SÉANCE

du jeudi 6 avril 2023

78e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires : Mme Esther Benbassa, M. Daniel Gremillet.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Revaloriser le statut de secrétaire de mairie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à revaloriser le statut de secrétaire de mairie, présentée par Mmes Céline Brulin, Cécile Cukierman, Michelle Gréaume, Marie-Claude Varaillas, Éliane Assassi et plusieurs de leurs collègues

Discussion générale

Mme Céline Brulin, auteure de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, UC et du RDSE) Jeudi, 10 h 30 : la secrétaire de mairie du pays de Caux est arrivée depuis 8 h 30. En début de semaine, elle serait allée dans une autre commune, à 30 kilomètres : bien des communes ne peuvent employer un agent à plein temps. Parfois, il faut se partager entre trois ou quatre communes ; ce n'est pas désagréable, mais cela multiplie les problèmes et les enjeux, surtout si les communes se situent dans des intercommunalités différentes.

Notre secrétaire de mairie examine ce matin l'opération 5 000 terrains de sport, et recherche des subventions pour un projet de citystade. Entre le budget à finaliser, les réunions sur le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) et les tâches quotidiennes, elle n'a pas encore eu le temps de s'y pencher. Mais les dossiers doivent être déposés avant le 31 mai : il y a urgence. Elle voudrait en parler avec le maire, mais il est au travail, elle devra attendre la fin d'après-midi.

Sur ce, des habitants arrivent à la mairie : ils se plaignent de leur connexion internet. Ils ont cherché à joindre l'opérateur mais sont tombés sur des répondeurs.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Cela me rappelle des souvenirs !

Mme Céline Brulin.  - Du coup, ils se tournent vers la mairie. État civil, expertise budgétaire et juridique, organisation des élections, éventuellement gestion des ressources humaines, préparation des conseils municipaux : les secrétaires de mairie sont polyvalentes, de véritables couteaux suisses. Les maires attendent de la symbiose avec leur secrétaire de mairie et se sentent démunis quand cette cheville ouvrière vient à manquer.

La dématérialisation des procédures, l'éloignement des trésoreries, et la montée en puissance des intercommunalités compliquent la situation, d'autant que l'État abandonne parfois ses missions d'égalité républicaine alors qu'il se fait de plus en plus intrusif et procédurier.

Il manque une centaine de secrétaires de mairie en Seine-Maritime, contre cinquante il y a un an, et deux mille à l'échelle nationale.

De nombreuses secrétaires de mairie m'ont fait part de leurs difficultés quotidiennes. Je parle au féminin, car 94 % des secrétaires de mairie sont des femmes. Alors que 30 % d'entre elles partiront à la retraite d'ici 2030, il faut absolument recruter, ce qui suppose de revaloriser le métier.

Il y va de notre cohésion nationale. Les élus locaux démissionnent à tour de bras. Le sentiment d'abandon n'y est pas étranger. Ils doivent être accompagnés et soutenus dans leurs missions. Les compétences des secrétaires de mairie sont décisives à cet égard.

Nos communes, au coeur de la République, jouent leur existence. Or ce sont vers elles que se tourne même le plus jupitérien des présidents à chaque nouvelle crise.

Je remercie mon groupe d'avoir inscrit ce texte dans son ordre du jour réservé et la commission des lois de s'en être saisie avec bienveillance.

Nous proposons une formation solide pour les secrétaires de mairie, qui, souvent, ont dû se former sur le tas. C'est aussi un souhait des maires, car la confiance repose sur la compétence.

Il faut offrir des perspectives de carrière et de promotion interne. L'établissement de listes d'aptitude devra mieux tenir compte de l'exercice de ces fonctions. Les concours ou la promotion interne ont un impact concret sur les rémunérations.

Face aux vacances de postes, le texte élargit la possibilité de recruter des contractuels dans les communes de 1 000 à 2 000 habitants.

Cette proposition de loi n'épuisera pas le sujet. Monsieur le ministre, il faut poursuivre le chantier de la formation, rendre ce métier attractif. Avec la mise en extinction du corps de secrétaire de mairie de catégorie A en 2001, il n'y a plus de cadre d'emploi rattaché.

Tout agent titulaire de la fonction publique territoriale peut exercer ce métier. Or la plupart des secrétaires de mairie appartiennent à la catégorie C, avec des rémunérations insuffisantes ; la bonification indiciaire de quinze points décidée voilà un an apporte un gain brut de 70 euros par mois. Elles touchent à peine plus que le Smic.

Alors que les communes font face à l'inflation et à la crise énergétique, il faut mieux compenser la revalorisation du point d'indice. Nous y réfléchirons au sein de la délégation aux collectivités locales.

Monsieur le ministre, nous espérons que vous comprenez l'urgence de la situation. Nous ne lâcherons rien sur ce dossier ! (Applaudissements)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE) Ce texte esquisse des réponses pour renforcer l'attractivité du métier de secrétaire de mairie - sujet essentiel tant pour les petites communes que pour les intéressées.

La quasi-totalité des maires font face à une pénurie, qui va s'aggraver. Il faut garantir à ces personnes une reconnaissance légitime et une rémunération à la hauteur de leurs responsabilités.

La commission partage l'esprit de la proposition de loi, mais elle y a apporté quelques modifications pour préserver sa nature législative et la rendre plus opérationnelle.

Elle a jugé inopportune la création d'un statut d'emploi, car un tel statut n'améliorerait pas les perspectives de carrière. En outre, il serait incompatible avec les spécificités du métier, qui peut être exercé par plusieurs catégories de fonctionnaire. Enfin, si la création du statut relève de la loi, les conditions d'accès, son nom et le cadre d'emploi relèvent du règlement, d'où la suppression de l'article 1er.

Nous voulons conforter la formation des secrétaires de mairie. Aux articles 3 et 4, nous avons substitué aux dispositions prévues une formation initiale spécifique obligatoire : dès leur prise de poste, les secrétaires de mairie disposeront d'outils adaptés à leur métier.

Pour garantir et renforcer la promotion interne, la commission a prévu, à l'article 5, que les listes d'aptitude devront obligatoirement prendre en compte l'exercice de secrétaire de mairie.

Elle a écarté le fonds de soutien local financé par l'État, prévu à l'article 6. Les communes ont besoin de ressources libres d'emploi plutôt qu'un soutien de l'État pour payer les salaires. Leur autonomie financière ne passe pas par une compensation, mais par une fiscalité adaptée, ainsi qu'une indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

M. André Reichardt.  - Parfait !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - La commission a ainsi supprimé les articles 6 et 7. Elle a ouvert aux communes de 1 000 à 2 000 habitants la possibilité de recruter des agents contractuels à temps complet, et non seulement à temps partiel.

Je vous invite à adopter cette proposition de loi ainsi modifiée, destinée à faciliter le recrutement et la vie des secrétaires de mairie.

Ces aménagements, bienvenus, ne régleront pas à eux seuls la question : au pouvoir exécutif de travailler à des solutions concrètes. Le Gouvernement doit se saisir de cette question urgente, notamment sur la rémunération et les carrières.

Les instruments de revalorisation salariale actuels sont limités. La mise en oeuvre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep), ou la valorisation de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) sont à améliorer.

Comment s'étonner du manque d'attractivité lorsque la rémunération horaire d'un secrétaire de mairie, adjoint administratif principal de première classe avec 32 ans d'ancienneté, est de 13,75 euros, soit 2,68 euros de plus que le Smic brut ? Monsieur le ministre, il faut porter une attention particulière à ces personnels - je sais que vous avez entamé une réflexion sur la question.

Il faut aussi moderniser l'image du métier. Les employeurs territoriaux doivent se doter d'une politique de communication, insistant sur la variété des carrières.

Monsieur le ministre, vous l'aurez compris : la balle est dans votre camp ! (Applaudissements)

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je la saisis au bond... Le secrétaire de mairie est le bras droit du maire, le coeur battant de nos communes rurales.

Je ne passe pas une semaine sans échanger sur ce beau métier, avec les maires ou avec les intéressés - je pense à Sylvie Gibel, qui a fondé un collectif de 2 000 secrétaires de mairie dans le Gers.

Les secrétaires de mairie sont un rouage essentiel entre la population et les élus municipaux ; ils se chargent du budget, de l'état civil, des actes de la vie quotidienne.

Paradoxalement, les qualifications requises sont peu définies. Malgré l'effort accompli en matière de NBI, et vu l'absence, souvent, de régime indemnitaire, il faut revaloriser leur traitement.

Autre difficulté, les secrétaires de mairie se partagent souvent entre plusieurs employeurs. D'ici huit ans, un tiers d'entre elles seront parties à la retraite. Or une secrétaire de mairie qui part à la retraite, c'est comme fermer une maison France Services ! (M. Jean-Baptiste Lemoyne le confirme.)

Madame Brulin, il est en effet pertinent d'appréhender la fonction de secrétaire de mairie comme un métier à part entière. (M. Jérôme Bascher lève les bras au ciel.)

Je vous le dis sans ambages : je suis un défenseur du statut, qui reste un cadre adapté aux défis que nous devons relever.

Je remercie les auteurs de ce texte pour leur pragmatisme.

Mais les dispositions envisagées relèvent essentiellement du domaine réglementaire, ce qui n'enlève rien à la pertinence des questions posées. Nous poursuivrons le travail avec les associations d'élus locaux et les centres de gestion.

Avec Dominique Faure, nous souhaitons agir sur le recrutement, les compétences, les parcours de rémunération.

Vous souhaitez élargir le recrutement de contractuels jusqu'à 2 000 habitants : j'y suis favorable. Mais cela ne réglera pas tout, et nous nous mobiliserons pour rendre ce métier plus attractif. Cela passe par un partenariat entre Pôle emploi, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les centres de gestion pour développer des formations.

Peut-être faudra-t-il aussi rebaptiser ce métier. J'y suis favorable, travaillons-y avec les secrétaires de mairie et les employeurs territoriaux.

La fonction devrait être occupée par des profils divers, au-delà de la seule filière administrative. Les agents des maisons France Services pourraient devenir secrétaires de mairie, par exemple. Réfléchissons à la fonctionnalisation de la profession.

Je souhaite aussi réfléchir au problème du temps partiel. Les centres de gestion pourraient recruter des secrétaires de mairie pour les mettre à disposition des maires. (Mme Françoise Gatel acquiesce.)

Il faut aussi redéfinir le socle de compétences nécessaire pour devenir secrétaire de mairie. Pourquoi ne pas créer une formation de qualification pour les agents ne disposant pas des compétences lors de leur prise de poste ? Si le niveau de responsabilité d'un secrétaire de mairie relève au moins de la catégorie B, rien n'empêche de recruter des fonctionnaires de catégorie C, mais en leur donnant cette formation de qualification.

Pourquoi ne pas créer une formation de professionnalisation ? Cela rejoint l'esprit de l'article 4 modifié.

Pour agir sur les parcours et les rémunérations, nous devons prendre en compte la taille des communes et la pluralité des viviers. Les textes actuels offrent déjà des marges importantes aux maires en matière de régime indemnitaire - même si cela représente un coût. (Mme Cathy Apourceau-Poly opine.) Mais la mutualisation entre plusieurs communes peut alléger l'effort.

M. Hussein Bourgi.  - Cela existe déjà.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - La carrière doit être mieux appréhendée, en favorisant la promotion interne et la mobilité. Nous cherchons à alléger les quotas, d'où mes réserves sur la rédaction de l'article 5.

Améliorer l'attractivité de la fonction publique est l'une de mes priorités. J'approfondirai ces propositions avec les représentants des fonctionnaires et, bien sûr, avec les parlementaires.

Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur cette proposition de loi qui éclaire le chemin à parcourir. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Jérôme Bascher ironise.)

Mme Cécile Cukierman .  - Le métier de secrétaire de mairie, peu connu, est pourtant fondamental. Ils sont le dernier maillon du service public dans les communes rurales.

Ce métier est exercé par des femmes à plus de 94 %. Elles doivent faire montre de qualités humaines, techniques, juridiques et financières. La société se judiciarise, et toute erreur peut avoir des conséquences importantes pour la commune.

Pour autant, le métier est en constante évolution, comme la politique communale elle-même. Le poids des intercommunalités ajoute de la complexité, tout comme parfois la dématérialisation. Les secrétaires de mairie gèrent l'urbanisme, la recherche de financements, reçoivent les usagers et assurent des missions bien au-delà de celles qui sont prévues.

Seules 62 % des secrétaires de mairie travaillent à temps complet ; 24 % partagent leur temps de travail sur trois communes pour obtenir un salaire convenable, et 60 % sont des agents de catégorie C - avec un traitement très insuffisant. Quelque 1 900 postes sont à pourvoir, et la situation ne s'améliorera pas dans les années à venir. Il y a urgence à pourvoir les postes vacants, à anticiper les vacances à venir, à réfléchir aux rémunérations. Si l'argent ne fait pas le bonheur, il y contribue...

Nous avons déposé cette proposition de loi car les secrétaires de mairie nous ont demandé d'améliorer leur statut, mais tout ne relève pas de la loi : il y aura un volet réglementaire, monsieur le ministre, et une réflexion à mener sur la mutualisation de certains postes. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Maryse Carrère applaudit également.) Cette proposition de loi atteste de notre proximité avec les secrétaires de mairie, ces couteaux suisses indispensables aux maires. Ce n'est pas un hasard si elles reçoivent régulièrement des médailles ! (M. André Reichardt acquiesce.)

Appréciées des élus et des citoyens, les secrétaires de mairie sont souvent le dernier rempart humain face au diktat de la dématérialisation.

Le manque d'attractivité de la fonction converge avec la multiplication des démissions d'élus. La faute à la diarrhée législative et réglementaire dont notre pays a le secret.

Le malaise demeure, en dépit des efforts des centres de gestion. (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)

Le nom de « secrétaire de mairie » ne reflète pas leurs fonctions ; « collaborateur du maire » renvoie à une autre fonction. Je propose que nous menions ensemble la réflexion, sans faire appel à McKinsey. (Sourires)

Certes il faut permettre la promotion interne, mais dans le mikado de la fonction publique territoriale, il convient de maintenir une différence avec les agents qui passent des concours difficiles. Nous voterons le texte de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du GEST ; M. André Reichardt applaudit également.)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; M. Alain Duffourg applaudit également.) Jadis, l'instituteur du village faisait office de secrétaire de mairie. (On le confirme sur plusieurs travées.) Aujourd'hui, ces agents, en majorité des femmes, sont un maillon crucial de la vie communale. Elles rédigent les documents administratifs, reçoivent les administrés... De vrais couteaux suisses.

M. André Reichardt.  - Il y a aussi des hommes !

Mme Maryse Carrère.  - La désaffection s'explique par la faiblesse des rémunérations, la diversité des tâches, la nécessité de cumuler plusieurs temps partiels. Le métier concentre à lui seul les difficultés de la fonction publique territoriale.

Les départs obligent les maires à procéder à des recrutements plus variés et à mutualiser.

En 2021, Amélie de Montchalin avait proposé des améliorations. Une seule mesure a été mise en oeuvre : la NBI de 15 % pour les secrétaires de mairie de communes de moins de 2 000 habitants.

C'est insuffisant. Le syndicat national des directeurs généraux de collectivités territoriales a organisé un colloque intitulé « Secrétaire de mairie, espèce menacée de la territoriale ou clé de voûte du bloc local au XXIe siècle ? » Tout est dit !

Je salue donc l'initiative du groupe CRCE. Je me réjouis de l'introduction d'une formation initiale obligatoire dispensée par le CNFPT durant la première année de la prise de poste. Le texte garantit un déroulement de carrière plus intéressant. Enfin, il autorise les communes de 1 000 à 2 000 habitants à recruter des contractuels. Attention cependant à préserver la spécificité de la fonction publique territoriale.

J'espère que vos travaux, monsieur le ministre, amélioreront l'attractivité de ce métier. Le RDSE votera le texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC)

M. Cédric Vial .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est l'occasion d'évoquer le beau métier de secrétaire de mairie, polyvalent, au service du public, un métier qui a du sens, un métier utile.

Mais ces agents de l'ombre, présents sur tous les fronts - juridique, politique, social -, doivent souvent se partager entre plusieurs mairies, et font souvent défaut, au point que les maires doivent eux-mêmes les remplacer.

Ces postes n'attirent plus. Ce n'est qu'un début : un quart des agents ont plus de 58 ans, 60 % plus de 50 ans.

Les secrétaires de mairie paient au prix fort le recul des services de l'État dans les territoires. Autrefois, ils pouvaient s'adresser à la trésorerie, à la direction départementale des territoires (DDT) ; désormais, ils doivent se débrouiller seuls.

La bureaucratie frénétique, entre législation débordante et une réglementation prolifique, rend impossible la conduite de projets si l'on n'est pas expert... Or les secrétaires de mairie ne peuvent être experts en tout !

Loin de simplifier leurs missions, la création des intercommunalités se traduit par de nouveaux process et peut entraîner un sentiment de déclassement ou de dépossession chez les secrétaires de mairie.

Cette proposition de loi est un début de réponse, nous la voterons. Nous voyons tous des secrétaires de mairie à bout, usés et désabusés. (Mme Cathy Apourceau-Poly le confirme.) Nous voyons tous des maires qui ont du mal à exercer leur mandat, faute de secrétaire de mairie.

Je salue le travail de la commission des lois, de sa rapporteure et le sens des responsabilités des auteurs de la proposition de loi, rendue consensuelle grâce à ce travail constructif qui est la marque du Sénat.

Le travail amorcé se poursuivra avec une mission d'information dont je serai rapporteur avec Jérôme Durain, dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales présidée par Françoise Gatel.

M. Philippe Folliot.  - Très bien !

M. Cédric Vial.  - Nous devons apporter des solutions concrètes aux secrétaires de mairie, en matière de formation et d'accompagnement. Le binôme maire-secrétaire de mairie est le moteur des territoires ruraux : mettons tout en oeuvre pour éviter la panne. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

Mme Colette Mélot .  - « L'urgent est fait. L'impossible est en cours. Pour les miracles, prévoir un délai ». Ce panneau affiché dans une mairie rurale reflète bien le quotidien des secrétaires de mairie.

Le tandem composé du maire et de sa secrétaire de mairie - car ce sont majoritairement des femmes - est indispensable à la réussite du mandat et la bonne marche du service public.

Les secrétaires de mairie assurent l'accueil, aident à la réalisation des démarches administratives et sont constamment en rapport avec les administrés. C'est souvent l'unique guichet de proximité.

Nous pouvons en témoigner, leurs missions quotidiennes sont multiples : comptabilité, demandes de subventions, réponses aux habitants, gestion du personnel...

Leur formation est insuffisante sur le fond et inadaptée sur la forme. Le Sénat s'est fait l'écho des demandes des élus locaux.

Je salue le dépôt de cette proposition de loi, mais le texte initial était lacunaire. Les amendements de la rapporteure en comblent les failles.

La création d'une formation obligatoire est une avancée concrète.

Méconnues, parfois délaissées, les secrétaires de mairie sont le coeur battant de nos communes : il faut redonner de l'attractivité à leurs postes.

Le groupe Les Indépendants votera le texte de la commission. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Jean-François Longeot applaudissent.)

M. Guy Benarroche .  - À l'heure où le fait politique n'est plus compris, le maire demeure l'élu préféré des Français. Son action concrète, de proximité, maintient un lien solide dans le millefeuille territorial.

Les secrétaires de mairie, des femmes à 94 %, sont un rouage clé de la commune, entre élus, administration et public, mais le manque de reconnaissance aggrave les difficultés de recrutement, alors que plus de 2 000 postes sont vacants.

Le groupe CRCE proposait un statut innovant. La commission a modifié le texte, mais l'urgence à agir demeure. Je regrette que la commission ait refusé de créer un statut spécifique. Je comprends toutefois que certaines dispositions relèvent du domaine réglementaire.

Le choix d'étendre aux communes de 2 000 habitants le droit de recruter des contractuels est insuffisant. La contractualisation à grande échelle nous pose problème, d'autant que deux tiers des secrétaires de mairie exercent à temps partiel et qu'un quart travaille sur plusieurs communes. Nous aurions préféré une réflexion plus large, notamment sur la mutualisation.

Les postes sont occupés par des contractuels ou des fonctionnaires de différentes catégories. Nous partageons le souci de sécuriser le fonctionnement des mairies en améliorant les conditions d'exercice des secrétaires de mairie, dont je salue le dévouement.

Le GEST votera ce texte et appelle le Gouvernement à se saisir de cette question, pour des conditions de travail dignes et un service public de qualité accessible à tous. Il faudra inscrire la rémunération et le parcours professionnel des secrétaires de mairie dans le cadre de la réflexion sur la fonction publique lancée en février dernier.

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Indispensable. C'est un terme que nous employons souvent, parfois trop. Dans le cas des secrétaires de mairie, il est adéquat. Impossible de se passer d'eux.

La proposition de loi du groupe CRCE nous offre l'occasion d'un débat sur cette fonction. Il faut progresser sur sa caractérisation.

Toutefois, les spécificités professionnelles échappent à l'édifice statutaire, qui est une garantie de droits professionnels assortis de schémas fondés sur une nomenclature des emplois et des grades, associés à une échelle indiciaire uniforme. La solution, c'est la contractualisation.

Afin de rendre à ces fonctions leur attractivité, il faut que tous les secrétaires de mairie sortent de la catégorie C. En effet, le niveau de qualification requis est bien supérieur. Il est urgent d'organiser un schéma de reclassement fondé sur la reconnaissance des acquis de l'expérience. Sur les rémunérations, il faudra faire du hors norme. Nous serons sans doute amenés à recruter par contrat, ce qui offre plus de marges de rémunération.

Dans la périphérie des grandes villes, la question du logement se pose avec acuité. Or le droit actuel ne permet pas aux communes de loger les secrétaires de mairie, ni de leur octroyer un logement en deçà du prix du marché. Il faut actualiser la loi sur ce point.

La revalorisation des secrétaires de mairie aura des conséquences sur les finances communales. Monsieur le ministre, rendez-vous lors de la prochaine loi de finances ! Le paquet de mesures doit être bouclé avant l'été. Pour les communes, cela représente un surcoût annuel de 2 000 ou 3 000 euros. Il me semble légitime que cette question fasse l'objet d'un chapitre dans le calcul de la DGF. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. Hussein Bourgi .  - Je salue le groupe CRCE, dont l'initiative répond aux attentes des secrétaires de mairie, et la rapporteure Catherine Di Folco pour l'exhaustivité et la richesse des auditions qu'elle a menées.

Cette proposition de loi est bienvenue : les secrétaires de mairie exercent un métier méconnu du grand public, mais ô combien précieux. À la fois juristes, fiscalistes, trésoriers, urbanistes, rédacteurs, mais aussi psychologues et conseillers d'orientation, ils incarnent le service public municipal à visage humain, accessible à tous. Souvent, dans les villages, on les appelle par leur prénom ; c'est dire si la population leur est attachée.

Les secrétaires de mairie sont les partenaires de l'équipe municipale, qu'ils aident à concevoir et à mettre en oeuvre les politiques publiques locales. Sans eux, les communes n'existeraient plus.

Pourtant, malgré sa polyvalence, le métier connaît une perte d'attractivité. Les communes de moins de 2 000 habitants peinent à recruter ; et que dire de celles de moins de 1 000 habitants ? (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.) D'ici 2030, un tiers des secrétaires de mairie partira à la retraite. Si l'on ajoute leur crise de vocation à celle des élus, on court à la catastrophe.

Trois articles demeurent après l'examen du texte en commission. L'article 4 prévoit une formation obligatoire dans un délai d'un an à compter de la prise de poste. Il est bienvenu, au vu de la complexité des tâches. Cela dit, le régime d'absence n'a pas été abordé, et pourrait poser problème.

L'article 5 porte sur l'évolution de carrière des secrétaires de mairie. Il est aussi bienvenu.

En revanche, nous sommes plus réservés sur la philosophie de l'article 5 bis. Outre notre réticence à généraliser la contractualisation, nous considérons que le relèvement du plafond de 1 000 habitants à moins de 2 000 habitants revient à mutualiser la pénurie et à accroître la concurrence entre communes.

D'autres leviers existent, notamment la rémunération. Certes, un premier effort a été réalisé avec le décret du 28 février 2022 sur la NBI, mais il reste insuffisant. En outre, la NBI est à la charge des collectivités territoriales, qui, souvent, ne peuvent l'assumer. Je connais des secrétaires de mairie dans l'Hérault qui n'en bénéficient pas, car elles partagent leur temps entre plusieurs communes qui se renvoient la balle.

La création d'un fonds de soutien local, à l'article 6, apportait une première réponse. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors du projet de loi de finances. Monsieur le ministre, cessez le ping-pong gouvernemental et répondez à cette préoccupation majeure des élus.

Nous voterons ce texte, en prenant date pour l'avenir.

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il est grand temps de prendre en compte le rôle stratégique des secrétaires de mairie. Je salue l'initiative du groupe CRCE.

Ces 14 000 agents publics, souvent des femmes, sont les gardiens administratifs de nos villages, les premiers à être en contact avec les citoyens. Collaboratrices directes des maires et des municipalités, les secrétaires de mairie oeuvrent chaque jour au bon fonctionnement municipal, sans compter leur temps. Elles sont un trait d'union entre les administrés, les élus et les autres administrations.

Mais leur métier n'est pas suffisamment reconnu, en dépit de leurs responsabilités. Les secrétaires de mairie élaborent le budget, gèrent les ressources humaines ou l'urbanisme, entre autres. Elles doivent sans cesse s'adapter aux changements législatifs et réglementaires.

Les causes du désamour sont connues : temps partiel, rémunération trop faible. Or la situation s'aggravera d'ici à quelques années.

Il est temps de revaloriser le statut des secrétaires de mairie en leur offrant une formation adéquate et en leur octroyant des primes et des augmentations de salaire. Favorisons également leur progression de carrière. Il faut aussi garantir leur sécurité au travail, face aux incivilités ou aux agressions physiques.

Ce métier très diversifié exige de nombreuses qualités. Les secrétaires de mairie sont un maillon incontournable de nos communes : il est urgent de leur octroyer la reconnaissance qu'elles méritent.

Mme Françoise Gatel.  - C'est vrai.

M. Jean-François Longeot.  - Sans hésitation, le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et du groupe CRCE)

Mme Béatrice Gosselin .  - Le métier de secrétaire de mairie est le plus en tension de la fonction publique territoriale. Pourtant indispensable au bon fonctionnement de nos collectivités, il est méconnu et souffre d'un manque de reconnaissance.

Le secrétaire de mairie assure des tâches essentielles : gestion funéraire, élections, urbanisme, marchés publics, ressources humaines, accueil du public... Ce sont les premières personnes que les habitants rencontrent lorsqu'ils ont une difficulté.

Sur les 368 communes de moins de 2 000 habitants de la Manche, 260 ont un seul agent ; plus des deux tiers sont des adjoints administratifs de catégorie C.

L'absence de concours de secrétaire de mairie entraîne un manque de visibilité.

La plupart des secrétaires de mairie travaillent à temps partiel et relèvent de la catégorie C. Dans la Manche, seuls 38 % sont à temps plein.

Certains EPCI, conscients du problème, proposent un temps complet en le mutualisant sur plusieurs petites communes.

Le titre de secrétaire de mairie ne correspond plus aux missions remplies, mais reste plébiscité par les habitants : faut-il le faire évoluer ?

Plutôt que la création d'un fonds de soutien, prévue par le texte initial, la commission a préféré autoriser le recours aux contractuels pour les communes de moins de 2 000 habitants. Il faut aussi favoriser l'autonomie financière des collectivités territoriales.

En outre, une formation académique est en cours de développement. Certaines universités proposent des diplômes en alternance. C'est le cas à Alençon.

Un partenariat entre Pôle emploi et le CNFPT favoriserait les formations au profit des demandeurs d'emploi.

Toutefois, ces mesures ne sauraient nous dispenser d'une réflexion de fond sur l'attractivité de cette profession. Les récentes mesures de revalorisation restent limitées ; il faut une démarche plus globale.

Monsieur le ministre, vous avez récemment déclaré que la promotion interne serait facilitée - je m'en réjouis. Les centres de gestion pourraient fixer des quotas.

Je salue le travail de nos collègues du groupe CRCE et de la rapporteure Di Folco. Le groupe Les Républicains votera le texte issu de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

M. Rémi Cardon .  - Je rends hommage à Céline Brulin et à ses camarades du CRCE. (M. Jean-François Husson et plusieurs membres du groupe Les Républicains s'amusent.) La réalité du poste de secrétaire de mairie est très vaste. Sans elles...

M. Jean-François Husson.  - Sans eux !

M. Rémi Cardon.  - Ce sont des femmes à 94 %. Sans elles, nous perdrons le lien entre les citoyens et la République. De couteaux suisses, elles sont devenues perles rares.

Elles sont conseillères numériques, assistantes sociales, spécialistes de l'urbanisme... Au quotidien, elles mènent un travail essentiel, mais ne sont pas valorisées à leur juste valeur. Faible rémunération, temps partiel, autant de raisons qui expliquent les difficultés de recrutement. Quelque 1 900 postes sont à pourvoir et d'ici 2030, un tiers des secrétaires de mairie partiront à la retraite.

Cette proposition de loi pose le premier jalon d'une revalorisation du statut : nous l'accueillons positivement. Nous prenons acte des amendements adoptés en commission. Le texte est certes plus opérationnel, mais il a perdu une partie de son sens.

Le groupe SER estime que d'autres pistes existent pour valoriser cette profession, à commencer par la rémunération. Certes, le décret du 28 février 2022 - juste avant la présidentielle - a permis un apport de 70 euros bruts par mois, mais la rémunération n'est pas à la hauteur du travail accompli. De plus, ce coût est supporté par les collectivités territoriales. Il faudra en reparler lors du projet de loi de finances.

Mme Véronique Del Fabro .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le constat est alarmant : d'ici 2026, plus de 150 secrétaires de mairie de Meurthe-et-Moselle partiront à la retraite. Mon département n'est pas une exception : 42 % des secrétaires de mairie partiront dans les dix prochaines années.

Ce métier complexe souffre d'un manque d'attractivité.

Les secrétaires de mairie sont des collaborateurs essentiels des maires. Les élus passent, elles restent.

Le développement de l'intercommunalité a entraîné une évolution du métier. Les secrétaires de mairie sont polyvalentes. Certaines montent même des dossiers de subventions européennes - qui ne sont pas simples !

La faible rémunération, le temps partagé entre plusieurs communes qui les obligent à avoir des outils et des partenaires différents sont autant de facteurs démobilisateurs. Sur les réseaux sociaux, elles expriment leur mal-être.

Changer l'intitulé du poste ne fera pas tout, mais aidera à mieux refléter la réalité du métier.

Le centre de gestion de Meurthe-et-Moselle a créé avec l'université de Moselle un diplôme spécifique. Le taux d'insertion professionnelle est de 90 %. Il faut dupliquer cette initiative.

Certaines communes rurales n'hésitent pas à mutualiser le recrutement afin d'offrir des temps complets et des avantages sociaux.

La formation est essentielle. Offrons à ces personnels des conditions de travail décentes, une rémunération juste et des formations régulières, en vue d'assurer un service public de qualité.

Le groupe Les Républicains votera le texte issu de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Discussion des articles

ARTICLE 4

Mme Françoise Gatel .  - Je salue cette initiative, qui place la fonction de secrétaire de mairie sous les projecteurs.

Cette proposition de loi nourrira la réflexion du groupe de travail de la délégation aux collectivités territoriales conduit par Catherine Di Folco, Jérôme Durain et Cédric Vial sur l'attractivité de la fonction publique territoriale.

Sens du travail et rémunération : voilà les défis à relever pour les secrétaires de mairie. Gare à la concurrence entre collectivités. Je salue les initiatives locales telles qu'Only Lyon...

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - En bon français !

Mme Françoise Gatel.  - ... ou, en Bretagne, Den.bzh. Ces marques de territoire permettent aux centres de gestion de se regrouper. Voilà des initiatives utiles.

M. Philippe Folliot .  - Je remercie Céline Brulin pour son excellente initiative, qui répond aux besoins des secrétaires de mairie, mais aussi des maires. Car dans une commune rurale, c'est ce duo qui fait que les choses fonctionnent. Je prends acte de la suppression des trois premiers articles par la commission, mais il faudra traiter du sujet dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales.

La formation est un élément essentiel. Dans les communes qui n'ont qu'un agent, le droit à la formation n'est effectif que si l'agent peut être remplacé - faute de quoi, il faut fermer la mairie ! Mon amendement s'est heurté à l'article 40, mais nous devons réfléchir collectivement à ce sujet.

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - La commission a retravaillé l'article 4 en inscrivant la formation initiale dans le marbre de la loi. C'était indispensable, vu la complexité croissante des missions des secrétaires de mairie et la polyvalence exigée.

Le président du centre de gestion de l'Yonne me disait n'avoir pu honorer que quinze demandes de formation sur cent, faute de financement. Dans l'Yonne, la région déploie des crédits, mais il faut réfléchir à des règles, une gouvernance. Nous en reparlerons en loi de finances.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme N. Goulet.

Alinéas 3 et 5

Remplacer les mots :

secrétaire de mairie

par les mots :

collaborateur communal ou collaboratrice communale

Mme Nathalie Goulet.  - C'est un amendement d'appel sur le changement de nom, suggéré par le président du centre de gestion de l'Orne. Les secrétaires de mairie pourraient devenir collaborateurs communaux.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 3 et 5

Après le mot :

secrétaire

insérer le mot :

général

M. Hussein Bourgi.  - Le changement de nom est une demande des intéressées : le nom de leur fonction, c'est leur carte d'identité professionnelle, leur carte de visite.

Je suis délégué du CNFPT en Occitanie. Depuis trois ans, j'ai accompagné 500 personnes dans le cadre du partenariat avec le centre de gestion et l'Association des maires de France (AMF) ; à l'issue de la formation, on pose la question du nom. « Collaborateur du maire » a une coloration politique.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - C'est vrai.

M. Hussein Bourgi.  - « Secrétaire de mairie » ne convient pas aux intéressés ; « directeur général des services » (DGS) déplaît aux DGS des grandes collectivités ; « responsable du personnel communal » déplaît aux maires. Dans les réponses au questionnaire, un consensus semble se dégager autour de « secrétaire général de mairie ».

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Bonne idée.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Certes, l'appellation de secrétaire de mairie est un peu désuète, et ne correspond plus aux missions exercées. Sans doute faut-il un terme plus moderne et plus attractif.

Quel est le bon terme ? Aucune des propositions formulées ne recueille l'assentiment général. Les plus anciennes sont attachées au titre de secrétaire de mairie. Restons-en là et continuons le travail avec les intéressés. Retrait ou avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Je souscris à l'avis de la rapporteure.

C'est avec les secrétaires de mairie, les associations d'élus, les employeurs territoriaux qu'il faut définir le bon titre. « Collaborateur communal » est un peu générique et omet le volet relations publiques de la fonction.

Il y a d'autres propositions : « responsable administratif », « secrétaire général de mairie ».

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - C'est pas mal, ça !

L'amendement n°1 est retiré.

Mme Céline Brulin.  - Merci pour ces amendements qui nourrissent la réflexion autour de l'appellation. Nous avions cherché, sans aboutir. J'entends l'engagement du ministre à ce qu'une réflexion soit menée avec les secrétaires de mairie et leurs employeurs sur ce sujet. Attention toutefois à ce que le changement de nom ne soit pas l'arbre qui cache la forêt : il y a surtout de fortes attentes en matière de rémunération. (MmeFrançoise Gatel et Nathalie Goulet le confirment.)

M. Alain Richard.  - En effet, le nom doit changer. Je rappelle toutefois que trente ans après avoir renommé les instituteurs, ce terme reste d'usage courant ! Tout nouveau nom s'appliquera de manière progressive.

M. Christian Bilhac.  - C'est certain.

Mme Françoise Gatel.  - Il faut changer de nom, mais je rejoins Céline Brulin : monsieur le ministre, tout dépend de vous ! Jérôme Durain l'a dit, les secrétaires de mairie sont en quête de sens - et de sous.

La réflexion sur le nom est bienvenue, mais devra s'accompagner d'un volet rémunération !

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Engagement est pris de travailler dans les prochaines semaines avec les employeurs territoriaux pour prendre date et légiférer si nécessaire avant l'été ; les aspects financiers seront abordés en loi de finances.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - La prochaine loi de finances !

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Sur les rémunérations, il faut travailler sur le cadre indiciaire, mais aussi sur les outils indemnitaires qui existent déjà.

Il y a quatre cadres d'emplois liés au métier de secrétaire de mairie. Pour les attachés territoriaux, le Rifseep brut est de 42 000 euros, mais le régime indemnitaire moyen versé en 2019, de 13 000 euros. Pour les secrétaires de mairie, corps en extinction, le plafond Rifseep est de 42 000 euros, le régime indemnitaire moyen de 3 500 euros. Pour les rédacteurs territoriaux, le plafond est de 19 860 euros, le régime indemnitaire moyen de 7 700 euros. Pour les adjoints administratifs territoriaux, respectivement 12 600 euros et  5 400 euros.

Le Gouvernement fixera un cadre, mais je rappelle aussi la responsabilité des employeurs, sans minimiser les conséquences budgétaires pour les collectivités.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - J'ai fait ce métier toute ma vie, d'abord comme secrétaire générale, puis comme DGS.

Pour avoir pendant quinze ans formé des secrétaires de mairie notamment sur les questions budgétaires et comptables, je sais que l'instruction M14 n'est pas facile d'accès. La plupart, pour venir en formation, devaient fermer la mairie.

Je vous parlerai d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître...

M. le président.  - Allons bon !

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Jadis, on pouvait préparer le diplôme de l'École nationale d'administration municipale en trois ans, en cours du soir, puis le diplôme supérieur. Ce cursus m'a permis de gravir les échelons, du concours de commis à celui de rédacteur, puis à la catégorie A+, comme DGS dans des villes importantes. Je regrette que cette formation ait disparu. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

Quant au Rifseep, monsieur le ministre, il ne peut être mobilisé que par les communes qui en ont les moyens. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et UC)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

Mme Françoise Gatel.  - Bravo !

M. Mathieu Darnaud.  - Mme Varaillas et Mme Brulin ont raison : la sémantique est importante, mais la rémunération plus encore. (Marques d'approbation)

En Ardèche, il n'y a plus de ressources humaines ; on doit mutualiser au maximum.

Oui, il y a le Rifseep, mais les communes dont je parle n'ont pas les moyens de verser des indemnités. Et cela reste de simples primes, qui ne comptent pas pour la retraite. (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.) Il est urgent d'agir pour ces femmes et ces hommes qui sont les piliers de la vie communale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

M. le président.  - Monsieur le ministre, vous avez voulu lancer le débat. Le retour ? Il faut plus de moyens pour nos communes ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5

M. Philippe Folliot .  - Cet article porte sur la promotion interne, qui est essentielle. Un de mes amendements visait à développer les stages, pour faire mieux connaître cette profession passionnante.

Un autre traitait des secrétaires de mairie qui exercent leurs fonctions dans plusieurs communes rurales, parfois éloignées, souvent par demi-journée. En zone de montagne, les déplacements sont compliqués. Il faudra aussi prendre en compte cet aspect.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après le mot :

secrétaire

insérer le mot :

général

M. Hussein Bourgi.  - Je prends acte des réponses du ministre, et je prends date.

L'amendement n°4 rectifié est retiré.

L'article 5 est adopté.

L'article 5 bis est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Folliot.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 452-22 du code général de la fonction publique, il est inséré un article L. 452-22-... ainsi rédigé :

« Art. L. 452-22-...- Il est institué dans chaque centre de gestion de la fonction publique un conseil représentatif des agents administratifs exerçants les fonctions de secrétaire de mairie. Le conseil est constitué pour moitié d'élus et pour moitié de représentants des agents administratifs représentants. Il émet des avis simples sur toutes les questions d'ordre général qui concernent le cadre d'emploi. »

M. Philippe Folliot.  - Cet amendement fait suite à mes échanges avec le président du centre de gestion du Tarn et avec des associations de secrétaires de mairie.

Le Syndicat national des secrétaires généraux représente plutôt les grandes communes où le secrétaire général assume une fonction d'animation des équipes - loin des petites communes rurales où les secrétaires de mairie font tout.

Une telle instance de dialogue à l'échelle départementale permettrait de faire vivre le duo maire-secrétaire de mairie.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - La fonction de secrétaire de mairie ne correspond plus à un cadre d'emploi unique, ce qui nuit à sa visibilité. Mais cet amendement pose des problèmes. Il y a déjà des représentants des agents dans les centres de gestion. Quelle serait la place d'une telle instance par rapport aux autres instances paritaires, comme les commissions administratives paritaires (CAP) ?

En outre, les centres de gestion n'ont pas vocation à émettre des avis pour l'ensemble d'une profession.

La mesure est trop imprécise pour être opérationnelle. Enfin, l'instance émettrait des avis pour plusieurs cadres d'emploi, mais pour une seule fonction, ce qui constituerait une rupture d'égalité. Retrait ou avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Folliot.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi est mis en place un conseil organisant la répartition des secrétaires de mairie par zones territoriales avec l'appui des acteurs issus des collectivités territoriales et des représentants de secrétaires de mairie.

M. Philippe Folliot.  - Nombre de secrétaires de mairie vont partir à la retraite dans les années à venir : il faut anticiper en favorisant les échanges entre élus et secrétaires de mairie. L'association nationale des secrétaires de mairie est en train de s'implanter dans les différents départements, c'est une bonne chose.

Les CAP traitent des schémas individuels. Je propose un cadre plus collectif pour les enjeux spécifiques aux secrétaires de mairie, qui ne sont pas solubles dans les instances par corps.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - À la différence des CAP, les comités sociaux territoriaux traitent de sujets collectifs : des groupes de travail spécifiques pourraient être créés en leur sein. Je pense aussi au Conseil supérieur de la fonction publique.

Le centre de gestion est le tiers de confiance privilégié des communes. Les centres de gestion devraient pouvoir mettre à leur disposition des secrétaires remplaçantes ou itinérantes.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Ils le font déjà.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Certes, mais il faut l'encourager.

Les petites communes -  je le dis sans intention péjorative  - sont au coeur de l'attention des centres de gestion. Faisons donc confiance à ceux-ci. Un conseil ad hoc ne me semble pas adapté : retrait ou avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Mon avis est en tout point identique.

M. Christian Bilhac.  - J'ai moi aussi suivi la formation du diplôme d'études supérieures d'administration municipale,  il y a bien longtemps ! (Sourires) En tant que président d'un centre de gestion, j'ai aussi organisé des formations.

Celles-ci sont trop souvent théoriques. Or la secrétaire de mairie a de nombreux sujets à connaître et de compétences à maîtriser.

En 1998, ma secrétaire de mairie m'a informé de son souhait de partir à la retraite en 2001. À l'époque, le dispositif des emplois jeunes existait : j'ai recruté une personne dans ce cadre. En complément de sa formation théorique, elle a appris la dimension pratique du métier au côté de la secrétaire en place. Lorsque celle-ci est partie, j'étais triste, car nous avions collaboré longtemps, mais pas pris au dépourvu.

Pourquoi ne pas envisager de recourir à de tels contrats aidés ? (Mmes Cécile Cukierman et Marie-Claude Varaillas applaudissent.)

M. Hussein Bourgi.  - Je ne suis pas convaincu par l'idée d'une instance de répartition. Comme pour les médecins, je vois mal comment nous pourrions opérer une répartition coercitive.

En Occitanie, nous expérimentons avec l'AMF un recensement des projets de départ à la retraite et des souhaits de mutation. Une liste de postes vacants ou qui le seront bientôt est remise aux nouvelles secrétaires à la fin de leur formation initiale : on favorise ainsi une répartition équilibrée des secrétaires de mairie sur le territoire régional. Nous limitons les cloisonnements administratifs en incluant des postes situés dans des départements voisins.

L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

L'amendement n°2 est retiré, de même que l'amendement n°5 rectifié.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Je remercie le groupe CRCE pour son initiative et la commission pour son travail. Ce texte est l'occasion de rendre hommage aux petites mains de la République, qui sont des piliers de l'action communale.

Des initiatives locales sont prises, qu'il faudrait démultiplier. Dans l'Yonne, par exemple, l'association des secrétaires et employés administratifs des mairies de l'arrondissement de Sens favorise le partage d'expériences.

Nous devons conforter les vocations et l'attractivité de ce métier, d'autant que les secrétaires de mairie d'aujourd'hui sont souvent les élus de demain : nous avons là un vivier de femmes et d'hommes prêts à s'engager. J'ai fait mes gammes de conseiller municipal à Vallery sous l'égide d'Annie Serdin, qui fut pendant seize ans secrétaire de mairie. Je pense aussi à Isabelle Poulin, maire des Clérimois après avoir été secrétaire de mairie à Fontaine-la-Gaillarde pendant 41 ans.

Ce texte est un point de départ. Je me réjouis du travail mené par la future mission d'information et je salue l'engagement du ministre.

Mme Laure Darcos .  - Je remercie Mme Brulin pour son initiative, ainsi que notre rapporteur.

Avec ce texte, nous rendons hommage aux secrétaires de maire, ferments de nos petites communes, dont la tâche est souvent difficile. Les dossiers de demande de subvention au titre de la DETR, de la DSIL ou, demain, du fonds vert sont très complexes, et les secrétaires de mairie subissent une pression considérable.

Heureusement, lorsqu'une secrétaire de mairie manque, les communes voisines font preuve de solidarité.

Ces personnels remplissent une fonction cruciale, il est essentiel de les aider.

M. Olivier Jacquin .  - Je félicite le groupe CRCE pour son initiative.

Dans la communauté de communes Mad et Moselle, un secrétariat mutualisé a été mis en place, dont bénéficient trente communes. De même, un diplôme universitaire a été créé avec le centre de gestion ; son taux d'insertion dépasse les 90 %. Autre idée originale : une mairie virtuelle à l'échelle de cinquante communes, en plus du présentiel, pour répondre aux appels de nos concitoyens du lundi au samedi de 8 à 20 h.

De telles initiatives méritent d'être encouragées.

Mme Céline Brulin .  - Je remercie nos collègues pour le vote qui semble se dessiner ainsi que la rapporteure, avec qui j'ai travaillé de manière confiante et loyale.

Cette proposition de loi marque un début. Nous devons poursuivre le travail, notamment sur la rémunération et la formation.

Soulignons la fécondité du statut de la fonction publique dans ce qu'il a de meilleur, nous qui sommes les modestes continuateurs d'Anicet Le Pors : le statut permet d'attirer et de fidéliser.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué le prochain projet de loi de finances ; nous prenons date. La piste des quinze points de bonification indiciaire doit être explorée dès à présent - 70 euros, ce n'est même pas un plein d'essence, alors que les secrétaires de mairie multiplient les kilomètres. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et UC ; Mme Colette Mélot et M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

M. Cédric Vial .  - Grâce à cette proposition de loi, nous mettons en lumière un métier essentiel à nos communes. À l'État, responsable de la bonne administration sur tout le territoire, d'améliorer la situation.

Le métier de secrétaire de mairie est un beau métier, polyvalent et de contact, administratif mais aussi stratégique.

Favorisons la reconnaissance des secrétaires de mairie, améliorons leur formation, notamment pour la rendre plus pratique, accompagnons-les face aux difficultés qu'elles rencontrent et travaillons sur leurs conditions de travail. C'est un enjeu crucial pour nos territoires ruraux. (Mme Françoise Gatel et M. Alain Duffourg applaudissent.)

Mme Cécile Cukierman .  - Notre discussion nourrie le prouve : les secrétaires de mairie sont indispensables à nos communes - elles leur sont même consubstantielles.

Monsieur le ministre, nous devons continuer à travailler : des financements à la hauteur sont nécessaires, mais il ne faut pas en faire porter le poids sur les communes. D'ici au prochain projet de loi de finances, la délégation aux collectivités territoriales aura avancé sur le sujet.

Ce texte est un point de départ pour améliorer la situation d'agents qui ne sont pas souvent mis en avant. Je remercie Mme la rapporteure d'avoir permis que ce texte aboutisse en séance. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et UC)

La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.

(Vifs applaudissements)