Développement du transport ferroviaire

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour le développement du transport ferroviaire, à la demande du groupe CRCE.

Discussion générale

M. Gérard Lahellec, auteur de la proposition de résolution .  - « Il n'y aura pas de transition écologique sans le train ; pas de train sans que notre pays le décide, par des financements fortement accrus et garantis sur le long terme ». Nous faisons nôtre cette déclaration de Jean Rottner, président de la région Grand Est.

Tout le monde s'accorde pour défendre le ferroviaire. Les trois rapporteurs spéciaux sur la mission « Écologie, développement et mobilités durables », ainsi que le rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire, n'ont pas manqué de relever la faiblesse des moyens consacrés au développement du ferroviaire. Le Sénat a voté un amendement pour les rehausser.

Le Gouvernement s'est engagé à des financements supplémentaires une fois des études réalisées pour « faire mieux, plus et plus vite ». Les récentes déclarations du Président de la République en faveur des TER métropolitains dans nos métropoles confirment cette ambition.

Le développement du ferroviaire doit être solidaire et harmonieux. Il ne s'agit pas d'opposer villes et campagnes, de créer un rail des villes et un rail des champs... Le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous, pour reprendre un vieux slogan publicitaire !

Nous avons besoin d'une grande ambition publique, traduite par un soutien de l'État à l'ensemble des autorités organisatrices de la mobilité. Nous ne sommes pas insensibles, à cet égard, aux annonces d'hier.

Le ferroviaire est le seul mode de transport écologiquement vertueux et qui paie l'intégralité de ses coûts. Il est plus résilient que la route et l'aérien, dont les externalités négatives devraient être prises en compte dans le calcul du coût.

Un véhicule individuel coûte en moyenne 5 000 euros par an ; le transport ferroviaire est donc un soutien majeur au pouvoir d'achat des Français, si nous nous en donnons les moyens.

Malgré la reprise de 35 milliards d'euros de dette et les fonds de relance en faveur du fret et des trains de nuit, il manque encore au moins 1 milliard d'euros par an pour les infrastructures. Comme nous raisonnons à long terme, il eût été raisonnable de commencer tout de suite -  nous l'avons d'ailleurs proposé vendredi dernier.

Notre réseau vieillit : il a 29 ans en moyenne, contre 17 en Allemagne. Accélérons donc sa régénération !

Ce n'est pas en nous contentant d'ouvrir l'activité à la concurrence que l'on répondra aux besoins du réseau.

Les initiatives locales et solidaires et autres coopératives ferroviaires se heurtent aussi à des difficultés techniques, en raison du manque de moyens affectés à la réhabilitation des infrastructures. Nous devons soutenir cette industrie.

Pour mesurer les limites de l'ouverture à la concurrence, regardons le fret : il y a loin de la coupe aux lèvres ! Chacun constate que les objectifs annoncés pour 2030 ne seront pas atteints : des petites lignes fermeront, les réseaux ne seront pas entretenus et nos objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre ne seront pas respectés.

Le Sénat a formulé des préconisations pour reconquérir le transport ferroviaire. Cette proposition de résolution est l'occasion d'y revenir. L'argument de la reprise de la dette ne doit pas être employé pour s'interdire tout investissement. La résorption de la dette doit se conjuguer avec le développement du ferroviaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et du GEST ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Didier Mandelli .  - Je me réjouis de parler à nouveau du transport ferroviaire. La proposition de résolution du groupe CRCE met en lumière les enjeux du rail en matière d'aménagement du territoire, d'approvisionnement de notre chaîne logistique, de mobilité et de transition écologique. En effet, le ferroviaire émet neuf fois moins de CO2 à la tonne que la route.

M. Tabarot ne me contredira pas : on ne parle jamais assez du rail !

Comment ne pas être dubitatif devant l'annonce du Président de la République de dix nouveaux RER, quand on connaît le manque de financements pour l'entretien du rail ? Les montants prévus par le nouveau contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État sont insuffisants pour enrayer la dégradation du réseau.

La loi d'orientation des mobilités (LOM) devait garantir 13,4 milliards d'euros d'investissements sur la période 2018-2022, soit une augmentation de 40 % par rapport à la période 2013-2017, et une enveloppe progressant à 14,3 milliards entre 2023 et 2027. Nous avions choisi de ne pas voter la CMP, en l'absence de financements nécessaires notamment pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Le temps nous a donné raison.

À l'horizon 2040, les ralentissements sur le réseau risquent d'augmenter de plus de 50 %. Combien de fois faudra-t-il tirer la sonnette d'alarme ? Va-t-on attendre d'être au pied du mur pour réaliser l'erreur ?

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a toujours soutenu le ferroviaire, avec l'idée d'un plan d'investissement massif pour régénérer les réseaux ferroviaire et fluvial. L'article 131 de la loi Climat et résilience fixe l'objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire, aujourd'hui de 9 %, d'ici à 2030.

La proposition de résolution reprend plusieurs points que nous défendons : réduction de la TVA sur les titres de transport, soutien aux trains de nuit et aux petites lignes, révision du contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau.

Mais le texte n'aborde pas l'ouverture à la concurrence et la nécessaire gestion des conflits et revendications salariales. Comment inciter les Français à utiliser le rail, si les organisations syndicales les utilisent comme monnaie d'échange, comme en cette fin d'année ?

Le groupe Les Républicains s'abstiendra, avec bienveillance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Grand .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Nous soutenons tous le développement du transport ferroviaire, mais cette proposition de résolution politique ne répond pas aux objectifs.

Le ferroviaire est l'une des clés pour parvenir à la neutralité carbone en 2050. Nous avons voté des mesures importantes pour le développement du fret, notamment dans la loi Climat et résilience.

Le Président de la République a annoncé le lancement de dix projets de RER dans les grandes métropoles, mais des questions se posent. Certaines villes comme Strasbourg ou Bordeaux ont déjà bien avancé sur ces questions. Monsieur le ministre, la métropole de Montpellier souhaite légitimement être incluse dans ces projets, compte tenu de son investissement massif dans les mobilités. (M. le ministre sourit.)

Des diagnostics techniques sont aussi nécessaires. Qui dit RER dit multiplication des gares, mais quid des sillons ? Nos lignes sont déjà terriblement sollicitées. Nous devons être précis sur nos besoins d'infrastructures intermédiaires. Ainsi la ligne à grande vitesse (LGV) entre Montpellier et Perpignan relève de la plus haute importance.

J'imagine une grande loi d'accélération sur ce sujet, monsieur le ministre. On ne peut pas attendre vingt ans pour chaque projet d'infrastructure.

La proposition de résolution aborde la question du prix des billets de train, sur lequel la crise énergétique a mécaniquement des conséquences. Il est absurde que le transport en commun le moins carboné soit aussi l'un des plus chers. Cela mérite une réponse, tout comme les multiples annulations de trains qui perturbent la vie des usagers.

Nous ne pouvons qu'adhérer à la réduction du taux de TVA sur le prix du billet ou au développement des pôles multimodaux, mais le financement de cette dernière mesure interpelle, ainsi que le ralentissement mécanique que cela induirait.

Depuis la première ligne de chemin de fer en France, en 1827, le rail rythme la vie des Français. Soyons les révolutionnaires du rail ! Mais cette révolution est trop ambitieuse pour la confier à cette seule proposition de résolution.

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Martine Filleul applaudit également.) Le ferroviaire offre une réponse aux défis de la mobilité, des ségrégations spatiales, de la reconquête industrielle, du pouvoir d'achat et de la transition écologique.

Le GEST salue cette proposition de résolution, qu'il votera.

Sans changement de braquet, selon SNCF Réseau, le déclin de la performance du réseau sera inexorable.

Monsieur le ministre, votre politique semble loin d'être structurée pour atteindre un doublement de la part modale du rail d'ici 2030.

Certes, le Gouvernement a commencé à répondre au manque d'investissement criant des dernières décennies. Mais 2,9 milliards d'euros annuels pour SNCF Réseau, dont une bonne part dépend de la hausse des péages ferroviaires, c'est bien insuffisant. Il faudra aller plus loin. Mais un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.

Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) sera déterminant, pour qu'une loi de programmation ferroviaire planifie l'effort et que des projets structurants puissent se déployer dans les territoires.

Le redéploiement du train de nuit, à l'échelle européenne, devra être inclus dans cette planification. On ne peut en rester à deux lignes ! La Commission européenne a soutenu l'interdiction de liaisons aériennes de moins de 2 h 30, mais a souligné que la moitié des liaisons concernées étaient exclues, faute d'alternative ferroviaire adaptée.

En 25 ans, nous avons perdu l'équivalent du réseau ferré suisse. Notre réseau est vieillissant, et aucun modèle de financement n'a vraiment été défini pour le moderniser. Nous payons le renoncement historique à rééquilibrer la concurrence rail-route.

On ne constate aucun basculement d'ampleur vers le ferroviaire. La réduction du taux de TVA à 5,5 % doit absolument être retenue dans le PLF, pour soutenir les transports du quotidien. Évitons le signal désastreux d'une aide aux autosolistes à laquelle répondrait une hausse des tarifs des transports en commun.

Construisons avec les AOM, sur les territoires, un choc d'offre ferroviaire. L'aide de 300 millions d'euros annoncée - 200 millions pour Paris et 100 millions pour les régions - va dans le bon sens. L'Eurométropole de Strasbourg et le Grand Est, en développant leur réseau express métropolitain, rentrent dans cette dynamique. Leur ténacité doit inspirer l'action publique nationale, pour construire le renouveau ferroviaire. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE)

M. Michel Dagbert .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte appelle à une ambition forte pour le ferroviaire, que nous partageons, les enjeux étant à la fois écologiques, économiques et sociaux.

La France est le pays européen dont le taux d'investissement pour le ferroviaire est le plus important. Dans le PLF pour 2023, plus de la moitié des crédits affectés aux transports portent sur le ferroviaire, et 85 % des crédits du programme 203 y sont consacrés. Le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) a été revalorisé à hauteur de 150 millions d'euros.

Cette proposition de résolution insiste sur la régénération du réseau. Le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau prévoit 2,9 milliards d'euros annuels pendant dix ans, un effort sans précédent.

Le fret ferroviaire doit être soutenu. Une stratégie nationale a prévu 1 milliard d'euros d'investissements jusqu'en 2027. Différentes aides au fret, de 170 millions par an, seront prolongées jusqu'en 2027. L'État veut doubler la part du transport ferroviaire de marchandises, pour passer de 9 % en 2019 à 18 % en 2030 et 25 % en 2050.

Pour le transport de voyageurs, des protocoles ont déjà été signés entre l'État et huit régions pour investir dans près de 6 000 km de voies, afin de les entretenir, voire de rouvrir de petites lignes, comme Gap-Grenoble. Depuis février 2020, 550 millions d'euros ont été déployés par l'État pour les petites lignes, en complément des régions. Ces financements seront complétés par les contrats de plan État-région 2023-2027.

Pour les trains de nuit, plus de 100 millions d'euros sont prévus en 2023, et des commandes de voitures sont programmées. Nous nous félicitons que la Palombe bleue retrouve les voies des Landes et du Pays basque.

Mais on ne peut répondre simultanément à deux injonctions contradictoires : développer le fret et le train de nuit, et régénérer le réseau, tout cela ayant lieu de nuit.

La proposition de baisser la TVA est une fausse bonne idée : il n'est pas certain que les AOM répercutent cette baisse qui coûterait jusqu'à 1 milliard d'euros aux finances publiques.

La proposition de résolution nous unit dans une même ambition. Nous aimons tous le train, mais il n'y a pas d'amour sans preuve d'amour... telle que la reprise de la dette à hauteur de 35 milliards d'euros ! La proposition de résolution ne nous semble pas opportune. Le RDPI s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Martine Filleul .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.) « Le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous » : au début des années 1990, la SNCF citait Aristote dans son slogan publicitaire. Aujourd'hui, alors que le ferroviaire est un levier incontournable pour limiter nos émissions de CO2, les voyageurs vivent au rythme de la galère des transports. C'est la France qui se lève tôt et arrive en retard, la France des trains à l'arrêt. Dans les Hauts-de-France, les usagers des TER craignent chaque matin de voir leur train supprimé. En quelques années, la situation s'est dégradée. Le taux de régularité que la SNCF tente de maintenir est un exploit au regard de la vétusté de notre réseau. La SNCF est en voie de clochardisation.

Pourtant, 12 millions de billets ont été vendus pour le seul été 2022, un record, malgré des prix très élevés. Le train est la promesse de concurrencer au mieux la voiture. Les Français sont au rendez-vous tant que le service est de bonne qualité. Il est inadmissible qu'il faille réduire la vitesse de nos trains parce que le réseau n'a pas été entretenu ni modernisé. Nous sommes à l'os, alors que nos voisins européens lancent des dispositifs innovants, comme la maintenance prédictive par le biais de capteurs, avant que le matériel ne casse.

Le réchauffement climatique met à rude épreuve les équipements, qui doivent être adaptés.

Alors que la SNCF est déjà à la peine pour entretenir son réseau, il peut sembler inconcevable de promouvoir des dispositifs innovants, mais prenons l'exemple de l'abandon des plateformes connectées au rail du projet du canal Seine-Nord : que d'argent public gâché !

Jean-Pierre Farandou, auditionné par la commission du développement durable, évalue les besoins de la SNCF à 100 milliards d'euros sur quinze ans. Une grande loi de programmation est nécessaire, mais au lieu de cela, le Gouvernement renforce la règle d'or de SNCF Réseau, qui lui impose des efforts inatteignables. Dans le contexte d'ouverture à la concurrence, le contrat de performance risque d'affaiblir la SNCF et de générer une hostilité accrue des usagers. Nous refusons que cette stratégie mène à une privatisation. Ce serait une erreur majeure : le rail a besoin de subventions publiques, ici ou chez nos partenaires européens. M. Jacquin avait déposé en juin dernier une proposition de loi pour libérer SNCF Réseau de ce carcan qui empêche le rail de répondre à l'urgence écologique.

Les socialistes avaient déposé un amendement au PLF pour renforcer de 3 milliards d'euros le soutien au ferroviaire. Ce même amendement a été adopté à l'Assemblée nationale, mais non retenu par le Gouvernement à la suite du 49.3.

Le groupe SER votera cette proposition de résolution. Il est grand temps de renverser la vapeur. Faisons le pari du train, pour que les Français retrouvent confiance dans leur réseau ferré à l'heure du changement climatique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Pascal Savoldelli .  - Un pan central de nos politiques publiques est à un tournant : nous devons en avoir conscience. Cette proposition de résolution veut donner tort au dicton selon lequel la seule façon d'être sûr de prendre un train, c'est de manquer le précédent. La mobilité est un droit, mais il est mis à mal.

D'un côté, on appelle à réduire la pollution. De l'autre, on manque d'alternatives à la voiture. Le transport public devient un moyen par défaut, et non un choix.

En Île-de-France, la situation est catastrophique : retards, annulations de trains, suppressions de postes et criminalisation des syndicats de cheminots depuis des années. Nos collègues élus au conseil régional ont lancé une pétition pour demander des moyens et refuser la hausse du prix du passe Navigo. De nombreux élus étaient réunis devant le conseil régional ce matin, à raison. Le service est dégradé, rétrogradé. Les passagers entassés devront payer dix euros de plus par mois, pour une expérience scandaleuse !

Le prix est excessivement cher, et nous devrions nous considérer comme des privilégiés. En un siècle, la moitié du réseau ferré a disparu, monsieur le ministre ! Les gares sont devenues des reliques, parfois abandonnées, contribuant au sentiment d'abandon des citoyens ruraux.

Le transport de marchandises n'est ferroviaire qu'à 9 %, et routier à 89 %. Je m'étais engagé en faveur du maintien du train des primeurs, entre Perpignan et Rungis.

Selon les engagements pris dans le contrat de performance, la part du ferroviaire doit doubler d'ici 2030.

Certes, quelques lignes ont rouvert, mais nous sommes loin des performances attendues : un pays qui a les moyens d'avoir de belles autoroutes privées doit aussi avoir un secteur ferroviaire de qualité.

Nous attendons des garanties sur les dix RER en région annoncés par le Président de la République : nous voulons des services publics, pas un domaine de concurrence servi au privé sur un plateau.

Il faut non pas parler, mais agir... Chers collègues, agir, c'est voter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST)

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Comme président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, je n'ai eu de cesse de rappeler l'impérieuse nécessité de développer le ferroviaire, qui émet neuf fois moins de CO2 que la route - le transport étant le secteur le plus émetteur de CO2. C'est un levier considérable de décarbonation.

Or le secteur ferroviaire ne reçoit pas de moyens à la hauteur des ambitions. Si nous voulons doubler la part modale du rail d'ici 2030, nous devons investir massivement, sans perdre de temps. La proposition de résolution défend la réduction de la TVA sur les titres de transport. Je m'en réjouis, comme de l'adoption de l'amendement de notre commission au PLF, qui fixe ce taux de TVA à 5,5 %.

Le plan de relance a alloué 4 milliards d'euros supplémentaires à SNCF Réseau, dont 2,3 milliards pour la régénération du réseau. Pour autant, le contrat de performance entre l'État et la SNCF manque d'ambition. Seuls 2,9 milliards d'euros sont prévus pour 2021-2030. C'est très insuffisant pour régénérer le réseau. En outre, ces crédits seront majoritairement issus des fonds propres de SNCF Réseau, en particulier du produit des péages, dont le montant en France est déjà le plus élevé d'Europe. La déception est d'autant plus grande que l'inflation grève les marges d'action de SNCF Réseau à hauteur de 500 millions d'euros en année pleine, perte non compensée dans le PLF. Les investissements pourraient s'en voir resserrés.

L'état des petites lignes inquiète. Selon le rapport Philizot, 40 % du réseau est menacé faute de régénération, et il faudrait 7,6 milliards d'euros d'investissements. Le Sénat a adopté un amendement allouant 150 millions d'euros supplémentaires à la régénération des petites lignes, ce dont nous nous réjouissons.

Cette proposition de résolution me semble tout à fait intéressante. Pour doubler la part modale du rail, il faut régénérer les petites lignes et les lignes d'équilibre du territoire, et développer les réseaux urbains. Nous constatons tous la déprise du ferroviaire sur nos territoires. Brisons ce cercle vicieux et donnons une nouvelle dynamique aux lignes locales.

Dans les grandes métropoles françaises, nous devons développer la densité ferroviaire. L'Île-de-France est une exception. À Marseille, Lyon ou encore Strasbourg, il faut des investissements pour faire éclore des réseaux à l'image des S-Bahn allemands, présents dans de très nombreuses villes. Le potentiel de décarbonation est énorme.

Le groupe UC votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, CRCE, SER, RDSE et du GEST)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC) Nos concitoyens subissent des hausses de prix sur tous les fronts. Inflation galopante et aggravation de la dette, dans un contexte d'urgence climatique : cette équation insoluble ne peut que susciter l'explosion sociale.

Le ferroviaire, grand oublié des dernières décennies, paie le prix de l'inertie des différents gouvernements. L'âge moyen des infrastructures est de 30 ans. Le train de nuit a été abandonné en 2016 ; c'est sous l'impulsion de nos voisins que nous le relançons.

Quarante-sept ans après le plan de Valéry Giscard d'Estaing, le Massif central n'est toujours pas désenclavé. Des pans entiers de notre territoire sont toujours aussi mal desservis, au mépris du droit à la mobilité.

Les procédures des grands projets sont interminables. Le PLF a fait naître un léger espoir, en affectant des crédits à la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan. Je vous en remercie, monsieur le ministre.

Le transport de marchandises s'effectue essentiellement par la route. Pour être compétitif, le ferroviaire doit être performant et efficace. Il faut une commande centralisée du réseau.

L'État doit soutenir l'alternative à la route, d'autant que les surcoûts liés à l'énergie atteindront 1,7 milliard d'euros pour le secteur ferroviaire. En parallèle, le coûteux bouclier tarifaire a été instauré à l'aveugle, quelle que soit la situation des ménages. Il faut donc des mesures exceptionnelles pour SNCF Réseau et les AOM. Nous soutenons la baisse de TVA sur les titres de transport, votée tous les ans au Sénat.

Nous devons réduire l'étalement urbain. Le Gouvernement s'efforce de rattraper le temps perdu, et je le salue.

Six milliards d'euros seront investis en 2023 dans le ferroviaire. Cela paraît considérable, mais nous pouvons faire plus. Nos voisins allemands, britanniques et suisses ont mis la main au portefeuille alors que leur réseau est en bien meilleur état.

Le RDSE votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des groupes UC et SER, ainsi que du GEST ; quelques membres du groupe CRCE applaudissent également.)

M. Philippe Tabarot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quelle passion française que la vie du rail. C'est une fierté française et un élément de cohésion nationale. L'engouement du public est le gage de cette réussite. Le train, c'est une carte de France qui se dessine et témoigne de notre patrimoine commun, comme l'aurait dit Marc Laménie.

Je partage les constats de cette proposition de résolution, qui s'inscrit dans la droite ligne de nos travaux transpartisans de commission. Il n'y a pas un train de gauche et une rame de droite. Nous partageons les mêmes priorités, la volonté de réaliser les grands projets comme de sauvegarder les petites lignes, souvent laissées de côté.

Nous sommes tous amers que les transports soient absents des campagnes présidentielles. Pourtant, le train truste l'actualité. Il devient un élément pivot de la réponse aux défis de la transition écologique. Mais les retards sont tels que l'investissement dans la régénération suffit tout juste à stopper la dégradation du réseau. Le montant de l'investissement n'est que de 40 euros par habitant en France, contre 395 euros en Suisse et 95 euros en Italie.

Le contrat de performance fait courir un risque majeur à notre réseau. Les investissements prévus sont notoirement insuffisants. Il faut investir davantage pour rattraper le temps. Pas de décisions vaines !

Dans le PLF pour 2023, nous avons voté 150 millions d'euros supplémentaires pour la régénération du réseau. Monsieur le ministre, ne vous cachez pas derrière le Conseil d'orientation des infrastructures. Donnez la même chance au rail qu'à la route ou à l'aérien.

Nous défendons une exigence rehaussée et équilibrée. Nous n'allons pas vers la facilité des annonces solennelles aux pieds d'argile, comme celles du Président de la République sur les RER métropolitains.

Nous ne pouvons nous cantonner à cette proposition de résolution, qui a de grandes ambitions, mais ne fournit pas de solutions. En arrière-plan, elle traduit une opposition plus dogmatique que réaliste, sur l'ouverture à la concurrence par exemple. La concurrence, c'est la responsabilisation et le gage d'une offre accrue de trains. (M. Pierre Laurent le conteste.) Les auteurs de la proposition de résolution sont complaisants par idéologie, vis-à-vis d'un champ social miné. Les contribuables sont crispés face aux grèves, alors que 35 milliards d'euros de la dette ont été repris.

Fidèle à son héritage politique, qui n'est pas prisonnier des vieilles lunes dogmatiques, mon groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Monsieur Lahellec, merci de vous être intéressé à cette passion française partagée par le Gouvernement, qui veut faire du ferroviaire une grande priorité.

J'ai trouvé certains propos excessifs, comme ceux de Mme Filleul : non, il n'y a pas de clochardisation du système ferroviaire français. Ces propos outranciers ne font pas avancer le débat. Certes, nous devons lutter contre la galère des usagers, mais pas céder au SNCF-bashing.

Malgré les difficultés, de nombreux usagers continuent à prendre le train. L'herbe n'est pas plus verte ailleurs en Europe. Les succès partagés par le Gouvernement et les collectivités territoriales existent ! La politique du TGV a été une grande politique d'aménagement du territoire, de développement économique, un grand succès industriel.

M. Grand a plaidé pour l'ouverture de nouvelles lignes, là où il y a un besoin de désenclavement. Je salue les projets défendus par le Sénat, et le vote des amendements sur le Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO), la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP) et la ligne nouvelle Provence-Alpes-Côte d'Azur (LNPCA), afin de les financer par des ressources locales sans prélever les ressources du système ferroviaire.

Soutenus par les régions, les TER rencontrent encore des difficultés, mais sans commune mesure avec celles d'il y a vingt ans. En France, le tarif payé par les usagers, tous types de trains confondus, est le plus faible d'Europe après le Luxembourg.

Nous investissons beaucoup dans le ferroviaire, je le rappelle. Une aide d'urgence a été accordée à Île-de-France-Mobilités (IDFM) et aux autres AOM pour éviter l'explosion des tarifs. Nous aurons des débats sur ce sujet, mais c'est une fierté pour le Gouvernement.

Certains dysfonctionnements durent depuis longtemps. Le problème est collectif. Depuis six ans, nous avons réinvesti pour l'indispensable régénération du réseau. Nous sommes passés de moins de 2 milliards d'euros en 2015 à 2,9 milliards cette année ! L'effort est en cours. En 2015, je n'entendais pas parler de clochardisation...

Nous rencontrons des difficultés sur les trains du quotidien, en Île-de-France ou dans les Hauts-de-France. Nous avons demandé un plan de rattrapage à la SNCF, et j'ai rencontré Xavier Bertrand. Pour répondre à la pénurie, des conducteurs fraîchement retraités ont été invités à revenir. Je m'engage pleinement dans cette politique d'attractivité.

Pas moins de 85 % des crédits du programme 203, votés par le Sénat vendredi dernier, sont affectés au ferroviaire. Une fois tous les budgets additionnés, l'effort de l'État est de 12 milliards d'euros, pour moitié consacré au ferroviaire.

Nous visons un objectif de 3 milliards d'euros par an consacrés à la régénération du réseau, notre priorité. J'espère que lors du vote de son budget, l'Afit France décidera d'y allouer 100 millions supplémentaires, au-delà du contrat de performance pour 2023. SNCF Réseau ne peut de toute façon pas absorber, en travaux, une addition trop rapide de crédits.

Le contrat de performance n'est ni un totem ni un tabou, mais c'est un point de départ important. Il sera rediscuté.

Nous donnons aussi la priorité aux transports du quotidien. Les RER métropolitains ne sont pas de la communication, mais une réalité. Le RER métropolitain à Strasbourg est un projet commun entre l'État et les collectivités. Il montre la voie. Cofinancement et coconstruction sont la clé des futurs projets.

Pour les LGV, nous devrons aussi inventer de nouvelles modalités de financement.

Le fret ferroviaire doit s'améliorer. Mais nous sommes loin de la situation d'il y a cinq ou six ans, quand nous constations une réduction, année après année, de la part modale du rail. Nous devons faire mieux, certes, et je m'y engage personnellement. Nous sommes en train de gagner la bataille du report modal. Ces deux dernières années, nous augmentons pour la première fois depuis vingt ans la part du fret.

Je m'engage à poursuivre la stratégie nationale du fret, dotée de 170 millions d'euros par an jusqu'en 2024. S'y ajoutent 250 millions d'euros du plan de relance. Au total, ce plan s'élève à 1 milliard d'euros. Je le confirme : nous prolongerons les aides jusqu'en 2027, si le Parlement confirme ces crédits.

La question des petites lignes est essentielle. Nombre d'entre elles ont fermé pendant les dernières décennies, mais nous inversons la tendance avec les régions. Le Premier ministre Castex s'était beaucoup investi sur ce point. Huit protocoles entre l'État et les régions ont été passés, concernant 6 000 km sur les 9 000 potentiels qui avaient été identifiés. L'État a triplé les financements : nous en sommes à 200 millions d'euros par an. Les prochains contrats de plan État-région confirmeront cette tendance. La porte de l'État reste ouverte pour les régions n'ayant pas encore contractualisé.

Nous devons aussi réinvestir pour le train de nuit. La transition écologique et un nouvel appétit pour le ferroviaire le justifient. En 2021, il ne restait plus que deux lignes, et nous en avons rouvert deux, le Paris-Nice et le Paris-Tarbes-Lourdes. Les commandes de nouveau matériel roulant ont été engagées pour les lignes Paris-Briançon et Paris-Rodez-Toulouse : ce sont 50 millions d'euros déjà investis, et d'autres viendront pour les futures lignes rouvertes.

Cela illustre le tournant que le Gouvernement défend en matière d'accessibilité et de développement du train, bien loin des oublis des majorités précédentes.

Les tarifs sont une fierté française : la France est le pays qui aide le plus l'usager ; c'est aussi le pays où, avec la crise sanitaire, le recours au transport public a le moins diminué. Les mesures tarifaires de nos voisins ont pour but de faire revenir les voyageurs, tandis que, pour notre part, nous avons plutôt du mal à satisfaire la demande.

Nous connaissons une forte inflation et une hausse des coûts de l'énergie. Néanmoins, la SNCF a mis en place un bouclier tarifaire, avec 5 % de hausse seulement et un gel des tarifs pour les abonnés ou pour les utilisateurs de Ouigo.

Je prends cette proposition de résolution comme un appel, une invitation à aller plus loin. Je ne m'arrête pas à au déclinisme ferroviaire que j'ai entendu çà et là : je sais, monsieur Lahellec, que ce n'est pas ce que vous souhaitiez exprimer.

Le Gouvernement n'y sera toutefois pas favorable : reconnaissons les engagements du Gouvernement depuis plusieurs années. Gouverner, c'est choisir, y compris sur le plan budgétaire, mais nous essaierons de faire progresser le ferroviaire, ensemble. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; Mme Daphné Ract-Madoux et M. Yves Détraigne applaudissent également.)

La proposition de résolution est adoptée.

(Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du RDPI)

Prochaine séance demain, jeudi 8 décembre 2022, à 10 h 30.

La séance est levée à 19 h 35.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 8 décembre 2022

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures, de 14 h 30 à 16 heures et de 16 heures à 20 heures

Présidence : M. Alain Richard, vice-président, Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier

1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires (texte de la commission, n°156, 2022-2023)

2. Proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l'enfant, présentée par M. Xavier Iacovelli et plusieurs de ses collègues (n°870 rectifié, 2021-2022)

3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation (texte de la commission, n°172, 2022-2023)

4. Proposition de loi visant à rétablir l'équité territoriale face aux déserts médicaux et garantir l'accès à la santé pour tous, présentée par Mmes Émilienne Poumirol, Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues (n°68, 2022-2023)