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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Réforme de la taxe professionnelle et péréquation

Accompagnement scolaire des enfants handicapés

Photos à l'école

Situation des auxiliaires de vie scolaire collectifs

« Programme Bachelier » proposé par Acadomia

Prise en charge des personnes âgées à domicile

Avenir de la commune de Douaumont

Situation de l'enseignement agricole public

Fret ferroviaire

Déviation Livron-Loriol de la RN 7

Usine Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne

Logements sociaux des communes

Dépistage des cancers du sein

Questions cribles sur les collectivités territoriales

Hommage à une délégation cambodgienne

Rappel au Règlement

Logements vacants (Proposition de loi)

Discussion générale

Discussion des articles

Article additionnel avant l'article premier

Article premier

Article 2

Articles additionnels

Article 3

Article 4

Article 5

Concentration dans le secteur des médias (Proposition de loi)




SÉANCE

du mardi 17 novembre 2009

28e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Marc Massion.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à treize questions orales.

Réforme de la taxe professionnelle et péréquation

M. Alain Fouché.  - La réforme de la taxe professionnelle aura de lourdes conséquences sur le Fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), en particulier pour les grandes entreprises de production nucléaire. Dans le système instauré il y a trente ans, la taxe professionnelle ne va pas en totalité à la commune où est implanté le site, de nombreuses autres en perçoivent une partie, dans le département, voire au-delà. Dans la Vienne, la taxe professionnelle représente 47 % des recettes des taxes locales. La centrale nucléaire de Civaux verse plus de 18 millions d'euros au fonds départemental. De petites communes d'une centaine d'habitants, comme Glénouze et Lauthiers, reçoivent entre 24 000 et 30 000 euros, une commune moyenne comme Loudun, 84 000 euros. Les communes d'accueil comme Chauvigny et Montmorillon perçoivent respectivement 1,5 et 1,7 million d'euros. Cette manne est indispensable pour les budgets des communes, qui sont dans l'expectative et ne peuvent prévoir aucun investissement d'importance.

Le projet de loi de finances 2010 supprime la taxe professionnelle et la remplace par la cotisation économique territoriale. Or le fonds de péréquation était alimenté jusqu'alors par le produit de l'écrêtement des bases de taxe professionnelle des établissements dits « exceptionnels ». Quels seront les nouveaux mécanismes ? Garantiront-ils aux communes et aux collectivités un niveau de recettes identique ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Question fondamentale pour les finances locales, mais question complexe ! Les discussions ne sont pas achevées. La péréquation est un objectif de valeur constitutionnelle. Le mécanisme actuel de redistribution aux communes les plus défavorisées ne pourra être maintenu après la réforme de la taxe professionnelle : mais le nouveau mode d'alimentation et de fonctionnement des fonds départementaux doit encore être précisé. Le Gouvernement avait pris le parti de maintenir les FDPTP à leur niveau en 2010, dans l'attente d'une refonte d'ensemble des finances locales. A quel niveau opérer la péréquation ? Quelles ressources retenir ? Comment déterminer les collectivités éligibles ? Quoi qu'il en soit, la proposition du Gouvernement n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale, qui a défini les grandes lignes d'un nouveau mécanisme : des fonds départementaux de péréquation seraient alimentés par une dotation égale aux sommes versées aux actuels FDPTP au titre de 2010, minorées le cas échéant des retours obligatoires à certaines communes. Tout cela est intéressant mais soulève quelques difficultés techniques de mise en oeuvre -et ne peut dans l'état actuel de la rédaction fonctionner au titre de 2010...

Le texte soumis au Sénat pourra donc être amélioré. La concertation et les prochaines discussions dans cet hémicycle constitueront une étape décisive pour le devenir des fonds de péréquation. Je ne doute pas, monsieur Fouché, que vous y contribuerez.

M. Alain Fouché.  - Le mécanisme proposé par les députés n'est pas tout à fait au point ; le Sénat va y travailler. C'est un problème crucial pour de nombreuses collectivités.

Accompagnement scolaire des enfants handicapés

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La professionnalisation et donc la pérennisation des emplois de vie scolaire (EVS) et des auxiliaires de vie scolaire (AVS) sont indispensables. La loi 2005 d'égalité des chances a posé le droit à la scolarisation des enfants handicapés. Mais les moyens de leur accueil à l'école dans de bonnes conditions ne sont toujours pas là. En juin dernier, le système a atteint l'état de « grand bazar » avec le non-renouvellement de milliers de contrats, dont 1 400 AVS. Dans les Hauts-de-Seine, en avril 2009, 68 élèves demeuraient en attente d'un accompagnement. On manque de candidats à recruter, car rien n'est fait pour rendre ces emplois attrayants. Coexistence de différents types de contrats, absence de statut, emplois de courte durée, non prise en compte de l'expérience et des compétences acquises, précarité professionnelle -la validation des acquis de l'expérience ne compense pas tout cela. L'impossibilité de conclure des CDI entraîne un roulement des AVS, néfaste pour les enfants, les familles et les professionnels.

Les disparités de qualification exigée sont mal ressenties par les familles, qui redoutent un accompagnement inadapté. La mobilisation des parents et des syndicats du personnel a incité le Gouvernement à faire voter un amendement à la loi sur la mobilité dans la fonction publique ; le décret d'application du 20 août, autorisant le renouvellement des contrats arrivés à leur terme, était très attendu. Mais la circulaire n'ayant été adressée aux inspecteurs d'académie que le 22 octobre, c'est dans le plus grand chaos que les élèves et les personnels ont découvert ce énième dispositif, qui se borne à gérer l'urgence. La faculté donnée de recourir à des accompagnants issus du milieu associatif est encore un refus de la professionnalisation. La commission de travail interministérielle qui vient d'être installée va-t-elle enfin conclure à la nécessité de créer un vrai métier et, partant, une possibilité de « fonctionnarisation » ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - A la rentrée 2009, 185 000 élèves handicapés ont été accueillis, soit 10 000 de plus que l'an dernier, grâce aux 5 000 postes supplémentaires d'AVS.

Au total, ce sont 22 000 postes d'auxiliaires de vie scolaire qui sont consacrés à l'intégration des enfants handicapés.

A la suite d'un amendement gouvernemental, les AVS en fin de contrat pourront être recrutés par une association ayant conclu une convention avec l'éducation nationale. Luc Chatel a signé le 1er septembre une convention-cadre avec la Fnaseph, l'Unapei et les PEP. Entre 1 000 et 1 500 AVS pourront être recrutés par des associations locales. L'éducation nationale versera aux associations une subvention calculée sur la base de la rémunération brute antérieurement perçue par la personne recrutée, majorée de 10 %.

Un groupe de travail commun au ministère de l'éducation nationale et au secrétariat d'État à la famille a été mis en place en septembre. Il est chargé de créer, d'ici septembre 2010, un nouveau métier d'accompagnant qui offre des perspectives de carrière et de mobilité à ceux qui ont choisi de s'engager dans l'accompagnement des élèves handicapés mais aussi dans l'assistance aux personnes âgées ou dépendantes. Luc Chatel veille personnellement à la bonne marche des travaux de ce groupe.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - L'article 79 de la loi sur l'égalité des chances prévoit que le Gouvernement devra présenter un plan qui réponde « à la nécessité des reconnaissances des fonctions émergentes, l'exigence de gestion prévisionnelle des emplois et le souci d'articulation des formations initiales et continues dans les différents champs d'activités concernés ». Or le plan qui a été présenté ne fait pas mention de ceux qui assurent des fonctions d'encadrement des handicapés à l'école. Que de temps perdu !

Vous parlez d'un groupe de travail qui vient d'être mis en place. Mais des propositions concrètes ont été formulées dès 2002 ! Allez-vous tout reprendre à zéro ? La demande est pourtant claire : sortir de cette précarité préparée par le cadre réglementaire de la loi de 2005.

Photos à l'école

M. Jean-Pierre Vial.  - Le temps est révolu où la photographie en milieu scolaire se bornait à la réalisation chaque année de la traditionnelle photo de classe. La donne a été changée avec la photographie numérique et les facilités qu'elle offre en matière de diffusion, de reproduction, de mise en ligne, d'échange par courrier électronique. C'est, pour les enseignants et en particulier pour les plus dynamiques d'entre eux, un outil précieux pour illustrer un projet ou des activités pédagogiques et les faire mieux connaître auprès des familles, de la communauté enseignante, à l'occasion de manifestations « portes ouvertes » ou de la création d'un portail.

Mais il leur faut aussi respecter les dispositions juridiques qui encadrent la réalisation et l'exploitation de photographies représentant des personnes, mineures en particulier : respect de la vie privée, droit à l'image tel qu'il est garanti par l'article 9 du code civil et protégé par l'article 226-1 du code pénal, dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique et aux libertés. La circulaire du 5 juin 2003 rappelle certes un certain nombre de principes fondamentaux mais, partiellement obsolète d'un point de vue juridique, elle est de façon générale insuffisamment précise.

Envisagez-vous d'en prendre une nouvelle, plus précise et qui satisfasse le droit à l'image des élèves tout en assurant une sécurité juridique aux établissements et aux enseignants ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Votre question rejoint une réflexion actuellement menée par le ministère de l'éducation nationale.

La photographie constituant une donnée personnelle puisqu'elle permet l'identification du sujet concerné, les établissements scolaires qui souhaitent conserver des photographies d'élèves, notamment des photographies numérisées, doivent respecter les prescriptions de la loi informatique et libertés. La circulaire du 5 juin 2003 sera très prochainement modifiée pour tenir compte de l'évolution de la loi Cnil dans le sens du renforcement des droits des administrés.

Le ministère de l'éducation nationale a l'intention de sensibiliser les chefs d'établissements et les enseignants à cette question. Toutefois, la circulaire du 5 juin 2003 me paraît respecter le principe posé à l'article 9 du code civil du droit au respect de la vie privée des élèves et donc à leur droit à l'image. Elle rappelle en effet qu'une autorisation expresse de l'élève, ou de ses parents si ce dernier est mineur, est nécessaire avant toute prise de vue ainsi qu'avant toute diffusion, notamment sur internet, de la photographie.

Vous citez l'article 226-1 du code pénal qui sanctionne la fixation de l'image d'une personne sans son consentement dans un lieu privé. Il n'est pas applicable aux photographies prises dans les établissements scolaires, qui ne constituent pas des lieux privés. La circulaire du 5 juin 2003 encadre strictement la pratique de la photographie scolaire et garantit la neutralité du service public. Elle incite à une très grande prudence à l'égard des pratiques commerciales qui pourraient accompagner le développement de la photographie à l'école.

Je vous remercie de votre contribution à la réflexion du ministère.

M. Jean-Pierre Vial.  - J'ai bien noté que le ministère étudie ce problème, auquel sont confrontés les conseils d'administration des établissements.

Situation des auxiliaires de vie scolaire collectifs

M. Bernard Piras.  - Le décret du 20 août 2009 et la circulaire relative à la continuité de l'accompagnement des élèves handicapés semblent ne concerner que les auxiliaires de vie scolaire individualisés, et non les auxiliaires de vie scolaire collectifs qui interviennent au sein d'un groupe d'enfants handicapés, dans les classes d'intégration scolaire (Clis). Les questions de la gestion de ces postes par des associations ou de la continuité de l'accompagnement concernent pourtant les deux catégories.

Les AVS collectifs établissent une relation privilégiée avec les enfants, qu'ils accompagnent lorsqu'ils intègrent les classes classiques, jouant ainsi un rôle d'AVS individualisé. Il serait incohérent que ces dispositions réglementaires ne s'appliquent pas également à eux, d'autant que l'on vise actuellement à faire de la fonction d'AVS un véritable métier, comme Mme Idrac vient de le rappeler.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - A la rentrée 2009, 185 000 élèves handicapés sont accueillis à l'école : 10 000 de plus qu'en 2008, et 40 % de plus qu'en 2005, date du vote de la loi sur le handicap. Dans les structures collectives de scolarisation, classes pour l'inclusion scolaire (Clis) et unités pédagogiques d'intégration (UPI), les AVS collectifs apportent une aide aux enseignants pour faire face à l'hétérogénéité des groupes d'élèves et à la complexité des actions éducatives et pédagogiques. En cette rentrée, nous ouvrons 200 unités pédagogiques d'intégration dans le second degré, ce qui porte à 1 750 le nombre d'UPI en 2009. L'objectif est de 2 000 UPI en 2010. Chaque année, une centaine de Clis sont ouvertes dans le premier degré : en 2009, 4 100 Clis accueillent 41 000 élèves.

Un amendement gouvernemental a permis que les AVS individualisés en fin de contrat soient recrutés par une association ayant conclu une convention avec l'éducation nationale. Luc Chatel a signé le 1er septembre une convention-cadre avec trois associations représentatives : entre 1 000 et 1 500 AVS pourront être recrutés par des associations locales.

Par ailleurs, le Gouvernement s'engage dans la professionnalisation de ces métiers. Un groupe de travail commun au ministère de l'éducation nationale et au secrétariat d'État à la famille et à la solidarité a été mis en place en septembre avec pour objectif de créer un nouveau métier d'accompagnant de vie scolaire et sociale en septembre 2010. Les AVS individuels et les collectifs sont directement concernés par ce nouveau métier.

M. Bernard Piras.  - Je vous demandais si le décret et la circulaire concernaient également les auxiliaires de vie scolaire collectifs : vous ne m'avez pas répondu.

« Programme Bachelier » proposé par Acadomia

M. Yannick Bodin.  - Ma question s'adresse au ministre de l'éducation nationale. Le 16 septembre dernier, Acadomia, l'une des principales sociétés de soutien scolaire privé, a lancé son opération « Devenez bachelier ou soyez remboursé ». Pour 2 000 à 3 000 euros, l'élève de terminale reçoit des cours dans une ou deux matières, avec la garantie d'obtenir le baccalauréat en juin. En cas d'échec, Acadomia s'engage à rembourser les parents ! Bigre !

Le PDG d'Acadomia dit se défendre contre la concurrence de l'éducation nationale qui développe désormais des formes de soutien scolaire gratuit : « L'État a une obligation de moyens ; nous, notre valeur ajoutée, c'est la garantie des résultats. » Vous apprécierez, monsieur le président, vous qui avez été professeur ! Acadomia bénéficie pourtant de 320 millions d'aides de l'État, en crédits d'impôt, abattements de charges ou TVA à taux réduit ! Le plan de cohésion sociale, qui n'a créé que la moitié des 500 000 emplois promis, a en effet inclus ces entreprises de soutien dans les services à la personne, alors qu'elles n'emploient par nature que des étudiants ou des enseignants déjà en poste, d'ailleurs recrutés sans grande rigueur...

Seules les familles aisées pourront investir une telle somme pour l'éducation de leurs enfants qui, pour la plupart, n'ont pas besoin de soutien pour faire partie des 85 % de lycéens qui obtiennent le bac. La réduction d'impôt accordée augmente encore ce déséquilibre social.

M. Chatel s'est déclaré choqué que l'on puisse ainsi marchandiser le bac, dont il juge qu'il n'est pas à vendre. Je suis de son avis. Quelles mesures compte-t-il prendre pour empêcher l'intervention d'officines mercantiles qui traitent le savoir comme une marchandise, et passer des déclarations aux actes ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - Pour tous les Républicains, l'école ne saurait être une marchandise. Le savoir n'est pas à vendre, il se transmet et se conquiert par le travail et la persévérance. Luc Chatel condamne cette approche de la réussite, qui conduit parfois des familles modestes à des sacrifices importants et bafoue le principe de l'égalité des chances, l'alpha et l'oméga de l'école de la République.

L'école doit être son propre recours ; chaque élève doit pouvoir y trouver l'aide et le soutien dont il a besoin pour réussir. C'est le sens des réformes mises en oeuvre depuis l'élection du Président de la République : deux heures d'aide personnalisée hebdomadaires dans le primaire ; stages de remise à niveau pendant les vacances, qui ont concerné cet été près de 138 000 élèves de CM1 et CM2, encadrés par 26 000 enseignants ; accompagnement éducatif entre 16 et 18 heures dans les écoles d'éducation prioritaire et les collèges. Aujourd'hui, l'accompagnement éducatif concerne plus d'un collégien sur trois, un sur deux dans certaines zones rurales ou quartiers défavorisés. Plus d'un million d'élèves en ont bénéficié l'an dernier. Des dispositifs de réussite scolaire ont été mis en place pendant les vacances pour les 200 lycées qui concentrent les difficultés. Enfin, la réforme du lycée crée un accompagnement personnalisé pour tous.

Tous ces services sont bien entendu gratuits pour les familles. Voilà l'ambition du ministère de l'éducation nationale, voilà notre conception de l'égalité des chances, pour la réussite de chacun.

M. Yannick Bodin.  - Il n'y a pas d'erreur ? C'est bien à ma question que vous répondez ? Vous n'avez pas dit un mot d'Acadomia ! Merci d'avoir résumé la politique du Gouvernement, mais j'étais au courant : M. Chatel nous l'a exposée en commission. Si nous étions à l'école, je dirais que vous êtes hors sujet ! Je vous demande de transmettre ma question au ministre, et je la lui poserai à nouveau. Vous vous êtes déplacée pour rien, madame !

M. le président.  - Ne vous en prenez pas à Mme la ministre, monsieur Bodin : elle n'a fait que vous transmettre la réponse de M. Chatel, à qui vous devriez poser à nouveau votre question.

M. Yannick Bodin.  - Je m'en vais ! (M. Yannick Bodin quitte l'hémicycle)

Prise en charge des personnes âgées à domicile

Mme Maryvonne Blondin.  - Plus que la précédente, ma question est du ressort de Mme la ministre puisqu'elle concerne l'aide à domicile pour les personnes âgées. Ce champ d'activité, passé suite à la loi Borloo du secteur associatif au secteur marchand, est aujourd'hui en pleine expansion -on compte 16 000 organismes agréés en France- et constitue un enjeu essentiel pour l'accompagnement des personnes âgées et leur maintien à domicile. Si les conseils généraux en sont les principaux financeurs, les caisses de retraite y consacrent aussi des sommes importantes. Au travers de l'aide extra-légale, elles peuvent octroyer à leurs retraités appartenant aux groupes iso-ressources (GIR) 5 et 6 soit des chèques emploi-service, soit une participation financière aux frais. Le montant de cette aide, fixé par décret par la Cnav, est actuellement de 18,20 euros par heure.

Pour que cette aide soit accordée, les associations et services d'aide à domicile doivent passer convention avec les caisses de retraites et les conseils généraux, ce qui les oblige à professionnaliser leurs prestations et à mettre en place des partenariats. Cela entraîne un surcoût : la facturation horaire se situe aux alentours de 20 euros, mais les prestataires n'ont pas le droit de demander la différence aux retraités sous peine de déconventionnement. Les pertes qui s'ensuivent ne font que s'aggraver avec l'augmentation du nombre d'heures effectuées.

De nombreuses associations d'aide à domicile et plusieurs centres communaux d'action sociale m'ont alerté sur leur situation budgétaire de plus en plus alarmante. L'ADMR 29, une association qui emploie 3 700 salariés, accompagne 28 000 personnes et dispose d'un maillage serré sur l'ensemble du territoire, est aujourd'hui en déficit de près de 2 millions d'euros. D'autres associations dans le Nord ou le Finistère ont déjà procédé à des licenciements.

Ce secteur est aujourd'hui en danger. Or l'aide à domicile, ce n'est plus seulement du ménage ou du repassage mais aussi un véritable accompagnement pour les personnes en perte d'autonomie. Lors des assises nationales du 23 juin dernier, les prestataires se sont engagés à moderniser et à professionnaliser leurs services. Un projet de loi visant à simplifier le droit applicable aux associations et entreprises de services à la personne a d'ailleurs été déposé à l'Assemblée nationale. La dépendance et le vieillissement sont devenus de véritables enjeux de société.

Ma question est donc la suivante : ne peut-on envisager une augmentation significative du tarif de prise en charge de la Cnav ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - M. Darcos et moi-même sommes très attentifs aux difficultés que rencontrent les services d'aide à domicile, notamment en Bretagne. Les cadres juridiques et les modalités de financement de ces services sont complexes et insuffisamment articulés.

La Cnav mène aujourd'hui des discussions avec les différents acteurs institutionnels concernés, dont la Caisse régionale d'assurance maladie de Bretagne, afin de faire évoluer les modalités de financement des prestations d'aide ménagère à domicile. A titre transitoire, il est possible de verser aux prestataires un complément de financement de l'ordre d'un euro par heure d'intervention, en fonction de la qualification de leur personnel, en échange de quoi ils s'engagent à respecter l'ensemble des dispositions de la convention de prestations, notamment le montant de participation horaire de l'aide ménagère défini par la Cnav afin d'éviter tout reste à charge supplémentaire pour le retraité. Cette mesure est d'ores et déjà appliquée en Bretagne.

Mais nous devons rechercher collectivement les meilleures solutions pour faire évoluer à la fois les règles de tarification des services d'aide à domicile et les modalités de financement de la Cnav. Une concertation sera engagée très prochainement avec l'ensemble des acteurs concernés -conseils généraux, Cnav et fédérations de gestionnaires- afin de dresser un état des lieux partagé et d'améliorer la coopération entre les financeurs.

Mme Maryvonne Blondin.  - Si je comprends bien, vous souhaitez lancer une sorte de Grenelle de l'allongement de la vie : je m'en félicite. Des discussions ont eu lieu en Bretagne, vous l'avez dit, entre les différents acteurs concernés. Il y a urgence. Ces associations non marchandes se sont engagées, je le rappelle, à professionnaliser et à pérenniser leurs emplois : il ne s'agit plus d'emplois sous-qualifiés. Je vous encourage donc à demander à la Cnam d'augmenter son tarif horaire.

Avenir de la commune de Douaumont

M. Claude Biwer.  - Cette question un peu particulière pourrait concerner tous les ministres, car on veut aujourd'hui rayer une commune de la carte. Faisant suite à une requête de M. le sous-préfet de Verdun, le tribunal d'instance de cette ville a décidé le 25 juin 2009 de radier de la liste électorale de la commune de Douaumont son maire, Mme Minmeister, ainsi que cinq autres élus. Cette décision revêt aujourd'hui une dimension symbolique, quelques jours après la célébration du 11 novembre...

Mme le maire figurait sur la liste électorale de Douaumont depuis 1969. Elle y a résidé et exercé la profession de commerçante jusqu'en 2003 : c'était le seul commerce du village. Maire depuis 1989, comme le fut son père en son temps, elle se dévoue sans compter au service de sa commune. Elle a accueilli dans ce village emblématique des tragédies de la première guerre mondiale de très nombreuses personnalités, dont les Présidents de la République successifs : M. Sarkozy lui-même s'y est rendu en 2008 à l'occasion du 90e anniversaire de la victoire.

Douaumont est l'un des neuf villages détruits par les combats entre 1914 et 1918. C'est grâce à la volonté de quelques familles, dont celle de Mme le maire, que la commune a pu revivre et une équipe municipale se reconstituer, alors que sept autres villages ayant connu le même sort sont aujourd'hui administrés par une commission municipale dont les membres, extérieurs à ces communes, sont nommés par le préfet.

Je demandé à M. le ministre de l'intérieur de faire en sorte que le mandat des élus radiés puisse se poursuivre jusqu'à son terme. Il a accédé à cette requête et je l'en remercie. Mais rien n'est réglé pour l'avenir : que se passera-t-il lors des prochaines élections municipales ? Douaumont restera-t-elle une commune de plein exercice dotée d'un conseil municipal élu par la population, ou sera-t-elle désormais gérée par une commission municipale de trois membres nommés par le préfet ? Belle avancée démocratique !

A tout prendre, ne vaut-il pas mieux que ce village soit administré par des élus extérieurs à la commune mais qui y ont de fortes attaches, plutôt que par des personnalités nommées et venues d'ailleurs ? Cette commune, naguère détruite par les armes, risque aujourd'hui d'être détruite administrativement.

La commune de Douaumont étant emblématique, je souhaite que nous trouvions une solution.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - La commune de Douaumont est la seule commune de la zone de combats de Verdun qui dispose d'un conseil municipal élu. Particulièrement sensible à l'émoi suscité par cette affaire, le ministre de l'intérieur m'a chargée de vous confirmer les informations qu'il vous a communiquées par courrier.

Le tribunal d'instance de Verdun a radié des listes électorales de Douaumont huit électeurs qui n'y étaient ni domiciliés ni inscrits au rôle des contributions directes. Il y a parmi eux six conseillers municipaux, dont le maire et deux membres de sa famille. Dans l'immédiat, le maire pourra exercer son mandat jusqu'à son terme puisque le code électoral ne prévoit pas la démission d'office d'un conseiller municipal qui cesse de remplir, ultérieurement à son élection, la condition d'éligibilité tenant à l'inscription sur les listes électorales. Le Conseil d'État considère que cette condition s'apprécie au jour de l'élection. Un conseiller municipal radié des listes électorales de la commune postérieurement à son élection conserve donc son mandat.

Le conseil municipal de Douaumont compte trois élus résidents et six qui ne sont ni domiciliés dans la commune ni inscrits au rôle des contributions directes. Dans la perspective du prochain renouvellement, les conseillers municipaux radiés peuvent mettre leur situation en conformité avec le code électoral : résidence depuis plus de six mois ou inscription pour la cinquième année consécutive au rôle des contributions directes communales ou, éventuellement, résidence obligatoire en qualité de fonctionnaire public. Certains conseillers, « forains », peuvent ne pas résider dans la commune : quatre au plus pour une assemblée de neuf membres.

La situation de Douaumont ne nécessite pas de mettre en place une commission spéciale : si les élus et les électeurs de Douaumont souhaitent conserver leur conseil municipal, ils disposent de tous les moyens pour le faire.

M. Claude Biwer.  - Je vous remercie : nous sommes sur la bonne voie. L'inscription au rôle des contributions directes n'est pas facile à Douaumont car tous les terrains appartiennent désormais à l'État et sont gérés par l'ONF. Je continuerai à chercher une solution avec le ministère de l'intérieur : peut-être faut-il changer un règlement ?

Il y a quelques années, j'avais comparé ici même la DGF de Paris, qui est d'environ 600 euros, à celle de mon département, de 60 euros en moyenne. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, m'avait rappelé que je ne devais pas me plaindre car une des communes de la Meuse, Douaumont, percevait 600 euros. Si celle-ci disparaît, le débat sera faussé !

Situation de l'enseignement agricole public

Mme Marie-France Beaufils.  - A maintes reprises, j'ai porté dans cette enceinte la voix des personnels, des parents et des élèves de l'enseignement agricole public. Je vous alerte à nouveau sur leurs conditions de travail et d'étude, affectées par des suppressions d'emplois, des fermetures de classes et maintenant de sites en milieu rural. La demande d'un moratoire sur les suppressions d'emplois n'a pas été entendue malgré les multiples actions menées. Je le regrette d'autant plus que le ministre de l'agriculture avait semblé, dès son arrivée, envisager positivement l'avenir de cet enseignement. L'annonce d'assises laissait supposer une reconnaissance de la situation de crise et la volonté de redonner à l'enseignement agricole public un nouvel élan. Les 60 emplois promis pour la rentrée scolaire 2009 pouvaient susciter quelque espoir.

A la lecture du budget 2010, la réalité des chiffres contredit ces engagements. La suppression de 221 emplois d'enseignants constitue-t-elle la réponse « la plus concrète possible » promise ici même par le ministre en juillet dernier ? Elle est très mal acceptée. La colère gronde dans ces établissements, d'autant qu'aucune information n'a été communiquée sur leur répartition entre le public et le privé. La défense du service public menée par les parents d'élèves et les personnels des établissements de notre région a permis de maintenir l'offre d'options facultatives. Le ministre est-il prêt à s'engager à rétablir le droit de chaque élève à être accueilli dans l'enseignement agricole public en mettant fin aux plafonnements arbitraires des effectifs ? Ces suppressions d'emploi augmentent le désarroi des agents et des usagers. La situation de nos territoires ruraux et du monde agricole va s'aggraver encore davantage. L'investissement dans la formation est un investissement pour l'avenir. Lorsque l'État se désengage, les inégalités se renforcent.

La semaine dernière, le Syndicat national de l'enseignement technique agricole a transmis au ministre 21 propositions à considérer avec sérieux. II est temps de renverser la tendance et de répondre concrètement à la demande de moratoire sur les suppressions d'emplois.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Le 10 septembre dernier, le ministre de l'agriculture a ouvert les assises de l'enseignement agricole public. Il s'agit de définir collectivement ses ambitions pédagogiques, son organisation et la répartition de l'offre de formation sur le territoire. L'adaptabilité de l'enseignement agricole constitue le gage de son succès et de son adéquation avec les réalités et l'évolution de la société, de la ruralité et de l'agriculture.

Le plafond d'emplois pour 2010 tient compte des besoins exprimés par l'enseignement agricole en 2009, qui ont conduit le Gouvernement à dégager 132 emplois. Afin d'améliorer les conditions de la rentrée scolaire, le ministre de l'agriculture a mobilisé 60 équivalents temps plein supplémentaires pour les établissements d'enseignement agricole publics. Quatre cents élèves placés sur listes d'attente ont ainsi pu être accueillis et les conditions de remplacement des personnels ont été améliorées. Les efforts budgétaires consentis par l'enseignement public pour l'année scolaire 2009 seront pris en compte dans la répartition de l'effort entre l'enseignement public et l'enseignement privé pour 2010.

Mme Marie-France Beaufils.  - J'espère que notre préoccupation sera entendue par le ministre car vous ne m'avez pas rassurée. La prise en compte de l'effort accompli par l'enseignement agricole public en 2009 pour la répartition de l'effort en 2010 fera peser sur celui-ci un lourd tribut avec la suppression des 221 postes. Si 60 postes ont été rétablis à la rentrée 2009, c'est parce qu'il y avait eu trop de suppressions auparavant ! Je suis très inquiète. Ceux qui ont présenté, dans le cadre des assises, des propositions pour l'enseignement agricole public et la formation des jeunes se rendront compte que la réponse n'est pas à la hauteur de leurs attentes.

Fret ferroviaire

M. Michel Teston.  - L'engagement national pour le fret ferroviaire, pris par le Gouvernement le 16 septembre dernier, vise à atteindre l'objectif de la loi de programmation du Grenelle de l'environnement et à augmenter de 25 % la part du fret ferroviaire d'ici 2012. Un plan d'actions et d'investissements de 7 milliards d'euros s'articulera autour de huit priorités, dont la suppression des points de congestion et la création d'un réseau d'autoroutes ferroviaires cadencées.

Le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise s'inscrit dans ces objectifs, avec 1,5 milliard d'euros pour la partie nord et 1,4 milliard pour la partie sud.

Or, les perspectives de l'autoroute ferroviaire Perpignan-Bettembourg pourraient porter à 150 d'ici 2030, contre 50 aujourd'hui, le nombre de trains circulant sur la rive droite du Rhône. Ces lignes passant au coeur des villes et des villages, notamment en Ardèche, pareille évolution ne sera tolérée qu'au prix d'importants aménagements assurant la sécurité et combattant les nuisances. Il faudra donc supprimer les passages à niveau dits « préoccupants », installer des protections phoniques dans les parties urbanisées, ajouter un troisième rail diminuant le risque de renversement des wagons en cas de déraillement, installer plus de détecteurs de boîtes chaudes mesurant la température des essieux.

Les crédits du plan d'actions et d'investissements annoncés par le Gouvernement doivent servir aux aménagements nécessaires sur la rive droite du Rhône entre Lyon et Nîmes, en particulier sur le linéaire ardéchois.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Le Gouvernement est engagé dans une forte dynamique de soutien au transport non routier de marchandises, avec des objectifs volontaristes de report modal, notamment l'augmentation de 25 % de la part du fret ferroviaires d'ici 2012. D'où l'idée d'un réseau ferré à priorité fret.

Principal axe pour le transport de marchandises en France, la vallée du Rhône joue un rôle stratégique pour le fret ferroviaire. Deux lignes classiques longeant le Rhône ont été intégrées dans le réseau à priorité fret, celle située sur la rive droite étant réservée au transport de marchandises.

La sécurité étant un atout et une valeur cardinale de ce mode de transport, M. Bussereau a lancé un plan d'actions destinées à rendre sûrs les passages à niveau les plus dangereux, grâce à 450 millions d'euros investis au cours des cinq années à venir. En outre, Réseau ferré de France (RFF) vient d'engager avec les collectivités locales des études destinées à sécuriser la ligne longeant la rive droite du Rhône.

Les élus ardéchois souhaitant que le trafic de voyageurs soit repris sur cette ligne, des expérimentations combinant fret et TER seront prochainement engagées en ce sens pendant trois ans.

M. Michel Teston.  - Développer le fret ferroviaire est une condition sine qua non de la diminution du transport routier de marchandises, mais en respectant les droits et qualité de vie des riverains. Ceux-ci ne doivent pas assumer le coût de l'isolation phonique de leurs habitations. De même, la sécurisation des voies ne doit aucunement être à la charge des collectivités territoriales.

Vous dites que RFF a engagé des études avec les collectivités territoriales ardéchoises. Je prends acte de cette information, mais elle n'apporte pas toute garantie d'un traitement suffisant.

Si l'État et RFF ne peuvent prendre intégralement en charge tous les travaux d'aménagement, ils rencontreront l'opposition totale de la population et des élus ardéchois. Avec eux, je suis à la disposition de M. Bussereau pour en discuter avec lui.

Déviation Livron-Loriol de la RN 7

M. Didier Guillaume.  - Ma question porte sur les déplacements dans la vallée du Rhône, obstruée par des flux incessants de véhicules lors des transhumances estivales et parfois en hiver, et sur la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

La déviation de la RN 7 est attendue depuis des décennies par les habitants des deux communes de Livron et de Loriol, qui voient passer 11 000 véhicules par jour sous leurs fenêtres. Je vous laisse imaginer les nuisances ! Plus grave : 63 accidents ont tué 17 personnes et en ont gravement blessé 37 en cinq ans.

Les élus soutiennent donc le projet de déviation conçu par le Gouvernement. Ainsi, le contrat de plan État-région Rhône-Alpes comprend cette déviation, avec une première tranche de 23 millions d'euros financée à parité par l'État et la région pour une opération d'une soixantaine de millions.

Lorsque le Président de la République a détaillé il y a un an son plan de relance pour accélérer les investissements publics et stimuler l'emploi, élus et habitants ont été rassurés. Aujourd'hui, les terrains sont achetés, les expropriations sont réalisées, des piquetages ont même eu lieu et voici qu'une lettre reçue il y a quelques jours informe les élus que ces travaux ne seront pas réalisés !

S'agit-il d'une erreur ? Compte tenu des engagements pris par le Président de République, l'État, la région Rhône-Alpes et les collectivités territoriales, cette déviation de la RN 7 reste-t-elle d'actualité ? Quand sera-t-elle réalisée ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Outre les 24 millions d'euros inscrits au contrat de plan État-région, la déviation de Livron-Auriol doit être examinée dans le cadre des programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI), qui prendront la relève du volet routier des contrats de plan État-région.

Une circulaire du 7 octobre 2008 a chargé les préfets de région d'établir une liste hiérarchisée des opérations pouvant faire l'objet d'un engagement certain de travaux en 2007-2014. Après examen national, la liste des opérations retenues et l'enveloppe budgétaire pluriannuelle correspondante leur ont été notifiées le 13 mai. Des négociations de cofinancement exclusif avec les collectivités territoriales ont alors été engagées.

Le PDMI Rhône-Alpes est particulièrement délicat en raison des contraintes budgétaires nationales et du faible engagement des collectivités territoriales concernées. Dans le cadre des négociations en cours, l'État a majoré sa participation au PDMI Rhône-Alpes pour prendre en compte l'ampleur des aménagements à réaliser. Grâce à cette majoration, une première tranche de la déviation sera engagée, l'achèvement devant intervenir avec la prochaine génération de PDMI.

MM. Borloo et Bussereau ont donné des instructions pour que les travaux du giratoire soient lancés au plus tôt, en liaison avec le préfet de la Drôme et les élus concernés.

M. Didier Guillaume.  - L'opération a donc été relancée grâce à la grande mobilisation du 30 octobre, qui a vu des milliers de citoyens et les élus en écharpe se réunir sur le pont reliant les deux communes. J'espérais, madame la ministre, vous entendre annoncer que la déviation se ferait conformément aux engagements pris. Tel n'est pas le cas, malgré les travaux annoncés pour le giratoire.

Ce dossier engage la crédibilité de l'État. Vous dites que les collectivités territoriales ne s'engagent pas suffisamment en termes budgétaires pour la déviation d'une route nationale. Pourtant, le décroissement des financements opéré par la loi Raffarin de 2004 est clair : il appartient à l'État d'assumer les infrastructures nationales. En outre, les 23 millions d'euros financés par la région Rhône-Alpes à parité avec l'État sont loin d'être négligeables. Il n'y a donc aucune insuffisance dans la participation de la région.

Le contournement est impératif pour des raisons de sécurité, d'environnement, et pour désengager la vallée du Rhône. Comme vous le savez, notre département est un grand département viticole, avec les Côtes du Rhône. Nous préférerions ne parler que des bouchons fermant les bouteilles ! (Sourires)

Je vous remercie d'avoir infirmé le courrier reçu, mais je reste sur ma soif tout en espérant que le dossier progressera conformément aux intérêts des habitants et de tous les automobilistes.

Usine Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne

M. Thierry Repentin.  - Je souhaite alerter M. Borloo sur la situation de l'usine de production d'aluminium Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne. A l'occasion d'un comité central d'entreprise du 13 octobre dernier ce groupe a annoncé la suppression de 320 emplois en France, dont 179 en Maurienne, dans le cadre du plan dit « de sauvegarde de la compétitivité de la société Aluminium Pechiney ». Ce site, qui comprend également une plate-forme d'essais et de démonstrations technologiques, emploie quelque 700 personnes, ce qui génère environ 3 000 emplois indirects dans une vallée qui compte 40 000 habitants. C'est dire combien une telle décision touche une vallée déjà très largement affectée par la crise économique.

Les difficultés des industries électro-intensives, qui souffrent déjà de la baisse considérable du prix de l'aluminium, s'accentueraient gravement si des mesures n'étaient prises pour diminuer le coût de l'énergie, qui représente l'essentiel des coûts de production.

L'industrie de l'aluminium, grosse consommatrice d'énergie, est déjà fortement touchée par la crise, notamment par le biais du prix de l'aluminium, fixé par le London Metal Exchange, prix certes en très légère reprise mais qui reste bien loin de ce qu'il était ces dernières années. Si des mesures n'étaient pas prises pour diminuer le coût de l'énergie, qui intervient pour plus de 30 % dans le prix du métal, c'est toute la filière française qui risquerait d'être condamnée.

Il s'agit pourtant d'une filière stratégique, impliquée notamment dans la fabrication des Airbus, mais qui ne compte plus que deux sites en France, Dunkerque et Saint-Jean-de-Maurienne, unité qui, grâce à son laboratoire de recherches et de fabrications, est à l'origine de toutes les économies énergétiques et de l'essentiel des progrès technologiques réalisés sur des cuves d'électrolyse modernes, lesquelles équipent près de 80 % des sites de production au monde.

Lors de sa modernisation en 1983, ce site avait bénéficié d'un contrat énergétique préférentiel, Pechiney ayant accepté d'aider EDF à investir dans le nucléaire en contrepartie d'un contrat énergétique préférentiel d'une durée indexée sur la durée de vie théorique des centrales nucléaires, lequel contrat doit normalement prendre fin en 2012.

La direction de Rio Tinto Alcan a entamé des négociations afin d'obtenir la prolongation de ce contrat dès 2006 et, devant l'absence d'avancée significative, a assigné EDF devant le tribunal de commerce de Paris en 2007. Il serait de fait logique, puisque les centrales nucléaires dans lesquelles Pechiney a investi, initialement prévues pour durer trente ans, vont être prolongées au-delà de quarante, que le tarif préférentiel pour Rio Tinto Alcan soit prolongé d'autant.

Le dispositif « Exeltium », mis en place avec d'autres grosses industries ne répond que partiellement aux attentes puisque l'augmentation du prix reste de 50 %.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre afin de trouver une solution euro-compatible permettant d'assurer à cette industrie des coûts de l'énergie compétitifs ? Plutôt que d'user de contrainte, ne serait-il pas bon d'imaginer un contrat « gagnant-gagnant » avec le groupe Rio Tinto Alcan, qui verrait la France lui fournir une électricité à coût compétitif, ce dernier s'engageant à investir et maintenir les emplois. Les Québécois sont parvenus à nouer un tel contrat liant conditions de vente de l'énergie et quantification d'emplois.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Le Gouvernement accorde une très grande attention à l'industrie métallurgique, pour laquelle disposer d'un approvisionnement électrique à des conditions de prix compétitives et prévisibles est, comme pour toutes les industries électro-intensives, un enjeu majeur.

La mise en place prochaine d'Exeltium constitue une partie de la réponse, puisque, par cet accord, les industriels pourront disposer sur une longue période d'une électricité à un tarif reflétant la compétitivité du nucléaire.

La nouvelle organisation du marché électrique, sur les principes de laquelle le Gouvernement a obtenu un accord de la Commission européenne, viendra compléter ce dispositif, en garantissant sur le long terme que les prix payés par les consommateurs français seront le strict reflet du parc électrique national, donc fondés sur la réalité des coûts du nucléaire.

Conscient de l'impact des prix de l'énergie sur le développement futur de Rio Tinto Alcan, notamment sur les sites de Dunkerque, Gardanne, et Saint-Jean-de-Maurienne, le Gouvernement encourage l'entreprise et les fournisseurs d'énergie français à signer des accords d'intérêt mutuels, au service de l'industrie de notre pays.

Pour le site de Saint-Jean-de-Maurienne, qui joue un rôle clé en tant que plate-forme de démonstration pour les innovations développées en Rhône-Alpes, et qui bénéficie à plein, à ce titre, du crédit impôt recherche mis en place l'an dernier, le Gouvernement a reçu des assurances : la fermeture n'est pas à l'ordre du jour. Croyez bien, monsieur le sénateur, que je rendrai compte de vos préconisations à M. Borloo.

M. Thierry Repentin.  - Je vous remercie de ces éléments d'information. Cependant, ainsi que je vous le faisais observer, Exeltium ne répond qu'en partie au problème, puisque le renchérissement du coût de l'électricité restera de 50 %, alors qu'elle représente 30 % des coûts de production. La filière, qui ne compte plus que deux sites, risque tout bonnement de disparaître.

Vous dites que Rio Tinto Alcan s'est engagée à ne pas fermer le site. Dans l'immédiat, peut-être, mais l'industrie de l'aluminium a besoin d'investissements réguliers, et l'entreprise, ne sachant quelles seront les conditions de livraison électrique qui lui seront faites en 2012, n'engage aucune rénovation du site.

Il serait bon que s'ouvre une table ronde entre EDF et la société, où chacun abattrait ses cartes et prendrait des engagements.

Logements sociaux des communes

M. Jacques Berthou.  - Les maires, qui font souvent des efforts importants en faveur du logement social, voient leur prérogative d'affectation réduite à la portion congrue en vertu de la loi sur le droit au logement opposable (Dalo) et du label prioritaire accordé à certains demandeurs, qui ne relèvent souvent pas du périmètre communal, créant ainsi un malaise auprès des habitants de la commune en attente d'un logement.

Les inégalités territoriales entre les communes ayant un parc de logements sociaux et celles qui n'en possèdent pas s'en trouvent renforcées, puisque la loi n'est par définition appliquée que dans les seules communes ayant déjà une offre de logements sociaux.

Le Gouvernement envisage-t-il d'autoriser les communes en règle avec les obligations de l'article 55 de la loi SRU à se voir créditer de droits d'attribution additionnels, afin de ne pas pénaliser leurs propres demandeurs ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Les logements attribués à des personnes reconnues prioritaires par les commissions de médiation sont essentiellement imputés, monsieur le sénateur, sur le contingent de réservations préfectoral et, sauf accord collectif prévoyant une contribution des contingents des communes, celles-ci ne voient pas leurs droits de réservation amputés par la loi Dalo.

En revanche, il est exact que les attributions opérées dans ce cadre peuvent se faire au bénéfice de personnes qui ne sont pas originaires de la commune d'implantation des logements. C'est un effet de la solidarité nationale que de loger les personnes qui ne peuvent trouver de solution par leurs propres moyens ou par le biais des dispositifs de droit commun, ce qui exclut toute préférence territoriale. Toutefois, les préfets recueillent l'avis des maires et peuvent tenir compte de leurs observations.

L'effort repose, dites-vous, sur les seules communes qui ont déjà des logements sociaux. La diversification de l'implantation des logements mobilisés suppose, certes, une stricte application de l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000, mais aussi un développement de la captation de logements du parc privé avec intermédiation locative. Sur ce second point, le chantier national prioritaire 2008-2012 pour l'hébergement et l'accès au logement des sans-abris a mis en place, dans le cadre du plan de relance, un programme d'appel à projets avec un financement d'État et un objectif de 5 000 logements sur six régions -Ile-de-France, Languedoc-Roussillon, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Paca et Rhône-Alpes.

L'objectif est aujourd'hui de mobiliser le plus de logements possibles au sein de l'offre disponible pour les bénéficiaires du droit au logement opposable. D'ores et déjà, en application de la loi du 25 mars 2009, un quart des logements réservés par les collecteurs du 1 % doit bénéficier aux salariés ou aux demandeurs d'emploi désignés comme prioritaires par les commissions de médiation, afin d'accroître les possibilités de relogement. Il faut également aller plus loin et mobiliser les autres contingents. Il n'est pas nécessaire de passer par la loi : les accords collectifs entre l'État et les bailleurs sociaux peuvent être optimisés et, en réunissant tous les réservataires -en particulier les collectivités territoriales dont le contingent est important et réparti sur tout le territoire- des objectifs chiffrés être fixés par convention. Vous comprendrez qu'il ne peut être, dans ce contexte, envisagé d'augmenter les droits de réservation des communes qui respectent l'article 55.

M. Jacques Berthou.  - Il serait bon que, pour faire valoir les droits des communes, les collectivités soient associées à ces conventions.

Dépistage des cancers du sein

Mme Catherine Dumas.  - Avec 50 000 nouveaux cas chaque année et 12 000 décès, le cancer du sein est aujourd'hui pour les Françaises un véritable fléau.

Les thérapies ont accompli d'importants progrès ; les tumeurs de moins d'un centimètre sans atteinte ganglionnaire peuvent désormais, si on les détecte à temps, être guéries dans 90 % des cas. Il est donc fondamental d'organiser et de généraliser les actions de prévention et de dépistage. Le Gouvernement a mis en place une politique ambitieuse de dépistage gratuit pour les femmes de 50 à 74 ans mais, malgré les campagnes d'information, 30 % d'entre elles négligent cette possibilité : pourtant 3 500 vies pourraient ainsi être sauvées.

Non seulement 30 % des cancers frappent des femmes de moins de 50 ans, mais ces cancers évoluent plus rapidement chez la femme jeune. Il est donc important de mettre en place, comme l'ont fait plusieurs de nos voisins, une politique encore plus active de dépistage dès le quarantième anniversaire. Quelles dispositions allez-vous prendre pour améliorer la politique de dépistage et avancerez vous l'âge du dépistage gratuit à 40 ans ?

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports.  - Le cancer du sein est le plus fréquent ; il est aussi la première cause de mortalité par cancer chez les femmes. D'indéniables progrès ont été accomplis puisqu'il recule de 1,3 % l'an depuis 2000, mais une prise en charge plus précoce éviterait des décès. Faut-il élargir le dépistage aux femmes de 40 à 50 ans ? La réponse est négative pour des raisons médicales, et non économiques. Les inconvénients du dépistage peuvent en effet dépasser ses avantages lorsque des examens réguliers entraînent une démobilisation des femmes au moment où le risque est maximal. On doit également éviter le sur-diagnostic et un traitement lourd pour un cancer qui n'évoluerait pas.

Il ne faut pas pour autant nier la problématique du cancer avant 50 ans, qui représente 20 % des cancers du sein. C'est l'objet de mesures du plan cancer II présenté par le Président de la République. Mieux vaut en effet cerner des modalités spécifiques de dépistage. La mammographie seule n'est peut-être pas la solution optimale et des expérimentations vont être menées en région. On pourrait aussi proposer le dépistage aux femmes présentant un risque accru en raison de facteurs familiaux ou comportementaux.

Le Gouvernement veut accroître la participation des femmes au dépistage. Le nouveau plan cancer nous fournira des outils en persévérant dans l'information, en menant des campagnes très ciblées, et en renforçant le rôle du médecin traitant. Le Gouvernement partage votre préoccupation pour cette priorité nationale.

Mme Catherine Dumas.  - Je vous remercie de cette réponse. Je prends acte des arguments de Mme Bachelot-Narquin comme des possibilités de mener des expérimentations en province. Je suis sensible à cette question et attachée à la mobilisation contre le cancer du sein. J'ai participé le 3 octobre dernier avec Mmes Larcher et Darcos à une opération de sensibilisation dans les jardins du Luxembourg, opération qui aura un prolongement avec un colloque en mars au Sénat, car l'information et la sensibilisation restent nos meilleures armes. Je resterai attentive.

La séance est suspendue à 11 h 50.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Questions cribles sur les collectivités territoriales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles sur les collectivités territoriales. J'appelle chacun au respect de son temps de parole.

M. Jean-François Voguet.  - Ni le Président de la République, ni les députés de la majorité n'ont annoncé lors de leurs campagnes électorales une réforme des collectivités territoriales, pas plus d'ailleurs que le Premier ministre lors de son discours d'investiture. Cette réforme va pourtant bouleverser le paysage institutionnel de notre République sans que le peuple ne soit consulté. Les Français doivent savoir que le Sénat et les associations d'élus ont fait des propositions qui n'ont pas été retenues ; ils doivent savoir que la fin des communes et des départements est programmée, de même que l'exception française et le pluralisme fondé sur une démocratie locale animée par des millions de nos concitoyens et des milliers d'élus.

L'attaque est si frontale qu'aucune association d'élus n'y est favorable et que nombre d'élus de la majorité sont troublés, comme l'illustrent leurs réactions au Congrès des maires. C'est pourquoi le Gouvernement louvoie pour masquer son objectif de recentralisation et de réduction des services publics locaux ; c'est pourquoi il découpe sa réforme en cinq projets de loi et commence par étrangler financièrement les collectivités locales en supprimant la taxe professionnelle. Après avoir réduit leurs ressources, il nous demandera de réformer les institutions, puis, à la fin seulement, de débattre de leurs compétences. C'est pourtant par cela qu'il aurait fallu commencer. (On approuve vivement à gauche)

Ma question est simple, monsieur le ministre. Êtes-vous prêt à remettre l'ouvrage sur le métier, comme vous le demandent toutes les associations d'élus ? (Applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - J'avais prévu de répondre à toutes les questions, mais le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a décidé de consacrer l'intégralité de ses questions d'actualité aux collectivités territoriales ; je serai contraint de vous quitter, n'ayant ni le don d'ubiquité, ni le pouvoir de coordonner l'activité des groupes politiques de l'opposition...

A mon tour de vous poser une question simple : pensez-vous sincèrement que le statu quo est tenable ? L'enchevêtrement des compétences et la confusion institutionnelle actuelle suscitent l'incompréhension de nos compatriotes et des élus eux-mêmes. (Exclamations à gauche) On ne peut faire comme si cet empilement de structures n'existait pas, comme si la taxe professionnelle n'était pas cet impôt imbécile dont parlait François Mitterrand, qui pèse sur l'investissement et l'emploi. Il est temps de réformer, il est temps de ne plus laisser filer le nombre d'emplois dans les collectivités territoriales (vives protestations à gauche), 36 000 en plus en 2007 indépendamment des transferts de compétences. (Mêmes mouvements) Il faut simplifier, rendre notre architecture institutionnelle plus lisible. La création du conseiller territorial y contribuera. (Exclamations à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il contribuera à la confusion !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Entre le statu quo et la réforme, nous avons choisi. (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)

M. Jean-François Voguet.  - Nous ne sommes pas favorables au statu quo et vous ne nous avez pas convaincus. Le Premier ministre a été clair : il a déclaré que les collectivités locales devaient réduire leurs dépenses et qu'à défaut le Gouvernement les y contraindrait. C'est le Président de la Cour des comptes qui a vendu la mèche, en soutenant que « la proximité est un appel à la dépense » ; voilà pourquoi vous voulez éloigner les centres de décisions. Ce sont bien les services publics locaux qui sont visés, notre démocratie locale qui est attaquée. De plus en plus de citoyens et d'élus le comprennent. C'est sans doute pourquoi le Président Sarkozy n'a pas osé aller devant le Congrès des maires de France défendre sa réforme ! (Applaudissements à gauche où l'on entend : « courage, fuyons ! »)

M. Hervé Maurey.  - Le Sénat va examiner prochainement la réforme des collectivités territoriales, ce qui me réjouit, mais dont l'ambition même suscite des inquiétudes. (On renchérit vivement à gauche) Les petites communes tout particulièrement redoutent de disparaître et voient dans le mode de scrutin proposé un risque de politisation. Elles s'inquiètent de la disparition des financements croisés, surtout lorsqu'elles entendent, comme dans mon département, le président du conseil général prédire à chaque inauguration la fin des subventions et donc des investissements. Leurs élus se demandent ce que veut dire « la part significative demandée à la collectivité maître d'ouvrage ». La création du conseiller territorial fait craindre une professionnalisation des élus, tandis que la suppression de la taxe professionnelle inquiète.

Comment comptez-vous rassurer les élus (exclamations et marques d'ironie à gauche), sachant qu'une telle réforme requiert un minimum d'adhésion ? Pourquoi votre projet de loi ne prévoit-il pas le véritable statut de l'élu local qu'on nous promet depuis des décennies ? Il est d'autant plus nécessaire avec le risque déjà évoqué de professionnalisation et permettrait une bonne diversité socio-économique comme le renouvellement des élus.

M. Guy Fischer.  - Quand parlera-t-on des compétences ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - La réforme des collectivités territoriales ne se fera pas contre les élus (vives exclamations à gauche) mais avec eux. (Marques d'approbation à droite) Je salue ceux qui sont aujourd'hui présents dans les tribunes du Sénat. Le texte a donné lieu à une large concertation (on le nie à gauche) et à des dizaines d'heures de réunion avec les responsables des associations d'élus. Certaines de leurs remarques ont déjà été prises en compte, et le Parlement pourra encore enrichir la rédaction, notamment le Sénat qui a vocation à représenter les collectivités locales.

La réforme se fait ainsi avec les élus et pour les élus. (On le nie vigoureusement à gauche, où les protestations enflent au point de couvrir la voix de l'orateur) L'abaissement du seuil à 500 habitants a fait l'unanimité au sein de l'Association des maires de France : toutes les communes d'un EPCI auront ainsi au moins un siège. La création de services communs sera facilitée et les conventions de mise à disposition de services seront sécurisées. Le statut de l'élu local sera amélioré. (Exclamations à gauche) Je n'oublie pas la création du conseiller territorial ... (Les exclamations couvrent la voix de l'orateur)

M. Yves Détraigne.  - Vous dites que la réforme se fera avec les élus locaux et pour eux, sauf que nous débattrons des ressources avant les compétences. (Applaudissements sur les bancs socialistes) J'ai bien noté vos propos ; je vous suggère d'en faire part à votre collègue M. Woerth, avec lequel nous examinerons cette semaine une réforme de la fiscalité locale, de sorte qu'il tienne réellement compte de ce que souhaitent les élus locaux. (Applaudissements au centre et sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Un point m'a particulièrement interpelé à la lecture du projet de loi réformant les collectivités territoriales : la création de « communes nouvelles ». (Marques d'approbation à gauche) Dès lors que les intercommunalités ont mis en commun les compétences stratégiques et la taxe professionnelle, il n'y a pas lieu de fusionner les compétences de proximité qui restent l'apanage des communes. Pourquoi revenir à l'esprit de la loi Marcellin de 1971...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Loi funeste !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - ...qui a connu le succès que l'on sait ? Y aurait-il là une sorte de prédisposition génétique ? Les 26 000 EPCI ont remédié à l'émiettement communal.

Vous alléguez le volontariat des communes. Au sein des EPCI existants, la règle de la majorité qualifiée s'applique, les deux tiers de communes pesant plus des deux tiers de la population ; mais où est la protection pour le tiers restant ? La population, dites-vous, se prononcera à « la majorité absolue des suffrages et avec seulement le quart des inscrits » ; mais cette règle ne protège pas les petites communes, dès lors que la ville centre et les communes de première couronne auront décidé d'absorber, par exemple, celles de la deuxième. La loi de 1999 avait retenu une solution simple et pratique.

Votre réforme est inutile et dangereuse, elle laisse penser que la démocratie communale est un luxe, que 2 600 communes doivent à terme remplacer les 36 000 communes existantes.

Ce serait un coup très grave porté au bénévolat de 500 000 conseillers municipaux, à la disponibilité de dizaine de milliers de maires et de maires-adjoints et à l'esprit de solidarité qui maille encore le pays. Pourquoi inciter par des dispositions fiscales la transformation de ces EPCI en communes nouvelles ? (Applaudissements à gauche et sur divers bancs au centre)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le projet de loi substitue un nouveau dispositif de fusion des communes plus simple, plus souple et plus incitatif à l'ancien issu de la loi dite Marcellin du 16 juillet 1971 qui s'est révélée peu efficace.

Ce dispositif repose donc sur le volontariat. Il s'applique à des communes contiguës appartenant, mais pas obligatoirement, à un EPCI à fiscalité propre. Ces communes pourront fusionner pour devenir une seule nouvelle commune, soumise aux mêmes règles de droit que les autres communes. Ainsi, les communes qui ont atteint un niveau d'intégration suffisamment fort dans le cadre de l'intercommunalité qui vous est si chère, pourront aller plus loin et fusionner si elles le souhaitent. (M.Jean-Patrick Courtois applaudit)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Vous avez mal lu votre projet de loi ! Il ne s'applique pas qu'aux communes contiguës, mais aux EPCI. Le référendum qui sera organisé ne sera pas protecteur : il faudra simplement 25 % des inscrits pour entériner la fusion, c'est-à-dire l'absorption des petites et des moyennes communes par la grande ! (M. Jean-Pierre Michel applaudit) Les communes déléguées seront laissées à la discrétion des conseils municipaux des communes nouvelles : cette réforme n'est donc pas protectrice : vous semblez vouloir aller vers une France de 2 600 communes ! (Applaudissements sur divers bancs au centre et à gauche)

M. Alain Lambert.  - Je vais essayer de poser une question consensuelle. (Exclamations dubitatives à gauche) La réforme territoriale doit être l'occasion de lever la plupart des malentendus qui se sont accumulés depuis tant d'années et qui altèrent la relation entre l'État et les collectivités territoriales. Reprocher aux collectivités d'être trop dépensières n'est pas juste...

M. Roland Courteau.  - Il a raison !

M. Alain Lambert.  - ...et ne permettra pas de renouer la confiance alors que celles-ci réalisent 73 % de l'investissement public civil et qu'elles participent, à votre demande, au plan de relance. A la lecture des « bleus » de votre ministère, on s'aperçoit que l'indicateur de performance pour mesurer l'efficacité des services déconcentrés fait référence à l'effet de levier de la dépense étatique. En d'autres termes, vous sollicitez en permanence les collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très juste !

M. Alain Lambert.  - Monsieur le ministre, je crois en la volonté sincère du Gouvernement de clarifier et de renouer la confiance entre l'État et les collectivités locales. Il y va de l'efficacité de l'action publique au service des Français.

Estes-vous prêt, monsieur le ministre, à dessaisir, et j'insiste sur le terme, les administrations centrales des domaines de compétence transférés ? Êtes-vous prêt à faire confiance aux collectivités comme partenaires de l'État à part entière pour mener l'action publique sur le territoire ?

Quand j'aurai une réponse à ces questions, je pense que beaucoup de malentendus sur l'enchevêtrement des compétences auront été levés. (Applaudissements sur divers bancs à gauche et à droite)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est particulièrement attentif à un principe simple : associer le plus possible nos collectivités territoriales aux décisions qui les concernent et qui ont des conséquences sur leurs dépenses.

M. Jean-Pierre Michel.  - De la haute couture pour le fils Guéant dans le Morbihan !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Vous le savez d'autant plus, monsieur le sénateur, que vous présidez la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN). Le 1er octobre, elle avait examiné en seize réunions quelque 183 textes règlementaires, ce qui est considérable. Grâce à cette commission, les administrations centrales ont désormais l'obligation de justifier chacun de leur texte à l'aune de leurs conséquences pour les collectivités territoriales. Je souhaite que l'effort soit poursuivi : M. le Premier ministre a donné une réponse favorable à votre demande de voir la CCEN traiter le flux, mais aussi le stock des normes. Il a chargé nos services de proposer une méthode et ils y travaillent en ce moment même.

Je partage votre appréciation sur la tendance encore trop marquée des administrations centrales à intervenir comme prescripteur sur les dépenses des collectivités. L'article 72 de la Constitution prévoit depuis 2003 que les collectivités doivent disposer d'un véritable pouvoir règlementaire pour l'exercice de leurs compétences.

J'ai également pris note des observations récentes de la Cour des comptes sur la décentralisation mais, dans de nombreux domaines, les collectivités restent demandeuses de normes édictées par le législateur ou par le pouvoir règlementaire national.

La définition des compétences des collectivités doit s'accompagner d'une réflexion sur la gouvernance de ces mêmes compétences.

M. Alain Lambert.  - Notre conception de la République est en question. Je vous ai demandé si le Gouvernement était prêt à dessaisir les administrations centrales des missions transférées. C'est une obligation ! Si nous ne le faisons pas, les administrations centrales continueront de prescrire et les collectivités locales paieront. Le malentendu perdurera ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur divers bancs au centre et à droite) Dessaisissez les administrations centrales ! Ce sera la révolution copernicienne de la République nouvelle ! Ayez le courage de le faire : vous serez suivis par tout le monde. (Applaudissements sur divers bancs à droite et au centre)

M. Michel Boutant.  - Je déplore le départ du ministre de l'intérieur alors que le Sénat est le représentant des collectivités locales ! (Vifs applaudissements à gauche)

Je voudrais rebondir sur un lapsus commis par notre collègue Bruno Sido devant les 2 500 conseillers généraux réunis au Palais des congrès. Voulant parler de réforme territoriale, il a parlé de « déforme territoriale » (sourires) ; de déforme à déformation, il n'y a qu'un pas. La déformation de l'organisation territoriale que vous proposez va offrir un curieux avenir aux régions, aux départements et aux communes tant appréciés par nos concitoyens : ainsi, un récent sondage -on aime beaucoup les sondages à l'UMP- indique que 82 % des Français sont attachés au département. Ces territoires font partie de notre identité nationale : ils sont des repères au même titre que le drapeau, l'hymne national, la devise de la République ou certains grands hommes comme Victor Hugo ou Pasteur.

M. Adrien Gouteyron.  - N'importe quoi !

M. Michel Boutant.  - Vous qualifiez cette organisation territoriale d'archaïque et de dépassée. Les autres repères qui fondent notre identité nationale sont-ils, eux aussi, dépassés ? Ne trouvez-vous pas qu'il y a une contradiction entre le débat que vous organisez sur l'identité nationale et la réforme des collectivités territoriales ?

Que répondez-vous aux départements et aux conseillers généraux et régionaux, futurs conseillers territoriaux, quant à la réduction de leurs effectifs et à l'augmentation de leur charge de travail ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Il est difficile de reprocher au ministre de l'intérieur d'être parti alors que votre propre groupe a organisé à l'Assemblée nationale une séance de questions cribles qui porte sur la réforme des collectivités. M. le ministre de l'intérieur n'a pas le don d'ubiquité. Ce reproche est excessif ! (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)

Vous avez mélangé beaucoup de thèmes. Notre réforme s'articule autour de quatre axes : la rénovation de l'exercice de la démocratie, qui passe par la création des conseillers territoriaux et par l'élection au suffrage universel direct des délégués communautaires. C'était un voeu de toutes les collectivités.

M. François Rebsamen.  - C'est vrai !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - En outre, les structures vont être adaptées à la diversité des territoires : le Gouvernement a souhaité remplacer le système de fusion des communes de la loi Marcellin. En troisième lieu, cette réforme va permettre de développer l'intercommunalité...

M. Jean-Pierre Bel.  - Vous ne répondez pas à la question !

M. Daniel Raoul.  - Ca n'a rien à voir !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - ...ainsi que la clarification de leurs compétences (Les exclamations prolongées à gauche couvrent la voix de l'orateur)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Ce n'est pas la question !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Ce n'est peut-être pas la question, mais c'est ma réponse ! (Applaudissements et rires à droite, exclamations indignées à gauche)

M. Yves Daudigny.  - Cette réponse montre tout le mépris que vous portez aux élus dont vous voulez réduire le nombre. Vous caricaturez, à moins que vous ignoriez, l'engagement personnel, le travail, la faculté d'écoute de ces élus. Vous aller créer un nouvel élu, l'EGM, l'élu génétiquement modifié, quatre jambes deux cerveaux, qui n'apportera rien à notre pays en matière de démocratie, de parité, de proximité, d'efficacité et de cohérence de l'action publique ! (Vifs applaudissements à gauche)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Je souhaite obtenir des éclaircissements sur la place de la commune dans la nouvelle carte de l'intercommunalité, qui nécessite plus de simplicité, d'efficacité et de visibilité

Quelles seront les marges de manoeuvre dont disposeront les communes pour rejoindre ou non une intercommunalité ? Pour que cette réforme soit un succès, il est indispensable de pérenniser l'autonomie des communes. C'est un gage de démocratie locale important, la commune étant l'échelon administratif le plus proche et le plus à l'écoute de la population.

Je suis opposée à ce qu'une commune puisse être absorbée par une communauté d'agglomération contre son gré. Le principe du volontariat doit rester de mise en toute circonstance, comme le veut le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales. (M. Jean-Pierre Michel applaudit)

La population touristique devrait également être prise en compte dans l'appréciation des seuils de création ou de transformation en communauté d'agglomération dans le calcul de la DGF. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - la réforme vise à achever...

M. Charles Gautier.  - C'est le mot ! (Rires à gauche)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - ...la couverture du territoire par les EPCI à fiscalité propre et à rationaliser leurs périmètres d'ici fin 2013. Ces deux objectifs sont consensuels. L'extension des pouvoirs du préfet en matière d'EPCI n'est pas prévue, si les regroupements se font à l'initiative des communes et de leurs groupements. Les mécanismes exceptionnels vaudront seulement pour 2012 et 2013. La réforme est strictement encadrée. Je vous signale que l'intégration contre son gré d'une commune dans un EPCI à fiscalité propre existe déjà.

Les communes conserveront leur autonomie et les mécanismes exceptionnels, qui respectent le principe de libre administration, ne seront qu'un dernier recours. Il n'est pas prévu de modifier le seuil de 50 000 habitants pour une communauté d'agglomération. La DGF tient déjà compte des résidences secondaires, donc de la population touristique. L'Insee procède à une actualisation du recensement de ces résidences et la dotation de 2010 la reflètera.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Je ne suis pas totalement rassurée. (Rires et applaudissements sur les bancs socialistes) Les orientations de la Commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) dépendent de la composition de cette instance ! Pour avoir vécu une intégration forcée, je vous le dis, nous ne sommes pas prêts à vivre cela une seconde fois ! Je ne crois pas que le préfet soit lié par l'avis de la CDCI ; c'est vous qui allez donner les instructions. Je compte en tout cas sur les actualisations par l'Insee pour que notre communauté de communes parvienne à 50 000 habitants et qu'elle devienne communauté d'agglomération.

M. François Patriat.  - Mme Lagarde, après avoir vilipendé les élus locaux, s'en est prise dimanche aux collectivités, qualifiées de « féodalités que l'État n'a plus lieu de financer ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Scandaleux.

M. François Patriat.  - Vos deux projets de loi sont marqués par l'improvisation, la précipitation, la recentralisation punitive. (On le confirme à gauche) Construit-on une maison sans réfléchir d'abord à son utilité ? (« Bien sûr que non ! » sur les bancs socialistes) Construit-on une voiture sans définir d'abord les caractéristiques du moteur ? (Même mouvement) Déterminons les compétences et le périmètre, ensuite nous examinerons les moyens. Les entreprises de réseau devront demain financer les collectivités locales. La région Bourgogne qui finance le TER demandera une rallonge à la SNCF, laquelle lui en demandera une ensuite. C'est une automutilation d'une ressource qui n'existe pas.

Les collectivités perdront leur autonomie fiscale ; elles recevront une part de la valeur ajoutée, votée par le Parlement, et une dotation hypothétique versée par les entreprises de réseau. Le ministre des relations avec le Parlement a reconnu en privé samedi qu'il n'y aurait plus d'autonomie. Nous aurons un budget affecté : plus besoin d'élus ; demain, le préfet pourra affecter les crédits ! Nous allons entrer dans l'an I de la recentralisation. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - C'est maintenant que la taxe professionnelle doit être supprimée, pour consolider la sortie de crise, car cet impôt pénalise durement les entreprises. En dix ans, la France a perdu 500 000 emplois industriels. (« Rien à voir ! » sur les bancs socialistes) Notre pays est le seul dans ce cas.

M. Yannick Bodin.  - Essayez de répondre à la question !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement s'est engagé à ce que 2010 soit une année neutre pour les collectivités.

M. Bernard Frimat.  - Et après ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Cette année sera mise à profit pour effectuer des simulations, pour chaque commune, chaque collectivité. Notre projet est parfaitement cohérent. La première étape concerne le volet institutionnel, la création des conseillers territoriaux et les quatre projets de loi adoptés en conseil des ministres le 21 octobre dernier ; ainsi que la réforme remplaçant la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale. La deuxième étape consistera à clarifier les compétences des diverses catégories de collectivités, dans les douze mois à venir -au maximum. Nous mènerons tout cela de front en 2010.

M. Didier Guillaume.  - Nous sommes pour les collectivités territoriales, vous les étouffez. Nous sommes pour la décentralisation, vous recentralisez. Nous sommes pour la réforme de la fiscalité locale, vous transférez l'impôt aux ménages. Voilà vos beaux projets. Vous mettez la charrue avant les boeufs.

Cette semaine, la démocratie locale est à Paris. Hier, plus de 2 000 conseillers généraux ont voté une motion à l'unanimité et aujourd'hui les maires vont recevoir le Premier ministre de belle façon. Non, nous ne sommes pas pour les féodalités, nous sommes pour la solidarité. Ne méprisez pas les élus de France, écoutez-les ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Adrien Gouteyron.  - (M. René Beaumont applaudit) Depuis cette année, les collectivités peuvent demander le remboursement anticipé du FCTVA pour les investissements supérieurs à la moyenne de ceux réalisés au cours des années 2004 à 2007. Ce dispositif a connu un grand succès, plus de 17 000 communes ou intercommunalités ont signé une convention. En Haute-Loire, la moitié des communes l'ont fait. Or, pour bénéficier de ce remboursement au titre de 2009, les communes doivent avoir procédé aux paiements avant la fin de cette année, avant le 15 décembre exactement. Les retards de paiement sont pourtant indépendants de la volonté des élus locaux : retards dans l'instruction des permis de construire, règles contraignantes des marchés publics...

Dans mon département, au 30 octobre, 25 % des collectivités étaient à moins de 50 % de réalisation, plus de 28 % d'entre elles entre 50 et 75 %. Ces collectivités, dont la bonne volonté et évidente et la volonté sans faille, risquent de se trouver piégées. Le sujet a été abordé au comité de pilotage du plan de relance et le ministre M. Devedjian a été attentif à nos propos. Le groupe UMP du Sénat envisage donc de déposer un amendement au projet de loi de finances pour 2010. Dans le calcul des dépenses d'investissement seront intégrés les restes à réaliser qui correspondent aux dépenses engagées, ayant donné lieu à un service fait et non mandaté au 31 décembre 2010. L'engagement de la collectivité sera considéré comme respecté si la somme des dépenses réelles et des dépenses engagées en 2009 atteint le seuil de référence fixé dans la convention. Que pense le Gouvernement de cette proposition concrète ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Plus de 19 500 communes ont signé une convention avec l'État et je rends hommage à toutes les collectivités qui ont apporté leur contribution au plan de relance. Pour l'État, le remboursement anticipé représente un effort supplémentaire de 3,8 milliards d'euros cette année. Il est vrai qu'au 31 octobre, 45 % seulement des collectivités étaient parvenues au seuil de référence et avaient réalisé 50 % de leur engagement. Le risque est grand que 2010 soit pour plusieurs milliers de collectivités une année blanche en remboursements du FCTVA. Il faut y remédier, car les difficultés proviennent d'éléments sur lesquels elles n'ont aucune prise, aléas climatiques ou surcharge de certains prestataires. Le Gouvernement sera favorable à votre proposition... (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Tasca.  - Quelle surprise !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Les collectivités qui seront parvenues à la moyenne pourront intégrer les restes à réaliser dans l'exercice 2009. Le Gouvernement accordera bon accueil à votre amendement et adressera une circulaire aux préfets à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Adrien Gouteyron.  - Je m'en réjouis. Notre proposition n'est pas idéologique, elle prend en compte ce que vivent les élus locaux. Merci de cette réponse...

Voix socialiste.  - Une réponse pour huit questions !

M. Adrien Gouteyron.  - ...concrète elle aussi. Le plan de relance était bienvenu. Il faudra envisager la suite... (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. René Beaumont.  - Exact !

Hommage à une délégation cambodgienne

M. le président.  - Je suis heureux de saluer une délégation de sénatrices et de sénateurs cambodgiens conduite par Mme Men Maly, présidente de la commission des droits de l'homme, de la réception des plaintes et de l'investigation. (Mmes et MM les sénateurs se lèvent et applaudissent)

Cette délégation séjourne en France dans le cadre du protocole de coopération entre le Sénat français et le Sénat cambodgien et des excellentes relations qu'entretient le groupe interparlementaire d'amitié France-Cambodge présidé par Mme Tasca. Cette délégation s'intéressera plus particulièrement aux rapports entre le Sénat et les collectivités territoriales, problème d'actualité s'il en est ! Je souhaite une cordiale bienvenue à nos collègues cambodgiens. (Applaudissements)

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance, suspendue à 15 h 15, reprend à 15 h 25.

Rappel au Règlement

M. Bernard Frimat.  - Quand nous sommes convenus avec le Président du Sénat d'organiser ces séances de questions thématiques, nous pensions à un débat rapide, vif et interactif. Dans l'intimité retrouvée du Sénat, je me permets de remarquer que nous venons d'assister à une parodie de questions cribles : le ministre s'est contenté de nous lire des fiches sans répondre aux questions posées. A quoi bon de telles séances ?

Le ministre du logement, lui, ne lit pas de fiches et nous pouvons espérer avoir avec lui un vrai débat, qui nous changera de ce psittacisme. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je partage votre analyse et la transmettrai au Président du Sénat.

Nous nous rodons ; il y a effectivement une grande marge de progrès pour que ces séances de questions cribles correspondent à notre attente.

M. Bernard Frimat.  - Nous, nous sommes rodés. C'est le Gouvernement qui ne l'est pas !

Logements vacants (Proposition de loi)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement, présentée par M. François Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Discussion générale

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - J'ai le plaisir de vous présenter la proposition de loi que nous avons rédigée avec M. Repentin et que nous vous présentons au nom du groupe socialiste. Je commencerai par une phrase de l'abbé Pierre : « Un homme a absolument le droit, s'il n'a pas de toit et s'il voit un logement vide, de l'occuper. »

La trêve hivernale a commencé le 1er novembre et vous avez lancé un plan d'urgence, monsieur le ministre. Nous nous interrogeons toutefois sur les raisons qui font que de nombreuses personnes sont sans logement.

La Nuit solidaire pour le logement organisée fin novembre à Paris et dans d'autres villes sera l'occasion de braquer les projecteurs sur cette situation, aggravée par l'exclusion et la précarité croissantes. La question du mal-logement est criante. 2010 sera l'année européenne de lutte contre la précarité. Si la crise financière touche à sa fin, la crise économique persiste : le nombre de chômeurs a augmenté de 30 % en dix-huit mois. Il faut agir en amont pour éviter que trop de ménages se retrouvent en situation d'urgence. Environ 1,8 million de ménages peinent à s'acquitter de leur loyer, 500 000 sont en situation d'impayé, 3 millions de nos concitoyens sont mal logés. Nous devons nous mobiliser pour accroître l'offre de logement.

Il manque 900 000 logements, et l'effort de l'État est insuffisant, à 1,79 % du PIB contre 2 % en 2001. La loi réaffirme pourtant son rôle de garant du droit au logement, et crée de nouvelles obligations. La hausse des crédits du logement pour 2010 n'est qu'apparente : si le financement de l'aide personnelle croît de 9 %, c'est que le nombre de personnes à aider augmente !

Osons des solutions audacieuses. Nous ne vous proposons pas une énième loi sur le logement, mais des réponses concrètes aux lacunes de notre législation, loin de tout dogmatisme. Le rapporteur a d'ailleurs jugé intéressantes certaines de nos propositions. Nous devons assumer les responsabilités nées du droit au logement opposable (Dalo). Cette proposition de loi, dans la lignée des propositions des deux candidats à l'élection présidentielle, devrait faire consensus. Elle n'invente rien : elle conforte, améliore, maximise, optimise.

L'article premier vise à lutter contre la vacance « passive », ou rétention active d'un bien. C'est également une solution aux problèmes d'indivision, parfois inextricables. Les propriétaires disposent de tout un panel de mesures pour remettre leur bien sur le marché.

A Dijon, -nous en avons parlé ce week-end (sourires)- l'agglomération a mis en place en 2006 un programme de reconquête du parc privé ancien : les propriétaires de logements inoccupés reçoivent des conseils techniques, financiers et fiscaux pour les accompagner dans le montage de leur projet locatif. La taxation se double de mesures incitatives. Loin de pénaliser les petits propriétaires, nous les aidons ! Ceux qui sont visés ne sont pas les petits propriétaires, qui souhaitent généralement louer leur bien au plus vite, mais ceux qui laissent un bien vacant à des fins spéculatives, pour le vendre au moment le plus avantageux, faisant primer leur intérêt particulier sur l'intérêt général. A Dijon, 566 logements locatifs ont été réhabilités, et 113 logements vacants remis sur le marché. La nouvelle prestation triennale 2010-2012 renforce en outre la dimension durable des projets de rénovation.

Selon le Conseil d'État, le taux national de vacance, difficile à appréhender, illustre les lacunes de la statistique publique et privée. Les collectivités, en tout cas, ont pris la mesure du parc vacant mobilisable.

L'article 2 devrait faire consensus : il double le taux de la taxe sur les logements vacants et permet aux collectivités visées par l'article 55 de la loi SRU de lever elles aussi cette taxe. L'étude de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) démontre les effets bénéfiques de cette taxe : dans les agglomérations concernées, la vacance a baissé de 40 % ; là où il n'y a pas de taxe, comme à Strasbourg, elle a augmenté de 25 % ! Le nombre de logements vacants est passé de 187 à 86 000. Pourquoi refuser notre proposition, d'autant que les recettes de cette taxe abondent le budget de l'Anah, dont l'État se désengage... Diminuer la vacance, c'est aussi lutter contre la baisse de fréquentation des écoles, des commerces qui font la vie de nos quartiers.

Nous sommes prêts à prendre en compte les remarques du rapporteur sur le champ d'application : cet article s'adresse bien évidemment en priorité aux agglomérations sous tension. Il n'y a pas de dogmatisme dans notre démarche !

Le rapporteur juge la menace inefficace dans la mesure où un propriétaire pourrait toujours confier son bien à quelques agences pour échapper à la taxe, sans que la location aboutisse. Certes, mais peut-on refuser un dispositif général au motif qu'il peut être contourné ? N'en déplaise au Président de la République, friand de ce type de raisonnement, ce n'est pas parce qu'il y a parfois un fraudeur qu'il faut bouleverser toute la loi !

L'article 3 permet aux maires de préempter des logements dans le but explicite de reloger des personnes évincées dans le cadre d'opérations de lutte contre l'insalubrité ou de rénovation urbaine. L'Anru ne distribue d'ailleurs aucune subvention avant que les collectivités locales et les bailleurs se soient assurés du relogement de tous les ménages évincés.

Or cela ne concerne que 68 % des ménages. L'Anru n'est pas en mesure de produire ce que son comité d'évaluation et de suivi appelle le « taux d'évaporation », c'est-à-dire la proportion des ménages qui auraient dû être relogés et ne l'ont pas été. L'article 3 offre au maire un moyen d'action supplémentaire.

L'article 4 permet de maintenir dans leur logement, pour une durée à déterminer, les ménages reconnus éligibles au Dalo : c'est une mesure de bon sens. Les amendes auxquelles l'État est condamné lorsqu'il ne respecte par les décisions de justice l'enjoignant de reloger des ménages éligibles constituent un vrai gâchis. L'action n° 4 du programme 135 du PLF pour 2010, consacrée à l'amélioration de l'offre de logements, prévoit même d'éventuels frais de contentieux occasionnés par la mise en oeuvre du Dalo !

Je rappelle, pour parer aux objections que je sens poindre, que le sursis à l'expulsion ne durera que le temps que l'État assume ses responsabilités. On évitera ainsi les ruptures dans le parcours résidentiel des ménages, qui conduisent à l'interruption de la scolarisation des enfants, à des problèmes d'insertion, etc. L'État a bien du mal à honorer une obligation à laquelle il s'est lui-même soumis !

L'article 5 vise à mobiliser le parc privé pour loger les ménages éligibles au Dalo. Je remercie M. le rapporteur de la discussion éclairante que nous avons eue à ce sujet. Ces ménages sont trop souvent relogés dans les quartiers bénéficiaires de la politique de la ville, ce qui va à l'encontre de l'objectif de mixité sociale. (MM. Marc Daunis et Jean-Jacques Mirassou approuvent) A Dijon, parmi les deux cents ménages qui avaient formulé une demande, le préfet en a relogé cent dans des quartiers sensibles où se concentrent les personnes éligibles au Dalo !

Je ne doute pas que toutes les communes, dans les Hauts-de-Seine comme ailleurs, soient déterminées à construire des logements sociaux. En attendant, le recours aux logements conventionnés -qui pour la plupart ne sont pas situés dans les quartiers sensibles- permettrait de renforcer la mixité sociale.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé il y a quelques jours un plan d'urgence pour les sans-abri. Mais il ne faut pas se contenter de traiter les situations d'urgence, qui constituent la partie émergée de l'iceberg -encore faut-il compter avec la fonte des glaces ! Même dans ce domaine la politique du Gouvernement laisse à désirer, puisque les crédits dédiés à l'hébergement régresseront en 2010 de 234 millions à 214 millions d'euros... Il faut développer l'offre. L'hébergement ne doit pas être l'antichambre du logement !

J'espère que notre proposition sera retenue par le Sénat. Notre souhait est de trouver ensemble les meilleures solutions pour offrir un logement digne à ceux de nos concitoyens qui en sont cruellement privés. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Beaucoup de nos collègues siègent actuellement en commission, notamment à la commission des finances qui travaille sans désemparer, et s'excusent de ne pouvoir assister à ce débat.

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l'économie.  - Le Sénat est à nouveau saisi d'un texte sur le logement, sept mois après l'adoption de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion qui comprend pas moins de 124 articles et dont tous les décrets d'application n'ont pas encore été publiés. Dans son dernier rapport, le Conseil d'État déplore l'instabilité législative chronique dont souffre la politique du logement en France ; tous les acteurs que j'ai auditionnés font le même constat.

Il est vrai que cette proposition de loi n'a pas pour objet de bouleverser notre législation en la matière.

M. Thierry Repentin.  - Merci de le reconnaître !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Je regrette cependant que certaines dispositions qu'elle comprend et qui me paraissent opportunes n'aient pas été présentées lors de la dernière discussion. D'autres ont déjà été rejetées par la Haute assemblée, et les arguments d'hier valent toujours aujourd'hui.

MM. Marc Daunis et Thierry Repentin.  - Le monde change !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Si vous en étiez réellement avertis, vous défendriez une autre politique...

Ce texte vise à augmenter l'offre de logements en luttant contre la vacance et en mobilisant le parc privé. L'intention est louable dans un pays qui compte encore un nombre important de mal logés, de non logés et d'hébergés. Mais je ne suis pas certain que les solutions proposées soient à la hauteur des enjeux.

Certains dispositifs proposés sont même contre-productifs : ainsi le moratoire sur les expulsions prévu à l'article 4 pourrait décourager les bailleurs privés et conduire à une hausse de la vacance. L'article 5, qui impose de lourdes contraintes aux propriétaires qui passent une convention avec l'Agence nationale de l'habitat, pourrait quant à lui entraîner une réduction du parc de logements privés conventionnés. D'autres mesures, plus intéressantes, seraient plus rapidement mises en oeuvre par la voie réglementaire ou dans le cadre d'un prochain véhicule législatif. (Marques d'incompréhension sur les bancs socialistes) C'est pourquoi votre commission propose de ne pas adopter cette proposition de loi, à condition toutefois que le Gouvernement prenne certains engagements.

Les deux premiers articles concernent la lutte contre la vacance. Il s'agit d'un problème complexe : le nombre de logements vacants est très difficile à évaluer, celui des logements que l'on peut effectivement mobiliser l'est encore davantage. L'article premier prévoit une procédure d'expropriation des logements vacants qui soulève des problèmes de fond, puisqu'il s'agit d'une atteinte au droit de propriété, d'autant plus que l'article supprime l'enquête publique et crée une compétence liée du préfet pour déclarer l'utilité publique. En outre, les communes désireuses d'y recourir se heurteraient à des difficultés pratiques, car il leur faudrait d'abord identifier les immeubles vacants. Un bilan très complet des tentatives faites à Paris en 1995 et 2001 a montré que cette tâche avait demandé beaucoup d'énergie et mobilisé 26 agents de la Ville pendant deux ans pour aboutir à un échec : aucun logement n'a finalement été réquisitionné. On peut s'interroger aussi sur le coût de la procédure : la collectivité devrait acquérir les logements au prix du marché, ce qui n'offre pas d'avantages par rapport à la procédure de préemption qui existe déjà. Des dizaines de milliers d'opportunités se présentent chaque année à la mairie de Paris, et il est regrettable qu'elle les saisisse trop rarement.

M. Thierry Repentin.  - Vous parlez de l'époque Tiberi !

M. Dominique Braye.  - Nous ne pensons jamais à la veille, mais toujours au lendemain : le monde change rapidement !

D'après l'Anah, il faut se concentrer sur les logements vacants depuis un à deux ans, et inciter les propriétaires à les remettre sur le marché par le biais du conventionnement avec travaux qui prévoit une prime.

La commission a considéré l'article 2, relatif à la taxe sur les logements vacants, avec plus d'intérêt. Cette taxe, instituée en 1999 dans huit agglomérations de plus de 200 000 habitants, a fait la preuve de son efficacité : la vacance des logements a connu dans ces agglomérations une baisse comprise entre 12,5 et 48 % entre 1999 et 2005, alors que cette baisse n'était que de 8,5 % dans la France entière. Sans généraliser cette taxe à toutes les communes soumises à l'obligation des 20 % de logements sociaux comme le propose l'article 2, il pourrait être opportun de l'étendre aux grandes agglomérations dont le marché du logement est très tendu : trente agglomérations comptent aujourd'hui plus de 200 000 habitants. La commission souhaite donc que le Gouvernement s'engage à modifier rapidement le décret en ce sens.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Je vous répondrai tout à l'heure.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - L'article 3 comprend une idée intéressante. Les délégataires du droit de préemption urbain se limitent aujourd'hui aux offices publics d'HLM et aux sociétés d'économie mixte concessionnaires d'une opération d'aménagement. Or il peut être utile de permettre aux communes de déléguer ce droit à tous les gestionnaires d'HLM. La commission s'engage donc à soutenir cette proposition lors de l'examen de la proposition de loi de M. Warsmann portant réforme du droit de préemption urbain, qui devrait être débattue très prochainement au Sénat. La mesure que vous préconisez sera ainsi mise en oeuvre beaucoup plus vite que par le biais de la présente proposition de loi.

Voix sur les bancs socialistes.  - Ce que nous faisons aujourd'hui ne sert donc à rien !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Dans un monde qui bouge et où il faut aller vite, nous proposons un autre véhicule législatif.

On ne peut évidemment qu'être sensible à la philosophie ayant inspiré l'article 4, relatif au moratoire sur les expulsions locatives : pourquoi expulser des locataires reconnus prioritaires par les commissions de médiation ? Cette question est frappée au coin du bon sens. C'est pourquoi nous y avions déjà pensé. (Exclamations sur les bancs socialistes) L'accent a donc été clairement mis depuis plusieurs années sur la prévention des expulsions.

Ainsi, la circulaire du 14 octobre 2008 dispose qu'il faut, avant toute expulsion, rechercher un logement adapté aux ressources d'un ménage de bonne foi n'ayant pas les moyens de conserver son lieu de vie.

On peut en outre maintenir dans les lieux les locataires expulsés sans léser le propriétaire, en lui proposant de signer un bail avec une association qui sous-louera le bien. Ainsi, le bailleur n'aura plus de contact direct avec le locataire, tout en percevant le revenu locatif dont il a souvent besoin pour vivre décemment.

Mais inscrire dans la loi un moratoire ne concernant que de rares cas adresserait un signal très négatif aux locataires et surtout aux bailleurs, pour qui la stabilité de la règle juridique revêt une importance particulière. Risquant d'altérer leur confiance, l'article 4 pourrait aggraver la vacance de logements. Les chemins de l'enfer sont pavés de bonnes intentions...

Enfin, ne comportant aucune indemnisation des propriétaires, l'article 4 leur ferait supporter les impayés de loyers, alors que l'éventuel refus d'accorder le concours de la force publique est actuellement indemnisé par le juge administratif sur le fondement d'une rupture de l'égalité devant les charges publiques. La validité constitutionnelle de la disposition proposée est douteuse puisqu'elle revient à une réquisition de fait sans indemnisation.

Enfin, l'article 5 paraît irréaliste en autorisant le préfet à imposer un locataire au titre du Dalo dans tout logement conventionné, quel que soit le loyer. En effet, inférieur de seulement 10 à 15 % au niveau du marché, les loyers intermédiaires ne sont pas adaptés aux familles rencontrant les plus graves difficultés. La disposition serait en outre contre-productive en dissuadant les propriétaires de signer une convention avec l'Anah.

Aujourd'hui, le nombre de logements conventionnés est faible, surtout dans les départements où le Dalo est le plus souvent invoqué. Selon une étude conduite récemment par l'Anah dans treize départements, le préfet n'utilise le droit de réservation sur les logements très sociaux que dans deux cas !

Pour toutes ces raisons, la commission vous suggère de ne pas adopter ce texte. (On feint la déception sur les bancs socialistes)

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Quel coup de théâtre !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Toutefois, votre rapporteur est ouvert à toutes les idées (exclamations sur les bancs socialistes), il est vrai plus souvent de ce côté-ci de l'hémicycle (l'orateur montre le côté droit) que de celui-là, (l'orateur montre le côté gauche) sans doute parce qu'il y en a plus... (Exclamations ironiques sur les bancs socialistes)

C'est pourquoi il souhaite que le Gouvernement s'engage à étudier l'élargissement de la taxe sur les logements vacants et qu'il étende le droit de préemption urbain à toutes les familles d'organismes HLM. (Applaudissements à droite)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - (M. Daniel Raoul exhorte M. le secrétaire d'État à « un bon geste ») L'attente de nos concitoyens est importante en matière de logement. Quant au marché de l'immobilier, il a sa logique propre.

Alors, y a-t-il d'un côté des logements vacants, de l'autre des personnes à la rue ? Cette vision caricaturale survit dans l'opinion grâce aux coups médiatiques de caméras braquées sur des situations extrêmes.

La proposition de loi tend à augmenter les capacités de relogement au titre du Dalo, notamment grâce au droit de préemption.

Il faut garder les pieds sur terre : l'effet du recours aux logements vacants ne doit pas être surestimé. En effet, il s'agit souvent de taudis ou de biens situés dans des zones à l'offre locative suffisante. N'oublions pas l'ampleur de la vacance frictionnelle entre deux locataires, ni les cas des propriétaires hors d'état de financer des travaux coûteux ou pris dans des successions difficiles. L'approche de cette proposition de loi fleure bon l'année 2001.

Cette année-là justement, le ministère des finances avait identifié 96 000 adresses vacantes. Seules 104 d'entre elles comportant chacune plus de dix logements étaient pertinentes au sens de la mobilisation engagée. Or, selon les cas, les biens étaient occupés, démolis, utilisés par des commerces ou dans un état calamiteux. Résultat : aucune réquisition n'a été engagée.

Un dernier point : dans notre pays, le droit de propriété est protégé par la Constitution. Il est reconnu par le Conseil d'État comme une liberté fondamentale. Alors, ne franchissons pas la limite de la contrainte !

Le Gouvernement n'est pas resté inactif, mais il privilégie l'incitation, sans attenter à la liberté de certains concitoyens.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - La liberté d'être à la rue !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Exproprier les propriétaires pour cause de logement vacant serait injuste et contre-productif en dissuadant l'accession à la propriété. Mais nous sommes tous d'accord pour mobiliser ces biens, dans l'intérêt de tous. A cette fin, le Gouvernement utilisera tous les leviers à sa disposition.

M. Daniel Raoul.  - Il y a du boulot ! (M. Jean-Marc Todeschini le confirme)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Le premier axe de notre politique soutient les propriétaires voulant effectuer des travaux. Ainsi, la loi du 25 mars 2009 renforce les aides existantes et incite les propriétaires à louer pour des prix maîtrisés. Les conventions avec l'Anah ont été simplifiées. Enfin, la déduction fiscale des revenus locatifs est portée de 45 % à 60 % pour les bailleurs pratiquant des loyers sociaux et à 70 % pour ceux qui s'engagent dans l'intermédiation locative.

Deux taxes incitent à louer. La taxe sur les logements vacants concerne quelque 80 000 biens. Elle est complétée par la taxe d'habitation sur le logement vacant, mise à la disposition des communes. L'expérience montre que son institution réduit substantiellement le taux de vacance.

Enfin, nous voulons protéger les bailleurs : c'est l'enjeu de la garantie des risques locatifs, qui sera déployée en 2010.

Pour l'essentiel, ces mesures sont issues de la loi sur le logement votée il y a huit mois. Les textes d'application sont en cours d'élaboration. Je souhaite conduire ce travail à son terme avant de concevoir de nouveaux dispositifs.

Outil essentiel à la disposition des maires, le droit de préemption urbain sera renforcé et simplifié dans le cadre de la proposition de loi qui sera examinée dès la semaine prochaine par la commission des lois de l'Assemblée nationale. On peut attendre encore deux ou trois mois pour déposer un amendement.

Nous agissons pour le Dalo. Développer beaucoup plus largement l'information est un premier impératif. Loin de nous contenter des taux actuels de relogement, 25 % !, nous devons améliorer les outils pour répondre à cette obligation. On peut utiliser le contingent préfectoral qui, en Ile-de-France se situe à 12 % au lieu de 30 %. Passer à un taux d'utilisation réelle de 30 % représente 10 000 logements. Il ne sert à rien de faire des lois nouvelles : appliquons celles qui existent ! On peut aussi utiliser les 25 % du contingent d'action sociale, soit 5 000 logements supplémentaires. Voilà au total 15 000 logements pour l'Ile-de-France avec les instruments actuels.

Il est tout aussi nécessaire de construire plus de logements sociaux et de les construire où on en a besoin. Nous allons en financer 125 000, un record absolu et une augmentation de 300 % par rapport à 2000. Cependant, 60 % sont construits dans des zones faiblement ou moyennement tendues. Il convient donc de réorienter la production de logements sociaux.

Nous avons une vision d'un État exemplaire qui agit sans contraindre les citoyens à combler ses propres insuffisances. Nous resterons attentifs aux discussions parlementaires et je m'engage à élargir la taxe sur les logements vacants afin qu'on réponde mieux aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements à droite)

M. Thierry Repentin.  - (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes) Dans dix jours, la deuxième nuit solidaire du logement se tiendra à la Bastille comme l'on a célébré à la Concorde l'amitié franco-allemande.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - La chute du communisme !

M. Thierry Repentin.  - Puisque le ministre doute de la réalité des 96 000 logements vacants, je lui indique ceux qu'ont identifiés les associations place des Vosges et qu'elles occupent.

La crise du logement touche toutes les catégories sociales : c'est devenu la première dépense des ménages. Rien ne doit donc être négligé et c'est la modeste ambition de cette proposition : améliorer l'existant, responsabiliser les élus, qui sont au plus près des besoins. Ce texte d'optimisation entend rendre plus opérationnels les dispositifs existants, parfois inachevés, à l'instar du Dalo. Bancal, le texte de 2007 confie à l'État une responsabilité qu'il ne peut assumer, de sorte que ce sont les citoyens qui en paient le prix. La contradiction est particulièrement cruelle pour ceux qui sont reconnus prioritaires dans l'attribution d'un logement mais sont expulsés du leur avec le concours de la force publique. C'est eux et eux seulement que protège l'article 4. J'entends déjà des craintes s'exprimer sur le dédommagement des propriétaires. Nous les partageons et, si l'article 40 nous interdit d'en traiter, rien n'empêche le Gouvernement de déposer un amendement assurant des indemnités journalières au propriétaire. Prêter le concours de la force publique puis prendre en charge socialement les familles expulsées coûte plus cher ! Mieux vaut que l'argent public serve à maintenir des locataires de bonne foi chez des propriétaires de bonne foi plutôt que de les héberger chez des marchands de sommeil. (Approbations sur les bancs socialistes)

Oui, la taxe sur les logements vacants a montré son efficacité. S'agissant d'une taxe, celle-ci ne se mesure pas seulement à son produit mais aussi, comme l'explique M. Borloo, à l'influence exercée sur les comportements.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - C'est le cas de la TLV.

M. Thierry Repentin.  - C'est ce qui s'est passé dans les huit agglomérations où elle a été mise en place : elle a immédiatement accéléré la baisse du nombre des vacances, qui a été jusqu'à cinq fois plus rapide qu'ailleurs. J'ajoute que la proposition de loi est peu coûteuse, ce qui n'est pas négligeable quand le déficit public atteint 8 % et l'endettement public 73 % du PIB. Elle assure même une ressource à l'Anah...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Au détriment des communes !

M. Thierry Repentin.  - L'État, lui, a débudgétisé sa subvention à l'Anah et sommé le 1 % logement de compenser son retrait.

Notre texte conforte les territoires qui, de la suppression de la compétence générale à la réduction de la taxe professionnelle, en passant par la réduction du nombre d'élus et sans oublier les transferts de compétences au Grand Paris, subissent un effritement. Une VIe République se dessine, qui oublie les territoires et le rôle des élus locaux. Vous vous trompez de cible : les territoires sont responsables et efficaces.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Eh oui !

M. Thierry Repentin.  - La politique de logement sera l'une de celles qui souffriront le plus de cette reprise en main. Car ce sont les maires qui sont en première ligne. Si les départements et les régions ne peuvent plus participer au financement du logement social, comment les communes et les intercommunalités boucleront-elles les opérations ? Saisissez, monsieur le ministre, l'opportunité que nous vous offrons d'identifier les logements vacants. Les choses changent en effet de tournure lorsque l'on se place au plus près du marché. De même, le transfert du droit de préemption urbain aux organismes HLM contribuera d'évidence à l'efficacité.

Rangez-vous au constat que dressent les élus locaux : le Dalo est inapplicable si le parc privé n'est pas mobilisé -c'est l'objet de l'article 5. Personne n'est montré du doigt. Ce texte ne met pas à mal les règles existantes, il les optimise. Il s'inspire de l'expérience de nos voisins européens : le taux de vacance est le plus élevé en Espagne qui n'a pas une politique du logement diversifiée. La crise du logement n'est pas une fatalité. Donnons des moyens aux élus locaux. (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin.  - Nous ne sommes pas dans la poésie...

M. Ivan Renar.  - Quoique...

M. François Fortassin.  - ...quand nous constatons la multiplication des rapports sur le logement, pas moins de 28 entre 2002 et 2005, dont les propositions sont régulièrement recyclées faute d'avoir connu un aboutissement normal. (Eh oui ! sur les bancs socialistes)

Malgré les sept lois votées ces six dernières années, la situation du logement est loin de s'être améliorée. En 2009, 3,5 millions de nos concitoyens sont mal logés ou pas logés du tout -sans compter les laissés pour compte de la crise économique. Le décalage est croissant entre les capacités contributives des ménages et le coût du logement en location ou en accession ; qui veut louer aujourd'hui son appartement attend avant tout un retour sur investissement. Les plus modestes sont en quelque sorte assignés à résidence dans certains quartiers ; on ne peut ignorer les discriminations sociales voire raciales dans l'accès au logement.

Le droit au logement opposable connaît une application laborieuse et décevante tandis que les dispositifs d'hébergement sont engorgés. L'accès au logement ressemble pour beaucoup de nos concitoyens à un parcours du combattant, sinon à un mirage dans le désert. Les politiques publiques sont inefficaces. M. le ministre a tout à l'heure jugé l'opposition rêveuse ; je considère quant à moi que tous les ministres sont excellents, même s'il y a des degrés dans l'excellence... (Sourires) L'engagement budgétaire est insuffisant, l'offre est défaillante ici mais abondante là, l'État a mis la main sur le 1 %, la fiscalité est contestable et inefficace.

La France doit faire face à des défis susceptibles d'affecter durablement le nombre et la nature des logements réalisés. Besoins nouveaux, recompositions familiales, vieillissement de la population, désir des jeunes d'accéder à un logement indépendant, autant de phénomènes plus prégnants qu'il y a quinze ou vingt ans. Il faut prendre en compte la solvabilité de la demande. L'Insee estime que les Français consacrent 6 % de leur revenu au logement ; qui peut se loger avec si peu, sinon ceux qui, comme moi, sont privilégiés et habitent un logement dont l'emprunt est remboursé ? Pour la plupart des ménages, le pourcentage est plus proche de 30 %...

Imposer aux promoteurs, lorsqu'ils réalisent dix logements, d'en construire deux en logement social n'a rien de révolutionnaire mais conduirait à une véritable mixité sociale. On ne peut laisser les maires seuls face au problème. Et qu'on ne me dise pas que la promotion sera freinée, cette mesure est au contraire incitative dans un contexte où les aides publiques n'ont pas réussi à faire baisser les tensions sur le marché.

Si nous refusons de voir nos concitoyens mal logés ou pas logés, il nous faudra prendre des mesures draconiennes. Je sais bien qu'on ne peut porter atteinte au droit de propriété, mais on peut taxer. Il ne serait par exemple pas scandaleux de surtaxer un propriétaire de résidence secondaire qui ne l'occuperait que quinze jours par an et ne la louerait pas le reste du temps.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - La mienne, je la prête !

M. François Fortassin.  - Moi aussi, mais je ne trouverais pas anormal de payer une surtaxe...

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. François Fortassin.  - La politique du logement doit devenir une grande affaire de la République, fondée sur la solidarité et la reconnaissance de la dignité de nos concitoyens. (Applaudissements à gauche ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)

Mme Odette Terrade.  - Lors des débats de la loi de mobilisation pour le logement, la ministre de la ville et du logement de l'époque avait évoqué des objectifs ambitieux : construire plus, faciliter l'accès au logement, lutter contre le mal logement, et justifier la procédure d'urgence par la culture du résultat. Sept mois après, la situation du logement reste alarmante et la loi, loin d'apporter des réponses adaptées, soulève nombre d'inquiétudes.

Première préoccupation par nos concitoyens, le logement représente 30 % des dépenses des ménages, pour un montant global de 282 milliards en 2006, soit 23 % du PIB. Le logement n'est pas seulement une question de pouvoir d'achat, c'est de plus en plus une urgence sociale. Selon la Fondation Abbé Pierre, plus de 13 % de la population est en situation de fragilité par rapport au logement, situation que la crise économique a encore aggravée. Car si la loi de mobilisation pour le logement a institué le désormais célèbre Dalo, elle ne répond pas à la diversité des situations de mal logement et d'exclusion sociale.

Nous avons besoin d'une politique ambitieuse, dotée des moyens nécessaires pour que chaque individu puisse accéder à ce droit fondamental. Mais les signes envoyés par le Gouvernement ne sont guère encourageants. Le ministère est devenu secrétariat d'État ; le budget de la ville et du logement a régressé de 7 % en 2009...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Il a augmenté au contraire !

Mme Odette Terrade.  - Parce que vous avez réalisé un hold-up sur le 1 % ! Le budget 2010 n'est guère mieux, au sein duquel les aides à la pierre baisseront de 70 millions d'euros. Alors que 450 000 logements avaient été mis en chantier en 2007, ce qui était déjà insuffisant, on n'en lancera que 300 000 cette année. Le rapport du Conseil d'État Droit au logement, droit du logement publié le 10 juin 2009, note d'ailleurs que le logement est devenu, depuis la réforme Barre de 1977, « un bien économique qui s'échange sur un marché ». On ne peut mieux résumer l'action du Gouvernement, qui s'est progressivement effacé au profit du marché et privé des principaux outils dont il disposait pour contrôler le coût de la construction et le niveau des loyers.

L'empilement législatif des dernières années n'a pas freiné l'aggravation de la situation mais, comme le note le rapporteur, a placé la politique du logement dans « une instabilité juridique chronique peu propice à la mobilisation de l'ensemble des partenaires ». Aujourd'hui, les loyers du privé sont 45 % plus chers que ceux du parc social et l'augmentation des loyers ne va plus de pair avec une amélioration des conditions de vie. Il n'est dès lors guère étonnant que la loi Dalo ait montré ses limites... Les demandes sans réponse s'accumulent au point qu'on peut parler d'urgence installée. Dans le Val-de-Marne, seuls 1 300 des 12 000 dossiers déposés ont été déclarés éligibles ; seuls 6 000 ont été traités, les autres sont en attente depuis plus de six mois alors qu'il en arrive entre 600 et 700 par mois, et que la commission n'en traite que 150 par semaine. Les accusés de réception, à partir duquel court le délai de six mois pour statuer, sont délivrés quatre mois après le dépôt des dossiers... C'est dire que le dispositif est très loin de répondre aux besoins.

La présente proposition de loi repose sur l'idée que « pour donner corps à la solidarité nationale pour le logement de tous, nous devons consentir à imposer des mécanismes de régulation innovants et audacieux ». De l'audace, il en faut pour s'attaquer à la spéculation immobilière. Nos collègues socialistes ont raison de proposer un moratoire sur cette pratique d'un autre âge que sont les expulsions locatives, qui traumatisent les familles et les enfants. Ils ont raison de proposer d'augmenter le taux et l'assiette de la taxe sur les logements vacants, en donnant parallèlement plus de pouvoirs aux maires pour l'expropriation de logements vacants depuis de nombreuses années.

M. le rapporteur soutient que le texte attente au droit de propriété en ce qu'il prive les propriétaires de leur droit à percevoir des loyers. Nous estimons que le droit de propriété doit, non s'opposer mais se conjuguer avec le droit au logement, tout autant fondamental. La proposition de loi tend à rendre effectif le droit au logement opposable que la majorité a tant défendu ; c'est une boîte à outils qui permettrait de dépasser les belles déclarations d'intention qui, sans moyens, restent lettre morte.

Nous avions déposé une proposition de loi pour prévenir les expulsions locatives qui allait dans le même sens. Face aux situations dramatiques vécues par ceux qui attendent depuis des années un logement, un véritable contre-projet à la politique menée aujourd'hui est indispensable. Nous souhaitons un grand service public du logement décentralisé, financé par l'État. Un grand plan national de construction de logements sociaux encouragé par une politique volontaire en matière d'aide à la pierre serait également souhaitable. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que le droit au logement soit une réalité pour tous, partout ! Dans cette attente, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Le groupe de l'UC reconnaît aux auteurs de cette proposition de loi de bonnes intentions. On ne peut qu'encourager la lutte contre le logement vacant, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Je l'ai dit !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Ce texte n'échappe pas à ce constat.

Ainsi, l'article 2 prévoit la taxation des logements vacants dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants. Or, l'article 47 de la loi Engagement national pour le logement de 2006 autorise les collectivités non concernées à assujettir les logements vacants à la taxe d'habitation.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Absolument !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - La proposition que vous faites dans cet article pourrait parfaitement s'étendre à des agglomérations de 50 000 habitants avec une ville centre de 15 000 personnes.

Les articles 3 et 4 ont le mérite de confirmer d'autres dispositifs existants : pourtant, la loi Dalo s'applique difficilement dans la région parisienne et dans les grandes agglomérations.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Surtout à Paris !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Certains dispositifs ne sont en revanche pas justifiés dans nos régions.

En revanche, l'article premier serait difficile à mettre en oeuvre : comment faire le départ entre les intentions spéculatives et les difficultés de location que nous rencontrons actuellement ?

L'article 5 est en contradiction avec les objectifs de l'Anah : faut-il freiner le combat que mène cette agence contre l'habitat indécent, voire indigne, par des mesures qui pourraient inquiéter les bailleurs privés ?

J'encourage les collectivités locales à accompagner la garantie de logement locatif, qui permet de remettre sur le marché des logements vacants. Elle constitue une invitation financière pour le bailleur et une plus-value sociale pour le locataire. Cette mesure figurait dans le projet de loi de mobilisation pour le logement de 2008 et elle rejoint nos préoccupations et celles du groupe socialiste.

Mme Colette Giudicelli.  - Cette proposition de loi vise à augmenter l'offre de logements abordables et à éviter les expulsions de locataires reconnus prioritaires au titre de la loi Dalo. Comme l'a très justement fait observer notre rapporteur, auquel d'ailleurs je tiens à rendre hommage pour ses grandes compétences en matière d'urbanisme et de logement...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Je le confirme !

Mme Colette Giudicelli.  - ...il faut remettre cette proposition de loi à sa juste place. Depuis 2002, les gouvernements ne se sont pas croisé les bras. Le 19 février 2009, nous avons adopté la loi de mobilisation pour le logement présentée par Mme Boutin, qui soutient la construction et qui permet aux populations en difficulté d'accéder plus facilement à des hébergements ou à des logements. En outre, elle prévoit que les bailleurs sociaux pourront gérer des logements dans le parc privé, afin de les sous-louer à des ménages logés dans des hôtels ou des centres d'hébergement.

La politique du logement est complexe, parce qu'elle revêt des dimensions humaines, économiques, financières et techniques. La loi de mobilisation pour le logement a complété plusieurs lois importantes qui, ces dernières années, ont profondément modifié le secteur du logement, notamment la loi Dalo de 2007 qui reconnaît le droit à un logement décent et indépendant.

Nous souhaitons tous que les logements sociaux soient occupés par des personnes qui en ont vraiment besoin, mais ce n'est pas toujours le cas. Dans les mairies et dans les conseils généraux, on voit souvent des logements sociaux attribués à des personnes qui auraient les moyens de se loger elles-mêmes ou qui, parfois même, sont propriétaires. La loi Dalo a prévu, pour les personnes déclarant ne pas pouvoir se loger, un recours amiable devant une commission de médiation qui peut demander aux services compétents de l'État ou des collectivités territoriales, de faire les constatations sur place ou, au moins, l'analyse de la situation sociale du demandeur. Mais ces commissions se bornent souvent aux déclarations, sans faire d'enquêtes, sans doute pour ne pas mettre en porte-à-faux les services sociaux. Dans mon département, j'ai constaté des situations qui frôlent l'escroquerie.

Ces commissions de médiation peuvent être abusées lors du dépôt du dossier de recours par des demandeurs à qui il arrive de tricher sur le montant de leurs revenus ou sur l'étendue de leur patrimoine. En outre, lorsque j'apprends que certaines personnes déjà hébergées dans des logements sociaux gardent leur appartement alors qu'elles ne l'occupent même plus, il y a de quoi être scandalisé. Ils conservent le logement pour accueillir leurs enfants ou, pire, pour le sous-louer.

M. Daniel Raoul.  - Quel rapport avec les logements vacants ?

Mme Colette Giudicelli.  - La loi Boutin va permettre de faire des contrôles plus fréquents, voire d'intenter des actions contre les locataires indélicats.

Il conviendrait aussi de prévoir une diminution des plafonds afin que les familles les plus modestes bénéficient de ces logements. Il est difficile d'expulser un locataire d'un logement social, quand bien même celui-ci ne réunit pas toutes les conditions pour s'y maintenir, notamment lorsqu'il y a des enfants. La meilleure façon de réserver les logements sociaux à nos concitoyens qui en ont réellement besoin est de se prémunir et de contrôler. A Menton, j'ai demandé au service du logement que chaque dossier soit assorti d'une déclaration sur l'honneur du patrimoine immobilier. Je suis consciente des limites de ce document, puisque la tricherie est encore possible. Pourquoi ne pas demander une attestation fiscale de non-propriété ? Hélas, il n'existe pas de justificatif fiscal sur lequel figurerait une telle mention. Cette déclaration reste donc à inventer. Je compte sur vous, monsieur le ministre !

Nous avons évidemment conscience du problème posé par la vacance de longue durée. C'est pourquoi l'Anah mène une politique active d'incitation à la remise sur le marché. En 2008, pas moins de 9 000 logements l'ont été après plus d'un an de vacance. Si nous soutenons cette politique d'incitation, nous ne pouvons accepter cette proposition de loi qui permettrait au maire, lorsqu'un logement est vacant depuis cinq années, d'exproprier le propriétaire. Ce n'est pas en portant atteinte au droit de propriété, garanti par la Constitution, que nous surmonterons la crise du logement social ! En outre, les communes ayant recours à cette procédure se heurteraient à de nombreuses difficultés. Notre rapporteur a relevé qu'il fallait d'abord identifier les logements ou immeubles vacants. Nos collègues socialistes proposent un moratoire pour empêcher toute expulsion d'ici le 16 mars 2012 de personnes reconnues comme prioritaires, tant qu'aucune offre de relogement ou d'hébergement ne leur aura été proposée.

La mesure ne ferait que dissuader les propriétaires de louer. Le marché de la location serait totalement bloqué et le nombre de logements vacants ne ferait qu'augmenter : effet inverse au but recherché...

Il y a là également une nouvelle atteinte au droit de propriété, qui toucherait plus particulièrement les petits propriétaires. M. Rebsamen dépeint ceux-ci comme des personnes qui ne songent qu'à leur intérêt propre.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.

Mme Colette Giudicelli.  - A Dijon comme à Menton, quand on a travaillé toute sa vie et acheté un petit appartement pour le louer, en vue de la retraite, et que l'on a affaire à des locataires qui ne paient pas, qui sont expulsés au bout de cinq ans et laissent des lieux en très mauvais état, on est échaudé !

Le Gouvernement a annoncé une remise à plat du droit de préemption urbain dans le cadre d'une prochaine réforme globale sur la préemption. Je souhaiterais que le ministre nous apporte quelques précisions sur ce point.

Il n'est pas responsable de traiter un problème grave par une proposition de loi démagogique. On entend souvent prétendre qu'il existe de très nombreux logements vacants et qu'il faut les remettre sur le marché... L'existence de logements vacants est considérée par certains comme une anomalie, voire un scandale. Rapprocher ce phénomène des difficultés de logement d'une partie de la population, voire de la situation des sans-abri, n'a pas de sens, mais est bien utile pour trouver des coupables et fédérer les indignations contre un adversaire abstrait, les propriétaires de logements vacants.

Le plan de cohésion sociale a assigné à l'Anah un objectif de remise sur le marché de 100 000 logements avec une prime incitative. Seront surtout concernés, je pense, des logements qui faute de travaux ne pouvaient être loués. Et de nombreuses collectivités ont mis en place ou envisagent d'adopter des mesures d'incitation.

Je suis présidente du conseil d'administration d'un institut médico-pédagogique qui accueille des enfants autistes et trisomiques. Le bâtiment devait être rénové : nous avons demandé aux enfants de le dessiner tel qu'ils le voudraient une fois restauré. La plupart d'entre eux ont tracé un vague carré, mais tous ont dessiné un toit, de toutes les couleurs et de toutes les formes ! Ces enfants un peu différents nous ont appris que lorsque l'on est fragile, on va à l'essentiel et l'essentiel, c'est un toit. Le groupe UMP considère aussi que le toit est prioritaire et qu'il faut tout faire pour que tous nos concitoyens soient logés décemment mais il ne votera pas ce texte parce qu'il fait toute confiance au Gouvernement pour mener ce combat. (M. le rapporteur applaudit)

Mme Patricia Schillinger.  - Je remplace M. Jeannerot rappelé d'urgence dans son département.

L'indignation de nos concitoyens devant l'existence de logements vacants est bien compréhensible au moment où tant de gens ont du mal à se loger. Le taux de vacance est pourtant très bas, ce qui révèle la tension sur le marché et le nombre de demandes non satisfaites. C'est au moment de l'appel de l'abbé Pierre que ce taux a été le plus faible... Le rapport du Conseil d'État Droit au logement, droit du logement dresse un constat inquiétant : 3,5 millions de personnes seraient mal logées ou non logées et le nombre de personne hébergées est en forte augmentation. En outre, le montant du loyer augmente, mais la qualité du logement ne s'améliore pas : il y a là une perte de pouvoir d'achat. En conséquence, les collectivités locales sont de plus en plus sollicitées et l'État a tendance à se défausser sur elles. Encore faudrait-il leur donner les moyens d'agir...

Le texte dote les communes d'un véritable pouvoir d'intervention. Il reprend une proposition formulée par le Conseil d'État. La prérogative de préemption des maires est élargie aux cas de relogement pour cause d'insalubrité, d'aménagement, voire de démolition. II existe plusieurs procédures en matière de lutte contre l'insalubrité, mais le relogement échoie toujours à l'autorité qui a engagé la procédure, c'est-à-dire au maire ou au préfet. Compte tenu des tensions sur le parc social, le nombre de procédures engagées risque de diminuer en raison de la difficulté à reloger les ménages. Nous proposons une solution supplémentaire, financée par les sommes dues par les propriétaires des logements insalubres.

Le Conseil d'État a rappelé dans sa décision du 6 avril 2001 que la préemption est possible pour remplir une obligation de relogement, faute de solution dans le parc social. Parfois, une commune dispose de logements vacants mais qui ne peuvent être proposés, pour des raisons géographiques ou de revenus. Notre proposition de loi apporte aux maires une faculté supplémentaire de faire aboutir la procédure. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Houpert.  - La proposition de loi semble louable. Les hommes et les femmes de bonne volonté dans cet hémicycle y verront de bonnes intentions, mais qui ne suffisent pas. Nos concitoyens ne nous demandent pas de vibrants plaidoyers mais des résultats : c'est à notre majorité qu'ils ont confié le soin d'engager les réformes attendues.

Le maire pourrait obtenir l'expropriation d'un bien au terme d'une vacance anormalement longue, de cinq ou huit années consécutives.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - A fin de relogement social !

M. Alain Houpert.  - C'est une nouvelle atteinte à la petite propriété. La proposition me paraît trop dogmatique. L'expropriation doit être réservée aux cas d'abus et la durée de vacance n'en constitue pas un à elle seule. Je souhaiterais également des dispositifs moins conflictuels, faisant appel aux bailleurs intermédiaires. Le Gouvernement, dans sa grande sagacité, cherche à limiter les expulsions en expérimentant la reprise de bail par une association qui sous-louera le logement.

L'article premier me paraît dangereux, car les conditions posées pour l'expropriation sont discrétionnaires. Si un immeuble est vide, ce peut être que, du fait de sa localisation, il n'intéresse personne ! Un pouvoir d'expropriation aussi large devrait être entouré de garanties : vacance « anormalement longue », limitation géographique, etc.

Nos collègues élargissent le champ de la taxe sur les logements vacants qui semble avoir fait ses preuves, le taux de vacance ayant baissé plus rapidement qu'ailleurs là où elle est en vigueur. Cependant, le Comité d'analyse économique conseille de la supprimer parce que son rendement est nul. Doubler le taux n'est pas un gage supplémentaire d'efficacité. Le rendement sera meilleur mais la taxe ne limitera pas la spéculation sur le logement. Il y a d'autres possibilités. Aujourd'hui, les plus-values immobilières sont minorées de 10 % par année de détention au-delà de cinq ans. Les années de vacance du bien pourraient être exclues ! Il serait selon moi plus utile de revenir sur les avantages fiscaux existants. Et plus efficace.

Le moratoire proposé en l'absence d'offre de logement ou d'hébergement est encore une proposition louable, mais aux effets pervers. Les risques pesant sur le propriétaire augmenteraient et au lieu de remédier à la vacance intentionnelle des logements, elle ne ferait que la renforcer.

De nombreuses mesures de prévention limitent le recours à l'expulsion. C'est ainsi que le taux d'expulsions effectives n'est que de 10 %, portant le délai à deux ans. Allonger encore les délais ne fera qu'accroître l'insécurité juridique des propriétaires. Le marché locatif s'en trouverait encore moins fluide.

La question pourrait éventuellement se poser d'opposer un tel moratoire aux investisseurs institutionnels qui interviennent sur le marché locatif. Mieux vaut trouver des compensations financières au maintien dans les lieux, notamment lorsque le bail est rompu pour des raisons financières, et réduire les délais d'expulsion dans des cas de rupture ou de non-renouvellement de bail à fin de reprise. Un propriétaire doit pouvoir disposer de son bien lorsque l'occupant est sans droit ni titre !

Le Gouvernement prépare la mise en place d'une garantie des risques locatifs qui devrait protéger les propriétaires contre les risques d'impayés et éviter aux locataires d'avoir à fournir la caution de tiers. Très bien, mais c'est encore faire peser sur le propriétaire la prise en charge de l'intérêt général. Ce qui n'est pas sa vocation. A défaut d'être une obligation d'assurance à la charge du locataire, la souscription à une telle garantie doit être déduite du revenu imposable.

Cette proposition de loi est aussi paradoxale que l'état du marché locatif. La France est le pays qui compte le plus de logements par propriétaire et le plus de logements sociaux par habitant. Et pourtant les problèmes demeurent. Cela dit, ce n'est pas en stigmatisant les petits propriétaires qu'on les résoudra. Si le taux de logements vacants diminue depuis quelques années, c'est que l'équilibre trouvé est globalement efficace. Rien ne sert donc de renforcer l'insécurité juridique qui entoure le contrat de location ; il faut fluidifier le marché du logement locatif. Je voterai donc contre cette proposition de loi.

Plutôt que de stigmatiser les propriétaires, l'opposition ferait mieux de formuler des propositions qui aillent dans le sens de l'accession sociale à la propriété. (Exclamations à gauche) L'accès à la propriété reste le rêve de l'ensemble des Français. Faisons en sorte qu'il devienne une réalité. (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Vous en êtes réduits à être le parti des propriétaires !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Donc de 56 % des Français !

M. Jacques Muller.  - Le 17 octobre, nous commémorions la journée mondiale du refus de la misère. Osons regarder la réalité de face : la France compte 3,5 millions de mal logés et 6,5 millions de personnes en situation de fragilité de logement à court ou moyen terme. Que fait le Gouvernement ? Peu, beaucoup trop peu. Le plan de relance de l'économie a enrichi les banquiers, au lieu de servir les mal logés. Le programme de construction de 100 000 logements engage 600 millions mais comporte moins de 45 % de véritables logements sociaux. L'État se désengage : depuis dix ans, la part des dépenses publiques consacrées au logement dans le PIB n'a cessé de diminuer, et atteint aujourd'hui son niveau le plus bas depuis trente ans.

Nous souffrons d'un autre fléau, celui des logements vacants. Leur proportion dépasse les 13 % à Lille et Perpignan, et près de 10 % à Lyon, Paris et Mulhouse. Une bonne partie de cette vacance est directement causée par la spéculation immobilière à laquelle se livrent quelques riches privilégiés au détriment de millions de défavorisés. C'est pourquoi nous cosignons cette proposition de loi, qui rejoint les conclusions d'une étude de l'Anah, selon laquelle l'application de la taxe sur les logements vacants a permis d'obtenir des résultats.

Parce que nous ne nous résignons pas au fatalisme, nous défendons la proposition d'expropriation de logements vacants depuis au moins cinq ans en vue de réaliser des logements sociaux.

Cette proposition de loi améliore significativement le régime juridique du droit de préemption ainsi que celui d'expropriation, en mettant les communes au coeur de ces nouveaux dispositifs. Mieux que le préfet, le maire connaît précisément les situations de détresse et d'urgence. Mieux que le préfet, il connaît son parc de logements et ceux qui sont vacants. Donnons-lui les moyens juridiques et, mieux que le préfet, il pourra agir efficacement.

Cette proposition de loi doit être vue comme un complément indispensable de la loi sur le droit au logement opposable. Les contingents préfectoraux sur lesquels repose le dispositif Dalo ne peuvent mettre à disposition que 60 000 logements par an, soit 10 % des 600 000 ménages susceptibles de bénéficier de ce droit. Il y a des familles en détresse et des logements vacants pour les reloger. Il est par conséquent de notre devoir de faire évoluer la loi. Je vais donc voter cette excellente proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

M. le président.  - Cette proposition de loi n'étant pas reprise par la commission, nous allons discuter son texte original.

Discussion des articles

Article additionnel avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°1 présenté par M. Fortassin.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La troisième phrase du deuxième alinéa de l'article 199 decies E du code général des impôts est ainsi rédigée :

« Le contribuable ne peut bénéficier que d'une seule réduction, laquelle elle est répartie sur six années au maximum. »

II. - Après la première phrase du troisième alinéa de l'article 199 decies EA du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Le contribuable ne peut bénéficier que d'une seule réduction. »

III. - Au début du quatrième alinéa du IV et du VIII de l'article 199 septvicies du code général des impôts, les mots : « Au titre d'une même année d'imposition » sont supprimés.

IV. - Le 1° de l'article 31 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...) le contribuable ne peut bénéficier des dispositions prévues aux alinéas h) à n) qu'à raison de l'acquisition, de la construction ou de la transformation d'un seul logement. »

M. François Fortassin.  - Les dispositifs d'incitation à l'investissement locatif privé de type Robien, Borloo, Scellier ainsi que les réductions d'impôt accordées au titre des investissements immobiliers locatifs réalisés dans des résidences de tourisme ou dans des logements situés dans les stations classées sont peu lisibles et d'une efficacité contestable. Une remise à plat est nécessaire : je ne vois pas pourquoi les propriétaires de logements dans les stations de ski devraient bénéficier d'une telle défiscalisation.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Défavorable : un tel amendement aurait tout au plus sa place en loi de finances. Nous sommes ici pour lutter contre le manque de logements. Tout ce qui peut favoriser la création de logements est donc bon. Les dispositifs auxquels vous vous en prenez soutiennent l'activité du bâtiment et, évidemment, permettent d'accroître l'offre de logements. Ils sont d'autant plus nécessaires que, comme vous l'avez peut-être entendu dire, nous vivons une crise marquée par une baisse des mises en chantier. Dans la région de Rennes, des élus de votre camp souhaitent au contraire qu'on étende le dispositif Scellier. Si des personnes ont de l'argent et veulent l'investir dans le logement, tant mieux !

A force de toujours vouloir protéger les locataires au détriment des propriétaires, on a tari les investissements dans le logement locatif. Beaucoup de petits investisseurs sont partis et ne reviendront pas. Des petits bailleurs vendent leurs appartements. Car 60 % des bailleurs sont modestes, souvent plus pauvres que leurs locataires. Mais vous vous flattez de lutter contre le grand capital !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Défavorable, évidemment.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Pourquoi « évidemment » ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Pour loger nos compatriotes, il faut jouer sur tous les facteurs, y compris le logement privé. Si vous diminuez l'avantage Scellier, la construction va s'effondrer. Le logement locatif, c'est un empilement de produits, du logement social au logement privé, jusqu'à l'accession à la propriété.

M. François Fortassin.  - Je pourrais approuver vos arguments. Ils n'ont que le défaut de ne pas répondre à la question que je pose, qui avait trait exclusivement aux investissements immobiliers locatifs réalisés dans des résidences de tourisme ou dans dans les stations classées.

Pour les résidences de tourisme, la défiscalisation n'a pas lieu d'être. (Applaudissements à gauche)

Mme Raymonde Le Texier.  - C'est une niche fiscale !

M. Claude Bérit-Débat.  - Le rapporteur n'a pas répondu à la question. Les dispositifs Robien, Borloo et Scellier sont loin d'être parfaits.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - On ne parle que du Scellier !

M. Claude Bérit-Débat.  - Loin de favoriser la mixité sociale, on aboutit à une concentration de logements de moindre qualité.

L'amendement de M. Fortassin vise les résidences de tourisme.

Le problème du logement en montagne est réel. La loi ENL a permis aux maires d'intervenir à travers divers outils, dont de nombreuses communes se sont saisies, à commencer par la mienne, mais nous restons démunis face aux promoteurs. Dans la plupart des zones de montagne, plus aucun programme défiscalisé ne pourra voir le jour après 2012. Certains promoteurs menacent les maires d'abandonner tout simplement leurs territoires ! La transition annoncée par Bercy ne résout rien. C'est pourquoi nous demandons une réelle mise à plat des dispositifs pour le développement des zones de montagne. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Thierry Repentin.  - L'amendement ne vise pas l'investissement défiscalisé sur tout le territoire mais uniquement les résidences de tourisme. (M. le rapporteur le conteste)

En montagne mais aussi sur le littoral, notamment au Pays basque, des investisseurs se sont laissé abuser par la promesse de rendements qui ne sont pas au rendez-vous. Aujourd'hui, des chantiers sont abandonnés, les sociétés qui portaient ces investissements ont déposé le bilan. Résultat, l'Assemblée nationale a dû voter en catastrophe, la semaine dernière, une disposition permettant aux investisseurs de se constituer en SCI pour mener les projets à terme et gérer leurs biens en direct !

Cet amendement permet de limiter les risques pour les ménages qui se laissent tenter par ce type d'investissements, et de supprimer ces niches qui n'ont aucune vertu économique, comme M. Marini nous y incite régulièrement ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - L'amendement concerne bien le Scellier dans son ensemble, qui est explicitement visé au III, et non uniquement l'investissement locatif en montagne, loin de là.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Je ne peux pas laisser dire que je n'ai pas répondu à la question. J'ai répondu sur l'amendement. Le problème vient de ce que l'exposé des motifs ne correspond pas au texte de l'amendement !

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public... (Exclamations à gauche où l'on dénonce le vide des bancs à droite)

A la demande de la commission, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l'adoption 152
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

Article premier

Au titre IV du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV : Déclaration de logements en état de vacance anormalement longue

« Art. L. 2244 - 1.  -  Lorsque dans une commune, un ou plusieurs logements vacants situés dans un même immeuble et appartenant aux mêmes propriétaires ou titulaires de droits réels sont assujettis à l'une ou l'autre des taxes visées aux articles 232 et 1407 bis du code général des impôts pendant au moins trois années consécutives, le maire peut engager la procédure de déclaration du ou des logements concernés en état de vacance anormalement longue.

« La procédure de déclaration de logements en état de vacance anormalement longue ne peut être mise en oeuvre qu'à l'intérieur des parties actuellement urbanisées de la commune.

« Art. L. 2244 - 2.  - Le maire constate, par procès-verbal provisoire, la vacance anormalement longue d'un logement, après qu'il a été procédé à la détermination de celui-ci ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés.

« Le procès-verbal provisoire de vacance est affiché pendant trois mois à la mairie de la commune, ou à Paris, Marseille et Lyon, de l'arrondissement où est situé l'immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l'immeuble. Il fait l'objet d'une insertion dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. En outre, le procès-verbal provisoire de vacance anormalement longue est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres intéressés tels qu'ils figurent au fichier immobilier et qui sont invités à présenter leurs observations dans un délai de deux mois. Si l'un des propriétaires, titulaires de droits réels ou autres intéressés, n'a pu être identifié ou si son domicile n'est pas connu, la notification le concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune ou, à Paris, Marseille et Lyon, de l'arrondissement où est situé l'immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l'immeuble.

« Art. L. 2244 - 3.  -  À l'issue d'un délai de trois mois à compter de l'exécution des mesures de publicité et des notifications prévues à l'article L. 2244-2, si les propriétaires ne se sont pas fait connaître, n'ont pas mis fin à l'état de vacance ou n'ont pas manifesté leur intention d'y mettre fin dans un délai fixé en accord avec le maire, celui-ci constate par un procès-verbal définitif l'état de vacance anormalement longue de l'immeuble. Ce procès-verbal est tenu à la disposition du public pendant un délai de trois mois. À l'issue de ce délai, le maire déclare par arrêté l'état de vacance du bien immeuble.

« Lorsque les propriétaires n'ont pas mis fin à l'état de vacance dans le délai convenu conformément au premier alinéa, la procédure peut être reprise. À son terme, le procès-verbal définitif intervient.

« Art. L. 2244 - 4.  -  Le maire saisit le conseil municipal qui l'autorise à poursuivre l'expropriation des logements ayant fait l'objet de l'arrêté de vacance anormalement longue au profit de la commune, d'un organisme y ayant vocation ou d'un concessionnaire d'une opération d'aménagement visé à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, en vue de la construction ou de la transformation en logement social.

« L'expropriation est poursuivie dans les conditions prévues par le présent article.

« Le maire constitue un dossier présentant le projet simplifié d'acquisition publique, qui est mis à la disposition du public appelé à formuler ses observations dans des conditions précisées par la délibération du conseil municipal.

« Par dérogation aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le représentant de l'État dans le département, dans un délai de trois mois à date de réception du dossier :

« - déclare d'utilité publique le projet visé à l'article L. 2243-3 et détermine la liste des immeubles ou parties d'immeubles, des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier ;

« - déclare cessibles lesdits immeubles, parties d'immeubles, parcelles ou droits réels immobiliers concernés ;

« - fixe le montant de l'indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires ou titulaires de droits réels immobiliers, cette indemnité ne pouvant être inférieure à l'évaluation effectuée par le service chargé des domaines ;

« - fixe la date à laquelle il pourra être pris possession des biens après paiement ou, en cas d'obstacle au paiement, après consignation de l'indemnité provisionnelle. Cette date doit être postérieure d'au moins deux mois à la publication de l'arrêté déclaratif d'utilité publique. Cet arrêté est publié au recueil des actes administratifs du département et affiché à la mairie du lieu de situation des biens. Il est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers.

« L'ordonnance d'expropriation ou la cession amiable consentie après l'intervention de l'arrêté prévu au présent article produit les effets visés à l'article L. 12-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

« Les modalités de transfert de propriété des immeubles ou de droits réels immobilier et d'indemnisation des propriétaires sont soumises aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. »

M. Robert Navarro.  - Selon la Fondation Abbé Pierre, sept millions de personnes sont dans la précarité. Pourtant, depuis 2002, le Gouvernement réduit le budget du logement et la contribution des collectivités territoriales a doublé entre 2003 et 2006 pour atteindre 959 millions. Précisions importantes à l'heure où le Président de la République entretient le trouble sur les dépenses des collectivités...

Le Gouvernement a beau parler de sortie de crise, le chômage va encore progresser. Il faut donc anticiper les difficultés qui vont surgir en 2010 et 2011. Cet article prévoit qu'au bout de cinq ans de vacance injustifiée, constatée par le maire, les logements peuvent être expropriés pour réaliser des logements sociaux. Nous ne visons pas les petits propriétaires mais les gros, dont les objectifs sont purement spéculatifs ! L'épée de Damoclès de l'expropriation entraînerait le retour sur le marché de nombreux biens. (Applaudissements et « Très bien » sur les bancs socialistes)

M. Claude Bérit-Débat.  - Cet article permet l'expropriation au profit des communes, à des fins de transformation en logements sociaux, de logements laissés vacants pour des raisons manifestement spéculatives pendant plus de cinq ans : nous appelons cela de la « vacance passive ». Nous nous sommes inspirés de la procédure d'expropriation pour abandon manifeste, créée par les socialistes en 1998 dans le cadre de la loi de lutte contre les exclusions. C'est le maire qui déciderait de lancer la procédure, en fonction des objectifs fixés dans le PLH. Couplée avec le doublement de la taxe sur la vacance, cette mesure permettrait de remettre sur le marché locatif des logements laissés vides par défaut d'attention ou manque de volonté.

Il ne s'agit pas de menacer tous les propriétaires. Mais dans le cas où un logement est laissé vide en raison du régime d'indivision de la propriété, seule la procédure de péril permet aujourd'hui de régler le problème. Si le logement est en bon état, et même s'il est vacant depuis plus de dix ans, le maire n'a que ses yeux pour pleurer.

Dans toutes les grandes villes, des aides sont désormais consenties aux propriétaires pour la réhabilitation et la remise sur le marché locatif de leurs logements : je pense par exemple au Solibail. A Paris, l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France recense dans une étude publiée en octobre 109 273 logements vacants, soit 8,3 % du parc. Seuls 12 000 propriétaires paient la taxe sur les logements vacants, ce qui représente tout de même un gisement que la mairie tente d'exploiter grâce au dispositif « Louer solidaire ». Cinq cents propriétaires y avaient adhéré en 2009, ce qui montre que cette initiative répondait à un besoin.

L'article permet au propriétaire de se manifester au cours de la procédure s'il souhaite garder la maîtrise de son bien. Le maire peut quant à lui y mettre fin à tout moment. Il ne s'agit donc pas d'une atteinte au droit de propriété, mais d'un nouveau moyen de lutter contre la vacance passive, véritable abus de droit. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Nous avons beaucoup parlé des petits propriétaires, mais je vais à présent vous parler d'un gros propriétaire. Le 29 juin dernier, je vous ai écrit, monsieur le ministre, au sujet de l'immeuble du 69 rue de Seine, dans le VIe arrondissement de Paris. Vous m'avez répondu le 27 juillet que vous aviez demandé à vos services d'étudier la question et que vous me tiendriez au courant de vos décisions. Depuis, je n'ai eu aucune nouvelle.

Est-ce que le droit de réquisition a jamais été appliqué, même en réponse à des abus flagrants ? Le cas dont je vous parle me paraît tomber sous le coup de la loi.

M. Josselin de Rohan.  - L'immeuble doit appartenir à M. Pierre Bergé !

M. Jean Desessard.  - Il s'agit d'un immeuble de cinq étages et 250 mètres carrés, inoccupé depuis onze ans. Sa propriétaire refuse de le louer ou de le vendre, alors que la Ville de Paris s'est portée acquéreur. Elle vit aujourd'hui en Suisse pour échapper aux impôts...

M. Robert del Picchia.  - Ce n'est pas vrai ! Puisque l'immeuble est situé en France, elle acquitte sur ce bien une taxe de 25 %.

M. Jean Desessard.  - Je parlais du reste. Toujours est-il que cette dame n'est pas de ces petits propriétaires qui attendent anxieusement leur loyer. L'immeuble est divisé en petits appartements, sortes de grands studios, qui conviendraient parfaitement à une douzaine de locataires, par exemple des étudiants. Il n'y aurait aucun problème de voisinage !

Cette affaire a connu une certaine publicité lorsque huit étudiants ont investi l'immeuble. Délogés, ils ont été condamnés à 72 000 euros d'amende...

La réquisition est-elle oui ou non justifiée dans le cas dont je vous parle ? Si non, pourquoi ? Combien de réquisitions de logements vacants ont eu lieu en France ? On ne peut pas dire qu'à Paris le marché de l'immobilier ne soit pas tendu !

En réalité la loi qui autorise les réquisitions n'est pas appliquée, parce que le pouvoir politique ne le veut pas. C'est pour moi une raison de plus de soutenir l'article premier. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Braye, rapporteur.  - M. Desessard confond réquisition et expropriation !

L'article premier n'est pas adopté.

Article 2

I.  -  Après les mots : « vacants dans les communes », la fin du I de l'article 232 est ainsi rédigé : « visées à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation ».

II.  -  La seconde phrase du IV de l'article 232 du code général des impôts est ainsi rédigée :

« Son taux est fixé à 20 % la première année d'imposition, 25 % la deuxième année et 30 % à compter de la troisième année. »

M. Jean-Marc Todeschini.  - La taxe sur la vacance, à laquelle sont assujettis les propriétaires de logements inoccupés depuis plus de deux ans est assise sur la valeur locative des logements, et son taux est de 10 % la première année, de 12,5 % la deuxième et de 15 % la troisième. Elle ne s'applique qu'aux agglomérations de plus de 200 000 habitants où le marché locatif est tendu. Huit agglomérations l'ont mise en place ; à Lyon et Bordeaux, la vacance a ainsi diminué de moitié en six ans. Ailleurs il est possible, mais non obligatoire, d'instituer une taxe d'habitation sur les logements vacants.

Or il existe aujourd'hui en France au moins trente agglomérations de plus de 200 000 habitants. Nous souhaitons donc, comme la commission, que M. le ministre modifie le décret pour étendre la taxe de vacance à de nouvelles agglomérations parmi celles-là. Nous proposions dans ce texte d'étendre cette taxe à toutes les communes soumises à l'obligation des 20 % de logements sociaux, mais nous étions prêts à un compromis consistant à ramener le seuil à 100 000 habitants : nul ne peut nier qu'il y a aujourd'hui dans certaines agglomérations de taille moyenne de nombreux logements vacants, particulièrement dans les centres anciens !

Le doublement du taux de la taxe visait lui aussi à rendre le dispositif plus incitatif.

Vous êtes restés sourds à notre proposition. Espérons que le jour où vous la reprendrez à votre compte, vous aurez la délicatesse de nous en attribuer la paternité : ce n'a pas toujours été le cas dans le passé ! (M. Thierry Repentin applaudit)

L'article 2 n'est pas adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n° 2, présenté par M. Fortassin.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 232 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - I. Il est institué, à compter du 1er janvier 2010, une taxe annuelle sur les logements dont la durée d'occupation est inférieure à six mois au cours de l'année d'imposition dans les communes visées à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation.

« II. L'assiette de la taxe est déterminée par décret en Conseil d'Etat.

« III. La taxe n'est pas due pour les logements détenus par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources.

« IV. La taxe n'est pas due en cas de sous-occupation indépendante de la volonté du contribuable et lorsque le logement constitue sa résidence principale ou sa résidence secondaire, cette dernière dans la limite d'un seul logement.

« V. La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction ou à réhabilitation ou l'emphytéote qui dispose du logement au cours de l'année d'imposition.

« VI. Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions de la taxe sont régis comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties.

« VII. Le produit net de la taxe est versé au Fonds de solidarité pour le logement. »

M. François Fortassin.  - Seuls les logements offrant un confort minimal, vides de meubles ou insuffisamment meublés sont concernés par la taxe sur les logements vacants et la taxe d'habitation sur les logements vacants. Cet amendement tend à créer une taxe sur les logements meublés affectés à l'habitation dont la durée d'occupation est inférieure à six mois dans l'année, qui viendrait abonder le fonds de solidarité pour le logement. Ne seraient concernés ni les logements du parc social, ni ceux qui restent inoccupés indépendamment de la volonté du propriétaire, ni les résidences principales ou secondaires, dans la limite d'une seule résidence secondaire par contribuable.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Le texte de l'amendement ne concerne pas seulement les logements meublés vacants, mais tous les logements vacants : j'invite mes collègues à faire en sorte que l'objet de leurs amendements soit conforme à leur dispositif !

La taxe sur les logements vacants actuellement en vigueur a montré son efficacité partout où elle a été instaurée, c'est-à-dire dans huit agglomérations de plus de 200 000 habitants. La commission souhaite qu'elle soit étendue à d'autres agglomérations de même taille, sans qu'il soit besoin de l'appliquer là où le marché locatif n'est pas en tension : nous ne taxons pas les propriétaires pour le plaisir, mais pour les inciter à remettre leurs logements sur le marché. (M. Jean Bizet approuve)

Ailleurs, les maires ne sont pas démunis : dans toutes les communes de France et de Navarre il est permis de soumettre à la taxe d'habitation les logements vacants.

Nous n'allons tout de même pas taxer les propriétaires de biens que l'absence de demande empêche de louer.

Laissez les élus locaux choisir, ce sont eux qui connaissent le mieux la situation, comme vous l'avez dit tout à l'heure.

La commission est défavorable à l'amendement qui frapperait une seconde fois les propriétaires, après la taxe d'habitation sur les logements vacants, avec un nouveau critère temporel d'inoccupation.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement ne tient pas compte des événements de la vie quotidienne susceptibles d'empêcher toute location, comme une succession un peu longue, un étudiant qui part en stage ou la simple difficulté de trouver un locataire.

J'ajoute que les maires qui le souhaitent peuvent taxer les propriétaires de logements vacants. M. Rebsamen l'a fait à Dijon. Si le maire de Chambéry souhaite en faire autant, il le peut. Mais il n'y a aucun motif pour agir ainsi là où le marché n'est pas tendu. Laissons les élus locaux décider.

Enfin, je relève que l'article 2 transfère à l'État une recette optionnelle des collectivités territoriales. Merci !

M. Thierry Repentin.  - Pas à l'État, à l'Anah !

M. François Rebsamen, auteur de la question.  - Il est facile de repérer les endroits où existe une tension sur logements : la population y augmente. D'ailleurs, la loi SRU ne s'applique pas lorsque la population diminue.

Nous voulons accroître l'offre en direction de ceux qui en ont le plus besoin.

L'amendement n°2 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Fortassin.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 1396 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« La valeur cadastrale des terrains constructibles situés dans les zones urbaines délimitées par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé conformément au code de l'urbanisme est majorée d'une valeur forfaitaire de trois euros par mètre carré, pour le calcul de la part revenant aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre. Pour les terrains détenus depuis plus de cinq ans, sur délibération du conseil municipal prise dans les conditions prévues au premier alinéa du I de l'article 1639 A bis, cette valeur peut être augmentée dans la limite de dix euros par mètre carré. »

M. François Fortassin.  - L'article 1396 du code général des impôts autorise les conseils municipaux à majorer jusqu'à 3 euros par mètre carré la valeur cadastrale des terrains constructibles situés dans certaines zones.

Nous proposons de rendre cette hausse automatique, tout en autorisant le conseil municipal à aller jusqu'à 10 euros par mètre carré pour les terrains détenus depuis plus de cinq ans.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Même argumentation que tout à l'heure.

Toute commune peut taxer les terrains constructibles non bâtis, mais l'opportunité dépend des situations locales.

En pratique, votre disposition frapperait exclusivement les propriétaires de biens fonciers situés dans les petites communes ayant élaboré des plans d'occupation des sols à titre conservatoire, sans subir une particulière pression de la demande. Les grosses communes rendent ponctuellement constructibles des fractions de leur territoire en fonction des projets acceptés.

Je doute que cette taxation des biens fonciers soit bien accueillie dans les Hautes-Pyrénées...

Le propriétaire de 10 000 mètres carrés non construits acquitte 42 euros par an au titre de la taxe sur le foncier non bâti. Sa contribution annuelle dépasserait 8 000 euros s'il devait payer en outre la taxe sur le foncier constructible non bâti et plus de 30 000 euros avec la majoration que vous proposez.

Vos propositions sont manifestement inapplicables.

La taxe sur les logements vacants a prouvé son efficacité dans les 290 communes où elle s'applique et, monsieur Repentin, je serais heureux de disposer d'une étude comparative qui montrerait qu'elle est plus efficace que la taxe d'habitation que peuvent appliquer les maires...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Je souhaite le retrait de l'amendement.

La situation du logement et de l'urbanisme n'est pas homogène en France. L'incitation fiscale est utile en Ile-de-France, en Bretagne, sur le littoral atlantique et le long de l'arc méditerranéen. Ailleurs, on a souvent trop construit.

Monsieur le rapporteur, le Gouvernement s'engage à réexaminer le décret de 1998 et sa liste limitative de communes autorisées à instituer une taxe sur les logements vacants.

M. François Fortassin.  - Je rectifie l'amendement, pour autoriser le conseil municipal à s'opposer à la majoration de la valeur cadastrale. (On approuve sur les bancs socialistes)

M. Michel Teston.  - M. Fortassin propose que le conseil municipal puisse majorer jusqu'à 10 euros par mètre carré la valeur cadastrale de certains terrains urbanisables. Nous avons déjà examiné cette mesure de bon sens, notamment à l'occasion de la loi Dalo.

Le groupe socialiste votera cette disposition.

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Fortassin.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Dans les communes visées à l'article L. 302-5, les projets portant sur la construction ou la réhabilitation de logements ne sont autorisés que s'ils comportent une proportion minimale de deux logements sociaux par tranche de dix logements. »

M. François Fortassin.  - Dans les communes soumises à l'obligation de 20 % de logements sociaux, la délivrance d'un permis de construire devrait être conditionnée à la réalisation de deux logements sociaux par tranche de dix logements.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Nous en avons déjà discuté à plusieurs reprises.

Les maires peuvent déjà imposer un pourcentage de logements sociaux, mais les y contraindre rendrait la vie impossible à tous les acteurs, en commençant par les bailleurs sociaux qui ne veulent surtout pas entrer dans des copropriétés.

Pour la troisième fois, vous tentez d'imposer aux élus ce qui devrait rester une simple faculté !

M. Fortassin, qui défendait la liberté des élus locaux, a grandement changé de position. (Exclamations à gauche) Avis défavorable.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Même avis.

Mme Patricia Schillinger.  - Nous avions défendu une disposition un peu différente avec notre proposition de loi de décembre 2007. Nous voterons toutefois l'amendement car tout ce qui peut améliorer la production de logements sociaux va dans le bons sens.

M. Thierry Repentin.  - Nous voterons cet amendement pour M. Fortassin mais aussi pour Mme Létard, qui nous avait fait adopter une disposition similaire dont le décret d'application n'est jamais sorti.

M. Jacques Muller.  - Pourquoi ce blocage ? Dès que l'on propose un pouvoir supplémentaire pour les maires, vous êtes défavorables, et si on crée une obligation, vous êtes contre ! Parce que l'on honore la journée mondiale contre la misère, nous rappelons que le droit au logement est un droit fondamental. Je voterai cet excellent amendement et j'espère qu'il connaîtra un autre sort que les précédents. Je suis choqué qu'on recoure à des scrutins publics sur de tels sujets et, pour ma part, je voterai des deux mains.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Je note que M. Repentin vote les amendements non pour leur pertinence, mais en fonction de leur auteur. (Exclamations à gauche)

M. Thierry Repentin.  - Il m'arrive même de voter des amendements de M. Braye...

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Article 3

I.  -  Après le premier alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En vue de l'application de l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation, la commune peut faire usage de son droit de préemption pour assurer le relogement des personnes en application de l'article L. 521-1 du même code et pour transformer les biens ainsi préemptés en logements locatifs sociaux. »

II.  -  L'article L. 210-1 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application des deux premiers alinéas, elle peut déléguer ce droit de préemption à des organismes d'habitations à loyer modéré, prévus par l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet article est important parce qu'il reprend expressément une préconisation d'un rapport remarqué. En décembre 2007, le Conseil d'État avait en effet recommandé d'élargir explicitement le droit de préemption urbain aux questions relatives au logement. La loi du 25 mars 2009 a déjà amélioré les choses en regard du PLH, et c'est positif, mais il s'agit d'aller plus loin. La proposition de loi permettra de reloger les personnes évincées de leur logement à l'occasion d'une opération de lutte contre l'insalubrité. On sait les difficultés qu'éprouvent les personnes publiques à le faire sur leur propre parc. Or il ne faut pas que les procédures engagées diminuent, d'où l'intérêt de cette possibilité de flécher l'attribution des logements sociaux. De surcroît, les maires pourront déléguer le droit de préemption à tous les organismes HLM, comme le proposait le rapport du Conseil d'État. Voilà une formule concrète pour reloger des personnes en grande difficulté. J'espère que cette mesure vraiment opportune sera adoptée. (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe socialiste, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Comme il n'y a qu'une voix d'écart entre les pour et les contre, il va être procédé à un pointage. Je réserve le vote sur cet article.

Le vote sur l'article 3 est réservé.

Article 4

Nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu des articles L. 613-1 et L. 613-2 du code de la construction et de l'habitation, à titre transitoire jusqu'au 16 mars 2012, aucune expulsion ne pourra être exécutée à l'encontre des personnes reconnues prioritaires par la commission de médiation conformément à l'article 441-2-3 du même code, et tant qu'aucune offre de logement ou d'hébergement respectant l'unité et les besoins de la famille ne leur aura été proposée par ladite commission.

Mme Raymonde Le Texier.  - L'article 4 institue un moratoire des expulsions en faveur des personnes de bonne foi reconnues prioritaires dans l'attribution d'un logement social, comme le demandent les travailleurs sociaux et toutes les associations spécialisées ainsi que de plus en plus d'élus de terrain. Le nombre d'expulsions a augmenté de 150 % en dix ans. On a compté en 2008 11 300 expulsions manu militari, avec huissiers et policiers, dans les larmes, avec quelques effets emballés à la sauvette, les enfants sous le bras et sans savoir où on va. Combien de familles ont-elles fait l'objet d'une expulsion précipitée à la veille de la trêve hivernale alors qu'elles avaient été reconnues prioritaires pour l'attribution d'un logement social et que l'État est garant de leur relogement ? Les témoignages qu'on a entendus ne l'honorent pas.

Deux millions de familles ont du mal à payer leur loyer, 500 000 sont en situation d'impayés et la situation va s'aggraver. On compte 1,2 million de demandes non satisfaites de logements sociaux mais, avec 300 000 mises en chantier, nous n'avons jamais construit aussi peu de logements.

Dans Le Monde du 31 octobre, le délégué général de la Fondation Abbé Pierre résumait ainsi la situation : nous avons un Gouvernement qui, d'un côté, se vante d'avoir fait voter une loi qui instaure un droit au logement et retient comme prioritaires les personnes menacées d'expulsion, et, de l'autre, continue d'expulser. Dans ces conditions, le Dalo est inopérant ; en Ile-de-France, 75 % des personnes qui ont obtenu un avis favorable de la commission ne sont pas relogées. En attendant, le nombre de dossiers ne cesse d'augmenter. Croyez-vous, monsieur le ministre, que le déficit en logements sera comblé au 15 mars prochain ? Que vous serez en mesure de respecter l'engagement pris et bafoué par Mme Boutin, qui promettait qu'il n'y aurait pas d'expulsion sans relogement ?

Parce que nous ne pouvons prendre ce risque, nous proposons un moratoire, car il y a des situations insupportables à force d'inhumanité. (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Raoul.  - Nous demandons en effet un moratoire pour les personnes de bonne foi, alors que la crise économique, en privant 600 000 personnes de leur emploi, a encore compliqué la situation des ménages. En 1998, lors de l'examen de la loi relative à la lutte contre les exclusions, la disposition conditionnant toute expulsion à une offre d'un relogement avait été déclarée inconstitutionnelle pour des raisons de forme. Celle que nous proposons aujourd'hui est transitoire, elle n'interdit pas les expulsions -ce serait contreproductif ; il s'agit de maintenir temporairement dans leur logement les ménages éligibles au Dalo, ce qui garantit leur bonne foi, en attendant que l'État exerce ses responsabilités. Nous éviterions ainsi des ruptures dans les parcours résidentiels et les drames de la précarisation.

S'il reconnaît que cet article ne concerne que quelques cas, le rapporteur estime qu'il reviendrait à envoyer un signal négatif aux locataires comme aux propriétaires. Il fait ainsi passer la situation des propriétaires avant l'équilibre des familles ; c'est assurément un choix politique. Nous n'entendons pas pénaliser les propriétaires, mais mettre l'État devant ses responsabilités. Savez-vous que pour une famille expulsée en attente de relogement l'État paie une amende de 380 euros par jour ? Voilà le prix d'une vie brisée ! Refuser cet article, c'est gravement méconnaître la vie des gens !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Ne me faites pas de procès d'intention, je ne protège pas les propriétaires ! S'il y a quelqu'un qui connaît bien cette question, c'est moi, pour être le seul élu, ici, à siéger au Comité national de suivi du Dalo ; je copréside aussi le comité de l'Ile-de-France avec Paul Bouchet. Les élus de votre sensibilité, monsieur Raoul, ne sont pas si exemplaires ! Alors de grâce, ne nous donnez pas de leçon ! Vous ne semblez pas bien connaître le problème !

M. Daniel Raoul.  - Je gère Angers ! Je vous y invite !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Nous refusons cet article parce que nous ne voulons pas -aucun des acteurs du Dalo ne veut- inciter les locataires à ne pas payer leur loyer. Il y a tellement de gens, malgré les difficultés, qui se font un devoir de le payer ! Vous faites preuve d'angélisme, mes chers collègues (exclamations à gauche), avec cette sorte de filière de non expulsables ! J'ai rencontré tous les préfets d'Ile-de-France, dont celui de Seine-Saint-Denis qui fait un travail formidable ; tous les acteurs souhaitent que ceux qui ont la capacité de payer leur loyer continuent à le payer. N'envoyons pas de signal négatif.

Il faut savoir aussi qu'en Ile-de-France, toutes les personnes qui ont droit au Dalo et qui doivent être expulsées se voient systématiquement proposer deux offres de relogement avant expulsion. L'article est dans les faits satisfait.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Je suis également défavorable à cet article. Comme l'a justement dit le rapporteur, si on donne l'autorisation de ne pas payer le loyer, on risque des dérives que personne ne souhaite. On sait que 60 % des propriétaires qui louent sont de petits propriétaires, des couples de personnes âgées par exemple (mouvements divers à gauche) qui perçoivent ainsi un complément de revenu ; or l'article ne prévoit aucune compensation.

J'ajoute que l'expression « personnes de bonne foi », si elle figure dans l'exposé des motifs, n'est pas dans la proposition de loi. Enfin, la coïncidence est amusante : la fin du moratoire, c'est-à-dire la date à compter de laquelle le Gouvernement sera autorisé à expulser de nouveau, est prévue pour 2012, juste avant les présidentielles...

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Nous n'avons pas comme vous l'obsession de la présidentielle, nous pensons avant tout à ceux qu'on menace d'expulsion... Nous sommes nous aussi des élus locaux, nous n'entendons pas encourager au non-paiement des loyers ; nous parlons ici de ruptures sociales, d'expulsions qui coûtent cher à la collectivité. Je préférerais qu'une commune comme la mienne assure une garantie de loyers pendant quelques mois plutôt que d'avoir des familles en rupture sociale et un parc social abandonné !

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin sur l'article 3 qui a donné lieu à pointage :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l'adoption 156
Contre 158

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande des groupes socialiste et UMP, l'article 4 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 153
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 5

I.  -  Après le huitième alinéa du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant de l'État dans le département peut également désigner le demandeur à tout bailleur privé ayant conclu une convention avec l'Agence nationale de l'habitat dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles L. 321-1 et L. 321-4. »

II.  -  Le premier alinéa du II de l'article L. 321-1 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle précise que les logements ayant bénéficié de l'aide de l'Agence nationale de l'habitat peuvent être désignés par le préfet dans le cadre de la procédure visée à l'article L. 441-2-3 du présent code. »

III.  -  Après le septième alinéa (f) de l'article L. 321-4 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« g) Les conditions dans lesquelles le propriétaire est tenu d'attribuer le logement à un demandeur visé à l'article L. 441-2-3 du présent code. »

A la demande du groupe UMP, l'article 5 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 153
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - L'ensemble des articles ayant été repoussés, la proposition de loi est donc rejetée.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est quand même regrettable qu'après tout le travail fourni par nos collègues Rebsamen et Repentin, le Sénat n'ait même pas adopté un seul article ! C'est vraiment triste !

Concentration dans le secteur des médias (Proposition de loi)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias.

M. David Assouline, auteur de la proposition de loi.  - Une étude nous apprend qu'à l'heure de la révolution numérique, les Américains n'ont jamais passé autant de temps devant leur télévision : quatre heures et quarante neuf minutes par jour, soit quatre minutes de plus que l'an passé et 20 % de plus qu'il y a dix ans, ce qui représente par foyer américain huit heures vingt-et-une minute quotidiennes. Nos concitoyens y consacrent près de trois heures et dix minutes, ce qui fait de la télévision, et de loin, leur premier loisir. Pourtant, dans le même temps, la télévision apparaît comme le média auquel les Français accordent le moins leur confiance pour leur restituer une information fiable et objective, comme le prouve l'étude réalisée par La Croix TNS Sofres de janvier dernier. L'opinion publique, dans nos vieilles démocraties, n'est pas dupe de sa relation aux médias. C'est dire aussi que les médias, et en particulier la télévision, restent l'outil le plus simple et le plus efficace pour fabriquer l'opinion, rêve de tout chef d'État ou de gouvernement depuis que les recettes du marketing ont remplacé des moyens moins pacifiques dans la conquête du pouvoir. A l'heure d'internet et de la dématérialisation des supports de communication et d'information, il est plus que d'actualité d'évoquer le rôle de ce quatrième pouvoir que jouent les médias dans nos démocraties.

Au-delà de leur influence décisive dans la sélection du personnel politique, les médias guident l'action des gouvernants, et c'est d'autant plus vrai sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Le Président de la République semble en effet organiser son agenda comme un rédacteur en chef d'un journal télévisé cherchant à créer l'actualité en permanence. Cette agitation quotidienne ne poserait pas de problème au regard du fonctionnement de la vie démocratique si, dans notre pays, les médias étaient réellement indépendants, libres de diffuser ou non de l'information présidentielle. Mais le chef de l'État entretient des amitiés pour le moins utiles : c'est son droit. Il a qualifié Arnaud Lagardère de « frère », tandis que Martin Bouygues a été témoin d'un de ses mariages et que Vincent Bolloré finance ses vacances luxueuses. Ces trois-là sont des patrons de groupes de communication, détenant entreprises de presse et chaînes de radio et de télévision. Plus grave, les mêmes sont à la tête de groupes industriels dont les revenus sont générés par des commandes publiques.

Ainsi, Arnaud Lagardère possède notamment Europe 1, Paris Match, le Journal du Dimanche, 17 % du Monde, 20 % de Canal Plus France et une participation dans le groupe Le Parisien-L'Équipe. Dans le même temps, le groupe Lagardère reste un actionnaire stratégique, aux côtés de l'État, de EADS.

Dans le secteur de l'aéronautique et de la défense le groupe Dassault détient le groupe Le Figaro, qui édite aussi le Journal des Finances. Quant à Martin Bouygues, son groupe l'amène à être partie de nombreux marchés publics et il est aussi actionnaire principal du groupe TF1, TF1 Sports, Eurosport. Enfin, Vincent Bolloré a récemment développé une activité dans le secteur des médias, avec la chaîne Direct 8 et les quotidiens gratuits comme Direct soir, et Matin plus, ainsi qu'avec la Société Française de Production, achetée à l'État à des conditions particulièrement avantageuses il y a quelques années.

Deux autres groupes industriels qui n'ont pas, eux, de relations économiques avec la puissance publique, sont présent dans les médias : LVMH, dirigé par Bernard Arnault, est désormais propriétaire des Échos aux termes d'une longue bataille avec la rédaction du quotidien économique qui a connu, pour la première fois de son histoire, une grève, notamment à cause de l'intervention directe du Président de la République dans le dossier. Enfin, le groupe Pinault est propriétaire du Point.

Cette concentration de l'essentiel des titres de la presse d'information et d'importantes chaînes de radio et de télévision aux mains de puissants groupes industriels et de services, dont les patrons sont quasiment tous réputés proches du Président de la République et dont la plupart ont une part significative de leurs activités et de leurs revenus assurés par des commandes publiques, est à la fois inquiétante et unique au monde. Montesquieu disait : « C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bonne citation !

M. David Assouline.  - Malheureusement, les exemples abondent d'abus réguliers et répétés : l'inquiétude des journalistes des Echos, d'Europe 1, du Figaro, de TF1 n'est donc pas fantasmatique mais bel et bien proportionnelle à la gravité des pressions exercées sur les rédactions de ces titres ou de ces antennes par leurs propriétaires, souvent en relation directe avec le pouvoir d'État.

Mme Nathalie Goulet.  - N'oubliez pas l'AFP !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très juste !

M. David Assouline.  - Au moment où le discours politique relève toujours plus de la publicité et du storytelling et moins que jamais de l'échange d'arguments rationnels, il n'est malheureusement pas surprenant de voir au sommet de l'État se développer des comportements confinant à la confusion la plus indécente des rôles et des genres.

Il suffit de rappeler l'intervention directe d'un ministre de l'intérieur, alors numéro deux du Gouvernement, auprès d'un de ses amis industriels afin que soit congédié le responsable de la rédaction d'un magazine appartenant au groupe de presse dudit ami. Il se trouve que l'hebdomadaire en question tire seulement à 700 000 exemplaires chaque semaine et que la révocation de son directeur en juin 2006 avait pour seule cause la publication en « une », quelques mois auparavant, d'une photo qui ne plaisait pas.

Il n'est pas inutile de revenir sur les curieuses pratiques d'un de nos collègues, sénateur de l'Essonne et avionneur bien connu, mais aussi actionnaire, par le biais de son groupe familial, de la société éditrice du Figaro après l'avoir été d'autres titres, comme L'Express. Le directeur de ce magazine eut ainsi la désagréable surprise d'entendre Serge Dassault en personne lui demander de ne pas publier, en février 2006, les désormais célèbres caricatures du prophète Mahomet afin de ne pas mettre en difficulté ses activités commerciales au Moyen-Orient. Il est vrai que cet industriel ne cache pas sa conception arrêtée du journalisme, comme lorsqu'il expliqua que les journaux devaient diffuser des « idées saines », car « nous sommes en train de crever à cause des idées de gauche ». II est certain que M. Dassault ou M. Bouygues ne prennent pas ce risque quand Le Figaro et LCI rendent publics les sondages commandés par la Présidence de la République à la société de M. Buisson pour des montants astronomiques à la charge du contribuable.

De ce point de vue, les pressions qu'a subies le Président de l'Assemblée nationale de la part des principaux ténors de son camp ces jours derniers pour que soit enterrée la simple idée que puisse être constituée une commission d'enquête à ce sujet sont purement scandaleuses et tout à fait significatives d'une conception des institutions et du pouvoir étrangère à l'idée que nous nous faisons de la démocratie.

C'est une mauvaise manière faite au pluralisme des médias. Nos concitoyens en sont conscients. Ils ressentent finalement une défiance -injuste !- à l'égard des journalistes, qu'ils estiment ni indépendants, ni insensibles aux pressions des milieux politiques ou des puissances de l'argent. C'est pourquoi il est indispensable que le législateur prenne ses responsabilités et fixe des règles de nature à garantir le pluralisme et l'indépendance, comme la Constitution lui en fait obligation depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, sur amendement proposé par moi et les sénateurs socialistes.

En France et ailleurs, ces règles sont publiquement bafouées par les plus hautes autorités de l'État. Les médias sont devenus le terrain de jeu préféré de Nicolas Sarkozy. Le service public de l'audiovisuel a été mis sous tutelle par la loi organique du 6 février 2009 et la loi du 5 mars 2009. Quant au secteur privé, il est dominé par quelques conglomérats industriels qui dépendent significativement de la commande publique. Enfin, les titres de la presse quotidienne régionale -les cinq premiers vendent 2 millions d'exemplaires, contre 1,3 million pour les cinq premiers de la presse d'information nationale- connaissent un mouvement de concentration accéléré. Cela est inquiétant pour le pluralisme des rédactions.

Prétendre que l'autorégulation proposée par les états généraux de la presse suffira à garantir les principes constitutionnels et à restaurer la confiance de l'opinion témoigne d'un certain cynisme. Durant la crise bancaire, même le Président de la République a jugé indispensables des règles contraignantes. Qui serait donc prêt, ici, à prendre le pari que l'autocontrôle suffira à donner à la rédaction du Figaro la liberté de critiquer les conditions de telle vente de Rafale, ou aux reporters de TF1 d'enquêter sur les intérêts de Bouygues dans telle opération de construction ? L'audience de ces médias, leur influence sur la formation de l'opinion publique commandent que le législateur encadre leur contrôle.

Notre proposition de loi vise à combler une carence évidente dans la régulation des concentrations. Le système actuel est issu de la loi du 30 septembre 1986 sur la communication audiovisuelle et de la loi du 1er août 1986 sur la presse. Nous vous proposons d'interdire l'accès à la fonction d'éditeur à tout acteur privé entretenant des relations économiques significatives avec la puissance publique. Un mécanisme de ce type a existé pour la presse : la loi du 23 octobre 1984 visait ainsi à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse. Vous aurez du mal à rendre hommage à une loi de gauche, que votre famille politique a abrogée dès 1986...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument !

M. David Assouline.  - Mais rien ne vous interdit, si vous êtes attachés à la liberté de la presse, de joindre à présent vos voix aux nôtres. Les arguments de notre rapporteur pour écarter notre proposition sont extrêmement contestables. Rien ne démontre l'incompatibilité de notre texte avec le droit européen. Au contraire, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne impose de respecter la liberté des médias et leur pluralisme et elle prendra force contraignante dès l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre prochain. Quant à l'arrêt du 16 décembre 2008 de la Cour de justice des Communautés européennes, il vise un autre cas et la situation grecque est l'inverse de ce que nous proposons. Si notre proposition était adoptée, elle n'aurait pas d'effet rétroactif mais s'appliquerait à chaque renouvellement de contrat -et pour la presse écrite, il suffirait que le mécanisme ne soit pas appliqué de façon trop brutale.

Nous n'allons pas aussi loin que le premier amendement à la Constitution des États-Unis, grâce auquel des affaires comme le Watergate ont fait la une des journaux. Mais dépassons au moins les voeux pieux, les demi-mesures et l'hypocrisie des états généraux de la presse ! Ne revenons pas en arrière comme l'a fait la dernière réforme de l'audiovisuel public ! Passons aux actes : garantissons le pluralisme et l'indépendance des rédactions malgré les concentrations en cours ; généralisons l'accès à la « mémoire publique » en abrogeant les récentes dispositions élargissant le champ, déjà trop vaste, du secret défense ; protégeons réellement le secret des sources, bafoué par le projet de loi en cours relatif à la protection du secret des sources des journalistes ; créons un statut européen de société de médias à but non lucratif, avec exonération de TVA à la clé. Voilà la réforme ambitieuse, mais indispensable à la vitalité de notre démocratie, que nous vous proposons. Chateaubriand disait qu'à comprimer la presse, on risque l'explosion et qu'il vaut mieux se résoudre à vivre avec elle. J'ajouterai : à vivre avec des médias libres, pluralistes et indépendants ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est très important.

M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.  - Je perçois dans votre ton de la sincérité mais aussi cette amertume que l'on a lorsque l'on est dans l'opposition...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Non ! De l'enthousiasme, des convictions.

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Etre dans l'opposition nous arrive à tous un jour et alors, nous n'apprécions pas toujours ce qui est dit dans la presse. Vous évoquez Bob Woodward et Carl Bernstein : je mentionnerai Jacques Derogy, le journaliste de l'Express qui a retrouvé Klaus Barbie. Ces journalistes et d'autres sont des hommes libres, qui, indépendamment des groupes de presse, font un travail exemplaire.

Nous partageons donc votre objectif. Mais pas les modalités pratiques que vous proposez. Pour vous, seuls peuvent être indépendants les médias très éloignés de l'argent public et de la commande publique, qui vous inspirent une grande suspicion. Il n'y aurait pas d'objectivité possible lorsque la puissance publique s'occupe de médias. Vous voulez rompre un lien que vous jugez pervers.

Ce n'est pas mon avis. Et encore récemment, début 2009, tout le travail du Sénat a consisté à renforcer le service public audiovisuel. Pour vous, plus il y a de fonds publics, moins il y a de liberté. Radio France ou France Télévisions démontrent chaque jour le contraire ! Pour vous, seuls les groupes privés indépendants de la commande publique pourraient fonder des médias libres.

M. David Assouline.  - Comment font les Anglo-saxons ?

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Une chaîne de télévision exige beaucoup de moyens. Les nouveaux entrants de la TNT ne sont pas encore à l'équilibre ! Et la crise économique a eu des répercussions lourdes parmi les médias.

Par éliminations successives, vous aboutissez à un système réducteur, tout aussi pervers : seuls subsisteraient les groupes de la grande distribution...

M. David Assouline.  - Non !

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Tous les pouvoirs aux mains des annonceurs, en somme ?

M. David Assouline.  - Comment cela se passe-t-il en Grande-Bretagne ?

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Êtes-vous si opposés au pluralisme pour ainsi raréfier l'offre ?

Toute notre politique vise à offrir le choix le plus large possible : la télévision numérique terrestre mise en place pour beaucoup grâce au Sénat, le satellite, internet.

Nous avons bien compris que vous visiez principalement TF1, mais ce n'est pas la seule chaîne de télévision et on ne va pas lui reprocher d'avoir tant d'audience. « Dès lors qu'on a du succès, ce n'est pas normal, c'est la preuve de je ne sais quelle perversité ! » Drôle de manière de considérer la culture !

Nous sommes défavorables à cette proposition de loi car nous jugeons possible de concilier la société des écrans avec les principes républicains. Ce n'est pas facile car cette société doit aussi être moderne. A la différence de vous, nous voulons indépendance, critique, diversité, créativité, profondeur et pluralité, dans une société fondée sur le respect et la confiance. Respect et confiance dont vous ne témoignez guère à l'endroit de ceux qui animent l'audiovisuel.

Nous ne sommes pas naïfs, ni dupes. Nous voyons bien les écueils. Le premier, c'est l'idée, que vous exprimez admirablement, selon laquelle la doctrine peut tout. Plus on s'enferme dans l'idée que la logique doctrinaire permet de maîtriser les choses, plus on réduit la liberté. On a vu au XXe siècle à quelles extrémités menait cette logique chère à M. Assouline.

M. David Assouline.  - Le fascisme ?

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Le deuxième écueil, c'est l'idée que l'argent peut tout, le capitalisme débridé, les écrans sous l'unique emprise du marché. Nous n'en voulons pas non plus. C'est pourquoi nous avons beaucoup oeuvré pour que France Télévisions soit plus indépendante, tant financièrement que dans son fonctionnement.

Nous devons encourager le foisonnement de la pensée, la diversité culturelle ; faire en sorte que des regards libres et éclairés puissent s'exprimer. Cette société du respect, nous y travaillons par l'équilibre des marques et par la régulation, c'est-à-dire par le CSA dont nous avons étendu les pouvoirs, qui attribue les fréquences et garantit le pluralisme.

Vous faites très peu de cas de nos concitoyens, face à qui vous faites montre d'une défiance absolue. Les Français seraient des gogos, sans libre arbitre ni sens critique, qui avaleraient tout sans discernement. C'est un peu fort de café. Je rencontre tous les jours des Français qui critiquent la télévision, le pouvoir -et l'opposition, ne vous en déplaise.

Vous vous livrez à la caricature en décrivant un Président de la République dont l'esprit soufflerait dans les médias. Ce n'est pas mon sentiment. Nos concitoyens ne sont ni dupes ni stupides ; ils ont droit à votre respect. Sans doute faut-il accentuer la formation aux médias.

M. David Assouline. - C'est moi qui ai fait le rapport là-dessus ! Vous allez me donner des leçons sur cela aussi ?

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Vous décrivez des journalistes corsetés, dénués de tout jugement critique. Ceux que je vois sont indépendants et méritent le respect.

M. David Assouline.  - Venez y voir de près !

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - C'est que vous fréquentez des aigris, des gens qui ont peur. Je le regrette pour vous.

Avec les nouvelles technologies, le temps des médias et de la société des écrans est compacté. Ne cédons pas à la tyrannie de l'instantané, faisons en sorte que le recul critique, la distance, la réflexion soient de règle. C'est affaire de formation des journalistes, de leur professionnalisme. Nous devons respecter leurs valeurs professionnelles ; ils ont besoin de notre confiance en leurs valeurs.

Vous vous défiez des citoyens téléspectateurs. Ceux-ci votent tous les jours pour dire s'ils ont apprécié ou non une émission. Faites-leur confiance quand ils « zappent » comme vous leur faites confiance quand ils votent.

M. David Assouline.  - Il n'y a aucun problème !

M. Michel Thiollière, rapporteur.  - Faisons confiance à la diversité contre ceux qui veulent la réduire. Il faut des médias indépendants et nombreux. Nous les aidons. Il faut une bonne formation des professionnels et aussi des plus jeunes. Nous agissons en ce sens, dans les garanties qu'apporte la vigilance républicaine, dans la transparence et la confrontation.

Télévision numérique terrestre, couverture du territoire, France Télévisions, Radio France, Arte, radio numérique, presse diverse -voilà notre action pour une offre élargie dans la confiance, la régulation et le respect. Votre question était noble et louable, vous lui apportez une réponse réductrice. A la société de défiance et de raréfaction de l'offre que vous appelez de vos voeux, nous opposons une société de confiance et de pluralité ! (Applaudissements à droite)

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.  - Chacun connaît la fable de La Fontaine, « L'Ours et l'amateur des jardins » : un vieil homme solitaire se lie d'amitié avec un ours ; pour chasser une mouche du visage de son ami, ce dernier lance un pavé, et « casse la tête à l'homme en écrasant la mouche ». Je crains que les grands amis de la presse et de la liberté ne lui préparent un véritable pavé de l'ours avec cette proposition de loi...

Sur les principes, nous sommes d'accord. La nécessité de sauvegarder le pluralisme des courants de pensée et d'opinion est une condition de notre démocratie et un objectif de valeur constitutionnelle.

Les lois relatives à la presse et à la liberté de communication, qui limitent la concentration des médias et assurent leur indépendance, sont largement issues de décisions du Conseil constitutionnel. Vous proposez de compléter ces règles, savamment construites, en interdisant à tout acteur privé qui entretient des relations économiques avec la puissance publique de bénéficier d'une nouvelle autorisation de diffusion hertzienne ou terrestre, ou d'acquérir une publication imprimée d'information politique et générale.

Je suis en total désaccord avec cette proposition pour des raisons techniques, économiques, et surtout éthiques. Ce pavé dans la mare que vous croyez jeter au Gouvernement est à mon sens un pavé de l'ours jeté à la presse et à la liberté d'expression.

Techniquement, la collecte d'informations nécessiterait des investigations approfondies. Pour l'audiovisuel, cela alourdirait la tâche du CSA ; pour la presse écrite, qui se chargerait de ces lourdes recherches ? La proposition de loi est muette... Idem pour le contrôle du respect du dispositif : si le CSA peut s'en charger pour l'audiovisuel, faudra-t-il pour la presse recourir au juge pénal ? Là encore, aucune précision... Vous n'évoquez que la presse écrite imprimée sur support papier : quid du support numérique, pourtant en pleine expansion ?

Je ne partage pas l'idée selon laquelle les liens financiers entre actionnaires et collectivités publiques porteraient atteinte à l'indépendance des médias. Les télévisions locales sont-elles dépendantes des collectivités locales qui participent à leur financement ? La procédure traditionnelle a fait ses preuves : c'est au CSA d'adopter les garanties qui s'imposent dans le cadre des conventions conclues avec les chaînes.

Pourquoi refuser à une télévision ce que vous admettriez pour la radio avec les aides du Fonds de soutien à l'expression radiophonique ?

M. David Assouline.  - Rien à voir !

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - Les associations seraient-elles toutes indépendantes à vos yeux ? Voulez-vous mettre fin au groupement d'intérêt public France Télé Numérique, au motif que ses membres pourraient bénéficier des campagnes d'information qu'il diffuse ? Ce serait absurde.

M. David Assouline.  - Il ne s'agit pas de groupes privés !

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - La presse perçoit des aides directes et indirectes de l'État destinées à lui permettre de répondre aux nécessités économiques et préserver son indépendance et son pluralisme.

En admettant que l'indépendance des médias soit menacée, votre proposition de loi ne réglerait les difficultés qu'à très long terme : au regard des exigences du Conseil constitutionnel, elle ne pourrait porter que sur les opérations à venir. Votre pavé n'atteindra donc pas les destinataires visés !

Les grandes entreprises vivent nécessairement pour partie de commandes publiques. Méritent-elles pour autant un procès en sorcellerie ? Elles doivent obéir à des règles de transparence et de libre concurrence qui sauvegardent l'équilibre général.

Dans cette affaire, comme pour Hadopi ou l'affaire Google-BNF, notre maître-mot est régulation, manière d'être à l'écoute de la société et de son dynamisme économique et culturel. Les outils de régulation propres à chaque type de média permettent de veiller au respect de leur indépendance. L'article 19 de la loi du 30 septembre 1986 définit les pouvoirs CSA, chargé de garantir le pluralisme de l'expression des courants d'opinion et l'indépendance des éditeurs à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier quand ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public. Cela vaut également pour les chaînes du câble et du satellite.

La loi du 1er août 1986 soumet la presse à des règles de transparence qui seront prochainement renforcées, comme l'a demandé le Président de la République à l'issue des états généraux de la presse. La plupart des entreprises de presse sont dotées de chartes internes de déontologie garantissant l'indépendance de la rédaction à l'égard des actionnaires. Les travaux du comité des sages piloté par Bruno Frappat ont abouti à l'élaboration d'un projet de code de déontologie, qui rappelle que l'indépendance des journalistes est une condition essentielle d'une information libre, honnête et pluraliste. Aux partenaires sociaux du secteur de lui réserver les suites appropriées.

Les entreprises doivent s'appuyer sur des actionnaires solides, et bénéficier de souplesse et de sécurité juridique dans leurs opérations capitalistiques. Nous avons besoin d'entreprises de médias économiquement fortes dans un marché mondial très concurrentiel. Les groupes français sont sous-dimensionnés face aux géants News Corp, NBC Universal, Time Warner ou Google. Ils doivent être confortés sur le marché national pour conquérir d'autres marchés. Si l' « on a souvent besoin d'un plus petit que soi », malheureusement, « la raison du plus fort est toujours la meilleure » !

Avec des mesures aussi contraignantes que celles que vous proposez, aucune entreprise française de médias ne pourra financer son développement grâce aux fonds d'actionnaires industriels : elles se trouveront marginalisées au niveau mondial.

M. David Assouline.  - Comment fait M6 ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - Votre texte aurait l'effet contraire de celui que vous prétendez rechercher. Il ferait le lit de l'opacité et nous ramènerait à l'ère du soupçon de l'influence politique. Il s'agirait d'une démagogie mal dissimulée.

M. David Assouline.  - Et en Grande-Bretagne ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - Qui pourrait alors investir dans les médias ? Murdoch ? Les collectivités territoriales ? L'État ? Rêvez-vous d'un retour à un paysage audiovisuel nationalisé ? Vous prétendez défendre la démocratie, mais vous ne feriez que porter atteinte à la liberté. Ce texte liberticide nous renverrait vingt-cinq ans en arrière, avant les radios libres, avant la première chaîne à péage, avant les chaînes privées gratuites : à l'heure de la TNT, vous nous renvoyez à l'ORTF ! (Exclamations à gauche, marques d'approbation à droite)

Le Gouvernement auquel j'appartiens est celui qui a garanti l'avenir de la télévision publique en la libérant de la course de l'audimat et de la recherche convulsive des recettes publicitaires, et qui a consolidé la production et la création audiovisuelles patrimoniales en renforçant les obligations de financement incombant aux chaînes, créées par Mme Tasca. C'est aussi cette majorité qui a lancé la TNT pour tous et pour chacun, multipliant par trois l'offre de chaînes gratuites.

Enfin, suivant les conclusions des états généraux de la presse écrite voulus par le Président de la République (sarcasmes à gauche)...

M. Jean-Marc Todeschini.  - Ah ! Il l'a enfin cité !

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - ...le Gouvernement a consacré à ce secteur des moyens sans précédent : dans le budget de 2010, les aides à la presse écrite sont en augmentation de 51 %.

Mme Catherine Dumas.  - Très bien !

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - Mais une politique ne se mesure pas seulement à l'aune des moyens consentis ; elle consiste également à mettre en place un cadre juridique et économique approprié. J'envisage par exemple la création d'un statut de l'éditeur de presse en ligne, pour favoriser le développement de ces nouveaux acteurs qui contribuent au pluralisme. Journalistes et éditeurs doivent désormais se conformer à un code de déontologie. J'ai aussi cherché à initier les plus jeunes à la lecture de la presse politique et générale en lançant l'opération « Mon journal offert » destinée aux 18-24 ans. Dans le secteur des médias, nous avons fait le choix de conforter les acteurs par un cadre juridique adapté à leur développement économique.

Votre proposition, au contraire, entraverait leur développement sans renforcer leur indépendance. La première garantie de l'indépendance des médias, c'est un bilan sain et des résultats positifs. Votre texte est idéologique et anachronique. Regardez le monde autour de vous ! Nous vivons dans un univers numérique mondialisé ! Ce qui menace les médias, ce ne sont pas les actionnaires ni je ne sais quel grand patronat ressuscité pour l'occasion par une opposition en mal de programme, c'est le piratage et la dévaluation de notre économie de l'information par les adeptes abusés d'une gratuité foncièrement marchande !

M. David Assouline.  - Réactionnaire !

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - La politique que j'entends mener vise à préserver la valeur les biens culturels produits par la France, qu'il s'agisse de musique, de cinéma, d'audiovisuel ou de livres. Il en va de même des expressions et des opinions que transmettent nos médias.

Je suis donc défavorable à cette proposition de loi qui affaiblirait des entreprises qui contribuent à la vitalité démocratique et à la diversité culturelle. Vous tonnez, monsieur Assouline, contre la société du spectacle, mais vous y participez vous-mêmes : le dépôt de ce texte n'est qu'une opération de communication, destinée à insinuer le soupçon et à discréditer le Gouvernement. (Mme Catherine Dumas approuve) Ce n'est pas le Gouvernement que son adoption mettrait en danger, mais l'économie des médias français et leur place dans la mondialisation. (Applaudissements à droite et au banc des commissions ; Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également)

M. Ivan Renar.  - Jamais depuis Gutenberg l'humanité n'avait connu une mutation aussi spectaculaire que l'avènement d'internet. Ce profond bouleversement conduit les médias à se transformer, dans un monde où le flux incessant de l'information et des images n'en finit pas de s'accélérer. Les médias omniprésents dans notre vie sociale et culturelle constituent plus que jamais un enjeu déterminant pour les libertés, le pluralisme et la démocratie. Il est indispensable de réguler les concentrations dans ce secteur stratégique, d'autant plus que celles-ci ne cessent de s'accentuer. Des groupes d'intérêt complètement étrangers au monde de la presse prennent le contrôle de certains médias, réduisant l'information à une simple marchandise au service d'actionnaires.

Il faut renouer avec la lettre et l'esprit du programme du Conseil national de la Résistance, qui avait pris la précaution de libérer l'information de la toute-puissance des monopoles économiques et de la soustraire au primat d'une idéologie unique. C'est d'autant plus nécessaire que la crise structurelle des médias, renforcée par la crise conjoncturelle qui touche l'ensemble de l'économie, conduit à de nouvelles restructurations et concentrations. Il est vital pour la démocratie de prendre des mesures pour remédier à la collusion des pouvoirs médiatiques, économiques et politiques, qui conforte la méfiance de nos concitoyens à l'égard de la presse, des chaînes de télévision et des radios. Il faut établir de nouveaux verrous afin que la pensée unique ne se substitue pas au débat contradictoire et que les intérêts des puissances financières ne l'emportent pas sur l'intérêt général.

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous êtes allés un peu loin ce soir ! Contrairement à ce que vous dites, l'arsenal législatif actuel ne suffit pas à garantir le pluralisme et l'indépendance des médias. On a même assisté à de fâcheuses régressions : je pense à la nomination et à la révocation des présidents de France Télévisions, de Radio France et de l'audiovisuel extérieur par le Président de la République. Les chaînes privées sont dirigées par les amis du Président de la République, la télévision et radio publiques le seront désormais par des responsables choisis par lui ! Nos concitoyens ne veulent pas que le service public, ce bien commun, soit subordonné au pouvoir en place : il ne faut pas confondre télévision publique et télévision d'État. En outre, le remplacement de la ressource publicitaire par des crédits budgétaires aléatoires place la télévision publique dans un état de vassalité financière. Le Gouvernement manque déjà à sa parole puisque les 450 millions d'euros promis pour compenser la suppression de la publicité après 20 heures se réduisent finalement à 415 millions. Alors que France Télévisions est en sous-financement chronique et que la Cour des comptes s'inquiète de sa fragilisation, cette mise sous tutelle économique, politique et éditoriale ne présage-t-elle pas la réduction de son périmètre et la privatisation d'une de ses antennes ?

Les médias dans leur diversité appartiennent à la vie quotidienne et intellectuelle de notre pays. Certains prétendent que nous n'avons rien à redouter de Bouygues, Lagardère, Bolloré ou Dassault, petits groupes au niveau européen, fourmis à l'échelle planétaire. Ce n'est pas une raison pour accepter la connivence malsaine entre ces groupes et les pouvoirs publics. D'ailleurs nous assistons à la montée en puissance de groupes de télécommunication géants et à l'avènement du monopole extravagant de Google. Aucun citoyen éclairé ne peut tolérer l'uniformisation et l'aseptisation de l'information résultant de l'appartenance des médias à une poignée de groupes qui invitent à l'auto-censure pour éviter la censure, trop visible.

Les recettes publicitaires, apport déterminant à l'équilibre financier des médias, sont aujourd'hui vampirisées par internet et les moteurs de recherche, en particuliers Google News, site d'information sans journaliste qui puise gratuitement dans 5 000 sites d'information et ne partage que très marginalement ses gains phénoménaux avec les éditeurs de journaux : on peut vraiment parler de nouveau monopole et d'abus de position dominante. D'où la nécessité de légiférer au niveau national et européen afin d'assurer la pérennité de médias pluriels et indépendants, capables de produire une information fiable plutôt qu'un copier-coller sans vérification ni respect du droit d'auteur. C'est la santé de la démocratie qui est en jeu.

Je salue au passage le dynamisme des nombreuses radios associatives, aujourd'hui mises en danger par le passage au numérique sans que le Gouvernement ait rien prévu pour les aider, ce qui laisse présager un terrible retour en arrière.

La concentration des médias se renforce, au détriment des petites entreprises indépendantes qui n'ont guère les moyens d'investir pour se moderniser. C'est notamment le cas de la presse d'information. On assiste à l'émergence de nouveaux empires et à une vague de fusions-acquisitions ; les titres disparaissent les uns après les autres.

Comment ne pas évoquer enfin la situation de l'Agence France Presse ? Son statut, défini par le Parlement, lui assure indépendance et crédibilité, l'agence échappant au contrôle de droit ou de fait d'un groupement idéologique, politique ou économique. Ce statut lui a permis de devenir la troisième agence de presse mondiale. Mais la direction de l'entreprise et le Gouvernement, sous couleur de modernisation, veulent réformer ce statut et ouvrir le capital de l'agence. Pourtant l'existence et l'indépendance de l'AFP, seule agence mondiale non anglo-saxonne, sont d'une importance capitale dans le paysage médiatique planétaire. Alors que la maîtrise des sources d'information est de plus en plus stratégique, quelle chance pour notre pays de disposer de ce remarquable fleuron ! Quelle valeur ajoutée pour nos médias, à l'heure où l'information certifiée précise, rapide fiable se fait de plus en plus rare !

Nous ne pouvons assister sans réagir à la prolifération d'un modèle d'information à bas coût qui condamne le journalisme d'investigation. Pas un jour ne passe sans l'annonce de nouveaux licenciements de journalistes ou de photographes. Au-delà de principes déontologiques exigeants, les journalistes doivent bénéficier de garanties afin d'exercer leur métier en toute liberté. Il devient urgent que la loi consacre enfin l'indépendance des rédactions face aux groupes industriels, tout comme il est urgent que la France se conforme à la législation européenne en assurant la protection des sources des journalistes.

Il faut également former des citoyens éclairés et vigilants. Alors que la culture de l'écran se développe chez les jeunes, l'éducation à l'image et l'appréhension critique de l'information doivent devenir une priorité de l'éducation nationale. Hélas, nous en sommes loin ! Mais le vif succès des abonnements gratuits à la presse quotidienne montre que l'imprimé n'est pas un « vieux média pour vieux ». Je partage l'avis d'Umberto Eco, qui disait au Louvre que la lecture quotidienne du journal est la prière laïque de l'homme moderne.

Nous soutenons donc cette proposition de loi qui vise à promouvoir des médias pluriels, indépendants des forces politiques et économiques, au service de l'intelligence collective et de l'émancipation humaine. Ce soir, nous aurons au moins abordé la question. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - J'ai souhaité prolonger la séance jusqu'à 20 heures par courtoisie envers M. le ministre, que nous avons fait attendre, mais la Conférence des Présidents n'ayant accordé aujourd'hui qu'une plage de quatre heures au groupe socialiste, je me vois dans l'obligation de lever la séance. La suite de l'examen de cette proposition de loi aura lieu à une date ultérieure, fixée par la prochaine Conférence des Présidents.

Monsieur le président de la commission, il faudrait à l'avenir mieux prévoir la durée des discussions. Nous avions quelque peu sous-estimé le temps qu'il nous fallait.

Prochaine séance demain, mercredi 18 novembre 2009, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 heures.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 18 novembre 2009

Séance publique

A 14 HEURES 30 ET LE SOIR

1. Proposition de loi tendant à interdire ou à réglementer le cumul des fonctions et des rémunérations de dirigeant d'une entreprise du secteur public et d'une entreprise du secteur privé, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social Européen (n° 8, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 87, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 88, 2009-2010).

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public (n° 506, 2008-2009).

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 85, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 86, 2009-2010).