Protéger les logements contre l'occupation illicite (Deuxième lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, à la demande du RDPI.

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nous abordons la deuxième lecture de la proposition de loi de Guillaume Kasbarian, visant à protéger les logements contre toute forme d'occupation illicite. La lutte contre le squat est une de mes priorités, car la loi doit d'abord protéger les honnêtes gens.

Ce texte comporte des avancées en matière pénale, administrative et civile. Le champ du délit d'introduction ou de maintien dans un local autre que le domicile a été précisé, de même que la notion de local à usage économique, grâce au président Patriat, que je remercie.

Vous avez instauré une gradation dans l'échelle des peines. Le squat d'un domicile, lieu de l'intime, est puni de trois ans d'emprisonnement ; celui d'un local autre, de deux ans. Le locataire de mauvaise foi qui se maintient sans motif de droit dans un local à usage d'habitation encourt une amende.

Je salue le travail du rapporteur Reichardt, ainsi que l'engagement de Mme Estrosi Sassone.

Vous avez élargi le champ de la procédure d'évacuation administrative, issue de la loi Dalo, pour la libération des domiciles comme des logements vacants

Quant à la procédure d'expulsion de droit commun, vous avez inséré dans le contrat de bail une clause de résiliation de plein droit pour impayé. C'est une simplification procédurale bienvenue. Vous avez accéléré la procédure d'expulsion, qui passera de trois à un an, tout en préservant le droit au logement, cher à Olivier Klein.

Cette rédaction équilibrée est le fruit de nos travaux communs. Elle renforce les droits des propriétaires sans remettre en cause la protection des occupants de bonne foi. J'espère que vous la voterez conforme. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Cette proposition de loi arrive au terme de son parcours parlementaire enrichie et équilibrée. La navette a été gage de protection, de clarification, de sécurisation juridique. On distingue le squatteur du locataire défaillant, qui doit être protégé et accompagné quand il est de bonne foi.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Il l'est déjà !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Le Parlement et le Gouvernement ont entendu les alertes des associations. Le texte ne conduira pas les locataires en impayés en prison.

M. Daniel Salmon.  - Encore heureux...

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - L'accompagnement social sera déclenché plus tôt, pour éviter la spirale de la pauvreté. Le juge pourra accorder des délais aux locataires qui traversent une période difficile, et jugera au cas par cas. Les commissions spécialisées de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex) seront davantage territorialisées, avec une place accrue des élus locaux, et décisionnaires, notamment en matière d'aides personnalisées au logement (APL). Je les inviterai à se montrer ouvertes. Leur travail débutera plus tôt, dans une logique de prévention, car une expulsion est toujours un échec.

Enfin, dans la lignée de notre action contre l'habitat indigne, ce texte renforce les sanctions contre les marchands de sommeil, fléau que j'ai bien connu comme maire de Clichy-sous-Bois. Sur ce sujet, ma mobilisation est constante.

Loin des caricatures et surenchères, ce texte, bâti dans une logique de compromis, est équilibré et proportionné. Il ne va pas résoudre la crise du logement en France...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Rien de ce que vous faites !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - ... mais permettra de lutter contre les abus, contre ceux qui arnaquent les petites gens. Petits propriétaires victimes de squat ou locataires de bonne foi incapables de payer leur loyer, ces situations humaines sont, hélas, trop fréquentes.

Ce texte concilie droit à la propriété et droit au logement. Une politique du logement sociale et ambitieuse ne peut pas être une politique du squat et des impayés. (M. Guy Benarroche ironise.)

M. Thomas Dossus.  - Mais il n'y a pas de politique du logement !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - L'objectif, c'est l'accès à un logement pérenne.

Nous menons une politique en faveur des plus fragiles. Jamais l'effort en faveur de l'hébergement d'urgence a été aussi massif : 120 000 places en 2017, 205 000 ce soir. Nous consacrons chaque soir 6 millions d'euros à l'hébergement d'urgence. C'est l'honneur de notre pays et de ce gouvernement.

Le plan Logement d'abord Acte II, que je présenterai la semaine prochaine, prévoira des moyens supplémentaires pour prolonger la dynamique du premier plan. Pour favoriser l'accès à un logement durable, nous créerons 10 000 nouvelles places en pension de famille et 35 000 en intermédiation locative d'ici à la fin du quinquennat.

Fruit d'un travail transpartisan, ce texte témoigne de notre capacité à construire des compromis au service de l'intérêt général, pour répondre aux attentes concrètes de nos concitoyens. Vous ferez oeuvre utile en préservant son équilibre. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois .  - Fait suffisamment rare pour être souligné, la procédure accélérée n'a pas été engagée sur ce texte ; il faut s'en féliciter.

Lutter contre le squat et sécuriser les rapports locatifs : tels sont ses objets.

Dominique Estrosi Sassone avait oeuvré pour la protection de la propriété privée contre le squat en déposant, dès 2020, une proposition de loi. Plusieurs dispositions de son texte ont été reprises par les auteurs de celui-ci et d'autres y ont été intégrées par nos soins. Nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas été plus tôt à l'écoute des propositions du Sénat, car nous aurions gagné un temps précieux.

Ce texte s'inscrit dans la pleine continuité des travaux du Sénat ; c'est un motif de satisfaction. Nous pouvons largement nous satisfaire de la version qui nous a été transmise. Seuls cinq articles sur quinze restent en discussion, et les désaccords qui perdurent sont mineurs. Le compromis trouvé est respectueux de nos apports et de nos lignes rouges. En particulier, l'Assemblée nationale a adopté conforme le chapitre III, que nous avions introduit pour équilibrer le texte.

Je m'en tiendrai aux cinq articles restant en discussion.

L'article 1er A, sur le délit frauduleux d'occupation de locaux, n'a subi qu'une modification sémantique ne présentant pas de difficulté. Le Gouvernement a abandonné son souhait de limiter le délit aux locaux économiques exploités.

L'article 1er C imposait au préfet une intervention dans les sept jours en cas d'occupation du domicile. En première lecture, j'avais exprimé des réserves sur cette mesure, qui présente des difficultés. (Mme Dominique Estrosi Sassone hoche la tête.) En particulier, ce délai est inférieur au délai habituel de recours à la force publique, qui est d'un mois. L'Assemblée nationale a supprimé cet article, comme il fallait s'y attendre ; je vous propose de maintenir cette suppression.

L'article 2 porte sur la procédure administrative d'évacuation forcée, dite procédure de l'article 38 de la loi Dalo. L'Assemblée nationale a supprimé la réduction de 48 à 24 heures du délai donné au préfet pour mettre en demeure le squatteur de quitter les lieux. Elle a également pris en compte les réserves d'interprétation récemment émises par le Conseil constitutionnel, ce qui sécurise l'assise du dispositif. Je vous appelle à un vote conforme.

À l'article 2 ter, les députés ont renforcé le contrôle du dispositif de mise à disposition temporaire de logements vacants. Cette mesure va dans le sens que nous souhaitions. Je propose, là encore, un vote conforme.

Enfin, l'article 4 porte sur les pouvoirs d'office du juge en matière d'octroi de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire. Notre désaccord à cet égard était substantiel, mais la rédaction trouvée me paraît être un bon compromis. L'Assemblée voulait initialement conditionner le maintien dans le logement à une saisine du locataire. Nous avions rétabli le pouvoir d'office du juge. En deuxième lecture, l'Assemblée nationale s'est pour une large part alignée sur notre position. Reste que la suspension des effets de la clause résolutoire ne pourra être accordée qu'après saisine ; ce sera pour nous un point de vigilance.

Faisons confiance aux acteurs judiciaires pour adopter une lecture souple de la loi. Les locataires doivent être effectivement informés de leurs droits, s'agissant notamment de la possibilité de demander des délais de paiement. Je propose donc un vote conforme.

Ce texte de compromis est un bel exemple de l'utilité de la procédure ordinaire, qui laisse davantage de temps aux chambres pour trouver une position commune. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.