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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Certificats d'économie d'énergie

M. Yannick Botrel

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Collecte et traitement des déchets

Mme Mireille Schurch

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Exploitation des forêts en zone classée

M. Gérard Bailly

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Redécoupage des cantons

M. Éric Doligé

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants

Redécoupage des cantons (II)

M. Jean-Claude Carle

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants

Politique agricole européenne en outre-mer

M. Jacques Gillot

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire

Étalement urbain

M. Claude Haut

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire

Concentration dans les médias

Mme Michelle Demessine

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire

Transport fluvial

M. Roland Courteau

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire

Plan Autisme

Mme Valérie Létard

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Indemnités journalières

Mme Catherine Deroche

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Centre hospitalier Nord-Deux-Sèvres

M. Michel Bécot

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Services informatiques

Mme Patricia Schillinger

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Sytadin

Mme Catherine Procaccia

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Boues et pêcheurs

M. Robert Tropeano

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Français retenus au Qatar

M. Dominique Bailly

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger

Calendrier électoral et organes des EPCI

Mme Élisabeth Lamure

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger

Rénovation du commissariat d'Épernay

Mme Françoise Férat

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger

Restructuration de la plate-forme pétrochimique de Carling

M. François Grosdidier

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger

Rythmes scolaires

M. Hervé Maurey

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Anciens combattants

Discussion générale

M. Marcel-Pierre Cléach, auteur de la proposition de loi.

M. Marc Laménie, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants

Mme Leila Aïchi

M. Jean Boyer

Mme Cécile Cukierman

M. Robert Tropeano

M. Raymond Couderc

Mme Colette Giudicelli

M. Alain Néri

M. Charles Revet

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Muguette Dini

M. Alain Néri

Mme Leila Aïchi

M. Claude Domeizel

Mme Cécile Cukierman

Mme Colette Giudicelli

M. Bruno Retailleau

M. Alain Houpert

M. Jean-Jacques Mirassou

ARTICLE 2

M. Jean Boyer

M. Alain Néri

ARTICLE 3

Mme Isabelle Debré

M. Alain Néri

M. Joël Guerriau

Mme Catherine Deroche

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales

Rappel au Règlement

Mme Isabelle Debré

Premiers secours

Discussion générale

M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi

Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

Encadrement des produits phytosanitaires

Discussion générale

M. Joël Labbé, auteur de la proposition de loi

M. Ronan Dantec, rapporteur de la commission du développement durable

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

M. Henri Tandonnet

Mme Évelyne Didier

M. Roland Ries

M. Yvon Collin

Mme Sophie Primas

Mme Marie-Christine Blandin

Mme Nicole Bonnefoy

M. Jacques Cornano

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 2

ARTICLE 3

Interventions sur l'ensemble

M. Joël Labbé, auteur de la proposition de loi

M. Philippe Martin, ministre

Demande de création d'une commission d'enquête

Ordre du jour du mercredi 20 novembre 2013

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 19 novembre 2013

30e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

Secrétaires : M. Jean Boyer, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions orales.

Certificats d'économie d'énergie

M. Yannick Botrel .  - J'attire l'attention de M. le ministre de l'écologie sur les conséquences imprévues des certificats d'économie d'énergie (CEE). Depuis la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, la maîtrise de la demande d'énergie est devenue prioritaire, avec, notamment, la création du dispositif des CEE. Celui-ci impose aux fournisseurs d'énergie dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil, les obligés, un quota d'économie d'énergie à faire réaliser à leurs clients, en ayant envers eux un rôle actif et incitatif dans la réalisation d'opérations. Sur la base d'un référentiel, des travaux éligibles réalisés par les collectivités sur les bâtiments de leur patrimoine permettent de valoriser des économies d'énergies qui peuvent être mesurées et rétribuées.

Les collectivités sont très fréquemment sollicitées par des sociétés ayant des contrats avec les obligés pour leur faire bénéficier de primes. En réalité, il semble s'agir, de manière détournée, de collecter les CEE de la collectivité, qui sont généralement valorisés entre 15 % et 40 % de leur valeur du marché.

Ce défaut d'information et de transparence est préjudiciable aux collectivités, en réduisant de 60 % à 85 % la capacité d'investissement. Seules 10 TW-heure reviennent aux collectivités. Il serait possible d'aller plus loin. Qu'entend faire le Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Certaines collectivités préfèrent ne pas valoriser elles-mêmes leurs CEE. Elles peuvent conclure des partenariats pour ce faire, y compris avec des organismes privés. Le prix moyen est publié sur le site du ministère, les collectivités en ont connaissance.

Tout sera fait pour améliorer le dispositif au cours de la troisième période, à compter de 2015. L'objectif sera aussi plus ambitieux. Toute contribution des collectivités sera évidemment étudiée avec une attention particulière.

M. Yannick Botrel.  - Le renforcement de la régulation s'impose, notamment en ce qui concerne l'information du client. Certaines entreprises réduisent leurs dépenses pour mieux tirer parti des CEE. Au terme de la réflexion qui s'engage, chacun devra s'y retrouver.

Collecte et traitement des déchets

Mme Mireille Schurch .  - Les collectivités du sud-Allier s'inquiètent et attendent une réponse du Gouvernement. En deux ans, la TVA sur la collecte et le traitement des déchets sera passée de 5,5 % à 10 % au 1er janvier 2014 alors que les finances des collectivités sont mises à mal. Il faut enfin reconnaître qu'il s'agit d'un service d'intérêt général et lui appliquer un taux réduit.

En outre, les collectivités supportent l'essentiel du poids de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), alors que les industriels sont épargnés. Bien souvent, les collectivités perçoivent moins de fonds de l'Ademe qu'elles ne paient de TGAP. Elles investissent pourtant pour atteindre les objectifs du Grenelle. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ?

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - La TGAP contribue au financement des investissements en matière de gestion des déchets. L'Ademe y a consacré 750 millions d'euros, et le taux de retour aux collectivités sera de 134 % contre 65 % pour les entreprises, réglementation européenne oblige.

La fiscalité sur les déchets doit faire l'objet d'une approche globale.

J'ai saisi le Comité de la fiscalité écologique, qui a rendu un premier avis le 12 novembre et poursuit sa réflexion avec le Conseil national des déchets. La question sera aussi examinée lors de la conférence sur l'économie circulaire du 16 décembre. Enfin, elle sera incluse dans la remise à plat de toute la fiscalité annoncée ce jour par le Premier ministre.

Mme Mireille Schurch.  - Vu son importance, la fiscalité écologique doit être intégrée à ce grand chantier.

Exploitation des forêts en zone classée

M. Gérard Bailly .  - Quelles difficultés les propriétaires ne rencontrent-ils pas pour exploiter leurs forêts lorsqu'elles se trouvent dans des territoires classés pour la protection des amphibiens, reptiles, insectes, mammifères ou oiseaux... Ce sont dans les départements qui ont de grands espaces que s'appliquent des réglementations, telles que la mise en place d'arrêtés préfectoraux de protection de biotope ou de réserves naturelles, sans que les propriétaires concernés reçoivent beaucoup d'information des services de l'État. Ces mesures peuvent revêtir un caractère confiscatoire et imposent une sur-administration, avec des demandes d'autorisation pour tout et n'importe quoi, parfois même au détriment de la sécurité publique. Les propriétaires auront, en outre, l'obligation de réaliser de coûteuses études d'incidence dans le cadre de Natura 2000, à leur charge ou à la charge des acteurs locaux, pour permettre les activités agricoles, forestières ou les manifestations sportives.

Nul ne conteste l'importance de la biodiversité et du développement durable. N'oublions pas cependant que ces espaces sont le fruit du travail de l'homme. Les mettre sous cloche aura des effets très négatifs.

Un arrêté préfectoral de protection de biotope du 5 juillet 2013 a été publié dans le Jura, concernant 69 sites sur 99 territoires communaux pour une superficie totale de 1 643 hectares.

Dans le massif du Jura, dès novembre, les forêts ne sont souvent plus accessibles. Il y neige déjà... Or l'arrêté interdit les activités sylvicoles et exploitations forestières du 15 février au 15 juin et si le grand tétras y est présent l'interdiction s'étale du 15 décembre au 15 juillet, alors que l'été n'est pas la période la plus propice à l'exploitation forestière. Et je ne dis rien de la police de l'eau...

Toutes ces contraintes compliquent de façon significative l'exploitation forestière de ces territoires. Alors que seuls des contrats de non-gestion forestière sont proposés actuellement, absurdité totale pour tous les sylviculteurs car à l'opposé de l'objectif de dynamisation de la gestion forestière et de toute la filière bois utile à la transition énergétique. Comment les propriétaires dépossédés partiellement de leurs biens seront-ils dédommagés ?

Vous soutenez la filière bois, fort bien. Mais que de contradictions !

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Les arrêtés de protection de biotope font naturellement l'objet de concertation et de consultation.

L'arrêté du 5 juillet n'est pas nouveau. Il actualise un arrêté du 2 juin 1982. Il ne vise que les corniches, les pentes et bas de pentes de certaines falaises calcaires, où nichent le faucon pèlerin et le grand-duc. Nous n'avons reçu qu'une seule réaction d'un forestier.

Cet arrêté n'interdit pas l'exploitation forestière, mais réglemente l'usage du moteur thermique en période de reproduction. Une concertation a eu lieu avec les adeptes du vol libre pour aménager cette activité. Les forestiers de l'ONF, du Centre régional de la propriété forestière et du Syndicat des propriétaires forestiers n'ont pas jugé cela incompatible avec l'exploitation des forêts. Ils ont contribué à adapter le règlement à la réalité des pratiques. Je reste cependant à l'écoute.

M. Gérard Bailly.  - Tout irait bien donc ? Lisez donc les journaux locaux, où il est question de « coup de gueule des forestiers » ! (L'orateur brandit la copie d'un article) Sans tronçonneuse, faudra-t-il couper le bois à la serpe ou à la hache comme dans mon enfance ? Il faudrait que les propriétaires de ces parcelles ne soient pas soumis à la même fiscalité car, sans compensation, le monde rural ne suivra pas, comme ce fut le cas pour Natura 2000.

Redécoupage des cantons

M. Éric Doligé .  - Alors que la crise économique et sociale sévit, on n'a rien trouvé de mieux que de revoir la carte cantonale...

L'article L.3113 du code général des collectivités territoriales prévoit que le conseil général doit se prononcer dans un délai de six semaines à compter de sa saisine par le Gouvernement, au sujet de la nouvelle carte électorale. À l'expiration de ces six semaines, l'avis est réputé rendu.

Pour une mesure aussi fondamentale dans la vie démocratique de la Nation, sans précédent par son ampleur depuis deux siècles, aucune disposition ne prévoit le caractère public de la saisine du conseil général. Il en résulte une grande incertitude quant à l'efficacité de cette saisine dans certains départements. Il est indispensable que soit garanti le caractère public de la saisine des conseils généraux, afin que ceux-ci puissent réellement exercer leurs compétences. Dans le cas contraire, certains conseils généraux pourraient être réputés avoir rendu un avis sur une question dont ils n'auraient pas connu l'existence. Il conviendrait que la lettre de transmission des projets de cartes cantonales, adressée au préfet, comporte des instructions pour que le débat ait lieu obligatoirement en assemblée plénière publique. Pouvez-vous faire le point, monsieur le ministre sur le nombre des saisines déjà effectuées, des avis qui ont été rendus par les assemblées départementales, du sens de ces avis démocratiques et du nombre de décrets de redécoupage transmis au Conseil d'État ? La précipitation et le calcul politicien doivent céder à la réflexion sereine et la clarté publique.

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants .  - Je vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'intérieur. La réforme du mode de scrutin départemental des cantons était indispensable pour assurer la parité et réduire les très importants écarts de population entre cantons : il allait de 1 à 47 dans le Loiret et ne sera plus que de 1 à 5. Le redécoupage, selon les critères du Conseil constitutionnel, répondra à un seul principe : l'égalité des suffrages. Le ministère de l'intérieur y travaille sur la base des données locales.

À ce jour, 46 projets ont été transmis aux départements, 30 ont fait l'objet d'un vote, dont 19 positifs. Le code général des collectivités locales prévoit déjà une délibération publique du conseil général sur le projet du ministère, la saisine étant évidemment publique. Après avis du conseil général, le projet de décret sera transmis au Conseil d'État : 24 textes ont été transmis, 15 ont déjà fait l'objet d'un avis favorable, parfois avec quelques modifications.

Le remodelage de la carte cantonale se fait bien dans le respect du droit et en toute transparence.

M. Éric Doligé.  - Merci de nous avoir rappelé le contenu de la loi... L'important, à ce jour, c'est de savoir où on en est. Donc presque la moitié des départements ont reçu un projet du préfet et 19 ont émis un vote positif, avec modifications. Il serait bon de connaître les avis du Conseil d'État et les réponses apportées aux observations des départements. Pour plus de transparence, il conviendrait de publier régulièrement ces avis.

Redécoupage des cantons (II)

M. Jean-Claude Carle .  - Ma question complètera celle de M. Doligé, puisqu'elle concerne elle aussi la réforme cantonale.

L'augmentation de la superficie de chaque canton, si elle peut se justifier dans certains secteurs, ne va pas sans provoquer des difficultés dans d'autres, particulièrement dans les zones de montagne. Ainsi en va-t-il en Haute-Savoie du nouveau canton d'Évian, qui ira de Publier à Morzine, de Saint-Gingolph aux Gets, associant deux vallées aux rives du Léman, ou du nouveau canton de Saint-Julien-en-Genevois, allant d'Archamps à Seyssel.

En outre, des chefs-lieux de canton perdront leur statut au profit de nouvelles communes avec trois conséquences importantes. La première est liée à l'histoire. Cette évolution, avec souvent un changement de nom et de commune centre, jette un trouble parmi la population. De plus, dans ces régions de montagne contraintes par le relief, plus qu'ailleurs, s'est développé, au fil du temps, un sentiment d'appartenance des habitants à un territoire, qui est remis en cause. Dans mon département, le nouveau canton de Sciez, associant les actuels cantons de Douvaine et Boëge à trois communes issues de celui de Thonon-ouest, aura pour bureau centralisateur la commune de Sciez, et non les actuels chefs-lieux. C'est le cas aussi pour le nouveau canton de Faverges, regroupant les actuels cantons de Faverts, Thônes et sept communes issues des cantons de Bonneville et d'Annecy-le-Vieux. Thônes perd sa fonction de chef-lieu.

À l'heure où l'intercommunalité s'affirme, il ne semble pas judicieux de créer de telles difficultés. Pourquoi ne pas trouver des dénominations plus consensuelles pour ces nouveaux cantons ? Dans le premier cas, l'on pourrait retenir « canton du Bas-Chablais » ; dans le second, « canton Tournette-Aravis », comme l'a proposé le conseil général. Ces appellations correspondent à des réalités géographiques, historiques et humaines.

Le second impact de cette réforme est d'ordre financer. Certaines communes vont perdre le bénéfice de la majoration de la dotation de solidarité rurale (DRS). Ainsi Boëge subira une perte de l'ordre de 33 000 euros. Bogève et Habère-Poche perdront respectivement 46 000 euros et 60 000 euros. Dans le nouveau canton de Sciez, Douvaine sera privée de près de 120 000 euros, et Bons-en-Chablais d'environ 119 000 euros. Quelle compensation est-elle prévue ?

Enfin, cette loi qui supprime mécaniquement un chef-lieu de canton sur deux, affectera les services publics, qui risquent de disparaître aussi. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre ?

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants .  - Les spécificités des zones montagneuses telles le relief, sont déjà prises en compte, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Les bureaux centralisateurs sont situés dans la commune la plus peuplée du canton.

Quant au nom du canton, le conseil général peut faire des propositions, qui peuvent être reprises par le Gouvernement si elles correspondent à l'histoire locale.

La nouvelle carte cantonale n'aura d'incidence sur la DSR qu'à partir de 2017. Sur ce sujet, des annonces pourraient être faites très prochainement.

M. Jean-Claude Carle.  - Merci de ces précisions. La prise en compte du relief concerne douze cantons. La question du nom des cantons est importante parce qu'elle est liée à l'histoire. Sur le plan financier, le Gouvernement prend le temps de la réflexion. Quant aux services publics, le ministre de l'intérieur avait déjà annoncé le recalibrage des casernes de gendarmerie. On peut comprendre les vertus de la mutualisation mais il ne faut pas oublier la proximité.

Politique agricole européenne en outre-mer

M. Jacques Gillot .  - Nous devons nous préoccuper de l'avenir des régions ultrapériphériques (RUP) dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC). Le traité de Lisbonne, dans son article 349, reconnaît la spécificité des RUP dans l'Union européenne et justifie des mesures dérogatoires au marché unique. Depuis 2008, la Commission européenne a changé de paradigme. Au lieu de panser les plaies par des subventions publiques, elle a orienté les fonds européens vers l'innovation et la compétitivité de ces territoires.

La rencontre, au mois de mai 2013, organisée entre des élus européens, nationaux et locaux ultramarins et le commissaire européen M. Dacian Ciolos sur le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei), principal instrument de soutien de l'Europe à l'égard de nos régions, a levé certaines incertitudes sur le devenir des RUP. Le commissaire a précisé qu'il ne s'agissait pas d'intégrer le Posei dans la PAC, mais d'adapter cet instrument, en cohérence avec la réforme de la PAC. Il a confirmé que le budget du Posei ne serait pas touché.

Le nouveau rôle attribué aux gouvernements nationaux dans la mise en oeuvre du cadre agricole européen pose la question de la capacité d'adaptation de l'agriculture ultramarine au principe de verdissement encouragé par la réforme.

De même, l'orientation écologique souhaitée par la Commission soulève le problème, délicat, dans les Antilles françaises, du problème phytosanitaire du chlordécone et de l'épandage aérien.

Si l'orientation d'un tiers des aides directes vers l'encouragement de bonnes pratiques environnementales est louable, elle implique un renforcement des normes pour l'agriculteur et le pêcheur antillais, déjà confronté à des distorsions de concurrences avec ses voisins régionaux.

Quelles solutions propose M. le ministre de l'agriculture pour résoudre ces contradictions écologiques et économiques ?

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire .  - Veuillez excuser M. Le Foll, retenu à l'Assemblée nationale. Le Posei est à nos yeux un outil efficace au service de l'agriculture des DOM. Afin de promouvoir une agriculture durable dans les outre-mer, nous sommes favorables à un dispositif optionnel. Nous avons alerté la Commission européenne sur les contraintes que subissent les agriculteurs ultramarins.

Des études sont menées pour remplacer l'épandage aérien. Dans le cadre du plan Ecophyto des études sont menées pour un traitement terrestre des bananeraies. Le Cirad conduit des recherches visant à sélectionner des variétés de bananiers génétiquement résistantes aux champignons.

La persistance du chlordécone pose de vrais problèmes agricoles, économiques et même sociaux dans toutes les Antilles. Un premier plan de 33 millions d'euros a permis d'avancer. Le deuxième plan vise à approfondir les connaissances, à consolider la surveillance, à poursuivre la réduction de l'exposition de la population, et à gérer les sites contaminés.

Nous travaillons à un troisième plan pour 2014.

M. Jacques Gillot.  - Il faut que ces informations soient portées à la connaissance de la population.

Étalement urbain

M. Claude Haut .  - Ma question, adressée à M. le ministre de l'écologie, est très technique. L'article L. 122-2 du code de l'urbanisme combat l'étalement urbain dans la périphérie des agglomérations de plus de 50 000 habitants, en limitant l'ouverture à l'urbanisation des zones naturelles dans les communes situées à la périphérie desdites agglomérations.

Cet article a été modifié par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (ENE), dans les termes suivants : « Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, le plan local d'urbanisme ne peut être modifié ou révisé en vue d'ouvrir à l'urbanisation une zone à urbaniser délimitée après le 1er juillet 2002 ou une zone naturelle. Jusqu'au 31 décembre 2012, le premier alinéa s'applique dans les communes situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer ou à moins de quinze kilomètres de la périphérie d'une agglomération de plus de 50 000 habitants, au sens du recensement général de la population. À compter du 1er janvier 2013 et jusqu'au 31 décembre 2016, il s'applique dans les communes situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer ou à moins de quinze kilomètres de la périphérie d'une agglomération de plus de 15 000 habitants ».

Cette modification généralise le principe de constructibilité limitée à toutes les communes selon un calendrier progressif : jusqu'au 31 décembre 2012, il ne s'applique qu'aux communes situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer, ou de la périphérie d'une agglomération de 5 000 habitants.

La même loi édictait, dans son article 19, des dispositions transitoires applicables aux plans locaux d'urbanisme en cours d'élaboration. Toutefois, les dispositions antérieurement applicables continuent de s'appliquer lorsqu'un plan local d'urbanisme (PLU) est en cours d'élaboration ou de révision et que le projet de plan a été arrêté par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou le conseil municipal avant la date prévue au premier alinéa.

Dans son ancienne rédaction, le principe de constructibilité limitée de l'article L. 122-2 et l'interdiction d'ouverture à l'urbanisation d'une zone naturelle, s'appliquait aux seules communes situées à la périphérie des agglomérations de 50 000 habitants, afin d'éviter l'étalement urbain :

« Dans les communes qui sont situées à moins de quinze kilomètres de la périphérie d'une agglomération de plus de 50 000 habitants au sens du recensement général de la population, (...) et qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, le plan local d'urbanisme ne peut être modifié ou révisé en vue d'ouvrir à l'urbanisation ou une zone à urbaniser délimitée après le 1er juillet 2002 ».

La commune de Saumane-de-Vaucluse, incluse dans le périmètre de l'agglomération d'Avignon, établi par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), se fondant sur les critères de continuité du bâti applicables, a opté pour les mesures transitoires prévues à la loi « ENE » et approuvé son plan local d'urbanisme arrêté avant la date prévue au premier alinéa dudit article.

Le Gouvernement peut-il me préciser si la règle des quinze kilomètres fixée par l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme s'applique aux communes incluses dans le périmètre des agglomérations de 50 000 habitants qui ont opté pour les mesures transitoires ?

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire .  - Une fois le PLU approuvé ou révisé selon les dispositions antérieures, il est soumis aux autres dispositions du code de l'urbanisme modifié. L'article L. 122-2 doit donc être appliqué dans sa nouvelle rédaction.

La commune de Saumane est déjà soumise à cet article, avant même l'entrée en vigueur de la loi ENE. Il s'agit bien d'inciter les communes à adopter un Scot.

Une dérogation est possible afin d'éviter qu'une seule commune ne prenne des décisions ayant des incidences sur toute l'agglomération.

M. Claude Haut.  - Merci de cette précision, relative à une possible dérogation, que je transmettrai à la commune.

Concentration dans les médias

Mme Michelle Demessine .  - Malgré les lois anti-concentration de 1984 et 1986, la quasi-totalité des titres de la presse française sont dans la main de quelques groupes industriels et financiers. Cette tendance se renforce. Ce qui nuit à l'indépendance et au pluralisme de la presse, indispensables à la démocratie. À cela s'ajoute la concurrence des médias en ligne. Notre législation est obsolète. Pourquoi ne pas fixer un seuil de concentration maximale - en audience ou en capital -, afin de limiter le nombre de titres entre les mêmes mains ?

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire .  - Je veux dire d'abord le soutien total du Gouvernement au journal attaqué hier. C'est la démocratie elle-même qui est agressée. Je veux dire aussi notre attachement viscéral au pluralisme de la presse.

La loi interdit de détenir plus de 30 % des titres d'un même secteur. Aucun groupe n'approche de ce seuil, même dans la presse quotidienne régionale. Le groupe le plus important, Ebra (Est-Bourgogne-Rhône Alpes), n'atteint que 18,5 %.

Ne fragilisons pas des journaux gravement touchés par la crise. Si les concentrations doivent être limitées, elles ne doivent pas être exclues, car elles peuvent assurer la survie de certaines publications en aidant à répartir les charges. Il faut trouver un équilibre.

Le Gouvernement veillera au respect du pluralisme et au soutien constant à la presse quotidienne nationale et régionale d'information

Transport fluvial

M. Roland Courteau .  - Je regrette que le rapport du comité Mobilité 21 ne comprenne aucun projet de transport fluvial de marchandises. La route reste étrangement privilégiée avec des investissements de plusieurs dizaines de milliards d'euros par an. Le transport fluvial ne bénéficie que de 0,9 % de ces sommes.

Comment relancer le fret fluvial à l'occasion du débat sur la transition énergétique ? Notre pays, qui bénéficie d'un réseau très développé, n'exploite pas suffisamment cet atout.

Le réseau à petit gabarit est délaissé, alors qu'il pourrait, grâce à une politique volontariste, accueillir de nouveaux trafics. Ainsi le canal des Deux-Mers n'accueille-t-il plus de transport de marchandises, alors qu'il existe un fort potentiel sur le canal de Garonne et des possibilités sur le canal du Midi. Une péniche transporte 24 fois plus de fret qu'un poids lourd.

M. Robert Tropeano.  - Eh oui !

M. Roland Courteau.  - M. le ministre des transports doit diligenter une étude pour relancer le transport fluvial, en rentabilisant les énormes investissements faits dans le passé. Un canal sans transport est un canal mort. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard et M. Robert Tropeano.  - Très bien !

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire .  - Frédéric Cuvillier ne peut vous répondre parce qu'il accompagne le président de la République en Israël. Le Gouvernement attache une grande importance au transport fluvial. Toutefois, le gabarit du canal des Deux-Mers est limité. Le transport fluvial ne peut donc pas virtuellement concurrencer le transport routier. Les travaux requis ne seraient pas compatibles avec le classement de ce canal au patrimoine mondial. Cela dit, ce canal a une vocation touristique, il peut accueillir une navigation de loisir. D'où le partenariat engagé pour restaurer le canal des Deux-Mers, améliorer l'accueil des usagers et préserver le patrimoine. Une instance de coordination a été créée. Nous nous réjouissons que la région Languedoc-Roussillon prévoie d'intégrer cette charte.

Le Gouvernement souhaite accompagner le développement que les territoires construisent ensemble.

M. Roland Courteau.  - Je persiste à voir dans ce canal un vecteur de développement. Les trois quarts des 400 000 tonnes de céréales qui transitent par la région circulent par la route jusqu'à Port-la-Nouvelle, alors que ce port est embranché fluvial ! Il ne s'agit pas que de tourisme.

La séance, suspendue à 10 h 40, reprend à 10 h 45.

Plan Autisme

Mme Valérie Létard .  - Quelle est la place des centres de ressources autisme (CRA) dans le troisième plan Autisme ? Leur rattachement à des établissements spécialisés ne leur garantit pas les moyens nécessaires à leur autonomie.

Dans mon rapport, j'avais proposé de favoriser les accords de coopération entre CRA proches sur une ou plusieurs missions, une évaluation externe, le choix d'un statut juridique propre à garantir leur indépendance, une plus grande mutualisation de leurs moyens et compétences.

Le troisième plan porte cette même logique d'harmonisation. Mais le monde associatif est inquiet. L'absence d'évaluation priori des CRA fait craindre que l'hétérogénéité des pratiques ne perdure. Les travaux préparatoires au décret peuvent donner le sentiment que des choix sont faits sans consulter les familles. Le seront-elles avant la publication du décret ? Quels moyens budgétaires supplémentaires seront-ils fléchés vers le diagnostic de l'autisme ? Plus il est précoce, comme chacun le sait, meilleure sera la prise en charge. Il est question de créer des comités d'usagers ; quels seront leur rôle et leur composition ? Les CRA sont la cheville ouvrière de la formation des professionnels et des aidants familiaux. Comment ce dispositif montera-t-il en puissance ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Merci pour votre question. Je sais que vous connaissez très bien les problèmes du handicap et de l'autisme en particulier.

Dans le cadre du diagnostic précoce, de l'accompagnement tout au long de la vie et du soutien aux familles, qui forment les deuxième et troisième axes du plan, les CRA seront renforcés. Les familles seront associées à leur fonctionnement au sein d'un comité d'usagers. La formation des aidants avec l'Ancra débutera prochainement. Les recommandations de la HAS seront mieux diffusées.

Un décret inscrira dans la règlementation les missions des CRA, jusqu'ici visés par une circulaire ; leur légitimité en sera renforcée. Il consacrera l'entrée des familles dans leur gouvernance, afin qu'ils rendent de meilleurs services. Il sera publié en 2014 après une concertation qui est indispensable.

Un groupement de coopération des CRA verra le jour au premier semestre 2014, qui mènera des actions à l'échelle nationale - site internet, centralisation des travaux de recherche et mutualisation des ressources documentaires, démarche qualité afin d'harmoniser les pratiques... Les crédits sont préservés. Madame la sénatrice, je reste à votre disposition pour suivre avec vous la mise en place de ce dispositif.

M. Roland Courteau.  - Très bien.

Mme Valérie Létard.  - Merci, madame la ministre. Les CRA sont la pierre angulaire de la prise en charge, des nouvelles pratiques, de la coordination entre tous les acteurs concernés. Sanctuarisons et fléchons les financements, pour être sûrs qu'ils suivent sur le terrain. C'est indispensable.

Indemnités journalières

Mme Catherine Deroche .  - Les conditions d'accès aux indemnités journalières sont inadaptées à l'évolution du marché du travail, et discriminantes pour les salariés travaillant moins d'un mi-temps.

L'article R. 313-3 du code de la sécurité sociale conditionne le versement des indemnités journalières en cas d'incapacité temporaire pour maladie, soit à une durée minimum d'activité professionnelle sur une période de référence précédant l'arrêt, soit à une cotisation sur un salaire minimum au cours de cette même période. Pour un arrêt inférieur à six mois, la durée minimum de travail salarié est de 200 heures, effectuée au cours des trois derniers mois. Pour un arrêt supérieur à six mois, la durée minimum de travail salarié est de 800 heures effectuées sur l'année précédente dont au moins 200 heures au cours du premier trimestre. Ces deux conditions excluent une partie des salariés, notamment ceux travaillant à temps partiel. Les salariés dont la durée du travail est inférieure à un mi-temps sont exclus des droits pour lesquels ils cotisent.

La Ligue contre le cancer chiffre à 15 000 le nombre de personnes atteintes du cancer concernées par cette discrimination ; 13 000 femmes travaillent ainsi à temps partiel, inférieur à un mi-temps. Ces salariés se retrouvent sans aucun revenu, ce qui aggrave une situation déjà rendue précaire par la maladie. Les personnes atteintes d'un cancer n'ont, souvent, pas d'autre alternative que de s'arrêter professionnellement pour suivre des traitements longs.

Elles doivent de plus supporter des dépenses de santé non remboursées.

L'accord du 11 janvier ne résout pas le problème : s'il fixe en principe un temps partiel minimal de 24 heures par semaine, des dérogations seront possibles. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour qu'un revenu de remplacement puisse être accordé en contrepartie des cotisations versées par ces salariés ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Je vous prie d'excuser Mme Touraine. Le principe d'une durée minimale de travail pour ouvrir des droits n'est pas illégitime. Des évolutions ont déjà eu lieu pour les salariés précaires ou travaillant à temps très partiel - saisonniers, salariés qui travaillent de manière discontinue ou bénéficiaires du Cesu. Et en cas de changement de régime d'affiliation, les périodes travaillées dans les régimes précédents sont prises en compte.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a amélioré les droits des chômeurs non indemnisés qui reprennent un emploi.

Cependant, on estime à 3 % la part de la population salariée ne remplissant pas les conditions cumulatives requises, en particulier pour un arrêt de longue durée. Un décret ne conservant plus que la condition des 800 heures est en préparation et sera applicable dès 2014. Un rapport a été demandé par l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 pour éclairer le Parlement, plus que nous ne pouvons le faire ce matin, sur ce sujet sensible.

Mme Catherine Deroche.  - Merci. J'espère que des adaptations prendront forme rapidement.

Centre hospitalier Nord-Deux-Sèvres

M. Michel Bécot .  - L'ensemble des acteurs du Nord-Deux-Sèvres en charge du projet de restructuration du centre hospitalier Nord-Deux-Sèvres s'attendait, le 16 juillet 2013, à ce qu'enfin l'État donne son feu vert à cette opération initiée en 1996, à la suite de la fusion des trois hôpitaux de Bressuire, Partenay et Thouars.

Or la décision a une nouvelle fois été repoussée, un complément d'information et de nouvelles expertises ayant été demandés. L'inquiétude dans le Nord-Deux-Sèvres est grande et cette absence de décision est difficilement compréhensible par les élus et les citoyens.

Madame la ministre, oui ou non les habitants du Nord-Deux-Sèvres peuvent-ils continuer à espérer voir ce projet aboutir fin décembre 2013 ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Dès sa prise de fonctions, la ministre des affaires sociales et de la santé a pris connaissance de l'état d'avancement de ce projet particulièrement attendu par la population et soutenu par les élus. Elle a installé en décembre 2012 le Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins (Copermo), qui a déclaré le projet éligible en avril 2013 et fait plusieurs recommandations. L'établissement et l'ARS travaillent à finaliser ce dossier, afin de garantir que le projet médical soit conforme aux référentiels les plus exigeants. La ministre des affaires sociales et de la santé est confiante sur leur capacité de répondre à ces attentes, afin que le Copermo décide à une date proche, que je ne puis toutefois préciser ici.

M. Michel Bécot.  - Il faut faire sortir ce projet, qui est dans les cartons depuis 1996.

Services informatiques

Mme Patricia Schillinger .  - Les entreprises de services informatiques et de conseil en technologie subissent des redressements conséquents par les Urssaf. De nombreux salariés de ces entreprises opèrent chez leurs clients, pour des périodes variables. Les redressements sur la prise en charge de leurs repas et frais de transport se fondent sur le motif que le lieu de travail habituel de ces derniers serait l'entreprise cliente et non les locaux de leur employeur, contrairement aux stipulations écrites dans leur contrat de travail. Quel est le fondement juridique de la requalification opérée par les Urssaf de la situation de travail de ces salariés ? Sans remettre en cause l'autonomie de contrôle des inspecteurs, pour quelles raisons les entreprises concernées ne se voient pas appliquer une règle unique unifiant la pratique de ces inspections ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - L'employeur peut verser à ses salariés des indemnités dites de « grand déplacement » lorsque la distance entre le domicile et le lieu de travail est supérieure à 50 km ou que le temps de transport aller-retour dépasse une heure trente. Sinon, les indemnités dites de « petit déplacement » doivent être versées pour les seuls frais de repas. Pour les consultants et salariés envoyés en mission dans une entreprise cliente, une circulaire du 19 août 2005 précise que les frais de restauration qui leur sont versés sont considérés comme des frais professionnels et exclus de l'assiette des cotisations sociales dans la limite, pour 2013, de 17,70 euros par repas. En revanche, si la mission excède trois mois, les Urssaf considèrent que le lieu effectif de travail est l'entreprise cliente. Dès lors, les frais de restauration, tenus pour un complément de rémunération, sont réintégrés dans l'assiette des cotisations. Toutefois, des échanges ont lieu avec le secteur pour préciser les conditions d'application de la circulaire.

Mme Patricia Schillinger.  - Merci pour ces précisions. Il faut que l'information passe mieux, car il est difficile aux entreprises de s'y retrouver.

Sytadin

Mme Catherine Procaccia .  - Merci de répondre à cette question qui vous éloigne de votre champ de compétences ministériel et de votre région...

La direction des routes d'Île-de-France (Drif) permet aux usagers du réseau routier d'Île-de-France d'anticiper leurs déplacements et de choisir l'itinéraire le plus adapté grâce au site Internet Sytadin qui offre une information, en temps réel, des conditions de circulation et d'exploitation du réseau routier francilien. À l'origine, ce système a permis une petite révolution dans les transports en Île-de-France. Il a, par la suite, été mis en place dans d'autres grandes villes qui bénéficient, désormais, d'un système encore plus performant.

Le plan interactif du réseau présente, en permanence et depuis des années, des zones grisées qui correspondent aux parties du réseau non-renseignées. Ces zones particulièrement nombreuses, souvent stratégiques, remettent en cause l'intérêt du système. Ces défaillances peuvent résulter de problèmes techniques ou d'actes de vandalisme, mais je ne comprends pas pourquoi des systèmes de navigation gratuits comme Google Maps, ou d'autres, sont, eux, capables de donner des informations plutôt fiables. Ces zones grisées sont nombreuses ce matin, notamment l'A1, vers Roissy-Charles-de-Gaulle, l'A3, la Francilienne... rien de moins !

L'Île-de-France mérite un système qui la couvre dans son intégralité, notamment dans sa partie est. Quand le réseau sera-t-il de nouveau opérationnel ? L'absence de Sytadin sur les réseaux sociaux m'avait étonnée ; Sytadin est désormais sur Twitter avec.... moins de 100 abonnés !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Le site date de 1996. Faire fonctionner un tel système est un défi quotidien, qui requiert la coordination de très nombreux intervenants, 2 500 points de comptage, plus de 6 000 boucles, 30 000 équipements électriques. Certaines zones ne disposent pas encore de matériel de recueil des données. Les pannes sont traitées en temps réel, autant que le permet le trafic routier. Les câbles en cuivre font l'objet de dégradations et de vols de plus en plus importants. Les réparations, dont le coût est considérable, se font le plus vite possible. D'où les zones grises.

Les équipements de bord de route ne sont plus la source unique d'informations. Mais celles de Sytadin sont fiables. Les échanges se poursuivent avec les conseils généraux, la Ville de Paris, les concessionnaires d'autoroutes pour élargir la diffusion des informations et le périmètre routier concerné.

Mme Catherine Procaccia.  - Vous parlez de fiabilité : Sytadin estime fiable à 34 % son estimation du temps de trajet de 22 minutes entre une commune de l'est parisien et l'aéroport de Roissy ! Google Maps prévoit 42 minutes, ce qui paraît plus réaliste.

Cela fait deux, trois ans qu'on argue du vol de câbles. Pourquoi ne pas changer de système, faire appel au satellite ? En attendant, pourquoi ne reprenez-vous pas les informations de Google et d'autres pour couvrir les zones grises ? La Drif doit faire preuve d'imagination pour le bien des habitants de la région parisienne, des entreprises, des usagers des autres régions qui transitent par l'Ile-de-France.

Boues et pêcheurs

M. Robert Tropeano .  - Les boues ont nui cet été à l'activité des petits pêcheurs sur le littoral Languedoc-Roussillon.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

M. Robert Tropeano.  - Le phénomène est persistant qui met en danger les matériels et la capacité de pêche. Une étude de l'Ifremer est en cours pour le comprendre et l'éradiquer.

Les petits métiers ont connu une saison 2013 très difficile, à cause de de la diminution de la ressource de certaines espèces ou du blocage des droits d'accès au thon rouge. Ces professionnels artisanaux représentent 602 unités de pêche de moins de douze mètres sur 718 recensées en 2009 ; ils méritent d'être soutenus et attendent un geste fort du Gouvernement comme de l'Europe. Qu'entend faire le Gouvernement ? Peut-on attendre une contribution européenne ?

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Les petits métiers en Méditerranée, comme la pêcherie d'anguilles et la pêche au thon rouge, retiennent toute l'attention du Gouvernement, d'autant plus vigilant qu'il doit mettre en oeuvre, dans le contexte actuel, une réglementation européenne particulièrement contraignante, votée en 2006, jamais appliquée, avec la collaboration des professionnels. L'expérience des pêcheurs basques ou landais et les comités scientifiques et professionnels locaux pourrait être mise à profit. L'Ifremer de Sète a été saisi de cette question.

Les indemnisations sont très difficiles à évaluer, en l'absence de préjudice précisément évalué. Le comité national des pêches gère une caisse intempéries, qui ne prévoit pas d'indemnisation pour ces boues. La réflexion peut toutefois progresser, à l'initiative de la profession.

M. Robert Tropeano.  - Je suis satisfait de l'attachement du Gouvernement à la concertation avec les pêcheurs artisanaux.

Français retenus au Qatar

M. Dominique Bailly .  - Quatre ressortissants français, MM. Zahir Belounis, Jean-Pierre Marongiu, Nasser Al-Awartany et Stéphane Morello sont retenus au Qatar contre leur gré, sans visa de sortie. Leur avocat estime que ses clients sont victimes d'abus de confiance, d'escroquerie et de chantage en échange d'un visa de sortie.

L'appui d'un sponsor qatari est obligatoire pour s'installer, bénéficier d'un visa d'entrée, puis de sortie de ce pays. M. Morello, après cinq ans d'attente, a dit avoir dû signer des documents contre son gré pour obtenir son visa. MM. Belounis et Marongiu, eux, sont toujours retenus ; ce dernier a entamé une grève de la faim qui commence à nuire gravement à sa santé. Le Gouvernement peut-il faire le point sur leur situation ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Ces quatre personnes sont impliquées dans des litiges privés. Le ministère des affaires étrangères se préoccupe de leur situation, en liaison avec les autorités locales, pour trouver des solutions satisfaisantes pour toutes les parties.

M. Morello est désormais libre de ses mouvement et l'ambassade ayant obtenu un visa de sortie permanent - il a choisi pour l'instant de rester sur place - s'emploie à obtenir un visa de sortie pour M. Belounis ; nous avons bon espoir d'aboutir.

M. Al-Awartany, lui, est impliqué dans un litige entre deux associés d'affaires, chacun ayant porté plainte contre l'autre. La justice est saisie, une médiation est en cours.

M. Marongiu, en revanche, est détenu après une condamnation pénale. Les conventions internationales nous interdisent de nous immiscer dans les affaires pénales qatariennes. Notre consulat a toutefois proposé de lui rendre visite, et l'ambassade a veillé à ce qu'il dispose d'un avocat. Il a obtenu à titre exceptionnel du procureur général du Qatar un avocat commis d'office pour l'affaire des chèques sans provision pour laquelle il n'en disposait pas.

Les campagnes de dénigrement dont font l'objet nos services diplomatiques et consulaires au Qatar sont injustes et infondées. Je veux exprimer une nouvelle fois la confiance du Gouvernement envers ce personnel qui se dévoue au sein de nos services à l'étranger, pour protéger et défendre nos compatriotes lesquels sont tenus, faut-il le préciser, de respecter la législation en vigueur dans les pays dans lesquels ils résident.

M. Dominique Bailly.  - Merci au Gouvernement de se soucier du sort de nos compatriotes, vu la situation des étrangers au Qatar, qui relève de procédures complexes, justifiant une attention soutenue.

Calendrier électoral et organes des EPCI

Mme Élisabeth Lamure .  - Applicable aux EPCI à fiscalité propre créés par fusion, au 1er janvier 2014, l'article 34 de la loi du 17 mai 2013 prévoit que le mandat des délégués des communes au sein des EPCI ayant fusionné est prorogé jusqu'à l'installation de l'organe délibérant de l'EPCI issu de la fusion et résultant des élections de mars prochain. Durant la phase transitoire, la présidence de l'EPCI issu de la fusion est assurée par le président de l'EPCI comptant le plus grand nombre d'habitants.

Le texte ne précise pas si le mandat des autres instances exécutives des EPCI fusionnés est également prorogé, avec les délégations afférentes, ou si le conseil de transition peut dès sa première réunion, élire de nouveaux vice-présidents et un nouveau bureau, et consentir des délégations d'attribution.

Quant aux élus composant l'assemblée transitoire dont le mandat est prorogé, peuvent-ils continuer à bénéficier des indemnités de fonctions qu'ils percevaient avant la fusion ou l'assemblée transitoire doit-elle en délibérer ?

Enfin, l'article limite les pouvoirs du président aux actes d'administration conservatoire et urgente, sans préciser si cette limitation s'applique à l'assemblée transitoire elle-même. Or c'est le président qui est seul compétent pour établir l'ordre du jour et convoquer les membres du conseil communautaire.

Le Gouvernement peut-il m'apporter des précisons sur tous ces points ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Cet article, issu d'un amendement parlementaire, a créé une procédure dérogatoire pour les EPCI à fiscalité propre créés par fusion. La présidence de l'assemblée transitoire est assurée par le président de l'EPCI comptant le plus grand nombre d'habitants. En revanche, aucune disposition ne prévoit le maintien en fonction des membres des bureaux des EPCI fusionnés ; le conseil communautaire devra désigner des vice-présidents qui exerceront leurs fonctions pendant la période transitoire.

Les anciennes indemnités ne peuvent continuer à être versées. L'assemblée transitoire exerce la plénitude des fonctions d'une assemblée communautaire. En revanche, le président voit ses compétences limitées aux actes d'administration conservatoire et urgente.

Mme Élisabeth Lamure.  - Les choses sont moins simples que nous ne le pensions... j'ai bien noté cependant que le conseil pourra voter le budget dans les trois mois de son installation. Je transmettrai ces éléments.

Rénovation du commissariat d'Épernay

Mme Françoise Férat .  - Le commissariat d'Épernay est situé dans une bâtisse vétuste du XIXe siècle, ce qui donne une image peu flatteuse de notre police, malgré les efforts de ses agents. Cela ne peut plus durer. La confidentialité des échanges n'est plus assurée, et les policiers doivent travailler dans des conditions pénibles, voire dangereuses.

Il ne faut plus colmater ou réparer, comme on l'a fait en 2010 et 2012, mais trouver une solution durable. Un partenariat public-privé propose de construire un nouveau bâtiment sur un terrain adjacent appartenant à l'État, afin de ne pas nuire à la continuité du service.

Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Il est incontestable que de nombreux commissariats sont dans un état médiocre, inadaptés, voire vétustes. Le ministre de l'intérieur, attaché aux conditions de travail des policiers et des gendarmes, a décidé de préserver les moyens de fonctionnement opérationnel de la police et de la gendarmerie ; le Premier ministre a même annoncé le dégel d'une enveloppe de 111 millions d'euros de crédits de paiement.

Des travaux de réhabilitation d'urgence du commissariat d'Épernay, ont été réalisés en 2010 pour 110 000 euros. Plusieurs hypothèses de relogement ont été examinées, construction neuve sur le parking adjacent ou sur un terrain appartenant à la ville, extension-réhabilitation du bâtiment existant. Aucun de ces projets n'a abouti à ce jour. On envisage à présent l'extension-réhabilitation du site actuel, pour 6,1 millions d'euros. Ce projet n'a pas pu être inscrit à la programmation triennale 2013-2015, mais soyez assurée que le ministre de l'intérieur a conscience de l'importance de ce dossier pour les habitants et leurs élus comme pour les fonctionnaires.

Mme Françoise Férat.  - Je ne doute pas de l'engagement du ministre de l'intérieur, mais rien n'est fait, malgré les promesses du Gouvernement. Cent dix mille euros de travaux, dans un édifice du XIXe siècle, cela n'a pas de sens. On se contente de colmater les brèches. Pourquoi exclure un partenariat public-privé ? Je ne suis pas du tout rassurée.

Restructuration de la plate-forme pétrochimique de Carling

M. François Grosdidier .  - La restructuration de la plate-forme pétrochimique de Carling constitue un nouveau bouleversement pour l'économie mosellane, malgré les engagements que le groupe Total a pris pour pérenniser l'activité et la spécificité du site. L'agglomération messine voit de plus s'évaporer la compensation des restructurations de défense.

Les 160 millions d'euros d'investissements dans de nouvelles lignes de production et les créations d'emplois directs et indirects annoncées ne compensent pas la fermeture du vapocraqueur, qui a entraîné la suppression de 210 emplois chez Total et de bien d'autres, aujourd'hui non encore évaluées, chez les sous-traitants du groupe.

Le groupe Total a exprimé clairement sa volonté de moderniser et d'adapter le site pétrochimique de Carling. Les pouvoirs publics - État et collectivités territoriales - et les partenaires sociaux devront être associés au suivi des investissements projetés qui engagent l'avenir du bassin d'emploi.

Enfin, il faut s'assurer de l'approvisionnement en propylène et éthylène des sites pétrochimiques, notamment de ceux de Sarralbe, tout en garantissant la sécurité des populations.

À l'évidence, cette situation nouvelle exige des investissements urgents, tant à Carling qu'à Sarralbe, publics et privés. Des discussions sont-elles engagées entre les entreprises concernées, et entre elles et l'État ? Quels engagements le Gouvernement a-t-il reçu de Total ? L'État contribuera-t-il financièrement à la revitalisation du site de Carling-Saint-Avold et à la sécurisation de l'approvisionnement des sites de Sarralbe ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Je vous prie d'excuser M. Montebourg, qui rentre d'un déplacement aux États-Unis.

Total veut faire du site de Carling un centre leader en Europe dans les résines d'hydrocarbures et y renforcera son activité polymères. Le groupe s'est engagé à construire les équipements logistiques nécessaires - rails et pipelines - et mener ce redéploiement industriel sans aucun licenciement. Il compte associer les entreprises locales au démantèlement des infrastructures existantes et favoriser l'implantation de nouvelles entreprises sur le site. Il a créé la plate-forme industrielle Carling-Saint-Avold.

Total a confirmé sa volonté de maintenir un ancrage industriel fort et pérenne en Lorraine. Le Gouvernement sera particulièrement attentif au respect des engagements pris par la société. En investissant 160 millions d'euros d'ici 2016, le projet de Total permettra de restaurer la compétitivité du site lorrain.

M. François Grosdidier.  - Je respecte votre fonction et votre personne, madame la ministre, mais il est choquant que vous soyez appelée à répondre à une question sur l'économie mosellane, une semaine après que nous eûmes célébré le retour de la Lorraine au sein de la France. La semaine dernière, M. Montebourg s'était excusé. N'y avait-il personne pour me répondre à Bercy ?

Vous confirmez les engagements de Total mais vous ne donnez ni chiffres, ni délais. Je n'ai pas l'impression que le Gouvernement ait pris la mesure du problème des sous-traitants. J'aurais également aimé connaître la part respective des investissements publics et privés, car ces derniers ne suffiront pas.

Rythmes scolaires

M. Hervé Maurey .  - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, que je remercie de sa présence.

Plusieurs sondages montrent que plus de la moitié des Français sont opposés à la réforme des rythmes scolaires. Les maires de l'Eure ont exprimé la semaine dernière leur opposition à cette réforme ; la mobilisation a été particulièrement forte devant la préfecture. « Je décide, vous payez ! » : ce principe n'est plus de mise. Le jacobinisme dont vous avez fait preuve, monsieur le ministre, est insupportable, alors que les communes voient leur dotation baisser et qu'elles devront assumer seules ou presque le surcoût - considérable pour des communes aux faibles ressources - de 200 euros par enfant. Vous avez finalement accepté de prolonger en 2014 l'aide de 50 euros votée en 2013, ce que vous m'aviez refusée en juin...

Mais le compte n'y est pas. Comment faire en sorte, dans les petites communes, qui ont peu de moyens et de locaux, que les activités périscolaires ne se résument pas à des heures de garderie, voire de gardiennage ?

Cette réforme n'a pas été réfléchie. Malgré vos engagements, les services déconcentrés de l'État exercent une pression intolérable sur les communes pour qu'elles rendent rapidement leur projet de territoire. Retirez cette réforme, monsieur le ministre. Laissez à votre successeur le soin d'y revenir, après une véritable concertation, puisque vous souhaitez siéger au Parlement européen.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - Merci d'avoir rappelé votre soutien de principe à cette réforme, condition de la réussite des enfants et qui a fait l'objet de concertations et de consultations pendant trois ans, engagées par mon prédécesseur et que j'ai poursuivies auprès des assemblées d'élus et des acteurs concernés.

Vous me reprochez d'agir en jacobin. Les enseignants me font le reproche inverse... Pour la première fois dans l'histoire de la République, j'ai permis aux élus de travailler avec l'éducation nationale pour définir l'organisation du temps des élèves. Pour la première fois encore, un fonds d'État a été créé pour financer les activités périscolaires.

Vos griefs sont donc injustifiés. Cette réforme importante bouscule incontestablement les habitudes et crée une sorte d'obligation morale. Nous y consacrons les moyens nécessaires. Je souhaite que les esprits s'apaisent et que nous agissions tous dans l'intérêt des élèves. Je ne doute pas qu'avec le temps et l'aide de l'État, tout le monde se mettra au service de cette grande cause pour notre jeunesse.

M. Hervé Maurey.  - Merci de votre courtoisie, mais je n'ai pas dit que je soutenais cette réforme ; je ne m'estime pas compétent pour en juger le fond. En revanche, je conteste la méthode. Considérons cette année comme un temps d'expérimentation et tirons-en ensuite toutes les conséquences pour l'année scolaire 2014-2015. Nous avons tous à y gagner. Pourquoi refuser d'entendre les maires et les familles ? Vous préférez aller au Congrès des maires jeudi, quand il n'y aura plus grand-monde pour vous houspiller. En faisant l'autruche, le Gouvernement va au-devant de graves difficultés. Il devrait faire preuve de davantage d'écoute. Vous appelez les élus à respecter la loi. Respectez donc les élus !

La séance est suspendue à midi dix.

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

La séance reprend à 14h 30.

Anciens combattants

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l'armée française totalisant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1er juillet 1964 ou en opérations extérieures.

Discussion générale

M. Marcel-Pierre Cléach, auteur de la proposition de loi.   - Je suis heureux que ce texte vienne en discussion dans le cadre de la niche parlementaire UMP. Cela marque l'importance que le Sénat accorde à la reconnaissance des sacrifices consentis par les générations du feu successives. Créée par la loi du 19 décembre 1926, la carte du combattant fut attribuée aux combattants de la Seconde Guerre mondiale, puis aux combattants d'Indochine et de Corée, puis à ceux d'Afrique du Nord. Elle a été élargie aux Opex en 1993.

Elle donne droit à la retraite du combattant, à partir de 65 ans, au bénéfice d'une demi-part supplémentaire sur l'impôt sur le revenu à partir de 75 ans, à l'attribution du Titre de reconnaissance de la Nation (TRN), à une rente mutualiste majorée par l'État, au port de la croix du combattant, à la possibilité de voir son cercueil recouvert du drapeau tricolore.

Chaque année, lors du débat budgétaire, ressurgit la question de l'équité de traitement entre toutes les générations du feu. Quoique le montant de la retraite du combattant soit modique, à 668,64 euros par an, en élargir l'attribution aurait un coût important pour l'État.

Cette proposition de loi élargit cependant les conditions d'attribution de cette carte aux anciens combattants ayant stationné en Algérie entre le 1er juillet 1962 et le 1er juillet 1964, ainsi qu'à tous les combattants engagés en Opex.

Pour les anciens combattants d'Algérie, la « carte à cheval » qui profiterait à quelque 8 000 personnes serait inscrite dans le budget 2014. C'est un pas important, monsieur le ministre. Reste un contentieux important pour la période 1962-1964, pour laquelle des titres de reconnaissance de la Nation sont accordés. Je propose d'attribuer la carte du combattant aux anciens d'Algérie présents au moins quatre mois en Algérie avant le 1er juillet 1964, date de départ des soldats français. Le cessez-le-feu du 2 juillet 1962 n'a pas, loin de là, mis fin aux violences. Plus de 500 soldats ont été tués durant ces deux années, lors d?opérations dites de maintien de la paix. Peut-on parler de fin de guerre, alors que des militaires tués en Algérie dans cette période ont été reconnus « morts pour la France » ? Il convient de prendre en compte l'ensemble de la période pour l'attribution de la carte du combattant.

La date du 2 juillet 1962 comme date de la fin de la guerre n'est qu'une réalité de papier. D'ailleurs, la même date est retenue pour les combattants du Maroc et de Tunisie, alors que ces deux pays étaient indépendants depuis 1956. Retenir la date du 1er juillet 1964, en balayant les arguties juridiques, c'est rétablir l'équité, la justice, la vérité historique.

Quant aux soldats ayant participé aux Opex, quelles qu'elles soient, il convient de les mettre sur un pied d'égalité avec ceux qui les ont précédés. Les conditions sont encore restrictives. Certains soldats ayant participé à huit Opex n'ont pu obtenir la carte du combattant. Quant aux soldats détachés, ils ne peuvent recevoir la carte qu'à titre individuel, en cas de citation pour blessure ou sur décision du ministre. C'est méconnaître le fonctionnement actuel de nos armées, où beaucoup de soldats sont détachés dans d'autres unités françaises ou étrangères. La qualification « d'unité combattante » n'est d'ailleurs pas attribuée de la même manière dans toutes les armes.

Je rends hommage à tous les militaires tués en Opex, dont 88 en Afghanistan, ce qui en fait le théâtre le plus meurtrier depuis la guerre d'Algérie. L'unification des conditions d'attribution de la carte rétablit l'égalité de traitement entre toutes les générations du feu.

Le coût financier sera étalé dans le temps puisque les militaires ayant participé aux Opex sont encore loin de l'âge de la retraite. Il devrait donc rester faible. En 2012, 54 000 cartes ont été attribuées, donnant lieu au versement de 30 000 retraites du combattant. Cette mesure n'aura donc guère d'impact immédiat sur nos finances publiques. Le solde devrait être favorable. La disparition des générations anciennes devrait permettre des économies. Il serait normal qu'elles aillent à la quatrième génération du feu.

Cinquante ans après la fin de la guerre d'Algérie, la France s'honorerait à traiter équitablement nos concitoyens qui ont combattu pour elle.

M. Charles Revet.  - Tout à fait !

M. Marcel-Pierre Cléach, auteur de la proposition de loi.  - Il serait incompréhensible à leurs yeux, qu'à l'heure où le Gouvernement dépense allègrement et supprime le jour de carence des fonctionnaires, on ne rende pas justice à tant de soldats qui se sont engagés pour défendre nos valeurs dans le monde. Il y va de notre mémoire.

M. Masseret avait déposé en 2008 une proposition de loi analogue pour le groupe socialiste. Avez-vous changé depuis l'élection de M. Hollande ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Marc Laménie, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - À l'aube d'un cycle commémoratif sans précédent, qui mettra à l'honneur la première génération du feu, cette proposition de loi nous rappelle que la reconnaissance de la Nation envers les lointains héritiers des Poilus n'est pas pleine et entière.

Après celle de la Seconde Guerre mondiale, la troisième génération du feu, celle de l'Afrique du Nord, concerne toutes les familles de France. Depuis lors, les Opex constituent la principale forme d'intervention de l'armée française à l'extérieur de notre territoire. Au Mali, au Liban, en Afghanistan, des milliers de soldats français sont déployés. Ils constituent la quatrième génération du feu.

La carte du combattant, créée en 1926 à l'initiative d'André Maginot et Paul Painlevé, est créatrice de droits pour ses titulaires. Le plus important d'entre eux est le versement de la retraite du combattant, instituée par Auguste Champetier de Ribes en 1930, alors qu'il occupait le portefeuille des pensions.

Elle donne droit aussi à une rente mutualiste majorée par l'État. Elle ouvre l'accès aux prestations d'aide sociale de l'Office national des anciens combattants (Onac), qui « veille sur les intérêts moraux et matériels des anciens combattants ». Le cercueil du titulaire de la carte peut être recouvert du drapeau tricolore. La demande d'attribution de la carte est instruite par l'Onac, après des recherches du Service historique de la Défense, avant la délivrance par la commission nationale.

Les critères ne sont plus adaptés. Les deux premiers conflits mondiaux ont connu des situations de combats classiques, avec des lignes de front clairement identifiées. Ce n'est plus le cas ensuite. C'est pourquoi il a fallu attendre 1974 pour que les soldats ayant participé aux opérations d'Afrique du Nord entre 1952 et 1962 puissent recevoir la carte du combattant. Ce n'est que par l'adoption de la loi du 18 octobre 1999 qu'a été reconnu aux opérations en Algérie le caractère de guerre. Auparavant, prévalaient des critères qui ont suscité bien des difficultés, des inégalités de traitement. Le Service historique de la Défense s'appuie sur les Journaux de marche et d'opérations, souvent lacunaires, voire manquants, qui correspondent rarement à ce que les soldats vécurent sur le terrain. La loi de finances pour 2004 avait retenu une durée de présence en Afrique du Nord de quatre mois, ce qui a marqué une simplification attendue et indispensable.

Au 1er juillet 1962, 305 000 hommes se trouvent encore en Algérie et ils sont encore 50 000 en janvier 1964, avant l'ultime retrait au 1er juillet 1964. Des troupes françaises restèrent encore après cette date, mais dans un cadre qui ne relève pas de la présente proposition de loi.

Le titre de reconnaissance de la nation n'ouvre pas les mêmes droits et ne revêt pas la même portée symbolique que la carte. L'article premier de la proposition de loi étend jusqu'au 2 juillet 1964 la période de calcul des 120 jours de présence rendant éligible à la carte du combattant. Si la « carte à cheval », destinée à ceux qui sont arrivés en Algérie avant le 2 juillet 1964, satisfait une partie des attentes légitimes du monde combattant, elle ne répond pas à toutes.

Pour les Opex, les critères retenus sont les mêmes, sauf les quatre mois de présence. Les conditions d'attribution de la carte étaient inadaptées à de nombreuses missions, très dangereuses, remplies dans le cadre de ces opérations. Le nombre de cartes de combattant attribuées à ce titre a fortement augmenté. Elles seront plus de 11 000 en 2013. Je salue l'action volontariste du Gouvernement, qui a qualifié d'unités combattantes toutes les unités de l'armée de terre engagées au Mali et en Afghanistan. Des inégalités de traitement entre Opex et entre les trois armées demeurent toutefois. Le problème est le même que celui qui existait pour la guerre d'Algérie avant 2004.

Tous les membres du groupe socialiste du Sénat avaient cosigné le 17 avril 2008 la proposition de notre ancien collègue Jean-Pierre Masseret...

M. Philippe Bas.  - Excellent !

M. Marc Laménie, rapporteur.  - ... identique à l'article premier du présent texte. Il faut poursuivre le mouvement engagé en faveur de celles et ceux qui ont participé aux Opex, génération du feu distincte des précédentes par sa sociologie et ses objectifs. Est-elle moins digne de la reconnaissance de la Nation ? Évidemment non. La construction du monument de la place Vauban doit être poursuivie.

Comme le disait André Morice à cette tribune en 1968, le seul point commun qui les rassemble, ce sont les souffrances qu'ils ont vécues. Il avait alors fallu attendre six ans de plus pour que la carte du combattant fût étendue aux soldats d'Algérie. Ne répétons pas les erreurs du passé !

En commission des affaires sociales, un long débat, passionné, passionnel s'est engagé. Chaque groupe politique a pu y faire valoir son point de vue. L'attachement au devoir de mémoire nous a réunis. Je rends hommage ici aux associations, aux porte-drapeaux. Les témoignages qui se sont exprimés ont souligné la diversité des points de vue, les divergences aussi, notamment sur l'article premier.

Les plaies de la guerre d'Algérie ne sont pas encore cicatrisées. En revanche, les mesures concernant les Opex ont recueilli un large assentiment. Je regrette qu'à l'issue de cet échange de vues la commission n'ait pas adopté cette proposition de loi. Notre discussion portera donc sur le texte originel de celle-ci. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants .  - Vous savez l'attachement que je porte comme vous tous à la reconnaissance, à l'accompagnement qui sont dus, au-delà des clivages partisans, à tous ceux qui ont combattu pour la France. François Hollande a fait des anciens combattants un ministère à part entière.

M. Robert Tropeano.  - Très bien.

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Cette proposition de loi me donne à nouveau l'occasion de m'exprimer. Vous savez l'attention particulière que je porte à cette question. Ce texte concerne deux générations du feu. Toutes les générations s'inscrivent dans la continuité du même engagement pour la France.

Quel sens aurait la date du 2 juillet 1962 si l'on vous suivait ?

Mme Gisèle Printz.  - Eh oui !

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Le titre de reconnaissance de la nation est attribué à tous ceux qui justifient de leur présence jusqu'en juillet 1964. Cela n'a rien de symbolique, puisqu'en découlent l'accès aux prestations sociales de l'Onac et le droit à la rente mutualiste.

Attribuer la carte du combattant sans distinction à tous les militaires présents en Algérie jusqu'en 1964 créerait une confusion généralisée ; il serait de bon ton d'être cohérent. Il est vrai que des militaires français trouvèrent la mort en Algérie après le 2 juillet 1962, en raison de l'insécurité qui y régnait, la plupart immédiatement après cette date. La « carte à cheval » sur le 2 juillet 1962, répond, en ce sens, à l'attente des anciens combattants, tout en conservant la référence à la date de l'indépendance. L'engagement que j'ai pris il y a un an a été tenu et 8 400 personnes sont concernées, à partir du 1er janvier 2014, pour un coût de 5,4 millions d'euros. Le coût de l'élargissement que vous proposez s'élèverait à quelque 34 millions d'euros. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable au premier volet de ce texte.

Quant à l'extension à toutes les Opex du critère de quatre mois de présence pour l'attribution de la carte du combattant, elle procède d'une réflexion légitime. Le décret et l'arrêté de 2010 ont largement revu la définition de l'unité combattante, pour chacune des trois armes, avec des critères adaptés aux combattants contemporains. L'arrêté du 30 octobre dernier prend en compte les opérations Atalante de décembre 2008 à décembre 2013, de l'opération Trident au Kosovo entre janvier 2012 et décembre 2013, de l'opération Daman au Liban jusqu'en août 2014, de l'opération Harmattan, de l'opération Épervier au Tchad entre janvier 2010 et décembre 2013. Un article 34 intégré à la loi de programmation militaire simplifie encore les procédures.

Ces débats peuvent sembler techniques, mais il en résulte l'augmentation exponentielle du nombre de cartes de combattants au titre des Opex, plus de 13 000 en 2013. En 2014, nous atteindrons les 20 000 cartes attribuées, en y incluant les anciens d'Algérie. Derrière chacune de ces cartes se profile un combattant.

Et derrière chacune de ces cartes, il y a un soldat qui s'est engagé hier et qui est reconnu aujourd'hui, qui sera l'ancien combattant de demain et qui portera les valeurs du monde combattant comme le font déjà ses aînés. Ils sont la relève.

Ce n'est pas par hasard que les unités engagées en Afghanistan et au Rwanda ont été reconnues comme combattantes par l'arrêté du 20 septembre. Ce n'est pas par hasard qu'en 2011 et 2012, 90 % des 34 000 militaires projetés en Opex ont obtenu la carte du combattant. Ce n'est pas par hasard qu'un million d'euros a été dégagé pour financer les prothèses de dernière génération. Ce n'est pas par hasard si ce ministère a fait de la prise en charge du syndrome post-traumatique une priorité. Ce n'est pas par hasard que la construction du monument Opex à Paris a été dotée d'un budget, que nous avons commémoré l'attentat du Drakkar à Beyrouth.

Ce travail est pour nous une priorité. Il n'est donc pas vrai que les critères ne correspondent plus aux réalités de nos armées.

Les investigations peuvent être fastidieuses, elles n'en sont pas moins menées à bien.

L'application d'un critère uniforme de quatre mois est une piste sérieuse, que j'ai commencé à examiner ; il faudra cependant étudier son impact budgétaire. Pour l'heure, j'y suis défavorable, mais je m'engage à étudier la question d'ici le projet de loi de finances pour 2015. Je m'associe à l'hommage que vous avez rendu à nos soldats ; c'est pourquoi je souhaite que nous puissions y travailler ensemble, en toute transparence. (Applaudissements à gauche ; Mme Muguette Dini applaudit aussi)

Mme Leila Aïchi .  - La prochaine commémoration de la Grande Guerre donne une résonnance particulière à nos débats, puisque c'est à sa suite que fut créée la carte du combattant. Adaptée depuis, elle symbolise toujours la reconnaissance de la Nation envers ceux qui ont combattu pour elle.

Cette proposition de loi élargit l'attribution de la carte aux soldats demeurés en Algérie après juillet 1962, et à tous les combattants des Opex. Le premier point a fait débat au sein du groupe écologiste. Pourquoi cette discrimination entre les soldats ayant combattu en Algérie avant et après 1962 ? Il en était encore 50 000 en janvier 1964.

M. Charles Revet.  - C'est vrai.

Mme Leila Aïchi.  - Quant aux Opex, elles sont dangereuses et les soldats qui y combattent méritent notre entière reconnaissance. Le Gouvernement s'est récemment rallié au critère de 120 jours, nous nous en félicitons.

Écologiste et humaniste, je suis attachée à l'égalité. Nous devons tous rendre hommage à nos soldats de toutes les générations du feu. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UMP)

C'est pourquoi je m'interroge sur l'inertie des gouvernements précédents, sous lesquels le traitement des dossiers a pris beaucoup de retard. (Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales le confirme)

L'article premier coûterait 39 millions d'euros. Doit-on arguer des contraintes budgétaires pour refuser à nos soldats la reconnaissance qui leur est due ? Sensible, cependant, aux impératifs financiers, nous souhaitons une réforme à budget constant. La carte à cheval est un premier pas mais il ne faut pas s'arrêter là.

Quid des soldats de la Finul, engagés sous mandat de l'ONU dans le 85e détachement de soutien logistique en 1982 et 1983 ? De ceux des anciennes colonies, longtemps honteusement discriminés ?

L'égalité de traitement entre tous les anciens combattants fait partie intégrante du devoir de mémoire. (Applaudissements sur quelques bancs UMP)

M. Jean Boyer .  - Je fais partie de ceux qui, à partir du 1er novembre 1954, ont traversé la Grande Bleue pour faire respecter la volonté de la France sur le sol algérien. Nous sommes partis sans hésitation ni murmures.

Attentats, embuscades, morts des deux côtés... Au fil des jours, l'insécurité grandissait, le sang coulait. La France avait engagé un combat dont il était difficile de voir la fin.

En 1958, le pays était enlisé dans ce drame - il fallait être visionnaire pour trouver une issue. L'Algérie devait choisir son destin, par l'autodétermination. Facile à dire aujourd'hui. Ce ne l'était pas, croyez-moi, à l'époque.

Le 13 mai 1958, près d'un poste radio RC9 , j'ai appris que la France avait fait appel à l'Homme du 18-juin. Charles de Gaulle a entamé l'oeuvre de pacification. Déjà, des milliers de soldats français et algériens avaient perdu la vie.

L'armée française a obéi, c'était son devoir.

Le drame de la mort n'a pas de date. C'est au printemps et à l'été 1962 que le nombre de morts a pris des proportions considérables.

Dans les avis de décès des journaux locaux combien de noms sous lesquels s'inscrivent les mots : « Ancien d'Algérie » ! Nous avons vu tant de paupières se fermer... Certains de nos soldats, cependant, heureusement, sont encore en vie.

Dans la vie, il y a les choix du coeur et les choix de la raison. Puisqu'il faut conclure, monsieur le ministre, je vous dirai qu'une grande partie du groupe UDI, après le débat de ce matin, où j'étais le seul à être allé là-bas, s'abstiendra, certains voterons pour.

J'ai vu la mort, j'ai vu le sang couler, j'ai tenu dans mes bras un caporal mourant, qui appelait sa fiancée Huguette et sa mère Marie. Ne brisons pas notre unité. Ne remettons pas en cause la fraternité de nos soldats, pour des raisons comptables. Je suis pour l'unité dans la fraternité. (Applaudissements au centre et à droite)

présidence de M. Didier Guillaume,vice-président

Mme Cécile Cukierman .  - La transformation du 11 novembre en journée dédiée au souvenir de tous les anciens combattants a été contestée. Nous y avions vu un risque de confusion, d'aseptisation de l'histoire qui risque d'interdire de comprendre le passé et d'envisager lucidement l'avenir.

Cette proposition de loi n'est pas sans lien avec ce débat. Elle répond aux attentes exprimées depuis des années par les anciens combattants. Toutefois, elle pose des problèmes de principe et de mise en oeuvre. Elle est d'ailleurs largement satisfaite. La « carte à cheval » pourra être attribuée aux soldats demeurés en Algérie après 1962 : c'était une promesse de longue date (M. Roland Courteau renchérit), nous nous félicitons qu'elle soit honorée.

Veillons cependant à ne pas récrire l'Histoire. En Algérie, le cessez-le-feu date du 19 mars 1962, et le Sénat a voté une proposition de loi reconnaissant cette date.

M. Roland Courteau.  - Eh oui.

Mme Cécile Cukierman.  - Il n'y eut pas ensuite d'opérations militaires, mais des représailles contre les harkis, ou le massacre des Français à Oran, mentionné dans l'exposé des motifs, qui reprend, consciemment ou pas, le reproche fait à l'armée française de ne pas s'être interposée.

J'en viens aux Opex. Les soldats de la Finul relevaient directement de l'ONU. Faudrait-il revoir rétrospectivement le statut de toutes nos interventions armées à l'étranger ? Le Gouvernement semble disposé à traiter équitablement cette question.

Nous ne voterons donc pas cette proposition de loi, non pour des raisons budgétaires, mais par principe, à cause de la vision de l'histoire qui la sous-tend. (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. Alain Néri et Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, applaudissent aussi)

Mme Gisèle Printz.  - Au lendemain du 11 novembre, toutes nos pensées vont encore à nos anciens combattants, grâce à qui notre République est restée ce qu'elle est.

Évitons les oppositions factices à l'heure où nos soldats sont encore engagés à l'étranger. Nous partageons tous l'objectif d'exprimer la reconnaissance de la Nation à ceux qui ont combattu pour elle.

Pour les soldats d'Afrique du Nord, le critère de participation au feu a été remplacé par celui de présence en zone de combat, pour tenir compte des spécificités de la guérilla. Les soldats présents après juillet 1962 bénéficient du TRN. Ce n'est pas parce que leur tâche restait dangereuse qu'elle était identique.

Cette proposition de loi mettrait à bas le code des pensions. Elle dévaluerait l'expression de la reconnaissance de la Nation. En outre, elle nierait l'indépendance de l'Algérie dès 1962.

Le seul élargissement envisageable c'est la « carte à cheval », prévue par le projet de loi de finances pour 2014.

Quant aux Opex, cette proposition de loi prévoit ce qui n'est rien d'autre qu'une régression, en portant de trois à quatre mois la durée de présence. Elle affaiblit le lien entre la carte du combattant et les motifs qui ont conduit à sa création.

Nous ne voterons donc pas cette proposition de loi, mais attendrons vos propositions, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Robert Tropeano .  - Aux termes du code des pensions militaires, la République s'incline devant ceux qui ont combattu pour son salut et devant leur famille. C'est le fondement même de la carte du combattant.

Le législateur a progressivement reconnu quatre générations du feu. La première fut celle des tranchées, de Verdun et du Chemin des Dames ; ils ont tous disparu, mais nous leur devons une mémoire éternelle. La « Der des Der » ne fut, hélas, pas la dernière. L'attribution de la carte du combattant fut ensuite élargie aux combattants de la Deuxième Guerre mondiale.

Le processus fut plus long pour les soldats d'Algérie. Il fallut attendre 1999 pour que l'on reconnût dans les « événements d'Algérie » une guerre. Les combats, les massacres de la Toussaint rouge et d'Oran, la tragédie des Harkis et le retour des rapatriés ont donné à ce conflit une dimension passionnelle. En 1974, enfin, la carte du combattant fut étendue aux soldats d'Algérie. Depuis 2004, quatre mois de présence en Algérie suffisent. Faut-il aller plus loin ? Une proposition de loi socialiste poursuivait naguère les mêmes objectifs que le présent texte.

M. Charles Revet.  - Il est bien de le rappeler.

M. Robert Tropeano.  - Attention à ne pas affaiblir la signification de la carte du combattant. La « carte à cheval » était nécessaire, et nous remercions le ministre d'en avoir pris l'initiative. En revanche, la guerre d'Algérie, cette « guerre sans nom » selon un célèbre cinéaste, ne doit pas devenir une guerre sans fin. Nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Raymond Couderc .  - La même proposition de loi a été rejetée par l'Assemblée nationale en février dernier. Il existe cependant une disparité de traitement entre nos anciens combattants. La carte du combattant donne droit à divers avantages très importants, que M. le rapporteur a rappelés.

À l'origine, la condition était d'avoir appartenu à une unité reconnue combattante au moins 90 jours. Les critères furent ensuite adaptés à l'évolution des conflits. Ces critères très limitatifs excluent de nombreux militaires. C'est méconnaître le climat d'insécurité qui régnait en Algérie entre 1962 et 1964. C'est méconnaître aussi l'engagement des soldats de la Finul.

Puisque l'égalité est si chère au président de la République, pourquoi maintenir ces critères inadaptés ? L'abandon des anciens combattants, c'est maintenant ! (Vives protestations à gauche)

M. Alain Néri.  - Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Raymond Couderc.  - Je m'indigne, monsieur le ministre, de la diminution du complément de retraite mutualiste des anciens combattants décidée par votre Gouvernement. Pour la première fois depuis 1923, l'aide de l'État à ses anciens combattants diminue. Comme l'a dit à l'Assemblée nationale Marc Laffineur : c'est une infraction au devoir de mémoire. (Applaudissements)

M. Alain Néri.  - Qu'a-t-il fait pour eux ? On ne s'en souvient pas !

Mme Colette Giudicelli .  - Les accords d'Évian prévoyaient le départ des soldats français avant 24 mois. Ils étaient toujours 50 000 en janvier 1964. Plus de 500 morts sont à recenser entre 1962 et 1964 - dont 150 en 1963 et 1964. Ils ne sont donc pas tous morts immédiatement après le cessez-le-feu. Le cessez-le-feu de 1962 n'en fut pas un. Vous n'ignorez pas les violences qu'ont subies les harkis et tous ceux qui portaient l'uniforme français.

La « carte à cheval » ne nous satisfait pas : elle ne correspond pas aux réalités historiques, et elle créera une nouvelle inégalité. Si l'on reconnaît que les armes ne se sont pas tues après Évian, alors la République doit faire cet effort.

Quant aux Opex, elles méritent aussi d'être prises en compte. Les journaux de marche leur sont inadaptés. Pourquoi ne pas simplifier les choses, en autorisant l'attribution de la carte du combattant à tous ceux qui ont combattu quatre mois dans une zone définie par décret ? Je suis favorable à un critère de quatre mois pour tout le monde.

Le Gouvernement a diminué de 20 % la majoration de rente mutualiste. C'est inacceptable. La Nation doit exprimer sa reconnaissance à ceux qui ont risqué leur vie pour nous tous. (Applaudissements à droite)

M. Alain Néri .  - Nous abordons une période de commémoration des Première et Seconde Guerres mondiales. Chacun reconnaît, avec Clemenceau, que les anciens combattants ont des droits sur nous. Pour la troisième génération du feu, il fallut longtemps aux gouvernements et au Parlement pour lui attribuer la carte du combattant.

Il a fallu attendre 37 ans après le cessez-le-feu pour qu'une proposition de loi du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, dont j'étais le signataire, fasse reconnaitre en 1999 qu'en Algérie, il ne s'agissait pas de « pacification », de « maintien de l'ordre », d'« événements », mais bien de guerre !

Mme Catherine Procaccia.  - C'est du recyclé !

M. Bruno Retailleau.  - Et Mitterrand ?

M. Alain Néri.  - C'est le gouvernement Jospin qui se chargea de sa mise en oeuvre. Les critères furent modifiés. Jusque-là, c'étaient ceux de la Deuxième Guerre mondiale - ce qui n'était pas sans poser problème pour le front italien. En Algérie, les unités combattantes d'appelés, n'étaient pas reconnues comme telles, contrairement aux unités de gendarmerie.

C'est pourquoi les parlementaires socialistes ont fait évoluer les critères. Ce furent dix-huit mois au départ et progressivement les quatre mois sont devenus la règle. Quatre mois à cheval, avant et après le 2 juillet 1962, vous l'aviez promis, monsieur le ministre, et vous le faites : merci. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Faut-il aller plus loin ? C'est oublier l'histoire de France ! Il y eut le 19 mars 1962 un cessez-le-feu en Algérie. Ce cessez-le-feu a été conforté par le vote des Français le 8 avril 1962 par un référendum reconnaissant l'autodétermination et l'indépendance du peuple algérien. (Mme Colette Guidicelli s'exclame) Le général de Gaulle a proclamé l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962.

Monsieur Cléach, votre proposition de loi part d'un bon sentiment mais rompt totalement avec l'histoire. (M. Alain Gournac proteste) La loi le dit : la guerre d'Algérie a pris fin le 2 juillet 1962. Monsieur Cléach, faudra-t-il rétroactivement déclarer la guerre à l'Algérie entre 1962 et 1964 ? (Mme Cécile Cukierman s'amuse)

Plusieurs voix à droite.  - Cela vous fait rire ?

M. Alain Néri.  - Notre diplomatie aurait sans doute quelques difficultés avec l'Algérie et à l'ONU ! Monsieur Cléach, nous ne pouvons accepter pas votre proposition de loi. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs CRC, socialistes ; Mme Muguette Dini applaudit aussi)

M. Charles Revet .  - Merci à M. Cléach d'avoir déposé cette proposition de loi que j'ai cosignée. Je faisais moi aussi partie de ceux qui ont passé près de deux ans en Algérie. Nous sommes tous d'accord pour renforcer la coopération avec l'Algérie. Mais peut-on oublier tous ceux qui ont servi, ont été blessés, sont morts dans ce pays entre 1962 et 1964, en remplissant la mission à eux confiée par le gouvernement de l'époque ? Ce ne serait que justice de leur accorder la même reconnaissance qu'à leurs camarades présents en Algérie avant 1962.

Nos soldats sont au Mali, au Liban, en Afghanistan, ailleurs demain ; il serait juste et équitable qu'ils bénéficient aussi de la carte du combattant. Le Gouvernement, dit-on, veut amputer votre budget ; le confirmez-vous, monsieur le ministre ? C'est la reconnaissance de la France envers ceux qui ont servi la patrie qui est en jeu.

En adoptant cette proposition de loi, nous devrions marquer la volonté du Parlement et du Gouvernement de traiter sur un pied d'égalité tous les jeunes qui ont accompli les missions confiées par les gouvernements successifs.

Où que nous soyons, sur ces bancs, nous rencontrons des anciens combattants. Que dirons-nous à celui qui a été incorporé après le 2 juillet 1962 ? Quel statut pour ceux qui sont restés jusqu'en 1964 ? Que leur répondre ?

M. Michel Vergoz.  - Évian !

M. Charles Revet.  - Vous croyez ? « Tu as été blessé, tu as servi la France et... rien ». Il serait normal à l'égard du monde combattant, d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP ; M. Marc Laménie, rapporteur, applaudit aussi)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.  - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous examinons le texte de la proposition de loi.

ARTICLE PREMIER

Mme Muguette Dini .  - Monsieur Cléach, votre texte me trouble, car il mélange plusieurs choses.

Monsieur le ministre, vous avez pris en compte la demande ancienne des anciens combattants sur la « carte à cheval ». J'étais présente en Algérie de 1961 à 1965 pour y accompagner mon mari, qui a été libéré en novembre 1963. Je sais qu'il y eut encore des morts, oui ; mais quand je suis revenue en Algérie en septembre 1962, après l'été, le pays était totalement pacifié. J'ai passé ces années dans un pays indépendant, où nous circulions et vivions normalement. Nos soldats n'étaient pas sur le pied de guerre. Leur donner la carte du combattant, c'est presque faire injure à ceux qui ont réellement fait la guerre d'Algérie.

Mme Catherine Procaccia.  - C'était le Club Med !

Mme Muguette Dini.  - Les parents qui ont vu leur fils partir début juillet 1963 ne partageaient pas l'angoisse de ceux dont les fils partaient au combat avant juillet 1962. Vraiment, je ne trouve pas cela juste. Le texte portant aussi sur les Opex, la majorité de mon groupe s'abstiendra. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Alain Néri .  - Le groupe socialiste votera contre cet article premier, nous avons expliqué pourquoi. Pour les dispositions concernant les Opex, nous faisons confiance au ministre. Le nombre de cartes est en forte augmentation. La proposition du ministre se justifie : prenons le temps de réfléchir, avec les anciens combattants, à des critères justes, acceptés par tous. Ne nous précipitons pas. Quid de ceux qui ont 90 jours de présence ? Le ministre a tenu ses engagements à propos de la carte à cheval dans le budget 2014 ; nous avons toutes raisons de lui faire confiance. Rendez-vous au budget 2015.

Mme Leila Aïchi .  - Le groupe écologiste est partagé sur cet article premier. Le principe d'égalité sous-tend notre système juridique, égalité de traitement, égalité de reconnaissance. J'y suis personnellement attachée et voterai pour cet article. Trois autres membres de notre groupe s'abstiendront, les autres voteront contre au prétexte de l'argument historique. (Mme Cécile Cukierman s'exclame) L'ensemble du groupe, à une exception, votera les deux articles suivants.

M. Claude Domeizel .  - Je comprends les motivations de cet article. Mais la guerre s'est terminée le 2 juillet 1962.

M. Charles Revet.  - Dites-le aux 305 000 qui sont restés !

M. Claude Domeizel.  - Il a fallu attendre longtemps pour que cette guerre soit reconnue comme telle.

Je préside le groupe d'amitié France-Algérie. Comment dire à nos amis Algériens que les soldats restés sur place jusqu'en 1964 sont considérés comme combattants ? Étions-nous encore en guerre ? Je ne voterai pas cette proposition de loi.

Mme Cécile Cukierman .  - Notre groupe votera contre l'article premier. L'histoire n'est pas un prétexte. Tenons-nous en aux dates et aux faits. Des jeunes hommes ont été appelés pour faire la guerre ; d'autres, pour d'autres missions, lorsque nous n'étions plus en guerre. De part et d'autre de la Méditerranée, chacun s'est reconstruit. Gardons-nous d'une conception de l'égalité qui pourrait être perçue comme violente et marquant une volonté de récrire l'histoire. La reconnaissance de la « carte à cheval » était nécessaire ; cela a été fait. Nous ne voterons pas l'article.

Mme Colette Giudicelli .  - Il y a beaucoup de harkis en France, des Français comme vous et moi...

M. Charles Revet.  - Pensons à eux !

Mme Colette Giudicelli.  - Ils sont partis pour sauver leur vie. On n'en parle pas. Monsieur Domeizel, vous avez dit en commission qu'en tant que président du groupe d'amitié France-Algérie, vous ne pouviez pas voter un tel texte, que vous deviez consulter vos amis algériens. Depuis quand nos votes sont-ils déterminés par un État étranger ?

M. Claude Domeizel.  - Je n'ai demandé l'avis de personne !

Mme Colette Giudicelli.  - Des millions de harkis ont été massacrés entre 1962 et 1964, ne les oublions pas. (Protestations socialistes ; applaudissements à droite)

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Je pourrais vous en parler à travers ma propre histoire... Évitons de jouer sur la corde sensible, ne faisons pas de cette communauté l'otage de partis politiques à l'approche des municipales. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je travaille avec les associations de harkis pour faire en sorte que personne ne soit oublié. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bruno Retailleau .  - Je remercie M. Cléach et le rapporteur et rends hommage à tous les anciens combattants qui sont parmi nous. Ma génération n'a pas connu le feu, à la différence de mes grands-parents et de mon père. J'aborde ce texte avec cette idée simple : envoyons un signe à ceux qui nous ont permis de vivre libres et en paix. C'est une exigence d'équité, que le hasard du calendrier ne saurait faire oublier. Peut-être y a-t-il eu l'indépendance, mais il y eut 534 morts après. Le risque militaire était donc bien présent.

M. Charles Revet.  - Bien sûr !

M. Bruno Retailleau.  - Équité aussi à l'égard de ceux qui bénéficient de la carte du combattant après avoir servi au Maroc, en Tunisie, plusieurs années après l'indépendance de ces pays. Nous n'allons pas la leur retirer.

C'est aussi une exigence de reconnaissance. Victor Hugo disait : « les morts sont des invisibles, ils ne doivent pas être absents ». Nous devons aussi cette reconnaissance aux vivants. Leur sacrifice fait écho à la très belle phrase de Lazare Ponticelli, dernier survivant de la guerre de 1914-1918, Français de sang mêlé d'une famille italienne, et qui répondait à qui l'interrogeait : « J'ai voulu rendre à la France ce qu'elle m'avait donné. » Le moment est venu que la France rende à ceux qui lui ont tout donné la reconnaissance qui leur est due. Je salue Alain Néri, Jean Boyer et tous les autres : vos plus belles années ont été consacrées au service de la Nation, vous avez pris des risques immenses, cela mérite reconnaissance. (Applaudissements à droite)

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Sans vouloir polémiquer, les anciens combattants d'Afrique du Nord attendaient depuis 50 ans la « carte à cheval » Le premier gouvernement à la leur proposer est celui dont je fais partie... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Charles Revet.  - Ce n'est pas polémique...

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Quant au budget, il a baissé de 5,4 % entre 2011 et 2012 ; il ne baisse que de 1,1 % cette année, pour une population en diminution de plus de 5 %. J'entends parler de reconnaissance... Mais quand je suis arrivé, rien n'était prévu pour les 70 ans de la Libération, pas un euro. Le rôle des soldats des anciennes colonies lors de la campagne d'Italie et du débarquement de Provence n'était pas reconnu. C'est chose faite. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Houpert .  - Il n'y a pas deux façons de mourir pour la France, de combattre, de se sacrifier pour la patrie. La date inscrite dans un calendrier n'y fait rien. Je pense à mon père, à ceux de sa génération qui ont traversé la Méditerranée la trouille au ventre. Ils ont trouvé une situation de risque de guerre. La loi est perfectible, soyons généreux, votons cet article premier, pour qu'il n'y ait pas de rupture d'égalité. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Vous avez raison de penser à votre père. Le mien aussi s'était engagé pour la France. Si je suis contre la date de 1964, au-delà des douleurs de nos histoires personnelles, c'est aussi pour construire la réconciliation entre les rives de la Méditerranée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Mirassou .  - Il n'y a jamais de bonne guerre mais toujours la reconnaissance de la nation à ceux qui y ont laissé la vie. Ce sont des gouvernements de gauche qui ont balisé l'histoire. C'est sous le gouvernement Jospin que la guerre d'Algérie a été nommée telle, c'est sous celui de Jean-Marc Ayrault qu'une date historique irréfutable de cessez-le-feu a été officialisée. Les mêmes réticences qui vous animaient contre ce projet de loi vous conduisent à chercher à reconstruire l'histoire, au risque de susciter des crispations et des inimitiés, même si ce que vous exprimez est recevable et nous touche aussi. Les propositions du ministre sur la « carte à cheval » et les Opex sont satisfaisantes et de nature à apaiser. Le vote de cet article premier créerait une ambiguïté, au risque de faire renaître des foyers qu'on croyait définitivement éteints. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Charles Revet.  - Et on fait l'impasse sur plus de 500 morts...

À la demande des groupes socialiste et UMP, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n° 62 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l'adoption 141
Contre 171

Le Sénat n'a pas adopté.

ARTICLE 2

M. Marc Laménie, rapporteur.  - À l'issue d'un débat de qualité sur l'article premier, nourri de témoignages poignants, un sujet très sensible, je tiens à exprimer mon respect du vote qui vient d'intervenir. J'en prends acte, même si je le regrette.

L'article 2 facilite l'attribution de la carte du combattant aux militaires, dont les gendarmes, qui ont servi en Opex ; il a reçu un large assentiment en commission des affaires sociales, au-delà du groupe politique de l'auteur de la proposition de loi. Certains collègues se sont abstenus en commission. Je vous invite à l'adopter, sur le fondement de l'équité envers les générations du feu. Cet article doit faire consensus, à la différence de la guerre d'Algérie. Exprimons notre reconnaissance à ceux qui ont servi en Opex.

M. Jean Boyer .  - Je me réjouis que le débat évolue. Il n'y aura ni vainqueurs ni vaincus à l'issue de notre vote. Tous ceux qui ont fait la guerre d'Algérie vivent la dernière partie de leur vie. Ils souhaitent la paix. Leur combat ne doit pas être une source de nouveaux conflits. Cinquante ans après, ne greffons pas de nouvelles polémiques sur ce débat. Merci monsieur le rapporteur pour votre message de reconnaissance et de paix.

M. Kader Arif, ministre délégué.  - La question des Opex est juste, légitime. Elle est prise en compte par notre travail. Nous sommes passés de l'attribution de 3 800 cartes à près de 13 000 en moins de deux ans. Sur la base d'un débat serein sur les critères, nous pouvons aboutir lors de l'examen du budget triennal 2015. Telle est ma proposition - je me félicite d'ailleurs des assouplissements intervenus depuis 2010. La question des soldats engagés dans la Finul est liée au passage à 120 jours. Je ne suis pas allé à Beyrouth sans l'évoquer avec les soldats engagés à ce moment-là. Le vote de l'article 2 n'aurait pas de sens, contrairement à un engagement collectif de l'ensemble des groupes.

M. Alain Néri .  - Je souscris à vos propos, monsieur le ministre. Nul ne conteste votre volonté de régler les problèmes. Vous avez tenu vos engagements sur la « carte à cheval ». Vous vous engagez à prendre en compte les Opex dans le budget 2015. Il n'y a pas urgence. La plupart des combattants concernés sont jeunes. Il n'y aurait rien de pire que de confondre vitesse et précipitation. La proposition du ministre est sage et responsable. Rendez-vous au budget 2015. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

À la demande des groupes socialiste et UMP, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°63 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption 151
Contre 163

Le Sénat n'a pas adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Cet article prévoit un gage. Il ne devrait logiquement pas être adopté. S'il est supprimé, il n'y aura donc pas de vote sur l'ensemble, ni d'explication de vote.

M. Marcel-Pierre Cléach, auteur de la proposition de loi.  - Je ne pensais pas déclencher un tel tir de barrage du groupe socialiste... Ma proposition de loi est similaire à celle qu'il avait déposée en avril 2008. J'en reste sans voix. Comment avez-vous pu changer à ce point ?

M. René Garrec.  - C'est l'âge ! (Sourires)

M. Marcel-Pierre Cléach, auteur de la proposition de loi.  - Nous sommes en face d'une situation de fait, fondée sur le risque, ce qui relativise les arguments juridiques fondés sur l'état de guerre, d'autant qu'il n'y a pas de contestation sur le nombre de morts après le 19 mars. Je suis rentré d'Algérie en 1961. J'ai continué à lire la presse ensuite, à être en contact avec les associations qui se formaient alors. Il y eut de l'insécurité, sans parler du carnage qui a frappé les harkis. C'est la première fois que j'entends dire que la situation était calme...

M. Charles Revet.  - Cinq cents morts !

M. Marcel-Pierre Cléach, auteur de la proposition de loi.  - La gauche pourra continuer à dire qu'elle seule fait adopter des lois mémorielles, puisqu'elle rejette les nôtres ! (Protestations à gauche)

Merci à M. le ministre pour sa modération. Ne pouvant avancer que les motifs de votre refus sont financiers, vous vous abritez derrière des arguties. Je regrette que l'égalité entre les anciens combattants n'ait pas prévalu. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Isabelle Debré .  - Merci à M. Cléach et à M. le rapporteur. Cette proposition de loi repose sur le principe d'égalité, ici entre les quatre générations du feu, entre tous les soldats qui se sont sacrifiés pour la Nation et continuent à le faire. Si l'égalité, c'est maintenant, pourquoi la repousser ? Des parlementaires de tout bord ont fait des propositions similaires. Parmi les générations du feu, les inégalités subsistent.

Il est impératif de revoir les critères d'attribution de la carte du combattant. Je pense aux soldats blessés qui séjournent pendant des mois à l'hôpital Percy, à leur famille. Quoi de plus républicain que de leur exprimer notre reconnaissance ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Néri .  - Chacun a pu exprimer ses convictions. Je les respecte toutes, si elles sont sincères, ce dont je en doute pas. Des décisions ont déjà été prises et nous avons d'autant plus confiance en M. le ministre, qu'il a tenu ses engagements passés.

L'opposition reconnaît donc que l'adaptation des critères à partir de 1997 sous le gouvernement Jospin était légitime. Rendez aux socialistes ce qui leur revient, à défaut de rendre à César.

S'agissant des soldats des Opex, au-delà de la question de la carte du combattant, ils méritent tout notre soutien. Le Gouvernement agit en ce sens.

M. Joël Guerriau .  - Né pendant la guerre d?Algérie, j'ai eu la chance que ce soit sur le territoire métropolitain, loin des effets de cette guerre et de ses 25 000 morts sur les 80 000 militaires français engagés jusqu'en 1964. Je tiens qu'il faut leur rendre hommage, c'est pourquoi je soutenais cette proposition de loi humaniste, dont je regrette le rejet. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Deroche .  - Ne nous perdons pas en recherches en paternité, monsieur Neri. Tous les gouvernements successifs ont eu à souci de faire ce qu'ils pouvaient pour nos anciens combattants. (Applaudissements sur les mêmes bancs)

M. Marc Laménie, rapporteur.  - Ce débat passionné fut passionnant. Merci à tous ici, et aux associations patriotiques que nous avons auditionnées, qui oeuvrent pour le devoir de mémoire. La tâche est immense et collective. Elle doit nous animer tous, comme elle anime les bénévoles de ces associations, auxquels je rends hommage.

Merci, monsieur le ministre, pour vos engagements. Je veux, moi aussi, vous faire confiance. (Applaudissements sur les mêmes bancs)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales .  - Je suis très honorée de présider cette commission des affaires sociales, toujours saisie des questions concernant les anciens combattants. Il n'y a pas d'un côté les défenseurs de l'égalité, de l'autre ses fossoyeurs.

Merci à M. le rapporteur et à nos services. Merci à vous, monsieur le ministre, d'avoir honoré votre promesse sur la « carte à cheval », et d'avoir lancé une réflexion sur la reconnaissance des Opex, qui intéresse beaucoup de monde, au-delà même des anciens combattants.

Confiants, nous resterons vigilants.

M. Kader Arif, ministre délégué.  - Voilà plusieurs fois que nous débattons ici du devoir de mémoire. Chacun a ici sa propre histoire et réagit parfois avec émotion, par rapport à elle. Imitons la sagesse des associations d'anciens combattants, qui assument leurs débats, pour mieux pacifier les esprits. Merci à tous. (Applaudissements)

À la demande des groupes socialiste et UMP, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n° 64 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption 151
Contre 163

Le Sénat n'a pas adopté.

Ses articles ayant tous été rejetés, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Rappel au Règlement

Mme Isabelle Debré .  - Pourquoi nous avoir fait voter sur l'article 3, qui prévoyait un gage pour les articles premier et 2 ? Il n'avait plus lieu d'être dès lors que ces derniers étaient supprimés.

M. le président.  - En vertu du Règlement du Sénat, un article ne tombe jamais, à la différence d'un amendement.

M. Charles Revet.  - Que se serait-il passé si nous l'avions adopté ?

Mme Isabelle Debré.  - C'est absurde. Faisons évoluer le Règlement !

M. le président.  - Je vous donne acte de ce rappel au Règlement.

Premiers secours

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que cette discussion serait interrompue à 18 h 30 ; en outre la ministre doit nous quitter à ce moment-là pour rejoindre le Stade de France.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Leleux, auteur de la proposition de loi .  - Les accidents de la route restent un problème en France, même si la mortalité routière est en baisse, de 18 000 en 1972, 9 000 dans les années 90, puis 5 000 depuis 2006, et un peu moins de 4 000 depuis 2009. Le parc roulant et le trafic ont pourtant plus que doublé entre-temps.

Les conducteurs sont donc devenus plus respectueux du code de la route ; les pouvoirs publics ont amélioré l'état des routes, et pris d'autres mesures de sécurité routière : port obligatoire de la ceinture et du casque, permis à points, alourdissement des sanctions et permis probatoire en 2003.

Nous pourrions allez plus loin en améliorant les premiers secours portés aux victimes. Les formations généralistes existantes sont peu adaptées. Elles touchent beaucoup moins de personnes qu'espéré.

Selon un sondage récent, 98 % des Français sont favorables à une formation aux premiers secours lors du passage du permis de conduire. Avant l'arrivée du Samu ou des pompiers, il peut se passer plusieurs dizaines de minutes. Or tout se joue parfois dans les premiers instants. Entre 250 et 300 vies pourraient être ainsi sauvées en France chaque année.

Il faut passer d'une formation confidentielle à une formation de masse. Songez aux « trois gestes qui sauvent », en matière cardiaque, promus par la Fédération française de cardiologie. Il s'agirait d'un enseignement pratique en quatre heures, limité aux urgences vitales : deux gestes d'alerte : alerter, baliser ; trois gestes de survie : ventiler, comprimer, sauvegarder.

Le comité interministériel concerné s'y est déclaré favorable dès 1994. Diverses propositions de loi ont été déposées depuis, allant dans le même sens. La loi du 12 juin 2003 a prévu de sensibiliser aux notions élémentaires des premiers secours les candidats au permis de conduire, mais le décret d'application ne fut jamais publié.

Nous revenons sur cet oubli. Je remercie et félicite la commission des lois, son président et sa rapporteure qui, tout en préservant l'esprit, ont simplifié la lettre de ma proposition de loi en supprimant l'épreuve supplémentaire et en se positionnant sur le caractère réglementaire de ces dispositions, écartant ainsi un obstacle opposé à une semblable proposition de loi à l'Assemblée nationale.

Qu'entend-on par « notions élémentaires de premiers secours » ? Il est possible de le préciser sans empiéter sur les prérogatives du Gouvernement.

Je souhaite que notre débat permettre d'avancer et de faire des suggestions sur l'organisation de la formation. La ventilation n'a pour objet que de libérer les voies aériennes, en relevant le menton de l'accidenté. Ce n'est qu'ensuite, si la respiration ne reprend pas, que l'on pratique le bouche-à-bouche ou le bouche-à-nez. Il n'est pas question de pratiquer la respiration artificielle par un geste manuel. Quant à la position latérale de sécurité, inventée par le professeur Marcel Arnaud, fondateur du secourisme routier, elle empêche que l'on ne s'étouffe en régurgitant. Enfin, la compression consiste simplement à appuyer sur une plaie en cas d'hémorragie, nullement à poser un garrot comme on le préconisait autrefois.

Ce sont là des gestes élémentaires. On les retrouve jusque dans Les premiers secours pour les nuls ! Tous ceux qui suivent une formation de secourisme, partout dans le monde, les apprennent. Peut-être faudra-t-il les renommer pour en faciliter l'acceptation et la mémorisation. Ces gestes doivent devenir un réflexe pour éviter la panique.

Plus d'une dizaine d'États européens ont déjà adopté des dispositifs similaires. J'insiste pour que le décret encadre la notion de « premiers gestes » et inclue à la fois les gestes d'alerte et de survie. Ne s'agirait-il que de sauver une seule vie, il vaudrait la peine de voter ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois .  - Cette proposition de loi rend obligatoire une formation aux premiers secours lors du passage du permis de conduire. En cas d'accident, les premières minutes sont vitales. L'OMS remarquait en 2005 que « les systèmes de secours les plus sophistiqués et les mieux équipés ne peuvent pas grand-chose si les témoins n'appellent pas à l'aide et ne pratiquent pas les premiers secours avant que les services de secours n'arrivent sur place ».

Les formations générales aux premiers secours ne suffisent pas aux conducteurs. En France, il n'existe qu'une formation obligatoire, à destination des élèves du premier et du second degré ; mais seulement 20 % des élèves de troisième la reçoivent. Aucune obligation n'existe pour les candidats au permis de conduire, même professionnel. Pour les permis poids lourds, seule une formation théorique est dispensée. La loi du 6 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a prévu la sensibilisation aux premiers secours ; faute de décret d'application, cette disposition est restée lettre morte.

Plusieurs propositions de loi, dont l'une du président Sueur, prévoyaient une obligation similaire pour les permis de transport de personnes, ou pour le permis B. Dans plusieurs pays européens, cette formation est déjà obligatoire, sans qu'une épreuve spécifique soit imposée aux candidats.

Le texte initial de la proposition de loi prévoyait une telle épreuve. Le surcoût aurait pesé sur les candidats, alors que le permis de conduire coûte déjà 1 500 euros en moyenne. Si la formation est dispensée, non à l'auto-école, mais au sein d'associations de secourisme, il faudra de nouveaux enseignants, à moins d'allonger considérablement le délai d'obtention d'un permis, alors que celle-ci conditionne souvent l'accès à l'emploi.

Certains des cinq gestes de premiers secours sont contestés, à l'instar de la ventilation, en cas d'accident de la circulation. Laissons donc au pouvoir réglementaire le soin de définir le contenu de la formation.

L'obligation de suivre une formation serait sanctionnée, puisque des questions à ce sujet pourront être posées au cours de l'examen théorique. On m'opposera que cette proposition de loi relève du domaine réglementaire. Il en va de même, normalement, de la durée de cotisation pour l'obtention d'une retraite à taux plein, que le Gouvernement a pourtant voulu inscrire à l'article 2 du projet de loi portant réforme des retraites. Pensons aussi aux normes relatives aux détecteurs de fumée, à la sécurité des piscines privées. Dans ces deux domaines, la loi est intervenue. Il y a donc des précédents. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative .  - Ce texte intéresse les Français à double titre. Parce qu'il concerne le permis de conduire, d'abord : pour les jeunes, c'est souvent le moyen d'acquérir son indépendance, de trouver un emploi, de devenir adulte.

Parce qu'il a trait, ensuite, à la sécurité routière. Trop de Français meurent encore sur les routes, malgré les progrès enregistrés. Sauver des vies, c'est souvent accomplir les bons gestes, dès les premières minutes.

Je partage donc vos préoccupations, mais je suis en désaccord sur les moyens. D'abord, parce que cette proposition de loi relève du domaine réglementaire. Loin de nous défausser, nous assumons nos responsabilités. Le texte initial comportait des incertitudes. Une troisième épreuve aurait obligé à recruter des inspecteurs supplémentaires.

Pour mémoire, en 2004, le passage de la durée de l'épreuve pour obtenir le permis B de 22 à 35 minutes avait nécessité de recruter 195 inspecteurs supplémentaires. De plus, les associations de secourisme agréées ne disposent pas du maillage nécessaire pour former les 900 000 candidats. Inutile d'ajouter de nouvelles inégalités territoriales à celles qui existent.

Enfin, les cinq gestes qui sauvent, quand bien même cette proposition de loi ne les mentionne plus dans son titre, ne font plus consensus, et ne peuvent pas être mis sur le même plan - la ventilation par le bouche-à-bouche peut être préjudiciable en cas de traumatisme du rachis - c'est ici le médecin qui s'exprime.

Les objections de fond, qui avaient conduit le Gouvernement à refuser la proposition de loi du député Gérard, nous amènent à émettre un avis défavorable à ce texte. Le Gouvernement s'est engagé à prendre des mesures. Voyez l'arrêté du 13 mai 2013, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2014 et renforce la sensibilisation aux comportements à adopter en cas d'accident. En outre, l'article 16 de la loi du 12 juin 2003 sera enfin mis en application : c'est l'objet d'un projet de décret qui sera transmis au Conseil d'État avant la fin de l'année. Enfin, dans le courant de l'année 2014, nous renforcerons la formation théorique aux gestes de premiers secours pour l'épreuve du code. Mme la rapporteure a le mérite de ne pas créer une troisième épreuve pour la délivrance du permis de conduire. Le Gouvernement prend note de vos propositions dont certaines sont déjà satisfaites et la volonté unanime de votre commission d'avancer sur ce dossier. Aussi le Gouvernement s'en remettra-t-il à la sagesse du Sénat. (Applaudissements)

La séance, suspendue à 18 h 35, reprend à 18 h 40.

Encadrement des produits phytosanitaires

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la proposition de loi visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national.

Discussion générale

M. Joël Labbé, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les bancs écologistes) Je commencerai par adresser des remerciements au Gouvernement et au ministre même si j'anticipe peut-être un peu, au rapporteur Ronan Dantec qui a pris ce travail au vol, tous les membres des associations qui ont participé à la concertation de même que tous les pionniers - car le monde avance avec les pionniers.

En janvier dernier, nous débattions des conclusions, chère Nicole Bonnefoy (applaudissements sur les bancs écologistes), de la mission commune d'information du Sénat sur les pesticides, présidée par Sophie Primas. (Mêmes mouvements) Pour moi, c'était une première car je venais de débarquer au Sénat. J'ai drôlement apprécié notre méthode de travail, on nous a donné les moyens de mener cette étude qui va dans le sens de l'intérêt public. J'avais alors annoncé, à la manière un peu abrupte qui est la mienne, le dépôt d'une proposition de loi la même année. C'est chose faite !

C'est que je suis impatient. Il faut sortir de notre addiction aux pesticides, comme l'a dit le secrétaire perpétuel de l'Académie d'agriculture de France, M. Paillotin, quand nous l'avons auditionné.

La France détient le triste record de l'utilisation des pesticides : 3ème au monde, 1ère en Europe. Parfois, on aimerait être le cancre de la classe. Cancers, asthme, maladie de Parkinson, intoxication, perturbations endocriniennes, la liste est longue. Je m'arrêterai là tant cela est déprimant pour citer les propos du professeur Sultan du CHU de Montpellier qui parle de « bombe à retardement » pour qualifier les effets des pesticides, ceux de Sylviane Cordier de l'Université de Rennes qui souligne les conséquences sur les enfants et même sur les foetus. Les conséquences de l'usage des pesticides sur l'environnement sont lourdes : la moitié des abeilles ont disparu en quinze ans si bien que la pollinisation se fait désormais à la main dans la province chinoise du Sichuan, et que l'on transporte des milliers de ruches par camions en Californie. Le coût de la dépollution des eaux est de 4 milliards par an. Quelle schizophrénie ! D'un côté, on abîme ; de l'autre, on répare.

Effets sur la santé, sur l'environnement, les éléments à charge sont suffisamment nombreux pour justifier cette proposition de loi qui interdit le recours aux produits phytosanitaires dans les espaces non agricoles.

Des produits de substitution existent. Nous recevions ce matin Cathy Bias-Morin, directrice des espaces verts de Versailles qui fait un travail remarquable, et Emmanuelle Bouffet, paysagiste et disciple de Gilles Clément : elles nous ont montré qu'on peut faire et bien faire sans pesticides. Plus de 60 % des villes de 50 000 habitants poursuivent l'objectif zéro phytosanitaires. C'est le cas de Niort, de Besançon, de Lorient, de Rennes, de Strasbourg et évidemment de Versailles, mais aussi de ma plus modeste commune de Saint-Nolff qui a supprimé depuis 2007 l'utilisation de pesticides y compris dans les cimetières et sur les terrains de football. La réglementation actuelle est inadaptée.

Cette proposition de loi est composée de trois articles : les deux premiers interdisaient les produits phytosanitaires respectivement aux personnes publiques et aux particuliers, le troisième demandait un rapport sur les freins à l'utilisation des Préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP).

Le sujet intéresse : cette proposition de loi a recueilli plus de 3 000 contributions de la part de 450 contributeurs différents sur la plate-forme « Parlement et citoyens ». Mme Jouanno et Delphine Batho ont signé l'appel de Montpellier. Vous n'auriez pas été ministre, vous l'auriez sans doute vous- même signé.

Répondons aux armes de destruction massive que sont les pesticides par ces armes qui mettent de la poésie dans les discours de Léo Ferré. Je ne suis plus jeune, (Protestations amusées sur de nombreux bancs) mais je me souviens que j'ai eu une enfance rêveuse et solitaire. Petit, j'aimais me coucher dans les herbes, attentif à la vie de la terre et aux murmures ambiants. Préservons ce monde pour nos petits, car nous en avons fait. Alors que nous célébrons la naissance d'Albert Camus, je veux citer Noces : « Enfoncé dans les herbages, parmi les insectes bourdonnants, j'ouvre les yeux au soleil....Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa nature profonde ». Avec cette petite proposition de loi j'ai l'ambition de porter tout cela. (Applaudissements sur les bancs écologistes, socialistes et du RDSE)

M. Ronan Dantec, rapporteur de la commission du développement durable .  - En tant que rapporteur, je parlerai moins de poésie que d'articles et de règlements. La réflexion sur l'utilisation non agricole des pesticides est mûre : le Premier ministre s'est prononcé pour sa réduction lors de la Conférence environnementale, Stéphane Le Foll lui a emboîté le pas, les conclusions de la mission commune d'information du Sénat sont sans appel. De nombreuses collectivités sont engagées vers le zéro phytosanitaire : par exemple, Nantes, dont j'ai été l'adjoint à l'environnement pendant dix ans, où j'ai trouvé une situation plus dégradée en 2001 que dans les années 1980 à cause d'une petite multinationale appelée Monsanto. À la différence de Saint-Nolff, toutefois, nous utilisons encore les pesticides dans les cimetières.

Des produits de substitution existent - le rapport de 2011 du député Herth avait fait le point sur les mécanismes de bio-contrôle, dont le plus connu est le recours aux coccinelles pour lutter contre les pucerons.

Les usages non agricoles des pesticides, bien que leur part représente seulement 5 %, méritent une proposition de loi à part entière. C'est une source considérable de pollution, en particulier des eaux. Le taux de glyphosates, des études l'ont montré, augmente dans les cours d'eau à la sortie des villes. La règlementation prohibe déjà de nombreux usages sur les surfaces imperméabilisées, comme les trottoirs ou à proximité des points d'eau. Malheureusement, elle est mal connue. Il faut, monsieur le ministre, un effort de pédagogie pour mieux informer les élus.

L'enjeu sanitaire est réel : les non-professionnels, comme la mission commune d'information du Sénat l'a démontré, se protègent mal et ont tendance à surdoser les produits, ce qui augmente le risque de contamination avec la peau.

L'article premier du texte prévoit l'interdiction des produits phytosanitaires à partir du 1er janviers 2018 en prévoyant une exception pour les produits de bio-contrôle.

Notre commission a voulu replacer cette disposition à l'article L. 253-7 du code rural, et prévoir une dérogation en cas de danger sanitaire et de sécurité publique. Ainsi, l'utilisation des pesticides restera possible pour l'entretien des pistes d'aéroport et des voies ferrées.

L'article 2 complète l'article L. 253-7 du code rural pour viser les particuliers. Là aussi, nous prévoyons une exception pour les produits de bio-contrôle et une dérogation pour les cas de danger sanitaire.

L'article 3 demande un rapport sur les freins au développement des produits naturels peu préoccupants. C'est un enjeu économique : l'Allemagne autorise 400 substances, contre une en France depuis 2011, le purin d'ortie - encore est-ce sous une recette que les professionnels qualifient de piquette d'ortie.

Quant à l'article 4, introduit à l'initiative de la commission, il repousse l'entrée en vigueur à 2020 pour les pouvoirs publics, à 2022 pour les professionnels.

Les débats en commission, riches, ont abouti à un texte équilibré : les espaces visés pour les personnes publiques sont précisément circonscrits, le report de la date d'entrée en vigueur laisse à tous les acteurs le temps de s'adapter.

Voilà une loi qui constitue un changement de paradigme ; celle d'une insertion plus apaisée de l'homme dans l'environnement, dans le vivant.

À mon tour de citer Albert Camus, que l'on peut considérer comme le père de l'écologie politique, qui 48 heures après qu'une bombe atomique eut éclaté à Hiroshima, parlait de civilisation de la barbarie mécanique. Avec ce texte, nous commençons à sortir de la civilisation de la barbarie chimique. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Puisqu'il a été question de Camus, je veux saluer Roger Quilliot, son grand spécialiste, que j'ai servi durant des années au sein de son cabinet.

Après les excellents travaux de la mission commune d'information du Sénat, et dont cette proposition de loi s'inspire, un constat s'impose : les produits phytosanitaires sont très largement utilisés dans notre pays, en agriculture comme dans nos jardins.

D'après les études, 800 tonnes de substances actives sont déversées chaque année dans les espaces verts et 4 500 tonnes dans les jardins.

Bien sûr, nous sommes loin de l'Argentine où l'on en consomme 300 millions de tonnes pour cultiver du soja. Pour autant, nos compatriotes, d'après une étude de l'Institut national de veille sanitaire (INVS) de 2013, sont plus exposés aux pesticides que les Allemands, les Américains et les Canadiens avec des effets sur la santé qui sont désormais attestés. Nous avons donc un devoir collectif, celui d'inciter les jardiniers amateurs et ceux des collectivités à réduire l'usage de ces produits pour leur propre santé d'abord, pour celle de leurs voisins ensuite et pour l'environnement enfin.

Le Premier ministre, lors de la Ve Conférence environnementale, a fixé pour objectif la fin du recours aux pesticides en ville. Nous relançons le plan écophyto, nous augmentons la taxe sur les pollutions diffuses due par les fabricants de pesticides et je me réjouis de cette proposition de loi qui s'inspire des expériences menées à Nantes, à Saint-Nolff, mais aussi dans le Gers, à l'initiative d'un ancien président de conseil général, qui, pardonnez mon manque de modestie, n'a pas attendu l'appel de Montpellier pour agir dès 2008.

Ce texte bannit le recours aux produits phytosanitaires, dont sont clairement exclus les mécanismes de bio-contrôle, pour les personnes publiques en 2020 et pour les particuliers en 2022.

Il ménage des dérogations en cas de danger sanitaire ou pour des raisons de sécurité publique.

Parce que ce texte équilibré nous aidera à atteindre nos objectifs, le Gouvernement y est favorable. Ce soir, je suis fier et heureux que nous fassions ensemble un pas vers l'indispensable transition écologique. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

M. Henri Tandonnet .  - Lors de l'élaboration du rapport de la mission commune d'information sur les pesticides, nous nous proposions de mettre en oeuvre les 100 propositions au cours de notre mandat : d'où ma satisfaction ce soir.

Les agriculteurs ont fait des efforts pour consommer moins de pesticides. Il faut saluer ce changement. En revanche, les ménages et les collectivités territoriales restent mal informés des dangers de ces substances. Le constat est pourtant sans appel : nos eaux sont polluées par les pesticides, davantage en aval des villes qu'en amont. Et là, ce ne sont pas les agriculteurs qui sont en cause...

Cette proposition de loi marque une étape importante. Elle interdit aux personnes publiques l'usage des produits phytosanitaires pour l'entretien des espaces verts, forêts et lieux de promenade, et prohibe leur vente et leur usage domestique. Le report de l'entrée en vigueur, voulu par la commission, était nécessaire pour que les élus aient le temps de s'adapter et de convaincre la population qu'il est normal de laisser pousser des herbes folles dans les espaces verts. Il faut aussi laisser le temps aux industriels d'élaborer une offre alternative.

Pour cela, nous avons besoin que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) soit performante, car elle joue un rôle crucial dans la mise sur le marché et l'évaluation des produits. Or beaucoup d'agriculteurs sont démunis ; ainsi aucun produit n'est autorisé contre un nouveau ravageur émergent. Il faut dire que les délais d'instruction pour une mise sur le marché prennent jusqu'à trois ans... Il faut doter l'Anses de moyens supplémentaires.

Cette proposition de loi est équilibrée. C'est une première marche à franchir. Comme le bon docteur de La Peste, le maire de Saint-Nolff a fait son travail. Le groupe UDI-UC votera pour. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Évelyne Didier .  - Je salue le travail accompli par la mission commune d'information sur les pesticides et l'initiative de M. Labbé. L'enjeu est si important que la recherche de consensus ne doit pas nous conduire à réduire nos exigences. Le sixième programme d'action pour l'environnement fixe pour objectif qu'en une génération, les nuisances pour l'environnement et la santé liées à la production et l'utilisation des produits phytosanitaires aient disparu. Il reste du chemin à faire !

Notons que 95 % des pesticides sont employés par les agriculteurs. Le présent texte ne s'attaque donc qu'à une part infirme de cette pollution. La France autorise 319 substances actives en 2013 ; or on sait, depuis les travaux de la mission commune d'information, ce qu'il faut penser de l'indépendance et du contenu des études préalables à la mise sur le marché. Sur ce sujet aussi nous avons un travail législatif à mener.

La proposition de loi interdit aux personnes publiques l'usage des pesticides pour entretenir les espaces verts, à compter de 2020. Beaucoup de grandes communes s'astreignent déjà à cette règle.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Et Saint-Nolff ?

Mme Évelyne Didier.  - Les petites collectivités n'auront pas les mêmes marges de manoeuvre. Nous approuvons pleinement cet article premier ; si le report de son entrée en vigueur se justifie, la question des moyens ne doit pas être éludée.

Je salue également l'interdiction de la vente de pesticides aux particuliers. Mais qu'est-ce qui interdit d'acheter de tels produits à l'étranger ou sur Internet ? Quid des jardiniers ou paysagistes rémunérés par des particuliers ? Il faudrait peut-être aller jusqu'à l'interdiction de vente à toute personne qui n'est pas titulaire du certificat écophyto...

Le juge européen se prononcera sur la légitimité de cette atteinte à la liberté de commerce. Qu'invoquera l'État français alors même qu'il autorisera les mêmes produits pour des usages agricoles ? Et la date de 2022 est bien lointaine.

Cette proposition de loi est une avancée mais son application risque d'être délicate. Il faut, aux niveaux national et européen, faire prévaloir la santé et la protection de l'environnement sur les intérêts de l'industrie chimique, repenser nos modèles de contrôle, étudier les effets cocktail. Notre travail me semble bien fragile au regard des négociations en cours sur le projet d'accord commercial transatlantique. L'Europe ne doit pas en rabattre sur ses standards de protection sanitaire et alimentaire.

Le groupe CRC votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Roland Ries .  - Cette proposition de loi fait suite aux travaux de la mission sur les pesticides créée à l'initiative du groupe socialiste. Après de longs travaux, elle a formulé des recommandations dont un certain nombre sont reprises ici.

Ce texte ne porte que sur l'usage non agricole des pesticides. C'est un premier pas nécessaire, qui va dans le sens de l'action de nombreuses collectivités. Les communes ont été pionnières : 60 % des communes de plus de 50 000 habitants ont adopté un plan « zéro phyto ». Les élus doivent alors mener une double bataille. Culturelle d'abord, pour convaincre leurs administrés. En 2008, à Strasbourg, ceux-ci étaient sceptiques, dubitatifs, voire franchement critiques, accusant le personnel municipal de ne plus faire son travail. Il faut faire de la pédagogie, faire comprendre le passage du concept de « nature en ville » à celui de « ville en nature ». Il ne s'agit plus d'investir les espaces entre les immeubles mais d'intégrer la ville dans la nature. Dès lors, on ne parle plus de mauvaises herbes, mais d'herbes folles... Et l'on constate que les abeilles se réfugient en ville parce qu'elles y sont mieux protégées... Et droit de cité est rendu à une des fonctions premières de la nature, nourrir. Grâce au plan zéro phyto, vergers et potagers reviennent en ville et nous renouons un lien ancestral avec cette nature qui nous offre ses fruits.

L'autre bataille est technique, administrative. Il a fallu mobiliser nos services et modifier nos techniques d'entretien. À la communauté urbaine de Strasbourg, plus de 900 agents ont dû changer leur manière de travailler en apprenant à traiter d'une manière différente les espaces auprès des monuments, des lieux de circulation, des espaces de reconquête au pied des arbres. On obtient assez vite des résultats. Nos concitoyens sont mûrs, si j'ose dire, pour ces changements. (M. Ronan Dantec, rapporteur, approuve)

Le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin .  - Après des années d'utilisation intensive, élus et citoyens prennent conscience des dangers des pesticides. Le plan Écophyto vise à réduire leur consommation de moitié d'ici 2018 - mais l'objectif ne semble pas pouvoir être atteint. Il existe des méthodes de substitution, les produits de bio-contrôle, les PNPP, le purin d'orties. Nos anciens étaient-ils écologistes ? Non, plutôt pragmatiques.

M. Jean-Vincent Placé.  - Les deux !

M. Yvon Collin.  - Ce texte interdit aux personnes publiques l'usage de pesticides. Les dérogations sont bienvenues. Nous saluons le pragmatisme des auteurs qui ont prévu l'usage de mécanismes de bio-contrôle.

La réglementation actuelle peut paraître insuffisante. La mission commune d'information préconisait l'interdiction de la vente de pesticides aux particuliers dans les grandes surfaces alimentaires, la formation des vendeurs, l'utilisation de protections par les utilisateurs, le développement d'offres alternatives. Quelques obstacles demeurent, qui empêchent la généralisation des PNPP. Pour autoriser des recettes de grand-mère, il faut des essais qui coûtent jusqu'à 200 000 euros ! L'exemple allemand montre qu'on peut faire mieux et moins cher.

Le report de l'entrée en vigueur du texte nous paraît raisonnable, notamment pour que les collectivités puissent s'adapter.

Je me réjouis que le Sénat soit à l'initiative en la matière, comme l'avait été le groupe du RDSE lorsqu'il a proposé l'interdiction du bisphénol A dans les biberons. Nous devons rester vigilants mais ne pas nous laisser aller à une application aveugle du principe de précaution. La majorité du RDSE s'abstiendra, M. Vall et moi-même voterons pour. (Applaudissements à gauche)

Mme Sophie Primas .  - La mission commune d'information que j'ai présidée et dont Mme Bonnefoy était rapporteure, s'est intéressée à tous les usages des pesticides et fait des recommandations. Je comprends la portée symbolique et politique de cette proposition de loi, qui n'aborde cependant pas le coeur de la question : l'usage agricole des produits phytosanitaires.

Ce que nous savons du projet de loi d'orientation sur l'agriculture nous paraît aller à rebours de nos propositions. J'en appelle au Gouvernement : il faut une épidémiologie plus large et mieux coordonnée, un suivi sanitaire des populations exposées et l'inscription des pathologies liées à l'usage des pesticides dans le tableau des maladies professionnelles. La fraude et l'implication du grand banditisme doivent aussi être prises en compte.

Je salue MM. Labbé et Dantec, qui ont recherché un consensus. J'adhère pleinement à l'esprit de cette proposition de loi, qui me paraît toutefois comporter trop d'incertitudes juridiques et trop de conséquences financières non évaluées pour être adoptée en l'état. L'article premier, trop flou, entraînera des difficultés pour les maires.

Le « zéro phyto », dans les collectivités, est d'abord affaire de courage politique. Il faut convaincre les habitants d'accepter de nouvelles formes d'espaces verts. Versailles applique ce plan depuis 2005 avec des méthodes qui font école. Je pense aussi à des communes rurales, qui ne comptent qu'un employé, voire moins. Je connais par exemple un maire du Vexin, volontariste en la matière, qui applique le « zéro phyto » pour traiter ses engazonnements mais des désherbants, de manière raisonnée, à la seule fin d'assurer la sécurité de ses administrés.

Si je lis bien le texte, les cimetières et les stades sont exclus du champ de cette proposition de loi ; le désherbage de la voirie serait autorisé dans un objectif de sécurisation. Cela pourrait rassurer, car pour un entretien entièrement mécanique, il faut du personnel. Cependant, il n'existe pas de définition juridique des « espaces de promenade » : les talus, les bords de route en font-ils partie ? Un juge ne pourra-t-il pas requalifier un stade en espace de promenade ?

D'autres questions restent en suspens. Il semble que la distinction entre personnes publiques et privées résiste mal aux faits. Une collectivité ne peut-elle faire appel à un prestataire privé ? Comment faire comprendre à un maire qu'il lui est interdit d'employer des pesticides pour entretenir ses espaces verts, alors qu'ils sont autorisés aux bailleurs sociaux ou aux industriels sur leurs espaces privés  ?

L'interdiction de la vente de produits phytosanitaires à des particuliers pour des usages non-professionnels est louable. Ayons en tête, cependant, les avancées du Grenelle, qui a strictement encadré cette vente et les efforts des enseignes de distribution. Laissons du temps au temps.

Merci à la commission d'avoir, du moins, reporté l'entrée en vigueur de l'article 2 à 2022. Il faut laisser le temps aux industriels de créer des produits alternatifs efficaces.

L'article 3 permettra de cerner la méthode la plus efficace pour faire pénétrer sur le marché ces produits alternatifs. Ceux-ci doivent faire l'objet d'une grande vigilance ; leur mise sur le marché relève, en dernière analyse, de la responsabilité politique du ministre.

Le groupe UMP s'abstiendra, tout en partageant, je le répète, les préoccupations de l'auteur de la proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marie-Christine Blandin .  - Nous apprécions cette proposition de loi et le climat constructif de nos débats. C'est sans doute l'heureuse conjonction des convictions de son auteur et de l'excellent travail collectif mené en commission et au sein de la mission commune d'information présidée par Mme Primas.

Attardons-nous un moment sur les questions de vocabulaire. Un pesticide est fait pour tuer les « pestes », c'est-à-dire les sales bêtes, les parasites, les vers indésirables - dont on trouve une scorie dans ce texte qui évoque les « nuisibles ». Après qu'on s'est penché sur l'effet des pesticides sur la santé, on a parlé de perturbateurs endocriniens et d'inhibiteurs de croissance : les pesticides sont devenus des produits phytosanitaires. Puis, avec l'apparition des lymphomes, myélomes et autres maladies de Parkinson, on a préféré le terme de produits phytopharmaceutiques. Le nom ne change rien au fait : ces substances sont dangereuses pour la santé, pour l'environnement, et de manière durable.

Les industriels le savent qui modifient composition et conditionnement ; les soignants le savent, qui accueillent des personnes intoxiquées après chaque campagne d'épandage. La MSA le sait, les applicateurs, les salariés autorisés des entreprises le savent. Je tiens à votre disposition une photo prise depuis le restaurant du Sénat, où l'on voit un jardinier revêtu d'une tenue sortie d'un film de science-fiction épandre un mystérieux aérosol sur les plates-bandes...

Cette toxicité est connue et reconnue. La laisserons-nous dans nos parcs et jardins, dans l'herbe où les enfants s'allongent, les pâquerettes qu'ils cueillent ? La laisserons-nous en vente libre dans les potagers domestiques, là où le jardinier de la famille, jaloux de sa récolte, applique l'adage « quand on aime on ne compte pas » et met double dose pour faire disparaître limaces et pucerons ?

L'un des mérites de cette proposition de loi, c'est qu'elle peut être votée. Le Premier ministre Ayrault veut que les produits phytosanitaires ne soient plus employés en ville, son prédécesseur avait salué le rapport Herth. Tous les ministres de l'écologie ont conclu qu'il était aberrant de traiter le purin d'ortie comme le glyphosate - mais l'instruction d'un dossier peut coûter jusqu'à 200 000 euros. Les modalités d'utilisation des PNPP est de votre responsabilité, monsieur le ministre ; faites vite et sortez notre pays du ridicule !

Comprenant que les maires ont besoin de temps, nous sommes amers face à la mauvaise volonté des industriels, qui disent avoir plus de temps... pour continuer à nous empoissonner. Nous ne bouderons pas, toutefois, notre plaisir. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Mme Nicole Bonnefoy .  - Les travaux de la mission commune d'information ont montré que les dangers liés à l'utilisation des pesticides étaient sous-évalués ; que le suivi des produits était imparfait ; que la protection des utilisateurs et des populations n'était pas à la hauteur des dangers ; que le plan Ecophyto ne serait pas respecté - l'usage des pesticides continue d'augmenter.

Une étude récente de l'Inserm confirme le lien entre l'exposition aux pesticides et la maladie de Parkinson ou certains cancers graves. Elle nuit aussi au développement de l'enfant. Il est urgent d'agir, en renforçant les contrôles, en interdisant l'usage des pesticides dans les zones non agricoles et la vente au grand public, en développant les méthodes alternatives.

Je me réjouis de l'initiative du groupe écologiste. De nombreuses communes ont pris les devants : en Charente, beaucoup d'entre elles ont décidé de ne plus utiliser de pesticides, sans attendre la loi, et certaines enseignes n'en vendent plus.

Il faudra cependant aller plus loin. Le projet de loi d'avenir sur l'agriculture en sera l'occasion, tout comme la stratégie nationale de santé. Nous devons saisir toutes les opportunités pour faire reculer l'usage irraisonné des pesticides. J'espère que, sur cette question cruciale, nous pourrons continuer à travailler de concert, pour l'intérêt commun. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Jacques Cornano .  - En avril dernier, Le Monde titrait Guadeloupe, monstre chimique. La Guadeloupe est, effet, devenue le laboratoire à ciel ouvert d'une pollution diffuse que l'on ne sait pas encore combattre. Le tristement célèbre chlordécone aura des effets néfastes sur l'environnement durant sept siècles et la situation en Guadeloupe se retrouve partout en outre-mer.

C'est pourquoi je me félicite de cette proposition de loi, à condition que les spécificités des outre-mer soient bien prises en compte. Nos collectivités luttent contre les parasites qui prolifèrent en milieu tropical. Et beaucoup de ménages ultramarins tirent une partie non négligeable de leurs revenus de la vente ou de l'échange des produits de leur jardin.

Élaborons des produits qui correspondent à des modèles de production intégrée pour l'outre-mer ! (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 4, première phrase

Après les mots :

d'utiliser

insérer les mots :

ou de faire utiliser

M. Roland Ries.  - Précisons que les personnes publiques ne pourront pas faire appliquer les produits phytopharmaceutiques par des professionnels tiers.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Avis évidemment favorable à cet amendement pertinent.

M. Philippe Martin, ministre.  - Il faut s'assurer de l'application de cette interdiction en toutes circonstances.

Mme Sophie Primas.  - Cet amendement répond à une interrogation que j'ai soulevée tout à l'heure. Néanmoins, le texte englobera-t-il bien tous les cas de délégation de service public ? J'ai des doutes sur sa sécurité juridique.

L'amendement n°1 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

à l'exception des produits de bio-contrôle figurant sur une liste établie par l'autorité administrative

par les mots :

à l'exception de ceux visés au IV du présent article

M. Roland Ries.  - Nous voulons encourager le développement de tous les produits de substitution : les PNPP comme les produits autorisés en agriculture biologique et les substances à faible risque qui présentent toute garantie.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Je vais essayer de ne pas être long car cet amendement mériterait 45 minutes d'explication. (On conjure l'orateur de n'en rien faire) L'amendement de M. Ries reprend le terme européen, très bien, mais reste tout un travail à mener sur les produits de substitution et les définitions différentes qu'en donnent le code rural et le règlement européen. C'est tout l'intérêt du rapport demandé à l'article 3.

M. Philippe Martin, ministre.  - Je sais gré à M. Dantec de ne pas avoir pris 45 minutes. « Allez les Verts ! », mais aussi « Allez les Bleus ! » (Sourires) Ces amendements donneront de la souplesse : favorable.

Mme Sophie Primas.  - J'avais déposé les mêmes amendements en commission. Ils ont été repoussés... Je les voterai volontiers ce soir 

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Ils ne sont pas identiques.

Mme Sophie Primas.  - Je crains bien que si.

M. Joël Labbé, auteur de la proposition de loi.  - « Allez les Bleus ! », effectivement, car ce texte aborde aussi la question des stades.

Mme Sophie Primas.  - Des sources d'insécurité juridique !

M. Joël Labbé, auteur de la proposition de loi.  - Avant d'autoriser les produits à faible risque, il faudra autoriser les substances actives, ce qui ne sera fait qu'à partir de la seconde moitié de 2014. Pour le moment, on ne sait rien du contenu de ces produits, d'autant que la notion de faible risque n'est pas définie dans le règlement européen. La procédure sera lourde et coûteuse et, donc, surmontable pour les seuls industriels...

J'attends des assurances pour ne pas voir revenir par la fenêtre ce que nous aurons exclu par la porte. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

L'amendement n°2 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 4, seconde phrase

Après les mots :

nécessaires à

insérer les mots :

l'éradication et

M. Roland Ries.  - Le rapporteur a prévu une exception heureuse pour autoriser le recours aux produits phytosanitaires dans la lutte contre les nuisibles. Précisons qu'ils peuvent servir dans la prévention mais aussi dans l'éradication de ces nuisibles. Je reste ouvert sur le vocabulaire.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Dans le code rural, le terme d'éradication est utilisé seulement pour l'ESB. Il est très fort, et ressortit plutôt au vocabulaire européen. Mieux vaut parler de « destruction ».

M. Roland Ries.  - D'accord, quoique le terme d'éradication s'applique bien puisque cela signifie que l'on enlève jusqu'à la racine.

M. Philippe Martin, ministre.  - Ces questions de sémantique n'ont rien de négligeable. Avis favorable.

M. le président.  - Ce sera donc l'amendement n°3 rectifié, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 4, seconde phrase

Après les mots :

nécessaires à

insérer les mots :

la destruction et

L'amendement n°3 rectifié est adopté.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Un avertissement aux thésards : aucune espèce n'est, en soi, utile ou nuisible. On clouait autrefois sur les portes les chouettes qui ont le mérite d'avaler 400 à 500 rongeurs par an ! (Applaudissements sur les bancs écologistes)

Mme Sophie Primas.  - Les insécurités juridiques et financières demeurent, vous ne m'avez pas répondu. Dans ces conditions l'UMP s'abstiendra sur cette proposition de loi.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - La voirie est déjà traitée par la réglementation, notamment par la loi sur l'eau. Il n'y avait donc pas besoin d'en rajouter en matière de réglementation. Insécurité financière ? Toutes les villes qui ont basculé dans le zéro phyto l'ont fait à budget constant, à Versailles comme dans ma bonne ville de Nantes. C'est une question de pédagogie.

Les amendements de Mme Primas différaient de ceux de M. Ries en ce qu'ils prévoyaient de remplacer un terme par un autre, et non d'en ajouter un.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

I. - Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

à l'exception des produits de bio-contrôle figurant sur une liste établie par l'autorité administrative

par les mots :

à l'exception de ceux visés au IV du présent article

II. - Après l'alinéa 2

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« IV. - Les II et III ne s'appliquent pas aux produits de bio-contrôle figurant sur une liste établie par l'autorité administrative, aux produits qualifiés à faible risque conformément au règlement (CE) 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil ni aux produits dont l'usage est autorisé dans le cadre de l'agriculture biologique. »

M. Roland Ries.  - Défendu.

L'amendement n°4, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 2, seconde phrase

Après les mots :

nécessaires à

insérer les mots :

l'éradication et

M. Roland Ries.  - Défendu.

L'amendement n°5, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rédiger ainsi cet article :

Avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement dépose sur le bureau du Parlement un rapport sur le développement de l'utilisation des produits de biocontrôle et à faible risque mentionnés aux articles 1 et 2, sur les leviers qui y concourent ainsi que sur les recherches menées dans ce domaine. Ce rapport indique les freins juridiques et économiques au développement de ces produits et plus largement à celui de la lutte intégrée telle que définie à l'article 3 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. 

M. Roland Ries.  - Élargissons le champ de ce rapport à l'état du développement actuel des produits de bio-contrôle et aux recherches menées dans ce domaine.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Bonne précision : favorable. Mieux on sera bordé côté européen, plus aisément on fera sauter les verrous de ce côté

M. Philippe Martin, ministre.  - Tout à fait, même avis.

L'amendement n°6 est adopté et l'article 3 est ainsi rédigé.

L'article 4 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Joël Labbé, auteur de la proposition de loi .  - Je veux dire toute ma satisfaction de voir ce texte adopté, mes remerciements à tous ceux qui y ont concouru. Le Sénat sort grandi d'une soirée comme celle-ci ! (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Philippe Martin, ministre .  - Pour ne pas laisser Mme Primas dans l'incertitude, je veux lui apporter quelques précisions. Le texte exclut clairement les stades et cimetières ; en tout état de cause, il pourra être précisé par le décret.

Madame Blandin, dans le cadre de la future loi sur la biodiversité, le Gouvernement demandera une habilitation à revoir le code pour remplacer le terme de « nuisibles » par celui d'« espèces provoquant des dommages » ou quelque chose d'approchant. Nous y travaillons. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

À la demande du groupe écologiste, l'ensemble de la proposition de loi, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°65 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 196
Pour l'adoption 192
Contre 4

Le Sénat a adopté.

(Vifs applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Je veux dire ma joie de voir un deuxième texte écologiste, adopté par le Sénat.

Mme Esther Benbassa.  - Un troisième !

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - J'en étais le rapporteur pour la première fois. Merci à M. Vall, le président de la commission et à M. Tandonnet de leur contribution. Nous avons recherché le consensus, sans y parvenir totalement. Je respecte les convictions de chacun, c'est le débat politique. Cette loi, importante, impose pour la première fois le zéro phytosanitaire sur une partie du territoire. Elle aura un effet d'entraînement. Pourvu qu'elle passe le cap de l'Assemblée nationale et que le Gouvernement fasse un travail d'explication auprès des élus et diffuse les bonnes pratiques. (M. Joël Labbé met la main sur le coeur ; M. André Gattolin croise les doigts) Enfin, l'État aura une responsabilité particulière : une fois les produits phytosanitaires interdits, il faudra récolter les bidons qui traînent un peu partout ! (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Philippe Martin, ministre.  - En temps de crise, on a tendance à considérer l'écologie comme secondaire. Je me réjouis de l'adoption de ce texte. Pour tout dire, je m'envole demain avec M. Dantec pour Varsovie où doit se tenir le sommet sur le climat. Que le même esprit de consensus règne qu'ici, qu'on y retrouve le souffle de M. Labbé !

Merci pour le joli moment que nous avons passé ensemble ce soir.

Demande de création d'une commission d'enquête

M. le président.  - Par lettre en date de ce jour, M. François Rebsamen, président du groupe socialiste et apparentés, a fait connaître à M. le président du Sénat que le groupe socialiste exerce son droit de tirage, en application de l'article 6 bis du Règlement, pour la création d'une commission d'enquête sur les modalités du montage juridique et financier et l'environnement du contrat retenu in fine pour la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds.

La Conférence des présidents sera saisie de cette demande de création lors de sa prochaine réunion.

Prochaine séance demain, mercredi 20 novembre 2013, à 14 h 30.

La séance est levée à 21 h 5.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 20 novembre 2013

Séance publique

De 14 heures 30 à 18 heures 30

Présidence : M. Jean-Claude CARLE, vice-président,

M. Jean-Patrick Courtois, vice-président

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, M. Jean Desessard

1. Proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon (n° 866, 2012-2013).

Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (n° 133, 2013-2014).

Texte de la commission (n° 134, 2013-2014).

En outre, à 14 heures 30 :

- Désignation des trente-trois membres de la mission commune d'information sur « Quels nouveau rôle et nouvelle stratégie pour l'Union européenne dans la gouvernance mondiale de l'Internet ? »

De 18 heures 30 à 19 heures 30 et de 21 heures 30 à minuit trente

Présidence : M. Jean-Patrick Courtois, vice-président,

M. Didier Guillaume, vice-président

2. Proposition de loi relative à la prévention des inondations et à la protection contre celles-ci (n° 47, 2013-2014).

Rapport de M. Louis Nègre, fait au nom de la commission du développement durable (n° 144, 2013-2014).

Texte de la commission (n° 145, 2013-2014).

3. Proposition de loi portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (n° 13, 2013-2014).

Rapport de M. Pierre-Yves Collombat, fait au nom de la commission des lois (n° 120, 2013-2014).

Texte de la commission (n° 121, 2013-2014).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 62 sur l'article premier de la proposition de loi visant à élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l'armée française totalisant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1er juillet 1964 ou en opérations extérieures.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :312

Pour :141

Contre :171

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (132)

Pour : 131

Abstention : 1 - M. Bernard Saugey

Groupe socialiste (127)

Contre : 125

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat, M. Didier Guillaume, président de séance

Groupe UDI-UC (32)

Pour : 3 - MM. Jean Boyer, Joël Guerriau, Hervé Marseille

Abstentions : 29

Groupe CRC (20)

Contre : 20

Groupe du RDSE (19)

Contre : 18

Abstention : 1 - M. Gilbert Barbier

Groupe écologiste (12)

Pour : 1 - Mme Leila Aïchi

Contre : 8

Abstentions : 3 - Mme Kalliopi Ango Ela, M. André Gattolin, Mme Hélène Lipietz

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 6

Scrutin n° 63 sur l'article 2 de la proposition de loi visant à élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l'armée française totalisant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1er juillet 1964 ou en opérations extérieures.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :314

Pour :151

Contre :163

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (132)

Pour : 131

Abstention : 1 - M. Bernard Saugey

Groupe socialiste (127)

Contre : 125

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat, M. Didier Guillaume, président de séance

Groupe UDI-UC (32)

Pour : 3 - MM. Jean Boyer, Joël Guerriau, Hervé Marseille

Abstentions : 29

Groupe CRC (20)

Contre : 20

Groupe du RDSE (19)

Contre : 18

Abstention : 1 - M. Gilbert Barbier

Groupe écologiste (12)

Pour : 11

Abstention : 1 - Mme Hélène Lipietz

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 6

Scrutin n° 64 sur l'article 3 de la proposition de loi visant à élargir les conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de l'armée française totalisant au moins quatre mois de présence en Algérie avant le 1er juillet 1964 ou en opérations extérieures.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :314

Pour :151

Contre :163

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (132)

Pour : 131

Abstention : 1 - M. Bernard Saugey

Groupe socialiste (127)

Contre : 125

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat, M. Didier Guillaume, président de séance

Groupe UDI-UC (32)

Pour : 3 - MM. Jean Boyer, Joël Guerriau, Hervé Marseille

Abstentions : 29

Groupe CRC (20)

Contre : 20

Groupe du RDSE (19)

Contre : 18

Abstention : 1 - M. Gilbert Barbier

Groupe écologiste (12)

Pour : 11

Abstention : 1 - Mme Hélène Lipietz

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 6

Scrutin n° 65 sur l'ensemble de la proposition de loi visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :196

Pour :192

Contre : 4

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (132)

Pour : 2 - Mme Marie-Annick Duchêne, M. François Grosdidier

Contre : 4 - MM. Gérard Cornu, Michel Doublet, Daniel Laurent, Rémy Pointereau

Abstentions : 126

Groupe socialiste (127)

Pour : 125

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat, M. Didier Guillaume, président de séance

Groupe UDI-UC (32)

Pour : 31

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Nathalie Goulet

Groupe CRC (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (19)

Pour : 2 - MM. Yvon Collin, Raymond Vall

Abstentions : 17

Groupe écologiste (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (6)

Abstentions : 5

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Jean Louis Masson