Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales.

Discussion générale

Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Je suis très heureuse de présenter cette proposition de loi. L'aide universelle d'urgence que nous proposons est nécessaire pour aider les victimes de violences à sortir de la dépendance financière qui les contraint souvent à renoncer à quitter leur conjoint ou à revenir au domicile conjugal.

Je souhaite associer les équipes du conseil départemental du Nord, présentes en tribune, à cette proposition de loi, car elle est aussi le fruit de leur travail de terrain, avec les gendarmes et les travailleurs sociaux. C'est en effet avec eux que nous avons expérimenté le dispositif dans le Valenciennois.

Je tiens aussi à remercier notre rapporteure Jocelyne Guidez qui a enrichi ce texte en commission.

Le Président de la République a fait des droits des femmes une des grandes causes du quinquennat. Le Grenelle des violences conjugales a débouché sur un plan d'action global. La Première ministre a renouvelé cet engagement.

C'est d'autant plus nécessaire que les chiffres sont glaçants : en 2020, on a dénombré 159 400 victimes de violences conjugales, soit 10 % de plus en un an ; en 2021, il y a eu 143 morts violentes au sein du couple, dix-huit de plus que l'année précédente. À Valenciennes, mille victimes sont accompagnées chaque année et la gendarmerie traite huit cas de violences conjugales par jour.

Le Gouvernement doit renforcer ses actions de prévention en lien avec les acteurs de terrain. Les 36 recommandations du rapport de 2018 de la délégation aux droits des femmes constitueraient une excellente feuille de route.

Mais il faut aussi aider les victimes qui trouvent la force de quitter le domicile conjugal. C'est tout l'enjeu de cette aide universelle, octroyée sous la forme d'un prêt sans condition de ressources ni de statut, car les violences n'épargnent personne.

Il fallait aussi une aide d'urgence parce que le temps est souvent compté. L'aide sera débloquée dans les 72 heures : c'est un juste équilibre entre le besoin d'une solution rapide et la capacité des CAF à instruire les demandes.

Son montant sera l'équivalent du RSA, versé en trois mensualités. J'entends les critiques sur le coût budgétaire du dispositif, mais il est maîtrisé. Son impact sur les finances publiques est sans commune mesure avec les effets des violences : 200 euros par jour pour un placement en maison d'enfants, soit 6 000 euros par mois...

En outre, un mécanisme de remboursement mettra à contribution l'auteur des violences. La CAF pourra se porter partie civile afin d'obtenir réparation.

Enfin, le président du département sera saisi dès la demande de prêt, afin que la victime soit accompagnée par un travailleur social dans l'objectif de reconquérir une indépendance matérielle.

Tous, nous rejetons la violence qui détruit de trop nombreuses familles, dans toutes les couches de la société. Notre pays s'est toujours grandi à protéger les plus fragiles.

Cette aide universelle s'adresse à toutes les victimes, quels que soient leur sexe, leur statut ou leur âge. Elle leur permettra de relever la tête, de s'extraire d'une situation de souffrance et de douleur. Si vous l'adoptez, elle deviendra un instrument essentiel pour accompagner les victimes et réduire les violences. (Applaudissements)

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - La présidente Létard a rappelé le contexte douloureux : en dépit de la mobilisation des pouvoirs publics, on compte en moyenne 295 000 victimes de violences conjugales par an entre 2011 et 2018, dont 72 % de femmes, dans l'Hexagone. Quant aux outre-mer, 20 % des femmes interrogées en Martinique et en Guadeloupe ont déclaré subir des violences conjugales, selon une étude de l'Institut national d'études démographiques (Ined) de 2018.

Ce texte découle du constat qu'il manque une aide d'urgence pour aider les femmes à quitter le domicile conjugal. Car la précarité économique et les incertitudes financières les empêchent souvent de couper les ponts avec leur tortionnaire qui use parfois de chantage, de confiscation des ressources ou des moyens de paiement, etc.

Avec ce texte, une aide d'urgence sera délivrée en trois jours par les CAF, pour une durée de trois mois. Cela rappelle la proposition de loi de Michelle Gréaume qui permettait aux CAF de délivrer une avance sur droits au RSA.

Le texte prévoit un dispositif sui generis de prêt à taux zéro proche de l'actuel prêt d'honneur des CAF. Son montant sera fixé par décret, avec des majorations pour enfant.

La commission a conditionné la délivrance de l'avance à une ordonnance de protection ou à un dépôt de plainte. Mais, nous le savons, les femmes osent rarement pousser la porte du commissariat ou de la gendarmerie : seules 5 800 ordonnances de protection ont été délivrées en 2021. La commission a donc élargi les conditions à un signalement au procureur de la République. Et certains hôpitaux ont contractualisé avec le parquet pour faciliter les signalements de victimes prises en charge médicalement.

La victime pourra également bénéficier des droits accessoires au RSA, notamment de l'accompagnement social et professionnel. Un amendement de Mme Jasmin lui permettra d'être domiciliée auprès d'un centre d'action sociale.

La dette pourra être remboursée ou récupérée sur les prestations sociales. Mais les CAF pourront aussi accorder des remises ou des réductions de créances afin de ne pas aggraver une situation déjà difficile. Un mécanisme de subrogation est également prévu au profit des CAF, pour demander réparation au nom des parties civiles quand la victime renonce à faire valoir son droit. La récupération de la créance de la CAF pourra alors se faire sur les éventuels dommages et intérêts.

Les gendarmes ou policiers recevant la plainte devront non seulement informer la victime qu'elle peut demander cette aide, mais aussi transmettre la demande à la CAF et au département. Car une simple information sur les droits serait insuffisante : des personnes en état traumatique n'iront pas si facilement à la CAF.

Notre commission a adopté ce texte en considérant qu'il complète utilement les dispositifs existants ; l'expérimentation en cours dans le Nord nourrira des améliorations au cours de la navette.

Le Gouvernement a annoncé par ailleurs des mesures inspirées par des expérimentations dans le Var. Nous nous réjouissons que ces avancées aillent dans la même direction, sans être concurrentes. (Applaudissements)

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Permettez-moi de vous féliciter pour votre mobilisation au service de la lutte contre les violences faites aux femmes, grande cause nationale des deux quinquennats. Je connais l'engagement du Sénat, dont témoignent les nombreuses cosignatures transpartisanes de ce texte.

Le Grenelle et le travail conjoint Gouvernement-Parlement ont débouché sur de nombreuses actions concrètes. Notre société s'est collectivement ressaisie grâce à la vague #MeToo : trop longtemps, elle n'a pas cru les victimes, les laissant seules et abandonnées dans le huis clos avec leur agresseur.

Depuis cinq ans, nous avons renforcé les dispositifs existants et en avons créé de nouveaux : téléphone grave danger, ordonnances de protection, bracelets anti-rapprochement, développement du travail social dans les commissariats, formation massive des policiers, gendarmes et magistrats, augmentation des places en hébergement d'urgence... Ce mouvement sera poursuivi.

Le 2 septembre, la Première ministre a annoncé un comité interministériel sur l'égalité hommes-femmes dans les prochains mois, afin d'établir notre feuille de route pour les cinq ans à venir.

Oui, il faut aider les victimes à sortir de l'emprise. En trente ans de magistrature, dont quelques années de présidence de cour d'assises, j'ai trop vu de faux départs de femmes qui, même après avoir eu le courage de révéler les faits, retournent chez leur conjoint - c'est souvent à ce moment-là que l'irréparable se commet. Le pacte Nouveau départ sera expérimenté dans le cadre du comité interministériel.

La perspective de devoir rembourser l'avance versée pourrait dissuader les femmes d'y recourir. Votre texte permet à la CAF, via une subrogation, de se retourner vers l'auteur des violences pour obtenir le remboursement ; mais cela se heurte au principe de la subrogation légale, qui exige que les créances soient de même nature ; or le prêt est d'une nature distincte des dommages et intérêts. La mesure semble donc d'application à la fois complexe et hypothétique.

Les besoins de ces femmes sont multiples : logement, aide financière, accès aux droits, garde d'enfants, formations professionnelles, accompagnement psychologique. Cela appelle une prise en charge globale, coordonnée et prioritaire. C'est la logique du pacte Nouveau départ. Plusieurs expérimentations territoriales seront lancées, auxquelles seront pleinement associés les parlementaires. Nous nous inspirerons aussi de ce qui se fait par exemple en Côte-d'Or, dans le Var ou le Val-d'Oise.

L'expérimentation du Nord qui a inspiré votre proposition de loi est intéressante ; elle sera intégrée dans nos réflexions pour être enrichie.

Le Gouvernement s'en remettra donc à la sagesse du Sénat et s'engage à trouver les synergies au niveau local pour faire émerger des actions concrètes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP, SER et CRCE)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Il est des sujets qui appellent la plus grande précaution. C'est le cas des violences conjugales, où l'on s'immisce dans l'intime. Mais cela ne doit pas empêcher d'agir, en préférant l'action aux condamnations à l'emporte-pièce. Je salue donc l'initiative de Valérie Létard.

Une proposition de loi directement inspirée d'une expérimentation de terrain est de nature à rassurer. Les acteurs sont unanimes : le soutien doit passer par une aide d'urgence rapidement décaissée. Les victimes de violences conjugales sont fragiles et précaires, car elles partagent le domicile et les revenus de leur bourreau. Ainsi s'installe le cercle vicieux de la violence dans le quotidien d'un couple, avec une gravité croissante. Que faire face à la banalisation du mal ?

La proposition de loi offre justement l'espoir d'une échappatoire, en débloquant en trois jours un pécule pour la victime. Je me suis interrogée sur les modalités de versement de l'avance et le recouvrement. Les précisions apportées depuis me rassurent ; elles rendent le dispositif plus opérant.

L'enjeu est d'apporter une réponse rapide pour éviter l'irréparable. Priorité doit être donnée à la célérité du dispositif ; le contrôle ne doit intervenir qu'ex post, pour ne pas ralentir une procédure où la mise à l'abri tient à peu de chose.

Je salue un travail parlementaire de grande qualité. Le groupe INDEP a déposé un amendement sur le versement de l'avance par les caisses de MSA.

Nous soutenons cette initiative, dont nous espérons une mise en oeuvre rapide. (Applaudissements)

Mme Mélanie Vogel .  - Voilà un sujet plus facile que celui d'hier... (Sourires)

Il y a quarante ou cinquante ans, les mots « féminicide » et « violences conjugales » faisaient leur apparition grâce au mouvement féministe. Il y a trente et un ans, était créé le premier numéro d'appel anonyme. Il y a six ans, le premier décompte des féminicides. Il y a cinq ans, #MeToo libérait la parole des femmes, notamment sur la violence au sein des couples. Depuis, les textes de loi se sont succédé - 2014, 2018, 2020 -, mais les femmes continuent de mourir : déjà cent deux féminicides en France en 2022. Croire la parole est essentiel, mais encore faut-il, ensuite, pouvoir s'enfuir du domicile.

La majorité des hommes continuent à gagner plus que leur conjointe : 47 % de plus en moyenne. D'où ce texte qui vise à donner aux femmes les moyens de partir. Mais le prêt, par nature, appelle remboursement, ce qui peut être compliqué pour les femmes victimes. De plus, si la poursuite en justice échoue - et 80 % des plaintes pour violences conjugales sont classées sans suite dans notre pays -, il faudra quand même rembourser... Si la plainte aboutit, la CAF pourra se rembourser sur les dommages et intérêts, alors que ces derniers ont une autre vocation.

Les Françaises résidant à l'étranger sont oubliées par ce texte qui impose l'inscription au registre des Français établis hors de France - ce que plus de la moitié ne font pas.

Le GEST votera malgré tout cette modeste avancée ; mais n'oublions pas le chemin qui reste à parcourir en termes de prévention, de formation, de moyens financiers, de lutte contre l'impunité, de neutralisation des agresseurs. N'oubliez surtout pas d'aller manifester le 16 novembre avec #NousToutes, car c'est par la rue que nous gagnerons nos combats. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes CRCE, SER et du RDPI ; M. Franck Menonville et Mme Valérie Létard applaudissent également.)

M. Xavier Iacovelli .  - Quelque 213 000 femmes déclarent avoir été victimes de violences conjugales sur une année. Une femme en meurt tous les trois jours et demi. Ces violences touchent tous les territoires et toutes les catégories sociales.

Il faut donc agir. D'abord en protégeant : la loi de 2010 permet au juge aux affaires familiales (JAF) de prendre des mesures de protection sans que la victime ait déposé plainte. Ensuite en éloignant l'agresseur : le bracelet anti-rapprochement introduit en 2019 permet d'éloigner le conjoint violent et le référé violences conjugales permet au juge d'attribuer le domicile conjugal à la victime. En portant assistance aux victimes avec la généralisation du téléphone grave danger et le déploiement du 3919. En agissant enfin pour l'avenir des victimes : c'est l'objet du pacte Nouveau départ. .

Mais trop de femmes s'enferment dans le déni, parfois dans la honte et renoncent à s'enfuir. Il faut des réponses concrètes. C'est l'objet de ce texte, que j'ai cosigné. Il permettra à la victime de s'extraire du danger, avec ses enfants, grâce à un dispositif d'autonomie financière. Car les enfants, parfois instrumentalisés, sont aussi victimes. Ils ont davantage de problèmes de santé : retards de croissance, troubles du comportement.

Nous sommes réservés sur le principe du prêt, source d'insécurité pour des femmes déjà en situation de précarité. Je ne doute pas que Mme Létard nous apportera des réponses sur ce point.

Le RDPI votera sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements)

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Madame Létard, merci d'avoir proposé ce texte et d'avoir mis en oeuvre une expérimentation dans votre département.

Ceux qui ont accompagné des victimes le savent : l'un des premiers freins à la dénonciation des violences est la crainte de devoir quitter le domicile sans ressources, crainte aggravée quand il y a des enfants. C'est l'une des nombreuses raisons qui explique que la femme reste.

L'indépendance économique est une véritable prévention contre la survenue de violences conjugales -  c'est pourquoi je défends la déconjugalisation de l'allocation de soutien familial et l'augmentation du Smic, car en 2021, 59,3 % des salariés au Smic sont des smicardes.

Nous fêtons cette année les cinq ans de #MeToo. Le combat contre les violences conjugales est désormais un objet de politique publique. Il n'a pas commencé en 2017 : j'ai eu l'occasion de défendre le cinquième plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes. C'est désormais un sujet de société partagé.

Madame la ministre, le Grenelle, c'est bien, mais un vrai plan de lutte serait bienvenu.

Il reste beaucoup à faire, sur le plan légal et pratique : restriction à l'exercice de l'autorité parentale pour l'auteur des violences, exclusion de l'auteur des violences du domicile, augmentation de la durée et de la portée de l'ordonnance de protection, dissimulation de la nouvelle adresse et de l'école où les enfants sont scolarisés à l'ex-conjoint, renforcement de la lutte contre les violences après la séparation. La mission parlementaire que vous avez lancée permettra, au-delà de la question des juridictions spécialisées, de combler les lacunes.

L'aide financière d'urgence est indispensable pour mettre fin aux violences ; la Cnaf est excédentaire cette année, de quoi lever toutes les hésitations.

Cette mobilisation financière de la collectivité publique est un juste retour des choses. Le coût de la virilité, ouvrage de Lucile Peytavin, montre que la violence masculine est « omniprésente et coûteuse pour la société ». Elle coûte 7 milliards d'euros sur les 9,06 milliards d'euros du budget total de la justice ; 8,6 milliards d'euros sur les 13,1 milliards d'euros du budget total des forces de l'ordre ; 2,3 milliards d'euros sur les 16,1 milliards d'euros du budget total des urgences et des hospitalisations qui s'ensuivent. Il faut y ajouter le coût humain et social, avec tant de vies brisées. Plus de 200 000 femmes sont victimes de violences de leur conjoint ou ex-conjoint, à 96 % des hommes. Au total, cela représente 3,3 milliards d'euros par an pour nos finances publiques.

Au regard du coût de la violence masculine, le budget mobilisé par ce texte paraît minuscule, d'autant qu'il s'agit de prêts appelés à être remboursés.

Le groupe SER votera avec enthousiasme cette proposition de loi. (Applaudissements)

Mme Michelle Gréaume .  - Le sujet des violences conjugales revient régulièrement devant notre assemblée. Il reste beaucoup à faire pour éradiquer ce mal. Le Nord est le deuxième département de France métropolitaine le plus touché. Au plan national, en 2019, 213 000 femmes ont été victimes de violences physiques ou sexuelles de leur partenaire ou ex-partenaire. Le nombre de féminicides a augmenté de 20 % en 2021. Pas moins de 122 de nos soeurs, mères, cousines, voisines, filles, sont mortes sous les coups d'un conjoint ou ex-conjoint, contre 102 en 2020. Les femmes sont dissuadées de partir par manque d'autonomie financière : en effet, il est fréquent que les victimes n'aient pas accès au compte bancaire du foyer, ou pas de sources de revenus personnelles. Ces difficultés entraînent très souvent un retour contraint au domicile familial.

J'avais déposé en 2021 une proposition de loi prévoyant le versement d'urgence du RSA pour aider les victimes de violences intrafamiliales ; ce dispositif sera expérimenté dans mon arrondissement du Valenciennois. Nous regrettons que l'évaluation de cette expérimentation n'ait pas été attendue avant de débattre d'un dispositif alternatif.

La commission a cadré les conditions d'accès à l'aide sans les rendre trop restrictives. Le soutien au départ d'urgence ne remet pas en cause la nécessité de l'éloignement des auteurs de violences.

Ce texte ne résout pas tout. Les associations demandent 1 milliard d'euros pour pouvoir mener une lutte efficace, dans l'esprit de la grande cause nationale décrétée en 2017. La protection des femmes et des enfants est également indispensable pour éviter la reproduction des comportements de génération en génération.

Avec ce texte, le Sénat montre que nous sommes capables de transcender les divisions partisanes pour lutter contre les violences conjugales. Le groupe CRCE le votera. (Applaudissements)

Mme Annick Jacquemet .  - (Applaudissements sur les travées des groupe UC et INDEP, ainsi que sur le banc des commissions) Cinq ans que #MeToo a libéré la parole des femmes ; cinq ans qu'elles sont sorties du silence, bravant le sentiment de honte qui les enferme dans un sentiment de culpabilité. Les témoignages se sont multipliés, les victimes ont parlé et la société les a enfin écoutées.

Les violences conjugales sont un phénomène complexe - physique, psychologique, mais aussi économique, se traduisant par une précarité très forte de la victime. Le chantage financier, la rétention des moyens de paiement acculent la femme et la poussent à des surendettements personnels : 19 % des femmes qui appellent le 3919 se disent victimes de violence économique. Les plaintes sont en hausse : 159 400 en 2021, alors que le ministère évalue à 295 000 le nombre annuel de victimes de violences conjugales, dont 72 % de femmes - et n'oublions pas les 28 % d'hommes. En 2021, 122 femmes ont été tuées, soit une hausse annuelle de 20 %. En Martinique et en Guadeloupe, une femme sur cinq s'est déclarée victime de violences conjugales en 2018, d'après l'Ined.

Les dispositifs comme le téléphone grave danger, le 3919 joignable sans interruption depuis août 2021, la messagerie instantanée pour dialoguer avec la police, les neuf mille places d'hébergement, avec les mille nouvelles places décidées en début d'année, l'ordonnance de protection pour éloigner le conjoint violent, les bracelets anti-rapprochement, les centres de prise en charge des auteurs de violence sont des avancées. Les appels au 3919 montrent que 59 % des victimes souhaitent quitter le domicile conjugal, mais 18 % d'entre elles finissent par revenir, faute de moyens financiers. Il est difficile de couper les ponts avec le tortionnaire.

L'aide financière prévue par ce texte est une mesure de bon sens qui émane du terrain : services sociaux, CAF, parquets, associations. Au vu de mon expérience de vice-présidente en charge des solidarités dans le Doubs, cette proposition de loi est bienvenue.

Quelques éléments de la proposition de loi me semblent importants : au-delà de 72 heures, la plupart des victimes sont contraintes de revenir au domicile. Le délai prévu est donc le bon. L'aide est un prêt à taux zéro qui doit être remboursé, mais la CAF peut se rembourser sur les dommages et intérêts grâce à un mécanisme lui permettant de se substituer à la partie civile. L'aide est universelle : c'est heureux, car il n'y a pas de raisons de faire de différence entre les milieux sociaux dans l'urgence. L'officier de police ou le gendarme enregistrera la demande d'aide et la transmettra à la CAF et au département. Cela nécessitera une parfaite formation des policiers.

Je salue le travail formidable mené par les partenaires, au sein d'associations souvent en difficulté financière. Je garde à l'esprit la lueur d'espoir dans les yeux des victimes qui entrevoient enfin la fin de leur calvaire.

Je remercie l'auteure, la rapporteure et les signataires de cette proposition de loi que mon groupe votera. (Applaudissements)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Mme Esther Benbassa .  - Comme le souligne le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, « l'autonomie financière est une condition pour reprendre sa vie en main », a fortiori pour des femmes victimes de violences conjugales. C'est un long parcours, qui suppose écoute et aide. Cette proposition de loi est une pierre à la construction d'une culture de la protection.

Sur plus de 350 000 interventions des forces de l'ordre, seules 79 000 procès-verbaux de renseignement judiciaire et mains courantes ont été déposés en 2019. La faille réside dans cet écart.

Mardi, j'ai rencontré Aïcha, au foyer Louise Labé, un centre d'hébergement spécialisé géré par l'association Halte aux femmes battues. Voici son témoignage : « mon mari me frappait, il me disait : ?Maintenant que tu n'as plus de famille, je fais ce que je veux de toi.? Alors un jour je suis partie, avec un bébé dans le ventre, un autre dans les bras, avec mes claquettes aux pieds et rien d'autre. Pendant deux ans, je n'ai pu toucher aucune aide. »

La relative libération de la parole des femmes oblige les institutions à agir, ce que fait ce texte. Les femmes doivent être guidées dans leurs démarches. Le courage ne suffit pas, car leur vulnérabilité est entretenue par des mécanismes d'emprise. Je voterai pour ce texte, malgré l'insuffisance de l'aide. (Applaudissements)

M. Éric Gold .  - Difficile de ne pas partager l'ambition du texte de Valérie Létard qui a eu l'amabilité de nous inviter à le cosigner, ce qu'ont fait plusieurs membres du RDSE.

En 2022, le phénomène des violences conjugales ne recule pas, d'après les statistiques - ce qui a poussé le Président de la République à faire du sujet, à nouveau, une grande cause nationale de son second quinquennat. Le sujet a fait la une des médias, prouvant qu'aucun milieu n'était épargné, certains hommes politiques ayant encore du chemin à parcourir.

En 2019, le Grenelle des violences conjugales a abouti à 54 mesures, dont 46 sont actuellement appliquées. Des outils ont été mis en place, comme le téléphone grave danger ou le bracelet anti-rapprochement. Ils doivent être accompagnés d'une formation des forces de l'ordre et d'une éducation à la vie affective et sexuelle, pour espérer une amélioration de la situation.

L'objet de cette proposition de loi est de répondre à la dépendance financière. De nombreuses victimes renoncent à quitter le domicile conjugal, notamment quand elles ont des enfants. Le RSA est versé trop tard, d'où la proposition d'une aide d'urgence sous trois jours. L'avance prévue est conditionnée par une ordonnance du juge, un dépôt de plainte ou un signalement d'un professionnel de santé au procureur. La victime n'aurait plus à la rembourser si des dommages et intérêts étaient prononcés, puisque la CAF pourrait récupérer une partie de la somme. Cette aide n'est pas conditionnée à un accès au RSA, ce qui la rend universelle. L'expérience menée dans le Nord était utile avant sa généralisation.

Le chantage financier et la confiscation des moyens de paiement sont fréquents. Pour toutes ces raisons, le RDSE votera d'une seule voix pour cette proposition de loi. (Applaudissements)

Mme Alexandra Borchio Fontimp .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Que répondre aux victimes de violences dont certaines, hélas, ne peuvent plus nous entendre ? Nos propos ne les apaiseront pas. Mais un véritable cadre protecteur doit être mis en place pour que la peur change de camp et qu'elles gardent leur liberté et leur dignité. Notre ton doit être humble, notre volonté politique ambitieuse.

Cette proposition de loi va dans le bon sens pour libérer les femmes de la dépendance financière.

Le Sénat s'est saisi depuis longtemps de ce fléau et a fait de nombreuses propositions utiles. Le rapport récent sur les zones blanches de l'égalité doit alerter le Gouvernement sur les zones rurales, qui sont un terreau pour les féminicides. Les réponses doivent être les mêmes dans les zones rurales, dans les outre-mer.

À 36 jours de la journée internationale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes, disons notre admiration pour celles qui ont eu le courage de demander de l'aide. Le moindre relâchement nous est interdit devant ce fléau. Alors que certains décompteront les heures avant le passage en 2023, d'autres feront le macabre décompte des femmes lâchement assassinées par leur conjoint. Le 1er janvier dernier, Muriel, Lisa et Éléonore ouvraient ce bal funeste. Selon le rapport de l'Inspection générale de la justice, si 41 % ont alerté les forces de sécurité, 82 % des mains courantes et procès-verbaux de renseignement judiciaire n'ont donné lieu à aucune investigation, alors que 80 % des plaintes ont abouti à un classement sans suite. Pour celles qui sont encore en vie, appliquons les lois existantes.

La responsabilité individuelle ne doit pas se diluer dans la parole collective. Nous devons remettre le monde à l'endroit, ce monde où la victime était trop longtemps considérée comme coupable. Pensons aussi à l'avenir : un enfant témoin présente quatre fois plus de risques de devenir auteur de violences conjugales et six fois plus de risques de devenir victime. Comment tolérer une telle destruction de l'enfance ?

Il est urgent de protéger celles qui sont tous les jours violentées, humiliées. Merci à Valérie Létard pour cette proposition de loi. Le travail ne s'achèvera jamais tant qu'il y aura des êtres saisis par cette folie de suprématie sur l'autre, qui s'exerce dans la violence. (Applaudissements)

Mme Elsa Schalck .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comment contrer ce fléau des violences conjugales ? Le sujet est récurrent, car complexe et multidimensionnel. Le constat est néanmoins unanime : cela exige une mobilisation collective. Rappelons que 87 % des victimes sont des femmes.

Il faut une réponse judiciaire efficace, mais aussi un accompagnement des victimes sur le plan social, psychologique et économique.

La dépendance économique est un frein : 59 % des victimes souhaitent quitter leur domicile, mais sans argent, on ne part pas. L'emprise économique est souvent mal identifiée. Ce type de violence devrait d'ailleurs être défini dans notre droit.

Il appartient au législateur de sécuriser au mieux le parcours des victimes.

Je salue le travail de Valérie Létard. Sa proposition de loi est une réponse concrète qui peut être rapidement mise en place. Elle complétera des initiatives locales telles que celle de l'association Viaduq 67 qui, dans le Bas-Rhin, distribue des produits de première nécessité aux victimes ayant quitté le domicile.

Les modalités de ce prêt sans intérêt par la CAF ont été enrichies par le travail parlementaire. Le mécanisme de subrogation des CAF dans les droits des victimes pour faire payer les auteurs est pertinent, tout comme l'information de la victime de son droit à cette aide dès le dépôt de la plainte. La rapidité de mise en oeuvre est indispensable pour que le dispositif fonctionne. Cette aide d'urgence devra être accompagnée par le déploiement de moyens humains dans les gendarmeries et les commissariats.

Je me félicite que cette proposition de loi émane d'expérimentations de terrain : c'est la meilleure manière de légiférer pragmatiquement.

Je salue les acteurs mobilisés sur le terrain. Notre message doit être simple : inciter les femmes à porter plainte et à quitter leur conjoint violent. Le Groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Michelle Gréaume .  - Cet article précise que la victime peut se prévaloir des droits attachés aux bénéficiaires du RSA, notamment l'accompagnement social. Je m'en félicite, d'autant que cette disposition figurait dans ma proposition de loi de 2011.

Favoriser l'accès à l'emploi et à l'autonomie financière est le meilleur moyen d'éviter le retour au domicile conjugal. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Valérie Létard .  - Merci à la commission des affaires sociales et à sa rapporteure d'avoir ainsi enrichi le texte. Dans le Nord, les choses se mettent en place avec le centre hospitalier et les services sociaux.

Madame Gréaume, nous avons choisi une autre solution que l'avance sur le RSA afin que l'aide soit universelle, et qu'une jeune femme de moins de 25 ans ou un retraité puissent en bénéficier.

Madame la ministre, ne perdons pas de temps. Plutôt que de renvoyer à des expérimentations futures, appuyez-vous sur ce texte. Chaque jour compte.

Mme Laurence Cohen .  - Les violences conjugales sont systémiques et touchent tous les milieux. Cette proposition de loi est un petit pas en avant ; l'expérimentation dans le Nord peut servir de point d'appui.

Les avancées législatives contre les violences intrafamiliales sont trop cloisonnées. Avec les associations féministes, je plaide pour une loi-cadre, pour enfin débarrasser la société de ce fléau.

Il faut aussi des moyens humains et financiers. Le rapport présenté en 2020 par Éric Bocquet et Arnaud Bazin montre que le milliard d'euros promis n'y est pas. Or je me joins à cette revendication des féministes. Le 3919 appelle d'ailleurs au secours, car il n'arrive plus à répondre aux appels qui se multiplient.

Mme Victoire Jasmin .  - Merci, madame Létard, car chaque pas compte. Je me réjouis que mon amendement ait été accepté par la commission. Malgré les dispositifs existants, il y a encore trop de féminicides, de violences faites aux femmes, d'enfants traumatisés.

J'espère, madame la ministre, que la mise en oeuvre du dispositif prévu sera rapide. Cela permettra aussi d'éviter les récidives, car les enfants témoins d'aujourd'hui seront les auteurs de demain.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Benbassa.

Alinéa 18

Après le mot :

renoncent

insérer le mot :

explicitement

Mme Esther Benbassa.  - Quitter le foyer est une décision très difficile, le retour est parfois inévitable. Il faut donc s'assurer que la victime sera accompagnée jusqu'au bout, en rompant le lien entre agresseur et agressée. Le renoncement à se porter partie civile doit être un choix éclairé et délesté de l'emprise. D'où cet amendement précisant que ce renoncement doit être explicite.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - L'article premier permet la subrogation à la CAF si la victime renonce à se porter partie civile. La CAF informera la victime de son intention d'agir en justice, et l'action sera interrompue si la victime se porte partie civile. Retrait, car l'amendement est satisfait.

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée.  - Nous ne pouvons que partager l'intention de l'amendement, mais sa rédaction ne fait que préciser les cas dans lesquelles la CAF peut être subrogée, en passant du renoncement simple au renoncement explicite. Elle n'apporte pas de solution opérationnelle. Avis défavorable.

L'amendement n°1 est retiré.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Guidez, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 2

Après la seconde occurrence du mot :

plainte

insérer les mots :

ou, sous leur contrôle, l'assistant d'enquête

II.  -  Alinéa 3, première phrase

Après le mot :

plainte

insérer les mots :

ou, sous leur contrôle, l'assistant d'enquête

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - Cet amendement opère une coordination avec le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) qui crée les assistants d'enquête. Ils sont en effet susceptibles d'enregistrer et de transmettre à la CAF les demandes d'aide d'urgence.

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée.  - Les assistants d'enquête doivent avoir une compétence d'attribution limitée, déterminée à l'article 21-3 du code de procédure pénale et sans autonomie d'intervention. C'est à cette condition que le Conseil d'État a admis la validité de la disposition dans son avis du 10 mars dernier.

De plus, l'Assemblée nationale n'a pas encore examiné le texte qui crée les assistants d'enquête, et le Sénat a demandé que le dispositif soit évalué. Il est donc prématuré de leur ajouter des compétences. Avis défavorable.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - Je le maintiens. Les assistants d'enquête vont exister, pourquoi ne pas anticiper ?

M. Laurent Burgoa.  - Très bien.

Mme Valérie Létard.  - Les officiers de police ou de gendarmerie ne sont pas partout assistés par des travailleurs sociaux. Autant profiter de la nouvelle disposition de la Lopmi. Il faut utiliser tous les outils disponibles pour une prise en charge globale. L'article 2 prévoit aussi une transmission de la demande au président du conseil départemental. L'instruction sociale doit être faite en parallèle par les services du département.

L'amendement n°5 est adopté.

M. le président.  - La question doit pouvoir se régler entre les navettes de la Lopmi et de ce texte...

L'article 2, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Decool, Wattebled, Guerriau et Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Capus et A. Marc, Mme Paoli-Gagin, M. Détraigne, Mme Berthet, M. Daubresse, Mme N. Delattre, M. Calvet, Mme Sollogoub, MM. Cadec et Laménie, Mmes Dindar, N. Goulet, Ract-Madoux, Létard et Guidez, MM. Fialaire, Belin, Guérini, Longeot et Chauvet, Mmes Gruny et Bonfanti-Dossat, M. H. Leroy, Mme Lopez, M. Nougein, Mme Perrot et MM. Gold et Moga.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur l'intérêt de permettre aux mutuelles sociales agricoles de procéder, aux côtés des caisses d'allocations familiales, au versement de l'avance d'urgence en faveur des victimes de violences conjugales.

M. Daniel Chasseing.  - Cet amendement, peut-être mal rédigé, a pour objectif de permettre aux mutuelles agricoles de verser l'avance d'urgence au même titre que les CAF. Sinon, le dispositif risque de manquer certaines cibles : certaines victimes n'ont pas la CAF pour interlocuteur, mais la MSA.

Cet amendement est cosigné par l'auteure du texte et la rapporteure.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - Je partage entièrement votre intention, mais la mesure se heurte à l'article 40. Il est vrai qu'il y a un trou dans la raquette, mais puisqu'il s'agit d'une demande de rapport, je dois demander le retrait. Le message est néanmoins passé.

M. Daniel Chasseing.  - Très bien, mais que viendrait faire l'article 40 dans cette discussion ? Pourquoi ne pas inclure la MSA dans le dispositif, puisqu'il y a manifestement eu un oubli ?

Mme Laurence Rossignol.  - Voici quelques mois, la délégation aux droits des femmes a présenté un rapport sur les inégalités spécifiques dont les femmes sont victimes en milieu rural. Il y est clairement souligné que ces femmes souffrent encore plus que les femmes en milieu urbain (Mme Victoire Jasmin applaudit) parce qu'elles ont moins de soutien associatif. Il faut donc voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président.  - Mme la rapporteure, changez-vous d'avis ?

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - La balle est dans le camp du Gouvernement. S'agissant d'une mesure qui crée une charge pour les finances publiques, il fallait passer par une demande de rapport pour échapper à l'article 40.

Mme Victoire Jasmin.  - Nous avons tous adhéré à la proposition de loi de Mme Létard, mais attention à ne pas créer de disparités ! Madame la ministre, vous avez annoncé des évolutions. Votons cet amendement, et à vous d'agir. Le rapport de la délégation aux droits des femmes, voté à l'unanimité, a mis en lumière les inégalités dont souffraient les femmes en milieu rural.

M. le président.  - Je comprends que l'opposition de la commission n'est pas sur le fond, mais justifiée par le fait qu'il s'agit d'une demande de rapport.

Mme Valérie Létard.  - On peut considérer que la rapporteure est favorable à cet amendement au fond...

M. le président.  - L'avis de la commission est défavorable.

Mme Valérie Létard.  - Certes, c'est une demande de rapport. Néanmoins, exceptionnellement, je voterai cet amendement. Madame la ministre, c'est un message. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et UC)

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée.  - Si le dispositif est efficace, il conviendra de l'élargir à la MSA, pour des questions d'équité de traitement et de simplification de l'accès au prêt. La production d'un rapport n'apparaît pas nécessaire. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°4 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

L'article 3 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Michelle Gréaume .  - Je regrette le rejet de l'étude conjointe de cette proposition de loi et de la mienne, qui prévoyait non un prêt, mais une avance de RSA avec révision des ressources au bout de trois mois.

Cependant, je me félicite de cette avancée : le groupe CRCE votera ce texte qui complète les dispositifs existants.

Mme Annie Le Houerou .  - Même s'il s'agit d'un prêt, ce dispositif est un véritable soutien aux victimes. Déjà 102 féminicides en 2022, un décès tous les deux jours ! Il faut aider les associations à proposer un hébergement d'urgence adapté, avec un accompagnement digne de ce nom. Un hébergement au bord d'une quatre-voies, sans accompagnement, cela n'incite pas à quitter le domicile conjugal. Or le départ est la seule façon de briser le cycle infernal de la violence - car il y a toujours une phase de « lune de miel » qui suit la crise aiguë, jusqu'à la prochaine.

Je remercie la commission d'avoir accepté l'amendement de Mme Jasmin sur la domiciliation bancaire en centre d'action sociale. Le groupe SER votera ce texte avec enthousiasme. Ce n'est pas la solution miracle, mais l'autonomie financière est une condition de l'émancipation. Nous attendons une grande loi-cadre contre les violences conjugales. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Daniel Chasseing .  - Je félicite l'auteure et la rapporteure du texte. Il faut bien sûr poursuivre la prévention, agir sur le logement, mais aussi, comme le fait cette proposition de loi, sur l'aide financière. Sinon, les violences continueront.

Je remercie les collègues qui ont voté mon amendement, car les violences existent aussi en milieu rural. En Corrèze, les associations peinent à héberger toutes les victimes, j'ai pu m'en rendre compte. Il faut que la proposition de loi, que nous voterons avec enthousiasme, soit applicable dans tous les départements.

Mme Valérie Létard .  - Je remercie tous les collègues, sur tous les bancs, pour leur travail sur un sujet qui dépasse largement les clivages politiques. Madame la ministre, ne perdons pas de temps. Nous avons travaillé avec les professionnels, que je salue, sur les lacunes de l'expérimentation.

Le mécanisme du prêt, madame Vogel, était le seul moyen d'arriver à l'universalité. Le système d'avances sur droits supposés est trop rigide ; une remise gracieuse sera possible pour les plus précaires.

Quant à la mise en application, les professionnels la connaissent sur le bout des doigts. Le cadre est posé, ne perdons pas de temps. (Applaudissements)

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

M. le président.  - Belle unanimité ! (Applaudissements)

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure.  - Malgré toutes les lois existantes, le nombre de féminicides en France ne diminue pas. Ce texte est une marche supplémentaire. À chaque fois que nous proposons une loi, même d'ambition limitée, on nous répond que la question est compliquée ! Madame la ministre, avançons ensemble et dépêchons-nous. (Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.