Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 3

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois .  - Cet article contient diverses dispositions relatives à la procédure pénale, d'importance variable : huit mesures différentes de simplification du code de procédure pénale regroupées en un seul article. Signe que cette simplification reste une montagne à gravir. (M. le ministre sourit.) En matière de procédure pénale, nous avons besoin de cohérence et de stabilité. Cet article où cohabitent mesures techniques et dispositions sensibles n'y contribue guère.

M. le président.  - Amendement n°170, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 1

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article 57-1, il est inséré un article 57-... ainsi rédigé :

« Art. 57-...  -  Même s'il n'est pas procédé à l'audition de la personne, l'officier de police judiciaire ou le magistrat qui procède à une perquisition ne peut s'opposer à la présence de l'avocat désigné par la personne chez laquelle il est perquisitionné, si ce dernier se présente sur les lieux des opérations, y compris lorsque celle-ci a déjà débuté.

« S'il existe contre la personne des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement et qu'il est prévu qu'elle soit entendue au cours de ces opérations, elle est préalablement informée de son droit d'être assistée par un avocat au cours de cette audition conformément au 4° de l'article 61-1 ou conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3.

« L'avocat présent au cours de la perquisition peut présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure ; l'avocat peut également adresser ces observations au procureur de la République. Si l'avocat demande qu'il soit procédé à la saisie d'objets ou documents qu'il juge utiles à la défense de son client, l'officier de police judiciaire ou le magistrat ne peut refuser de procéder à la saisie demandée que s'il apparaît que celle-ci n'est manifestement pas utile à la manifestation de la vérité. Dans ce cas, il en est fait mention dans le procès-verbal prévu par l'article 57.

« Dans les cas prévus aux deux premiers alinéas du présent article, les opérations de perquisition peuvent débuter sans attendre la présence de l'avocat. Dans le cas prévu au deuxième alinéa, si la personne a été placée en garde à vue, son audition ne peut débuter avant le délai prévu par l'article 63-4-2.

« Hors le cas prévu par le deuxième alinéa du présent article, il peut être refusé l'accès de l'avocat sur les lieux de la perquisition pour des motifs liés à la sécurité de celui-ci, de la personne chez laquelle il est perquisitionné ou des personnes participant aux opérations. Il en est alors fait état dans le procès-verbal prévu par l'article 57. S'agissant des documents mentionnés au deuxième alinéa de l'article 56-1, il est renvoyé aux dispositions de l'article 56-1-1. »

Mme Cécile Cukierman.  - Il s'agit de trouver un équilibre entre efficacité de l'enquête et respect du droit des personnes, en prévoyant la présence de l'avocat lors des perquisitions. Il pourra par exemple faire des demandes de saisie, libre aux enquêteurs d'y accéder.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Nous avons déjà débattu de ce point lors de l'examen de la loi sur la confiance dans la justice. L'Assemblée nationale avait prévu cette mesure, le Sénat l'a supprimée, jugeant les garanties actuelles suffisantes. Les policiers avaient également soulevé la question de la sécurité de l'avocat. De plus, le droit de se taire est notifié à toute personne suspectée ou poursuivie. Ne complexifions pas la procédure. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Cet amendement avait été adopté par l'Assemblée dans la loi Confiance dans l'institution judiciaire, avant d'être supprimé par le Sénat et écarté en CMP. Votre commission des lois du Sénat avait argué que le droit actuel offrait des garanties suffisantes, que la disposition complexifierait la procédure pénale, et accentuerait les inégalités entre justiciables. Ne ravivons pas d'anciennes querelles.

Quand le code de procédure pénale aura été réécrit à droit constant, cette évolution pourra être envisagée dans le projet de loi de ratification. Avis défavorable pour le moment.

L'amendement n°170 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°92, présenté par Mme Benbassa.

Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement supprime l'extension des perquisitions au domicile entre 6 heures et 21 heures. Les perquisitions de nuit sont une violence disproportionnée du droit à la vie privée. Ne généralisons pas des procédures d'exception. Nécessité et proportionnalité doivent rester de rigueur quand on porte atteinte aux libertés individuelles.

Par ailleurs, la présence de l'avocat lors des perquisitions doit être obligatoire, notamment pour prévenir toute forme de violence policière.

M. le président.  - Amendement identique n°126, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement s'inspire des travaux du Syndicat de la magistrature. Le champ des perquisitions de nuit a été progressivement étendu, à rebours du principe d'inviolabilité du domicile. Les services d'enquête disposent de nombreux moyens d'intervention, de jour comme de nuit. Alors que le juge des libertés et de la détention (JLD) manque de moyens pour assumer ses missions, cette nouvelle mesure traduit un glissement du pouvoir de la justice vers le ministère de l'intérieur qui déséquilibre le texte. Nous demandons donc la suppression de cette extension des perquisitions de nuit.

Selon le Conseil national des barreaux, le critère de nécessité n'est pas satisfait, car les conditions prévues sont non cumulatives. Toutes les perquisitions de nuit pourraient être justifiées. (M. le garde des sceaux le conteste.)

M. le président.  - Amendement n°74, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

intégrité physique,

par les mots :

intégrité physique et

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Amendement de repli par rapport à l'amendement n°73.

Les perquisitions de nuit sont un sujet délicat, à apprécier à l'aune du droit constitutionnel à la vie privée et à l'inviolabilité du domicile. En posant des conditions cumulatives, cet amendement vise à éviter la pratique dite du « filet dérivant ».

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces opérations ne peuvent avoir pour préalable uniquement la recherche de preuves et indices des infractions mentionnées au premier alinéa.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements nos92 et 126, d'autant que les perquisitions de nuit existent déjà en matière de terrorisme et de criminalité organisée. L'extension en cas de flagrance est encadrée et entourée de garanties. Le JLD pourra autoriser des enquêtes entre 21 heures et 6 heures dans trois cas : en cas d'atteinte imminente à la vie, pour empêcher la destruction immédiate des preuves ou pour appréhender l'auteur. C'est un juste équilibre.

Avis défavorable aux amendements nos73 et 74, satisfaits. Le risque immédiat de destruction de preuves et d'indices existe : c'est l'histoire de la couette dans la machine à laver...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable à l'ensemble des amendements. Pas question de filet dérivant, puisque nous sommes ici dans le cas d'un crime flagrant contre les personnes. Imaginez que dans le domicile, une femme vient d'être tuée, et qu'il y a deux enfants. On entre ou on n'entre pas ? L'encadrement passe par l'autorisation du juge. Il s'agit aussi de prévenir le suicide de l'auteur des faits, fréquent en cas de féminicide, et la suppression des preuves. Il n'y a aucune généralisation, la mesure est parfaitement circonscrite.

Les amendements identiques nos92 et 126 ne sont pas adoptés, non plus que les amendements nos74 et 73.