Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Plan Climat

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Vous avez, madame la Première ministre, une responsabilité contre l'urgence climatique. L'urgence n'est plus à démontrer : l'Occitanie enchaîne les sécheresses sans répit. Nos engagements européens imposent de réduire les gaz à effet de serre de 55 % d'ici 2030, or nous n'en sommes qu'à 25 %.

L'effort doit être équitable. Entreprises, ménages, pouvoirs publics doivent participer à l'adaptation climatique selon leurs moyens, avec ambition. La conversion de l'agriculture et de l'industrie et la lutte contre le gaspillage des eaux, y compris grises et usées, en font partie. Cela suppose un accompagnement, particulièrement des collectivités locales en matière de rénovation énergétique et de déchets, entre autres.

Le fonds vert sera-t-il pérennisé, et avec quel montant, au-delà des 2 milliards d'euros déjà prévus ? Quel est le bilan d'étape ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - À mon tour, j'exprime ma solidarité aux collègues et aux proches des agents tragiquement décédés ces derniers jours, et le soutien du Gouvernement à ceux qui nous protègent, nous soignent et éduquent nos enfants, parfois au péril de leur vie.

Chaque jour, le péril climatique est plus visible et préoccupant : sécheresses, feux de forêt. Il faut une action forte pour nous adapter et restaurer la biodiversité. Nous agissons sans attendre, avec le plan Eau du Président de la République et le renforcement des moyens de la sécurité civile. La proposition de loi sénatoriale visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, qui fera bientôt l'objet d'une commission mixte paritaire, y participe également.

Nous devons aussi planifier sur le long terme. Nos objectifs européens sont ambitieux ; nous sommes en avance sur nos objectifs 2019-2023 et avons pratiquement rattrapé le retard accumulé entre 2015 et 2018. Il faut encore accélérer et doubler le rythme de réduction des émissions. Depuis septembre, avec les ministres et tous les acteurs, nous identifions les leviers, secteur par secteur.

Oui, l'effort doit être juste et également réparti : la moitié aux entreprises, un quart à l'État et aux collectivités, un quart aux ménages.

La transition écologique doit se faire avec nos concitoyens. Nous devons accompagner et former aux métiers de la transition écologique. J'ai réuni lundi un Conseil national de la transition écologique et nous présenterons une planification écologique complète en juin.

Réussir la transition, c'est anticiper. Le ministre de la transition écologique a annoncé des travaux pour préparer la France à une hausse de 4°C. Nous avons besoin des collectivités : des projets concrets se mettent en place, notamment avec le fonds vert, de 2 milliards d'euros dès cette année ; je vous confirme qu'il sera pérennisé. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Alain Cazabonne et Pierre Louault applaudissent également.)

M. Jean-Claude Requier.  - Le combat pour le climat sera long et difficile. Comme au rugby, nous gagnerons ou perdrons tous ensemble. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC)

Fret ferroviaire (I)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Si l'on veut gagner tous ensemble, est-ce vraiment le moment de saper le fret ferroviaire public ? Comment fixer la trajectoire du plan Climat et viser le report modal et, en même temps, accepter que Fret SNCF soit dépecé ?

La Commission européenne, par sa procédure pour aide d'État soi-disant illégale, met en péril cet acteur public majeur de la transition.

Ce n'est pas par des procédures technocratiques ou l'application aveugle d'une doxa libérale que l'Europe réussira, mais par la concrétisation du Green Deal et l'atteinte des 30 % de part modale du fret ferroviaire. Si nous en sommes encore loin, il y a un frémissement. Entre la cause du climat et celle de la concurrence, le choix est évident !

Plutôt que de tenir cette ligne résolue, monsieur le ministre, vous préférez consentir à une liquidation de Fret SNCF pour accepter la « discontinuité économique » : abandon des trains complets et de 500 salariés, absence de garanties sociales et salariales, ouverture du capital, cession d'une partie des locomotives, renoncement aux appels d'offres... Comment ce scénario de mise à la découpe pourrait-il ne pas brider le rebond ferroviaire ? Serez-vous le ministre qui a liquidé Fret SNCF ? (Applaudissements à gauche)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Je crois, comme vous, à l'avenir du fret, élément essentiel de la transition écologique. Par le plan Fret, nous avons inversé, pour la première fois depuis 2015, la trajectoire de la part du fret ferroviaire. Il faut un opérateur public de référence du fret ferroviaire, et je suis bien déterminé à le maintenir.

Disons la vérité sans démagogie. Une procédure a été ouverte par la Commission européenne le 18 janvier dernier. Je me suis occupé de ce dossier dès mon arrivée au ministère. Nous avons tout fait pour contester l'illégalité présumée des aides versées depuis quinze ans, mais cette procédure a été engagée.

Nous sommes face à un choix clair. Nous pouvons aller au bout de cette procédure, mais le risque - une quasi-certitude  - est la mort et la liquidation de Fret SNCF, de ses 4 800 salariés et de milliers de kilomètres de rail. Je ne veux pas de cette solution. J'assume, pour garder un groupe public qui a un avenir, de trouver un accord pour mettre fin à l'incertitude. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Fabien Gay protestent.)

Nous aurons un opérateur public, qui gardera l'immense majorité de ses activités, sans aucun report modal, avec une amplification du plan d'investissements déployé depuis 2021. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jacques Fernique.  - Vous avez parlé de jouer à la roulette russe l'avenir du fret ferroviaire. Mais à quel jeu jouez-vous ? Pouvez-vous garantir que les acteurs économiques ne retourneront pas vers les camions ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE)

Protection des policiers

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Notre pays traverse une semaine noire. Hier matin, une infirmière a été sauvagement agressée. Dimanche matin, Paul, Manon et Steven, trois policiers de moins de 25 ans, ont trouvé la mort dans un accident de voiture. Vous avez rencontré leurs familles, monsieur le ministre de l'intérieur, et nous vous en remercions. Le groupe INDEP leur rend un vif hommage.

Après la douleur et la colère viendra le temps des questions. Les deux occupants du véhicule impliqué sont connus des services de police. Le chauffard était sous l'emprise de stupéfiants et d'alcool.

Policiers, gendarmes et pompiers, héros du quotidien, subissent des violences intolérables. L'émotion est croissante, et le climat d'hostilité envers les forces de l'ordre est alimenté par le silence de certains. Ces hommes et femmes sont les garants de l'ordre public : ils méritent protection. La justice doit suivre.

Quelles mesures allez-vous prendre pour soutenir nos forces de sécurité intérieure contre les menaces ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; MM. André Reichardt et Gérard Longuet applaudissent également.)

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Les métiers de policier et de gendarme sont de plus en plus difficiles eu égard aux risques et menaces pesant sur ces agents. Ils ont besoin de tout notre soutien.

Je me joins aux hommages qui ont été rendus aux trois policiers décédés. Depuis le 1er janvier, 2 380 gendarmes et policiers ont été blessés dans l'exercice de leurs fonctions. Le 1er mai, un policier a été blessé par un cocktail Molotov, et d'autres policiers ont été blessés lors de manifestations.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) prévoit des moyens humains, budgétaires - à hauteur de 15 milliards d'euros supplémentaires - et statutaires pour valoriser les carrières. Nous poursuivrons cet effort.

Des caméras-piétons, une protection fonctionnelle et une cellule d'assistance sont déployées dans les commissariats, et de nouveaux casques et gilets lourds ont été fournis. En outre, la Lopmi a créé vingt postes de psychologues pour mieux accompagner policiers et gendarmes.

Le ministre de l'intérieur, comme le Parlement, est très attentif à la protection des forces de sécurité intérieure. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

Comptes de la sécurité sociale

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Mars 2023 est le mois à la plus faible natalité depuis 1994 ; 2022 avait vu la plus faible fécondité depuis 1946. Pourquoi les Français ont-ils moins d'enfants ?

On pourrait penser à l'éco-anxiété. On peut penser aussi à la crise du logement. Or le Conseil national de la refondation (CNR) Logement a été reporté sine die...

Le quotient familial a diminué sous François Hollande. Le complément de libre choix du mode de garde (CMG) a diminué malgré un excédent de 1,9 milliard d'euros de la branche famille et plus de 5,8 milliards d'euros d'erreurs comptables. Le constat est sévère, la sentence sans appel : la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche famille.

Aucune préconisation du rapport Cyrulnik n'a été traduite dans la loi ou le règlement, alors que les 1 000 premiers jours avaient été érigés en priorité. La conférence des familles de 2022 annonçait un droit opposable à la garde pour 2027. L'inspection générale des affaires sociales, le 11 avril, a dénoncé la baisse de la qualité de l'accueil des enfants. La restitution du CNR Enfance est, elle aussi, reportée sine die. La future convention d'objectifs et de gestion (COG) est toujours en discussion, accusant un retard de trois mois.

Monsieur le ministre, qu'allez-vous proposer au Président de la République, qui semble, enfin, s'inquiéter de la natalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MMLoïc Hervé et Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - La non-certification des comptes 2022 de la branche famille nous interroge sur les difficultés de contrôle interne, sans que soit remise en cause la bonne tenue des comptes.

Mme Nathalie Goulet.  - On parle de 5,8 milliards d'euros d'erreurs !

M. Jean-Christophe Combe, ministre.  - La solidarité à la source assurera un meilleur versement, simplifié, des allocations, luttant contre la fraude et les indus.

Ensuite, le taux de natalité, proche de 1,8 enfant par femme, ne permet pas le renouvellement des générations. Cela fait peser des tensions sur notre protection sociale. Mon rôle est de répondre au désir d'enfant, qui est de 2,4 enfants par femme.

M. Bruno Retailleau.  - Que faites-vous ?

M. Jean-Christophe Combe, ministre.  - Avant d'augmenter les prestations, il faut améliorer les services aux familles. Celles-ci se préoccupent de la garde des enfants : il manquerait 200 000 places. Le Président de la République s'est engagé à créer le service public de la petite enfance, et la Première ministre formulera des annonces dans les jours qui viennent. (M. François Patriat applaudit ; On ironise à droite.)

Mme Christine Lavarde.  - Vous n'avez rien proposé. Nous, nous avons des idées : prise en compte de la taille des logements familiaux dans la loi Solidarité et renouvellement urbain, fin de la modulation des allocations familiales, pouvoir de sanction aux services de protection maternelle et infantile. À chaque naissance, le monde recommence. Vous avez 6 milliards d'euros pour financer cette politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Rave-party dans l'Indre (I)

M. Stéphane Demilly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Permettez-moi de vous proposer une charade, sur le thème « je fais ce que je veux, quand je veux, comme je veux et où je veux ».

Mon premier est une manifestation interdite par deux arrêtés préfectoraux. Mon deuxième a réuni 30 000 personnes dans un petit village de l'Indre, dont la population a été multipliée par 273 et qui est devenu, le temps d'un week-end, la capitale de la rave-party. Mon troisième comprend 500 prises en charge par les services de secours, dont 30 en urgence absolue, malgré 320 gendarmes déployés. Mon quatrième a engendré 15 tonnes de déchets sur un terrain dont le propriétaire n'avait pas été prévenu. Mon tout illustre le délitement de l'autorité de l'État.

Je sais bien que, comme Machiavel le rappelait, le choix est souvent entre le pire et le moindre mal. Reste que certaines questions se posent à la suite de cet événement affligeant.

Pourquoi tout le monde était-il au courant, sauf ceux qui auraient dû l'être ? Ne faut-il pas durcir les sanctions contre les organisateurs, qui ne risquent que 1 500 euros d'amende ? Ces images de désinvolture ont un effet terrible dans l'opinion ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Le rassemblement du Teknival Frenchtek 2023 était non déclaré. Les renseignements territoriaux avaient bien eu vent d'une manifestation dans le centre de la France, mais le lieu exact n'a été révélé que quelques heures avant l'événement.

En quelques heures, 25 000 personnes arrivaient sur le site. Dans l'urgence, les conditions sanitaires ou de sécurité n'ont pas pu être assurées. Je remercie les services de la préfecture et du département pour leur mobilisation. La coordination d'un dispositif opérationnel par le préfet a permis d'éviter la circulation de festivaliers sous l'emprise de l'alcool. 434 gendarmes ont été mobilisés.

Bilan : 30 200 personnes et 13 300 voitures contrôlées, 155 verbalisations pour conduite en état d'ébriété, 32 pour possession de stupéfiants, saisie d'un kilo d'herbe de cannabis et de 40 grammes de cocaïne, ainsi que de groupes électrogènes. Les organisateurs ont été identifiés et seront sanctionnés. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

Vertbaudet (I)

Mme Michelle Gréaume .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Hussein Bourgi applaudit également.) Voilà plus de soixante jours que des salariés de Vertbaudet, dans le Nord, sont en grève. Cette entreprise, qui emploie majoritairement des femmes, est détenue par un fonds d'investissement de dimension européenne.

Les données financières sont édifiantes : entre 2018 et 2021, la marge nette est passée de -0,7 % à 3,6 %, la valeur ajoutée de 49,7 millions à 56,6 millions d'euros ; mais la part des salaires par rapport au chiffre d'affaires, elle, a diminué de 15,6 % à 12,1 %...

L'unique revendication de ces salariés ? Une augmentation de 150 euros. Actuellement, les salaires dans l'entreprise vont de 1 300 à 1 500 euros par mois - le dirigeant, lui, perçoit 60 000 euros par mois... L'inflation rattrape les salariés, et les fins de mois sont difficiles.

Depuis deux mois, tout y passe : absence de dialogue avec la direction, propos sexistes à l'égard des salariés, interventions de la police, menaces de licenciement. La lutte de ces salariés, déterminés, devient emblématique.

Comment faire des choix de vie sans un salaire digne ? Comment être libre sans indépendance économique ? La solidarité de tout le monde du travail s'exprime à l'égard des salariés de Vertbaudet, y compris financièrement : d'une certaine manière, leur lutte est devenue, par procuration, celle de tous les salariés du pays.

Vous appelez au partage de la valeur. N'y a-t-il pas là une belle occasion de le mettre en oeuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Le conflit social au sein de l'établissement Verbaudet est bien connu de mes services.

Un accord majoritaire a été signé par deux organisations syndicales, FO et la CFE-CGC, qui représentent 63 % des salariés de l'entreprise. La CGT, elle, a encouragé la poursuite du mouvement.

M. Fabien Gay.  - Elle a raison !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Dès le 9 avril, la direction départementale de l'économie, de l'emploi, du travail et de la solidarité a initié une médiation, dans le cadre de laquelle l'entreprise a annoncé trente recrutements en CDI.

L'accord prévoit une augmentation de la rémunération via des primes. (Murmures à gauche)

M. Pascal Savoldelli.  - Les salariés devront aussi travailler jusqu'à 64 ans !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Mon cabinet a facilité un rapprochement entre le cabinet de Mme Binet et la direction générale de l'entreprise, qui vient de formuler des propositions nouvelles, rejetées par la CGT.

À cette heure, environ 70 salariés sur 340 sont toujours en grève. Je souhaite que le dialogue social aboutisse, dans le respect des prérogatives de chacun et de l'accord majoritaire conclu il y a plusieurs semaines.

S'agissant de l'intervention de la police, elle faisait suite à une décision de justice. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Fret ferroviaire (II)

M. Michel Dagbert .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Voici une seconde question sur le fret ferroviaire, sous un prisme différent...

La part du rail dans le transport de marchandises n'a cessé de diminuer ces dernières décennies, passant de 20 à 10 % entre 2006 et 2019.

Pourtant, les avantages du fret ferroviaire sont indéniables, notamment du point de vue de la décarbonation : un train de marchandises équivaut à quarante camions, pour six fois moins d'énergie consommée à la tonne. Le Conseil d'orientation des infrastructures souligne régulièrement la nécessité de le développer.

Le Gouvernement vise un doublement de la part modale du fret ferroviaire d'ici à 2030. Une stratégie nationale a été présentée, et 170 millions d'euros d'aides supplémentaires sont prévus chaque année jusqu'en 2027.

Dans ce contexte, les difficultés de Fret SNCF inquiètent, alors que la Commission européenne a démarré une procédure en janvier. Selon quel calendrier seront mises en oeuvre les mesures que vous avez annoncées hier pour l'avenir de cette filiale ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - La situation est difficile au regard de la procédure engagée par la Commission européenne. Je ne ferai pas le choix de la facilité en passant le dossier au suivant, avant de verser par démagogie des larmes de crocodile : je veux régler la situation d'ici à la fin de l'année.

Il faut un accord exigeant, avec des lignes rouges précises : l'emploi doit être intégralement préservé, à plus de 90 % dans un opérateur public viable. Le capital doit rester public, au sein du groupe SNCF.

Nous sommes convaincus, comme vous, des avantages du fret ferroviaire. Un train de fret émet dix fois moins de gaz à effet de serre que les camions qu'il remplace. C'est le Gouvernement auquel j'appartiens qui a -  enfin  - redressé la part du fret ferroviaire : nous continuerons dans cette voie.

Je propose non pas une solution du moindre mal, mais un avenir sérieux pour notre fret ferroviaire public et privé. D'où le plan amplifié que nous avons annoncé : aides aux wagons isolés et à l'exploitation, visibilité assurée jusqu'en 2030, 2 milliards d'euros investis dans le cadre des contrats de plan État-région -  quatre fois plus que lors des précédents contrats.

Cet effort s'inscrira dans la durée. Nous préparons l'avenir avec les salariés du fret ferroviaire public français. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Vertbaudet (II)

Mme Martine Filleul .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Daniel Breuiller applaudit également.) À mon tour, je rends hommage aux trois policiers de Roubaix décédés dans l'exercice de leurs fonctions.

Depuis deux mois, les salariés de Vertbaudet demandent à vivre dignement du fruit de leur travail ; beaucoup sont des femmes, en grève pour la première fois de leur vie. (Mme Michelle Gréaume aquiesce.)

Face au refus de la direction d'augmenter les salaires, un compromis a été trouvé dans la douleur : 0 % d'augmentation, mais des primes désocialisées. Le délégué CFDT l'a dit clairement : c'était cela ou rien.

Personne ne peut trouver normal qu'après vingt ans de boîte, les salaires plafonnent au Smic, au moment où tout augmente. Ces femmes salariées sont aussi les grandes perdantes de votre réforme des retraites.

La réponse ne peut être dans l'intimidation et la violence. Pendant le covid, vous expliquiez, la main sur le coeur, qu'il y aurait un avant et un après pour les travailleurs de première ligne. Allez-vous endosser enfin le rôle d'un État qui assure réellement le juste partage de la valeur en se plaçant au côté des travailleurs ? (Applaudissements à gauche)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Vous avez parlé d'intimidation et de violence : sans doute pensez-vous à l'agression d'un délégué CGT. Celui-ci a été reçu à la préfecture, où il lui a été vivement conseillé de déposer plainte, ce à quoi il s'est refusé.

L'accord conclu fin mars prévoit une prime de 650 euros et d'autres mesures de rémunération, mais sans évolution salariale.

L'État joue son rôle, dans le respect du dialogue social. La médiation dont j'ai parlé en réponse à Mme Gréaume n'a pas abouti. À cette heure, 72 des presque 350 salariés maintiennent la grève.

Une nouvelle réunion doit se tenir en fin de semaine. Des propositions seront faites, qui, j'espère, permettront d'avancer vers la résolution du conflit.

Vous nous demandez de décider à la place des employeurs et des organisations syndicales. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.) Vous pouvez considérer que l'accord de mars n'est pas satisfaisant, mais, je le répète, il a été signé par des organisations représentant 63 % des salariés concernés. (MM. François Patriat et Frédéric Marchand applaudissent.)

Mme Martine Filleul.  - Votre réponse ne me satisfait que partiellement. Au-delà de Verbaudet, la question des salaires se pose au plan national : les Français veulent vivre dignement de leur travail. Je regrette que le Gouvernement ne soit pas au rendez-vous de cette attente. (Applaudissements à gauche)

Immigration

M. Henri Leroy .  - (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains) L'année dernière, près de 500 000 migrants légaux sont entrés en France, un record absolu. Il faut y ajouter les immigrés illégaux -  plus de 300 000, selon Frontex.

L'échec du Gouvernement à contrôler l'immigration est patent, et on ne peut plus éluder la question du coût de cette immigration. (Murmures à gauche) L'aide médicale d'État culmine à 1,2 milliard d'euros. (Mme Monique Lubin s'exclame.) Plus largement, l'accueil des immigrés pèse de plus en plus sur nos finances publiques. Le coût social de l'immigration est de moins en moins acceptable. (Murmures à gauche)

La loi n'est pas respectée, les obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne sont pas exécutées et le communautarisme et la violence gangrènent notre société, au détriment surtout des Français les plus modestes.

Des solutions existent pour reprendre le contrôle : l'exemple du Danemark prouve qu'il n'y a pas de fatalité. Mais encore faut-il qu'une volonté existe.

L'excellent rapport de notre collègue Buffet montre la voie à suivre. (On renchérit sur les travées du groupe Les Républicains.) Les Républicains ont fait des propositions concrètes, déposant deux propositions de loi qui ouvrent de nouvelles perspectives.

Madame la Première ministre, la France va mal et vous regardez ailleurs. (Murmures à gauche et sur les travées du RDPI) Au lieu de temporiser et d'adopter une approche fondée sur le « en même temps », allez-vous ouvrir les yeux sur le drame qui se joue et vous emparer sérieusement de la question ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

M. Mickaël Vallet.  - Pas un mot sur les centaines de morts en Méditerranée !

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Comme vous, nous sommes préoccupés par les questions migratoires. Tous les pays font face aux mêmes difficultés. Vous auriez pu souligner, toutefois, que le nombre de demandes d'asile est en baisse depuis le début de l'année, contrairement à ce qui se passe ailleurs en Europe. Par ailleurs, nous avons amélioré l'exécution des OQTF de plus de 20 % depuis le début de l'année.

Nous sommes heureux de vos propositions.

M. Roger Karoutchi.  - C'est un bon début...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Nous avons compris que les deux textes déposés ne font pas totalement consensus entre Les Républicains et les centristes du Sénat. (On ironise sur certaines travées à gauche.)

Nous souhaitons discuter avec la majorité sénatoriale et l'ensemble de l'échiquier politique. Nous avons nous-mêmes déposé un texte, que vous avez étudié en commission.

Certaines de vos propositions concordent avec les nôtres : fin de la double peine, apprentissage obligatoire du français, simplification du droit proposée par le rapport Buffet. Mais nous avons aussi des divergences, notamment de principe. Ainsi, vous proposez de sortir de la Convention de Genève, des traités de l'Union européenne, du Conseil de l'Europe et de la Cour européenne des droits de l'homme...

MM. Bruno Retailleau et Jean-François Husson.  - C'est faux !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ce serait un Frexit migratoire.

Je poursuivrai mes discussions avec les groupes Les Républicains et UC du Sénat, ainsi qu'avec tous les autres qui le souhaiteront. J'espère qu'à l'automne, nous arrêterons d'en parler pour entrer dans le concret. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-François Husson.  - Ce n'est pas à nous qu'il faut le dire...

M. Henri Leroy.  - Vous êtes un homme d'écoute et nous savons que vous nous entendrez, mais ma question s'adressait à la Première ministre...

Sept Français sur dix dénoncent le trop-plein d'immigrés en France. Ces Français ont du mal à vivre décemment et subissent une violence quotidienne. Donnez-leur un peu d'espoir ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains)

M. David Assouline.  - Ce sont des propos d'extrême droite !

Transition écologique

Mme Angèle Préville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Ce seront les responsables de la ruine de la terre qui organiseront le sauvetage du peu qui en restera, et qui après l'abondance géreront la pénurie et la survie » prophétisait Bernard Charbonneau, il y a quarante ans. Hausse des températures de 4°C, littoral français sous l'eau, vagues de chaleur mortelles, sécheresses sévères... Perpétuer notre modèle est un déni impardonnable.

Votre mantra - pas d'impôts, pas de taxes - nous mène dans l'impasse. Nous devons faire en dix ans ce que nous n'avons pas fait en trente ans, dit Jean Pisani-Ferry, qui n'est pourtant pas un dangereux éco-terroriste. Pour cela, il recommande de financer la transition par un impôt sur les 10 % les plus aisés.

Changer sa chaudière et acquérir une voiture électrique n'est pas à la portée de tous, mais profitera à tous. La répartition équitable des efforts relève d'une indispensable justice sociale.

Depuis 2017, nous proposons des mesures fortes, comme l'ISF climatique, en vain. Comment comptez-vous financer les mesures radicales qui s'imposent à nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Les 156 pages du rapport Pisani-Ferry, commandé par le Gouvernement, traitent de beaucoup de choses, mais vous n'évoquez que les trois pages sur la fiscalité. « Il faut faire en dix ans ce que nous n'avons pas fait en trente ans » est une citation d'Élisabeth Borne, à l'ouverture du conseil national de la rénovation sur le climat et la biodiversité, en octobre dernier. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; on s'amuse à droite.)

M. David Assouline.  - C'est un bon élève !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Chacun serait bien inspiré d'insister sur la hauteur de la marche, au lieu de critiquer. La vérité, c'est que depuis qu'il n'y a plus d'écologiste au Gouvernement, le rythme de la baisse des émissions de gaz à effet de serre a doublé ! (Exclamations sur les travées du GEST ; applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.) Si nous avions écouté les plus activistes et étions sortis du nucléaire, nous serions bien loin de cette trajectoire.

Nous travaillons à l'atténuation, mais aussi à l'adaptation, qui n'est pas un déni.

M. Jean-François Husson.  - Cela fait deux ans que vous le répétez.

M. Christophe Béchu, ministre.  - La question du financement n'est pas taboue. Le rapport Pisani-Ferry invite d'abord à réorienter les dépenses. Nous sommes les champions du monde de la dépense publique ; avant de les augmenter, dépensons mieux. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe INDEP) Évitons une forme d'écologie qui en écarterait nos concitoyens. (« C'est l'inverse » sur les travées du GEST)

Mme Angèle Préville.  - On ne peut se satisfaire de votre réponse. Les condamnations récurrentes pour inaction climatique nous inquiètent, comme les régressions environnementales dans différentes lois. (Marques d'impatience sur les travées du groupe INDEP) Je suis en désaccord : on ne peut se passer de la justice sociale pour rendre la transition acceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Rave-party dans l'Indre (II)

Mme Nadine Bellurot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commune de Villegongis, 120 habitants, a accueilli 30 000 teufeurs. (On s'amuse à droite.) Je comprends que les jeunes se rassemblent pour écouter de la musique, mais il est inacceptable que cela se fasse en violation du droit de propriété et en contradiction avec un arrêté préfectoral.

En l'absence d'organisateur déclaré, la collectivité a dû organiser la sécurité physique et sanitaire des festivaliers et de la population. Je remercie les sapeurs-pompiers, les associations de protection civile, les gendarmes, les équipes du Samu, les services de l'État et des collectivités pour leur mobilisation 24 heures sur 24 pendant cinq jours. (M. Pierre Charon applaudit.) Mais tout cela a un prix que le contribuable devra payer, même si quelques confiscations ont eu lieu.

Au-delà de l'aspect financier, il faut un cadre juridique ferme pour anticiper et responsabiliser les festivaliers. L'illégalité entretient la clandestinité. Le Teknival existe depuis trente ans ! Quelles mesures pour mettre fin à l'impuissance de l'État ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Moga applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je vous remercie pour vos propos sur les services publics locaux et nationaux. Le préfet était mobilisé avec ses équipes. Plus de 30 000 personnes ont participé à un rassemblement non déclaré. Dès que nous avons été avertis, un arrêté a été pris par le préfet. Mais face à une concentration de très jeunes gens, j'ai pris la responsabilité de ne pas demander l'évacuation du site, pour éviter les drames.

En revanche, nous avons contrôlé l'intégralité des participants : 30 000 personnes, 13 363 véhicules, plus d'un millier d'interpellations pour consommation de stupéfiants, saisie de grandes quantités de drogue, signalement par le préfet sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale.

Le droit actuel ne permet pas de sanctionner de manière satisfaisante les organisateurs. Il faut une évolution, comme on l'a fait pour les aires d'accueil, grâce au Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ça s'est bien passé...

Mme Nadine Bellurot.  - Monsieur le ministre, il faut prévoir à l'avance des terrains adaptés pour ces rassemblements. Gouverner c'est prévoir, et nous ne devons pas nous retrouver à nouveau devant le fait accompli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Cheptel bovin

Mme Nadia Sollogoub .  - J'associe à ma question Nathalie Goulet, Anne-Catherine Loisier et les nombreux élus de terres d'élevage. Le rapport de la Cour des comptes sur l'avenir de l'élevage bovin a suscité l'indignation. Hier, monsieur le ministre, vous avez répondu à Laurent Duplomb que vous faisiez le choix de la souveraineté.

La Cour recommande de produire et de manger moins de viande, en vue d'assurer un équilibre. Confirmez-vous qu'à l'inverse, vous souhaitez que l'élevage bovin reste une filière exportatrice ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je vous invite à lire la totalité du rapport, au-delà de la page 9, afin de rendre justice au travail de la Cour.

Celle-ci propose une simple décroissance pour répondre à nos objectifs de décarbonation. Bien sûr, l'élevage doit prendre sa part à cette dernière, et il le fait. La consommation baisse déjà depuis vingt ans, et elle a tendance à passer de la viande rouge à la viande blanche.

En revanche, il n'est pas acceptable qu'on intime aux éleveurs de ne plus être éleveurs.

Mme Françoise Gatel.  - Eh oui !

M. Marc Fesneau, ministre.  - C'est inacceptable sur le plan humain, mais aussi parce que, sur certains territoires, impossible de faire autre chose que du bovin allaitant.

Nous devons réfléchir aux équilibres en matière de viande, mais aussi aux apports de l'élevage : les haies, le maintien des prairies...

Mme Annick Billon.  - Les marais...

M. Marc Fesneau, ministre.  - ... entre autres. Il faut en tenir compte. Ne caricaturons pas les positions. Il faut décarboner mais aussi respecter les éleveurs, pour leur travail et les aménités qu'ils apportent. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Nadia Sollogoub.  - Vous me prouvez que vous connaissez le monde de l'élevage, comme le président du Sénat. (Marques d'ironie à gauche)

On voit des experts venir mesurer le niveau de méthane dans nos prairies, mais une vache qui pète au Brésil ou au Canada a le même effet sur la planète qu'en France. (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDSE)

Si les experts de la Cour des comptes veulent tenir compte du bilan carbone des politiques publiques, réclameront-ils la fin du soutien au pouvoir d'achat des Français qui achètent du café ou des bananes, dont le bilan est bien pire ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Production de cidre

M. Pascal Allizard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Mangez des pommes !, slogan bien connu et sympathique. (« Ah ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) On peut aussi en boire. Je veux vous parler du cidre français (exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains), importante filière dans certains territoires ruraux comme la Normandie, labellisé « 100 % jus de pomme » ou « moût concentré de pommes fraîches ». En revanche, d'autres pays européens produisent du cidre comprenant 15 ou 10 % de jus de pomme, de l'eau, du sucre et des exhausteurs de goût... (On s'indigne sur plusieurs travées.)

M. Mickaël Vallet.  - Scandaleux !

M. Pascal Allizard.  - Les professionnels redoutent une harmonisation par le bas. Où en sont les travaux sur ce sujet ? Comment le Gouvernement préservera-t-il le cidre français au niveau européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Nous sommes nombreux, y compris la Première ministre, à être sensibles à la question du cidre. (Sourires)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Fayot !

M. Marc Fesneau, ministre.  - La principale question est celle de l'harmonisation du droit. Aujourd'hui, il n'y a pas de règle : chacun peut dénommer cidre ou cider des produits divers.

La France, où le cidre est produit à 100 % à partir de pommes, sans mélange, défend une harmonisation européenne vers le haut, afin de valoriser la qualité du cidre français, en particulier de Normandie. Nous y travaillons au niveau européen ; en matière de négociations, l'important n'est pas d'avoir raison, mais de trouver une majorité. Cela prendra du temps, mais il est inacceptable pour nous de dégrader la qualité de notre cidre ; l'étiquetage est un élément important de la reconnaissance. (M. François Patriat et Mme Françoise Gatel applaudissent.)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien ! Tous nos encouragements, monsieur le ministre !

M. Pascal Allizard.  - La Commission européenne précise que cela ne débouchera pas nécessairement sur une proposition législative, mais la pomme ne tombe jamais loin de l'arbre (sourires) : soyons vigilants face au zèle de certains auteurs de normes, qui prennent le bon sens à contre-pied. Nous comptons sur vous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mixité sociale dans les écoles privées

M. Yan Chantrel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Le 1er mars dernier, à l'initiative de notre groupe, nous débattions de la mixité sociale à l'école. Le constat est implacable : la proportion d'élèves de milieux défavorisés est de 42,6 % dans le public, de 18 % dans le privé.

Mme Sophie Primas.  - Cherchez l'erreur !

M. Yan Chantrel.  - Ces écarts ne cessent de se creuser, et nous allons vers un système à deux vitesses : une école privée réservée aux privilégiés, une école publique pour les autres.

Mme Sophie Primas.  - Et pourquoi ?

M. Yan Chantrel.  - Voilà le vrai séparatisme à l'oeuvre ! Le ministre Pap Ndiaye a estimé que le privé sous contrat étant financé à 73 % par l'argent public, on pouvait exiger de lui qu'il favorise aussi la mixité. Il a parlé de moduler les subventions aux établissements, de jouer sur les allocations de postes, et même de sectorisation.

Nous attendions donc des annonces fortes pour mettre fin à cette ségrégation scolaire qui mine notre pacte social et fait de notre pays l'un des plus inégalitaires de l'OCDE. Mais le protocole d'accord dévoilé le 17 mai, après deux reports, a fait pschitt : il ne comporte aucune exigence contraignante. Bref, ce Gouvernement, qui défend toujours les plus favorisés, n'agira pas pour plus de mixité scolaire. (Mme Françoise Gatel s'agace.)

Quand prendrez-vous enfin la mesure du problème, en imposant des mesures contraignantes ? (Applaudissements à gauche)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Pap Ndiaye, qui remet en ce moment le prix « Non au harcèlement ».

Nous agissons concrètement pour réduire la ségrégation sociale dans les établissements scolaires, car on ne peut se résoudre à voir se creuser l'écart entre les établissements, entre le privé et le public.

Pour y remédier, le ministre de l'éducation nationale a d'abord voulu agir sur les établissements publics, qui accueillent 90 % des élèves, en demandant aux recteurs de faire progresser la mixité de 20 % d'ici 2027.

S'agissant de l'enseignement privé, le ministre privilégie la concertation à la contrainte. (On le regrette à gauche.) L'enseignement catholique a montré sa volonté de s'engager sur le sujet de la mixité. (Mme Monique Lubin en doute.)

Mercredi dernier, après une concertation de plusieurs mois, nous avons signé un protocole d'accord avec le secrétaire général de l'enseignement catholique -  une première depuis trente ans. Cet accord prévoit de suivre, avec des indicateurs précis, l'avancée de la mixité sociale et scolaire dans les établissements privés sous contrat. Nous pensons que, pour faire avancer l'égalité des chances, il faut convaincre, et non contraindre. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Atteintes à la laïcité à l'école

M. Pierre Charon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait au ministre de l'éducation nationale : il est toujours désagréable de s'adresser à un absent...

En 2022, vous avez élaboré un plan contre les atteintes à la laïcité. Or celles-ci ne cessent d'augmenter : 720 signalements en octobre, 500 en mars. Ces chiffres s'expliquent respectivement par la commémoration de l'assassinat de Samuel Paty et par le Ramadan, a expliqué Pap Ndiaye - ce qui n'a pas manqué de soulever une polémique avec la Grande Mosquée de Paris...

Dans l'Académie de Paris, les chiffres d'avril battent des records. Sans compter les signalements d'actes d'antisémitisme, qui relèvent, eux, de procédures pénales.

Vos chiffres sont manifestement sous-estimés. Selon le syndicat des personnels de direction, les tenues litigieuses, les contestations d'enseignement ou les difficultés lors des sorties scolaires ne font pas l'objet de signalements systématiques.

Malgré les chiffres, vous n'apportez aucune réponse, alors que les chefs d'établissement, qui se sentent bien seuls, réclament des actions concrètes et des outils réglementaires. Votre absence de fermeté laisse la porte ouverte à toutes les revendications communautaires.

Allez-vous vous contenter de recenser les atteintes à la laïcité ou donner enfin des directives claires aux chefs d'établissement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Le ministre de l'éducation nationale a engagé plusieurs actions. Il a demandé une publication des chiffres mensuels des atteintes à la laïcité, désormais disponibles sur le site internet du ministère. Il a renforcé les équipes valeurs de la République et élargi la formation de tous les personnels de l'éducation nationale. Le plan annoncé en novembre 2022 a permis à 300 000 personnels, dont 5 000 chefs d'établissement et adjoints, d'être formés sur le sujet : ils disposent ainsi d'outils pour lutter efficacement contre ces situations.

Le ministre a renforcé les mesures disciplinaires en cas d'atteinte au principe de laïcité, à travers une circulaire très claire. Il a également institutionnalisé le Conseil des sages de la laïcité, en nommant enfin ses membres, cinq ans après sa création.

Soyez assuré de l'engagement sans faille du Gouvernement pour lutter contre les atteintes à la laïcité. Les actions sont plus fortes que les mots. L'accompagnement des personnels, leur engagement, les mesures disciplinaires : voilà de vraies avancées ! (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Décès de policiers dans le Nord

Mme Brigitte Lherbier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dimanche matin, au commissariat de Roubaix, une équipe de permanence répond à l'appel de détresse d'une jeune fille. Leur précipitation au service de l'ordre sera la dernière pour Paul, Steven et Manon. Ils étaient partis heureux de chez eux le matin, sans savoir qu'ils ne reverraient jamais leurs proches.

À Roubaix, il y a une vraie solidarité entre police nationale, municipale et pompiers. C'est une ville méritante. La commissaire Céline Kichtchenko, qui dirige l'école nationale de police de Roubaix, apprend aux nouvelles recrues les difficultés de la profession, le professionnalisme et la rigueur. Manon, stagiaire, était prête à entrer dans cette grande famille. Le commissaire principal Abdelkader Haroune leur avait dit combien la police était un ascenseur social pour ceux qui défendent les valeurs de la République.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez bien raison de défendre vos hommes et d'en être fier. Ces trois jeunes policiers ont été tués par un chauffard ivre, sous l'emprise de stupéfiants, récidiviste et connu des services de police. Leur décès est un choc immense, inacceptable. J'adresse mes sincères condoléances aux familles et aux proches.

Aujourd'hui, on se recueille, mais que ferons-nous demain ? Le Gouvernement entend-il intensifier la lutte contre les conducteurs dangereux, et durcir les peines ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Merci pour vos mots touchants. Le commissariat de Roubaix est parmi les plus difficiles de France, il a d'ailleurs d'importants moyens, à la hauteur des difficultés. Il fait l'honneur de la police nationale.

Demain, le Président de la République rendra officiellement hommage à ces policiers à l'École nationale de police de Roubaix. Ils font l'honneur de la France et du service public. Nous pensons à leurs familles, à ce petit enfant d'un an à peine, à cette compagne enceinte.

Ce chauffard -  cet assassin, disons-le  - a détruit trois destins et blessé l'ensemble de la police nationale.

Ce fait divers n'est hélas pas isolé. Nous travaillons avec le garde des sceaux pour limiter ces drames : retrait des douze points pour les consommateurs de stupéfiants, instauration d'un crime d'homicide routier. Sous l'autorité de la Première ministre, avec le garde des sceaux, nous sommes à votre disposition pour travailler ensemble sur ce sujet, en mémoire de ces trois jeunes policiers. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, et sur plusieurs travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 30.