SÉANCE

du jeudi 13 avril 2023

81e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires : M. Pierre Cuypers, Mme Victoire Jasmin.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

FNGIR pour les petites communes

Mme Nadia Sollogoub .  - Certaines petites communes rurales voient leur contribution au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) figée depuis 2014 alors que leurs ressources évoluent en général négativement. Mes amendements au projet de loi de finances (PLF) visaient à exonérer les plus petites communes de contribution au FNGIR en deçà d'un certain seuil de population.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le dispositif en vigueur a permis d'assurer une stricte neutralité financière pour chaque collectivité locale, grâce au mécanisme pérenne instauré par l'article 78 de la loi de finances pour 2010, composé d'une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) financée par l'État et du FNGIR.

Un prélèvement ou un reversement au titre du FNGIR est calculé sur la base d'une comparaison des ressources avant et après réforme de la taxe professionnelle (TP) pour le seul exercice 2010, au terme d'une opération à caractère national.

Depuis 2012, les montants prélevés ou reversés au titre du FNGIR sont fixes en euros constants et évitent ainsi une instabilité des compensations. Cette fixité n'est pas structurellement pénalisante pour les contributeurs qui ont connu depuis 2010 un dynamisme de leur fiscalité économique locale. Leur contribution au FNGIR n'a pas augmenté, tandis que leurs ressources fiscales ont progressé.

L'objectif du législateur étant de ménager la transition entre deux régimes fiscaux successifs, la réactualisation année après année des prélèvements alimentant le FNGIR ou leur réfaction dégressive ne paraît guère envisageable. Le Gouvernement est conscient des difficultés liées à la fixité du FNGIR pour les communes contributrices, notamment rurales, confrontées au départ d'une ou plusieurs entreprises de leur territoire. Des mesures ont été prises pour compenser les pertes exceptionnelles de base de contribution économique territoriale (CET). L'article 79 de la loi de finances pour 2021 a créé un prélèvement sur recettes de l'État, prévoyant que l'État verse annuellement une dotation égale à un tiers de la contribution au FNGIR. Pour les communes dont le prélèvement au titre du FNGIR représente plus de 2 % de leurs recettes réelles...

M. le président.  - Votre temps est largement dépassé, madame la ministre.

Mme Nadia Sollogoub.  - Concrètement, Bazolles, commune de 290 habitants dans la Nièvre, verse 250 000 euros au titre du FNGIR. Le problème, ce n'est pas la fixité de la contribution mais son montant, déraisonnable. Lors de l'examen du PLF, on m'avait répondu qu'il peut y avoir de toutes petites communes avec un fort potentiel fiscal. Mais même si un millionnaire était présent sur une commune, cela ne remplit pas ses caisses pour refaire les routes ou le toit de l'église ! On ne va pas augmenter la fiscalité de l'ensemble des habitants sous prétexte que l'un d'entre eux est beaucoup plus riche que les autres. Avec la réforme de la taxe d'habitation, le levier fiscal n'existe plus, et les budgets des toutes petites communes se retrouvent avec des aberrations. Je reformulerai ma demande chaque année.

Option végétarienne quotidienne dans la restauration collective

M. Daniel Salmon .  - Après deux années d'expérimentation du menu végétarien dans la restauration collective mise en place par la loi Climat et résilience, dans plus de 200 communes, un consensus émergeait sur les bienfaits de ce menu équilibré pour la bonne santé des enfants et vertueux pour l'environnement.

Pourtant, un projet d'arrêté ministériel pourrait imposer une quantité minimale de viande et de poisson dans les cantines, résultat de la contre-offensive de l'industrie agroalimentaire, qui rendrait impossible l'alternative végétarienne pour la restauration scolaire !

Or les bénéfices des repas végétariens sont multiples : d'abord pour la santé, en réduisant les risques de maladies chroniques d'origine nutritionnelle. Selon l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), un menu végétarien équilibré apporte la quantité de protéines nécessaire à la santé.

Ensuite, les économies réalisées servent à introduire plus de viande bio et locale : 20 % des cantines sans menu végétarien proposent de la viande bio locale contre 50 % des cantines avec un menu végétarien quotidien. Ce cercle vertueux bénéficie ainsi à toutes les parties prenantes.

Le menu végétarien est un modèle d'inclusion, une « alternative affranchie de freins éthiques, religieux ou sociaux » selon le Défenseur des droits.

Enfin, il est bénéfique pour le climat : l'alimentation représente 24 % de l'empreinte carbone des ménages français. Chaque repas végétarien évite l'émission de 1,5 kg de carbone en moyenne, soit 10 km en voiture.

Plutôt que de mettre un terme à une expérimentation qui a fait ses preuves, pérennisons-la ! Laissons aux familles le choix de leur alimentation. Permettez à toutes les cantines de servir une option végétarienne sur une base quotidienne.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le rapport relatif à l'expérimentation de l'option végétarienne quotidienne pour les collectivités volontaires est en cours d'élaboration, sur la base des travaux d'une mission interinspections associant celles de l'agriculture (CGAAER) et de l'environnement (IGEDD). Seules 49 collectivités sur 200 ont souhaité s'inscrire dans le cadre de cette expérimentation et partager leur expérience. Des entretiens qualitatifs complémentaires ont dû être organisés.

Depuis 2012, il est obligatoire de servir, sur vingt repas successifs, du poisson lors de quatre repas et de la viande rouge non hachée lors de quatre repas. En cas de choix multiple, il est donc possible de servir une option végétarienne quotidienne, dès lors que de la viande et du poisson sont servis dans les options non végétariennes. De même, certaines collectivités ont mis en place une option végétarienne sur réservation quelques jours à l'avance, ce qui s'apparente à un choix multiple.

En revanche, le cadre existant depuis dix ans ne permet pas une inscription à une option végétarienne à l'année ou au trimestre car, de fait, les élèves inscrits à cette option n'auront pas la possibilité, de manière certaine, de consommer de la viande ni du poisson pendant toute une année ou un trimestre.

Le tribunal administratif de Lyon a estimé, le 23 mars 2023, que la décision de la mairie de Lyon d'instaurer des menus sans viande du 22 février au 2 avril 2021 était contraire au respect de la qualité nutritionnelle des repas.

Le Haut Conseil de la santé publique recommande que les enfants consomment du poisson deux fois par semaine, et de la viande, volaille et oeufs les autres jours - sans qu'il soit nécessaire d'en consommer à chaque repas.

M. Daniel Salmon.  - Il faudra faire évoluer les pratiques et les régimes alimentaires, comme le préconisent tous les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), sinon nous n'arriverons pas à réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Fermeture des zones de pêche dans le golfe de Gascogne

Mme Frédérique Espagnac .  - Depuis le 29 mars 2023, des marins-pêcheurs d'Arcachon et de Capbreton, inquiets, bloquent le port de Bayonne. Ils contestent la décision du Conseil d'État du 20 mars 2023, qui ordonne au Gouvernement de fermer des zones de pêche dans le golfe de Gascogne pour quatre mois, dans un délai de six mois.

Si tout le monde partage l'objectif de protéger la diversité, et particulièrement les dauphins, cela ne doit pas se faire au détriment des pêcheurs.

Après un plan de sortie de flotte dégradant les capacités de pêche, la décision de la Commission européenne d'interdire le chalutage dans les aires marines protégées d'ici 2030, le Conseil d'État charge encore la barque. Les marins-pêcheurs, déjà dans une situation compliquée, risquent de voir leur chiffre d'affaires baisser jusqu'à 50 %.

Près de 3 000 marins et leurs familles risquent d'être affectés par cette décision, qui fait courir un risque majeur pour la filière, secteur important de l'économie locale. Ces pêcheurs, qui exercent leur métier, difficile, avec passion, ne peuvent entendre que l'État leur supprime une partie de leur travail. Il est urgent de trouver des solutions qui protègent les dauphins et qui permettent à nouveau aux pêcheurs de larguer les amarres, plutôt que de jeter l'éponge...

L'association Bloom a porté plainte devant la Cour de justice de la République contre les récents propos du secrétaire d'État, Hervé Berville.

Le Gouvernement envisage-t-il d'autres solutions que les dispositifs d'éloignement des dauphins sur les bateaux, jugés inefficaces par le Conseil d'État ? Quelles sont précisément les zones potentiellement concernées par l'interdiction de pêche dans le golfe de Gascogne, détail important qui a échappé au Conseil d'État ? Si la pêche est effectivement fermée pour quatre mois, quelles indemnités sont prévues pour les pêcheurs, et quand ? Pouvez-vous clarifier les propos et intentions du ministre sur le plan d'action européen ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - En raison du nombre important d'échouages de cétacés sur les plages de l'Atlantique à la suite de captures accidentelles, le Gouvernement a mis en place un plan d'urgence en septembre dernier, qui prévoit d'une part des équipements obligatoires comme des dispositifs de localisation, d'effarouchement et des caméras, et d'autre part l'installation de ces dispositifs sur les 213 navires les plus actifs dans le golfe de Gascogne dont 100 en caméras. C'est la première fois qu'un plan de ce type est mis en place aussi rapidement avec plus de 17 millions d'euros de financements publics et un engagement des professionnels. Ce plan conciliant pêche et présence de cétacés a été réalisé avec les scientifiques, les ONG et les pêcheurs, et sera évalué d'ici fin 2024.

Le Gouvernement prend acte de la décision du Conseil d'État qui demande à l'État de garantir l'efficacité des mesures dès l'hiver prochain. Ce jugement nécessite de réinterroger l'équilibre du plan d'urgence. Il est encore trop tôt pour dire quelles mesures seront prises, mais elles seront concertées avec tous les acteurs et les élus concernés.

Interdiction des chaudières à gaz dans le secteur du bâtiment

M. Michel Canévet .  - J'attire votre attention sur le projet d'interdiction des chaudières à gaz. Nous sommes sensibles à la transition énergétique, y compris les jeunes du lycée Laennec de Pont-l'Abbé qui nous écoutent. Depuis juillet 2022, l'installation de chaudières au fioul est interdite dans les nouvelles habitations, et une même interdiction semble se profiler pour les chaudières à gaz. Certes, nous utilisons actuellement du gaz d'origine fossile. Mais en Bretagne, nous sommes capables de produire du gaz renouvelable qui pourrait apporter un revenu complémentaire aux agriculteurs. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le Président de la République a fixé l'objectif ambitieux de faire de la France le premier grand pays industriel à se libérer de sa dépendance aux énergies fossiles et d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.

Depuis 2022, la réglementation environnementale RE 2020 impose le recours à une part d'énergie décarbonée pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les logements neufs. Cette première échéance s'est imposée aux maisons individuelles et s'étend progressivement aux logements collectifs et aux bâtiments tertiaires. Il n'y a, à ce jour, pas d'interdiction d'installation de chaudières à gaz dans les logements existants.

MaPrimeRénov', qui a permis de rénover près de 700 000 logements en 2022, ne subventionne plus l'achat de chaudières au fioul ou au gaz. Des solutions compétitives existent néanmoins : réseaux de chaleur, énergies renouvelables, solaire, etc.

Je rappelle néanmoins les ordres de grandeur en jeu : nous avons consommé 480 TWh de gaz en 2021 et nous avons une capacité d'injection dans le réseau de 10 TWh de biogaz, avec un gisement global de biomasse limité, fortement sollicité par l'industrie de la biochimie ou pour décarboner des secteurs qui n'ont guère d'alternatives comme l'aviation ou le maritime.

Réduire notre consommation globale de gaz n'est donc pas incompatible avec un fort développement du biogaz.

M. Michel Canévet.  - Faisons attention : nous avons encore besoin du gaz dans les zones rurales. Changer de mode de chauffage nécessite des moyens importants. Tout miser sur l'électricité nous rend vulnérables. Mieux vaut multiplier les sources d'approvisionnement énergétique.

Architectes des bâtiments de France

M. Bruno Belin .  - La France est belle, riche d'un patrimoine exceptionnel qui fait rayonner nos villes et habille nos campagnes.

Ce patrimoine appartient aux communes, qui, malgré des efforts remarquables, éprouvent bien des difficultés à l'entretenir. Certes, les finances sont exsangues, mais à cela s'ajoute la complexité d'un dialogue parfois difficile avec les architectes des bâtiments de France (ABF).

Les maires ont besoin d'eux. Ils sont de bon conseil. Toutefois, la surcharge de contraintes et de prescriptions et le manque de cohérence lié à la rotation des postes font que les travaux nécessaires à des projets essentiels pour l'économie locale ne peuvent aboutir.

Quel dialogue pouvons-nous imaginer entre les maires et les ABF pour favoriser la mise en oeuvre des projets ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - La mise en valeur de notre patrimoine dans les communes de France est un sujet important. Les maires ont besoin des conseils avisés et de qualité des ABF, sur la cohérence des paysages ou du bâti par exemple.

Les espaces remarquables représentent 6 % du territoire national. Ils contribuent au rayonnement et à l'attractivité de la France.

La mission de protection de ces espaces dévolue aux ABF doit s'exercer en bonne intelligence. Les avis conformes sont rendus au cas par cas et cela fonctionne : sur plus de 500 000 dossiers instruits chaque année, 7 % seulement font l'objet d'un avis défavorable.

Le cas échéant, une procédure d'appel est possible et les tribunaux administratifs peuvent être saisis. Prenons les ABF pour des partenaires et pour des partenaires fiables !

M. Bruno Belin.  - Loin de moi l'idée de remettre en cause la compétence des ABF. Je suggère néanmoins qu'ils soient placés sous l'autorité des préfets de département. À la fin, le dernier mot devrait revenir au maire.

Contribution citoyenne aux associations de défense de l'environnement

M. Laurent Burgoa .  - Pour éviter un procès pénal, des mesures alternatives peuvent être prises par le procureur de la République afin d'assurer rapidement la réparation du dommage, mettre fin à l'infraction ou sensibiliser l'auteur des faits aux conséquences de son acte. La loi du 8 avril 2021 permet ainsi de demander à l'auteur de verser une contribution citoyenne d'un montant de 3 000 euros maximum auprès d'une association d'aide aux victimes avec laquelle le tribunal a signé une convention.

Cependant, alors que la principale victime est parfois l'environnement, par exemple dans le département du Gard, les associations de défense de l'environnement ne peuvent bénéficier de ces contributions citoyennes.

Il serait pertinent qu'à l'occasion d'une incivilité entraînant une pollution, d'une infraction aux règles d'urbanisme ou encore d'un comportement à risque en matière d'incendie, ces associations puissent donner davantage de sens à la sanction pénale.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - La loi du 8 août 2016 a consacré la réparation du préjudice écologique qui, bien que de nature civile, a aussi vocation, selon la Cour de cassation, à être convoquée au pénal par les parties civiles en vue d'une indemnisation.

En outre, les associations de défense de l'environnement bénéficient de la convention judiciaire d'intérêt public environnementale (CJIPE). Cette convention permet d'obtenir la réparation du préjudice écologique dans un délai d'un an maximum, sans attendre la condamnation pénale de l'entreprise. C'est un succès : neuf conventions ont déjà été conclues et des dommages et intérêts significatifs versés à des associations.

Le dispositif législatif offre donc toutes les possibilités aux associations d'obtenir réparation, tant devant le tribunal correctionnel que dans le cadre des CJIPE.

M. Laurent Burgoa.  - Vous resituez la réparation dans le cadre d'un procès pénal. Or ma question portait plutôt sur les alternatives à ce dernier.

Maintien du service d'accès aux soins de Haute-Savoie

Mme Sylviane Noël .  - Grâce à la collaboration des acteurs médicaux du département, le service d'accès aux soins de Haute-Savoie (SAS 74) a permis, en deux ans, d'améliorer la régulation des appels d'urgence et de désengorger les services d'urgence.

Son financement national valorise la participation des médecins, ainsi que leurs efforts pour recevoir de nouveaux patients. Or, en février dernier, la directrice de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie a unilatéralement décidé de ne plus financer la majoration de 15 euros par consultation pour soins non programmés (SNP), si le patient n'a pas été au préalable dirigé par le centre 15.

Alors que la Haute-Savoie subit une double peine - déserts médicaux et fuite des professionnels de santé vers la Suisse -, cette décision injustifiée, technocratique et irresponsable réduit à néant les progrès obtenus sur le terrain. Elle va également à l'encontre de l'instruction ministérielle de juillet 2022.

J'en appelle donc à l'arbitrage du Gouvernement. Cette décision est un nouveau coup dur insupportable pour notre système de soins.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Ce SAS bénéficie de financements pérennes pour son fonctionnement, ses équipements et la valorisation de la participation aux soins de ville.

Je n'ai pas votre lecture de l'instruction du 10 juillet 2022, qui précise bien que l'acte doit être effectué à la demande de la régulation du Samu ou du SAS pour être soumis à la majoration de 15 euros. Par conséquent, la position de la CPAM 74, partagée par l'agence régionale de santé (ARS), n'est en rien arbitraire.

L'amélioration de l'accès aux soins non programmés passe par une plus grande adhésion des médecins effecteurs à la plateforme. Une mission d'accompagnement au déploiement des SAS sera très prochainement mise en place. Ses axes seront évaluation, montée en puissance et accompagnement.

Mme Sylviane Noël.  - De grâce, faites confiance aux acteurs de terrain ! Il n'y a pas d'effet d'aubaine. La Suisse est très attractive et la démographie galopante crée des besoins très importants.

Universitarisation du Centre hospitalier sud-francilien

Mme Laure Darcos .  - Le Centre hospitalier sud-francilien de Corbeil-Essonnes (CHSF) est réputé pour l'excellence de son offre de soins. Soutenu par les collectivités territoriales, il poursuit une triple mission de soins, d'enseignement et de recherche.

Pivot du groupement hospitalier de territoire Île-de-France Sud, il assure une médecine de proximité et de recours, ainsi qu'une importante activité d'urgences gynécologiques et pédiatriques. L'établissement est doté de services hospitalo-universitaires en diabétologie, endocrinologie et urologie, en lien avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), les facultés de médecine et pharmacie de Paris-Saclay et le Genopole. Il mène notamment des actions renforçant la continuité entre recherche fondamentale et soins et favorisant l'innovation hospitalière.

Au regard de cette excellence, il serait légitime de lui accorder les moyens de poursuivre son universitarisation.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le CHSF occupe une place essentielle en Île-de-France. Ses postes universitaires renforcent son attractivité et contribuent au rayonnement de la recherche et de l'innovation sur le territoire. Sa recherche clinique est par ailleurs dynamique.

L'ARS soutient le développement de l'universitarisation du CHSF. Elle organisera prochainement une réunion avec les élus, le doyen de la faculté de médecine, la direction et la présidente de la communauté médicale pour avancer vers une nouvelle étape.

Cela pourrait passer par l'attribution de nouveaux postes universitaires, voire par le développement de nouvelles disciplines. L'action de l'ARS portera en particulier sur l'attractivité de l'hôpital auprès des internes.

Mme Laure Darcos.  - Je remercie le Gouvernement. Nous espérons que cette réunion sera suivie d'effets.

Dépistage organisé des cancers de la prostate et du sein aux Antilles

M. Dominique Théophile .  - Le 5 janvier, le tribunal de grande instance de Paris prononçait un non-lieu dans l'enquête sur l'utilisation du chlordécone aux Antilles. Sept années de procédure n'auront pas suffi...

Il reste que l'insecticide a contaminé les sols, les eaux, les cultures, les produits animaux et surtout les corps - plus de 90 % de la population adulte. Le lien entre la surexposition au chlordécone et le cancer de la prostate est établi, avec une incidence aux Antilles plus de deux fois supérieure à ce qu'elle est dans l'Hexagone. Si le lien avec le cancer du sein n'est pas formellement établi, la précocité de son incidence interroge : en Guadeloupe, plus de 20 % des cancers se déclarent chez les femmes de moins de 50 ans.

C'est pourquoi il conviendrait d'organiser un dépistage généralisé du cancer de la prostate chez les hommes de plus de 45 ans et, chez les femmes, d'abaisser l'âge cible du dépistage organisé du cancer du sein.

Quelle est la position du Gouvernement sur ces propositions ? Je m'associe pleinement au plan Chlordécone 4, qui est ambitieux, mais il faut aller beaucoup plus loin.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Compte tenu de la surincidence du cancer de la prostate aux Antilles, des actions renforcées de sensibilisation ont été mises en place, avec des séances d'information dans les communes et les quartiers les plus défavorisés et les plus éloignés de l'accès aux soins. Organisées avec les maires et les professionnelles de santé, elles rassemblent de plus en plus de personnes.

Depuis 2021, le cancer de la prostate est reconnu comme l'une des maladies professionnelles pouvant être liée à l'exposition au chlordécone. Des mesures sont engagées pour réduire l'exposition, mais nous allons également mettre en place des rendez-vous de prévention pour la population générale. Organisés pour les tranches d'âge de 40 à 45 ans et de 60 à 65 ans, ils permettront d'aborder le dépistage des cancers de la prostate et du sein dans les territoires concernés. Nous allons notamment questionner à nouveau les bornes d'âge et proposer des recommandations pour les personnes qui n'en relèveraient pas.

Contrôle d'effectivité des droits à la PCH

M. Philippe Mouiller .  - Créée par la loi du 11 février 2005, la prestation de compensation du handicap (PCH) permet aux personnes en situation de handicap de financer des aides pour assurer leur autonomie. L'article 3 de la loi du 6 mars 2020 dont je suis l'auteur a pour objet d'améliorer les contrôles d'effectivité, étape importante dans le parcours d'accès aux droits de ces personnes, mais aussi source d'inquiétude.

La loi dispose que la période de référence du contrôle d'effectivité ne peut être inférieure à six mois ; or dans certains territoires, cette disposition n'est pas respectée et dans d'autres, la période de référence est ramenée d'un an à six mois. La souplesse dans les périodes de contrôle permettait pourtant de mieux prendre en compte les périodes de vacances, de maladie ou les phases de répit.

Les personnes en situation de handicap ne comprennent pas pourquoi la loi n'est pas respectée. Qu'allez-vous faire pour améliorer les contrôles ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - La création de la PCH répondait à une forte demande des associations. Le contrôle d'effectivité, confié aux conseils départementaux, permet de vérifier que les aides servent réellement à la compensation du handicap. Il ne s'applique pas dans certains cas : forfaits surdicécité, dédommagement de l'aidant familial notamment. L'introduction de la période de contrôle sur une durée suffisamment longue apporte de la souplesse.

La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a communiqué à plusieurs reprises aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et aux conseils départementaux sur la durée minimale de six mois et souligné qu'un report d'heures d'aide humaine est possible d'un mois sur l'autre au sein de cette période.

Depuis 2020, nous avons harmonisé les pratiques pour les bénéficiaires. Harmonisation et équité sont des principes fondateurs de la prise en charge des personnes en situation de handicap.

Manque d'enseignants remplaçants en Haute-Vienne

Mme Isabelle Briquet .  - Dans la Haute-Vienne, pas une semaine ne se passe sans que la presse locale se fasse l'écho de classes sans enseignants dans le premier degré. En janvier, une centaine de classes étaient dépourvues d'enseignants du fait de l'épidémie de grippe, une quarantaine il y a quinze jours, et encore une trentaine la semaine dernière. Certaines classes n'ont pas cours en début ni en fin de semaine. Les enfants sont répartis dans les autres classes ou, quand ce n'est pas possible, une garderie est improvisée. Cela s'explique par des remplaçants en nombre insuffisant, puisque les 138 enseignants de la brigade de remplacement sont déjà tous en poste. Il n'est pas acceptable que la scolarité des enfants soit ainsi perturbée par la faiblesse des moyens.

Comment garantirez-vous la continuité du service public de l'éducation nationale dans la Haute-Vienne ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - À la rentrée 2022, 30 000 ETP ont été mobilisés pour des remplacements dans le premier degré. Les formations sont déplacées hors du temps devant les élèves, comme le mercredi après-midi. Un logiciel est en cours de déploiement pour réduire le temps de latence entre l'expression du besoin et le remplacement.

Dans l'académie de Limoges, le nombre d'élèves a baissé de 5 000 entre 2018 et 2023, et de 1 500 dans la Haute-Vienne. Cela se traduit par une hausse régulière du taux d'encadrement qui se poursuivra à la rentrée 2023.

Néanmoins, la situation locale reste difficile : depuis le mois de mars, le département de la Haute-Vienne a des difficultés à couvrir les remplacements longs, avec parfois plusieurs remplaçants qui se succèdent. L'académie travaille à la fidélisation des viviers d'enseignants contractuels et à la détection de nouveaux viviers.

Mme Isabelle Briquet.  - Le problème, c'est que sur le terrain, personne ne voit les moyens mis en oeuvre. D'exceptionnelles, les absences sont devenues la norme, et la nouvelle carte scolaire n'arrangera pas les choses.

Avec douze recrutements possibles et aucun candidat, il y a un problème d'attractivité.

France Travail et missions locales

M. Hervé Gillé .  - Les missions locales organisent le service public de l'accompagnement et de l'insertion des jeunes, favorisant leur accès à l'emploi.

Elles se sont naturellement rendues aux concertations sur le plein emploi organisées par le président Macron. Pourtant, alors que le rapport du Haut-Commissaire pour l'emploi est attendu dans les prochaines semaines, les inquiétudes grandissent : les missions locales craignent une concurrence avec France Travail, qui succédera à Pôle emploi. Il serait regrettable de les assimiler à un Pôle emploi jeunes, avec une mise sous tutelle par le nouvel organisme.

En effet, les missions locales s'occupent non seulement d'emploi, mais aussi de logement, de handicap, de loisirs, de mobilité. C'est ce qui fait leur originalité, reconnue en Europe. L'algorithme d'orientation comme point d'entrée obligé pour le premier contact risque d'avoir un effet stigmatisant.

L'intégration dans France Travail va entraîner une perte d'identité. Quelles garanties pouvez-vous donner à cet égard ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Le Gouvernement est très attaché aux missions locales, qui vont vers les jeunes les plus éloignés de l'emploi. Elles continueront à assurer un accompagnement de qualité en devenant France Travail jeunes. (M. Hervé Gillé le conteste.)

L'État a témoigné de sa confiance envers les missions locales avec le contrat d'engagement jeune, l'appel à projets pour les jeunes dits en rupture et l'accompagnement des jeunes en situation de handicap. France Travail jeunes participera à l'élaboration de la feuille de route annuelle pour le public jeune sur chaque territoire, qui détaillera notamment les objectifs en matière de repérage, d'accompagnement et de retour à l'emploi.

France Travail jeunes pourra prendre l'initiative, piloter les projets et être leur garant directement auprès de l'État et des collectivités dans le cadre de la contractualisation et de la feuille de route commune.

M. Hervé Gillé.  - Je propose un protocole de discussion et de négociation pour l'intégration dans France Travail, qui rassurerait l'ensemble des acteurs.

Lutte contre les incendies en Corse

M. Jean-Jacques Panunzi .  - La Corse connaît chaque année des incendies ravageurs. Le réchauffement climatique se traduit par des feux si rapides que la présence de moyens aériens sur place est devenue incontournable.

Le Canadair 415 est l'outil adéquat d'intervention. À ce jour, la sécurité civile possède une flotte vieillissante de onze appareils à Nîmes, à une heure trente de trajet. En été, ils sont répartis entre les Landes, la Provence et la Corse. Cette dispersion est régulièrement remplacée par des regroupements hors de leur secteur d'affectation.

La dégradation climatique justifie de régionaliser les moyens de lutte et de les rendre permanents en Corse. Une rationalisation des coûts de fonctionnement peut être envisagée en sollicitant des retraités de la sécurité civile ou d'anciens pilotes basés en Corse, rémunérés le seul temps d'astreinte. Un partenariat avec les régions méditerranéennes voisines pourrait être envisagé, et l'Union européenne sollicitée.

Le Gouvernement soutient-il la présence permanente d'unités de bombardiers d'eau en Corse ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le ministère de l'intérieur dispose actuellement de douze Canadair bombardiers d'eau amphibies, de sept Dash 8 bombardiers d'eau et de trois Beechcraft 200. Un huitième Dash viendra compléter ce dispositif au 1er juin 2023. La flotte de Canadair sera renforcée par deux appareils financés par l'Union européenne et deux autres acquis sur fonds propres. Le Président de la République a par ailleurs décidé du remplacement de la flotte de Canadair par des appareils de nouvelle génération.

La base de Nîmes concentre les flottes, pour une meilleure rationalisation des coûts de fonctionnement des infrastructures ainsi que des moyens humains et une meilleure efficacité de notre organisation.

La Corse dispose d'un site de détachement opérationnel activé durant toute la saison et de deux avions bombardiers d'eau.

Le métier de pilote d'avion nécessite un entraînement constant. Conscient de la nécessité de fidéliser ces pilotes, le ministre de l'intérieur a signé mardi dernier un protocole d'accord avec les organisations syndicales pour valoriser leur métier. C'est sans précédent.

Caméras individuelles pour les ASVP

Mme Sylvie Vermeillet .  - Depuis 2018, les policiers municipaux peuvent s'équiper de caméras individuelles afin de filmer certaines interventions. Les évolutions apportées par le décret du 2 novembre 2022 contribuent grandement à faciliter leurs missions. Elles limitent efficacement les agressions et insultes dont ils sont victimes.

En zone rurale, majoritairement dépourvue de police municipale ou intercommunale, la loi prévoit une expérimentation des caméras individuelles pour les gardes champêtres. Mais les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), qui assurent des missions de surveillance du domaine public et sont exposés aux mêmes actes d'incivilités que leurs collègues policiers, ne peuvent en être équipés.

Envisagez-vous une expérimentation autorisant les ASVP à porter de telles caméras ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Les ASVP sont des agents communaux chargés d'une mission de police.

Les caméras individuelles portent atteinte au respect de la vie privée des personnes filmées. Leur usage doit être encadré et strictement proportionné aux finalités poursuivies et aux missions exercées. Si l'usage des caméras individuelles a été autorisé pour certaines catégories d'agents, c'est en raison du caractère nécessaire et proportionné de l'atteinte à la vie privée.

En équiper les ASVP ne repose pas sur des motifs pertinents et suffisants. Contrairement aux policiers municipaux et aux gardes champêtres, les ASVP exercent des missions dont le champ est particulièrement restreint, et ne disposent d'aucune prérogative de police judiciaire. Ces missions ne justifient pas qu'ils soient autorisés à filmer leurs interventions, même à titre expérimental.

Mme Sylvie Vermeillet.  - Les ASVP subissent des agressions et des outrages, et cette expérimentation ne coûte rien.

Répartition des renforts de gendarmerie en Guyane

M. Georges Patient .  - La Guyane est devenue le département le plus criminogène et le plus violent de France. Les agressions, crimes, meurtres s'y multiplient.

Plus une seule partie du territoire n'est à l'abri. L'assassinat du gendarme Arnaud Blanc, en pleine forêt amazonienne, en est la triste démonstration - je rends hommage à ceux qui se dévouent jusqu'à la mort pour la sécurité de leurs concitoyens.

L'État se doit d'assurer la sécurité de tous, partout.

Lors des assises de la sécurité en Guyane en septembre 2022 à Cayenne, le Gouvernement a annoncé des renforts de gendarmerie. Six mois après, qu'en est-il ? Quand ces nouvelles brigades seront-elles créées ? Et où ? Il y a urgence.

La brigade de Mana n'est plus suffisamment dimensionnée pour couvrir son aire géographique d'intervention. Les communes de Roura et de Montsinéry-Tonnégrande sont aussi de plus en plus frappées par les crimes et délits.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Depuis 2017, le Président de la République fait de la sécurité du quotidien la priorité de son mandat. En Guyane, 94 postes de gendarmes ont été créés depuis 2017. Cet effort va se poursuivre.

Depuis le 7 septembre 2022, un septième escadron de gendarmerie mobile renforce le dispositif opérationnel en Guyane, et un renfort judiciaire en provenance de métropole a accompagné une réorganisation partielle de la sécurité.

Lors des assises de la sécurité le 30 septembre dernier, le ministre de l'intérieur s'est engagé à créer plusieurs brigades, dont certaines fluviales, soit 40 effectifs supplémentaires à court terme, ainsi qu'à pérenniser ce septième escadron.

La création de ces nouvelles unités est toujours à l'étude mais devrait être prochainement officialisée.

Recrudescence des agressions envers les élus

Mme Catherine Belrhiti .  - L'Association des maires de France a révélé en février que les agressions envers les élus avaient augmenté de 15 % en un an. Selon les données rendues publiques par le Gouvernement le 15 mars, en 2022, 2 265 plaintes et signalements pour violence verbale ou physique contre des élus ont été recensés, contre 1 720 en 2021, soit une hausse de 32 %. Les maires et leurs adjoints sont les premières victimes de cette recrudescence, comptant pour plus de la moitié des faits recensés.

En Moselle, ce phénomène s'est intensifié ces derniers mois. Les maires, ne sachant plus que faire, posent ouvertement la question de l'abandon de leur mandat. Depuis 2020, 900 d'entre eux ont démissionné, et le mouvement, en Moselle comme ailleurs, se poursuit.

La loi du 24 janvier 2023 à l'initiative de notre collègue Nathalie Delattre améliore la répression en donnant la possibilité aux associations d'élus ou aux collectivités locales de se porter partie civile afin d'accompagner les victimes. Néanmoins, la principale problématique, à savoir la peur quotidienne, reste présente et pesante.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mettre les citoyens coupables de ces violences face à leurs responsabilités, et permettre ainsi aux élus d'exercer leurs mandats sereinement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Gouvernement apporte son soutien sans faille à tous les élus victimes de ces agressions inacceptables. Ces atteintes relèvent d'une problématique sociétale. Lorsqu'un élu est agressé, c'est la République qui est attaquée et la démocratie qui recule.

Chacun a pris sa part au renforcement de la protection des élus. Je remercie la sénatrice Delattre pour sa proposition de loi. J'espère que le Sénat se saisira prochainement d'un texte visant à durcir les peines encourues en cas de violences contre des élus ou leurs proches.

Nous renforçons notre connaissance du phénomène par la création d'un centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus. Je ferai d'autres annonces prochainement en la matière, pour un choc civique dès le plus jeune âge.

Mme Catherine Belrhiti.  - L'exercice d'un mandat local est un honneur qui risque de se raréfier si les élus ne sont pas soutenus.

Implantation d'un CRA dans le Haut-Rhin

Mme Patricia Schillinger .  - Les zones frontalières sont, par nature, exposées à la criminalité transfrontière et à l'immigration illégale.

À la frontière de la Suisse et de l'Allemagne et abritant le cinquième aéroport international de France, la zone des trois frontières, dans le sud du Haut-Rhin, est l'une des principales portes d'entrée en France. Rien que sur le vecteur ferroviaire franco-suisse, plus de 5 000 migrants clandestins ont été interpellés depuis novembre dernier.

Dans ce contexte, l'implantation d'un centre de rétention administrative (CRA) en périphérie de l'EuroAirport, ou à Mulhouse, serait pertinente. Actuellement, les centres les plus proches sont à Geispolsheim et à Metz, la ville de Saint-Louis ne disposant que d'un local de rétention administrative (LRA) de neuf places. Les agents de la police aux frontières doivent parcourir entre 120 et 270 km pour y accompagner les étrangers en situation irrégulière, alors qu'ils manquent d'effectifs.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) fixe un objectif de 3 000 nouvelles places en centre de rétention. Où en sommes-nous de la réalisation de ce plan ? Quelles sont les intentions du ministère vis-à-vis du territoire des trois frontières, soumis à une forte pression migratoire ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Gouvernement porte en effet l'objectif de créer 3 000 places en CRA d'ici 2027 ; une enveloppe de 240 millions d'euros a été votée dans le cadre de la Lopmi. En parallèle, une instruction ministérielle du 3 août 2022 a fixé un objectif d'augmentation d'au moins un tiers de la capacité des LRA, qui permettent le maintien en rétention durant les premières 48 heures.

Aujourd'hui, la zone de défense et de sécurité Est compte deux CRA : à Geispolsheim, avec 34 places, et à Metz, avec 98 places.

Pour l'implantation de nouveaux CRA, il a été décidé de privilégier les projets d'une capacité de 140 places, situés à proximité d'une grande plate-forme aéroportuaire. Ces projets doivent offrir un niveau élevé de sécurité bâtimentaire et pouvoir être lancés rapidement. Ils doivent en outre respecter les contraintes urbanistiques et environnementales et permettre la construction d'une salle de justice à proximité immédiate.

Les deux CRA de la zone Est étant déjà situés dans deux départements frontaliers de l'Allemagne, la recherche d'un nouveau site privilégiera l'objectif d'un rééquilibrage territorial au sein de la zone. Des propositions seront prochainement formulées par la préfète de la région Grand Est, en concertation avec les élus du territoire.

Droit à la formation des élus

Mme Elsa Schalck .  - La formation des élus est essentielle pour qu'ils puissent exercer au mieux les nombreuses responsabilités qui leur incombent.

Or on constate une baisse des demandes de formation. En cause, la complexification de la procédure d'inscription qui exige, depuis le 25 octobre 2022, de passer par FranceConnect-F. La sécurisation du dispositif rend l'inscription complexe, voire impossible, faute de pouvoir créer une nouvelle identité numérique, attester de son identité ou valider des données. Toutes ces démarches découragent les élus.

Alors que près de 4 000 élus ont démissionné en trois ans, dont 1 000 maires, alors que l'exercice de responsabilités locales est toujours plus difficile, le droit individuel à la formation doit être simple et pragmatique. Je rappelle que les élus locaux cotisent à hauteur de 1 % pour le financer.

Que comptez-vous faire pour améliorer la procédure d'inscription et répondre aux attentes des élus ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Depuis janvier 2022, les élus peuvent directement mobiliser leur droit individuel à la formation via Mon compte élu, une plateforme numérique adossée à Mon compte formation dont la gestion est assurée par la Caisse des dépôts.

Face aux fraudes et tentatives de fraudes sur la plateforme, un niveau supérieur de sécurité de FranceConnect a été déployé depuis le 25 octobre 2022. Un dispositif d'accompagnement a été mis en place par la Caisse des dépôts et par La Poste, adapté aux besoins des élus locaux. Une communication comprenant des informations pratiques et des tutoriels a été diffusée. Si des usagers rencontrent néanmoins des difficultés pour générer leur identité numérique, ils peuvent se rendre dans les bureaux de poste ou solliciter les conseillers numériques France services. Enfin, une assistance téléphonique dédiée a été mise en place, avec un numéro spécifique.

Conscient des difficultés engendrées par ces évolutions et du temps nécessaire à l'appropriation par les élus de la nouvelle procédure, le Gouvernement a relevé de 700 à 800 euros le plafond des droits pouvant être détenus afin de ne pas pénaliser les élus qui n'ont pas utilisé leurs droits en 2022 : ils bénéficieront ainsi, en 2023, d'un abondement de 400 euros portant le montant total de leur compte formation à 800 euros.

Le travail se poursuit, en vue d'encourager la formation des élus.

Mme Elsa Schalck.  - Il était important de relever le plafond, mais il faut aussi lever l'ensemble des freins et difficultés dont témoignent les élus.

Transfert de TVA aux collectivités territoriales

M. Pierre Louault .  - À la suite de la suppression de la taxe d'habitation, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la baisse des impôts de productions, l'État a mis en place une compensation par des fractions de TVA - au point qu'en 2021, l'État ne percevait plus que la moitié des recettes totales de TVA.

En outre, la suppression de la CVAE rompt le lien entre l'activité et le territoire, à l'heure où l'on cherche à attirer des entreprises industrielles. Dans un contexte économique déjà difficile, la compensation « à l'euro près » de la CVAE tarde à venir. Surtout, la suppression de ces impôts locaux réduit drastiquement l'autonomie fiscale des collectivités.

Cette rupture entre fiscalité et territoire a conduit la Cour des comptes, en octobre 2022, à suggérer un recentrage de la fiscalité locale sur le bloc communal.

Quelles sont les réflexions et les pistes actuelles pour assurer l'autonomie financière des collectivités ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE visait à accroître le pouvoir d'achat des ménages et améliorer la compétitivité des entreprises.

Les communes ne percevant plus de taxe d'habitation sur les résidences principales depuis 2021, elles bénéficient en contrepartie du transfert de la taxe foncière des départements, ce qui préserve leur pouvoir de taux sur un montant identique.

Les EPCI à fiscalité propre et les départements ont perçu, en contrepartie de leur perte de taxe d'habitation et de taxe foncière, une fraction de TVA très dynamique. Celle-ci a progressé de plus de 9 % en 2022 et devrait progresser de 6 % en 2023.

En contrepartie de la suppression de la part régionale de CVAE en 2021, les régions ont perçu une fraction dynamique de TVA, à hauteur du montant de CVAE perçu en 2021. Cette compensation est d'autant plus favorable aux régions que la TVA a progressé de plus de 9 % en 2022.

Idem pour le bloc communal et les départements. Pour tenir compte de la dynamique spécifique de chaque territoire, la dynamique de TVA affectée au bloc communal abonde un fonds national dont un décret d'application fixera les critères de répartition.

Au total, plus de 50 milliards d'euros de TVA seront versés aux collectivités en 2023. C'est une compensation intégrale, pérenne et dynamique de la suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE. Mais je pense que vous saviez tout cela ! (Sourires)

M. Pierre Louault.  - Effectivement ! Si la situation financière des régions et des départements s'est améliorée, ce n'est pas le cas pour les communes, qui ont perdu le lien avec les citoyens. Quand on ne sait plus d'où vient l'argent qui finance les services, on n'en mesure plus le coût, faute de le sentir dans son portefeuille !

Réfaction de la TGAP

Mme Annick Billon .  - Pour bénéficier de la réfaction de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), il faut avoir installé un compteur de biogaz homologué avant le 31 décembre 2022. Le compteur de la marque Sick a été homologué en 2018, celui de la marque Fuji, en novembre 2022.

Nombre d'opérateurs - dont le syndicat vendéen de traitement des déchets Trivalis - utilisent le compteur de marque Emerson, reconnu comme fiable et qui permettait jusqu'ici de bénéficier de la réfaction de la TGAP. Or celui-ci n'est pas homologué.

Le temps des procédures administratives et des travaux ne permettent pas d'installer de nouveaux compteurs avant le deuxième semestre 2023. Les opérateurs risquent donc d'être pénalisés.

Au demeurant, il paraît peu pertinent d'imposer à des collectivités d'acquérir un nouvel équipement alors que la réfaction de la TGAP prend fin au 1er janvier 2025.

Ne peut-on envisager que les compteurs de marque Emerson continuent à bénéficier de la réfaction de la TGAP ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Il existe en effet un tarif réduit sur la TGAP lorsque l'installation valorise le biogaz capté.

Christophe Béchu est conscient des difficultés d'homologation. C'est pourquoi, avec le ministère du budget, nous avons repoussé à plusieurs reprises l'entrée en vigueur de cette condition pour accéder au tarif réduit. Initialement prévue pour le 1er janvier 2020, celle-ci est entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Néanmoins, compte tenu des difficultés auxquelles les opérateurs font face, nous avons prévu un nouveau report, au 1er janvier 2024, qui sera officialisé prochainement par un arrêté publié conjointement avec le ministère du budget.

La valorisation du biogaz des décharges fait partie des solutions pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre et contribuer à notre souveraineté énergétique. Le tarif réduit de taxation en prend acte.

Cette réduction n'a toutefois pas vocation à durer. La généralisation du tri à la source des déchets alimentaires et des déchets verts à compter du 1er janvier 2024, prévue par la loi antigaspillage de 2020 et par le droit européen, conduira en effet à une montée en puissance de solutions de valorisation plus efficaces, comme le compostage ou la méthanisation.

Mme Annick Billon.  - Un nouveau report, soit. Mais la réfaction de la TGAP prend fin au 1er janvier 2025 : mieux vaudrait supprimer tout délai, plutôt que d'imposer un nouvel investissement...

Transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes

M. Bruno Sido .  - La loi NOTRe a rendu obligatoire le transfert des compétences eau et assainissement des communes aux communautés de communes, malgré l'opposition du Sénat, qui a tenté de rétablir son caractère facultatif dans pas moins de cinq textes. Mais les députés ont renvoyé en commission en octobre 2017 la proposition de loi Retailleau, votée à l'unanimité en janvier 2017 ; en 2019, la CMP sur la loi Engagement et proximité n'a pas été conclusive sur ce point ; la loi 3DS n'a pas davantage permis d'avancer. Des assouplissements ont toutefois été obtenus avec un report au 1er janvier 2026 et le maintien des syndicats infracommunautaires. La proposition de loi adoptée à une large majorité par le Sénat le 16 mars sera-t-elle mise à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, et quand ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La loi Engagement et proximité introduit de nombreuses souplesses, notamment un mécanisme de délégation des compétences au profit d'un syndicat existant au 1er janvier 2019 et inclus dans le périmètre de la communauté de communes. Cela permet de maintenir des structures historiques et d'assurer la continuité du service, le temps que l'EPCI puisse reprendre la compétence.

Lors de la présentation du plan Eau, le besoin essentiel de mutualisation pour la protection des ressources a été rappelé, cet aspect devant être étudié par une mission parlementaire au Sénat. Le Président de la République ne souhaite pas revenir sur l'obligation de transfert, mais il veut introduire une logique de différenciation. Le dialogue qui s'engage avec le Sénat est essentiel.

M. Bruno Sido.  - Je connais les assouplissements, mais ils ne suffisent pas. Le prix unique de l'eau dans la communauté de communes entraîne une augmentation dans certaines communes sans justification. Je vous fais une proposition : prévoir la création dans tous les départements où ils n'existent pas encore de syndicats départementaux de production et de transport d'eau, les communes étant chargées de la distribution.

Dérogation à l'interdiction de chauffage extérieur pour les commerçants itinérants

M. Cyril Pellevat .  - L'interdiction des chauffages extérieurs dans l'espace public prévue par la loi Climat de 2021 est entrée en vigueur en mars 2022 avec la parution du décret d'application. Ciblant les terrasses, elle occulte la question des commerçants itinérants qui ont besoin de se chauffer durant l'hiver, par exemple sur les marchés.

En l'absence de dérogation, la police municipale leur demande de couper leur chauffage ou leur inflige une contravention. Cette interdiction est pourtant dangereuse pour leur santé, car le froid leur donne des engelures : fils de maraîcher et ayant pratiqué les marchés, je peux vous dire que ce n'est pas un mythe, en particulier à la montagne où les températures sont négatives plusieurs mois par an. Prévoyez-vous une dérogation ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Proposée par la Convention citoyenne pour le climat, l'interdiction de chauffer les espaces publics extérieurs a été reprise par la loi Climat et résilience de 2021 sans distinction de l'activité concernée. Le décret d'application a uniquement exempté les lieux couverts et fermés de manière étanche à l'air, et les installations mobiles couvertes et fermées nécessaires à l'animation de la vie locale - activités foraines ou circassiennes ou manifestations culturelles, sportives, festives, cultuelles ou politiques.

Par conséquent, les activités qui se déroulent sur le domaine public à l'air libre, telle que le commerce ambulant, sont soumises à l'interdiction. Le chiffre d'affaires ne devrait cependant pas en souffrir, l'interdiction ne visant pas l'énergie nécessaire à la production ou la conservation des denrées vendues.

M. Cyril Pellevat.  - Les intentions de cette interdiction sont louables. Mais pour l'avoir vécu, je peux vous dire qu'une dérogation pour les commerçants des marchés serait justifiée.

Retour des loups dans les Bouches-du-Rhône

M. Stéphane Le Rudulier .  - Le loup est dans la bergerie ou, plus précisément, aux portes de Marseille. Depuis des années, il avance pas à pas sur le territoire provençal, jusqu'à élire domicile dans le massif des Calanques, où vivent désormais un couple, cinq louveteaux et un mâle adulte. Cela met en péril l'agriculture extensive et le pastoralisme, traditions ancestrales participant du patrimoine immatériel de notre région.

Les pouvoirs publics doivent revoir les mesures d'accompagnement, notamment les dispositifs d'aide à la protection des troupeaux et les procédures d'indemnisation. Filets, gardiennage, chiens de protection, tirs d'effarouchement, prélèvements encadrés... des solutions existent. Comment comptez-vous défendre le pastoralisme ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Gouvernement cherche à concilier l'élevage et la préservation de l'espèce, strictement protégée par le droit national, européen et international. Le plan national 2018-2023 finance des moyens de protection des troupeaux et l'indemnisation des éleveurs. Le préfet des Bouches-du-Rhône, par arrêté du 31 janvier 2023, a classé les communes en cercles 1, 2 ou 3 selon le risque, permettant aux éleveurs d'ovins et de caprins d'accéder aux aides.

Un travail de revalorisation de l'indemnisation des coûts directs des attaques est en cours, comprenant les animaux morts, euthanasiés ou disparus, mais aussi le coût des pertes indirectes, consécutives à la perturbation du troupeau - stress, moindre prise de poids, avortements ou baisse de lactation.

Des tirs peuvent également être autorisés dans la limite d'un plafond fixé chaque année de manière à respecter la viabilité de la population.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Défendre le pastoralisme, c'est défendre les éleveurs. Je ne demande pas l'éradication du loup, protégé par la convention de Berne, mais qu'on l'on garantisse la défense de nos éleveurs et de leurs troupeaux.

Ouvrages d'art de rétablissement des voies

Mme Anne-Catherine Loisier .  - La loi Didier de 2014, d'initiative sénatoriale, prévoit que les ponts qui rétablissent une voie de communication appartenant à une collectivité territoriale interrompue par une infrastructure de transport de l'État ou de ses établissements publics - réseau routier, ferroviaire et fluvial de l'État, de SNCF Réseau ou de Voies navigables de France (VNF) - font l'objet de conventions précisant les rôles de chacun quant à la gestion des ouvrages et le financement de leur surveillance, entretien, réparation et renouvellement.

Un recensement publié le 22 juillet 2020 a identifié les ouvrages concernés. La plupart se dégradent, mais selon élus, qui sollicitent VNF, l'établissement des conventions reste suspendu. Ce retard est non seulement préjudiciable pour les usagers mais expose les collectivités à une insécurité juridique et financière. Doivent-elles solliciter la médiation du préfet, prévue dans l'instruction du 15 mars 2018 ? Pourquoi ces ponts ne seraient-ils pas éligibles au programme national Ponts ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La loi Didier ne remet pas en cause la jurisprudence constante du Conseil d'État selon laquelle ces ponts étant constitutifs des voies dont ils assurent la continuité, ils relèvent de la responsabilité des collectivités. La contribution du gestionnaire de la voie franchie est purement financière, la maîtrise d'ouvrage ne lui étant pas transférée.

Concernant VNF, qui a la responsabilité de 6 700 km de réseau, la prise en charge de ces coûts ne peut être que progressive. Si la négociation n'a pu aboutir, la loi Didier prévoit en effet une médiation du préfet du département.

Enfin, le programme national Ponts vise à aider de petites communes pour la gestion de leurs ouvrages, et non à financer des obligations incombant à l'État ou à ses opérateurs au titre de la loi, sauf à priver des projets qui le méritent d'une ressource précieuse.

Application du DPE au patrimoine ancien

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - S'il incite à la rénovation, le diagnostic de performance énergétique (DPE) reste néanmoins problématique pour le bâti ancien, notamment le petit patrimoine non protégé, souvent rural. Ainsi, on constate des dysfonctionnements dans les outils et la formation des diagnostiqueurs.

La situation met en péril le patrimoine local, pourtant facteur d'attractivité. Ainsi, la table ronde du 1er février dernier relative à la transition écologique du bâti ancien, organisée par la commission de la culture, a rappelé que la rénovation de l'existant était à privilégier à la construction neuve, tout en pointant la nécessité d'adapter la réglementation applicable au patrimoine vernaculaire.

Comment ferez-vous évoluer le DPE ? Comment outillerez-vous les professionnels ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La rénovation de l'existant est notre priorité. Le DPE, fiabilisé par la réforme de 2021, y est central.

Aucune réglementation thermique n'existait pour la construction neuve avant 1974 : il n'y a donc aucune certitude sur la performance des bâtiments plus anciens. C'est pourquoi le DPE comprend des valeurs par défaut selon l'année de construction, qu'il convient d'éviter autant que possible en mesurant précisément la performance du logement.

En outre, la réforme de 2021 tient compte de l'inertie des matériaux du bâti ancien, comme la terre et les colombages. Aucune évolution n'est donc envisagée à court terme, même s'il y a un enjeu sur la qualité de la réalisation des DPE.

Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement, a annoncé le renforcement de la rénovation et du contrôle des diagnostiqueurs. Enfin, le Gouvernement soutient l'expérimentation du label de performance énergétique pour les bâtiments patrimoniaux.

Canaux d'irrigation du Haut-Rhin

Mme Sabine Drexler .  - La nappe phréatique d'Alsace, la plus grande d'Europe, est menacée. Le canal de navigation et d'hydroélectricité, construit dans les années 1950 et long de 50 km, empêche l'infiltration naturelle, pour un milliard de mètres cubes d'eau manquants par an, ce qui assèche puits, rivières et zones humides.

Après des manifestations, l'État a donc bâti un autre canal pour recharger la nappe de 500 millions de mètres cubes par an. Cependant, il tombe en ruine, et l'État réduit son alimentation au tiers de sa capacité, quand il ne la coupe pas, d'où un stress de plus en plus fréquent de la nappe.

Le syndicat gemapien des cours d'eau et canaux de la plaine a donc sollicité le transfert des ouvrages et demandé à faire appliquer les contrats de concessions hydroélectriques du Rhin, selon lesquels l'énergéticien prend en charge les frais liés à l'impact sur la nappe. Il souhaite transformer les canaux bétonnés en rivière naturelle.

Quand l'État reviendra-t-il à la table des négociations et fera-t-il respecter les contrats ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est propriétaire des canaux d'irrigation de la Hardt, gérés par la direction départementale des territoires (DDT) du Haut-Rhin. Ils réalimentent la nappe grâce aux droits d'eau agricoles. Les canaux ne sont pas bétonnés, donc pas étanches sur toute leur longueur ; ils sont entretenus par l'État et restent dans un état convenable. Le débit est maintenu sur une plus longue période, avec une réduction du chômage d'hiver.

L'État est favorable au transfert vers une collectivité, qui pourrait mener un projet de renaturation. Ainsi, le ministère de l'agriculture élabore une stratégie de transfert, en coopération avec les services déconcentrés et la Collectivité européenne d'Alsace, pour transférer le foncier, les ouvrages et les moyens dans les meilleurs délais.

Mme Sabine Drexler.  - Le syndicat local est motivé et volontaire pour travailler sur ce dossier, faites-leur en part.

Création d'une ligne S

Mme Daphné Ract-Madoux .  - En 2019, la refonte de l'offre du RER D devait réduire les retards et améliorer le confort de ses 615 000 usagers quotidiens, mais les dysfonctionnements n'ont pas cessé, et de nombreux passagers doivent désormais prendre une correspondance, allongeant leur parcours de quinze minutes.

Je salue les initiatives des élus des six communes concernées et des associations d'usagers, qui ont missionné un bureau d'études suisse pour rechercher une alternative. Une nouvelle ligne S diminuerait le temps de parcours de dix-huit minutes entre Corbeil-Essonnes et la gare de Lyon, tout en évitant des correspondances. Les élus ont demandé un complément d'études, pour affiner la question du matériel.

L'amélioration serait significative, pour un coût raisonnable. Dans le cadre du volet mobilité du contrat de plan État-région (CPER), comment le Gouvernement peut-il apporter son soutien et intégrer ce projet dans le schéma directeur du RER D, pour un test en 2024 ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - L'organisation des transports publics relève d'Île-de-France mobilités (IDFM). L'État ne peut s'y substituer sans contrevenir au principe de libre administration. Aussi les conclusions du bureau d'études suisse SMA sur un RER S reliant Malesherbes et Melun à Paris éclaireront-elles les suites qu'IDFM donnera à ce projet.

Cela pourrait relever de la concertation en cours sur la révision du schéma directeur du RER D. Après le soutien de l'État via le CPER 2015-2022, une enveloppe sera mobilisée pour le RER dans le cadre du CPER 2023-2027, dont les négociations vont s'ouvrir. C'est l'occasion d'aborder une éventuelle ligne S, mais aussi le projet dit « du terrier de Bercy », qui accroîtra les capacités d'insertion de trains à long terme.

Les trains longue distance circulant aussi sur cet axe, vers Clermont-Ferrand, par exemple, imposent une vigilance particulière.

La séance est suspendue à 12 h 25.

Présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.