SÉANCE

du mercredi 21 juin 2023

102e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Relations diplomatiques avec le Maroc et l'Algérie

M. Hervé Marseille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes INDEP et Les Républicains) Je souhaite vous parler de notre relation avec les pays du Maghreb, notamment avec le Maroc.

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Hervé Marseille.  - En déplacement au Maroc avec le président Cambon et des membres du groupe d'amitié, nous avons pu mesurer l'état de dégradation de cette relation. Nous ne sommes pas reçus au Parlement ou dans les ministères, mais dans des lieux privés.

Depuis deux ans, le Maroc, pays historiquement ami, où nous avons beaucoup d'intérêts, a des difficultés dans sa relation avec la France.

Nous avons consenti de gros efforts en direction de l'Algérie : le Président de la République s'y est rendu, puis la Première ministre, avec une importante délégation. Nos renoncements n'ont guère été récompensés, si j'en crois le rétablissement d'un couplet peu amical envers la France dans l'hymne national algérien.

Le Président de la République a reçu hier Mme Meloni. Or, entre la France, l'Italie, le Maroc et l'Algérie, il y a l'Union pour la Méditerranée (UPM), depuis longtemps en rade.

Il est indispensable, pour affirmer la place de la France en Méditerranée, d'engager un dialogue utile sur la question migratoire, de relancer l'UPM et de renouer une relation de confiance avec nos amis marocains. (Marques d'impatience à gauche) Quelles initiatives prendrez-vous en ce sens ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - La France a une relation riche, une histoire partagée et des liens humains étroits avec le Maroc et l'Algérie. Une histoire d'une telle intensité n'est jamais dépassionnée. Nous voulons approfondir nos liens dans le respect mutuel. (Mines dubitatives sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Avec l'Algérie, nous continuons à travailler dans l'esprit de la déclaration d'Alger. J'ai moi-même présidé à Alger un comité intergouvernemental de haut niveau. Il y a des obstacles, mais aussi une volonté commune des présidents Macron et Tebboune : regarder vers l'avenir et construire au bénéfice de nos deux peuples. Dans le domaine migratoire, le dialogue est exigeant, en particulier sur la réadmission des ressortissants algériens en situation irrégulière. (« Et le Maroc ? » sur plusieurs travées)

Avec le Maroc, nos liens humains, économiques et culturels sont très forts : 46 000 étudiants marocains en France, 46 000 élèves dans les établissements français au Maroc, plus de 1 000 filiales d'entreprises françaises. Mme Colonna s'y est rendue en décembre pour une visite constructive. Nous souhaitons approfondir ce partenariat d'exception.

Notre relation avec l'Algérie, le Maroc et la Tunisie s'inscrit plus largement dans notre politique pour la Méditerranée. La France est à l'origine de l'Union pour la Méditerranée.

M. Roger Karoutchi.  - C'était il y a quinze ans...

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Elle continuera à prendre des initiatives fortes pour resserrer nos liens et relever nos défis communs, notamment en matière d'environnement. (M. Alain Richard applaudit.)

M. David Assouline.  - Bref, vous n'avez rien à dire !

M. Antoine Lefèvre.  - Ce n'est pas gagné...

Assises des finances publiques (I)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER) Les Assises des finances publiques sont un nouveau rendez-vous manqué pour les collectivités territoriales. Association des maires de France, Assemblée des départements de France et Régions de France ont refusé d'y participer, à raison ! Vous leur demandez, pour désendetter la France, de réduire leurs dépenses de fonctionnement de 0,5 %, alors que leurs finances sont très fragiles et que les exécutifs locaux n'ont jamais eu tant de mal à boucler leur budget.

Suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE à coup de 49.3, augmentation non compensée du point d'indice des fonctionnaires territoriaux : ces décisions affectent le service rendu à la population et le principe même de libre administration des collectivités territoriales.

Vous êtes incapables de travailler avec les collectivités, de dialoguer avec les élus. Vous leur demandez d'agir pour la transition écologique, mais en dépensant moins que l'inflation... À quand un réel pacte financier entre l'État et les collectivités territoriales pour garantir les services publics et prendre en compte les réalités locales ? (Applaudissements à gauche)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - C'est le ministre des comptes publics qui vous répond, mais aussi l'élu local, conseiller municipal depuis dix ans. (Exclamations ironiques à gauche)

Mme Céline Brulin.  - C'est de la schizophrénie !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Je suis convaincu qu'on ne peut pas opposer l'État et les collectivités locales. (M. Michel Dagbert applaudit.) Ils ont besoin l'un de l'autre pour investir et relever le grand défi de la transition écologique. Nous devons avancer ensemble, y compris pour maîtriser nos dépenses publiques. La hausse des taux d'intérêt impacte tout le monde.

L'année dernière, nous avions présenté un programme de stabilité et une loi de programmation des finances publiques qui prévoyaient un effort plus important pour les collectivités territoriales que pour l'État.

M. Jean-François Husson.  - Un échec !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Nous vous avons entendus : la nouvelle copie prévoit une baisse de 0,5 % des dépenses de fonctionnement pour les collectivités territoriales, contre 0,8 % pour l'État.

M. Pascal Savoldelli.  - Dans quels ministères ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Nous avons reçu les associations d'élus à plusieurs reprises, au niveau ministériel. Nous continuons à avancer avec elles, avec l'investissement au service de la transition écologique pour objectif et la concertation pour méthode. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Pénurie de contrôleurs aériens en Guadeloupe

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La Guadeloupe s'apprête à affronter une hausse du trafic aérien avec les vacances estivales. Une aubaine, après deux années de crise covid - mais la pénurie de contrôleurs aériens oblige à fermer l'aéroport Pôle Caraïbes du 23 au 25 juin, après une première fermeture en février.

Cet aéroport, essentiel pour la continuité territoriale, ne dispose que de 19 agents opérationnels sur 24, quand il en faudrait 31 pour assurer un fonctionnement normal. Vols reportés, passagers non acheminés, évacuations sanitaires parfois annulées : la situation est urgente, mais les réponses ne sont pas au rendez-vous. Nous ne pouvons attendre 18 mois pour former de nouveaux contrôleurs. Il faudrait envisager des transferts d'agents depuis Fort-de-France ou une mutualisation des effectifs avec la Martinique. Aussi, pour éviter des perturbations plus graves, le Gouvernement pourrait-il mettre en place des mesures d'urgence ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer .  - En effet, la situation de sous-effectif du service de la navigation aérienne Antilles-Guyane a conduit à fermer les services de contrôle aérien toutes les nuits et en matinée quand l'effectif n'est pas suffisant.

Le directeur compétent a engagé un dialogue social pour garantir un maintien du service et des conditions d'exercice satisfaisantes pour les contrôleurs. Le transport d'urgence et sanitaire est garanti par le Dragon 971, qui intervient 24 heures sur 24 : pas de danger pour la sécurité civile. Il est prévu un nouveau tour de service avec une offre élargie sur la plage 6 heures 45-23 heures, à effectifs constants. Par ailleurs, sept contrôleurs sont en formation sur place, et six autres devraient arriver d'ici la rentrée. Le ministère des transports parle de fidélisation et d'optimisation de la formation. La situation devrait s'améliorer d'ici quelques semaines. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Assises des finances publiques (II)

M. Vincent Éblé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) J'associe Rachid Temal à ma question. La Première ministre a avoué, lundi, que le Gouvernement n'avait pas assez associé les collectivités territoriales sur la question du point d'indice. Vous leur imposez en effet de revoir leur copie, deux mois après le vote de leur budget. C'est d'autant plus irritant que le coût annoncé a doublé entre le matin et l'après-midi !

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Vincent Éblé.  - Suppression de la taxe d'habitation, contrats de Cahors, loi de programmation imposant 13 milliards d'euros d'économie, augmentation du point d'indice dès 2022, plans Eau ou Vélo annoncés unilatéralement, dont il faut assumer la mise en oeuvre - la liste est longue !

Incapable de contenir le déficit public, le Gouvernement demande aux collectivités de participer à un plan d'économie de 10 milliards d'euros, sachant qu'il ne fera pas sa part. Tandis que le ministre Béchu s'inquiète de la frilosité à investir, le ministre Le Maire propose l'auto-assurance des recettes, qui va freiner l'investissement local...

Alors qu'il faudrait envisager de recréer un lien fiscal entre industrie et territoire, vous élevez un totem à la baisse des impôts avec des campagnes populistes comme #BalanceTonMaire ou « En avoir pour mes impôts », qui remettent en cause le consentement même à l'impôt. Comment comptez-vous répondre à l'exigence de justice pour les territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. le président.  - C'est M. Béchu, et non M. Attal, qui vous répond. (Exclamations à gauche)

M. Rachid Temal.  - Lui aussi est élu local ! (Sourires à gauche)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - La question du rapport entre l'État et les collectivités territoriales n'est pas nouvelle. Le totem de la baisse des dotations, porté par les gouvernements que vous avez soutenus entre 2012 et 2017, avait eu bien d'autres conséquences... (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI, des groupes UC, INDEP, et Les Républicains)

M. Jean-François Husson.  - M. Attal avait voté pour !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Sur la hausse du point d'indice, un dispositif est habituellement proposé par l'État, qui détermine la valeur du point pour toutes les fonctions publiques ; il y a des consultations en coulisses avec les collectivités, qui s'opposent rarement à une revalorisation, puis demandent une compensation budgétaire. Mais j'imagine que vous ne contestez pas le bien-fondé de cette augmentation de 1,5 %, dans le contexte actuel d'inflation ?

M. Rachid Temal.  - Un peu de sérieux !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Puisque derrière l'artifice de votre présentation, il y a la question du dialogue entre l'État et les collectivités, je peux vous dire que ce rendez-vous approche, dans le cadre de la planification écologique. Comment donner aux collectivités les moyens d'accélérer sur l'atténuation et l'adaptation, quel partage des responsabilités et des contraintes ? Vous serez évidemment associés à ces réflexions.

Mme Laurence Rossignol.  - Ce n'était pas la question !

M. Vincent Éblé.  - Les collectivités territoriales ne veulent plus de transfert de compétences sans concertation ni compensation. Elles attendent un soutien de l'État pour affronter les difficultés : moins de condescendance, plus de respect et de considération ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Agression à Bordeaux et état de la psychiatrie

Mme Nathalie Delattre .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Insupportable, c'est le mot pour qualifier l'ignoble attaque subie à Bordeaux par cette grand-mère et sa petite-fille, auxquelles j'adresse mes pensées. Je remercie les forces de l'ordre pour l'interpellation rapide de l'agresseur.

« Se faire agresser, ça arrive à tout le monde » : voilà la réponse sidérante d'une adjointe au maire de Bordeaux, banalisant l'explosion de l'insécurité dans notre ville.

Je pourrais questionner le ministre de l'intérieur sur l'affectation d'une unité de CRS à demeure à Bordeaux, ou le garde des sceaux sur la suspension récente des incarcérations au centre pénitentiaire de Gradignan, en raison de la surpopulation carcérale, laissant des individus dangereux sur la voie publique. Les problèmes psychiatriques, souvent couplés à des addictions, sont trop souvent sous-estimés.

Monsieur le ministre de la santé, je me tourne vers vous. Avec Jean Sol et Philippe Bas, j'avais été à l'initiative d'une mission sur l'expertise psychiatrique en matière pénale. Notre société est de plus en plus menacée par la sous-estimation des problèmes psychiatriques dont attestent des faits divers quotidiens. Il faut une politique ambitieuse et financée pour la psychiatrie, en faire une grande cause nationale. Combien de drames faudra-t-il pour vous en convaincre ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains ; M. Bernard Jomier applaudit également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - J'exprime ma solidarité et celle du Gouvernement envers les victimes de cette odieuse agression. Nous travaillons de concert avec MM. Darmanin et Dupond-Moretti, car le problème est global. Nous devons mobiliser tous les outils pour identifier et traiter les problèmes psychiatriques.

La psychiatrie souffre, à la suite de décennies de gestion comptable aveugle. Dès 2018, nous avons lancé une feuille de route, renforcée en 2021 avec les premières Assises de la santé mentale et de la psychiatrie.

Les réponses s'inscrivent dans le temps long. Développement de la prévention, avec 43 000 secouristes en santé mentale, développement des compétences psychosociales à l'école, numéro de prévention du suicide, dispositif de vigilance, prise en charge de 130 000 patients grâce à MonParcoursPsy, maisons des adolescents - une par département... tout cela n'est certes pas suffisant, mais soyez assurée de ma détermination pour trouver des solutions, avec les professionnels et les parlementaires. (M. François Patriat applaudit.)

Décarbonation de l'aérien

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le Bourget sera-t-il le salon de l'illusion, de l'avion magique ? Depuis lundi, la filière aéronautique et le Président de la République annoncent un avion vert pour demain ou après-demain. Bien entendu, la recherche d'alternatives au kérosène est nécessaire. Le bât blesse dans le message qui est véhiculé : ne changeons pas nos habitudes, la technologie va tout régler ! Point de sobriété dans le discours, on parle de doublement du trafic d'ici 2040.

Une voix à droite.  - Très bien !

M. Daniel Salmon.  - Mais l'avion électrique n'est pas pour demain, l'avion à hydrogène n'est pas disponible, et il faudra choisir entre les usages de la biomasse : biocarburants, chauffage, alimentation ? C'est un bon greenwashing, qui n'a pour but que de remettre à demain les décisions que nous devons prendre aujourd'hui ; c'est-à-dire réduire les trajets en avion, et surtout faire payer au transport aérien la pollution qu'il engendre. (Applaudissements sur les travées du GEST ; « Ah ! » et protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Je ne peux croire que vous regrettiez la recherche pour un avion moins émetteur, que pour rendre l'écologie populaire il faille la rendre punitive.

M. Emmanuel Capus.  - C'est très juste !

M. Thomas Dossus.  - C'est n'importe quoi !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Je ne peux croire que vous regrettiez la tenue en France du plus grand salon aéronautique du monde.

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre.  - La solution repose sur un triptyque : sobriété, efficacité, innovation.

MM. Daniel Salmon et Thomas Dossus.  - Où est la sobriété ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - Manquer un de ces piliers, c'est manquer à l'équilibre dont nous avons besoin, et aller dans le mur. Certains veulent condamner l'innovation...

M. Daniel Salmon.  - Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Christophe Béchu, ministre.  - D'autres prétendent qu'il ne faut rien changer à nos usages, et que nous réussirons par l'innovation...

M. Thomas Dossus.  - Qu'est-ce qu'on change ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - La sobriété, c'est que nous sommes le premier pays à avoir interdit les vols pour lesquels il existe une alternative ferroviaire en moins de 2 h 30.

M. Thomas Dossus.  - Deux lignes aériennes !

M. Christophe Béchu, ministre.  - La sobriété, c'est privilégier le train et ce sont les taxes sur le kérosène, relevées l'année dernière. Nous avons investi 100 milliards d'euros dans le ferroviaire.

L'efficacité, c'est la baisse du poids, l'évolution des moteurs, enjeu international. La moitié des 3 % d'émissions mondiales de gaz à effet de serre dont est responsable l'aérien proviennent d'avions fabriqués en Europe.

Le Président de la République a défini deux axes : travailler sur les moteurs, et sur les carburants alternatifs. J'insiste pour éviter la caricature : il ne s'agit pas de prendre des terres agricoles, mais de produire à partir de résidus de bois, d'algues, ou d'huiles usagées. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Daniel Salmon.  - J'avais indiqué en introduction que la recherche est indispensable. Vous caricaturez. Ce qui est irresponsable, c'est de ne pas dire que la sobriété est nécessaire. Vous nous préparez à un monde à plus 4 degrés. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Les politiques servent à cela : il ne faut pas reporter à demain ce que nous pouvons faire aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Assises des finances publiques (III)

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; marques d'ironie à gauche) Lundi se tenaient les assises de Bercy.

M. Rachid Temal.  - Excellent ! (Nouvelles marques d'ironie sur les travées du groupe SER ; « Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Emmanuel Capus.  - Le Gouvernement a tenu un langage de fermeté, avec un objectif clair : 10 milliards d'euros d'économies d'ici la fin du quinquennat. (Exclamations sur plusieurs travées) Cela a le mérite de clore le quoi qu'il en coûte. Le groupe INDEP soutient cette démarche. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Rachid Temal.  - Monsieur Béchu, au micro !

M. Emmanuel Capus.  - Il est urgent de remettre de l'ordre dans nos comptes. (Les exclamations ironiques ponctuent les propos de l'orateur.) Mais la tâche s'annonce ardue. La Première ministre a annoncé le retour en septembre de la loi de programmation des finances publiques, déjà adoptée par le Sénat. Ce texte devra préciser le cadre légal de la réduction des finances publiques et la participation des collectivités territoriales à cet effort. La règle d'or les contraint à équilibrer leur budget.

M. Rachid Temal.  - Démagogie !

M. Emmanuel Capus.  - Or elles ne représentent que 20 % des dépenses publiques et moins de 10 % de la dette. Il serait injuste et inefficace de leur demander des efforts supplémentaires. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que vous ne mettrez pas davantage les collectivités territoriales à contribution ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains ; on réclame M. Christophe Béchu à gauche.)

M. François Bonhomme.  - Oui, il le peut !

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - En effet, nous avons annoncé, dans le cadre du nouveau programme de stabilité, une révision de la charte de l'effort. Vous avez été une vigie, monsieur Capus, sur ce point, en nous invitant à un effort plus important de la part de l'État. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains et à gauche) Dans la nouvelle loi de programmation, nous prévoirons un effort plus important pour l'État, à moins 0,8 %.

M. Rachid Temal.  - Et les communes ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Je le répète : nous avons besoin les uns des autres. L'État et les collectivités territoriales doivent agir de concert. Je n'oppose pas les 3 % et les 3 degrés. Pour plus de transition écologique, nous devons garder le contrôle sur nos finances publiques afin de conserver des marges de manoeuvre budgétaires nécessaires à notre transition énergétique.

Bruno Le Maire a proposé le système d'auto-assurance des collectivités territoriales, qui constitueraient des réserves en cas de surcroît de recettes. Nous continuerons à avancer. Nous rééditerons les dialogues de Bercy en améliorant le dispositif. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Emmanuel Capus.  - Vous connaissez l'exaspération des élus locaux. Ils sont prêts à faire des efforts, à condition de réduire les normes et de leur laisser une autonomie financière. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi que sur quelques travées du RDSE)

Loi de programmation des finances publiques

M. le président.  - Je salue Gérard Longuet, qui a décidé de ne pas renouveler son mandat. Il a été présent durant 22 ans dans notre hémicycle, et fut président du groupe UMP, membre de la commission des finances, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Il a toujours donné beaucoup d'élévation au débat. (Mmes et MM. les sénateurs des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI se lèvent et applaudissent, de même que M. Teva Rohfritsch et Mme Esther Benbassa ; applaudissements sur quelques travées du GEST et du groupe SER)

M. Gérard Longuet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC) Je reste d'une sérénité à toute épreuve, malgré cet hommage. Gabriel Attal n'était pas né que j'étais déjà en politique ! (Rires) Avant-hier, Bruno Le Maire a lancé les Assises des finances publiques. Comme écrivain, je l'accepte, mais comme metteur en scène, il est nul ! (Applaudissements et rires sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER) Pour les finances publiques, il n'y a qu'une scène, le Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

La question est simple, et déjà évoquée par M. Capus. (M. Emmanuel Capus remercie de l'hommage.) Je vais enfoncer le clou : pourquoi diable ne pas avoir répondu à la commande de Mme Borne en avril, de présenter en juillet la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027 ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Jean-François Husson.  - Allez !

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Je réponds toujours aux demandes de la Première ministre, qui lundi a souhaité que la LPFP soit présentée en septembre. Pourquoi ? Cela fait plus sens de la présenter au moment du projet de loi de finances. Cette loi de programmation avait été acceptée au Sénat avec un quantum important d'économies supplémentaires.

M. Jean-François Husson.  - Tout à fait.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Il faudra identifier les économies point par point.

Mme Frédérique Puissat.  - On l'a déjà fait !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Monsieur le sénateur Longuet, je vous rends hommage, à vous et à votre parcours. J'avais 12 ans quand vous êtes entré au Sénat. (Sourires ; M. Roger Karoutchi s'amuse.)

Je me suis intéressé très jeune à la vie politique ; j'ai l'impression de vous avoir connu très jeune et d'avoir suivi votre voix singulière tout au long de votre carrière politique. Je suis convaincu que vous continuerez à contribuer au débat d'idées. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes INDEP, Les Républicains et UC)

M. Gérard Longuet.  - Votre problème est un problème de majorité politique. Soyez rassuré : aucun Président de la République, depuis l'élection au suffrage universel, n'a été élu au premier tour. Tous ont eu à gérer des majorités compliquées. À sept occasions seulement, depuis 1967, le Président de la République a obtenu une majorité parlementaire au moyen de son seul parti. Au coeur de la Ve République, il existe une réalité parlementaire : les alliés du second tour méritent d'être pris en considération. Cela manque aujourd'hui.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Gérard Longuet.  - Vous avez trois choix (M. Jean-François Longeot s'en amuse) : une coalition gouvernementale, ce qui ne semble pas être du caractère du Président ; la cohabitation dans votre propre camp avec un Premier ministre dont vous pensez qu'il sera plus fédérateur...

M. Rachid Temal.  - Darmanin !

M. Gérard Longuet.  - ... et la dissolution. Je regrette de ne plus être parlementaire pour assister à l'un de ces événements ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Corps électoral en Nouvelle-Calédonie

M. Pierre Frogier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la Première ministre, la Nouvelle-Calédonie est toujours dans l'attente. Mais désormais, sa longue histoire se poursuivra dans la France.

À Nouméa, M. Darmanin a engagé des échanges avec les différentes forces politiques. Je le remercie de sa détermination et me tiens à votre disposition sur ce chemin. Mais pour y parvenir, il faut franchir l'obstacle du renouvellement des assemblées de province, que seule une réforme du corps électoral rendra possible.

Les accords de Nouméa prévoyaient une durée de résidence de dix ans pour obtenir le droit de vote. La réforme constitutionnelle de 2007, imposée, a fermé l'accès du corps électoral à 1998. Les référendums successifs laissent la population divisée.

Pour fédérer cette communauté de destin, il faudra une vision de long terme, l'ambition d'un avenir partagé, sortir du seul débat institutionnel. La citoyenneté fixera l'identité particulière de la Nouvelle-Calédonie dans la solidarité nationale. Pouvez-vous vous engager sur un agenda pour un corps électoral ouvert dès l'année prochaine ? Il y va de notre vivre ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - L'accord de Nouméa est arrivé à son terme en décembre 2021, après trois référendums organisés sous l'autorité du Président de la République. Désormais, il revient aux partenaires politiques d'examiner la situation, aux termes de l'accord. Mon Gouvernement accompagne les discussions. En un an, les ministres de l'intérieur et des outre-mer se sont rendus sur place à quatre reprises, et j'ai réuni les partenaires à Paris en octobre 2022. J'ai rencontré le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) et les représentants non indépendantistes en avril dernier, notamment sur les compétences, le droit à l'autodétermination et le corps électoral provincial.

Un gel indéfini de ce dernier questionnerait notre démocratie et nos engagements internationaux. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer a formulé des propositions et le haut-commissaire à Nouméa a organisé des échanges techniques. Une solution consensuelle peut être trouvée. J'invite à conclure un accord fin août.

Les élections provinciales auront lieu en 2024, c'est un enjeu démocratique. L'esprit de Nouméa, que vous incarnez comme signataire des accords en 1988 et en 1998, c'est l'ambition humaine du destin commun. Elle répond à l'attente de nombre de Néo-calédoniens : soyons à la hauteur.

Je rends à mon tour hommage à Gérard Longuet, ancien ministre et président de groupe, mais aussi à Jean-Pierre Sueur, ancien ministre et président de la commission des lois, ainsi qu'à Michelle Meunier, qui siège depuis douze ans. Vos voix portent. Nous avons pu nous opposer, mais aussi travailler ensemble au service de la République et de l'intérêt général. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE)

Naufrage d'un navire de migrants au large de la Grèce

M. le président.  - Je donne la parole à Jean-Pierre Sueur, ancien président de la commission des lois, questeur du Sénat, qui a sans doute battu le nombre d'heures passées dans les fauteuils de l'hémicycle ! (Applaudissements prolongés sur toutes les travées ; Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, d'abord à gauche, puis dans tout l'hémicycle ; M. Pap Ndiaye se lève également.)

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Merci, c'est trop.

Je souhaitais interroger Mme la Première ministre sur ce qui s'est passé la nuit du 13 au 14 juin au large de la Grèce, et qui est une honte pour notre civilisation : 750 hommes, femmes, enfants, entassés comme des bêtes dans un bateau qui a coulé. Frontex et plusieurs États savaient que le péril était imminent : les images de la BBC montrent que pendant sept heures, le bateau est resté là, entre la vie et la mort.

Nous ne pouvons nous résigner à ces nouveaux morts qui s'ajoutent aux dix mille en Méditerranée, aux vingt ou trente mille dans la Manche ces dernières années. Je demande que la France pèse de tout son poids en faveur d'une politique européenne qui mette un terme au naufrage de ces êtres humains. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du RDPI, du RDSE et du groupe UC ; Mme Esther Benbassa, MM. Alain Houpert et Gérard Longuet applaudissent également.)

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Ce naufrage survenu le 14 juin au large de la Grèce est un drame de plus. Nous ne pouvons nous y résigner. Cette tragédie nous bouleverse tous, et je renouvelle mes condoléances aux familles des victimes.

Nous devons tout mettre en oeuvre, au niveau européen notamment, pour éviter un nouveau drame de ce type. L'accord trouvé le 8 juin dernier entre les ministres de l'intérieur européens sur le traitement des demandes d'asile peut y contribuer. Comme le Président de la République et la présidente du Conseil Giorgia Meloni l'ont annoncé, la France et l'Italie sont pleinement mobilisées en ce sens.

M. Pierre Laurent.  - Pas l'Italie !

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État.  - Ce drame rappelle aussi l'importance de la coopération avec les pays tiers en matière de lutte contre les passeurs. Nous devons renforcer les capacités des États d'origine et de transit pour lutter ceux qui exploitent la détresse des migrants et traiter les causes de l'exil.

Je tiens moi aussi à vous saluer, monsieur le questeur Sueur. Vous avez incarné pendant quarante ans, par vos convictions et votre engagement, la République, le Sénat, et votre cher Loiret. Nous vous en sommes reconnaissants. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe SER ; applaudissements épars sur les autres travées)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est facile d'exploiter constamment le sujet de l'immigration, de faire de la politique facile en disant que les étrangers sont un danger pour notre pays. Mais il y a des problèmes qu'il faut traiter, et non exploiter. Des milliers de personnes qui sont en danger en Méditerranée. Merci de faire prendre conscience, au niveau européen, qu'il faut une politique énergique impulsée par la France.

(Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du RDPI et du groupe INDEP ; M. Bernard Delcros et Mme Annick Jacquemet applaudissent également.)

Accord Union européenne - Mercosur

M. Jean-François Rapin .  - J'associe Mme Primas à ma question. Madame la Première ministre, vous déclariez en octobre 2019 qu'il était impossible de signer un traité avec un pays qui ne respecte pas la forêt amazonienne ni le traité de Paris. Le Président de la République disait encore, le 25 février au salon de l'agriculture, que tout accord était impossible sans respect des accords de Paris et des contraintes sanitaires et environnementales imposées à nos producteurs.

Mais il y a quinze jours, M. Olivier Becht estimait qu'il fallait conclure l'accord avec le Mercosur, en négociation depuis vingt-trois ans. Même souhait exprimé par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et de la future présidence espagnole du Conseil de l'UE. La barque prend l'eau de toutes parts. Nous sommes très inquiets, d'autant plus que la Commission européenne est en mesure de tenir les parlements européens à l'écart de la ratification.

M. Macron va-t-il trahir sa promesse vendredi, lorsqu'il rencontrera le président Lula ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Didier Marie applaudit également.)

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Je vous prie d'excuser la ministre des affaires étrangères et de l'Europe, en déplacement. La France, comme beaucoup de pays, a exprimé dès 2019 des préoccupations environnementales. La Commission européenne a fait des efforts, notamment sur la déforestation, mais ils restent insuffisants.

La France a imposé trois conditions à la ratification : le respect de l'accord de Paris, l'alignement, en matière de développement durable, avec les meilleurs standards environnementaux et sociaux, et enfin un programme ambitieux sur les mesures miroirs. Nous nous opposons à la scission de l'accord.

Cet accord doit être présenté aux parlements nationaux. Le Président de la République échangera avec son homologue brésilien vendredi en marge du sommet pour un nouveau pacte financier mondial. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jean-François Rapin.  - Nous prenons acte de vos propos : vous n'exclurez pas les parlements nationaux. À vous de défendre les agriculteurs français et la France. La commission des affaires européennes, que je préside, y veillera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mortalité infantile en France

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Voilà sept ans que la mortalité infantile en France est supérieure à la moyenne européenne : nous sommes passés de la troisième position à la fin du XXe siècle à la vingtième ! En 2021, 2 700 enfants de moins d'un an ont perdu la vie.

L'indicateur évolue de manière préoccupante en Île-de-France, Centre Val de Loire et Grand Est, ainsi qu'en outre-mer : 8,9 pour mille à Mayotte, 8,2 pour mille en Guyane et 8,1 pour mille en Guadeloupe contre 3,5 pour mille en France hexagonale.

Quelles sont les explications à cette tendance française, et les mesures qu'envisage le Gouvernement pour mettre fin à cette surmortalité en outre-mer, et dans certains départements comme la Seine-Saint-Denis, le Jura, l'Indre-et-Loire et le Lot ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - La lutte contre la mortalité infantile est un marqueur de l'état de notre système de santé. (Marques d'ironie)

La mortalité infantile dans notre pays, rappelons-le, est à un niveau historiquement bas. Toutefois, rien n'est acquis : le taux est légèrement remonté, notamment pendant la première semaine de vie.

La vaccination obligatoire des nourrissons est une nécessité, et je m'insurge contre ceux qui en relativisent l'importance.

M. Bernard Jomier.  - Très bien !

M. François Braun, ministre.  - Nous avons systématisé le dépistage néonatal qui permet de prendre en charge treize maladies graves, et la stratégie des 1 000 premiers jours, autour de la santé physique et mentale de l'enfant.

Tous les aspects de la santé doivent être pris en charge : c'est l'esprit des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, dont les groupes de travail formuleront bientôt des propositions - avec un ciblage sur les outre-mer. Nous avons avancé sur la rénovation du métier d'infirmière puéricultrice pour mieux prendre en charge ces enjeux.

Concernant les maternités, à rebours d'une gestion comptable d'un autre temps, je veux un nouveau modèle de suivi néonatal qui sécurise l'accouchement dans des plateaux techniques associant toutes les disciplines.

Mme Jocelyne Guidez.  - Non, il ne faut pas dénigrer la vaccination. Mais cela fait vingt ans que la mortalité infantile ne baisse plus ; c'est catastrophique ! Marc Bloch écrivait, dans L'Étrange défaite : « Français, je vais être contraint, parlant de mon pays, de ne pas en parler qu'en bien ; il est dur de devoir découvrir les faiblesses d'une mère douloureuse. » Je n'en reviens pas de notre déclassement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRCE)

Recrutement des sapeurs-pompiers volontaires

M. Jean Bacci .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un hectare de forêt qui brûle, c'est 46 tonnes de CO2 émis. En 2022, 72 000 hectares ont brûlé en France, dégageant 3,5 milliards de tonnes de CO2.

Un accord a été trouvé en commission mixte paritaire (CMP) sur notre proposition de loi de lutte contre le risque incendie ; mais sous la pression comptable de Bercy, les députés ont refusé la réduction des cotisations patronales des collectivités territoriales en contrepartie de la mise à disposition de sapeurs-pompiers volontaires pour les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis). Nous sommes ainsi privés d'un moyen aigu de recrutement.

Autre regret, le renoncement des députés à une mesure forte en faveur du débroussaillement, moyen important de protection passive de la forêt.

Vous consacrez des milliards à la décarbonation, mais vous refusez quatre millions d'euros aux collectivités et aux particuliers pour protéger la forêt. Quel paradoxe ! Le texte issu de la CMP manque d'ambition, à cause de considérations budgétaires de court terme. Monsieur le ministre, il ne faut pas penser à la forêt que quand elle brûle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Je vous remercie pour la proposition de loi que vous portez avec Anne-Catherine Loisier, Pascal Martin et Olivier Rietmann, qui vient de faire l'objet d'un accord en CMP. Elle contient de nombreuses avancées : vous créez un continuum de prise en compte du risque incendie, de la prévention au reboisement. Le texte a fait l'objet d'un large consensus.

Concernant l'exonération de charges pour les employeurs, vous avez fait le choix d'une expérimentation pendant trois ans. Ainsi les particuliers pourront participer activement à la lutte contre l'incendie. Le choix a été fait dès le début de ne pas intégrer les collectivités territoriales. (Mmes Sophie Primas et Anne-Catherine Loisier le déplorent.) Il existe d'autres dispositifs qui les concernent directement.

Nous n'avons pas retenu non plus le crédit d'impôt pour l'obligation légale de débroussaillement, cette loi n'étant pas le vecteur le plus opportun.

M. Olivier Rietmann.  - Ben voyons !

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État.  - Vous pourrez toujours compter sur notre soutien aux sapeurs-pompiers : grâce à votre texte, nous sommes mieux armés pour cela. (Murmures désapprobateurs sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Financement du système de santé

M. le président.  - Je profite de cette dernière question posée par Mme Meunier pour saluer son travail au sein de la commission des affaires sociales, son rapport sur le bien vieillir, et surtout sa vice-présidence de la commission de déontologie parlementaire. (De nombreux sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Mme Michelle Meunier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je pose ma question avec gravité. Votre Gouvernement ignore avec insistance les alertes des professionnels du soin, oppose les Français méritants et les précaires, malgré la détresse physique et morale qui se répand. L'état de santé de notre pays se dégrade. Les dépenses de santé augmentent, c'est normal. Mais vous faites la chasse aux arrêts maladie et réduisez les remboursements des frais dentaires. C'est grave, car cela incitera les mutuelles à répercuter leurs dépenses sur les cotisations et réduira le pouvoir d'achat des assurés. Les accidents du travail touchent plus fortement le secteur du soin et de l'aide à domicile à cause des tensions sur le recrutement.

SI vous ne réagissez pas, nous aurons une santé à deux vitesses : soins et complémentaires premium pour les plus aisés, renoncement au soin pour les plus précaires, coincés aux urgences en attendant d'être soignés par d'autres précaires. Quand mettrez-vous fin à ce cercle vicieux pour investir dans notre système de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Esther Benbassa applaudissent également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - À mon tour de saluer votre carrière au service nos concitoyens - mais aussi de rétablir quelques vérités. Nous avons instauré le 100 % santé pour l'optique, l'auditif et les frais dentaires. C'est tout le contraire d'une médecine à deux vitesses ! Nous avons construit cela avec les complémentaires, et non contre elles. Depuis 2011, en raison de la progression des affections de longue durée (ALD), la sécurité sociale assume une part de plus en plus importante des frais : trois points de plus, contre respectivement un et deux points de moins pour les complémentaires et les ménages. Pour garantir l'avenir de notre système de santé et assurer le virage préventif, tout le monde doit faire des efforts, y compris les complémentaires. Nous leur avons donc demandé de participer au 100 % prévention.

Je veillerai à ce que les Français soient indemnisés à juste proportion. Il est légitime de proposer des économies, mais cela ne se fera jamais au détriment de l'accès aux soins pour tous les Français. (MM. Michel Dagbert et François Patriat applaudissent.)

Mme Michelle Meunier.  - Vous sapez l'hôpital public, vous ne répondez ni à nos propositions - comme le ratio de soignants par patient - ni à la colère de ceux qui cotisent sans jamais voir le fruit de leurs efforts. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

Installation illicite des gens du voyage

Mme Elsa Schalck .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Duffourg applaudit également.) J'associe à ma question mes collègues du Bas-Rhin. L'occupation des terrains par les gens du voyage revient régulièrement dans le débat - sans que rien ne change. Les collectivités se sont pourtant mises en conformité avec la loi, en construisant à grands frais des aires de passage. Mais le problème reste entier.

Entendez le sentiment d'abandon et le découragement d'un maire, qui doit, un dimanche soir, gérer l'arrivée imprévue de centaines de caravanes et la colère de la population ! Les maires s'attendaient à être soutenus, mais ils se sentent démunis et seuls face à l'affaiblissement de l'autorité de l'État. C'est la double peine : payer et subir. Une commune alsacienne a dépensé 700 000 euros pour une aire de passage aujourd'hui déserte, alors que des dégradations sont commises autour du stade de football qu'ont préféré des gens du voyage, avec leurs 400 caravanes.

Il faut y mettre fin, et pour cela adapter la loi Besson. Les élus ont pris leurs responsabilités ; le Sénat a pris les siennes en votant le texte de Patrick Chaize. Quand prendrez-vous les vôtres ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Loïc Hervé.  - Bravo !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer .  - Le suivi des installations illicites est essentiel. Il faut mieux réprimer : c'est l'essence de la loi de 2018 qui assouplit les conditions de saisine du préfet, avec emploi de la force si nécessaire et renforcement des sanctions pénales jusqu'à un an d'emprisonnement.

M. André Reichardt.  - Jamais appliquée !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Tous les préfets ont été mobilisés en janvier 2022 pour relancer les schémas d'accueil.

M. Loïc Hervé.  - Cela fait un an et demi !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué.  - Des efforts restent à fournir. (« Oh ! » à droite) Un référent ministériel gens du voyage est nommé. (On ironise à droite.)

Enfin, le 24 avril 2023 - c'est assez récent - une circulaire sur la gestion des grands passages estivaux a été rédigée et un courrier envoyé à toutes les associations des gens du voyage. (Les marques d'ironie redoublent à droite.) Le Gouvernement entend avancer sur un meilleur accueil et une plus forte répression des installations illicites. (M. François Patriat applaudit ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Protection du patrimoine résidentiel

Mme Sabine Drexler .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Trop souvent perçu comme une charge, le patrimoine marque une culture et une identité. Il crée aussi de l'emploi. Le petit patrimoine n'est pas protégé, à moins d'être explicitement signalé dans les documents d'urbanisme. Lavoirs, fours à pains, calvaires, maisons à colombage d'Alsace, malouinières en Bretagne, maisons vigneronnes d'Occitanie, burons du Cantal, échoppes bordelaises, longères de Vendée, chalets du Briançonnais, meulières d'Île-de-France, chaumières normandes, mas provençaux font l'attractivité de notre pays. Ce bâti vernaculaire est durable, car il tient compte des ressources locales et contribue à réduire chauffage et climatisation.

Or le diagnostic de performance énergétique (DPE) opposable conduit certains propriétaires à réaliser des travaux d'isolation inadaptés mais subventionnés, d'autres à délaisser leur bien. Les architectes des bâtiments de France (ABF) disent ne plus pouvoir endiguer cette vague d'isolation par l'extérieur, qui sévit même dans les secteurs protégés.

Comment comptez-vous empêcher que des gestes ou des matériaux inappropriés portent atteinte au bâti de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; Mme Émilienne Poumirol, MM. Mickaël Vallet et Jacques Fernique applaudissent également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - J'associe à ma réponse le président Lafon : vous m'avez en effet alerté il y a quelques mois sur ce risque d'une application aveugle du DPE qui ne tiendrait pas compte de la résistance des maisons de pleine pierre. Nous avons entendu le cri d'alarme d'associations patrimoniales qui ont relayé cette alerte. Avec la ministre de la culture, nous avons reçu les ABF pour leur demander ce qu'il était possible de faire.

Il y a des solutions, comme à l'hôtel de Roquelaure que j'occupe temporairement, où le recours à la géothermie permettrait de ne pas porter atteinte au bâtiment.

Vous avez cité les longères de Vendée - vous auriez pu pousser jusqu'aux troglodytes du Saumurois ou aux clochers tors du Haut-Anjou. Sur nos territoires, des collectivités se mobilisent, comme la Vendée, Monsieur Retailleau. (On apprécie à droite.) Préparons l'avenir en nous appuyant sur le passé. C'est une question non seulement de mémoire, mais aussi de cohésion. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.