Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Événements de Nanterre (I)

M. le président.  - Je crois savoir que M. Pierre Laurent ne se représente pas, après être devenu sénateur de Paris en 2012.

Je tiens à le remercier, notamment pour son engagement au service de la vie culturelle du palais, ainsi que pour la conduite sereine des travaux dans l'hémicycle, lui qui devait parfois bouillir à l'intérieur ! (Applaudissements)

M. Pierre Laurent .  - Madame la Première ministre, après le drame d'hier à Nanterre, l'émotion est très vive. « J'ai mal à ma France », a tweeté Kylian Mbappé (murmures à droite), exprimant ce que ressentent des millions de jeunes et de parents. On voit, sur la vidéo du drame, un policier tirer mortellement, à bout portant, sur le conducteur d'une voiture, un jeune de 17 ans. L'émotion est aussi très grande dans les commissariats de France, où beaucoup de fonctionnaires, ce matin, ont mal à leur métier. J'exprime la solidarité de notre groupe à la famille du jeune Nahel, notre soutien entier à M. Patrick Jarry, maire de Nanterre, et aux élus de cette grande ville populaire.

La vidéo du contrôle et du tir est glaçante. Le policier auteur du tir a été placé en garde à vue et mis en examen pour homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique - c'est dire la gravité des faits.

La lumière doit être faite dans les meilleurs délais. L'Inspection générale de la police nationale (IGPN) doit à la famille la plus grande transparence et la vérité. Une enquête enterrée de plus ne sera pas acceptée par les Nanterriens.

Est-il envisagé de réagir à la mesure des faits et de prononcer la suspension à titre conservatoire de l'agent concerné ?

Cette mort n'est pas un cas isolé : le nombre de décès dans ces circonstances a doublé depuis 2017. Ne faut-il pas revoir la doctrine d'usage des armes ? Un pays où la police et la jeunesse ne peuvent se croiser sans inquiétude et angoisse est un pays malade dans sa démocratie. C'est de votre responsabilité de changer les choses. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Jean-Claude Requier et Mme Annick Petrus applaudissent également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Hier, à Nanterre, lors d'un contrôle routier, un jeune homme de 17 ans a été tué. Je dis ma profonde émotion et adresse mes condoléances à sa famille, à ses proches et à son quartier.

La nation tout entière est touchée, a déclaré le Président de la République. Ce matin, j'ai dit le soutien du Gouvernement à Patrick Jarry. Nous sommes déterminés à ce que toute la vérité soit faite. Il y a un choc, un deuil, une colère. C'est à la justice d'y répondre.

Je connais l'engagement de nos policiers et de nos gendarmes, au quotidien, sur le terrain. Ils savent que porter l'uniforme implique un devoir d'exemplarité. Les images, choquantes, montrent une intervention qui n'est manifestement pas conforme aux règles d'engagement de nos forces de l'ordre.

La justice a été saisie, elle a commencé son travail, un policier est en garde à vue. La justice passera, personne ne doit en douter ; seule la justice fera toute la lumière sur le drame ; seule la justice apportera des réponses à la douleur d'une famille et à la peine d'une nation ; seule la justice garantira notre unité. Alors que des violences ont éclaté, cette nuit, dans certains quartiers, notamment dans les Hauts-de-Seine, j'appelle chacun à l'apaisement.

« Nous voulons la justice pour Nahel et nous l'obtiendrons, mais elle doit être rendue de manière pacifique ». Ces mots sont ceux du maire de Nanterre. Je m'y associe pleinement. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe INDEP ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)

Télétravail des frontaliers

Mme Patricia Schillinger .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.) J'associe M. Ludovic Haye à ma question. Dans deux jours, les dérogations permettant le télétravail des travailleurs frontaliers en Suisse s'achèveront. Or cette organisation a largement amélioré leur qualité de vie, tandis que l'urgence climatique impose de limiter la consommation de carburant.

Les transfrontaliers sont inquiets. En décembre, un accord fiscal a été conclu qui leur permet de télétravailler jusqu'à 40 % du temps sans modification des règles d'imposition sur le revenu, mais je m'inquiète pour ce qui est des missions temporaires effectuées hors de Suisse.

Rejoindre l'accord multilatéral qui autorise de 25 à 49 % de télétravail serait un signal prometteur. Monsieur le ministre Dussopt, la France va-t-elle signer cet accord ? Pouvez-vous rassurer nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Avant la crise covid, en application du règlement 883 sur les règles de coordination des régimes de sécurité sociale entre les pays de l'Union européenne et la Suisse, le télétravail était limité à un jour par semaine : au-delà, les travailleurs basculaient dans le régime social de leur État de résidence.

Des accords dérogatoires ont été conclus durant la crise sanitaire. Nous les avons prolongés jusqu'au 30 juin 2022, puis jusqu'au 30 juin 2023. La France examine l'accord multilatéral, mais regrette qu'il ne comprenne pas les règles d'assurance chômage.

Le règlement 883 est en cours de révision. Là encore, le chapitre sur l'assurance chômage reste en débat. Nous entendons le besoin de sécurisation et d'accompagnement des frontaliers. D'ici au 30 juin, les décisions seront rendues publiques : il s'agit d'accompagner les frontaliers, mais aussi de faire valoir nos intérêts nationaux.

Événements de Nanterre (II)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Hier matin, à Nanterre, Nahel, 17 ans, était tué à bout portant par un membre des forces de l'ordre. Les images sont terribles : un refus d'obtempérer ne peut conduire à la mort d'un jeune. Nos pensées vont à la famille de la victime et à sa maman. Toute mort est tragique, mais quand la victime a 17 ans, on peine à imaginer la souffrance des proches. Le temps du deuil doit être respecté. (Murmures à droite ; on invite au silence à gauche.)

Violences et dégradations doivent être condamnées : elles ne seront jamais la solution. Nous nous joignons à l'appel à la retenue de Patrick Jarry. L'aboutissement rapide des enquêtes administratives et judiciaires est la condition du retour au calme.

Mais cela ne suffira pas. Les tweets incendiaires de certains syndicats, certes minoritaires, de policiers sont intolérables. Vous n'entendrez jamais de surenchère dans nos paroles. (Murmures à droite)

Madame la Première ministre, nous croyons à la police de la République, mais un tel drame fragilise l'exemplarité de l'État de droit et son autorité. Il faut réévaluer l'article 435-1 du code de la sécurité intérieure sur l'usage des armes mais aussi revoir la formation des policiers et les moyens qui y sont alloués.

Vos réponses et vos actes doivent contribuer à l'apaisement du pays. Madame la Première ministre, il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - La mort d'un adolescent de 17 ans est un drame épouvantable. Le Président de la République a dit tout à l'heure la peine et l'émotion de la nation. À mon tour, à nouveau, avec mon gouvernement, j'adresse mes condoléances à la famille et aux proches de Nahel et leur dis toute ma solidarité.

La justice est saisie, elle avance ; l'auteur du coup de feu est en garde à vue et la vérité doit être faite au plus vite.

Monsieur Kanner, vous connaissez tout comme moi l'engagement au quotidien de nos forces de l'ordre. Policiers et gendarmes connaissent leur devoir d'exemplarité. En cas de faute, les fonctionnaires doivent en répondre, tant au plan administratif que judiciaire.

Les images particulièrement choquantes du contrôle de Nahel laissent à penser que le cadre légal d'intervention n'a pas été respecté. Mais seule la justice le dira, et nous en tirerons toutes les conséquences. Le ministre de l'intérieur prendra les décisions qui s'imposent à l'issue de la garde à vue.

L'heure est au deuil, à l'enquête et à l'apaisement. Nous avons une exigence absolue de vérité ; elle seule permettra de surmonter les colères et d'apporter les réponses qu'attendent légitimement la famille de Nahel, les élus et les Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Patrick Kanner.  - Pour avoir été ministre de la ville, je sais que la vérité et la justice sont les meilleurs moyens d'apaisement dans nos quartiers. Merci pour vos paroles ; désormais, nous attendons les actes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Pouvoir d'achat

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Alain Cazabonne applaudit également.) L'inflation, durablement installée, rogne le pouvoir d'achat des Français. Le retour aux prix d'avant est illusoire. La hausse est particulièrement marquée sur les biens de première nécessité, et les associations d'aide d'urgence, dont le nombre de bénéficiaires a augmenté de 22% en un an, alertent sur l'aggravation de la précarité alimentaire.

Parallèlement, à l'heure de la réindustrialisation, toutes les entreprises peinent à recruter. Idem dans le secteur public, de l'éducation nationale à la justice en passant par les collectivités territoriales, où de nombreux postes ouverts ne sont pas pourvus.

Le Gouvernement a privilégié la politique du chèque, de la prime et du bouclier. Mais les salariés ne demandent pas l'aumône, ou la pièce que me donnait ma grand-mère le samedi... (Sourires sur certaines travées) Ils veulent un salaire leur permettant de vivre correctement.

Les primes et chèques, compréhensibles pendant la crise sanitaire, ne sont plus adaptés, d'autant qu'ils ne sont pas assujettis aux cotisations sociales. Les travailleurs pauvres d'aujourd'hui ne doivent pas être les retraités très pauvres de demain.

Allez-vous indexer les salaires sur les prix afin de stopper la perte de pouvoir d'achat ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Monique Lubin, Raymonde Poncet Monge et M. Daniel Breuiller applaudissent également.)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - Depuis deux ans, le Gouvernement est au côté des salariés. Il les soutient par des chèques et des boucliers tarifaires, mais aussi, depuis six mois, en incitant la grande distribution et l'industrie agroalimentaire à baisser les prix.

Pour la première fois depuis près de deux ans, l'inflation alimentaire a baissé : 14,9 % en mai, contre 15,8 % en avril.

Des renégociations sont en cours. Dès le 1er juillet, le prix de certains produits baissera visiblement dans les rayons : huile de tournesol, pâtes, volaille, vinaigre et thé, notamment. (Murmures sur certaines travées à gauche) D'autres continuent d'augmenter, car les cours restent élevés - c'est le cas du sucre et du porc.

Faut-il indexer les salaires sur l'inflation, comme l'a fait la Belgique ? L'inflation y est extrêmement élevée, et les salariés se sont battus tout l'hiver pour payer leur facture d'électricité. Ce n'est pas, à notre sens, la solution la plus efficace pour protéger les salariés. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

M. Christian Bilhac.  - Je suis heureux d'apprendre que les prix n'augmentent plus : ce n'est pas ce que disent les gens que je rencontre, ni ce que je vois quand je fais mes courses... Arrêtons de montrer du doigt les salariés : on leur impose de travailler deux ans de plus, hier on dénonçait les arrêts de travail... Qu'ont-ils donc fait, ceux qui se lèvent le matin pour travailler ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme Laurence Rossignol.  - Bravo !

Événements de Nanterre (III)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Un jeune homme de 17 ans est mort hier : Nahel a été abattu (marques d'agacement sur certaines travées du groupe Les Républicains) par un agent de police, à bout portant. Au nom du GEST, j'adresse nos condoléances à sa famille et ses amis.

Après une nuit de colère dans certaines villes d'Île-de-France, notre rôle est d'appeler au calme, au nom du recueillement, de la justice et de la vérité.

Face aux images, le Président de la République a parlé d'un acte inexcusable et inexplicable. Inexcusable, sans aucun doute. Inexplicable, certainement pas.

Oui, des raisons ont conduit à ce drame : monsieur le ministre de l'intérieur, nous nous souvenons de vos efforts pour combattre, ici même, toutes nos propositions visant à améliorer les rapports entre la police et la population, fidèle à votre doctrine 100 % répressive. Nous nous souvenons de votre acharnement à refuser qu'on filme l'action de la police. Drame après drame, vous défendez la honteuse loi Cazeneuve, qui permet à la police d'ouvrir le feu sur les chauffeurs dans des conditions manifestement trop floues.

Depuis ce texte, les tirs sur véhicule ont augmenté de 40 % ; l'an dernier, treize décès ont été enregistrés suite à un refus d'obtempérer - un triste record. (Marques d'agacement sur les travées du groupe Les Républicains) Cette loi, manifestement trop laxiste, a permis un sentiment d'impunité qui, hier, a conduit au drame.

Si vous voulez le retour du calme que nous appelons de nos voeux, il est temps de revenir sur cette loi. Combien de morts supplémentaires faudra-t-il ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - À la suite du Président de la République et de la Première ministre, je rappelle le sentiment dramatique que nous inspire l'événement d'hier. La justice doit très vite apporter des réponses, et des sanctions seront prises contre un policier, qui, manifestement, d'après les images extrêmement choquantes et les premiers éléments d'enquête sortis dans la presse, n'a pas agi conformément à la législation ni à la déontologie.

En toute chose et en tout temps, monsieur le sénateur, il faut faire preuve de dignité. Il ne peut y avoir de récupération politique au moment où une famille pleure son enfant, où des écoles ont été attaquées, où vingt-quatre policiers ont été blessés et où, partout en France, peut se manifester une émotion, légitime, mais aussi un énervement qu'on ne peut accepter selon les règles de la République.

Vous voudriez légiférer sous le coup de l'émotion. (M. Thomas Dossus le conteste.) Pis, vous profitez de ce terrible drame pour rappeler votre opposition à une loi prise sous François Hollande et Bernard Cazeneuve dans des temps différents, marqués par des attentats terroristes. (Marques d'approbation sur des travées du groupe Les Républicains)

Il est totalement faux de prétendre que les policiers et gendarmes seraient autorisés à tirer sur une voiture. Dans certaines circonstances, quand ils sont en danger de mort, ils peuvent utiliser leur arme.

Ce policier était-il en danger de mort ? L'enquête l'établira. priori, les images montrent que la situation ne correspond pas à la loi de 2017. Loi que je ne cherche pas à justifier particulièrement, n'ayant pas été son auteur, mais surtout trouvant que l'heure est au deuil, au recueillement et à la dignité républicaine. (Applaudissements nourris des travées du groupe Les Républicains jusqu'aux travées du groupe RDPI ; M. Jean-Michel Houllegatte et Mme Sylvie Robert applaudissent également.)

M. Thomas Dossus.  - Il n'y aura pas de paix ni de justice sans vérité. (Exclamations à droite) La vérité, c'est que vous continuez de soutenir la loi qui a conduit à ce drame et qui en entraînera d'autres !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Vous n'êtes pas digne de l'écharpe que vous portez !

Hijab dans le sport (I)

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le sport doit contribuer à la cohésion de la société. Il permet à chacun et à chacune de se réaliser, quels que soient ses origines et son milieu social. J'ai toujours défendu cette vision universaliste du sport. Nous sommes nombreux ici à rester fidèles à l'esprit de Pierre de Coubertin.

Or ces valeurs sont de plus en plus contestées : le collectif Les Hijabeuses revendique le droit de participer à des compétitions officielles de football avec le foulard islamique. Alors que, en Iran, des femmes risquent leur vie pour vivre sans le voile, en France, certaines se battent pour l'imposer sur les terrains...

Ce collectif a attaqué l'article 1er des statuts de la Fédération française de football, interdisant le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance politique, religieuse ou syndicale. Le rapporteur public du Conseil d'État a donné un avis favorable à leur revendication.

Il est essentiel de préserver le sport de tout séparatisme. C'est le sens de la proposition de loi que j'ai déposée en mai 2022. Les islamistes s'engouffrent dans toutes les portes ouvertes, et le sport en est une.

Je ne vous demande pas de commenter une décision que la justice n'a pas encore rendue, mais le Gouvernement est-il prêt à légiférer, si nécessaire, pour clarifier notre droit et garantir la neutralité religieuse dans le sport ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques .  - Laissons, en effet, le Conseil d'État travailler jusqu'au bout, dans le respect de son indépendance. La formation de jugement n'est pas tenue par les conclusions du rapporteur public.

Nous analyserons le sens, la portée et les justifications de cette décision et verrons s'il y a lieu de prendre une initiative politique.

Notre boussole est double : égalité entre les hommes et les femmes et laïcité dans le sport. Nous entendons assurer la neutralité du service public, défendre la liberté de conscience, celle de croire et de ne pas croire, et, par voie de conséquence, lutter fermement contre toutes les formes de prosélytisme et de séparatisme dans le sport.

Nous disposons pour cela d'un outil : le contrat d'engagement républicain. L'année dernière, 3 500 contrôles ont été menés. Nous accompagnons les fédérations et les éducateurs pour lutter plus efficacement contre ces dérives inacceptables.

Nous sommes au côté des clubs pour faire respecter notre modèle sportif et le pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur des travées du RDSE, et des groupes INDEP et UC)

M. Dany Wattebled.  - Au Sénat, nous sommes prêts à légiférer contre les signes religieux dans le sport. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Hijab dans le sport (II)

M. Michel Savin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapporteur public du Conseil d'État s'est donc prononcé pour l'annulation de l'article 1er des statuts de la Fédération française de football, donnant raison à un collectif, les Hijabeuses, et à l'Alliance citoyenne, qui instrumentalisent nos principes républicains.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Très juste !

M. Michel Savin.  - Sans préjuger de l'avis du Conseil d'État, nous sommes vivement inquiets de cette attaque contre le pacte républicain. Nous n'en serions pas là si le Gouvernement ne s'était pas opposé à notre proposition de loi visant à interdire les signes religieux lors des compétitions sportives. Nous avons adopté ce dispositif en 2020, 2021 et 2022. Chaque fois, vous avez rejeté notre initiative, ouvrant la porte aux dérives communautaires. (« Très bien ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Assumez-vous cette faute politique et allez-vous soutenir la proposition de loi que nous avons redéposée en début d'année ? Quelles actions comptez-vous mener vis-à-vis de ces associations qui compromettent notre pacte républicain ? (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques .  - Je rappelle le nécessaire respect de la séparation des pouvoirs, l'affaire juridictionnelle étant en délibéré. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains)

Le Gouvernement est déterminé à préserver la laïcité dans le sport. (Exclamations sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains ; M. François Bonhomme ironise.) Nous serons intransigeants sur le respect de la neutralité du service public, la lutte contre le prosélytisme et le radicalisme et la défense de l'égalité entre les hommes et les femmes.

M. Max Brisson.  - Un texte !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Sur tous ces points, nous regardons dans la même direction. (M. Bruno Retailleau est dubitatif.)

Votre question est légitime, mais prématurée. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous analyserons la décision et ses motivations, puis en tirerons les conclusions, sans rien exclure.

Nous avons étudié avec attention vos initiatives passées, mais elles n'étaient pas toujours présentées sur le bon support juridique (mêmes mouvements ; M. Jacques Grosperrin s'indigne) ni entourées de toutes les garanties rendues nécessaires par la Constitution.

La laïcité est au coeur du pacte républicain.

M. François Bonhomme.  - Arrêtez la tisane !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - En fonction de la décision, nous identifierons les espaces éventuellement nécessaires pour l'action politique. C'est une opportunité de réaffirmer notre cadre d'action, avec les bons éclairages juridiques. (M. Bruno Retailleau se prend la tête entre les mains.)

M. Max Brisson.  - Reconnaissez plutôt vos torts !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre.  - Nous donnerons aux fédérations le contexte clair et homogène qu'elles souhaitent.

Je ne laisserai aucune dérive entacher le sport et je sais pouvoir compter sur vous pour agir en ce sens, ainsi que sur tous les parlementaires attachés au pacte républicain. (M. Alain Richard applaudit.)

M. Michel Savin.  - Stop à l'hypocrisie et au manque de courage politique du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.) Si le Conseil d'État suit le rapporteur public, ce sera une victoire pour celles qui veulent fragiliser un pilier de notre société et une défaite politique pour notre République.

La réponse ne peut se limiter à des contrôles et des signatures de partenariat. L'État doit mettre fin à la spirale communautaire qui est à l'opposé des valeurs du sport et de la République. Madame la ministre, soutenez notre proposition de loi ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP)

Suppression de lignes ferroviaires

Mme Christine Herzog .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe Sylvie Vermeillet à ma question. En 2018, la SNCF a suspendu la liaison directe Metz-Nancy-Lyon (M. Jean-François Husson le confirme) en raison des travaux de la gare de Lyon Part-Dieu, censés durer quatre ans. Elle s'était engagée à repositionner la desserte, qui permettait de gagner du temps, de Luxembourg à Vintimille.

Or voilà que la SNCF annule cette desserte, la renvoyant par tronçon aux conseils régionaux concernés. Elle recommande le TGV Metz-Strasbourg-Colmar-Dijon, qui dessert plus la clientèle frontalière que les habitants de la région. Les contribuables lorrains méritent un égal accès au service public ! On abandonne une ligne française historique, alors que l'État, c'est-à-dire le contribuable, éponge les 35 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau.

Madame la Première ministre, comment pouvez-vous annoncer 100 milliards d'euros d'investissement dans le ferroviaire d'ici 2040 et accepter la suppression de cette ligne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Vous savez l'attention de Clément Beaune à ce sujet. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains)

Alors que la reprise aurait pu s'amorcer, la SNCF a indiqué que le trafic escompté justifiait de ne plus assurer la desserte. Dès cette décision connue, le ministre des transports s'est engagé en faveur de la réouverture de la liaison. Les interrogations portent sur la cadence et le niveau de service.

Nous avons réuni les élus, dont les parlementaires concernés, pour préciser la faisabilité technique ; nous discutons de l'usage temporaire de TER de la région Grand Est par exemple. La date de livraison des trains d'équilibre du territoire (TET) est en discussion.

La réunion se tiendra dans les prochaines semaines. Le plan annoncé par Mme la Première ministre vise à inverser la tendance, après des décennies de sous-investissement sur le réseau. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Cécile Cukierman proteste.)

Parcoursup

Mme Alexandra Borchio Fontimp .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En France, plus de la moitié des étudiants en première année de licence échouent. Que pensez-vous de la casse organisée par Parcoursup ? (Marques d'étonnement)

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Question claire et concise ! (Sourires)

Parcoursup est d'abord un outil d'orientation des étudiants, sur lequel nous travaillons avec le ministre de l'éducation nationale. L'expérimentation de la découverte des métiers sera généralisée l'année prochaine. Nous cherchons à mieux personnaliser, humaniser l'orientation pour que les élèves trouvent leur voie.

Dans le supérieur, la loi Orientation et réussite des étudiants a donné aux établissements des moyens pour les accompagner. Le premier cycle est un enjeu particulier pour nos établissements. Nous avons publié dans Parcoursup les taux d'insertion et de réussite. (M. Max Brisson proteste.) Nous travaillons pour améliorer le dispositif.

Mme Alexandra Borchio Fontimp.  - Encore des annonces conjuguées au futur, comme celles que le Président de la République a faites à Marseille. Les étudiants essaient de déjouer le dispositif avec l'aide des enseignants : inflation inouïe des notes, appréciations dithyrambiques, doubles bulletins notamment.

Avec ses critères de sélection opaques, Parcoursup a déshumanisé le bac au nom d'un impératif technocratique, et désorganisé l'année de terminale, pendant laquelle les élèves ont cinq mois pour se préparer, avec des mois de fin d'année qui ne servent à rien. Cette régression pédagogique aggrave les inégalités et sacrifie notre jeunesse. Le 1er juin est devenu la journée nationale de l'angoisse. Le groupe Les Républicains demande la création d'un véritable service public de l'orientation, qui ne cherche pas à faire obtenir le bac à 100 % des élèves (on s'impatiente sur les travées du RDPI), mais qui permette à chacun de trouver sa voie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Grève au Journal du dimanche

M. le président.  - Cher David Assouline, je vous remercie pour toutes ces années passées au Sénat. Chers collègues, si vous avez un écran pour le vote numérique automatique devant vous, c'est grâce à David Assouline, lorsqu'il était vice-président du Sénat ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, du GEST et du RDPI)

M. David Assouline .  - Pour ma dernière intervention, mon groupe m'a fait l'honneur de me confier une question sur un sujet qui fut au coeur de mon engagement : l'indépendance, le pluralisme et la liberté des médias.

Avec la concentration des médias entre les mains de quelques groupes industriels et financiers dont l'activité principale est souvent étrangère à la presse et à l'information, un empire médiatique se constitue, au service d'une idéologie qui promeut la haine de l'autre. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) Vincent Bolloré (exclamations à droite), en étendant son empire, détruit des rédactions entières - iTélé, Europe 1, aujourd'hui Le Journal du dimanche où, malgré l'opposition de 98 % des journalistes, il veut imposer un directeur débarqué d'un magazine d'extrême droite parce qu'il était trop extrême ! (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)

La situation est grave. Il faut mieux protéger l'indépendance des rédactions. Le Président de la République a promis des états généraux de l'information. C'est pour quand ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Éric Bocquet, Mme Guylène Pantel, MM. Julien Bargeton et André Gattolin applaudissent également.)

M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Au nom du Gouvernement, je salue à mon tour votre action de sénateur. (Quelques « Oh ! » à droite) Fin connaisseur des règles du secteur culturel, vous savez bien que le Gouvernement ne décide pas qui dirige tel ou tel journal. Le contraire serait grave, et vous seriez unanimes à considérer que nous outrepassons nos droits. (Mme Françoise Gatel le confirme.) L'État garantit le pluralisme et la liberté de la presse ; il a subventionné 400 titres l'an dernier.

Faut-il mettre les comités de rédaction à l'abri d'influences extérieures ? La question est légitime. Certains journaux, comme Les Échos, soumettent au vote la désignation du rédacteur en chef. La ministre de la culture et les parlementaires envisagent de renforcer la loi Bloche de 2016. Les états généraux de l'information seront le cadre idoine pour soulever ces questions.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - À quelle date ?

M. Olivier Véran, ministre délégué.  - Je ne peux vous répondre sur ce cas précis, mais sur le cadre général. (Applaudissements sur quelques travées du  RDPI)

M. David Assouline.  - J'ai posé cette question sans esprit polémique. (Exclamations amusées à droite) Il faut un sursaut. Dans un monde où les démocraties sont menacées par le populisme, la liberté de la presse est un enjeu vital, républicain, qui doit nous rassembler. Méditez cette phrase de Victor Hugo : « La liberté de la presse, à côté du suffrage universel, c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l'une, c'est attenter à l'autre ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, du RDPI et du RDSE ; M. Éric Bocquet applaudit également.)

Barreau ferroviaire Roissy-Picardie

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) Pierre Dac disait : « Il faut une infinie patience pour attendre toujours ce qui n'arrive jamais. » À l'étude depuis 1990, en état de mort clinique en 2016 malgré un débat public, réanimé en mars 2017 et promis par Bernard Cazeneuve pour revitaliser l'Amiénois, le barreau TGV Creil-Roissy a été formellement acté le 12 août 2019 par un courrier adressé du Président de la République au maire d'Amiens, pour une mise en service en 2025. Le financement, passé de 310 à 580 millions d'euros, est bouclé avec une participation de l'État de 51 %, et des collectivités. L'Union européenne devait abonder 80 millions d'euros, mais elle a rejeté cette demande à deux reprises.

Je reprends donc les propos du président de l'Association des maires de France sur les défaillances : État, y es-tu ? Entends - tu ? Que fais-tu ?

Peut-on avoir confiance dans les engagements du Président de la République ? (« Non ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Le Gouvernement est-il encore crédible ? (Dénégations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) L'État peut-il contraindre SNCF Réseau à respecter le calendrier ? La France a-t-elle encore une présence efficace au sein de l'Union européenne ? (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Il est singulier de pointer la responsabilité du Président de la République, alors que vous avez rappelé le point de départ des inquiétudes des élus. La note de 19/25 attribuée par l'Union européenne n'a pas permis le financement, notamment à cause du manque de précisions et d'autorisations. Mais point positif, la Commission européenne reconnaît l'intérêt européen du projet. Nous pourrions donc redéposer une demande avant le 1er janvier 2024, pour un dossier de financement bouclé en octobre, et une mise en service en 2025.

Clément Beaune a eu le président Xavier Bertrand au téléphone : non seulement le soutien du Gouvernement reste entier, mais notre engagement, sur ces 6,5 kilomètres, est renforcé. Le refus de la Commission européenne ne doit pas nous diviser : chercher ces crédits est notre priorité.

M. Jérôme Bascher.  - Et sinon ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - Ce projet est reconnu d'intérêt européen ; nous devons rester soudés. Vous exprimez un ras-le-bol : montons à bord dans cette nouvelle bataille. Ce projet, nous le ferons. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. Laurent Somon.  - Vous répétez les paroles du ministre : « ce projet, on le fera ». Mais on avance à la vitesse de la draisine. « Savoir qu'on n'a plus rien à espérer n'empêche pas de continuer à attendre », comme le dirait Proust... Les trains doivent arriver à l'heure dans la ville natale du Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

Wagner et place de la France en Afrique

M. François Bonneau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit également.) Les récents événements impliquant le groupe paramilitaire Wagner ne manqueront pas d'avoir des conséquences en Afrique. Au Soudan, en République centrafricaine, au Mali et au Mozambique, Wagner développe un panel d'activités, de la protection des États à l'exploitation des ressources naturelles en passant par la désinformation, principalement anti-française. Mais la rupture avec le Kremlin devrait déstabiliser le groupe.

Les activités sanglantes de Wagner sont largement financées par l'exploitation des ressources naturelles. C'est pourquoi les États-Unis viennent d'annoncer un renforcement des sanctions contre cette organisation. La France doit accentuer sa coopération avec les États africains, notamment dans le golfe de Guinée, contre les milices incontrôlables. Comment la France agira-t-elle pour soutenir nos partenaires africains et protéger ses intérêts ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger .  - Veuillez excuser l'absence de la ministre Colonna, qui m'a chargé de vous répondre.

Wagner n'est pas une société militaire privée mais un groupe criminel mafieux, qui en a les méthodes, sur lequel la Russie s'appuie pour mener des opérations que son armée ne peut conduire. Wagner a érigé les violations des droits de l'homme en principe de son action, et renforcé la menace terroriste qu'elle prétendait combattre. C'est un véritable fléau dont le seul objectif est de piller, au prix d'exactions atroces. J'en veux pour preuve le rapport de l'ONU sur le massacre de 500 civils à Moura, au Mali, en mars 2022.

Oui, nous continuerons à imposer des sanctions européennes et dirons aux pays qui ont fait le choix de Wagner qu'ils peuvent s'en détacher, car rien de bon ne peut sortir du chaos. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)

M. Olivier Cadic.  - Très bien !

M. François Bonneau.  - Oui, la dictature russe n'a de cesse de critiquer nos démocraties alors que c'est elle qui est pourrie de l'intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe INDEP)

Apprentissage dans la fonction publique territoriale

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'an passé, l'apprentissage a atteint un record, avec 800 000 contrats signés. Mais dans la fonction publique territoriale, les communes rurales peinent à recruter des apprentis, car les financements ne suivent pas : 18 000 intentions de recrutement recensées en 2022, quand le budget ne permet d'en financer que 10 000.

Une circulaire de mars dernier précisait les objectifs d'embauche et annonçait la baisse progressive de la participation de France Compétences aux frais de formation, de 15 millions d'euros aujourd'hui à 5 millions en 2025. Les maires et les centres de formation dont les Maisons familiales rurales s'en sont émus. Ce n'est pas faute de vous avoir avertis.

Mme la Première ministre dit viser le million d'apprentis, or il subsiste un décalage entre l'ambition et les moyens. Même le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) insiste sur l'insuffisance des financements. Le Gouvernement va-t-il revoir ses objectifs et apporter des moyens à la hauteur des besoins des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Nous avons fait la révolution de l'apprentissage dans la fonction publique, qui n'accueillait aucun apprenti il y a encore quelques années. Cela mérite un satisfecit collectif. Dans les collectivités, les hôpitaux, les administrations, les recrutements sont massifs : 30 000 en 2022.

L'État maintient son engagement auprès des employeurs territoriaux : 15 millions d'euros de mon ministère, autant de France Compétences. L'objectif de 8 000 apprentis dans la fonction publique territoriale a été dépassé. Nous allons signer une nouvelle convention pour 2023-2025 avec le CNFPT, qui s'engage à financer au moins 9 000 apprentis par exercice ; les crédits de mon ministère seront maintenus, soit 45 millions d'euros sur les trois prochaines années, pour donner de la visibilité.

Mais je ne veux pas m'arrêter là : l'apprentissage doit être une vraie voie de prérecrutement. Comment expliquer qu'après dix-huit mois d'apprentissage, il faille passer par la case concours pour être titularisé ? Je ferai des propositions pour lever cette obligation de concours et permettre une titularisation directe à la fin du contrat d'apprentissage. C'est ainsi que nous gagnerons la bataille de l'apprentissage. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Guillaume Chevrollier.  - Le désengagement unilatéral de l'État pèse sur les finances des collectivités territoriales : encore un transfert de charges, inacceptable pour les collectivités et dommageable pour les jeunes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Concessions d'autoroute

M. Olivier Jacquin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST) Tiendrez-vous vos engagements, monsieur le ministre des transports ? Le 22 mars, Bruno Le Maire annonçait saisir le Conseil d'État pour étudier une réduction de la durée des concessions autoroutières. Il écartait de fait les deux autres options suggérées par un rapport de l'Inspection des finances révélé par le Canard enchaîné : la baisse du prix des péages et le prélèvement sur les bénéfices.

La semaine dernière, toujours par voie de presse, nous avons appris que le Conseil d'État privilégierait une hausse de la fiscalité sur les concessions - que le ministre qualifiait, en mars, d'impasse...

Compte tenu du caractère stratégique des autoroutes et à moins de dix ans de la fin des premiers contrats, publierez-vous la saisine et l'avis du Conseil d'État, comme vous vous y étiez engagés auprès de notre collègue députée Christine Pires Beaune le 3 mai dernier ?

Quand allez-vous enfin lancer les assises des autoroutes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Je ne suis pas surpris que cette question émane de vous. Souffrez que je remplace M. Beaune.

Vous avez parfaitement résumé les épisodes précédents. Ici comme en commission, nous avons rappelé le cadre juridique particulier des concessions. Le Conseil d'État a été saisi de deux questions. Peut-on raccourcir unilatéralement la durée de la concession ? Le Conseil d'État y répond par la négative, car on ne peut apprécier la rentabilité sur une partie du temps seulement : il faudrait une compensation intégrale, de dizaines de milliards d'euros.

Deuxième question : peut-on taxer ? Depuis le contrat de concession, l'impôt sur les sociétés a baissé de 33 % à 25 % ; le calcul de la rentabilité se fondait sur le premier taux. Selon le Conseil d'État, c'est possible, mais il faut considérer toutes les concessions nationales de façon homogène, autoroutes et autres. Sous cette réserve, des dispositifs fiscaux sont possibles. Nous travaillons au financement de la transition écologique, qui passe par le verdissement de dépenses brunes. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Olivier Jacquin.  - Merci de la précision de votre réponse. Vous assumez d'être favorable aux concessions et de défendre un modèle déséquilibré, qui oblige à quémander des ristournes pour les usagers spoliés. L'État régulateur doit reprendre la main, préparer l'après-concession : réécrire les contrats, c'est cinq ans de travail.

D'autres modèles existent. Notre groupe propose un Epic Routes de France. Débattons-en : c'est dans l'intérêt des Français, des territoires et du climat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)

Projet de Bosch dans l'hydrogène

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 8 novembre 2022, le Président de la République fixait l'objectif d'un renforcement de la stratégie hydrogène sous six mois. Nous y sommes. Or le 23 juin, Bosch Allemagne annonçait la suspension de son projet FresH2, « jusqu'à ce que le marché de l'hydrogène soit établi durablement ». C'était le projet de reconversion industrielle du site d'Onet-le-Château, condamné en 2020 par l'abandon précipité du diesel.

Cette déclaration, nouveau coup de tonnerre dans le ciel aveyronnais, viole les engagements pris auprès des élus locaux, des syndicats et de l'État et condamne les 250 derniers emplois du site, reconvertis sur les technologies hydrogène. Mais aucune déclaration de la part du Gouvernement.

Alors que vous prétendez construire en France une filière hydrogène créatrice de milliers d'emplois, que fait votre Gouvernement pour l'usine Bosch d'Onet-le-Château et les 250 emplois aveyronnais à pérenniser ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Merci pour cette question qui me permet de m'exprimer publiquement. La sortie du thermique est un vent de face pour l'industrie automobile. D'ici 2035, il nous faut adapter notre appareil productif. Bosch est un acteur important, avec 6 000 emplois en France dont 1 200 en Aveyron. Sa récente décision sur le projet de diversification dans l'hydrogène ne doit rien changer aux engagements pris dans le cadre d'un accord courageux avec les salariés en décembre 2021.

J'ai échangé avec les députés, la présidente de région, le maire de Rodez, le président du département : nous sommes tous alignés. Bosch doit tenir ses engagements. J'ai déjà pris contact avec la direction allemande de Bosch. Hydrogène ou autre chose, nous attendons le maintien de 500 emplois sur ce site en 2028. Je m'y engage et vous tiendrai informé de l'avancée des discussions. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

M. Jean-Claude Anglars.  - Merci pour ces réponses. J'allais vous inviter à venir en Aveyron avec M. Dupond-Moretti pour expliquer cela aux élus locaux et aux syndicats.

M. Antoine Lefèvre.  - En covoiturage !

Protection des maires contre les pressions

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Somon applaudit également.) La récente expulsion de M. Abderrahim Sayah, citoyen algérien, imam salafiste de la mosquée As-Sunnah à Hautmont, qui légitimait le djihad armé et appelait à la commission d'actes terroristes, est une bonne nouvelle. C'est le témoignage de la volonté de l'État. Je salue les prises de position du préfet, mais surtout le courage du maire d'Hautmont, Stéphane Wilmotte, qui a refusé le mariage de cette personne qui aurait sans doute empêché son expulsion.

Or il s'est trouvé, pour cela, l'objet de menaces et d'intimidations. Pourquoi la manifestation de soutien à Abderrahim Sayah, qui ne visait qu'à faire pression sur le maire, a-t-elle été autorisée dimanche ? Les violences physiques contre les élus sont intolérables, mais les violences psychologiques le sont tout autant. Comment voyez-vous l'accompagnement de l'État auprès de maires confrontés à des mariages de complaisance, voire forcés ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Merci d'avoir souligné l'action de l'État. M. Sayah, depuis trop longtemps, prônait un islam salafiste et faisait l'apologie du terrorisme. Je remercie, moi aussi, le maire Stéphane Wilmotte pour son travail très courageux. Avec le préfet et nos services de renseignements, il a rétabli l'ordre public et une certaine idée de la France.

Menacé, le maire a été reçu par le préfet du Nord il y a 48 heures, qui lui a réitéré son soutien. J'ai demandé à ce dernier d'interdire la prochaine manifestation et de se saisir, au titre de l'article 40, de la loi contre le séparatisme pour poursuivre ceux qui font pression sur le maire et son conseil municipal. Certains policiers qui ont participé aux interventions ont vu leur nom publié ; c'est inacceptable, et j'ai demandé au préfet d'agir.

Quand il procède à un mariage, le maire agit en lien avec le procureur. Il faut que les enquêtes de moralité puissent servir à motiver les décisions de refus, quand on soupçonne une instrumentalisation du mariage. Je précise que le mariage ne permet plus le maintien sur le territoire de personnes sous obligation de quitter le territoire français (OQTF). Nous nous donnerons les moyens, également, de protéger les maires. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Déclaration d'occupation des biens immobiliers

M. Jean Louis Masson .  - En raison de l'incohérence du recensement des logements assujettis à la taxe d'habitation, 40 % des contribuables n'ont pas répondu, dont les millions de foyers qui continuent à déclarer sur papier, qui n'ont même pas été informés. Une circulaire d'une totale mauvaise foi les incite à se renseigner auprès des services fiscaux ou d'un numéro en 08 - or les files d'attente sont de plusieurs heures, et le numéro national toujours occupé ! En une seule journée, plus de 94 000 personnes ont été victimes de cette incurie ; dans les seules Bouches-du-Rhône, 20 000 courriers sont en attente de réponse.

Une fois de plus, Bercy marginalise ceux qui n'ont pas accès au numérique. Pourquoi le formulaire papier prérempli n'a-t-il pas été adressé par la poste aux contribuables concernés ?

Plusieurs directeurs départementaux ont annoncé qu'il n'y aurait pas de pénalité financière en 2023 en cas de non-réponse. Pouvez-vous le confirmer - par oui ou par non, et non en m'apportant une réponse filandreuse ? (Rires sur plusieurs travées)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - La suppression de la taxe d'habitation, décidée en 2019, s'est accompagnée de la mise en place d'une déclaration d'occupation. Celle-ci est importante pour les communes qui continuent à percevoir la taxe d'habitation sur les résidences secondaires - qu'elles pourront désormais majorer de 60 %.

Cela suppose de savoir précisément quelles sont les résidences principales, exemptées, et quelles sont les résidences secondaires, taxables. Les communes sont les premières à y avoir intérêt.

La déclaration d'occupation entraîne, en effet des difficultés : tout le monde n'a pas l'habitude de manier les données cadastrales. C'est pourquoi nous avons prolongé le délai d'un mois. Voilà qui répond à votre question.

M. Jean Louis Masson.  - Pas du tout !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Nous n'entendons pas pénaliser les contribuables de bonne foi, mais les accompagner. Je salue les agents des finances publiques qui répondent à des centaines de milliers d'appels, qui ont rempli eux-mêmes des centaines de milliers de déclarations pour les contribuables.

M. Mickaël Vallet.  - Avec des centaines de postes en moins !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Après un pic, les appels ont diminué de 40 % en une semaine, les files d'attente se réduisent. Si nous avons accordé un délai supplémentaire, c'est pour aider les contribuables à remplir cette déclaration, pour que les communes perçoivent les recettes auxquelles elles ont droit. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean Louis Masson.  - Je vous ai demandé pourquoi il n'y avait pas eu d'envoi papier, et s'il y aurait des pénalités financières, oui ou non ? Vous ne m'avez pas répondu ! C'est honteux, vous vous moquez du Parlement, monsieur le ministre !

La séance est suspendue à 16 h 25.

Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 16 h 35.