SÉANCE

du mercredi 7 juin 2023

95e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Pierre Cuypers, Mme Victoire Jasmin.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Lutte contre les incendies

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Voilà 21 mois que la France est en situation de sécheresse, 23 jours qu'il n'a pas plu dans le Nord. Même l'hiver dernier, la sécheresse était telle qu'il y a eu des incendies. Avant, 2022 avait été dramatique.

Je salue les sapeurs-pompiers pour leur bravoure et leur dévouement (applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDSE et du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains) ainsi que les agriculteurs et les nombreux citoyens qui ont aidé à lutter contre les feux de cet été. (Nouveaux applaudissements)

Aucun territoire, même au nord de la Loire, n'est à l'abri. Dans le Maine-et-Loire, à Baugé-en-Anjou, à Beaulieu-sur-Layon et jusque dans l'agglomération angevine, 2 000 hectares sont partis en fumée, vous le savez, monsieur Béchu...

Il faut s'adapter. Des mesures ont été mises en place en octobre, mais il reste beaucoup à faire. Sommes-nous prêts pour l'été qui vient, avec la sécheresse qui ne nous quitte plus ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - (« Ah ! » sur les travées des groupes Les Républicains et SER) À mon tour de saluer les sapeurs-pompiers, en première ligne, qui auront à nouveau à faire preuve de courage et dévouement cet été. À cause du dérèglement climatique, pas moins de 72 000 hectares ont brûlé, dont 60 000 de forêts, jusque dans le nord du pays : dans le Maine-et-Loire, mais aussi dans la Sarthe et les monts d'Arrée. (M. Michel Canévet et Mme Françoise Gatel le confirment.)

La proposition de loi relative aux obligations légales de débroussaillement, que vous avez adoptée, prévoit notamment une éco-redevance pour financer une campagne de communication sur ce thème. Elle sera examinée en CMP le 19 juin.

La météo des forets a été mise en place le 2 juin dernier. Pas moins de 90 % des feux sont d'origine humaine, et plus de la moitié est liée à des imprudences.

Il faut renforcer les moyens de lutte : le fonds vert flèche 100 millions d'euros pour l'achat par les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) de caméras thermiques et de drones. Le nombre de colonnes de renfort passera de 44 à 51, les moyens aériens de 38 à 47, pour protéger ceux qui nous protègent. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Emmanuel Capus.  - La lutte contre les conséquences du réchauffement climatique est une priorité des maires. Les annonces sur le fonds vert sont bienvenues. Le Sénat sera au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)

Crise du logement (I)

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la Première ministre, quand le bâtiment va, tout va. Lundi, vous avez conclu le CNR (Conseil national de la refondation) Logement, mais je pense que vous avez confondu avec la convention citoyenne sur la fin de vie (rires) : fin de vie pour le pavillon individuel, pour les investisseurs, pour les emprunteurs modestes.

Une voix à droite.  - Exactement !

M. Jérôme Bascher.  - Vous avez réalisé l'exploit, et l'oxymore, d'un plan de relance qui fait des économies, quand le secteur est au plus mal. Oubliées, toutes les mesures d'offre. Rien pour les terrains, l'investissement et la solvabilisation. À quand le vrai plan de reconstruction ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Je m'inscris en faux, et je m'étonne de votre conservatisme... (Nombreuses marques d'ironie à droite) Le CNR est un succès. (Protestations à droite) Il a mobilisé des centaines d'acteurs et a fait suite aux mesures de ce gouvernement et du précédent : Logement d'abord, MaPrimeRénov', budget de l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) porté de 5 à 12 milliards d'euros.

À l'issue du CNR, la Première ministre a annoncé le rachat de 47 000 logements par la CDC Habitat et Action Logement, qui nous donne une force de frappe sans précédent, ainsi que le maintien du prêt à taux zéro (PTZ) jusqu'à 2027.

Le Pinel a été utile, mais nous en voyons aussi les inconvénients : les logements proposés par les banques sont de piètre qualité, et mal entretenus par des propriétaires bailleurs absentéistes. (Murmures ; Mmes Sophie Primas et Dominique Estrosi Sassone protestent.) Nous mettons l'accent sur le logement intermédiaire, car les investisseurs institutionnels seront de meilleurs gestionnaires.

Mme la Première ministre - peut-être l'avez-vous mal écoutée (on le conteste à droite) - a aussi annoncé de nouvelles méthodes contre la spéculation foncière. Les services fiscaux réévalueront le prix des terrains. (Les protestations redoublent.)

M. François Bonhomme.  - Pas nous !

M. Jérôme Bascher.  - Vous appelez succès ce que les professionnels du secteur appellent un four. Tous critiquent les conclusions de ce CNR, d'où les mesures d'offres sont absentes.

Vous dites que le rachat de logements par la Caisse des dépôts et consignations est sans précédent ? Je sais, pour siéger à son conseil de surveillance, qu'elle a fait plus en 2016. Comme les maires, que, comme à votre habitude, vous accusez de ne pas respecter les PLU, nous attendions de vrais gestes pour la construction. Viser les petits appartements, c'est avoir une mauvaise vision du problème. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Crise du logement (II)

Mme Valérie Létard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Le CNR Logement était celui de tous les espoirs. La concertation était inédite, l'engagement des acteurs total, ce qui a abouti à des centaines de propositions. Hélas, c'est un rendez-vous manqué.

Une voix à droite.  - Plutôt raté !

Mme Valérie Létard.  - L'heure est à la désillusion. Votre politique du logement est une variable d'ajustement budgétaire : 2 milliards d'euros en moins à l'issue du CNR ! Ce n'est pas acceptable !

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

Mme Valérie Létard.  - Monsieur Klein, vous estimez que le CNR n'est pas une fin en soi. Est-ce le début de quelque chose ? Nous attendons un plan d'ampleur pour répondre à la colère non apaisée du logement. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE, des groupes INDEP et SER ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains, où quelques voix demandent M. Olivier Klein.) Je me félicite que vous trouviez désormais des mérites à ce CNR...

M. Jean-François Husson.  - Mais non, ce n'est pas la même chose ! Il y a 4,2 millions de demandeurs de logement social !

M. Christophe Béchu, ministre.  - La Première ministre l'a dit, ce CNR n'est pas la fin de l'histoire, mais un point d'étape : on tient compte des concertations, on va de l'avant. Elle a donné rendez-vous en juin aux ministres concernés et à la Cour des comptes.

Une nouvelle convention quinquennale a été signée avec Action Logement (Mme Sophie Primas proteste), à l'unanimité des partenaires sociaux. Nous avons agi, sur le PTZ et les taux d'usure.

Mais il reste beaucoup à faire, à commencer par le pacte de confiance avec les bailleurs sociaux. Dans un contexte de renchérissement du foncier, de forts enjeux de rénovation énergétique, nous devons poser de nouvelles bases. La remise à plat de la fiscalité sur la location a vocation à être examinée avant le projet de loi de finances. Ce sera l'occasion de faire le bilan, dans un contexte de crise des mises en chantier. Crise de l'offre et crise de la demande se conjuguent, en France et ailleurs.

Vous ne pouvez dire que nous n'avons rien fait, mais il reste beaucoup à faire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Valérie Létard.  - Les propositions issues du CNR laissent trop de questions en suspens ; il faut des réponses fortes. Que faites-vous des territoires qui ne sont pas en zone tendue ? (Mme Marie-Noëlle Lienemann approuve.) En dehors des métropoles, point de salut ? Mais il y a 4,2 millions de demandeurs de logements sociaux ! (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe INDEP et du RDPI) Comment allez-vous faire ? Recentrage du PTZ, suppression du Pinel : l'accession à la propriété restera-t-elle ouverte au plus grand nombre ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Quid de l'accession sociale à la propriété ? Attention ! On va vers la fin de l'accession populaire en province.

Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance pour relever ce défi. (On le conteste vigoureusement à droite comme à gauche.) Agissez ! (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER)

Crise du logement (III)

M. Pascal Savoldelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Hussein Bourgi applaudit également.) Quelques chiffres : 330 000 personnes sans abri, 4,2 millions de mal logés, 2,4 millions de ménages en attente de logement social, dont plus de 100 000 dans le Val-de-Marne. Et 5,7 millions de personnes consacrent plus de 35 % de leurs revenus au logement.

Deux mots me viennent à l'esprit : souffrance et irresponsabilité.

Le logement coûte 38 milliards d'euros par an à la nation, mais rapporte 88 milliards. Comment se fait-il que la part du budget qui lui est consacrée - 1,5 % en 2021 - n'ait jamais été aussi faible ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST ; M. Alain Cazabonne applaudit également.)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Je commencerai en vous rappelant les mesures prises au cours du dernier quinquennat. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains) Le plan Logement d'abord a permis à 440 000 personnes de passer de la rue au logement. Lancé cette année, le plan Logement d'abord 2, dans lequel beaucoup de municipalités se sont engagées, représentera 160 millions d'euros sur le quinquennat.

L'hébergement d'urgence est une priorité : nous sommes passés de 120 000 places en 2017 à 200 000. Plus de 6 millions d'euros y sont consacrés chaque soir.

Il faut accompagner le logement social ; j'y suis très attaché, pour en avoir occupé un au début de ma carrière d'enseignant.

Mme Sophie Primas.  - Ce n'est pas le sujet !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Nous le faisons en plafonnant l'augmentation du taux du livret A. Pour favoriser la seconde vie, nous exonérons de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) les rénovations lourdes. Nous travaillons à un pacte de confiance ambitieux avec l'Union sociale de l'habitat, que nous signerons dans quelques mois au congrès HLM de Nantes. (M. François Patriat applaudit.)

M. Pascal Savoldelli.  - Madame la Première ministre, qu'aurait fait le Conseil national de la résistance, dont vous avez osé reprendre le sigle, face à une telle crise du logement ? Gel immédiat des loyers, TVA à 5,5 % pour la construction de logements sociaux, généralisation des aides à l'accession à la propriété, interdiction des expulsions sans relogement, augmentation des APL, plafonnement des loyers en zone tendue, taxation des plus-values immobilières pour abonder le Fonds national d'aide au logement (Fnal), sanctions pour les communes ne respectant pas leurs obligations au titre de la loi SRU !

La seule opposition à la conquête du droit au logement, c'est vous, et votre Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)

Grève dans les écoles à Wallis-et-Futuna

M. Mikaele Kulimoetoke .  - La grève du personnel de l'enseignement primaire dure depuis cinq à six semaines à Wallis-et-Futuna, dans une indifférence quasi totale. Cela fait 54 ans qu'ils assurent leur mission de service public sans reconnaissance de l'État. Une ordonnance du 15 février 2006 a étendu à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française l'application de la loi du 5 janvier 2005 dite Censi sur les maîtres dans l'enseignement privé sous contrat, mais Wallis-et-Futuna en a été exclu, au motif que l'enseignement du premier degré y est concédé.

Nos maîtres, titulaires d'une licence des métiers de l'enseignement, sont donc payés directement par le vice-rectorat dans le cadre d'un contrat de travail.

Les grévistes veulent être reconnus comme agents publics de l'État dès la rentrée 2024. C'est légitime : ils sont citoyens français. Nos enfants sont ceux de la République et doivent retourner en classe. Comptez-vous réparer cette injustice en étendant la loi Censi à Wallis-et-Futuna ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - À Wallis-et-Futuna, les enseignants du premier degré sont de droit privé, l'enseignement y étant concédé à l'enseignement catholique. C'est cependant l'État qui les rémunère, à 4 500 euros bruts mensuels, plus les primes éventuelles. Les maîtres sont recrutés à bac+2, au lieu de bac+5.

J'ai donné mandat à la vice-rectrice de Wallis-et-Futuna pour que les négociations avec FO-éducation aboutissent. Des groupes de travail compareront la situation des maîtres et maîtresses de Wallis-et-Futuna avec leurs collègues de Nouvelle-Calédonie et étudieront la possibilité de les faire accéder au statut d'agents publics.

Notre objectif est que les élèves retrouvent les bancs de l'école au plus vite. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Crise du logement (IV)

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Daniel Breuiller applaudit également.) Le logement va mal, tous les indicateurs sont à la baisse : vente de logements, mises en chantier, permis de construire délivrés. Plus de 2 millions de personnes attendent un logement social, un record.

Après six mois de travail et de concertation, les attentes étaient fortes, mais la montagne du CNR a accouché d'une souris : un plan minimaliste et imprécis. Les acteurs de l'immobilier, de la construction et de la solidarité se sentent méprisés par le Gouvernement. Pourquoi n'avez-vous pas pris la mesure des conséquences de cette crise économique et sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Ce CNR a été un moment important de mobilisation et de travail pour les acteurs du logement. C'est tout sauf un point final : il pose les bases de notre méthode de travail.

Il nous faut construire un parcours résidentiel pour tous les Français et favoriser l'accession à la propriété abordable grâce à des mesures équilibrées (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste) - maintien du prêt à taux zéro, bail réel solidaire qui sera « boosté ». C'est aussi le sens des discussions menées avec Bruno Le Maire sur l'accès au crédit.

Ensuite, il nous faut encourager l'accès à la location. Le logement locatif intermédiaire, un des meilleurs moyens de lier l'emploi au logement, sera étendu. Il a le même produit final que le Pinel, que certains semblent regretter.

Nous allons doubler le nombre de personnes éligibles à Visale, qui est la caution pour ceux qui n'ont pas de caution. Notre priorité est d'aider les Français dans leur parcours résidentiel.

Concernant le logement social, notre travail sur le pacte de confiance est essentiel, pour la rénovation comme pour la production, tout comme la compensation de la hausse du taux du livret A. (Exclamations à gauche)

Mme Viviane Artigalas.  - Les faits sont têtus : le logement n'est pas votre priorité. Toutes les aides au logement ont été dépouillées pendant le premier quinquennat Macron. Quelle réponse aux 2,4 millions de demandeurs de logement social ? Quelle réponse sur le foncier ? Rien pour permettre aux jeunes d'accéder à la propriété dans les territoires, aucune mesure pour relancer la dynamique de construction, perdue depuis 2017. Où est la refondation promise ?

Le ministre des comptes publics a annoncé une nouvelle baisse du budget du logement dans le projet de loi de finances pour 2024. La crise va s'aggraver à cause de votre inaction ! (Applaudissements à gauche et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mmes Valérie Létard et Amel Gacquerre applaudissent également.)

Banalisation de la violence

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La banalisation de la violence, dans les écoles, les stades, envers les élus ou les dépositaires de l'autorité publique, est un signal d'alerte en ces temps de crise. Une partie de la population, y compris la jeunesse, choisit l'abstention ou les extrêmes, signe de l'accroissement du malaise démocratique.

Lorsque je me rends dans les écoles, collèges et lycées de mon département, je constate que, malgré l'engagement des professeurs, les jeunes ignorent le sens de la République et méconnaissent les institutions, ce qui entraîne un risque de moindre acceptation des lois.

Ce défi démocratique doit être relevé. Au-delà des mesures prises - purement curatives, et non préventives - le RDSE, avec Henri Cabanel, a engagé un travail transpartisan sur l'engagement et la culture citoyenne pour que chacun trouve sa place et s'inscrive dans un projet commun grâce à des références partagées.

L'ignorance est le terreau de la défiance. L'école est le lieu de formation des futurs citoyens. Quelles mesures concrètes envisagez-vous pour y renforcer la culture citoyenne ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Évelyne Perrot et M. Stéphane Demilly applaudissent également.)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Vous posez la question de l'engagement citoyen des jeunes et donc de l'avenir de notre démocratie. L'enseignement moral et civique fait partie des enseignements obligatoires, du CP à la terminale. Le rapport Cabanel fait des propositions pertinentes.

Cet enseignement doit être effectif à tous les niveaux, et non demeurer une variable d'ajustement. Son contenu doit être amélioré : connaissance des institutions, valeurs de la République, capacité pour chaque élève de choisir un engagement éclairé. Les programmes vont être revus et nous nous assurerons de leur mise en oeuvre.

Nous devons aussi nous assurer que les professeurs sont formés. Une épreuve spécifique sur l'appropriation des valeurs de la République a été proposée à partir de 2022 à l'oral du Capes et de l'agrégation.

Il faut enfin travailler sur l'éducation aux médias, car nous connaissons le rôle délétère des réseaux sociaux sur les jeunes. Sur ce point également, vous pouvez compter sur moi. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Financement de la transition écologique

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Yan Chantrel applaudit également.) L'ISF climatique, pour nous, c'est oui ! Le Giec répète que l'urgence est plus violente et rapide que prévu. Le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz confirme l'absolue nécessité de réorienter les financements publics vers la durabilité et la résilience. Écoutez les élus, dont les écologistes (on ironise à droite), qui vous demandent un soutien de 25 milliards d'euros par an aux collectivités pour amortir le choc de la hausse de 4 degrés Celsius en France.

Nous devons faire en dix ans ce qui n'a pas été fait en trente. Il faut activer tous les leviers, et mettre les plus riches à contribution : parce qu'ils sont les plus pollueurs (quelques sénateurs des groupes Les Républicains et UC le contestent) et parce que les 378 ménages aux revenus les plus élevés sont ceux qui paient le moins d'impôts, selon l'institut des politiques publiques (IPP).

Monsieur Béchu, comment financerez-vous la transition écologique ? Vous dites non à un impôt vert exceptionnel sur le patrimoine des 10 % les plus riches. Vous dites également non à un endettement pourtant légitime pour faire face à la gravité exceptionnelle de cette crise climatique. À quoi dites-vous oui ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Le rapport Pisani-Ferry, 160 pages, commence par expliquer qu'écologie et économie ne sont pas contradictoires et qu'on peut tenir ensemble une trajectoire écologique et une trajectoire de croissance.

M. Guy Benarroche.  - Quelle croissance ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - Il explique aussi que les mesurettes ne sont pas à la hauteur de la marche et valide la planification écologique de ce Gouvernement, à laquelle je dis oui ! (On ironise sur les travées du GEST.) Je dis oui aussi à la proportion des efforts par secteur.

Vous retenez deux pages sur les 160 du rapport...

Plusieurs voix sur les travées du GEST.  - Ce sont les meilleures !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Ma réponse : pas de tabou sur la fiscalité. Mais le débat sur les symboles nuit à l'essentiel. (L'ironie redouble sur les travées du GEST.) Si l'écologie devient un prétexte pour interdire et taxer, cela ne fera que renforcer son impopularité auprès d'une partie de la population et nous éloigner des objectifs. L'enjeu, c'est la transition fiscale de l'essence à l'électrique, alors que la TICPE produit 40 milliards d'euros.

La transition, c'est renchérir l'artificialisation tout en assouplissant le ZAN pour les territoires ruraux (on s'en réjouit bruyamment à droite) et en aidant les élus à dépolluer les friches.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Faites !

M. Christophe Béchu, ministre.  - C'est à cette réflexion globale et collective que je vous invite dans les semaines qui viennent. (On ironise sur les travées du GEST ; applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Breuiller.  - Merci de me répondre par des questions. Pour la crise covid, vous avez dépensé sans compter, tant mieux. Mais pour l'environnement, c'est non ! L'ISF climatique est une demande partagée sur un grand nombre de nos travées... (On le conteste à droite et au centre) - tout au moins, de la gauche ! Pas moins de 170 élus vous le demandent : la réponse vous appartient. (Applaudissements sur les travées du GEST, sur des travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

Rémunérations dans les hôpitaux

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En juillet dernier, le Gouvernement a accordé une majoration exceptionnelle du travail de nuit et des heures supplémentaires, reconduite jusqu'au 31 août 2023, pour les 929 000 professionnels non médicaux des hôpitaux publics - 531 millions d'euros en 2023 et 760 millions d'euros cumulés en 2022. Mais rien pour leurs 284 000 homologues des établissements privés et associatifs non lucratifs, qui remplissent pourtant les mêmes missions et obéissent aux mêmes règles.

La situation de notre système de santé appelle la mobilisation de tous. La crise sanitaire a montré que des synergies étaient possibles : l'esprit covid doit être préservé. Il passe par des rémunérations équitables. Comment, avec cette injustice, garantir l'engagement de toutes et tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le ministre de la santé accorde une grande attention au pouvoir d'achat des professionnels de santé. Le Ségur prévoit une revalorisation socle de 183 euros nets pour les agents du privé non lucratif - un montant équivalent à celui du public - et de 160 euros nets pour le privé lucratif, grâce à une compensation pour le secteur privé de 220 millions d'euros. Dans le privé, nous avons aussi revalorisé la rémunération des sages-femmes et la prime d'exercice en soins critiques pour les infirmiers et cadres de santé.

Les mesures concernant la majoration des nuits et gardes à la suite de la mission flash sur les urgences et soins non programmés sont transitoires. François Braun et moi-même travaillons sur des systèmes de revalorisation plus pérennes.

Nous travaillons également sur la permanence des soins, qui doit effectivement reposer sur tous les acteurs. Nous en débattons notamment dans le cadre de l'examen de la proposition de loi sur l'engagement territorial des médecins, qui a débuté à l'Assemblée nationale cette semaine. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

M. Alain Milon.  - Le ministre voulait reconnaître les spécificités liées au travail de nuit, mais votre mesure ne concerne pas les personnels des hôpitaux privés. Le travail de tous doit être reconnu ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Bernard Fialaire et Daniel Chasseing applaudissent également.)

Harcèlement scolaire

Mme Sabine Van Heghe .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.) Combien faudra-t-il de Lindsay, Lucas, Chanel ou Dinah pour qu'on s'attaque enfin au problème du harcèlement scolaire ? Aujourd'hui, l'émotion nous assaille, mais la question risque de retomber dans l'oubli.

Monsieur le ministre, lorsque Colette Mélot et moi vous avions rencontré en février, à l'occasion de la remise de notre rapport, vous sembliez touché et mobilisé, notamment pour diffuser partout le programme pHARe.

Or, sur le terrain, on constate des disparités : lorsque l'équipe et les services se sont saisis de la question, les choses s'améliorent. C'est quand cette question n'est pas une priorité, là où les moyens manquent ou là où l'on préfère le « pas de vagues », que cela va mal. Le programme pHARe n'est pas connu partout, et les associations spécialisées se voient refuser l'accès à certains collèges au motif que tout va bien... C'est inadmissible !

Allez-vous enfin rendre obligatoire l'application des dispositifs existants ? Augmenterez-vous les contrôles, renforcerez-vous les équipes médicosociales et la coordination entre l'éducation nationale et la police afin de faire en sorte que l'enfant se sente écouté et protégé ? Comment contraindrez-vous les réseaux sociaux à la modération effective du flux d'informations et à la publication de messages d'alerte à destination du jeune public ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Nous avons avancé en matière de lutte contre le harcèlement scolaire, mais nous avons encore du pain sur la planche. La loi Balanant a fait du harcèlement un délit ; les numéros 3018 et 3020 ont été créés, le programme pHARe a été généralisé depuis la rentrée 2022 dans les écoles et les collèges -  même si des disparités demeurent.

Nous nous inspirons de l'excellent rapport que vous avez rédigé avec Colette Mélot pour aller plus loin. (M. Emmanuel Capus s'en félicite.)

Nous défendons la nomination d'un adulte référent, CPE, professeur ou infirmier, pour assurer le suivi des situations de harcèlement. Nous nous assurerons que le programme pHARe est généralisé aux lycées et effectif dans tous les établissements, que le procureur est saisi et nous imposerons le déplacement de l'élève harceleur, suivant en cela une proposition de la sénatrice Mercier,...

M. Max Brisson.  - Excellente !

M. Pap Ndiaye, ministre.  - ... au moyen d'un décret transmis hier au Conseil d'État.

Enfin, nous formerons massivement le personnel et augmenterons les moyens des plateformes d'écoute. Le Gouvernement agit pour faire reculer le fléau intolérable du harcèlement scolaire ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire et Mme Colette Mélot applaudissent également.)

Mme Sabine Van Heghe.  - Rien de nouveau sous le soleil... (Mme la Première ministre le conteste.) Il faut passer de la parole aux actes ! (Applaudissements à gauche et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Agression du maire de Magnières

Mme Véronique Del Fabro .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans la nuit du 4 juin, Édouard Babel, maire de Magnières, a été violemment agressé par dix individus après avoir tenté de mettre fin à un tapage nocturne. Choqué, il ne démissionne pas. Je lui apporte mon plein soutien.

Nous n'oublions pas l'incendie criminel du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins et le décès du maire de Signes.

Certes, la protection fonctionnelle a été renforcée, les parquets ont reçu des instructions de fermeté, les forces de police et de gendarmerie sont davantage mobilisées. Malgré cela, la violence envers les élus a augmenté de 32 % l'année dernière.

Face à la déshumanisation de la société, aux agressions de policiers, pompiers, soignants, enseignants et élus, quand imposerez-vous des sanctions pénales exemplaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Au nom de la Première ministre, du ministre de l'intérieur et du Gouvernement tout entier, je renouvelle notre soutien à M. Édouard Babel. Je salue son courage d'avoir porté plainte, ainsi que la mobilisation du corps préfectoral, de la gendarmerie et du procureur. Grâce à leur coordination, le parquet de Nancy a ouvert une information judiciaire dès le lendemain de l'agression. Plusieurs interpellations ont déjà eu lieu.

Des circulaires du ministère de l'intérieur et du garde des sceaux ont été prises ces dernières années. Signalement rapide, évaluation de la gravité des faits, sanction : sur tous ces points, nous accélérons. Les 3 400 référents « violences faites aux élus » dans la police et la gendarmerie sont désormais bien identifiés.

C'est surtout la cyberviolence qui a fortement augmenté ces derniers mois. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Husson proteste avec énergie.)

Chaque citoyen peut signaler les faits sur une plateforme dédiée, qui les référencera.

M. Hussein Bourgi.  - Donnez-lui des moyens !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous travaillons dans une logique transpartisane. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Veille proactive, réponse opérationnelle et judiciaire ferme et systématique.

M. le président.  - Votre temps de parole est épuisé.

Mme Véronique Del Fabro.  - Je transmettrai votre message à M. Babel. L'interpellation des agresseurs est une bonne chose, mais à Villerupt, dans notre département pourtant calme de Meurthe-et-Moselle, on a récemment interpellé un individu violent - pour la 34e fois... Il y a une crise d'autorité dans notre société, certains s'affranchissent de toutes les règles. N'attendons pas que le pays soit à feu et à sang pour apporter une réponse implacable ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Transfert de sans-abri parisiens en région

M. Jean-Pierre Moga .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe à ma question Pierre-Antoine Levi.

Depuis quelques semaines, des sans-abri d'Île-de-France sont transférés vers des villes de province. Il est vrai que les jeux Olympiques et la Coupe du monde de rugby se profilent. On avait agi de la sorte lors des Jeux de Rio en 2016 ou de l'Exposition universelle de Shanghai en 2010.

Ces déplacements choquent. Ils posent la question de l'accueil et de l'accompagnement des personnes déplacées, et des liens entre l'État et les maires, qui n'ont pas été informés ni consultés en amont.

Pouvez-vous nous en dire plus ? Les élus locaux sont-ils consultés ou placés devant le fait accompli ? Quel accompagnement social pour les déplacés ? Les maires ne méritent-ils pas plus de transparence et de considération ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Je saisis l'occasion de rétablir quelques vérités. Le travail d'accompagnement en province des personnes sans abri de la région parisienne est mené depuis plusieurs mois, avec les associations de solidarité. Plus de la moitié des 200 000 places d'hébergement d'urgence que nous ouvrons chaque soir sont en Île-de-France. C'est pourquoi nous recherchons des solutions avec le préfet de région.

Le maire de Bru avait été informé bien en amont et faisait partie de la concertation. Nous demandons aux préfets d'associer les élus locaux. Cet accueil en région, en petit nombre, des personnes en hébergement d'urgence, c'est la solidarité nationale, c'est l'honneur de la France. Nous devons le faire dans de meilleures conditions, avec un accompagnement social et administratif, ce que ne permet pas l'éclatement des nuitées d'hôtel en Île-de-France.

L'accompagnement proposé se fait sur la base du volontariat. Les personnes concernées sont informées ; elles pourront ensuite revenir en région parisienne, être raccompagnées ou rester en province, dans des lieux de tension sur l'emploi. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jean-Pierre Moga.  - Après l'épisode de Saint-Brevin-les-Pins, il serait regrettable de créer de nouvelles tensions avec les maires, qui ont parfois le sentiment d'être tenus pour quantité négligeable.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Moga.  - Les décisions de ce genre doivent être prises en concertation avec les élus pour assurer leur succès. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains)

Grippe aviaire

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 29 avril, le risque de grippe aviaire passait d'élevé à modéré. Le 3 mai, elle réapparaissait dans quatre départements du Sud-Ouest. C'est la sidération : tous les modèles d'élevage ont été touchés, toutes les ripostes dépassées, tous les territoires frappés. Lundi, vous disiez entendre la désespérance des éleveurs et confirmiez une campagne de vaccination pour octobre prochain. Un tabou se brise enfin, mais la date est lointaine, alors que les filières avicole et gras du Sud-Ouest sont à genoux. Beaucoup d'éleveurs se sont endettés et attendent encore les indemnités des abattages antérieurs.

La vaccination n'est pas la panacée, mais c'est une réponse très attendue. Les quatre chambres d'agriculture réclament le déploiement du vaccin dès cet été. Appliquerez-vous la vaccination aux élevages AOP comme ceux du pays de Bresse, cher à Patrick Chaize ? Quelle sera la part à la charge des éleveurs ? Enfin, peut-on accélérer la vaccination dans le Sud-Ouest ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le 14 mars dernier, nous pensions être sortis de l'épisode de grippe aviaire de 2022-2023. En Nouvelle-Aquitaine, le plan Adour de dédensification avait permis de réduire le nombre de foyers à 28. Mais en mai, le virus est réapparu, dans le Gers, puis dans les Landes et les Pyrénées Atlantiques. Nous avons pris des mesures classiques de dédensification et d'abattage sanitaire, et travaillé pour accélérer l'indemnisation des éleveurs, y compris pour les nouveaux cas.

Concernant la vaccination, nous avions annoncé une expérimentation à partir de juin 2022 - car nous avions besoin d'autorisations - et jusqu'en mars, nous avons été au rendez-vous. À l'automne, nous serons au rendez-vous de la vaccination des palmipèdes. J'entends l'impatience des éleveurs, nourrie de la désespérance, après cette nouvelle vague.

Nous avons qualifié le vaccin et lancé les précommandes, et si nous pouvons accélérer le calendrier, nous le ferons. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Max Brisson.  - Je comprends les problèmes techniques, mais il faut un plan d'urgence, sinon les éleveurs ne seront plus là lorsque le vaccin arrivera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

« Paquet de printemps » du semestre européen

M. Patrice Joly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À l'occasion de l'examen annuel de la situation économique et sociale de la France, la Commission européenne a constaté dans notre pays des disparités régionales croissantes et une fracture économique entre zones urbaines et rurales. Elle juge important de corriger ces déséquilibres pour améliorer notre croissance à long terme.

Plus précisément, la Commission préconise de demander à la France la mise en oeuvre rapide de politiques de cohésion pour accélérer une transition écologique, sociale et numérique équitable et inclusive.

Face à ce diagnostic impitoyable, que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe SER)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Le « paquet de printemps » de la Commission européenne comporte en effet certaines recommandations, comme à l'accoutumée. Vous avez pris soin de ne pas mentionner celles qui pourraient avoir moins de succès sur vos travées - par exemple, la réduction de la dépense publique... (Protestations sur les travées du groupe SER)

Vous parlez d'harmonisation du territoire : c'est le sens de la politique, notamment industrielle, que nous menons depuis des années et qui donne de premiers résultats. Après des décennies de désindustrialisation, nous enregistrons désormais une création annuelle nette de l'ordre de 300 entreprises. Le Président de la République est allé récemment dans les Hauts-de-France : c'est sur de tels territoires, qui ont perdu beaucoup d'usines, qu'il nous a demandé de mettre le paquet.

Quant au verdissement de notre économie, c'est l'objet du projet de loi Industrie verte. En Français et en Européens, nous devons fabriquer à nouveau sur notre territoire les instruments nécessaires à la rénovation thermique, des panneaux solaires aux pompes à chaleur.

M. Mickaël Vallet.  - Vous n'avez même pas réussi à fabriquer des masques...

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Si nous pouvons avoir des désaccords sur d'autres sujets, nous inscrivons nos pas, en l'occurrence, dans ceux de la Commission européenne. (M. Alain Richard applaudit.)

M. Patrice Joly.  - Certes, il y a des avancées en matière industrielle. Mais les chiffres montrent l'urgence d'une politique globale d'aménagement des territoires : 57 600 euros de PIB par habitant en Île-de-France, 29 200 ailleurs ; 22,4 % de la population exposée à la pauvreté dans le monde rural, 19,2 % en agglomération. Le délitement de la cohésion sociale met en péril notre République !

Le Sénat, unanime, avait demandé au Gouvernement d'agir dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne pour une politique européenne en faveur des territoires ruraux : cet impératif demeure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Pascal Savoldelli et Daniel Breuiller applaudissent également.)

Lutte anti-drones

M. Cédric Perrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024 sont une chance, mais aussi une charge d'un point de vue sécuritaire.

On le voit tous les jours  en Ukraine: les drones sont autant un atout qu'une menace très élevée. En 2021, la direction générale de l'armement a conclu avec le consortium Thalès-CS Group le marché Parade, visant à doter la France d'un dispositif de lutte anti-drones. Mais il semble que cette solution ne soit pas du tout opérationnelle.

Je n'ose imaginer que la France, naguère référence au sein de l'Otan, soit prise de vitesse ; que nous soyons contraints d'importer pour protéger les jeux Olympiques ; que nos ambitions de souveraineté soient rabaissées au moment où la loi de programmation militaire les réaffirme.

L'enjeu est crucial ; les Français comme les visiteurs du monde entier ont besoin d'être rassurés. Oui ou non, notre dispositif de lutte anti-drones est-il opérationnel ? Sera-t-il testé au salon du Bourget et lors de la Coupe du monde de rugby, comme promis par le Gouvernement ? Est-il bien made in France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Je vous prie d'excuser l'absence du ministre des armées, retenu à l'Assemblée nationale pour le vote de la loi de programmation militaire.

Vous avez raison : la lutte anti-drones est essentielle, d'autant qu'elle touche à nos opérations extérieures aussi bien qu'à notre sécurité intérieure, notamment dans la perspective des JOP.

La loi de programmation militaire prévoit plus de 5 milliards d'euros pour la défense sol-air ; dans ce cadre, la lutte anti-drones bénéficiera de 350 millions d'euros. Son article 27 renforce le régime légal des actions de brouillage et de neutralisation de drones.

Nous développons des solutions innovantes pour faire face aux nouvelles menaces : armes à énergie dirigée et drones intercepteurs, notamment.

S'agissant du système Parade, la contractualisation est intervenue en 2021 avec Thalès et CS Group. Depuis, six exemplaires ont été commandés ; neuf supplémentaires sont prévus. Comme tout système d'armes complexe, celui-ci rencontre quelques difficultés, mais elles sont en cours de résolution.

Le ministre des armées sera en mesure de protéger les JOP sans faire appel à des solutions sur étagère ; nous travaillerons donc avec des industriels français. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Cédric Perrin.  - Je suis heureux d'entendre que la protection de notre ciel et des spectateurs sera assurée par des industriels français.

La chronologie prévue était simple : création du système, montée en compétence lors du salon du Bourget et de la Coupe du monde de rugby, déploiement pour les jeux Olympiques. Aujourd'hui, pourtant, ce système ne fonctionne pas - et même, il n'existe pas.

Le ministère des armées et la délégation générale à l'armement doivent se coordonner pour réunir les capacités françaises. Il faut que la France se montre à la hauteur en matière de lutte anti-drones ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Interdiction des chaudières à gaz

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La Première ministre a confirmé avant-hier que le Gouvernement envisageait bien d'interdire le remplacement des chaudières à gaz dès 2026, à l'issue d'une concertation. L'objectif de décarbonation du mix énergétique est largement partagé, même si la France représente seulement 1 % des émissions mondiales de CO2.

Il faut donc trouver des solutions rapides et concrètes, mais pas, comme le dirait le Président de la République, en emmerdant les Français. Or cette mesure pénaliserait lourdement les 12 millions de foyers qui se chauffent au gaz : une pompe à chaleur coûte environ trois fois plus cher qu'une chaudière à gaz performante...

En outre, elle déstabiliserait une filière en pleine mutation, qui attend des marques de confiance pour continuer à promouvoir la production de biogaz en France.

Il faut davantage de constance dans la parole de l'État ; il faut en finir avec l'écologie punitive.

Dans quel esprit abordez-vous cette concertation ? Entendrez-vous les arguments de bon sens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique .  - Je vous rassure : il n'est pas question d'emmerder les Français. (On ironise sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Il s'agit de planifier et de donner de la visibilité aux acteurs, à commencer par nos concitoyens qui ont des chaudières fossiles.

Permettez-moi de replacer cette concertation dans son contexte. Le Président de la République nous a fixé un objectif ambitieux : être le premier pays à sortir des énergies fossiles pour atteindre nos objectifs de neutralité climatique en 2050.

Nous y travaillons secteur par secteur. Le logement est évidemment concerné : nous voulons des logements moins énergivores et moins émetteurs, pour le bien de la planète mais aussi pour plus de confort et une moindre dépense. (On en doute à droite.)

Ce travail n'a rien de nouveau : il n'est déjà plus possible d'installer des chaudières à gaz ou au fioul dans les constructions neuves.

Avec mes collègues Christophe Béchu et Olivier Klein, j'ai lancé une consultation publique sur la décarbonation du bâtiment. L'objectif est d'identifier des solutions concrètes et, en effet, accessibles. Nous devons anticiper aussi la construction de nouvelles chaudières bas-carbone.

Nous ne prenons pas des mesures drastiques et immédiates. Mais gouverner, c'est prévoir ; et prévoir, c'est anticiper. (On ironise à droite.) C'est ce que nous faisons ! (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Stéphane Piednoir.  - Voilà quinze jours, Christophe Béchu annonçait, ici même, la fin de l'écologie punitive. De grâce, n'ouvrez pas la voie à une nouvelle colère sociale, ne faites pas payer aux Français vos errements et vos volte-face. Les plus modestes n'ont pas à supporter une mesure déconnectée de leur réalité quotidienne ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot et M. Ludovic Haye applaudissent également.)

La séance est suspendue à 16 h 15.

Présidence de M. Alain Richard, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.