Contrôleur général des lieux de privation de liberté (suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté à l'article 4.
Discussion des articles (Suite)
Article 4
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et ses collaborateurs sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l'établissement des rapports, recommandations et avis prévus aux articles 8 et 9.
M. le président. - Amendement n°86, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Rédiger ainsi le début de cet article :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, ses collaborateurs et les contrôleurs sont astreints....
Mme Éliane Assassi. - Nous précisons que les contrôleurs sont astreints au secret professionnel de la même façon que le Contrôleur général et ses collaborateurs.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il va de soi que les contrôleurs sont des collaborateurs du Contrôleur général. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°86 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Hyest au nom de la commission.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
En vue d'assurer le respect des dispositions relatives au secret professionnel, il veille à ce qu'aucune mention permettant l'identification des personnes dont le nom lui aurait été révélé ne soit faite dans les documents publiés sous son autorité.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Afin de garantir le respect du secret professionnel, nous proposons d'ajouter une disposition, figurant dans plusieurs statuts d'autorités administratives indépendantes, selon laquelle le Contrôleur général ne peut pas mentionner des informations permettant d'identifier des personnes rencontrées dans le cadre de ses pouvoirs d'investigation.
M. le président. - Amendement identique n°87, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Mme Éliane Assassi. - De plus, la confidentialité est une exigence internationale posée à l'article 21 du protocole facultatif à la Convention contre la torture de l'ONU.
M. Jean-Jacques Hyest. - Avis favorable à l'amendement n°87 qui est identique au nôtre.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable également.
M. Michel Charasse. - Cela pose problème ! Que se passera-t-il si le Contrôleur général décide de dénoncer des faits au procureur de la République conformément aux dispositions de l'article 40 du Code de procédure pénale ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Monsieur Charasse, si vous patientez jusqu'à l'article 7, vous constaterez que nous avons répondu à la question par un amendement n°14.
L'amendement n°7, identique à l'amendement n°87, est adopté.
Article 5
Toute personne physique ainsi que toute personne morale s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux peut porter à la connaissance du Contrôleur général des lieux de privation de liberté des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut être saisi par le Premier ministre et les membres du gouvernement et du Parlement. Il peut aussi se saisir de sa propre initiative.
M. Richard Yung. - Nous nous réjouissons de cet article 5, dont la rédaction très large, notamment celle de son premier alinéa, prévoit que le Contrôleur général pourra être saisi par toute personne, physique ou morale, contrairement aux autorités de contrôle antérieures qui étaient saisies par l'intermédiaire de la Halde ou encore de la commission nationale de déontologie de la sécurité (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, le nie). Une saisine directe et confidentielle est la bonne solution car on craint souvent de parler en prison, par peur des sanctions.
Il doit être informé, à son arrivée, de son droit de saisir le contrôleur général, ce qu'une boîte aux lettres confidentielle permettrait de faire.
Nous saluons enfin l'élargissement de la saisie à d'autres autres autorités administratives.
M. le président. - Amendement n°88, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
ainsi que toute personne morale s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux
par les mots :
ou morale
M. Robert Bret. - Nous soutenons l'amendement n°8 de la commission qui rendra la collaboration des autorités administratives plus fructueuse mais nous souhaitons que la rédaction du premier alinéa soit aussi large que possible car, si l'expression « respect des droits fondamentaux » inclut les barreaux et les associations de défense des droits de l'homme, qu'en sera-t-il des syndicats ? La CNCDH craint du reste une maladresse de rédaction. Aussi notre amendement reprend-il ce qui est prévu pour la CNDS.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Les syndicats défendent aussi des droits fondamentaux. Cette formulation est assez large. Retrait ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Mêmes observations et avis défavorable.
M. Robert Bret. - J'aurais souhaité que la ministre s'engage comme l'a fait M. Hyest : les syndicats sont-ils bien concernés ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - La rédaction est très large pour les personnes physiques et restreinte pour les personnes morales mais la notion de droits fondamentaux reste inchangée. Et les syndicats sont bien concernés. De plus le président d'une association peut saisir le contrôleur général en tant que personne physique.
L'amendement n°88 est retiré.
M. le président. - Amendement n°30 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Aucun contrôle ni aucune restriction ne peut être exercé par les autorités responsables des lieux de privation de liberté sur les correspondances que les personnes privées de liberté adressent au contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Comment la plupart des détenus pourront-ils saisir le contrôleur général, sinon par écrit ? Ce serait conforme à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, comme à la faculté, déjà accordée aux détenus, de saisir les parlementaires.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela relève d'un simple arrêté.
M. René Garrec. - Voire d'une circulaire.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - C'est en effet l'article A 40 du Code de procédure pénale. Nous ferons pour le Contrôleur général comme pour la Halde.
L'amendement n°30 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Hyest au nom de la commission.
Compléter le dernier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Il peut en outre être saisi par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le président de la Commission nationale de la déontologie de la sécurité et le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission est heureuse de répondre ainsi aux souhaits qui ont déjà été exprimés sur tous les bancs.
L'amendement n°8, accepté par le gouvernement, est adopté, ainsi que l'article 5, modifié.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Hyest au nom de la commission.
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase du quatrième alinéa de l'article 4 de la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité, après les mots : « président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité » sont insérés les mots : « , le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ».
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Amendement de cohérence.
Accepté par le gouvernement, l'amendement n°9, adopté, devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°56, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1er de la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut saisir le Défenseur des enfants si, au cours de ses visites, il a constaté des faits qu'il estime contraires aux droits de l'enfant. »
M. Yves Détraigne. - Cet amendement est dans le même esprit que le précédent.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Toute personne physique peut saisir directement le contrôleur général.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - En effet.
M. Yves Détraigne. - Dans ce cas, il sera considéré comme une personne physique.
L'amendement n°56 est retiré, ainsi que l'amendement n°57.
Article 6
Le contrôleur général peut visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d'une autorité publique.
Avant toute visite, le contrôleur général informe les autorités responsables du lieu de privation de liberté. Toutefois, il peut décider de procéder à une visite sans préavis lorsque des circonstances particulières l'exigent.
Ces autorités ne peuvent s'opposer à la visite du contrôleur général que pour des motifs graves liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans l'établissement où la visite doit avoir lieu. Elles proposent alors son report.
Le contrôleur général reçoit des autorités responsables du lieu de privation de liberté toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission. Lors des visites, il peut s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire.
Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'État, à la sécurité des lieux de privation de liberté, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.
M. Louis Mermaz. - Cet article, plein de restrictions mentales, prépare un éventuel emmaillotage et, comme l'écrivait hier Le Monde, le contrôle du Contrôleur général. Le premier alinéa ne prévoit pas le contrôle des lieux de privation de liberté placés sous une autorité civile ou militaire française à l'étranger. Quant au deuxième, c'est une petit chef d'oeuvre de linguistique et de sémantique, mais aussi sur le fond. « Avant toute visite, le Contrôleur général informe... » ! « Toutefois, il peut décider de procéder à une visite sans préavis », pourquoi pas ?, « lorsque les circonstances l'exigent. »
Lorsque avec des parlementaires nous visitons un établissement pénitentiaire, nous ne prévenons parfois de notre arrivée qu'à quelques kilomètres et les autorités responsables le comprennent fort bien. Je me rappelle d'une visite quelque temps après celle d'une commission parlementaire qui avait prévenu une semaine à l'avance ; les détenus nous avaient dit qu'ils avaient fourbi et récuré pendant huit jours.
Si l'on veut voir la réalité, il faut venir inopinément. Si le contrôleur veut traiter au fond d'une question, il peut prévenir. S'il veut vérifier que ses recommandations sont appliquées, il peut prévenir qu'il reviendra. Mais dans les autres cas, il ne doit pas le faire.
Le troisième alinéa qui permet le report de la visite pour motifs graves est contraire au protocole facultatif. Quant au cinquième alinéa, il permet de s'opposer à toute communication de pièces car aucune n'échappe à la longue énumération des exceptions à cette communication. D'où la série d'amendements que nous présenterons afin de permettre au contrôleur de contrôler (Applaudissements sur les bancs socialistes).
M. Richard Yung. - Au premier alinéa, les termes « sur le territoire de la République » signifient-ils que les lieux de privation de liberté placés sous le contrôle des autorités françaises à l'étranger échapperont au contrôle extérieur ? Ce serait contraire au Protocole facultatif pour lequel le mécanisme national de prévention est autorisé à effectuer des visites « dans tout lieu placé sous juridiction ou sous contrôle de I' État. » Au nom de quel principe les locaux d'arrêt des armées situés à l'étranger, resteraient-ils hors de la portée du contrôleur ?
Le premier alinéa est aussi restrictif car il ne vise que les personnes privées de liberté par décision d'une autorité publique. Or, certains malades psychiatriques sont hospitalisés à la demande d'un tiers et l'article 4 du Protocole facultatif vise les personnes privées de liberté « sur l'ordre d'une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite ». L'hospitalisation sur demande d'un tiers correspond précisément à ce cas. C'est également ce qu'affirmait l'ancien Commissaire européen aux droits de l'homme, Alvaro Gil-Robles qui, dans son rapport sur le respect effectif des droits de l'homme, indiquait que l'« hospitalisation d'office ou à la demande d'un tiers s'apparente à une privation de liberté ». Par amendement, nous demanderons que ces malades soient considérés comme privés de liberté.
Le deuxième alinéa paraît timoré. A l'instar des parlementaires qui « sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires », le contrôleur général et ses collaborateurs devraient pouvoir effectuer toutes leurs visites de manière inopinée. Cela ne signifie pas que toutes les visites devront être inopinées : pour traiter d'un sujet précis, le contrôleur devrait-il s'annoncer ? Pour quelles raisons de défense nationale devrait-il s'annoncer ? S'il y a des problèmes de sécurité publique à l'intérieur de la prison, le contrôleur doit être le premier à s'y intéresser. Mais s'il y a une mutinerie, on n'imagine pas qu'il vienne s'interposer. C'est une question de bon sens qui doit être laissée à son appréciation, mais il n'est pas bon qu'il demande une sorte d'autorisation de visite.
Sur les informations à lui livrer, je partage aussi l'analyse de M. Mermaz. Comment le Contrôleur général pourra-t-il, par exemple, fonder son jugement si on lui oppose le secret médical lors de la visite d'un établissement psychiatrique ? En outre, comment le Contrôleur pourrait-il vérifier les allégations d'une personne qui se plaint d'avoir été soumise à un traitement cruel, inhumain ou dégradant s'il n'a pas accès à son dossier médical ? Une telle restriction empêchera tout contrôle réel et effectif. Le Contrôleur doit pouvoir obtenir toutes données médicales nécessaires à l'accomplissement de ses missions.
Nous déposerons des amendements contre toutes ces restrictions qui risquent d'être avancées de manière arbitraire par les autorités des établissements visités. Elles doivent être levées car elles vident le contrôle extérieur de sa substance et diminuent la portée d'un texte qui va dans le bon sens.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Je me vois dans l'obligation d'intervenir sur l'article 6 pour parler de la compétence territoriale du Contrôleur général, étant donné que l'article 40 de la Constitution a fait tomber notre amendement sur ce point. Le texte ne retient que les lieux de privation de liberté situés sur « le territoire de la République ». Seront donc exclus du contrôle les lieux situés à l'étranger, alors même qu'ils sont sous la responsabilité de l'État. Prenons le cas de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne. La France a mis à disposition du FRONTEX des moyens humains et matériels pour mener des opérations hors du territoire, aux frontières de l'Europe. Ces zones font-elles partie du territoire de la République ? Au vu des conditions de rétention, parfois véritablement inhumaines, dans ces lieux, il serait bon qu'ils fassent partie intégrante du périmètre du nouveau Contrôleur. Et quid des locaux d'arrêt des armées de nos bases à l'étranger ?
Cette définition territorialisée du périmètre d'action du contrôleur est à la fois floue et restrictive. C'est pourquoi, à la notion de « territoire de la République », nous demandions de substituer l'expression : « tout lieu relevant de la juridiction ou du contrôle de l'État ». L'article 40 ne l'a pas permis. Nous espérons, madame la ministre, que vous nous apporterez une réponse satisfaisante.
M. Jacques Blanc.- Aux lieux de privation de liberté peut-on assimiler prisons et hôpitaux psychiatriques ? Un prisonnier est victime de lui-même, un malade psychiatrique est victime d'une maladie qui, comme toutes les autres maladies, se soigne. Son seul tort est de refuser de se soigner ; d'où l'hospitalisation d'office. Lors de l'examen du texte sur la délinquance, je m'étais réjoui que la partie concernant l'hospitalisation psychiatrique soit déconnectée de celle portant sur la délinquance. De grâce, on a trop longtemps, dans ce pays, nié la réalité de la maladie mentale : ne retombons pas à nouveau dans cette confusion
Quant au secret médical, il doit être ô combien affirmé ; à la moindre entorse, on ne peut plus assurer le meilleur soin.
Je ne vois dans ce texte aucun risque de dérive, mais il serait important que Mme la garde des Sceaux confirmât que dans son esprit il ne peut y avoir de confusion.
M. Robert Badinter. - L'article 4 de la Convention stipule que « chaque partie autorise les mécanismes visés (...) à effectuer des visites dans tout lieu placé sous sa juridiction ou sous son contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sous l'ordre de l'autorité publique, à son instigation ou avec son consentement ». Le cas des opérations extérieures est symptomatique : il se trouve constamment des lieux de détention où sont retenues, détenues ou cantonnées, parfois par centaines, des personnes sous le contrôle des forces françaises. Il ne serait pas admissible qu'on donne le sentiment qu'il existe des espaces réservés où le contrôle ne pourrait pas s'exercer, comme si on avait des doutes sur les actes qui pourraient s'y commettre. Il faut que le Contrôleur général puisse s'y rendre -je pense à la Côte-d'Ivoire ou à l'Afghanistan- et y procéder à des contrôles, parce que la Convention le prescrit, parce qu'il s'agit de droits fondamentaux, parce que c'est dans l'intérêt des personnes détenues comme dans celui de ceux qui les détiennent.
On nous a opposé des questions de financement ; mais en matière de droits fondamentaux, de libertés publiques, cela ne peut se faire. Il n'est pas concevable qu'hors du territoire de la République les autorités publiques échappent à l'action du Contrôleur général !
M. Michel Charasse. - Il faut clarifier les choses. Si nos armées interviennent en Opex avec l'accord du pays dans lequel elles le font, les personnes détenues sont placées sous la responsabilité des autorités civiles de celui-ci, et le contrôle dépend des accords bilatéraux qui ont pu être conclus. La plupart du temps, elles interviennent avec l'accord ou à la demande de l'ONU ; ce sont alors les personnes responsables du détachement militaire qui assurent le contrôle pour le compte de l'ONU et en rendent compte. Les dispositifs nécessaires doivent être mis en place. Le Contrôleur général des armées ou les tribunaux aux armées sont compétents s'agissant des personnels militaires ; les autres sont placés sous la responsabilité de l'ONU. Étant entendu que des contrôles extérieurs ne sont pas de tradition, depuis Daladier, au cours d'opérations militaires.
Il en va autrement pour nos implantations militaires à l'étranger dans le cadre d'accords de coopération, par exemple en Afrique. La situation de la base d'Abidjan n'est alors guère différente de celle de la caserne de Bourges. L'extraterritorialité joue comme pour une ambassade, et on peut considérer qu'on est sur le territoire de la République. Le Contrôleur général y aurait alors compétence. Tout cela mérite d'être explicité.
L'article 40 a été évoqué. Je ne sais comment a procédé la commission des finances ...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Fort bien !
M. Michel Charasse. - ... mais depuis 1958, on n'oppose jamais cette disposition constitutionnelle quand on débat de droit pénal ou de procédure pénale ; Michel Debré l'a dit et écrit et le Conseil constitutionnel s'est bien gardé d'intervenir en la matière. Sinon nous ne pourrions jamais décider de baisser le montant d'une amende ... La question ne peut être évoquée à la légère.
On ne saurait au total accepter l'existence de démembrements extérieurs de la République, fictifs ou non, qui permettrait d'échapper aux conventions de l'ONU et aux règles générales de la législation française en matière de protection des libertés. Il ne faut certes pas perturber le métier difficile qu'exercent nos armées ; mais un Contrôleur qui a un haut sens des responsabilités et de l'État saura faire preuve du discernement nécessaire.
M. le président. - Amendement n°90, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Compléter le premier alinéa de cet article par les mots :
ainsi que tous les équipements et installations les composant. Il peut être accompagné de ses collaborateurs.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Ce texte, et singulièrement son article 6, est marqué par l'imprécision et le flou. Une interprétation a minima pourrait limiter la définition des lieux privatifs de liberté aux simples cellules ou chambres des malades. La Chancellerie s'était scandalisée, en décembre 2003, de l'accouchement d'une détenue menottée à Évry ; il y eut beaucoup moins d'émoi quand, un an plus tard, elle ordonna qu'on menottât et entravât les détenus. Pour le moindre examen, des prisonniers peuvent passer plusieurs heures menottés. De plus en plus de détenus refusent les extractions médicales. Or le texte ne précise pas si les équipements hospitaliers recevant des personnes privées de liberté sont de la compétence du Contrôleur général.
De la même manière, qu'en est-il des conditions de travail en prison ? Certains détenus travaillent à l'extérieur des établissements pénitentiaires en semi-liberté, pour le compte de collectivités publiques, d'associations ou d'entreprises. Le « Smic détenu » s'élève à 45 % du Smic extérieur, le droit du travail est inexistant, aucune disposition relative à la durée de l'emploi ou de la période d'essai, ni au contenu du poste, ni au licenciement ne s'applique. Les détenus n'ont pas droit à des compensations financières en cas de maladie ou d'accident du travail, ils n'ont aucune possibilité d'expression collective. Le travail est considéré comme un outil de gestion de la détention plutôt qu'une façon de favoriser la réinsertion. Certaines entreprises considèrent le travail pénitentiaire comme une variable d'ajustement à la conjoncture économique, les ateliers de détenus agissant alors comme un sous-traitant idéal.
Le Contrôleur général aura-t-il accès aux locaux où travaillent les détenus, pourra-t-il être accompagné de collaborateurs ? Le périmètre doit être précisé.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cette précision est inutile : le Contrôleur général pourra aller partout. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Même observation. Le Contrôleur pourra bien sûr visiter le lieu où les détenues accouchent.
L'amendement n°90 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par M. Hyest au nom de la commission.
Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Il peut aussi visiter, dans les mêmes conditions, tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement visé à l'article L. 3222-1 du code de la santé publique.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il faut préciser que les établissements de santé, publics ou privés, recevant des patients en hospitalisation sans consentement relèvent du champ d'intervention du Contrôleur général, que l'hospitalisation soit prononcée d'office ou à la demande d'un tiers.
Monsieur Jacques Blanc, il n'est pas question de la qualité des personnes mais de la protection des libertés fondamentales, qu'il s'agisse de personnes détenues ou simplement retenues, qui n'ont pas pour autant commis de crime. Selon le protocole facultatif, ces lieux doivent être expressément visés.
M. Jacques Blanc. - La question de l'hospitalisation d'office devait être traitée dans un texte spécifique sur la santé mentale.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est autre chose !
M. Jacques Blanc. - Ce texte viendra-t-il bientôt en discussion, madame la ministre ?
Vous évoquez la différence entre établissements publics et privés.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Les droits sont les mêmes !
M. Jacques Blanc. - Mais ce qui compte, c'est l'objet de l'hospitalisation, pas la nature de l'établissement ! Pour soigner un malade, nous pouvons être obligés de violer sa liberté. Il existe déjà des règles très strictes pour éviter toute hospitalisation inutile.
M. Michel Charasse. - Ou arbitraire.
M. Jacques Blanc. - Je ne vois pas l'intérêt pour le malade des visites du contrôleur, qui n'est pas médecin.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ah bon !
M. Jacques Blanc. - Cela risque d'entraîner la confusion. Notre mission est de garantir que les malades recevront les meilleurs soins, même imposés.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable à l'amendement de la commission.
Les quatre articles relatifs à l'hospitalisation sous contrainte du texte Prévention de la délinquance visaient la sécurité publique : ils seront repris dans le cadre d'une réforme plus large de la loi de 1990 sur la santé mentale, qui viendra en discussion dès que possible, comme s'y était engagé le précédent ministre de la santé.
Le Contrôleur général vérifiera les conditions de prise en charge de toute personne privée de liberté : c'est le cas d'une personne hospitalisée sous contrainte sur décision judiciaire ou administrative. Il s'assurera que les droits fondamentaux sont respectés, et ne s'immiscera en aucun cas dans le protocole de soins.
L'amendement n°10 est adopté.
M. le président. - Amendement n°52, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe UC-UDF.
Supprimer les deuxième et troisième alinéas de cet article.
M. Yves Détraigne. Les conditions d'accès du Contrôleur général aux lieux de privation de liberté ont autant d'importance, pour asseoir sa crédibilité, que les conditions de sa nomination. Dans le texte du gouvernement, le Contrôleur général doit obligatoirement informer l'autorité responsable de sa prochaine venue, sauf circonstances exceptionnelles. Mais les nombreux motifs d'opposition à la visite, répertoriés dans le troisième alinéa, risquent de réduire considérablement l'accès aux lieux, et l'existence d'un délai entre l'annonce de la visite du Contrôleur et sa venue laisse planer le doute.
La quasi-totalité des personnes auditionnées par le rapporteur, quelle que soit leur fonction, ont souligné ce problème. Notre amendement inverse la logique : le Contrôleur général doit pouvoir intervenir inopinément.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par MM. Lecerf et Portelli.
Supprimer le deuxième alinéa de cet article.
M. Jean-René Lecerf. - La plupart du temps le Contrôleur général informera de sa visite. Mais il doit pouvoir procéder à des visites inopinées. Faire de l'avertissement la règle et des visites inopinées l'exception est maladroit. Et ce n'était sans doute pas dans les intentions réelles du gouvernement. Je retirerai l'amendement au profit du n°36 de Mme Boumediene-Thiery.
M. le président. - Amendement n°36, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
I. Supprimer le deuxième alinéa de cet article.
II. Au début du troisième alinéa de cet article, remplacer les mots :
Ces autorités
par les mots :
Les autorités responsables du lieu de privation de liberté
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le contrôle inopiné découle de nos engagements internationaux. Il est prévu dans le protocole de l'ONU sur la torture. Et ce sont bien le caractère impromptu, l'absence d'avertissement, qui donnent leur sens au pouvoir de contrôle. Les parlementaires, qui ont la possibilité d'effectuer eux-mêmes des visites sans préavis ni autorisation, accorderaient moins au Contrôleur général, alors que ces inspections sont au coeur de sa mission ?
M. le président. - Amendement n°64, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté et les contrôleurs peuvent visiter à tout moment les lieux de privation de liberté. Ils ont accès à l'ensemble des locaux composant le lieu privatif de liberté.
II. - En conséquence, rédiger ainsi le début de la première phrase du troisième alinéa de cet article :
Les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne peuvent...
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous nous inspirons là encore de la proposition de loi de M. Hyest. Il serait absurde d'interdire au Contrôleur des visites inopinées que la loi permet aux parlementaires... Elles sont une condition d'efficacité de la nouvelle institution.
M. le président. - Amendement n°91, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Rédiger ainsi le deuxième alinéa de cet article :
Les autorités responsables du lieu de privation de liberté doivent prendre toutes les mesures pour faciliter la tâche du contrôleur général.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Le 11 juillet dernier, les associations concernées par le texte ont protesté contre cette limitation des pouvoirs du Contrôleur : elles demandent qu'aucune restriction ne soit mise à l'accès aux locaux, aux pièces des dossiers, aux informations. Dans votre rédaction, les visites sans préavis sont soumises à des règles non précisées.
M. le président. - Amendement n°66, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, après les mots :
le contrôleur général informe
insérer les mots :
par tout moyen
M. Jean-Pierre Sueur. - Précision !
M. le président. - Amendement n°65, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après les mots :
sans préavis
Supprimer la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa de cet article
M. Jean-Pierre Sueur. - Les termes « circonstances particulières » devraient être bannis de nos textes de loi, ils ne signifient rien. Rien n'existe que de particulier ou de spécifique !
Sur le fond, nous allons dans le sens de la proposition de loi de M. Hyest.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par MM. Lecerf et Portelli.
Supprimer le troisième alinéa de cet article.
M. Jean-René Lecerf. - Quelles raisons liées à la défense ou à la sécurité publique pourraient s'opposer à la simple visite du Contrôleur général ? Et n'est-ce pas précisément lors de troubles sérieux que cette visite s'impose ? La catastrophe naturelle en revanche est un cas de force majeure, suffisant pour justifier un report...
M. le président. - Amendement identique n°67, présenté par M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
M. Robert Badinter. - Pourquoi opposer le secret défense à une simple visite dans un lieu de privation de liberté ? En cas de catastrophe naturelle, elle n'aura bien sûr pas lieu... Mais je ne comprends pas la frilosité de la rédaction. Ces restrictions sont contraires au texte des conventions internationales que nous avons signées. Le protocole facultatif prévoit en son article 20 l'accès à tous les renseignements, à tous les lieux de détention.
M. le président. - Amendement identique n°92, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Supprimer le troisième alinéa de cet article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Défendu !
M. le président. - Amendement n°32, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Dans le troisième alinéa de cet article, supprimer les mots :
ou à des troubles sérieux dans l'établissement où la visite doit avoir lieu
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Les termes « graves dysfonctionnements », « troubles sérieux » me posent problème : c'est alors qu'il faut intervenir. Repousser la date de la visite, c'est interdire au Contrôleur de s'en occuper...Cette limitation n'est pas acceptable.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le projet du gouvernement n'était sûrement pas d'empêcher les visites. Il s'est inspiré un peu maladroitement du système anglais mais celui-ci combine visites inopinées et programmées.
Les membres de la commission d'enquête du Sénat avaient choisi de se rendre dans les prisons à quelques-uns, en prévenant la veille...
M. Louis Mermaz. - Huit jours avant !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Non, vingt-quatre heures ! (M. Mermaz en doute) Je le sais puisque je présidais cette commission !
M. Louis Mermaz. - Je ne citerai pas mes sources mais...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Une fois seulement, nous avons prévenu huit jours avant, et nous n'avons pas recommencé !
Avis défavorable à l'amendement n°52 qui supprime les alinéas II et III alors que le III traite des seules restrictions temporaires, possibles dans le protocole facultatif.
Je m'apprêtais à donner un avis favorable à l'amendement n°20 mais il a été retiré au profit du n°36 de Mme Boumediene-Thiery, dont la commission approuvera la rédaction, qui est meilleure.
Il supprime l'obligation d'information préalable de l'autorité responsable du lieu de privation de liberté. Sans doute le projet de loi ne fixe-t-il aucun délai particulier pour cette information, qui pourrait donc être faite dans un temps très court précédant la visite, mais enfin cela est un peu superficiel, d'autant que le principe de l'information préalable n'est nullement prévu par le protocole facultatif, ni d'ailleurs par l'article du code de procédure pénale relatif au droit de visite des parlementaires. Donc, en accord avec M. Lecerf, avis favorable à l'amendement n°36. (On s'en félicite sur les bancs socialistes)
L'auteur de l'amendement n°64 se ralliera certainement volontiers à l'amendement de Mme Boumediene-Thiery, qui a le même objet.
L'amendement n°91 est lui aussi satisfait par l'amendement n°36. Je recommande donc à Mme Assassi de le retirer. Il en est de même de l'amendement n°66 et de l'amendement n°65.
En revanche, l'amendement n°21 supprime le troisième alinéa et donc toute restriction au droit de visite. La commission était partagée sur cet amendement. Elle a rendu un avis de sagesse. En tant que rapporteur, je dois rappeler que les restrictions peuvent être justifiées, dans les cas strictement énumérés à l'article 6. Cet amendement reprend en effet strictement les termes de l'article 14.2 du protocole facultatif. Même avis sur les amendements n°67 et n°92, qui sont identiques.
Quant à l'amendement n°32, je tiens à préciser que le contrôleur n'est pas un médiateur. Il n'a donc pas à exercer un rôle de médiation en cas de troubles. Il est souhaitable, en revanche, qu'il puisse se rendre sur les lieux sitôt le calme revenu. Avis défavorable.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Tous ces amendements visent à enlever les restrictions au droit de visite du Contrôleur général, prévues par cet article. Or il peut y avoir des objections à des visites inopinées, pour des raisons impérieuses, ou de nécessité. Ainsi, l'article 14.2 du protocole facultatif des Nations Unies cite-t-il « des raisons pressantes et impérieuses liées à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles graves là où la visite doit avoir lieu. » Ainsi, en 2003, des inondations ont touché la maison d'arrêt d'Arles. En de pareilles circonstances, il vaut mieux éviter la visite du Contrôleur général.
M. Charles Gautier. - Il n'est pas sot !
M. Jean-Pierre Sueur. - Et en cas de tremblement de terre ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - En cas de mutinerie, également, ou lorsque des détenus ne veulent pas rentrer de promenade, il est évidemment souhaitable de mobiliser le personnel pénitentiaire pour les faire remonter, plutôt que pour accueillir le Contrôleur général. Ces restrictions sont temporaires. Je pense également à l'exemple récent de l'évasion de la prison de Grasse. Il est impératif en ce cas de veiller à la sécurité du personnel et des détenus en priorité, plutôt qu'à l'accueil du Contrôleur général...
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est évident !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - ... Pour toutes ces raisons, avis défavorable à l'amendement n°52. Avis favorable à l'amendement n°36. Avis défavorable, pour les raisons que j'ai exposées, aux amendements n°64, n°91, n°66, n°65, n°21, n°67, n°92 et n°32.
M. Yves Détraigne. - Je suis prêt à retirer mon amendement, mais je ne comprends pas pourquoi M. Hyest y a donné un avis défavorable, alors qu'il a donné un avis de sagesse sur l'amendement de suppression du troisième alinéa du groupe socialiste.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il y a eu vote de la commission, qui s'est ralliée à l'amendement n°36. Or la rédaction de votre amendement, qui visait, très habilement, à supprimer les deuxième et troisième alinéas, n'étant pas compatible avec celui-ci, je ne pouvais pas lui donner un avis favorable.
L'amendement n°52 est retiré.
L'amendement n°20 est retiré.
L'amendement n°36 est adopté.
Les amendements n°64, n°91, n°66, n°65, n°21, n°67 et n°92 deviennent sans objet.
L'amendement n°32 n'est pas adopté.
La séance est suspendue à 19h 25.
présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président
La séance reprend à 21h 30.