Ouvertures de casinos

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos, présentée par Mme Catherine Deroche, MM. Stéphane Piednoir, Claude Nougein et plusieurs de leurs collègues, à demande du groupe Les Républicains.

Discussion générale

Mme Catherine Deroche, auteure de la proposition de loi .  - Cette proposition de loi, cosignée par MM. Piednoir et Nougein, reprend en partie un texte déposé en avril 2019 par les quatre sénateurs de Maine-et-Loire, sollicités par le maire de Saumur, qui étendait l'installation de casinos aux communes comportant un ou plusieurs éléments du patrimoine de l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE).

Cette année, le texte a été travaillé avec les députés des circonscriptions des communes de Saumur et d'Arnac-Pompadour. J'y associe MM. Capus et Chasseing, ainsi que Laëtitia Saint-Paul, députée de Maine-et-Loire, présente en tribune.

Un casino participe de l'attractivité du territoire, crée des emplois et contribue grandement au budget communal.

Les jeux d'argent sont prohibés. Toutefois, les dérogations comprennent les stations thermales, balnéaires ou climatiques, de même que les villes principales des agglomérations de plus de 500 000 habitants ayant des activités touristiques, participant pour plus de 40 % au fonctionnement d'entités comme une scène nationale ou orchestre national, ainsi que les communes disposant déjà d'un casino avant la mise en oeuvre de la loi de 2006 et les communes touristiques de plus de 15 000 habitants en Guyane.

Cet encadrement strict est normal, mais cantonne les casinos aux bords de mer et aux départements urbanisés, ce qui crée des inégalités injustifiées.

Les départements ruraux du centre de la France ont d'importantes activités équestres dont les liens avec le monde du jeu et des paris justifieraient l'implantation de casinos. Cela pallierait le problème de répartition.

Notre proposition autorise donc la création de casinos dans des communes « sites historiques du Cadre noir et des haras nationaux » qui ont organisé annuellement au moins dix événements hippiques de renommée nationale ou internationale au cours des cinq dernières années. Seules deux communes sont concernées : Saumur et Arnac-Pompadour. L'IFCE assure la gestion du Cadre noir à Saumur et dispose également d'une vingtaine de haras nationaux, qu'il doit valoriser.

L'État se désengage progressivement des deux derniers sites labellisés « haras nationaux » auxquels il participe. Uzès est encore un haras national, mais ne reçoit plus de compétitions.

Conditionner l'ouverture d'un casino au patrimoine équestre soutiendra l'ensemble de la filière cheval.

Je vous remercie du soutien que vous voudrez bien apporter à ce texte, amélioré par la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'article unique de cette proposition de loi répond aux attentes anciennes des maires souhaitant accueillir un casino. Les équipements ancestraux d'Arnac-Pompadour et de Saumur ont des besoins immenses, mais, depuis dix ans, l'État se désengage de la filière équestre. Les collectivités sont esseulées alors que le patrimoine équin est un atout, notamment touristique.

L'ouverture d'un casino municipal est par principe prohibée pour préserver l'ordre public et la santé des mineurs. Les exceptions sont anciennes, mais n'ont pas évolué. Les communes pouvant accueillir un casino sont mentionnées à l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure : il s'agit principalement de communes littorales et thermales et des villes dotées de certains équipements. Il est de plus interdit d'exploiter un casino à moins de 100 kilomètres de Paris, hormis à Enghien-les-Bains. Toutefois, des cercles de jeu sont en cours d'expérimentation dans la capitale, jusqu'en 2024.

Une double autorisation, municipale et du ministère de l'intérieur, précède l'ouverture d'un casino. À ce jour, il en existe 203.

La commission est favorable à la dérogation introduite par la proposition, qui accroîtrait les ressources et compléterait l'offre touristique des communes concernées. Les maires d'Arnac-Pompadour et de Saumur soulignent l'importance de financer les activités équestres.

Notre commission a rendu le texte plus opérationnel en l'étendant aux communes accueillant soit un site historique du Cadre noir soit un haras national. Selon l'IFCE, huit communes justifient d'un haras national. Par ailleurs, la commission maintient la condition d'activité équestre régulière et ancienne, avec dix événements par an entre 2018 et 2022. Enfin, la commune doit comporter le siège d'une société de course hippique. Ces trois critères sont cumulatifs.

Le texte ouvre ainsi la possibilité d'ouvrir de nouveaux casinos, mais de manière réduite. Nous voulons restreindre au maximum les activités de jeux et de hasard tout en répondant à l'urgence de financer les infrastructures équines et en rééquilibrant la répartition des casinos sur le territoire.

À l'avenir, il faudra mener une réflexion globale sur les critères d'implantation des casinos. La fin de l'expérimentation de clubs de jeux parisiens sera l'occasion pour le Gouvernement d'une remise à plat.

Je remercie les auteurs de la proposition de loi, avec lesquels j'ai régulièrement échangé (M. Stéphane Piednoir acquiesce) pour la qualité de nos échanges. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Avec plus de 200 établissements, la France compte 40 % des casinos de l'Union européenne. C'est un atout considérable pour notre territoire, qui profite directement aux 196 communes, en termes d'attractivité, d'emploi et de fiscalité.

Toutefois, l'offre est inégalement répartie : elle se concentre sur les zones littorales et urbanisées, alors que 38 départements en sont dépourvus. C'est le fruit de deux siècles d'encadrement des jeux d'argent et de hasard par l'État.

Actuellement, seules les communes thermales, climatiques ou balnéaires, ainsi que les villes principales d'agglomérations de plus de 500 000 habitants dotées d'établissements culturels spécifiques peuvent accueillir un casino.

La démarche des élus locaux et des parlementaires témoigne d'une volonté de changement, mais il convient de faire preuve de prudence et de sagesse. L'évolution doit rester maîtrisable.

Le ministère de l'intérieur est vigilant, compte tenu des enjeux de sécurité et de santé publiques : la direction des libertés publiques et des affaires juridiques procède aux interdictions de jeux et habilite les employés, et le service central des courses et jeux de la police judiciaire réalise des audits réguliers. Préserver les capacités du ministère est donc fondamental.

Gare également à ne pas fragiliser le réseau excitant. Une remise à plat du cadre légal supposerait une concertation de ce secteur singulier.

Le texte prévoit une nouvelle dérogation au profit des communes comportant le siège d'une société de courses hippiques ainsi qu'un site du Cadre noir ou un haras national organisant suffisamment d'événements. Trois seraient éligibles : Arnac-Pompadour, Saumur et Segré-en-Anjou Bleu.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur ce texte qui crée une ouverture limitée tout en répondant à une attente forte. Cela dit, nous souhaitons qu'il soit amélioré au cours de la navette.

L'ajout de critères répondant à des intérêts particuliers d'un territoire ne doit pas aboutir à un inventaire à la Prévert. Implanter un casino suppose une vigilance accrue.

Cet enjeu touche au coeur de nos territoires et aux loisirs de nos concitoyens.

Mme Nathalie Goulet .  - (Mme Françoise Gatel applaudit.) La manne des casinos représente un peu plus de 1 milliard d'euros au 31 octobre 2021 et, selon l'observatoire économique et social du cheval (OESC), la filière équine engendre plus de 11 milliards d'euros de flux. L'idée d'utiliser ces filières pour aider les collectivités n'est pas nouvelle. Le Loto du patrimoine du célèbre Stéphane Bern en témoigne.

Les collectivités territoriales manquent de budgets : rapprocher ces deux activités pour combler un désert ludique est donc logique.

L'article unique introduit une sixième dérogation à l'interdiction des jeux d'argent et de hasard, selon le double critère d'accueil d'un site historique du Cadre noir et d'un haras national, ainsi que de l'organisation régulière d'événements. La commission en a étendu le champ aux communes détenant l'un ou l'autre des deux sites, tout en prévoyant la présence du siège d'une société de courses hippiques. Elle retient d'ailleurs le terme d'événements « équestres », plus large que « hippiques », lié aux seules courses.

Mon département, l'Orne, comprend le haras national du Pin, propriété du département depuis la loi 3DS, et le casino de Bagnoles-de-l'Orne. Me voici comblée !

Cependant, l'extension proposée par la commission fragilise le texte. À l'issue des auditions, le rapporteur estime qu'il faut « envisager une réflexion plus globale sur les critères » d'implantation d'un casino. En outre, assimiler l'hippisme, qui relève des courses, et l'équestre, qui relève du sport et des concours équestres, est une facilité peu évidente pour les spécialistes.

La proposition de loi, malgré ses mérites, est un texte de circonstance. Le débat mérite d'être approfondi avec l'ensemble des acteurs de la filière.

L'extension opérée par la commission complexifie la rédaction. Il nous faut un débat global pour parvenir à un bon équilibre. L'ouverture du casino de Saint-Gervais-les-Bains a affaibli ceux de Megève et de Chamonix : ne nous précipitons pas.

Le sujet doit être retravaillé : le groupe UC s'abstiendra sur ce texte.

Mme Nathalie Delattre .  - L'implantation des casinos pourrait apparaître comme un sujet anecdotique, mais nous aurions tort de nous désintéresser de ce texte. Mon département, la Gironde, compte six casinos. Celui de Bordeaux, ouvert depuis vingt ans, contribue significativement au budget de la mairie, et alimente notamment des lignes consacrées au social. L'intérêt économique est certain : les 200 casinos du pays représentent des dizaines de milliers d'emplois.

Cela dit, l'implantation d'un casino ne saurait apporter une solution pérenne aux difficultés financières des collectivités territoriales. Il faut une réponse budgétaire et de politique économique.

Je suis circonspecte sur la rédaction du texte, qui ajoute à l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure une catégorie liée aux événements hippiques. Il y a certes un lien entre paris et jeux, mais cela concerne avant tout les courses. Sont concernées les communes de Saumur et d'Arnac-Pompadour. La commission a étendu le dispositif à une dizaine de communes. D'autres, en Gironde, seraient volontaires...

Mais ne faut-il pas repenser le système dans sa globalité ?

Sans moralisme excessif, rappelons que la dépendance aux jeux est un phénomène préoccupant, à l'heure où les paris sportifs en ligne entraînent de nombreux problèmes, notamment chez les jeunes. Le législateur ne doit pas donner l'impression d'accompagner le phénomène, alors que la fréquentation des casinos a baissé par rapport à 2019.

Certains, comme à Bordeaux, se chargent des addictions, mais la pandémie a favorisé les jeux d'argent en ligne malgré l'interdiction des jeux de hasard sur internet. Une étude d'impact approfondie s'imposerait, ce que ne permet pas ce texte : je le regrette.

Cela dit, le RDSE reste dans l'ensemble favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Claude Nougein .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Claude Requier, Emmanuel Capus et Daniel Chasseing applaudissent également.) Nos territoires ruraux, si dynamiques et innovants, sont trop souvent abandonnés. Malgré son image positive, la vérité du monde rural reste mal connue et mal comprise.

Les lois récentes, comme le ZAN (Zéro artificialisation nette), accentuent la désertification rurale et le désengagement de l'État.

La filière cheval est une composante importante du développement des territoires ruraux. Elle crée des emplois et engendre du lien social. C'est un allié du développement rural comme du développement durable.

Le cheval est un acteur majeur de la culture française, et l'équitation de tradition française est inscrite depuis 2011 au patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

Le haras national d'Arnac-Pompadour, en Corrèze, est un trésor, qui abrite encore aujourd'hui le siège de l'IFCE. L'État souhaite, pour se concentrer sur ses missions régaliennes, se désengager. Alors, comment sauver la filière ?

Les élus ruraux ont l'innovation chevillée au corps. Les départements ruraux du centre de la France ont pour attrait touristique les activités équestres, qui pourraient constituer un support pour le développement d'infrastructures touristiques telles que des casinos. Ainsi il serait possible de pallier l'inégale répartition des casinos sur le territoire tout en sauvant la filière cheval. La législation en vigueur bénéficie à des communes littorales et thermales qui possèdent déjà de nombreux atouts touristiques. De plus, un casino est une source importante d'emplois et contribue au développement, à l'animation et à l'attractivité de la commune. Grâce à la redistribution fiscale, il contribue aussi au budget communal.

Avec cette proposition de loi, il s'agit de maintenir en vie une filière dans les communes comportant un stade équestre et un établissement de l'IFCE, et ayant organisé de façon récurrente des événements équestres de rayonnement international. À Arnac-Pompadour, plus de 160 journées équestres seront maintenues : c'est la vie du territoire !

Seules quelques communes rentrent dans ce cadre, dont Saumur, site historique du Cadre noir. Notons qu'il n'y a pas de casino à proximité.

Il s'agirait de petits établissements, mais viables, qui paieraient des taxes permettant de sauver la filière équestre locale, et assureraient des retombées économiques pour les communes.

Vous l'avez compris : je ne défends pas la multiplication de casinos, mais la survie de la filière équestre dans des villes historiques du cheval. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Emmanuel Capus et Alain Duffourg applaudissent également.)

M. Emmanuel Capus .  - (M. Daniel Chasseing applaudit.) Les communes d'Arnac-Pompadour, comme celle de Saumur, dans mon département de Maine-et-Loire, sont deux hauts lieux de l'équitation, associés à une longue tradition d'élevage et d'activités équestres. Leur réputation dépasse nos frontières. Le Cadre noir participe au rayonnement international de l'art équestre à la française.

Mme Nathalie Goulet.  - Tout à fait !

M. Emmanuel Capus.  - Son patrimoine, ses compétitions, ses infrastructures irriguent l'ensemble des secteurs d'activité locaux. Le désengagement du ministère de l'agriculture menace la filière. Ce texte vise à introduire une dérogation à la loi afin de permettre l'ouverture d'un casino à Arnac-Pompadour et à Saumur, en réponse aux demandes d'élus locaux, au premier rang desquels le maire d'Arnac-Pompadour et la députée de Saumur, que je salue.

Ces deux communes sont liées au monde équestre. Cette proposition de loi, soutenue par l'ensemble des sénateurs de ces deux départements et amendée par le rapporteur, vise à pallier l'implantation déséquilibrée des casinos, concentrés sur le littoral. Les territoires ruraux du centre du pays sont laissés de côté, malgré l'atout que ces établissements représenteraient pour le développement des territoires.

Les casinos sont des sources importantes d'emplois à l'année et d'attractivité ; les retombées rejaillissent sur toute l'activité économique du territoire. L'implantation d'un casino dans ces deux communes serait une excellente chose : à Saumur, le casino le plus proche est à 106 km, et il n'y a donc pas de risque de concurrence.

La majorité du groupe Les Indépendants votera donc ce texte, que j'ai d'ailleurs cosigné avec Daniel Chasseing. J'ajoute que c'est peut-être la dernière proposition de loi déposée par Mme Deroche : raison supplémentaire de lui manifester notre reconnaissance, pour son travail lors de ses trois mandats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Delattre, MM. Daniel Chasseing et Alain Duffourg applaudissent également.)

M. François Bonhomme, rapporteur.  - « Bravo ! » (Sourires)

Mme Monique de Marco .  - Notre ordre du jour réserve parfois des surprises.

Cette dérogation au principe d'interdiction générale des jeux d'argent et de hasard reposant sur l'existence d'infrastructures et d'activités équestres bénéficierait à deux communes, situées dans les départements d'élection des auteurs du texte. Outre l'opportunité de déposer un tel texte à six mois des sénatoriales, cette proposition de loi soulève plusieurs problèmes.

L'implantation des casinos est très inégale sur le territoire, on le sait. Outre les emplois induits, les casinos représentent une manne financière pour les 200 communes d'implantation : 1,4 million d'euros en moyenne, soit 30 % du budget des villes concernées.

Nous entendons les besoins de la filière équestre, et l'appel à une réflexion plus globale sur les critères d'implantation des casinos, mais nous ne pensons pas que la solution proposée soit la bonne.

Les emplois et les revenus espérés, non plus que le soutien à la filière équine, ne sauraient cacher les enjeux liés aux casinos, notamment en matière de santé publique. Les jeux d'argent et de hasard sont régis par un principe de prohibition. Leur interdiction est justifiée par le motif d'intérêt général qu'est la prévention des « risques d'atteinte à l'ordre public et à l'ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs ».

L'addiction aux jeux d'argent peut avoir des conséquences dramatiques : 48 000 personnes sont interdites de jeu en France, selon le sociologue Jean-Pierre Martignoni. Selon SOS Joueurs, 78 % de ces victimes d'addiction sont endettées. Évitons d'ouvrir une brèche supplémentaire !

La baisse de la DGF, la mainmise des préfets sur de trop nombreux financements, la suppression de la CVAE : voilà les problèmes qui limitent les capacités d'action des territoires et qui exigent des réponses structurelles et pérennes. Nos collectivités territoriales doivent retrouver une plus grande autonomie financière.

Faciliter l'ouverture de casinos n'est pas une solution : nous ne voterons pas ce texte.

Mme Nicole Duranton .  - (MM. Bernard Buis et Emmanuel Capus applaudissent.) La proposition de loi vise à réduire les inégalités territoriales en permettant l'ouverture de casinos dans des terres de cheval qui drainent un public nombreux. Les courses hippiques faisant déjà l'objet de jeux d'argent, il n'y a pas de différence majeure. Et puis, passion du jeu et cheval sont liés ; l'une offre la chance d'un instant, l'autre incarne la force et la beauté en mouvement. (Mme Catherine Deroche apprécie.)

Les casinos, implantés dans 190 communes - sur 36 000 - ont un rôle économique majeur : leur contribution représente près de 10 % du budget communal, et jusqu'à 80 % pour certaines. Le secteur représente 50 000 emplois, dont 18 200 emplois directs. Ces établissements contribuent au dynamisme des territoires.

La Normandie, pays du cheval, offre un exemple de la richesse qu'apportent les activités équestres. Les centres équestres normands attirent des passionnés de chevaux du monde entier, comme le Haras du Pin, proche du casino de Bagnoles-de-l'Orne.

Mme Nathalie Goulet.  - Oui !

Mme Nicole Duranton.  - La proposition de loi a été modifiée en commission pour garantir son opérationnalité et permettre à Saumur et Arnac-Pompadour, célèbres pour leurs activités équestres prestigieuses, d'accueillir un casino.

Bien sûr, les jeux d'argent sont aussi un enjeu de santé publique. Le Gouvernement s'engage pour la protection des citoyens et la transparence et l'intégrité dans le domaine des jeux d'argent et de hasard ; l'ordonnance d'octobre 2019 a notamment créé l'Autorité nationale des jeux et encadré la privatisation de la Française des Jeux.

Le titre II du livre III du code de la sécurité intérieure prévoit déjà le dispositif par lequel les communes peuvent demander l'ouverture d'un casino. Tout en étant d'accord sur le principe, nous pouvons interroger le véhicule législatif retenu.

D'autres territoires touristiques méritent un tour de roulette, ouvrons-leur les portes de la chance. (Sourires) Cette ouverture permettrait de développer les infrastructures touristiques et contribuerait à l'épanouissement économique local.

Au nombre des garanties, les communes éligibles devront avoir organisé au moins dix événements hippiques de rayonnement national ou international, pendant une période d'au moins cinq années avant le 1er janvier 2023. L'amendement adopté en commission précise que les communes doivent disposer soit du site historique du Cadre noir soit d'un haras national, et être le siège d'une société de courses hippiques. Elles doivent avoir organisé annuellement au moins dix événements équestres au cours des cinq dernières années.

Les casinos offrent une grande variété d'emplois, des croupiers aux serveurs. Ils permettent à ces territoires d'offrir des animations et événements culturels, et auront un impact positif sur les commerces locaux. On crée ainsi un cercle vertueux de développement.

Les amendements de Franck Menonville sur les plans d'eau et d'Else Joseph sur les départements transfrontaliers méritent aussi d'être discutés.

Cette proposition de loi envoie un message sur notre engagement en faveur de l'équité des territoires ; elle peut toutefois être perçue comme un effort trop sectoriel. Les membres du RDPI voteront en toute liberté. Pour ma part, je voterai pour. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Joël Bigot .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER) Cette proposition de loi très spécifique vise à permettre à Saumur et Arnac-Pompadour - cela ne s'invente pas ! - d'ouvrir un casino.

En 2019, j'avais déposé, avec mes collègues de Maine-et-Loire, un amendement visant le même objectif, afin de préserver le patrimoine équestre de ces communes en leur apportant des moyens financiers. Il avait été déclaré irrecevable.

Nous espérons l'adoption de ce texte consensuel, qui devrait recueillir l'assentiment du Gouvernement. Interpellé lors du grand débat national par le maire de Saumur, le Président de la République avait promis que la commune recevrait l'autorisation avant la fin du premier quinquennat, et indiquait ne pas comprendre les freins juridiques à la réalisation d'un tel projet.

Les modifications actées en commission améliorent le texte : les difficultés posées par l'exigence cumulative du Cadre noir et d'un haras national sont levées. Préciser que la commune devra être le siège d'une société de course hippique et avoir organisé annuellement au moins dix évènements équestres au cours des cinq dernières années me semble suffisamment restrictif.

La version actuelle clarifie et rend opérationnelle la volonté des auteurs de la proposition de loi, à laquelle je souscris, et qui devrait inspirer les députés pour adopter ce texte au plus vite. Les retombées attendues pour le Maine-et-Loire et la ville de Saumur sont importantes : entre 200 000 et 300 000 visiteurs supplémentaires par an, une centaine d'emplois, 1 à 2 millions d'euros de recettes fiscales.

Ce texte apporte des solutions aux territoires qui n'entraient pas dans le périmètre actuel de la loi. Le Sénat, toujours attentif aux enjeux locaux, est dans son rôle en rappelant l'exécutif à ses promesses.

Tous les feux sont au vert : collègues députés, tâchez donc d'assurer un dénouement heureux. Je voterai ce texte, avec certains de mes collègues ; la majorité du groupe SER ne s'y opposera pas. (Applaudissements sur quelques travées des groupes SER, Les Républicains et INDEP)

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Cette proposition de loi se présente comme un outil pour réduire les inégalités territoriales. Nous n'en avons manifestement pas la même définition, puisque votre texte ne concerne que deux communes sur 36 000. En changeant un mot, le rapporteur a élargi le dispositif à treize communes. La dérogation reste cantonnée aux villes qui accueillent des événements équestres.

Il faudrait une réflexion d'ensemble sur les règles d'implantation des casinos et cesser de parler d'inégalité territoriale entre communes, quand Saumur reçoit plus de 7 millions d'euros de dotation globale de fonctionnement, pour 26 000 habitants !

Enfin, on ne peut utiliser les casinos pour pallier la baisse des ressources des collectivités et le désengagement de l'État. L'indexation sur l'inflation de la DGF, votée par le Sénat, a été retirée par le 49.3, ce qui est regrettable. (Mme Françoise Gatel acquiesce.) Ce n'est pas une délégation de service public via les casinos qui résoudra le problème...

Le rapport de la Cour des comptes a souligné les risques d'une dépendance trop forte de certaines collectivités à cette ressource, en cas de retournement de la conjoncture : on l'a vu lors de la crise sanitaire, quand les recettes ont chuté de 20 à 50 %. Sachant que le prélèvement sur le produit brut des jeux représente 30 % du budget des collectivités, je vous laisse faire le calcul.

En l'absence d'une loi d'envergure pour repenser les règles d'installation des casinos, prendre en compte les effets de l'addiction aux jeux et élaborer une réelle politique de prévention, notre groupe ne peut voter cette proposition de loi. ?uvrons pour être utile aux collectivités et donner les moyens à nos communes de bâtir sereinement leurs budgets. (Mme Monique de Marco applaudit.)

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France compte 200 casinos, répartis dans 63 départements ; 38 en sont donc dépourvus. Ces établissements sont également des complexes de loisirs, intégrant spectacles, animations culturelles et artistiques, restauration.

Créés par Napoléon en 1804 afin de lutter contre les jeux d'argent clandestins, les casinos sont régis par une vieille loi de 1906, qui limite leur implantation aux villes thermales ou balnéaires. D'où une implantation très hétérogène, avec une forte concentration sur le littoral, dans les grandes stations touristiques et les villes d'eau.

Avec Catherine Deroche et Claude Nougein, nous avons souhaité élargir le champ des possibles et rectifier une inégalité territoriale tout en restant fidèles à la caractéristique touristique.

Ceux qui connaissent la ville de Saumur savent qu'elle remplit tout à fait ce critère. On dit souvent que cette belle ville est endormie. Nul doute que l'implantation d'un casino contribuerait à son rayonnement touristique et à son développement économique. Les retombées économiques seraient importantes - des centaines d'emplois pourraient ainsi être créés - de même que les retombées financières pour le budget communal : elles s'élèvent à 30 % à Deauville, par exemple.

Saumur, ville du cheval, accueille le siège social de l'IFCE, qui assure la gestion du Cadre noir et des haras nationaux. Or ce patrimoine matériel et immatériel unique souffre d'un désengagement de l'État qui fragilise la filière équine. C'est en collaboration avec l'IFCE que nous avons écrit ce texte.

Comme dans toute modification dérogatoire d'un texte de loi existant, il convient d'être mesuré. La dérogation ne concernerait que quelques villes, tout particulièrement Saumur et Arnac-Pompadour. Je salue l'excellent travail du rapporteur.

Dans l'absolu, on peut considérer que toute mesure facilitant des jeux d'argent favorise l'addiction, mais ce serait ne pas tenir compte de l'évolution des pratiques depuis dix ans. Rien de plus facile, y compris pour les plus modestes, que d'acheter un jeu à gratter ou de jouer en ligne. Le buraliste et le croupier connaissent les risques et savent mettre les clients en garde contre des dépenses excessives. Je sollicite votre soutien plein et entier pour adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Emmanuel Capus et Franck Menonville applaudissent également.)

M. Daniel Chasseing .  - (M. Emmanuel Capus, Mme Catherine Deroche et M. Claude Nougein applaudissent.) Saumur et Arnac-Pompadour ont des activités équestres mondialement connues.

On doit à la famille de Pompadour la construction du château, de style flamboyant, et de ses écuries. En 1728, Louis XV l'achète et l'offre à sa favorite, qui deviendra la marquise de Pompadour

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Déjà !

M. Daniel Chasseing.  - Le haras de Pompadour est réquisitionné à la Révolution pour devenir bien national. Il est vendu puis réquisitionné par Napoléon Bonaparte pour être un bien public. Sous Napoléon III, le sénateur Brunet empêche la privatisation du château. La République conservera le haras pour la guerre et l'activité équestre. Par la suite, le domaine a accueilli plusieurs organismes équestres, jusqu'à l'IFCE.

L'activité d'élevage et les activités sportives ont des retombées importantes sur la commune et sur ce territoire rural.

L'implantation d'un casino à Pompadour se justifie par le nom et l'histoire du lieu, mais aussi par l'absence de casino dans un rayon de 100 km. Les retombées financières permettront de maintenir les 160 journées d'activités équestres, si importantes pour le tourisme.

Je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Emmanuel Capus, Franck Menonville et Jean-Claude Requier applaudissent également.)

M. Hussein Bourgi .  - (M. Joël Bigot et Mme Martine Filleul applaudissent.) La France compte environ 200 casinos. Cette proposition de loi permettrait à deux communes, Arnac-Pompadour en Corrèze et Saumur dans le Maine-et-Loire, de se doter d'un casino, objectif recevable.

L'ouverture de tels établissements est strictement réglementée et leur implantation limitée à certains territoires et conditionnée à certains critères, aux termes de l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure. Il en résulte une surconcentration sur le littoral, oubliant de nombreux territoires.

Jugeant que les critères cumulatifs proposés rendaient la proposition de loi peu opérationnelle, le rapporteur a proposé une modification de l'article unique ouvrant à près de douze communes cette possibilité. Cette nouvelle rédaction nous inquiète. Si deux nouveaux casinos n'étaient pas de nature à bouleverser l'équilibre actuel, quid d'une douzaine ?

Nous refusons cette libéralisation excessive. La filière s'en trouverait d'autant plus fragilisée - elle l'est déjà par l'essor des jeux en ligne. La pratique des jeux d'argent est source de dépendance et d'endettement ; ces cinq dernières années, les dépenses de jeux des Français ont augmenté de 12,5 %, et 1,6 % de nos concitoyens, surtout les plus défavorisés, ont développé une pratique excessive.

Ces réserves exprimées, les sénateurs du groupe SER bénéficieront d'une liberté de vote sur ce texte. Pompadour et Saumur, oui ; une extension à d'autres communes, non.

La majorité des sénateurs du groupe SER s'abstiendra sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Édouard Courtial .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Faire plus avec moins est le casse-tête des élus locaux. Il est naturel de chercher de nouvelles sources de revenus.

Le principe salutaire de prohibition des jeux d'argent et de hasard est justifié. Nous pouvons néanmoins nous interroger sur les inégalités territoriales qu'ont entraînées les dérogations.

Il n'est pas question de supprimer l'interdiction de principe et de transformer les villes françaises en autant de mini Las Vegas. L'extension proposée se limite aux communes ayant un lien particulier avec le milieu hippique. Un casino ne ferait que compléter une offre déjà présente, et serait une manne financière pour la commune.

Cette nouvelle opportunité ne concerne que deux communes, Arnac-Pompadour et Saumur. Sont exclues des communes de premier plan en matière hippique, comme Compiègne ou Chantilly, par exemple. Chantilly est pourtant la capitale du cheval, avec un musée vivant du cheval accueillant 200 000 visiteurs par an, 197 courses hippiques par an, dont le prix de Diane et le prix du Jockey Club... Deux mille personnes y vivent de la filière hippique.

Cette proposition de loi a de bonnes intentions, mais elle est trop restrictive. J'avais envisagé de l'amender, mais j'y ai renoncé pour ne pas rompre un équilibre fragile. Je lance donc un appel en faveur d'une rédaction plus large qui bénéficierait également à cette terre de chevaux qu'est l'Oise. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Wattebled, Decool et A. Marc.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Des communes riveraines des étangs salés et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares. »

M. Franck Menonville.  - Il s'agit d'offrir aux communes riveraines d'un étang salé ou d'un lac d'une superficie de plus de 1 000 hectares la possibilité d'implanter un casino.

L'ouverture d'un tel établissement contribue au développement économique d'un territoire et à son animation touristique. Un casino compléterait l'offre touristique proposée autour des bases de loisirs.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - La proposition de loi vise certes à trouver de nouvelles sources de financement, mais s'appuie sur l'existence d'un lien avec les courses hippiques, ce qui n'est pas le cas ici. Retrait, sinon avis défavorable.

Nous attendons le rendez-vous de 2024 et la fin de l'expérimentation des clubs de jeux à Paris pour remettre à plat le cadre légal.

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État.  - De nombreuses communes sont riveraines de tels étangs et pourraient prétendre à l'implantation d'un casino. Or votre amendement ne prévoit aucun mécanisme de régulation.

Nous vous proposons de travailler sur l'élargissement des critères, mais de manière plus encadrée, au cours de la navette parlementaire. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par Mme Joseph, M. Laménie, Mme Gruny, M. Anglars, Mme Borchio Fontimp, MM. Pellevat, Bascher et Klinger, Mme Belrhiti, MM. Darnaud et Belin, Mmes Berthet et Dumont, M. Meurant, Mme Ventalon, MM. Cadec, Charon et Moga, Mme Lassarade, M. Folliot, Mme Muller-Bronn, MM. Cambon, Lefèvre et Genet, Mme Di Folco, M. Détraigne, Mme Micouleau, MM. C. Vial, Calvet et Levi, Mmes Imbert et Eustache-Brinio, MM. Chatillon et Mandelli et Mme Bellurot.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Des communes, à raison d'une par département frontalier, où aucun casino n'est autorisé à la date de la demande d'une commune classée commune touristique, membre d'une intercommunalité à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants. »

Mme Else Joseph.  - L'amendement envisage l'implantation d'un casino pour chaque département frontalier qui en serait dépourvu, mais dans une ville classée commune touristique, membre d'une intercommunalité à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants.

Cet amendement, cosigné avec mon collègue des Ardennes Marc Laménie, vise à éviter la fuite fiscale vers la Belgique ou le Luxembourg. Un refus du Gouvernement serait incompréhensible, compte tenu des engagements pris lors de la signature du Pacte Ardennes le 15 mars 2019. Il n'entraîne pas de dépense publique, constitue un atout touristique et favorise la consommation en France plutôt que dans les pays frontaliers.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Je comprends l'intention de notre collègue, qui prévoit trois conditions cumulatives. Veillons cependant à ne pas bouleverser l'existant. Attendons 2024 et la clause de revoyure prévue pour étudier une implantation plus équilibrée sur le territoire, après l'expérimentation menée à Paris. Avis défavorable.

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État.  - Votre amendement est encadré et permettrait d'éviter que des joueurs aillent jouer à l'étranger. Sagesse.

Mme Nathalie Goulet.  - J'ai indiqué dans la discussion générale que nous attendions une étude plus poussée. Mais je voterai bien sûr contre cet amendement : nous avons suffisamment de problèmes de blanchiment de fraude fiscale, ne créons pas une lessiveuse à la frontière avec le Luxembourg ! (Sourires)

Mme Else Joseph.  - Merci pour votre avis de sagesse, madame la ministre. J'encourage chacun à voter cet amendement. Un rapport, demandé par le ministère de l'intérieur en 2019, conclut à la nécessité de donner une base législative pour l'ouverture de casinos ; il cite les villes de Saumur et de Sedan. C'est l'occasion de revenir sur la carte des casinos en France, qui résulte de textes anciens.

M. Marc Laménie.  - Je voterai bien entendu cet amendement. Le Luxembourg n'est pas loin des Ardennes, madame Goulet, mais la frontière la plus proche est la Belgique. Le Pacte Ardennes signé avec le Gouvernement évoquait l'implantation de casinos dans les secteurs frontaliers. La ville de Sedan a de forts arguments. Merci, madame la ministre, pour votre avis de sagesse.

L'amendement n°2 rectifié ter est adopté.

Intervention sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet .  - La position de notre groupe n'est pas dirigée contre la proposition initiale, mais plutôt contre son extension. Nous devons débattre davantage. Le ministère de l'intérieur doit poursuivre les négociations avec les opérateurs.

J'espère que ce texte ne sera pas frappé de l'urgence, et que nous aurons les études d'impact nécessaires. Nous nous abstenons favorablement.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)

La séance est suspendue quelques instants.