Accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste, présentée par Mme Denise Saint-Pé.

Discussion générale

Mme Denise Saint-Pé, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Laurent Burgoa applaudit également.) Le statut de La Poste a beaucoup évolué depuis la loi Quilès du 2 juillet 1990. Elle est devenue une société anonyme à capital intégralement public, investie d'une mission de service public, qui emploie des agents de droit privé et de droit public. D'où une représentation du personnel hybride et originale.

La Poste a été exclue du champ d'application des dispositions du code du travail qui prévoit des comités sociaux et économiques (CSE) dans les entreprises de plus de onze salariés. Elle n'entre pas non plus dans le périmètre des dispositions du code général de la fonction publique instaurant les comités d'administration, introduites par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

Cependant, la direction souhaite mettre à jour le statut de ses instances représentatives du personnel (IRP) pour prendre en compte ces évolutions. Il n'a pas été possible de le faire en 2019, première année de mandature de ces IRP.

Le contexte pandémique a stoppé ce projet qui est apparu à contretemps.

En mai 2022, la direction a fait part aux organisations syndicales de son souhait de transformer les instances représentatives de La Poste en CSE.

Cette volonté de la direction de La Poste semble en accord avec son statut de société anonyme (SA). Les deux tiers des salariés sont de droit privé, le recrutement de fonctionnaires ayant pris fin au début des années 2000. Il existe déjà des CSE dans certaines filiales de La Poste, ce qui lui donne une idée du dialogue social qui s'y pratique.

Cependant, les instances représentatives de La Poste relèvent toujours de la loi de 1990. Une nouvelle loi est donc indispensable. C'est pourquoi j'ai déposé cette proposition de loi qui reprend les dispositions du code du travail sur les CSE.

La loi de transformation de la fonction publique prévoit que les dispositions du code du travail relatives aux CHSCT, instance supprimée par une ordonnance Macron de 2017, continuent de s'appliquer à La Poste jusqu'au prochain renouvellement des instances concernées en février 2023. Or rien n'est prévu pour la suite. Ce vide juridique ne peut que nuire à la sérénité du dialogue social dans l'entreprise. C'est pourquoi la proposition de loi reporte à la proclamation des résultats des élections aux CSE la fin du mandat des élus au CHSCT et des comités techniques, au plus tard au 31 juillet 2024.

Un amendement de la commission des affaires sociales, avec lequel je suis en plein accord, a porté cette échéance au 31 octobre 2024.

La priorité de cette proposition de loi est la concorde entre la direction et les organisations syndicales de La Poste. J'espère une majorité des suffrages au Sénat et une adoption conforme par l'Assemblée nationale avant la fin 2022. La mise en place de CSE à La Poste constituera un chantier de grande ampleur en raison de la pluralité de statuts, ainsi qu'un changement culturel majeur. Il sera aussi primordial de relever le défi de la proximité.

Ce texte offre aux partenaires sociaux la visibilité nécessaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDPI)

Mme Brigitte Devésa, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDPI) Pourquoi réorganiser le dialogue social à La Poste ? Parce qu'au moment du vote de la loi de transformation de la fonction publique, il a été décidé que certaines dispositions relatives au dialogue social qu'elle abrogeait continueraient à s'appliquer à La Poste jusqu'au prochain renouvellement des instances concernées.

Il faut donc prévoit le futur cadre, en l'adaptant aux spécificités de l'entreprise : des missions de service public, un rôle majeur dans l'aménagement du territoire, une histoire particulière. Tout comme France Télécom, La Poste est née de la réforme de l'administration des postes et télécommunications introduite par la loi de 1990. En 2010, elle est devenue une SA. Les deux tiers de ses salariés sont de droit privé, un tiers sont fonctionnaires.

La Poste dispose de commissions consultatives paritaires (CCP) pour les premiers, de commissions administratives paritaires (CAP) pour les seconds. S'y ajoutent des comités techniques et 637 comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui n'ont plus d'équivalent ailleurs. Enfin, le conseil d'orientation et de gestion des activités sociales (Cogas) gère l'action sociale. On le voit, ce droit est largement inspiré des règles régissant la fonction publique, les relations collectives s'exerçant dans un cadre hybride.

La loi de 1990 exclut temporairement La Poste du champ d'application des règles qui prévalent dans le privé. L'ordonnance de 2017 a supprimé les CHSCT et la loi de 2019 a substitué les comités sociaux aux comités techniques.

Lorsque les mandats des délégués au CHSCT prendront fin, cette instance ne pourra pas être remplacée. La proposition de loi les prolongeait initialement jusqu'à l'élection des nouveaux délégués du CSE, au plus tard le 31 juillet 2024, mais la commission a préféré repousser l'échéance au 31 octobre 2024, pour laisser le temps à l'entreprise de s'organiser.

La représentativité syndicale sera fondée sur les élections au CSE. Les délégués syndicaux auront l'exclusivité de la conduite des négociations, auxquelles s'appliquera la règle de l'accord majoritaire : 50 % au lieu de 30 % actuellement.

Les comités techniques, les CHSCT et le Cogas seront remplacés par des CSE. Ceux-ci disposent de nombreuses prérogatives, telles que l'expression collective des salariés sur la gestion de l'entreprise et la gestion des activités sociales et culturelles.

Un conseil des questions statutaires doit être consulté avant chaque projet de loi qui concerne les fonctionnaires de La Poste.

L'article 3 instaure un régime transitoire au sein de l'entreprise, pour préparer l'élection des CSE. Le texte prévoit par dérogation au droit syndical des conditions de validité des accords.

La commission a considéré que la proposition de loi offrait un cadre sécurisé et adapté au dialogue social à La Poste tout en assurant la représentation du personnel.

Le chantier de grande ampleur que représente le passage au droit syndical du secteur privé a commencé par un accord de méthode signé en septembre 2022, qui fixe les modalités et les thèmes de la négociation.

Sous réserve de l'adoption de quelques amendements techniques, je vous invite à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - La Poste fait partie de notre vie quotidienne. Nous l'avons vue se transformer. Devenue une société anonyme en 2010, elle a une histoire particulière qui explique la pluralité des statuts de ses effectifs.

Le régime de représentation du personnel est hybride, relevant à la fois du droit de la fonction publique et du droit du travail. Les instances représentatives sont multiples et diffèrent selon la catégorie : il y a des comités techniques, des CHSCT, des CAP et des CCP. En matière de droit syndical, ce sont les règles de la fonction publique qui s'appliquent. Alors que les ordonnances de 2017 unifiaient la représentation du personnel au sein des entreprises, La Poste a conservé une pluralité d'instances.

Cette proposition de loi fait entrer La Poste dans le droit commun du code du travail. C'est logique, sachant que les salariés de droit privé y sont devenus majoritaires. La Poste entre dans le mouvement de modernisation et de simplification de la représentation de son personnel.

Le CHSCT disparaîtra à la fin du mandat de ses membres et le CSE aura vocation à devenir le coeur du dialogue social de l'entreprise. Cette réforme unifiera ainsi les règles du dialogue social.

La proposition de loi prévoit la mise en place d'un CSE de plein droit dès fin octobre 2024, avec quelques adaptations pour tenir compte des spécificités de La Poste, au terme d'une période transitoire ménagée à l'issue des mandats des instances en cours.

C'est un texte de sécurisation juridique, qui fixe un cadre harmonisé et simplifié pour les instances de l'entreprise. Il reviendra aux partenaires sociaux de se saisir des nouveaux outils créés pour le dialogue social. C'est d'autant plus nécessaire que l'entreprise est désormais le niveau de référence pour de nombreux sujets.

Ce texte donne une véritable impulsion au dialogue social au service des droits des 245 000 collaborateurs et des performances de l'entreprise. Le Gouvernement y est tout à fait favorable. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Depuis 1983, La Poste n'a cessé de subir des restructurations délétères, l'éloignant toujours plus de ses missions de service public. Il ne reste que 5 300 bureaux de poste de plein exercice, contre 8 414 il y a encore cinq ans. Le nombre d'employés est passé de 320 000 en 2000 à 180 000 en 2021. Enfin, il n'y a plus que 70 000 facteurs contre 100 000 il y a vingt ans.

Les cadences augmentent et les conditions de travail se dégradent. Chaque année, on dénombre une trentaine de suicides. Les tournées déterminées par algorithme empêchent les postiers de faire valoir leur intelligence dans leur travail. Ce sont les conséquences de ce taylorisme d'un nouveau genre que décrit le sociologue Nicolas Jounin.

On justifie ces réformes par la baisse du nombre de lettres - en masquant la hausse du nombre de colis. Créée par Louis XI, nationalisée par Louis XIV, La Poste est le plus ancien des services publics. Mais le groupe espère une loi pour imposer son new public management contre l'avis des organisations syndicales.

La disparition des CHSCT privera les salariés de leur expertise et de leurs moyens d'alerte, dont celui d'ester en justice contre les risques psychosociaux.

Les milliers de réunions annuelles des comités témoignent des réorganisations incessantes.

Jamais les CSE ne protégeront aussi efficacement les droits à la santé des salariés. Le passage abrupt aux CSE dans une entreprise de cette taille n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact, aucun enseignement n'a été tiré des drames de France Télécom.

Concentration des centres de décision, appauvrissement du dialogue social, atteintes à la proximité, perte de la singularité des territoires, tout dans cette proposition de loi conduit le GEST à voter contre.

Voltaire écrit dans ses Questions sur l'Encyclopédie que la poste est la consolation de la vie. Nous disons qu'elle incarne le service public, et que la défense de ses travailleurs est en congruence avec celle des droits des administrés à des structures publiques fonctionnelles sur tout le territoire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Martin Lévrier .  - En septembre 2017, le Président Macron signait cinq ordonnances renforçant le dialogue social, afin de réformer l'état d'esprit des relations sociales, du code du travail et du marché du travail. Cela s'inscrivait dans un contexte plus large, visant à libérer les énergies des entreprises pour les aider à investir, créer de l'emploi et protéger les salariés.

La première pierre à l'édifice était ainsi posée ; s'ensuivront la formation professionnelle, l'apprentissage, la sécurisation des parcours et, dans quelques jours, l'assurance chômage. Le franc succès des ordonnances n'aurait pu se passer des 300 heures de concertation avec les partenaires sociaux et plus de 80 heures de débat au Parlement.

C'est dans cette logique que s'inscrit la proposition de loi de Mme Saint-Pé. Avec 32 % de fonctionnaires et 68 % de salariés de droit privé, La Poste a un caractère hybride. Elle assure quatre missions de service public : service universel postal, accessibilité bancaire, aménagement du territoire et distribution de la presse. Mais il n'y aura plus, à partir du 1er février 2023, de base légale pour ses CHSCT.

Cette situation contreviendrait au principe constitutionnel de participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail. Ce texte les soumet donc aux dispositions du code du travail relatives aux CSE.

La proclamation des résultats des élections aux CSE est repoussée au 31 octobre 2024, ce qui laisse trois mois de plus à la concertation. Le RDPI y reconnaît une avancée. Il votera ce texte. (Applaudissements sur le banc des commissions et les travées du groupe INDEP)

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Mme Corinne Féret .  - Cette proposition de loi entend créer des CSE à La Poste. Notre groupe y a toujours été opposé.

En 2017, dès la loi d'habilitation, nous avions exprimé de sérieuses craintes, alors que notre pays souffre d'une dévitalisation du dialogue social et d'une perte de proximité entre institutions représentatives du personnel et salariés. En outre, la défense de la santé des salariés est passée au second plan avec la suppression des CHSCT.

Or La Poste n'est pas n'importe quelle entreprise. Depuis 2010, elle est devenue une société anonyme tout en continuant à remplir des missions de service public et d'intérêt général cruciales pour la population. Elle porte le premier réseau commercial de proximité. Son statut et le droit dérogatoire qui lui est applicable sont le fruit de son histoire.

La réduction du nombre d'instances - de 145 comités techniques à 28 CSE et de 637 CHSCT à 121 CSSCT - semble déjà actée avec un mot d'ordre : faire vite et en finir avec la proximité !

Nous parlons tout de même de 170 000 fonctionnaires et salariés, auxquels s'ajoutent 10 000 ETP d'intérimaires, avec une multitude de métiers et de sites. L'entreprise a vocation à servir l'ensemble des territoires métropolitains et ultramarins, six jours sur sept. Notre vote n'a rien d'une formalité.

Ces évolutions augurent-elles d'une politique de réduction des emplois ? Ou d'une accélération de la désertification postale sur notre territoire par la fermeture de bureaux ?

Le passage au CSE suscite déjà des inquiétudes. Laissons plus de temps à la négociation d'un accord ambitieux.

Rien de bon ne se fera sans un minimum d'ancrage dans les territoires. La proximité essentielle pour une bonne représentativité des salariés va être mise à mal. En outre, la spécificité des territoires ultramarins n'est pas prise en compte.

Nous plaidons en faveur d'un droit syndical de transition durant la première mandature du CSE, car il va être mis fin au détachement syndical de mille salariés.

Et qu'en sera-t-il des activités sociales et culturelles après la disparition du Cogas ? Les facteurs, les guichetiers ont de faibles rémunérations ; nous devons veiller à ce qu'ils continuent à bénéficier d'une offre culturelle et sociale de qualité.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi, inacceptable en l'état. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Cette proposition de loi réforme les instances représentatives de La Poste afin de soumettre ses personnels aux dispositions du code du travail relatives aux CSE.

Les institutions représentatives actuelles sont le résultat de l'histoire de l'entreprise. La Poste n'a été concernée ni par l'ordonnance de 2017 ni par la loi de 2019 qui ont fusionné les instances représentatives du personnel dans les entreprises et la fonction publique.

Cette exception est le résultat de l'histoire de La Poste, notamment de l'ouverture du marché du courrier par la troisième directive européenne postale. La Poste devient alors une SA à capitaux publics, au sein de laquelle coexistent différents statuts de personnels et dotée d'institutions représentatives du personnel spécifiques.

L'application aveugle de l'ordonnance de 2017 va diviser par trois le nombre d'instances, avec de surcroît un seul CSE pour tout l'outre-mer.

L'éloignement des représentants syndicaux sera préjudiciable à la prévention des risques professionnels, alors que 146 175 emplois ont été supprimés en vingt ans, que les conditions de travail se sont dégradées, que le recours à la sous-traitance a explosé et que les réformes ont été menées à marche forcée. Entre 2007 et 2014, soixante expertises sur les risques professionnels ont été menées, qui concluent à un système similaire à celui de France Télécom... Or, en remplaçant les CHSCT par les CSSCT, vous rognez les prérogatives des représentants du personnel qui ne pourront plus réaliser d'expertises ni ester en justice.

Nous refusons de cautionner une telle organisation. Le groupe CRCE est profondément attaché à La Poste, premier employeur après l'État avec ses 210 000 agents et qui assure une mission de service public sur l'ensemble du territoire. Nous luttons au quotidien pour maintenir les bureaux de poste dans nos communes. Nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le travail de la commission des affaires sociales, en particulier celui de sa présidente et de la rapporteure. Je remercie également l'auteure de cette proposition de loi.

Le 1er janvier 2023, une page de l'histoire de La Poste se tournera avec la fin du timbre rouge, créé en 1849, remplacé par un timbre téléchargeable. Le timbre rouge, la voiture jaune de La Poste et la voiture bleue d'EDF, c'est cela aussi la France que nous aimons. Certains y verront une anecdote, d'autres la mutation d'une institution, qui, j'espère, nous survivra.

Nous devons nous saisir de la question sociale. Les bouleversements des services de La Poste, notamment dans la ruralité, inquiètent. Ils sont le fruit du contexte européen mais aussi de la diversification des activités, au détriment de la ruralité qui se sent abandonnée. Lorsqu'un bureau de poste ferme, c'est souvent le signe d'un village qui se meurt.

Dans ce contexte, le groupe UC soutiendra ce texte avec la volonté affirmée de faire confiance aux partenaires sociaux, car nous croyons à la démocratie sociale, au solidarisme, n'est-ce pas mon cher collègue de la Marne ? (M. René-Paul Savary approuve.)

Les entreprises ont une responsabilité sociale et environnementale. La négociation et la concertation, sur le modèle rhénan, sont essentielles.

Le cadre de la représentation du personnel à La Poste ne doit plus différer de celui applicable aux autres sociétés anonymes, même si une partie de ses collaborateurs relèvent du droit public. Nous veillerons à ce que cette évolution se fasse dans l'intérêt de chacun.

C'est un chantier d'envergure. Les partenaires sociaux vont devoir négocier un cadre de dialogue social ambitieux qui prenne en compte le défi de la proximité et les besoins des territoires, en particulier outre-mer.

Le texte laisse le temps à la mise en place des nouvelles institutions et je me réjouis que la commission ait ajouté un délai supplémentaire de trois mois.

Nous posons un cadre, aux partenaires sociaux de se saisir des outils pour faire vivre le dialogue social. Simplicité doit rimer avec efficacité et proximité. D'ailleurs, toutes les filiales de La Poste, notamment la Banque Postale, sont déjà dotées d'un CSE.

La dernière campagne publicitaire de La Poste affirmait : « La proximité, c'est un métier. » Oui, et c'est aussi une vocation. C'est le sens de ce texte que nous voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)

Mme Guylène Pantel .  - C'est non sans nostalgie pour les nombreuses années passées au sein du groupe La Poste que je m'exprime et je salue l'engagement quotidien des salariés pour faire vivre les valeurs originelles de l'entreprise.

L'ouverture de ce chantier devenait pressante. Au nom du néolibéralisme et de la course à la rentabilité, une succession de lois a modifié le modèle de La Poste, qui compte une pluralité de statuts pour le personnel -  tantôt de droit public, tantôt de droit privé.

La prorogation des mandats des membres des comités techniques et des CHSCT est une mesure de bon sens pour éviter une période d'absence de dialogue et je souscris à l'amendement du groupe SER relatif à l'année civile.

Quant aux autres dispositions sur le droit syndical et les salariés détenant un mandat électif de représentation du personnel, elles correspondent à notre vision de rapports équilibrés entre employeurs et employés. Mais veillons à ne pas perdre la proximité avec le personnel.

La sociologue Nadège Vezinat, dans son livre Les métamorphoses de La Poste, montre bien comment le groupe a progressivement rationalisé ses activités. Les salariés doivent avoir voix au chapitre pour concourir aux destinées de l'entreprise.

Tout en faisant preuve de vigilance, le RDSE votera majoritairement ce texte. (Mme Colette Mélot applaudit.)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il s'agit d'appliquer à La Poste la réforme du dialogue social que nous avons votée en 2017. Les CSE ont été créés pour fusionner délégués du personnel, CHSCT et comités d'entreprise. En 2019, cette réforme a été étendue à la fonction publique.

L'évolution historique de La Poste explique son organisation actuelle. À l'origine, il s'agissait d'une entreprise publique centrée sur sa mission de distribution du courrier. Puis, avec le développement de ses activités bancaires, elle s'est transformée en société anonyme à capitaux publics en 2010, tout en conservant sa mission de service public. Deux tiers de ses effectifs sont désormais de droit privé. L'existence de statuts distincts explique l'organisation hybride de ses instances représentatives du personnel. Cette situation sans équivalent ne saurait perdurer.

La proposition de loi prévoit une période de transition bienvenue. La fin des mandats est actuellement fixée au 31 janvier 2023 ; au-delà, ils n'auront plus de base légale. Alors que la proposition de loi prévoyait leur prorogation jusqu'au 31 juillet 2024, la commission a choisi la date du 31 octobre 2024 : cela me paraît satisfaisant, et d'ailleurs les syndicats ont signé à plus de 54 % l'accord de méthode.

Ensuite, la proposition de loi rend applicables à La Poste les dispositions du code du travail sur le droit syndical et les institutions représentatives du personnel. Toutes les organisations syndicales - sauf Sud-PTT - sont favorables à la mise en place des CSE. Bien évidemment, la proposition de loi veille à prendre en compte la situation particulière des fonctionnaires avec la création du conseil des questions statutaires et le maintien des commissions administratives paritaires (CAP) pour les décisions individuelles. En termes de représentativité, la réforme est exigeante puisqu'elle impose un seuil de 10 % des suffrages exprimés aux élections des CSE et la règle de l'accord majoritaire pour l'adoption des accords collectifs.

La mise en place des CSE sera nécessairement délicate. Nous devrons veiller à conserver la proximité, tout particulièrement outre-mer. Nous voterons ce texte, tout en restant attentifs aux solutions proposées par La Poste dans les prochains mois. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La Poste n'est pas une entreprise comme les autres.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Eh non !

Mme Colette Mélot.  - Issue des relais de poste de Louis XI, elle trouve vraiment son origine au XVIIe siècle avec la Poste aux lettres, dirigée par le surintendant général des postes.

Elle se caractérise par une pluralité des statuts - fonctionnaires, salariés de droit privé et agents contractuels de droit public - et une grande diversité d'activités - service postal, téléphonie mobile, banque, assurance, services numériques, commerce en ligne, etc.

Cette proposition de loi modifie l'organisation des instances représentatives afin de les soumettre au code du travail. En 2017, les CHSCT ont disparu au profit des CSE. Or la loi de 2019 a prévu que les CHSCT de La Poste continueraient de fonctionner jusqu'à leur prochain renouvellement, sans prévoir les modalités de fonctionnement ultérieures. La proposition de loi prolonge donc les mandats des CHSCT jusqu'à la mise en place des CSE, au plus tard le 31 juillet 2024. Je souscris à la proposition de la commission de reculer cette date au 31 octobre 2024 afin de favoriser la négociation.

C'est un chantier vaste et complexe. Le groupe INDEP, convaincu de la nécessité de ce texte, le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Féret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 1

Après le mot :

prorogés

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

jusqu'au 31 décembre 2024.

Mme Corinne Féret.  - Le passage au CSE est une transformation complexe. Prévoyons une date d'application fixe, qui corresponde de surcroît à l'année civile.

Mme Brigitte Devésa, rapporteure.  - Certes, le passage au CSE est un changement important. Mais la commission a déjà prorogé les mandats des représentants du personnel de La Poste jusqu'au 31 octobre 2024, au lieu du 31 juillet. Cela nous semble suffisant pour la négociation sur la future architecture des CSE et les modalités de futures élections professionnelles, d'autant que les mois de novembre et décembre sont traditionnellement très chargés. Enfin, une prolongation excessive pourrait constituer une atteinte disproportionnée au droit d'expression des salariés. Avis défavorable.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - La mise en place de ces nouvelles structures suppose une période de transition qui doit s'appliquer à l'ensemble des CSE. Les protocoles d'accord électoraux détermineront les modalités et les dates des élections. Le texte issu de la commission sécurise cette transition. Avis défavorable.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Féret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

À compter de cette date et pour la durée de la première mandature des comités sociaux et économiques, il est prévu la mise en place d'un droit syndical de transition pour les salariés dont le mandat a pris fin.

Mme Corinne Féret.  - Le passage direct aux IRP de droit commun va constituer un choc culturel et social pour plus de 1 000 représentants syndicaux dont le détachement prendra fin. Leur reconversion professionnelle doit être anticipée.

Mme Brigitte Devésa, rapporteure.  - Les anciens représentants du personnel bénéficieront d'une transition en sécurité, ainsi que le prévoit l'article 3 pour une durée de six mois. Par ailleurs, il appartient à La Poste de reconnaître les compétences acquises par ces représentants et de faciliter leur évolution vers des postes au sein du groupe. Avis défavorable.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - On peut comprendre votre proposition d'introduire un droit syndical de transition, mais sa traduction législative est insuffisamment précise. L'article 3 prévoit déjà une telle période au cours de laquelle les règles de protection du code du travail s'appliqueront, de même que les règles spécifiques propres à La Poste. Une discussion sur la valorisation des parcours syndicaux s'engagera alors. Avis défavorable.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Féret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4, dernière phrase

Après le mot :

notamment

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

à la mise en place de commissions territoriales et autres adaptations justifiées par la situation particulière des fonctionnaires de La Poste

Mme Corinne Féret.  - L'instance centralisée prévue pour la représentation des fonctionnaires est insuffisante. Il faut aussi des instances territorialisées.

Mme Brigitte Devésa, rapporteure.  - Les fonctionnaires seront représentés au sein des CSE ; les CAP resteront compétentes pour les questions individuelles ; et un organisme spécifique - dont l'organisation et le fonctionnement seront fixés par décret en Conseil d'État - sera consulté sur les questions statutaires. Nul besoin d'instances supplémentaires. Avis défavorable.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Pour les mêmes raisons, avis défavorable. Les conditions de travail sont sans lien avec le statut des fonctionnaires, qui conservent leurs structures de représentation propre. Avis défavorable.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Féret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Un comité social et économique est institué dans chaque collectivité régie par l'article 73 ou 74 de la Constitution.

Mme Corinne Féret.  - Cet amendement, rédigé avec Victoire Jasmin, crée un CSE dans chaque collectivité d'outre-mer pour plus de proximité.

Mme Brigitte Devésa, rapporteure.  - Cette inquiétude a été soulevée par Mme Jasmin lors des auditions. La création d'un CSE relève de la négociation collective et n'est pas liée au découpage administratif des collectivités territoriales. Il revient aux partenaires sociaux et à la direction de La Poste de définir le bon maillage. Faisons-leur confiance. Retrait ou avis défavorable.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

Mme Corinne Féret.  - Je ne retirerai pas cet amendement, pour défendre la proximité. Comme le dit souvent Victoire Jasmin, les surcoûts liés aux déplacements entre ces territoires sont très importants : il s'agit d'une forme de maltraitance institutionnelle. Un seul CSE pour tout l'outre-mer, c'est trop peu. Ce manque flagrant de proximité entraînera nécessairement une dégradation du lien avec les salariés.

M. Pascal Savoldelli.  - Le groupe CRCE votera cet amendement. Vous dites qu'il faut faire confiance à La Poste, madame la rapporteure ?

Stuart est une filiale à 100 % de La Poste : l'entreprise est poursuivie pour employer des livreurs autoentrepreneurs à qui elle donne des ordres quotidiennement via vingt sociétés, le tout pour échapper au droit du travail et à l'administration fiscale... (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Féret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 13 et 14

Remplacer le mot :

octobre

par le mot :

décembre

Mme Corinne Féret.  - Amendement de conséquence.

Mme Brigitte Devésa, rapporteure.  - Avis défavorable. Nous avons déjà repoussé le délai. Cela suffit.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Devésa, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 1

Après la référence :

L. 2314-6,

insérer la référence :

L. 2314-7,

et après la référence :

L. 2314-15,

insérer la référence :

L. 2314-27,

II.  -  Alinéa 3

Remplacer le mot :

article

par la référence :

I

III.  -  Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La validité des accords mentionnés aux articles L. 2314-12 et L. 2314-27 dudit code est subordonnée à leur signature par toutes les organisations syndicales disposant d'au moins un siège au comité technique national.

IV.  -  Alinéa 4

Après la première occurrence du mot :

des

insérer le mot :

autres

V.  -  Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l'exclusion de ceux prévus au I du présent article

VI.  -  Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

Mme Brigitte Devésa, rapporteure.  - Cet amendement procède à diverses coordinations, pour préciser les modalités de conclusion des accords préélectoraux.

L'amendement n°6, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Devésa, au nom de la commission.

Alinéa 5

1° Après la première occurrence du mot :

à

insérer les mots :

l'ensemble du personnel de

2° Remplacer les références :

L. 2314-1 à L. 2314-37

par les références :

L. 2314-1, L. 2314-4, L. 2341-6, L. 2314-7, L. 2314-9, L. 2314-11 à L. 2314-15, L. 2314-17 à L. 2314-19, L. 2314-23, L. 2314-25 à L. 2314-34

Mme Brigitte Devésa, rapporteure.  - Cet amendement de coordination procède à la correction de références au code du travail.

L'amendement n°7, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Devésa, au nom de la commission.

Alinéa 9, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Jusqu'à la mise en place des comités sociaux et économiques à La Poste, la commission consultative paritaire compétente rend un avis sur la rupture ou le transfert du contrat de travail de ces salariés.

L'amendement rédactionnel n°8, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Devésa, au nom de la commission.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de La Poste sont transférés de plein droit et en pleine propriété aux comités sociaux et économiques de La Poste mis en place au terme du mandat en cours des instances précitées et au plus tard à la date prévue au I de l'article 1er de la présente loi.

Mme Brigitte Devésa, rapporteure.  - Les CHSCT sont dotés de la personnalité morale : il faut prévoir le transfert de leurs droits et obligations aux CSE.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Cette disposition s'inspire du transfert des biens des comités d'entreprise aux CSE. Avis favorable.

L'amendement n°9 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

À la demande des groupes CRCE, UC et de la commission, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°9 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 253
Contre  91

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

La séance, suspendue à 15 h 20, est reprise à 16 heures.