Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure de la commission de la culture .  - Ce sujet est l'un des grands combats de mon mandat de sénatrice, qui m'a conduite à déposer une proposition de loi en 2008 pour permettre la restitution de la tête maorie conservée à Rouen. Il s'agit pour moi d'une question de dignité de la personne humaine, de justice, de respect et de mémoire.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure.  - Les collections de restes humains ne sont pas des collections comme les autres. Le code civil rappelle que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Un certain nombre de restes humains n'ont pas leur place dans nos collections, au vu des conditions de leur collecte. Trophées de guerre, commerce barbare de têtes maories, tatouées avant d'être tranchées, restes humains prélevés à l'étranger à des fins scientifiques : les récits d'expéditions du XVIIIe siècle fourmillent de tels exemples.

Ces actes sont irréparables, mais nous ne pouvons les passer sous silence. Un dialogue avec les États d'origine est nécessaire. Je salue la présence en tribune de Mme Gillian Bird, ambassadrice d'Australie, pays qui demande le retour des restes humains d'origine aborigène que nous conservons. (Applaudissements)

Comme tous les biens appartenant aux collections publiques, les restes humains sont inaliénables. On ne peut les restituer sans autorisation du législateur. Seules cinq restitutions ont eu lieu, dont seulement deux par voie parlementaire. C'est pourquoi la commission de la culture plaide depuis des années pour une dérogation de portée générale au principe d'inaliénabilité des collections publiques.

L'attente internationale est forte, de la part des pays demandeurs mais aussi de l'Unesco ou de l'Icom (International Council of Museums), qui appellent à des pratiques plus éthiques.

Le Sénat a voté en 2020 une proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels, dont l'article 2 mettait en place une telle dérogation, mais le texte n'avait pas prospéré. La commission se réjouit donc de cette nouvelle initiative.

Ce texte est une oeuvre collective, et je rends hommage à nos anciens collègues Nicolas About et Philippe Richert, qui ont permis le retour de la Vénus Hottentote. Je remercie Max Brisson et Pierre Ouzoulias, co-auteurs de cette proposition de loi, et salue le groupe de travail sur le sujet animé par Michel Van Praêt et Claire Chastanier. Merci à vous et à vos équipes, madame la ministre, pour votre soutien.

La commission a jugé le texte équilibré. La dérogation au principe d'inaliénabilité sera fondée sur des critères objectifs et passera par des comités scientifiques solides, afin d'éviter le fait du prince. Nous espérons que le texte ira à son terme. Il faudra octroyer aux établissements publics des moyens pour approfondir le travail de recherche sur leurs collections. L'identité des restes est pour la plupart inconnue, ce qui empêche les restitutions.

Ce texte, conçu dans une logique interétatique, laisse de côté le sujet des restitutions de restes humains d'origine française. C'est pourquoi la commission a demandé la remise d'un rapport pour répondre aux demandes légitimes de nos outre-mer. L'odyssée législative n'est donc pas tout à fait terminée. Je remercie le président Lafon pour son soutien. (Applaudissements)

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture .  - Le débat en commission fut passionnant. Je me réjouis de ce résultat qui marque l'aboutissement du travail méthodique mené depuis des années par Catherine Morin-Desailly. Jusqu'à présent, seules deux lois d'exception ont permis de restituer des restes humains, à l'Afrique du Sud en 2002, et à la Nouvelle-Zélande en 2010. Grâce à votre engagement, le Sénat a été en avance sur son temps. Désormais, le débat a atteint sa maturité. Il faut maintenant dépasser les lois d'espèce et fixer un cadre juridique clair, fondé sur les expertises historiques et scientifiques et sur la qualité du dialogue bilatéral.

Cette proposition de loi n'est pas technique : elle est éthique, voire philosophique. Elle renvoie à notre rapport à la mort, au deuil, à la fraternité, à la valeur universelle de la dignité humaine. « Restes humains », la formule résonne étrangement. On y entend l'importance de l'humain, et des traces laissées ou transmises.

Ces restes humains ont pu entrer dans nos collections publiques dans des conditions suspectes, violentes et illégitimes. Trophées ou objets de curiosité, ils étaient censés éclairer de prétendues différences entre les races. Interdit en Australie et en Nouvelle-Zélande en 1831, ce commerce ignoble s'est poursuivi bien après.

Dès mon arrivée au ministère, j'ai engagé un dialogue avec le Parlement en vue d'aboutir à trois lois-cadres. La première, relative à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations durant la période nazie, a été votée à l'unanimité le 23 mai dernier. Nous avons laissé au Sénat l'initiative de cette deuxième loi-cadre - et je salue votre travail. La troisième loi-cadre, relative aux biens culturels africains, nécessite encore plusieurs mois de travail et s'appuiera sur le récent rapport de Jean-Luc Martinez.

L'inaliénabilité des collections publiques est un principe protecteur, que nous ne souhaitons pas remettre en cause.

Mais la façon dont ces restes humains sont entrés dans nos musées invite à s'interroger sur la légitimité de leur présence dans les collections publiques. Cela suppose un travail rigoureux de recherche de provenance, mené par des professionnels mieux formés à ces enjeux. Un processus de restitution pourra alors être engagé dans le dialogue.

Le squelette du fils d'un chef amérindien de la communauté Liempichún a fait l'objet d'une demande de restitution par l'Argentine. Sa sépulture semble avoir été pillée par l'équipage du comte Henry de La Vaulx qui, entre 1896 et 1897, a parcouru la Patagonie. Dans son journal, il reconnaît commettre des sacrilèges, mais avance comme excuse de rapporter en France « un beau spécimen de la race indienne. Qu'importe après tout que ce Tehuelche dorme en Patagonie dans un trou ou au Muséum sous une vitrine. » Le reste est à l'avenant...

Le second exemple concerne les restes de personnes aborigènes conservés au Muséum d'histoire naturelle à Paris et au conservatoire d'anatomie de la faculté de Montpellier. En 2014, après un long dialogue entre la France et l'Australie, il a été décidé de mandater des experts. Le 16 mai dernier, un accord est intervenu en vue de leur rapatriement. Une fois adoptée, la proposition de loi facilitera la restitution prochaine.

Chère Catherine Morin-Desailly, votre texte est salutaire. Il est le fruit de nombreux échanges avec les équipes du ministère, avec des professionnels du droit, des musées et des instances internationales. Vos propositions réaffirment la nécessité du dialogue bilatéral, du respect des personnes et des communautés, mais aussi de la recherche scientifique. Je m'engage à tout faire pour faciliter le travail d'identification. Le Gouvernement soutient pleinement cette proposition de loi de dignité, d'humanité et de justice. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Decool .  - Certains restes humains ont intégré de manière suspecte voire illégitime nos collections publiques. Ils témoignent d'un temps révolu, de pratiques qu'il ne nous appartient pas de juger, mais de réparer.

L'adoption du projet de loi relatif à la restitution des biens spoliés durant la période nazie est une première avancée. Notre groupe salue ce deuxième texte, une loi de dignité essentielle, qui nécessitait un débat dédié. Il était important de rendre hommage aux États et aux familles concernées.

Je salue l'engagement de Catherine Morin-Desailly, accompagnée de Max Brisson et Pierre Ouzoulias. Ce texte est une grande avancée pour la politique mémorielle de la France. L'accueil unanime récompense un travail de longue haleine.

Cette proposition de loi revêt une dimension philosophique. Elle touche à notre rapport à la mort.

Les procédures seront simplifiées et accélérées. Bien sûr, le principe d'inaliénabilité protège nos collections publiques : des garde-fous empêcheront des restitutions irréfléchies. Un amendement de notre rapporteure, adopté en commission, encadre encore davantage l'instruction des demandes.

Ce texte nous invite à repenser les expositions et l'organisation muséale. Bien sûr, nos collections seront amoindries par les demandes de restitution : il faudra alors trouver de nouvelles manières de faire vivre ces oeuvres, en s'appuyant sur des photographies, des animations ou des oeuvres numériques. Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Pierre Ouzoulias, Julien Bargeton et Max Brisson applaudissent également.)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je salue le travail constant de la rapporteure et je félicite ses co-auteurs, Max Brisson et Pierre Ouzoulias.

Cette loi de justice, de progrès et de dignité, pose les bonnes questions. Le corps humain est-il un bien culturel ? L'inaliénabilité de nos collections publiques doit-elle faire obstacle à la restitution ? La présence de ces restes humains résulte souvent de périodes sombres de notre histoire, marquées par la colonisation, l'esclavage, les guerres, le mépris des corps.

Tout le monde a en tête la terrible histoire de Saartjie Baartman, la Vénus hottentote, exposée dans des cabarets anglais et français, humiliée et violée, asservie jusqu'à la fin de ses jours - et même au-delà. Dès la fin de l'Apartheid, l'Afrique du Sud a demandé le retour de sa dépouille. Ce n'est qu'en 2002, après deux cents ans, qu'elle a pu être inhumée dignement sur la terre de ses ancêtres.

Le vaste mouvement de demande de restitutions est compréhensible mais comporte des risques d'inflation législative. Nous sommes favorables à la création d'un cadre clair.

Ce n'est pas la première fois que le Sénat témoigne de sa prise de conscience du sujet. La proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques prévoyait déjà un conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens ainsi que la procédure pour agir en nullité de vente, donation ou legs de corps humain. Le texte n'a pas prospéré, le Gouvernement ayant annoncé des projets de loi dédiés.

Cette proposition de loi a pour ambition de traiter le sujet des restes humains sans qu'il soit besoin de textes législatifs ultérieurs au cas par cas. Elle prévoit la possibilité de sortir les corps humains datant de moins de 500 ans des collections, après décret en Conseil d'État et rapport du ministère de la culture et du ministère de tutelle de l'établissement. Elle ne pourra intervenir que pour un État qui en aura fait la demande, uniquement dans un but funéraire. Un comité scientifique et un rapport annuel au Parlement sont prévus. Ce texte prévoit une solution humaine, efficace, respectueuse et transparente. C'est un texte de justice et de dignité, que nous soutenons. (Applaudissements à gauche et au banc des commissions ; M. Julien Bargeton applaudit également.)

M. Julien Bargeton .  - Ce texte est solennel et émouvant.

Après une série de textes d'espèce, nous nous engageons désormais dans l'adoption de lois-cadres, après celle sur les biens juifs spoliés et avant le débat sur les biens provenant d'anciennes colonies. Le Parlement n'aura plus à se prononcer sur chaque oeuvre.

La proposition de loi nous rappelle nos heures sombres : nous revivons le racisme qui accompagnait l'entrée de ces corps sur notre territoire. Le film d'Abdellatif Kechiche Vénus noire montre bien la violence subie par Saartje Bartman lors de son examen par Cuvier. L'ethnologue Stephen Jay Gould parle à juste titre de la « mal-mesure de l'homme ».

Aux termes du code civil, le respect du corps humain ne s'arrête pas avec la mort : l'homo sapiens prend soin de ses défunts. C'est la définition même de l'humanité, avec des rites funéraires très divers.

Ce texte est clair et bienvenu. Il est aussi précis, scientifique et raisonné. Je vous félicite, madame la rapporteure, pour votre travail. Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements au banc des commissions ; MM. Max Brisson, Lucien Stanzione et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. Lucien Stanzione .  - Le temps est venu de reconnaître l'histoire tragique de certaines collections muséales. Ce texte représente une avancée significative, car il favorise le dialogue avec les pays demandeurs. Certaines pièces de nos musées ont été collectées dans des conditions inacceptables. Nous devons réfléchir à la notion de dignité humaine, de compassion et de respect de ces individus. Il est temps de réparer les blessures et de rendre leur dignité à ces victimes.

La restitution des restes humains de moins de 500 ans donne une lueur d'espoir aux pays concernés. La loi offre une vision globale et cohérente. Nous ne serons plus confrontés aux restitutions ad hoc.

Pour mener à bien cette mission de justice, le comité scientifique devra faire preuve de rigueur et d'impartialité. Les experts et les représentants des pays évalueront la demande avec une approche humaine, éthique et scientifique : chaque décision respectera les individus dont les restes sont en jeu.

Je salue les apports de la commission, notamment pour éviter toute sortie avant le rapport du comité mixte indépendant. La commission demande au Gouvernement de fournir les ressources pour approfondir les recherches sur les collections.

C'est une première étape, qui n'aborde toutefois pas les restes d'origine ultramarine ; un rapport devra être remis dans délai d'un an.

Ce texte comble une lacune juridique et répare les brèches de notre histoire. Une troisième loi-cadre, portant sur les biens mal acquis, nous permettra d'avancer avec courage, honnêteté et responsabilité.

Nous soutenons ce texte de justice, pour rendre hommage à ceux qui ont été réduits au silence et ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire où la compassion et la justice prévalent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions ; MM. Pierre Ouzoulias et Julien Bargeton applaudissent également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - La loi du 29 juillet 1994 a introduit dans le code civil un article 16-1 : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. » Il a ensuite été complété par l'article 16-1-1 de la loi du 19 décembre 2008 : « Le respect du corps humain ne cesse pas avec la mort. » Nous devons cet ajout à Jean-Pierre Sueur. En dix ans, la loi a considérablement évolué. Le corps humain post mortem est devenu un objet de droit à traiter avec dignité.

Le traitement des nombreux restes humains détenus dans nos collections publiques ne pouvait plus faire abstraction des évolutions éthiques et législatives.

Le crâne de René Descartes, conservé au Musée de l'Homme, fut remis en 1821 par le collectionneur Berzelius à Georges Cuvier. Les autres os de son corps reposent dans une chapelle de l'église de Saint-Germain-des-Prés. Cette disjonction est-elle justifiée ?

Autre exemple : l'assassin du général Kléber mourut empalé dans d'atroces souffrances. Son squelette fut montré durant de nombreuses années. Cette monstration avait quelque chose de monstrueux.

L'action de Catherine Morin-Desailly pour les têtes maories fut exemplaire. Elle a dégagé une méthode en trois étapes : une demande instruite d'État à État, un travail scientifique transparent et collégial, un traitement funéraire des restes, à la suite de l'avis de 2010 du Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Il est regrettable que les musées aient mis tant de temps à s'en inspirer.

En 2005, le rapport Collinet-Metzger préconisait la création d'un comité d'éthique indépendant rattaché directement au ministre et un plan ambitieux de récolement des collections. On attend encore.

Madame la ministre, une fois la loi votée, il restera un grand chantier pour mettre en application ces principes. (Applaudissements)

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Certains sujets parlent plus aux profanes que d'autres : c'est le cas ici. (Sourires) Loin d'être anecdotique, le sujet est concret. Nos collections regorgeraient de squelettes, de têtes, parfois d'origine étrangère, aujourd'hui réclamés par les pays d'origine.

Le sujet est aussi géopolitique et juridique. Le cas des restes humains est plus délicat que celui des biens spoliés par les nazis puisque la procédure de déclassement n'est pas appropriée. Il faut toujours passer par la loi pour effectuer de telles restitutions, et déroger au principe d'inaliénabilité des collections.

Cette restitution interroge notre rapport à la mort, à la mémoire, à l'humanité. Le groupe UC a été moteur sur cette question : Nicolas About a été à l'origine de la loi permettant la restitution de la Vénus hottentote à l'Afrique du Sud et Catherine Morin-Desailly, de celle permettant la restitution des têtes maories.

Cette proposition de loi est l'aboutissement de travaux menés sur le sujet depuis plus de dix ans. Des critères ont été définis, que nous allons inscrire dans la loi. La restitution ne pourra être accordée qu'à des États étrangers et à des fins funéraires. Des procédures et des critères clairs, c'est ce qu'il fallait.

Un dispositif ad hoc devra être trouvé pour les restes ultramarins. Je remercie les auteurs d'avoir porté cette proposition de loi sur les fonts baptismaux. (Applaudissements)

M. Bernard Fialaire .  - La conservation des vestiges humains ne saurait constituer un but en soi, selon le CCNE. Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort et les restes humains doivent être traités avec respect, dignité et décence.

Les principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité compliquent le déclassement, ce qui exige l'intervention du législateur.

En 2022, le Sénat a adopté une proposition de loi définissant des conditions de sortie, hélas restée dans les tiroirs de l'Assemblée nationale. Le code de déontologie de l'Icom, reconnu par l'Unesco, a désigné ces restes comme des collections sensibles, et les a exclus des collections classiques.

En 2007, une résolution de l'ONU a inscrit un droit au rapatriement des restes humains. En 2010, le législateur avait ouvert la réflexion sur la restitution. En 2018, un rapport inventoriait 150 000 restes humains conservés dans 249 musées et 23 universités. En décembre 2020, la commission de la culture préconisait dans un rapport d'information une disposition législative générale pour faciliter la restitution à des pays tiers.

En s'appuyant sur les progrès de la médecine, cette proposition prépare les prochaines restitutions - je pense à l'Australie.

Si un bien culturel n'est pas un bien ordinaire, c'est encore moins le cas des restes humains, qu'il faut considérer avec toute la singularité et le respect qu'ils inspirent. Cette proposition de loi nous y invite. Nous la soutenons. (Applaudissements)

M. Max Brisson .  - Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité en commission, marque l'aboutissement des travaux menés par le Sénat sur ce sujet. Notre pays devait affirmer une position claire et partagée et se doter d'outils pour répondre aux demandes de restitution.

Les restes humains ne sont pas des biens ordinaires, au regard du respect de la dignité des personnes, des cultures et des croyances. La France a déjà accepté le retour de restes humains sur la terre de leurs ancêtres. D'autres voies ont été hélas empruntées en dehors de tout cadre légal, à l'instar des restitutions à l'Algérie en février 2020. Nous ne pouvons accepter le fait du prince.

Il faut fixer un cadre pour vérifier que la sortie des collections publiques est justifiée. Votre prédécesseur, madame la ministre, rejetait l'idée même d'un conseil national de réflexion. Nous tenions, nous, à ce qu'une instance composée de spécialistes analyse l'origine et le parcours des restes humains. Nous avions été éconduits.

Les critères d'autorisation des restitutions par le comité scientifique sont les suivants : des restes de moins de 500 ans, appartenant à un groupe vivant, dont la culture et les traditions sont actives et dont les conditions de collecte portent atteinte au principe de la dignité humaine ou dont la présence dans les collections est incompatible avec sa culture et ses traditions. La restitution ne pourra se faire qu'à des fins funéraires, et le Gouvernement devra remettre un rapport annuel au Parlement. Le consensus avance. Nous vous en remercions, madame la ministre.

Après le texte sur les biens juifs spoliés, vous avez annoncé un troisième texte sur les biens mal acquis, notamment lors de la colonisation de l'Afrique. Le Sénat est prêt à travailler sur ce sujet plus large, mais aussi polémique. Notre ligne sera d'éclairer l'exécutif par une analyse scientifique indépendante, pour éviter le fait du prince.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

Mme le président.  - À l'unanimité ! (Applaudissements)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture.  - Ce texte est un texte de progrès - dans notre relation lucide avec l'histoire, dans le respect que nous devons à toute personne, même après la mort, dans la dimension éthique de nos collections muséographiques.

Je salue le travail constant des sénateurs qui se sont penchés sur ce sujet : les trois auteurs de cette proposition de loi et en particulier Catherine Morin-Desailly, tenace et persévérante sur ce sujet. (Applaudissements)