-de-France, dont quatre qui fonctionnent parfaitement. Il s'agit donc pour nous plutôt de partenaires en aval. Nombre d'opérations sont mixtes désormais. Les règles issues de la loi SRU exigent une proportion de logements sociaux selon la situation de la commune. Le logement social représente ainsi 40 % de nos cessions et l'accession sociale de type BRS ou autres en représente 10 % à 15 %. Cette proportion est à la hausse, de même que celle des logements intermédiaires. Nous faisons d'ailleurs bénéficier les opérations BRS de la minoration que nous appliquons au logement social. Cela permet de limiter le montant des loyers payés par les propriétaires locataires.

Mme Léa Makarem. - Nous avons étudié l'option du BRS pour plus de la moitié des biens que nous avons achetés avec des OFS. Malheureusement, nous n'en avons mis en place qu'un seul. C'est dommage, car il s'agit d'un montage particulièrement adapté pour faire revenir des propriétaires occupants dans ces quartiers et garantir leur présence. Le coût de ces opérations fait que le prix de sortie est rarement inférieur au prix de marché. C'est donc pour des raisons financières que cela n'a pas fonctionné.

Mme Sophie Lafenêtre. - La question qui a été posée est stratégique. Nous intervenons déjà sur de petites copropriétés et continuons à le faire en masse, mais sans forcément le savoir. Cela dépend de ce que l'on veut en faire à la fin. Ainsi, nous intervenons fréquemment sur des copropriétés que nous sortons du statut de la copropriété, notamment dans les secteurs moins tendus. Jusqu'à présent, nous ne nous posions pas la question en ces termes et ne traitions pas ces opérations, qui se déroulent d'ailleurs assez vite, comme des opérations sur des copropriétés. Il y a un changement de braquet dès lors que l'on se pose la question soulevée par Gilles Bouvelot de savoir ce que l'on fait de la copropriété concernée : est-elle appelée ou non à conserver son statut de copropriété ? Si oui, on sait moins faire.

Vous évoquez les interpellations des élus. Tous ceux qui se sont engagés dans les programmes Action coeur de ville et Petites Villes de demain commencent à adopter cet angle « copropriétés ». Dès lors que le diagnostic de l'habitat dégradé en copropriété a été fait, on se pose la question de la copropriété elle-même, et le diagnostic s'élargit. C'est ainsi que nous avons eu l'idée de créer cet outil de qualification offrant une vision globale, incluant les copropriétés en bonne santé dans lesquelles il y a un peu de vacances et où l'on peut imaginer aller chercher du logement à réhabiliter pour le remettre rapidement sur le marché.

L'angle mort se situe pour moi dans les PLH. La question de la copropriété n'est pas le premier angle d'attaque dans les plans locaux de l'habitat. Pour notre établissement public foncier, une intervention pertinente consiste, comme les collègues, à cofinancer les volets fonciers des documents intercommunaux ou des PLH afin de muscler la partie identification et qualification. Il s'agit de repérer soit des problèmes de dégradation soit, au contraire, des gisements potentiels de logements à reconquérir.

Je prendrai l'exemple assez parlant de la commune de Trèbes, dans l'Aude, où nous sommes intervenus, à la suite des inondations, pour démolir des quartiers entiers qui s'étaient retrouvés sous l'eau. Nous nous sommes alors rendu compte - personne ne s'était posé la question jusqu'alors - qu'une copropriété avait été épargnée et restait isolée sur la berge. Dans un premier temps, nous nous sommes dit qu'il serait compliqué de la raccorder au reste de la ville. Puis nous nous sommes rapprochés d'un bailleur social, avons mené des études, et nous envisageons désormais de maintenir la copropriété. Elle serait détenue à 80 % par le bailleur social et à 20 % par les propriétaires qui payent leurs charges et veulent y rester.

La démarche consiste donc à analyser la situation, à s'interroger sur les moyens à mobiliser, à mener les études, puis à déployer l'action foncière en lien avec un institutionnel qui sait gérer sa partie. Il est fondamental de déterminer le statut qui sera donné à la fin à la copropriété. Intervenir sur une copropriété n'est pas problématique ; la question est de savoir si le but est de lui laisser ce statut ou de la basculer en monopropriété gérée.

En ce qui concerne les dispositifs, le dispositif d'intervention immobilière et foncière (Diif) était intéressant, même si les collectivités - nous avons fait remonter ce point à l'Anah - n'en étaient pas, me semble-t-il, bénéficiaires. Il permettait de racheter des lots, d'avoir en quelque sorte des loyers plafonnés et de faire du logement social en reconquérant de petites copropriétés. Je ne sais pas ce qu'est devenu ce dispositif.

Enfin, sur la question du BRS, je rejoins ma collègue : nous pensons, dans le cadre de l'Orcod-IN, mettre en place du BRS sur nos produits. Pour les copropriétés - j'en discute avec plusieurs opérateurs, OFS et bailleurs sociaux -, j'ai toutefois du mal à l'envisager. Si des modèles intégrant du BRS commencent à sortir dans le neuf, peu d'opérations totems permettent de voir comment peut se gérer le BRS sur l'existant. En effet, les travaux de réhabilitation ne se financent pas de la même façon que pour la construction neuve, au travers de prêts.

Mme Audrey Linkenheld. - Ma question vient de trouver sa réponse dans les propos de Sophie Lafenêtre. J'en profite simplement pour la saluer.

M. David Ros. - Nous avons vu que les besoins en ingénierie comme en ressources humaines étaient assez lourds. Ce coût a-t-il été estimé ? Les dispositifs tiennent-ils compte de vos activités de soutien des différents organismes qui financent les établissements publics pour ce genre de missions ?

M. Laurent Burgoa. - Je salue à mon tour Sophie Lafenêtre. Nous avons travaillé ensemble pendant quelques mois, à Nîmes, sur des projets qu'elle a évoqués.

Ma question s'adresse aux deux directeurs d'EPF : avez-vous besoin d'outils juridiques supplémentaires pour être plus efficaces et plus rapides dans la lutte contre la paupérisation des copropriétés ? Par ailleurs, comme vous le savez, nous sommes dans un moment de simplification administrative. Avez-vous des préconisations à faire aux législateurs que nous sommes pour que nous vous facilitions la tâche ?

Mme Sophie Lafenêtre. - Sur la question des moyens humains, nous sommes en cours de développement, mais nous constatons que ces opérations - tant l'opération d'intérêt national que l'accompagnement d'une manière générale, quand bien même les acteurs sont multiples - sont beaucoup plus consommatrices que ce que nous avions imaginé initialement. Il s'agit d'un métier à part entière.

De notre côté, nous avons sous-estimé les choses. Est-ce pris en compte désormais ? Je serais tentée de répondre oui et non. Nos frais de structure étant pris en charge par la TSE, la question est de savoir à quel niveau de TSE on peut monter. Si derrière vous me demandez si d'autres financements sont possibles, je laisserai peut-être Gilles Bouvelot s'exprimer. Pour ma part, je n'ai pas encore discuté avec l'Anah et l'Anru pour savoir si des appuis pouvaient être envisagés. Nous sortirons nos statistiques en fin d'année. Clairement, le poids de l'investissement par rapport aux actions à mener doit être rapidement qualifié. Plus on prend de retard sur des questions de procédure, plus on alourdit la facture. Mais peut-être l'Epfif dispose-t-il déjà de ces éléments ?

Sur la partie simplification, nous sommes en train de regarder tout ce qui est sorti. En termes de procédure, il y a des choses très intéressantes sur les scissions. Nous n'avons pas encore testé la procédure de carence. Pour ma part, j'étais assez interrogative, car je trouve que la charge de la preuve est inversée par rapport à une déclaration d'utilité publique classique pour une opération d'aménagement. Il faut mesurer tout cela, mais peut-être l'Epfif pourra-t-il répondre à cette question ?

En revanche, nous avons toujours une question sur le rôle de syndics. La loi permet la mise en place d'un syndic d'intérêt public. Dans le cas de copropriétés extrêmement dégradées, on voit que l'administration provisoire fonctionne peu ou mal. Le syndic joue un rôle fondamental. S'agissant de métiers très spécifiques et faute d'adéquation totale avec le syndic, les opérations peuvent être ralenties. Je le répète, l'administration provisoire n'a pas totalement le même rôle qu'un syndic.

Ce sujet sur les copropriétés est pour moi un noeud gordien. Je ne suis pas sûre que les mesures qui ont été prises répondent totalement à l'enjeu de savoir qui doit gérer et accompagner le conseil syndical dans une copropriété très dégradée pour nous aider à gagner du temps. La question du temps est en effet cruciale. On voit bien que lorsqu'il faut réaliser des travaux d'urgence se posent toujours - et ce malgré les mesures qui sont mises en place - des questions financières. Des décisions doivent être prises, dans lesquelles le syndic joue un rôle majeur.

Je ne maîtrise pas suffisamment les dispositifs de manière opérationnelle pour suggérer des simplifications. Nous avons plutôt des interrogations sur la pertinence ou du moins la rapidité de certaines procédures.

M. Gilles Bouvelot. - L'équipe Orcod-IN de l'Epipf regroupe 50 personnes, soit une dizaine en moyenne sur chaque site, sur un effectif total de 250 personnes. Il faut bien voir que l'ingénierie, c'est aussi une quarantaine de personnes qui travaillent à temps plein sur chaque site. Ces frais de structure, assez lourds, sont pris en charge par la TSE. Une grande partie des 120 000 euros en moyenne par logement que j'évoquais sont affectés à de l'ingénierie.

En ce qui concerne les mesures, la loi Habitat dégradé a tout de même bien facilité les choses. Je rejoins Sophie Lafenêtre sur la question des syndics.

Un autre sujet est celui de l'endettement extrême : celui de la copropriété - quand on la liquide ou qu'on la scinde - ou celui des personnes. Comment gérer ces dettes afin de repartir du bon pied ? Il faut savoir que la dette locative d'une personne qui doit être relogée n'est pas reprise par le bailleur social. Il nous arrive donc, en tant qu'EPF et dans des situations de bonne foi, d'effacer la dette d'un locataire. Pour ce qui est des copropriétés endettées, il serait bon de réfléchir à des dispositions certes techniques, mais qui permettent de traiter cette question. À défaut, la copropriété subira le poids de sa dette pendant des décennies. Soyons clairs : ces situations vont se multiplier.

Mme Léa Makarem. - La possibilité de déléguer le droit de préemption nous semble très importante. Par ailleurs, il conviendrait de préciser la mise en oeuvre d'opérations de requalification pavillonnaire évoquée dans le projet de loi pour développer l'offre de logement abordable et de la considérer davantage sous l'angle de la lutte contre l'habitat indigne. Cela n'est pas forcément très clair.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Que voulez-vous dire ? Que la définition de la notion n'est pas très claire ?

Mme Léa Makarem. - Oui, il faut répondre à l'enjeu de la lutte contre l'habitat indigne. Au-delà du seul angle de la densification pavillonnaire, nous avons besoin d'outils plus coercitifs vis-à-vis des propriétaires de type marchands de sommeil. Aujourd'hui, hormis la préemption, nous manquons d'outils face à des propriétaires qui savent très bien contourner ou ralentir les procédures classiques de lutte contre l'habitat indigne.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Je vous remercie de ces contributions et de vos réponses. Je précise que nous achèverons nos travaux le 31 juillet prochain et que, d'ici là, un rapport sera publié sur le sujet de la paupérisation des copropriétés.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Audition de Mme Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Madame la rapporteure, mes chers collègues, nous achevons nos auditions du jour en accueillant Mme Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat, filiale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et acteur important dans la prise en charge des copropriétés fragilisées.

Madame, en premier lieu, j'aimerais que vous nous indiquiez comment et pourquoi CDC Habitat a été amenée à s'impliquer dans ce domaine - la copropriété n'était pas dans votre coeur de métier -, puis que vous nous présentiez le bilan de l'action du groupe que vous présidez. Combien d'interventions avez-vous réalisées ? Quels sont leur typologie et leurs effets ? Quels outils mettez-vous en oeuvre ? L'action de CDC Habitat présente-t-elle des spécificités ? Identifiez-vous des difficultés particulières et auriez-vous besoin d'outils supplémentaires que notre commission pourrait promouvoir ?

CDC Habitat présente la particularité d'être une filiale de la Banque des territoires et donc du groupe Caisse des dépôts et consignations. Ce positionnement vous donne-t-il une facilité supplémentaire pour accéder à des financements ? À votre avis, le modèle de financement des opérations de redressement des copropriétés est-il efficace ? L'articulation entre les subventions, leur préfinancement et les prêts qui peuvent être octroyés est-elle suffisamment rapide et fluide ? À ce sujet, le plan Initiative Copropriétés (PIC) ou les opérations de requalification des copropriétés dégradées (Orcod) parviennent-ils à créer une synergie suffisante entre les acteurs ?

Pouvez-vous faire une comparaison avec les opérations de petite taille réalisées dans le cadre des programmes Action coeur de ville ou Petites Villes de demain au profit de copropriétés ? Le rôle et les outils déployés par CDC Habitat sont-ils les mêmes que dans les grandes opérations ? Peut-il y avoir des enseignements croisés ?

Pour porter une partie de son action, CDC Habitat a mis en place, depuis 2018, CDC Habitat Action copropriétés. Quel bilan tirez-vous des activités de cette filiale ? De nombreuses personnes auditionnées ont fait état de l'utilité du portage immobilier dans des opérations de réhabilitation qui peuvent s'étendre sur des périodes supérieures à dix ans. Selon vous, quels sont les obstacles principaux à l'efficacité du portage immobilier sur ces copropriétés dégradées ? Est-ce une pratique à systématiser ou faut-il n'y recourir que dans des scénarios bien précis ?

Il nous serait également utile de vous entendre sur la question du relogement des habitants. L'impossibilité de relogement ou d'hébergement peut mettre à mal la bonne conduite d'une opération de réhabilitation ou de recyclage, avec des coûts supplémentaires liés à la contrainte du temps et à la poursuite de la détérioration du bâti. CDC Habitat est l'un des rares acteurs à être présent à chaque bout de la chaîne, intervenant sur le bâti d'une part, et comme bailleur d'autre part. Comment abordez-vous ce sujet ?

Enfin, notre commission d'enquête s'intéresse au rôle des syndics. Quelles sont vos relations avec les syndics en place dans les copropriétés où vous intervenez ? CDC Habitat envisage-t-elle de devenir « syndic d'intérêt collectif » à la suite de la publication, le 9 avril dernier, de la loi visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, dite « loi Habitat dégradé ». Par ailleurs, CDC Habitat a-t-elle prévu un dispositif qui prépare ses locataires à devenir copropriétaires dans la mesure où ce changement de statut ne s'improvise pas ? CDC Habitat a-t-elle également défini son rôle comme syndic social dans les copropriétés mixtes qu'elle gère ?

Avant de vous laisser la parole pour répondre à ces premières questions, il me revient de vous indiquer que cette audition est diffusée en direct et en différé sur le site internet du Sénat, et qu'un compte rendu sera publié.

Je dois également vous rappeler qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, qui peuvent aller de trois à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 euros à 100 000 euros d'amende.

Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Anne-Sophie Grave prête serment.

Mme Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat. - Nous avons décidé d'intervenir dans le domaine des copropriétés dégradées en 2019, notamment dans le cadre du plan Initiative Copropriétés.

CDC Habitat se définit comme un opérateur global de l'habitat d'intérêt public, c'est-à-dire que nous intervenons sur toute la chaîne du logement : depuis le secteur très social, par le biais de notre filiale Adoma, jusqu'au logement locatif social, en passant par le logement locatif intermédiaire, etc. Nous avons aussi vocation à accompagner des projets plus complexes, de renouvellement urbain par exemple.

Lorsque le plan Initiative Copropriétés a été lancé, très peu d'opérateurs pouvaient y répondre, et notre groupe a décidé de participer. Nous avons donc dû structurer une équipe ad hoc, car nous n'intervenions pas auparavant dans le domaine des copropriétés dégradées. Nous participions déjà à des opérations de renouvellement urbain dans le cadre du programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) : nous avions pu constater la différence entre la situation des copropriétés traitées dans ce cadre, grâce à l'intervention d'un bailleur social, et celle des copropriétés dégradées, qui malheureusement n'avaient pas pu bénéficier du dispositif. Notre participation à ce plan s'inscrivait donc dans une approche globale, au service du renouvellement urbain.

Comment se déroulent nos interventions ? Nous sommes sollicités la plupart du temps par des collectivités, ou par le préfet, voire encore par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) ou par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), deux agences avec lesquelles nous avons, au fil des années, tissé des relations étroites et qui peuvent, le cas échéant, nous mettre en relation avec des collectivités pour travailler sur le redressement d'une copropriété.

Dans un premier temps, nous établissons une sorte de diagnostic. Nous apportons une expertise à la collectivité sur les montages possibles. Dans un second temps, notre intervention entre dans la phase opérationnelle du redressement proprement dit, ou du « recyclage » lorsqu'il faut démolir le bâti et reloger les occupants.

Vous avez évoqué CDC Habitat Action copropriétés. Lorsque nous sommes sollicités par une collectivité pour redresser une copropriété, nous commençons en fait souvent, pour ne pas perdre de temps parce que les procédures sont longues, par signer avec la collectivité une convention d'urgence, afin de pouvoir commencer à acquérir des logements. Il faut éviter que des appartements ne soient achetés par des marchands de sommeil avant que l'opération ne soit finalisée. La convention d'urgence est définie avec la collectivité et porte sur un petit nombre de logements, mais elle nous permet d'agir tout de suite, d'acquérir des logements et de commencer notre travail de portage long ; les propriétaires occupants peuvent soit rester dans leur logement, soit le quitter, en fonction de leur projet.

Les logements acquis dans le cadre des conventions d'urgence le sont par CDC Habitat social. Ensuite CDC Habitat Action copropriétés, qui est une foncière dédiée aux copropriétés dégradées, intervient pour mener l'opération de restructuration. Cette filiale a été à l'origine calibrée pour acheter 5 000 logements : l'idée est d'acquérir un tiers environ des logements dans une copropriété pour obtenir un effet levier dans son fonctionnement afin de la redresser, et de les revendre, le cas échéant, lorsque la copropriété aura retrouvé son équilibre. On envisageait ainsi d'acquérir 5 000 logements pour pouvoir intervenir sur un volume de 15 000 logements. Tel était le périmètre d'origine.

Nous procédons par le biais de concessions avec les collectivités, car nous nous engageons dans la durée. Certains projets peuvent durer dix ans. Avant la loi sur l'habitat dégradé du 9 avril 2024, nous ne possédions pas vraiment d'outils ad hoc pour intervenir dans ce domaine. Il fallait recourir à des concessions d'aménagement. La collectivité devait lancer un appel d'offres pour désigner un opérateur dans le cadre d'une concession d'aménagement. Les réponses n'étaient toutefois pas toujours très nombreuses... Nous intervenons dans ce cadre au parc Corot à Marseille. Il s'agit d'un vaste projet de renouvellement urbain, qui comporte des opérations de réhabilitation, de recyclage - c'est-à-dire des démolitions suivies de reconstructions - et d'aménagement. Dans ce cas, une concession d'aménagement est justifiée.

Toutefois, la plupart du temps, lorsqu'il est seulement question de redresser une copropriété dégradée, sans dimension d'aménagement, ce régime ne se justifie pas du tout. C'était cependant l'outil dont nous disposions. Désormais, un régime de concession pour le traitement des copropriétés dégradées a été institué.

Il existait aussi la possibilité de passer des conventions de service, mais cet outil était mal connu des collectivités et a été très peu utilisé.

À ce jour, nous intervenons sur une trentaine de sites. Les opérations sont, selon leur état d'avancement, soit au stade de la convention d'urgence, soit à celui de la concession d'aménagement. À la fin de l'année 2023, nous avions signé trois concessions d'aménagement : à Marseille, à Saint-Étienne-du-Rouvray et à Épinay-sur-Seine. Nous avons répondu au cours de l'année 2023 à d'autres consultations et nous avons été désignés au début de l'année à Argenteuil. Nous attendons les résultats d'une consultation à Vichy, dans le cadre du programme Action coeur de ville, et à Mulhouse.

Il est vrai que nos interventions ont majoritairement lieu dans des sites qui relèvent du programme Initiative Copropriétés, c'est-à-dire qui comportent de grandes copropriétés, voire parfois plusieurs copropriétés. Nous avons créé une structure commune avec l'établissement public foncier d'Île-de-France (Epfif) pour mener des opérations de portage ciblé en Île-de-France.

Lorsqu'une copropriété peut se redresser, notre intervention consiste à acquérir des logements, à faire du portage, à redresser la copropriété, puis à revendre, à la fin, les logements.

Quand la situation est très dégradée, qu'un état de carence a été constaté, nous procédons immédiatement par des acquisitions, pour éviter que des logements ne soient acquis par des marchands de sommeil et que la situation ne se dégrade davantage, parce que les procédures d'expropriation sont longues ; nous gérons ensuite le relogement des occupants, puis nous mènons à bien le projet qui s'assimile à un projet de rénovation urbaine. Les outils actuels fonctionnent plutôt bien. Même si les process sont longs, nous avançons.

Comme je le disais, nous intervenons sur une trentaine d'opérations. Nous nous sommes ainsi déjà engagés à acquérir un peu plus de 2 000 logements - il nous reste donc de la marge par rapport à notre cible de 5 000 logements. Nos engagements à ce titre s'élèvent au total à 280 millions d'euros : acquisitions, investissements, réhabilitations, etc. Ces opérations bénéficient de financements de l'Anah ou de l'Anru, selon qu'il s'agit de redressement ou de recyclage. Les concessions d'aménagement étant par nature déficitaires, les collectivités sont sollicitées pour contribuer au financement. La rémunération de notre intervention consiste en la prise en charge de nos frais : coût des moyens humains, frais de sécurisation des sites et des immeubles, montant des travaux d'urgence ou des travaux nécessaires - certains sont financés par l'Anah ou par l'Anru, d'autres ne le sont pas.

Pour les collectivités, le reste à charge est quand même assez élevé. Dans une opération de redressement, celui-ci peut se situer entre 20 000 et 40 000 euros par logement, ce qui est important, tandis que dans les opérations de recyclage, il peut être de plus de 100 000 euros.

Nous percevons aussi des recettes, grâce aux loyers. L'objectif est que la copropriété se redresse pour que nous puissions revendre les logements, à un prix qui a été discuté en toute transparence avec la collectivité lors de la réponse à l'appel d'offres. Nous faisons tout pour trouver les meilleurs financements et réduire le déficit pour la collectivité.

De notre point de vue, le plan Initiative Copropriétés est plutôt positif. Dans le cadre du PNRU 1, il n'y avait pas beaucoup d'interventions sur les copropriétés dégradées. Lors du lancement du plan Initiative Copropriétés, on a senti une mobilisation des collectivités. Ce n'est pas tant que les outils étaient nouveaux, car, à l'époque, les dispositifs n'avaient pas forcément été modifiés sur le plan réglementaire ou législatif, mais des financements étaient présents, les acteurs se mobilisaient et les mécanismes bénéficiaient d'une meilleure visibilité. Nous constatons qu'un déploiement est à l'oeuvre aujourd'hui. Comme je le soulignais tout à l'heure, nous avons encore de la marge en termes de moyens d'intervention, et on continue à être sollicité par les différents canaux que j'ai évoqués. Ce plan a donc créé une dynamique et nous avançons, même si ces opérations s'inscrivent dans le temps long.

En ce qui concerne les syndics, nous travaillons principalement avec des administrateurs judiciaires dans les copropriétés en recyclage. On observe une grande inégalité de compétence sur ces sujets au sein de cette profession. Intervenir sur une copropriété dégradée requiert des moyens spécifiques. C'est le mauvais cycle de la dégradation : l'état de la copropriété requiert des moyens spécifiques, mais le syndic ne les a pas, et l'absence de travaux aggrave la dégradation, tandis que la paupérisation s'accentue... Certains ménages quittent l'immeuble et vendent leur logement à des propriétaires non occupants, à des propriétaires bailleurs, et le syndic se retrouve en difficulté pour faire face à la dégradation, car il n'est pas structuré pour cela. C'est l'intérêt de nos interventions : nous avons une connaissance et un poids que n'ont pas les copropriétaires.

J'en viens à la question du financement et des éventuels blocages. Un enjeu est le préfinancement. Des financements importants de l'Anah ou de l'Anru existent, mais il faut néanmoins préfinancer les aides. C'est le rôle notamment du réseau Procivis, mais il est à craindre qu'il ne se trouve en difficulté, en termes de capacité, compte tenu du nombre de projets. La loi Habitat dégradé a créé un dispositif d'emprunt collectif. C'est une piste intéressante, sous réserve évidemment que les banques se mobilisent.

Vous avez posé la question du secteur diffus. Sans doute entendez-vous par cette expression les opérations de petite taille dans de petites copropriétés. Pour notre part, nous employons cette expression lorsque nous intervenons, dans un même quartier, sur plusieurs copropriétés à la fois, qui comportent dix, vingt, ou trente logements, voire plus.

Nous intervenons surtout dans les grandes copropriétés, et beaucoup moins dans les petites copropriétés. Néanmoins, je peux vous citer deux exemples. Ainsi nous avons répondu à un appel d'offres pour une concession d'aménagement à Vichy, en partenariat avec un promoteur, parce que le projet prévoit une action sur de l'habitat ancien dégradé en centre-ville - la zone bénéficie du plan Action coeur de ville - et le développement d'une zone de logements privés par ailleurs. À Gonesse, autre exemple, en Île-de-France, nous interviendrons sur une rue comportant de l'habitat ancien dégradé. Ces deux exemples sont plutôt l'exception. L'opération de Vichy ne figure d'ailleurs pas dans les trente opérations en cours que j'évoquais. Nous devrions avoir une confirmation officielle jeudi.

Vous me demandiez tout à l'heure pourquoi nous avions commencé à nous impliquer dans le domaine des copropriétés dégradées. Nous avons développé une expertise en matière de logement. Notre rôle est d'accompagner les politiques publiques. Nous nous sommes structurés pour y parvenir et nous commençons à être sollicités pour intervenir sur d'autres types d'habitats. Je pourrais citer aussi l'exemple de Mantes-la-Jolie, où une consultation est en cours. Le coeur de ville comporte de l'habitat dégradé, même si la ville compte de grands quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ces interventions sur de petites unités relèvent d'un travail de dentelle, sont complexes, et les modes d'interventions sont forcément différents de ceux que l'on applique aux grandes copropriétés.

Vous m'avez interrogée aussi sur les syndics d'intérêt collectif. CDC Habitat n'est pas un syndic, même si certains bailleurs sociaux le sont. Nous avons accueilli avec intérêt la possibilité de créer des syndics d'intérêt collectif. Pour l'instant, nous n'envisageons pas de nous positionner sur ce métier. J'ai expliqué que les syndics classiques étaient parfois en difficulté pour gérer des copropriétés dégradées. Les syndics d'intérêt collectif coûtent plus cher. Il faudra donc trouver les moyens pour qu'ils puissent fonctionner correctement.

Nous avons rarement rencontré de difficultés opérationnelles liées à des problèmes de coordination entre les acteurs. Parfois, le maire qui a les pouvoirs de police et l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), qui a la compétence en matière d'habitat, peuvent avoir des approches différentes, ce qui peut ralentir les dossiers, mais ceux-ci finissent toujours par aboutir. L'Anah et l'Anru, quant à elles, ont défini leur champ d'action et se coordonnent très bien.

La loi Habitat dégradé nous a dotés d'outils intéressants. J'ai évoqué tout à l'heure la concession spécifique pour les copropriétés dégradées. Ce dispositif a l'avantage de la clarté : cela rassurera les collectivités qui pouvaient hésiter à mettre en place des concessions d'aménagement par peur des problèmes, car celles-ci ne sont pas un outil ad hoc. La création d'un mécanisme spécifique peut donc être un facteur d'accélération. La simplification en matière de droit de préemption urbain renforcé, lorsqu'un plan de sauvegarde existe, devrait être utile et contribuer à l'accélération des procédures. Les dispositions relatives aux opérations de restauration immobilière, qui permettent d'intervenir beaucoup plus en amont pour éviter la dégradation, sont très intéressantes. Les sanctions à l'égard des marchands de sommeil étaient indispensables. Je salue aussi la création du prêt collectif, ainsi que l'accélération des procédures, que ce soit dans le cadre des procédures d'alerte, pour la désignation des mandataires ad hoc, ou dans le cadre des procédures de carence. Tout ce qui contribue à simplifier et à accélérer les démarches va dans le bon sens.

Le relogement est essentiel, notamment dans le cadre des opérations de recyclage. Lorsque nous intervenons, CDC Habitat social commence par acheter des logements, qu'il faut donc gérer. Il faut aussi assurer la sécurité, etc. Initialement, nous allions parfois loin de nos bases, ce qui nous a contraints à nouer des partenariats avec des organismes locaux pour assurer la gestion au plus près. Désormais, lorsque nous choisissons d'intervenir sur un site, nous regardons d'abord si l'on dispose d'une agence de gestion à proximité. C'est devenu un critère. C'est utile pour la gestion, la sécurité, mais aussi pour le relogement : nous devons disposer sur place d'équipes capables de gérer tous les aspects.

Lorsqu'un propriétaire occupant nous vend son logement, nous devons le reloger. Si nous disposons de logements disponibles à proximité, cela ne pose pas de difficultés. Dans le cas inverse, il faut mobiliser l'interbailleur et l'on travaille alors en partenariat avec la collectivité, parce que c'est elle qui assume cette mission.

Des difficultés peuvent parfois apparaître dans les collectivités ou les départements, comme la Seine-Saint-Denis, qui comptent déjà beaucoup d'opérations de rénovation urbaine en cours, ce qui implique de devoir procéder à de nombreux relogements. C'est alors plus compliqué, mais on y arrive quand même.

Une situation plus complexe surgit lorsque nous avons affaire à des personnes en situation irrégulière, car celles-ci ne sont pas éligibles au logement social. Il faut donc trouver d'autres solutions, telles que l'hébergement d'urgence si cela est nécessaire. Nous maîtrisons bien la question du relogement. Nos équipes sont très rodées au renouvellement urbain et à cette problématique. Les difficultés peuvent surgir lorsque beaucoup de relogements sont déjà en cours au titre du renouvellement urbain ou lorsque la situation administrative de l'occupant est complexe : c'est notamment le cas lorsque les appartements appartenaient à des marchands de sommeil et que l'on doit reloger plusieurs ménages dont la situation administrative est difficile à traiter. Dans ces cas-là, nous devons travailler avec les services de la préfecture. Il faudrait développer l'hébergement d'urgence ou le parc des logements transitoires pour faciliter la gestion de ces situations. Plus on met de temps à reloger les occupants, plus l'opération dure.

Je me souviens d'une situation qui m'avait frappée. La première fois que je me suis rendue au parc Corot à Marseille, un site sur lequel on intervient, une tour était vide. Si nous avions été bailleur social, elle aurait été démolie depuis longtemps, car les démolitions sont plus faciles dans les procédures Anru. Mais en l'occurrence, avant de pouvoir démolir, il fallait réaliser un constat de carence, procéder à l'expropriation, afin d'obtenir la maîtrise du droit de préemption et la maîtrise foncière intégrale.

Lorsque nous commençons à intervenir, l'espoir renaît chez les habitants du quartier, il est dommage que l'opération prenne plusieurs années, alors qu'elle pourrait durer dix-huit mois. C'est pourquoi nous considérons que tous les dispositifs qui ont été adoptés pour accélérer les choses sont bienvenus. Nous sommes aussi favorables au développement des solutions transitoires, comme l'hébergement temporaire. L'enjeu est d'accélérer les démarches et de faire renaître l'espoir, ce qui, à mon avis, est très important.

Mme Marianne Margaté, rapporteure. - Merci de cette présentation très complète. Vous avez dit que vos interventions sur les petites copropriétés étaient très minoritaires au regard de vos autres actions, et que ce type d'opération réclamait un travail de dentelle. Comptez-vous développer ce type d'action ? Quelles seraient les conditions pour que la réussite soit au rendez-vous ?

Mme Anne-Sophie Grave. - Dans les cas où nous avons répondu à une consultation pour une intervention sur une petite copropriété, c'est parce que nous avions déjà un partenariat important avec la collectivité, et que nous étions donc déjà présents sur place. Lorsqu'on travaille au quotidien avec une collectivité qui doit faire face à de petites copropriétés dégradées, nous sommes forcément sollicités par cette dernière. Dans ces cas-là, nous regardons le dossier.

La question est celle des moyens humains. Ces dossiers constituent une succession de petites opérations. Le nombre de personnes mobilisées par rapport au nombre de logements à traiter est très élevé. Cela suppose donc de rallier des équipes plus importantes.

Nous n'avons pas prévu pour l'instant de développer cette activité de manière massive. Nous comptons plutôt intervenir dans le cadre des partenariats que nous avons déjà avec ces collectivités, lorsque celles-ci nous disent qu'elles ont besoin de nous et qu'elles espèrent que l'on répondra à leur consultation. CDC Habitat est une filiale de la Banque des territoires. Nous sommes donc des partenaires dans la durée des collectivités. Nous nous sentons donc quelque peu tenus d'intervenir dans ces cas-là.

Nous avons eu la même attitude à l'égard des opérations Action coeur de ville : nous voulons bien faire, éviter le saupoudrage, pour que notre action ait vraiment un effet. C'est pourquoi, plutôt que d'intervenir de manière ponctuelle, nous préférons participer à des projets plus importants.

C'est par exemple le cas à Vichy, où un travail de diagnostic s'étendant sur une année doit permettre d'identifier les adresses les plus pertinentes. Dans ces conditions, notre intervention emportera un véritable effet de transformation.

J'estime qu'une intervention plus ponctuelle n'est pas pertinente pour CDC Habitat. Telle est la raison pour laquelle, dans le cadre du programme Action coeur de ville, nous nous sommes efforcés de ne pas nous disperser.

La gestion d'une grande copropriété, qui est à mon sens plus difficile que la maîtrise d'ouvrage, suppose une proximité.

Nous pourrions donc aller plus loin si des collectivités nous sollicitent pour des interventions d'ampleur.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Estimez-vous que vous intervenez suffisamment en amont pour être en mesure de casser le cercle vicieux de la paupérisation ? Vous paraît-il nécessaire de disposer d'outils spécifiques pour les petites copropriétés ? Identifiez-vous des manques ?

Mme Anne-Sophie Grave. - Nous n'avons pas identifié de manque à ce stade, mais nous avons peu de retours d'expérience en la matière.

Nous intervenons par ailleurs dès lors que nous sommes sollicités. Quand c'est au stade du recyclage ou pour des redressements critiques, il est clair qu'il est trop tard, mais actuellement, j'estime que dans la plupart des cas, les collectivités nous sollicitent à un stade où le redressement est encore possible. Nous avons notamment été récemment nommés dans une copropriété d'Argenteuil.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Je vous remercie.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 heures 05.

Audition de M. Gilles Bouvelot, directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France (Epfif), Mme Sophie Lafenêtre, directrice générale de l'établissement public foncier d'Occitanie (en téléconférence) et Mme Léa Makarem, présidente exécutive de la Sifae (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Audition de Mme Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 h 05.