Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et à une valeur pratique : le respect du temps de parole.

Violences urbaines (I)

M. Xavier Iacovelli .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Quatre jours de violences et d'émeutes, de vols et de pillages, de violences et d'incendies. Que cela dit-il de notre société ? Le quartier où j'ai grandi, où je réside, est devenu un champ de bataille.

Je salue tous les maires de mon département des Hauts-de-Seine et de France, de toutes les sensibilités ; les élus locaux, en première ligne comme toujours (applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Pierre Sueur et Mme Colette Mélot applaudissent également), n'ont pas failli. Ils ont évité que tout ne s'embrase.

Il y a eu un mort, un jeune, et nous sommes émus et choqués. La justice fera son travail. Mais la justice, ce n'est pas attaquer les forces de l'ordre - 800 gendarmes, policiers et pompiers blessés - incendier des écoles et des crèches, piller ou brûler les voitures, ce n'est pas menacer la vie des élus et de leur famille.

Comment accepter que certains prônent le chaos et l'insurrection, pour gagner un pouvoir qu'ils n'ont pas réussi à conquérir par les urnes ? (« Très bien ! » sur les travées du groupe Les Républicains)

Ces individus ne sont ni insurgés ni insoumis, ils font le choix de la violence non par fatalité mais par facilité.

Il faut refonder notre pacte républicain. Un sursaut civique est nécessaire ; il faut y associer les élus locaux, incontournables. Quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour les soutenir ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - La mort tragique d'un jeune homme de 17 ans à Nanterre a provoqué une émotion légitime. Mais cette émotion ne peut servir de prétexte à des violences inacceptables : incendies de mairies, d'écoles, pillages de magasins, élus pris pour cible - j'ai une pensée particulière pour le maire de L'Haÿ-les-Roses. J'apporte mon soutien aux gendarmes, policiers et pompiers, je salue la mobilisation des magistrats et greffiers. Nous sommes aux côtés des maires. Notre priorité absolue est le retour de l'ordre républicain.

Notre action est appuyée sur trois piliers. D'abord, la mobilisation des forces de l'ordre, avec 45 000 policiers et gendarmes sur le terrain. Ensuite, la fermeté de la réponse pénale, la responsabilisation des réseaux sociaux et le rappel de la nécessaire responsabilité et autorité parentales. Certains des auteurs de ces faits sont très jeunes.

La violence décroît depuis quelques nuits, la situation revient à la normale. Avec le ministre de l'intérieur, nous restons vigilants et adaptons très progressivement notre dispositif de sécurité.

Nous sommes mobilisés auprès des élus pour les accompagner dans les réparations. Comme le Président de la République l'a dit hier, nous les soutiendrons financièrement et par l'accélération des procédures. Nous répondrons présents. Cette crise appelle aussi des réponses de fond, un dialogue partagé et une réponse collective. Le Sénat, je n'en doute pas, y prendra toute sa part. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Violences urbaines (II)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La semaine dernière, un enfant est mort tragiquement. Nous pensons à la famille de Nahel. Cette mort a eu des conséquences terribles : des quartiers se sont embrasés, partout sur le territoire, dans les grandes villes comme dans de petites communes. Les forces de l'ordre ont rétabli le calme, il faut les en remercier. Une colère compréhensible s'est transformée en haine aveugle.

Les sénateurs socialistes ont appelé au calme, car la République ne peut exister sans ordre - mais elle ne peut se résumer à l'ordre. Le concours Lépine des déclarations nous sidère : « deux claques et au lit », une dose de « régression ethnique »... Tout cela ne fait pas un remède : c'est l'incendie après l'incendie. (On s'agace sur les travées du groupe Les Républicains.)

Une grande partie de la jeunesse paie notre échec collectif. Les causes sont multiples et variées. Il faut nous poser les bonnes questions, pour apporter les bonnes réponses : je pense à la politique de la ville, aux discriminations, au rôle des maires, aux relations entre la police et la population (M. Roger Karoutchi désapprouve), entre autres.

Après le Beauvau de la sécurité fin 2020, nous avons voté la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) qui en était l'aboutissement. Mais la population est loin d'être réconciliée avec la police : comment améliorer les relations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - À Nanterre, il y a eu un drame. Mes premiers mots étaient de transparence et d'équilibre. Si nous soutenons les forces de l'ordre, il faut savoir dire les choses. La justice passe. Le policier, toujours présumé innocent, a été placé en garde à vue puis mis en examen : il existe des indices graves montrant qu'il est responsable de la mort de ce jeune homme, en dehors des lois de la République et de la déontologie.

Je pense aussi aux 800 policiers, gendarmes et pompiers blessés durant les émeutes.

Pourquoi attaquer des sapeurs-pompiers, qui ne procèdent à aucun contrôle, des policiers municipaux - 78 postes attaqués - ou des élus ? Ont-ils tutoyé les délinquants ? Pourquoi s'en prendre à des médiathèques, des écoles, des commerces ? Ne cherchons pas toujours des excuses dans le comportement de la police. (« Bravos ! » répétés sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)

Si elle doit se réformer, monsieur Durain, il faut aussi éviter d'en faire un bouc émissaire. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées)

M. Franck Montaugé.  - Il n'a pas dit ça !

M. Jérôme Durain.  - Alors que des vents mauvais et sécuritaires soufflent (vives protestations à droite) et que des syndicats policiers s'égarent dans des tracts inquiétants, nous vous demandons, monsieur le ministre, de tenir bon sur les principes républicains. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE et du GEST)

Plan Borloo

M. Bernard Fialaire .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Madame la Première ministre, comme le Président de la République l'a dit hier devant 200 élus, même si le calme est revenu, on ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé.

Les événements étaient prévisibles. Un premier diagnostic avait été porté avec l'appel de Grigny en 2017 ; Jean-Louis Borloo, après son plan Banlieues en 2018, avait donné l'alerte en 2021. Certaines de ses recommandations ont été reprises : les cités éducatives notamment, le dédoublement des classes de CP et CE1 en REP (réseau d'éducation prioritaire) et REP+. Mais peut-on vraiment dire, comme le Président de la République l'a fait, que 75 % du plan ont été mis en oeuvre ? (Mme Jocelyne Guidez ironise.)

Ce n'est pas le Président de la République, seul à l'Élysée, qui pourra régler les problèmes. Le rappel à l'ordre ne suffira pas non plus.

C'est en conjuguant toutes nos forces que nous nous en sortirons : État, départements et régions, caisses de sécurité sociale, Action Logement, chambres consulaires, monde associatif... Voilà la grande coalition à faire pour la justice, la jeunesse, l'habitat, l'énergie, la lutte contre le changement climatique. Il faut un chef de file pour chacun des dix-neuf chantiers identifiés par le plan Borloo, et un pilote.

L'heure est à l'action, et non plus aux paroles d'experts.

Madame la Première ministre, vous vous dites à l'écoute. Les propositions ont été faites. Comment les mettez-vous en oeuvre ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains ; Mmes Cécile Cukierman et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Le message de retour au calme doit être porté par tout notre pays : c'était la priorité.

Ensuite, nous devons continuer à travailler ensemble pour les quartiers populaires. Un certain nombre d'entre vous ont participé, comme moi, au travail de Jean-Louis Borloo.

Un grand nombre de ses propositions ont été mises en oeuvre, comme la relance de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) : entre 2017 et 2022, les sommes consacrées aux quartiers populaires sont passées de 5 à 12 milliards d'euros. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.) C'est le retour financier de l'État dans l'Anru, dont il était sorti sous les deux quinquennats précédents.

M. Philippe Pemezec.  - On voit que c'est efficace...

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Oui, nous avons mis en oeuvre la généralisation des cités éducatives, le dédoublement des grandes sections, CP et CE1, la scolarisation plus précoce dans les quartiers populaires, les emplois francs, au nombre de cent mille aujourd'hui, les Micro-folies dans les quartiers (Mme Catherine Morin-Desailly proteste)...

Mme Pascale Gruny.  - Cela ne suffit pas !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Le Pass'Sport... (L'agacement monte sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La priorité était de revenir à la concorde et au calme, et c'est ce que fait le Gouvernement. (M. François Patriat applaudit.)

M. Bernard Fialaire.  - Il faut vraiment un pilote dans l'avion. Chaque chantier doit avoir un chef de file. C'est ensemble que nous nous en sortirons.

Politique de la ville (I)

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) Nahel, 17 ans, est mort, abattu à bout portant ; (marques de désapprobation à droite) c'est inacceptable. Le domicile d'un maire a été attaqué ; c'est inqualifiable.

Chaque jour, les habitants, les commerçants, les élus font le bilan, réparent, disent leur refus de la violence. Mais qui peut croire qu'il suffit de réprimer, de mettre en cause les familles pour tourner la page ?

Ouvrons les yeux et regardons ces quartiers qui restent relégués, malgré les milliards d'euros déversés dans la rénovation urbaine : beaucoup pour le bâti, pas assez pour l'humain... Dans ces quartiers, 57 % des habitants sont sous le seuil de pauvreté, il y a 18 % de mères seules, deux enfants sur trois qui ne partent pas en vacances.

Les hommes naissent égaux, mais c'est moins vrai quand on naît pauvre, noir ou arabe... Comment accepter qu'une grande partie de la jeunesse et la police se regardent en ennemis ? C'est pour cela qu'en 2005, Zyed Benna et Bouna Traoré sont morts en se réfugiant dans un transformateur. (Murmures de désapprobation sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

Nous en sommes toujours là. Il faut une intelligence collective au chevet de notre République malade.

Les enfants des quartiers en difficulté doivent se sentir tous et toutes enfants de la République, pour reprendre les mots de Jacques Chirac. Prendrez-vous l'initiative d'un travail collectif, ou reculerons-nous à nouveau devant l'obstacle ? (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que des groupes SER et CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Ces émeutes ne sont pas celles de 2005. Les mots de Jacques Chirac que vous avez convoqués sont à l'origine de l'Anru et de la politique de la ville. Or sur les 553 communes touchées par des dégradations, 169 ne sont pas en zone Politique de la ville. Résumer les émeutes aux problèmes des quartiers, c'est s'aveugler.

Je vous invite à mon tour à ouvrir les yeux sur les 838 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers blessés, sur les 2 500 bâtiments publics incendiés, sur les 4 000 jeunes interpellés, d'un âge moyen de 17 ans. Ouvrir les yeux, c'est se demander comment des enfants de 13 à 14 ans peuvent se promener la nuit avec un bidon d'essence.

Mme Jocelyne Guidez.  - Tout à fait !

M. Jérôme Durain.  - C'est se poser des questions !

M. Christophe Béchu, ministre.  - C'est se demander comment on peut utiliser des mortiers d'artifice, tirer au 9 mm sur des policiers à Nîmes, (applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains) comment certains refusent d'appeler au calme.

Ouvrir les yeux, c'est aussi parler de la suite. Ce n'est pas seulement une question de milliards, pas plus que l'on ne peut résumer la question aux allocations familiales. Il faut un diagnostic. Stigmatiser les quartiers, c'est laisser penser qu'ils sont enfermés. Nous ne sommes pas dans une logique de photo, mais d'évolution. Ne nous trompons pas. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, des groupes INDEP et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Violences urbaines (III)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Martin Lévrier applaudit également.) Les violences de ces derniers jours ont été condamnées par la quasi-totalité des formations politiques. Seule, une fois de plus, l'une d'entre elles s'en est exemptée. Les dirigeants de La France soumise à l'émeute ont confirmé qu'ils sont les ânes de Troie du séparatisme. (Rires et applaudissements à droite)

En demandant qu'on épargne écoles et bibliothèques, ils ont autorisé les émeutiers à brûler tout le reste. Ils prétendent défendre la République, mais leur but est de la faire tomber ! (Assentiment à droite)

Depuis un an, leurs convulsions à l'Assemblée nationale les discréditent - ainsi que, hélas, le Parlement. Mais cette fois, c'est la fois de trop : le peuple français s'en souviendra longtemps, comme leurs alliés politiques, désormais honteux d'une alliance contre nature. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du RDPI et du RDSE)

Quant aux protestations des despotes de Turquie, d'Algérie ou d'Iran, elles donnent la nausée.

Enfin, la responsabilité des réseaux antisociaux dans la propagation des violences est telle que le Président de la République a dû les convoquer. Barack Obama disait qu'ils sont devenus l'une des principales menaces contre nos démocraties : la preuve est faite.

Madame la Première ministre, vous avez condamné l'attitude d'un parti antidémocratique, gouverné par un satrape colérique et omnipotent. (Rires et assentiment à droite) Vous avez dit qu'il était sorti du champ républicain : vous avez eu raison.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

M. Claude Malhuret.  - Envisagez-vous de mettre de l'ordre dans la jungle des plateformes, qui ne doivent plus invoquer la liberté d'expression pour se rendre complices d'appels à l'émeute ? Allez-vous demander à la ministre des affaires étrangères de protester contre les ingérences de dictateurs qui se permettent de nous donner des leçons de démocratie ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que du RDPI et du RDSE)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Le drame de la mort d'un jeune homme de 17 ans ne peut justifier ou excuser aucune violence. Comme sa famille et comme les élus du territoire, nous ne demandons qu'une chose : la justice, qui n'est jamais venue de la violence.

Pendant une semaine, des actes inacceptables ont touché des centaines de communes. Les forces de l'ordre, les sapeurs-pompiers et des élus ont été pris pour cible ; des mairies, des écoles et des équipements publics ont été vandalisés, et des commerces pillés.

Nous avons tout mis en oeuvre pour rétablir l'ordre républicain, autour d'un principe : le refus de l'impunité. C'est ce que nous demandent les habitants des quartiers touchés, premières victimes des violences. Les 6 millions d'habitants des quartiers n'ont rien à voir avec quelques milliers de délinquants.

Près de 4 000 personnes ont été interpellées. Le garde des sceaux a demandé aux procureurs une réponse rapide et ferme. Hier soir, près de 1 000 personnes avaient été présentées à la justice, et plus de 350 étaient en détention. La réponse pénale a été forte, avec des peines de prison ferme et des incarcérations.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Le garde des sceaux a pris une circulaire sur le traitement des infractions commises par les mineurs et l'engagement de la responsabilité des parents.

Oui, les réseaux sociaux facilitent parfois l'organisation des violences ; ils ont souvent une responsabilité dans la désinhibition des jeunes. C'est pourquoi le Gouvernement a demandé à toutes les plateformes de retirer les contenus illicites et d'être vigilantes sur certaines fonctionnalités, comme la géolocalisation. Nous veillons à ce que les titulaires de comptes ayant participé à des violences soient identifiés et poursuivis.

D'autres réponses, de plus long terme, devront être apportées. C'est l'objet du règlement européen sur les services numériques et du projet de loi pour sécuriser et réguler l'espace numérique, en cours d'examen devant votre assemblée. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

Violences urbaines (IV)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Duffourg applaudit également.) Vous avez raison, madame la Première ministre : une mort tragique ne peut servir de prétexte. Ces nuits de chaos nous imposent une double réponse : maintenant, la République doit serrer les rangs ; demain, le Gouvernement devra ouvrir grand les yeux.

Tant que l'ordre républicain ne sera pas rétabli, la seule attitude républicaine consiste à serrer les rangs, à soutenir sans réserve les forces de l'ordre, les sapeurs-pompiers et, bien entendu, les élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC et du RDPI)

Elle consiste aussi à laisser travailler le Gouvernement, et d'abord le ministre de l'intérieur, pour rétablir l'ordre républicain. À mon tour, je condamne ces élus de l'extrême gauche, professionnels de l'excuse sociale, qui ont choisi leur camp : non pas celui de la République, mais celui des émeutiers.

Ensuite, le Gouvernement devra ouvrir grand les yeux, établir le bon diagnostic, appeler un chat un chat. Un émeutier n'est pas un déshérité ; un délinquant, pas une victime. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame.)

Madame la Première ministre, quelles sont, pour vous, les causes de ces émeutes ? Quels remèdes comptez-vous leur apporter ? La France tranquille n'accepte plus de passer à la caisse pour des minorités qui saccagent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Alain Marc applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Face aux violences inexcusables qui ont touché plusieurs centaines de communes, notre premier objectif a été le retour de l'ordre républicain.

Nous avons mis en place des moyens exceptionnels. Grâce à la mobilisation rapide de l'État, au courage des forces de l'ordre et des sapeurs-pompiers et à la mobilisation des élus locaux, la situation revient progressivement à la normale.

Face à la crise, nous avons un devoir d'unité. Je salue l'attitude républicaine de votre famille politique, qui a dénoncé les violences et appelé au calme.

M. Pierre Cuypers.  - C'est bien la moindre des choses !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Au-delà de l'urgence, nous devons nous pencher sur les causes profondes de cette crise, prendre la mesure de la complexité de la réalité. Un tiers des communes ayant connu des violences n'ont pas de quartier Politique de la ville, et la moitié des villes où sont menées des opérations lourdes de rénovation urbaine n'ont pas connu de violences.

La quasi-totalité des six millions d'habitants des quartiers expriment leur incompréhension et leur colère. Je l'ai mesuré à Garges-lès-Gonesse, Évry et Bezons. Ils aspirent à la sécurité, à des services publics de qualité, à être, sans distinction d'origine, des acteurs de la République.

Ensemble, nous devrons nous interroger sur le respect de l'autorité, l'exercice de l'autorité parentale, l'influence des réseaux sociaux et l'efficacité des politiques publiques. Nous mènerons ces réflexions sans a priori ni excès, sans tabou ni bouc émissaire, avec tous les élus qui veulent agir et partagent les valeurs de la République. C'est ensemble que nous trouverons des solutions. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bruno Retailleau.  - Le temps nous est compté. Les causes sont connues : c'est la somme de tous nos renoncements, de tous nos laisser-aller. Je pense à la faillite de l'école et de l'autorité parentale, au chaos migratoire bien sûr (murmures désapprobateurs à gauche) et à une réponse pénale souvent inadaptée pour les mineurs. Ayez le courage de traiter les causes, au lieu de vous contenter de sortir le carnet de chèques ! (On signale à gauche que l'orateur a dépassé son temps de parole.)

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Bruno Retailleau.  - Si vous avez ce courage, nous serons à vos côtés. Sans ce courage, la France rebrûlera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Politique de la ville (II)

Mme Amel Gacquerre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Quand la violence gagne, c'est que la politique recule. Partout, l'État a abandonné ou mal assuré une de ses missions régaliennes : préserver la sécurité et la paix civile. Il faut, d'abord, rétablir cette politique prioritaire, qui conditionne toutes les autres.

La politique de la ville vise à restaurer l'égalité républicaine entre les quartiers. Malgré l'engagement des acteurs de terrain et des élus, cette promesse n'est plus tenue. Le dernier plan Borloo a malheureusement été enterré dès sa présentation.

M. Bernard Jomier.  - C'est vrai !

Mme Amel Gacquerre.  - Depuis lors, aucune stratégie ne se dégage. Certes, l'enveloppe Anru a augmenté, mais nous sommes dans le flou sur le plan Quartiers 2030 et le dernier comité interministériel des villes n'a accouché d'aucune annonce.

Il faut avoir le courage de mener enfin une politique de long terme, en commençant par regarder la vérité en face. Un état des lieux de ces quartiers est nécessaire en matière d'éducation, d'emploi, de santé, de mobilité, de sécurité et de logement - facteur central dans l'intégration des plus fragiles.

Quelles sont vos intentions concrètes à court terme pour les quartiers prioritaires et quid des contrats de ville 2024-2030 ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jacques Fernique et Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Il faut considérer aussi ce qui a été fait : 350 000 élèves dans des classes dédoublées, 200 cités éducatives, une plateforme pour les stages, des dispositifs de lutte contre les discriminations et assignations à résidence. Au-delà de l'augmentation des crédits de l'Anru, 2,5 milliards d'euros ont été investis pour ces quartiers dans le cadre du Plan de relance et les crédits du programme 147 ont crû de 30 %. Je le rappelle en ayant conscience qu'entre ces chiffres et la réalité des chantiers qui ont commencé, il peut y avoir un écart.

En matière de sécurité, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) prévoit l'embauche de 8 500 policiers supplémentaires. De même, 8 000 postes supplémentaires sont créés pour la justice. Les nouvelles brigades de gendarmerie se déploient.

Vous avez parlé des réflexions autour du plan Quartiers 2030. Je ne reprendrai pas les mots de M. Retailleau ni ceux de la Première ministre, mais, sans m'élever au-dessus de ma condition, j'emploierai les miens. C'est, en quelque sorte, une chance que nous prenions le temps de dresser un diagnostic avant de finaliser ce plan. Car si les chèques et les plans précèdent l'analyse des causes, nous nous tromperons - c'est aussi l'ancien maire d'une ville avec sept quartiers politique de la ville qui parle.

Avant de lancer des plans pour des années, soyons certains de mettre les moyens au bon endroit. École, autorité, responsabilité parentale, association des acteurs : ces questions doivent être au coeur de nos réflexions. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

Réponse de l'État après la mort de Nahel

M. le président.  - Je salue l'action de Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris depuis 2011. Elle a poursuivi au Sénat son engagement de ministre sur les questions de logement. J'ai particulièrement apprécié de l'avoir à mes côtés, comme vice-présidente du Sénat. (Applaudissements prolongés)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Merci, mes chers collègues.

Madame la Première ministre, il est grand temps de prendre en compte l'exaspération de tous les Français. Elle a des causes multiples : sociales, d'abord, mais aussi liées au délitement de l'État républicain et de nos services publics.

Le mécontentement est grand face à l'impuissance de l'État à faire respecter les droits, le droit, à assurer l'efficacité des services publics et ne serait-ce que leur présence partout, des banlieues aux zones rurales, et à faire progresser la promesse républicaine d'égalité et de justice.

C'est le résultat de la politique menée depuis vingt ans. Vous ne pouvez pas, comme après les gilets jaunes et le mouvement contre la réforme des retraites, continuer comme avant. L'urgence, vitale, est de redonner force aux services publics. Cela suppose des moyens, ainsi que la revalorisation et l'écoute des fonctionnaires.

Qui ne voit, en particulier, l'ampleur de la crise éducative que nous traversons ? Le rôle de l'école publique est décisif, surtout pour les 20 % de jeunes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Démissions, postes non pourvus : vous ne voulez pas écouter les enseignants et faites croire que les problèmes se résolvent, ce qui est absolument faux.

Un grand plan de redressement des services publics s'impose, et vite. Allez-vous l'engager dès cet été en vue du prochain projet de loi de finances ? Ne laissez pas la République en panne : agissez ! (Applaudissements à gauche ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Je salue, moi aussi, votre action. Vous êtes la première ministre que j'ai rencontrée comme jeune élu local, pour parler des copropriétés dégradées à Clichy-sous-Bois...

La place des services publics dans les quartiers populaires est au coeur de notre réflexion. La mise en place des maisons France Services et des maisons de la justice et du droit, le renforcement de l'éducation prioritaire, la création des cités éducatives et la scolarisation précoce annoncée par le Président de la République sont autant de preuves que nous agissons.

Où en serait-on si, depuis quarante ans, la politique de la ville n'avait pas fait son oeuvre dans ces quartiers ?

Vous connaissez le travail remarquable de l'Anru : 450 quartiers en bénéficient, 1 300 chantiers ont été livrés. Dans le cadre de l'Anru 1, 500 écoles avaient été livrées.

Les vacances apprenantes et les quartiers d'été ont été créés par le gouvernement précédent. Aujourd'hui, un maire qui s'en donne les moyens peut faire partir en colonies beaucoup plus d'enfants, à moindre coût. (Mme Éliane Assassi s'exclame.)

Mme Sophie Primas.  - Un maire qui en a les moyens !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Je puis témoigner que cela marche. Les maires qui souhaitent utiliser les dispositifs de l'État le font. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)

Violences urbaines (V)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La République, comme la démocratie, sont des régimes fragiles. Au Parlement, nous avons voté, souvent à votre demande, des textes sur la sécurité et la justice. Vous préparez des lois sur l'immigration et l'intégration. Avez-vous le sentiment, avec tout ce qui se passe en ce moment, que ces textes suffisent pour conforter la démocratie et la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - La Première ministre l'a dit : il faut essayer de comprendre les événements de ces derniers jours. Heureux ceux qui auraient des explications simples...

Sur les 4 000 interpellés, dont l'âge moyen est de 17 ans, un tiers sont mineurs, moins de 10 % ne sont pas Français et 60 % sont inconnus des services de police. Bref, le contraire de la délinquance habituelle. Plus de 150 communes qui ont un quartier de la politique de la ville n'ont pas connu d'échauffourées. À l'inverse, une centaine de communes qui n'en ont pas en ont connues.

L'ordre public rétabli, grâce à nos policiers, nos gendarmes, nos magistrats et nos élus, nous devons prendre le temps de réfléchir. Dans une belle revue que je recevais lorsque j'étais adhérent au même parti politique que vous, il était écrit que dans les victoires d'Alexandre, on trouve toujours Aristote. (Exclamations sur certaines travées à droite ; Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Roger Karoutchi.  - Aristote n'est pas Platon... (Sourires)

Les sujets de fond ne manquent pas, à commencer par l'échec de l'école et l'échec de la politique d'intégration, à laquelle je suis très attaché. Mais dans la crise, il y a deux piliers de l'autorité de l'État et de la République : le tricolore de nos élus et le bleu de nos forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Marc applaudit également.)

Nous ne demandons pas au Gouvernement de faire des miracles. Les raisons de fond, voilà quinze ou vingt ans qu'on les cite. Ce que nous vous demandons, c'est de restituer aux maires la politique locale (applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Françoise Gatel abonde), la politique du logement et de l'urbanisme.

C'est aussi de marquer notre confiance dans les forces de l'ordre.

Il faut en finir avec le discours alternatif ou le « en même temps ». Vous devez incarner l'autorité de l'État ! Sinon, il n'y aura plus de République. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Violences urbaines (VI)

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je souhaite partager avec vous le malaise que m'inspire le débat public depuis quelques jours.

Il y a une semaine, un jeune garçon a été tué par un policier. Aujourd'hui, le procès que certains instruisent, c'est celui des quartiers prioritaires et des parents qui y vivent, usant de la manipulation et faisant preuve d'ignorance. Non, ces quartiers ne sont pas inondés de subventions payées par les bons Français méritants. (« Ah bon ? » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées du groupe SER) En moyenne, ces quartiers reçoivent 6 100 euros, contre 6 800 pour les autres.

Dans ces quartiers, il y a 40 % de mère seules qui enchaînent deux à trois boulots dans la journée, gardent des enfants, souvent les nôtres, ce qui les empêche de garder les leurs... (On ironise sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Il y a aussi des pères évaporés. Vous voulez les poursuivre ? Faisons-le pour abandon de famille, par exemple. Dans les familles où le père est présent, intéressez-vous à la violence qu'ont pu subir les enfants.

Aidons les mères, soutenons leurs associations, libérons-les du clientélisme municipal, misons sur elles pour remettre les quartiers d'aplomb ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nous ne voulons pas poursuivre les parents ; évitons la caricature. Il n'est pas question de supprimer des allocations familiales. Je pense aux femmes seules qui travaillent et élèvent leur famille avec beaucoup de dignité, malgré les difficultés.

Mais je pense aussi à des parents qui n'exercent pas leur autorité parentale. Durant ces nuits courtes, émaillées de mauvaises nouvelles, une vidéo m'a plu : celle du père qui ramène son gamin par le colback, (murmures sur les travées du groupe SER ; marques d'approbation et quelques applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) parce que, à onze ans, on ne traîne pas dans les rues.

Ceux d'entre nous qui se sont mariés se souviennent-ils de l'obligation morale, prévue par le code civil, des parents à l'égard de leurs enfants ? Ceux qui peuvent l'assumer et ne le font pas doivent être sanctionnés.

Autre principe très simple, celui de la responsabilité civile : quand les enfants cassent, les parents paient. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Autre règle à rappeler : le parent doit accompagner son enfant mineur lorsqu'il est convoqué devant la justice, sous peine d'une amende.

J'ai rédigé un flyer en termes très simples pour rappeler ces obligations aux parents qui les auraient oubliées. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Laurence Rossignol.  - Je prends acte, monsieur le garde des sceaux, que, pour vous, la loi actuelle suffit à protéger les enfants.

J'observe le monde politique, y compris dans son intimité. Il y a aussi chez nous des enfants arrêtés et condamnés ; ils ne sont ni pires ni meilleurs que les autres. Regardez, dès lors, les autres parents avec plus d'empathie : comme nous, ils font ce qu'ils peuvent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Violences envers les élus

M. Arnaud Bazin .  - La France entière a appris avec effroi la tentative d'assassinat contre la famille du maire de L'Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun.

Mais elle connaît moins le cas de Stéphanie Von Euw, la maire de Pontoise, qui ne doit d'avoir échappé à une tentative d'assassinat dans sa voiture qu'à son sang-froid et fait face à ses blessures avec beaucoup de courage, malgré le choc psychologique.

Elle ne sait pas du tout qu'à Persan, ma mairie de coeur, le premier adjoint a été réveillé par des coups dans ses volets aux cris de : « On est là, on est là ! ».

J'en oublie bien d'autres, et m'en excuse.

Le maire, représentant de la population, est partout menacé. Le moindre refus débouche sur des cris, des menaces, des agressions. Il n'est plus protégé par son aura, car il représente l'État, récusé par nombre de nos compatriotes. L'enfant roi est devenu un adulte tyran.

Au-delà des quelques mesures déjà proposées, que comptez-vous faire, madame la Première ministre, pour rétablir en tout lieu l'autorité des maires, au moment où la population a tant besoin d'eux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Les violences de ces derniers jours ont touché de nouveau nombre d'élus locaux. Je salue leur courage pour défendre leur commune.

Je rends aussi hommage à ceux qui ont été agressés, notamment à Vincent Jeanbrun.

M. Christian Cambon.  - Et à son épouse !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Et à son épouse, en effet, ainsi qu'à Stéphanie Von Euw, maire de Pontoise.

Ces agressions sont ignobles : nous en mesurons pleinement la gravité.

Quelque 45 000 policiers et gendarmes ont été déployés pour rétablir l'ordre, et je note que les élus leur rendent hommage. Je veux aussi saluer les pompiers et les policiers municipaux.

Depuis le 17 mai et la démission de Yannick Morez, pas moins de 3 400 gendarmes référents vont à la rencontre de nos élus locaux pour les écouter et les protéger. Depuis deux mois, 1 800 élus se sont inscrits à ce dispositif. Pas moins de trois plateformes ont été déréférencées.

Une circulaire a rappelé aux procureurs que cette cause est essentielle. La Première ministre a annoncé un plan inspiré de vos travaux, que je vous présenterai dans trois jours. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

M. Arnaud Bazin.  - Comme Roger Karoutchi, j'espérais entendre parler de décentralisation et de pouvoir des maires : je suis déçu. (M. Roger Karoutchi lève les bras au ciel.)

Ce samedi, nous risquons de connaître le même désastre : Mathilde Panot a appelé le monde entier à manifester entre Persan et Beaumont pour l'anniversaire du décès d'Adama Traoré. Je vous encourage à interdire cette manifestation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Situation en Nouvelle-Calédonie

M. Gérard Poadja .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Lors de sa prochaine visite en Nouvelle-Calédonie, fin juillet, le Président de la République verra par lui-même comment a grandi le cocotier qu'il a planté avec Ginette, une petite fille kanake, le 4 mai 2018 à Ouvéa.

Vous avez tracé le cadre d'un accord global et ambitieux pour l'émancipation du pays, y compris des compétences régaliennes. Le peuple calédonien prend sa racine dans une citoyenneté calédonienne irréversible, au sein d'une Nouvelle-Calédonie une et indivisible qui exclut toute partition du pays.

Il faut un référendum de rassemblement et de projet, et non un référendum binaire.

Madame la Première ministre, je suis kanak, calédonien et français. Je crois plus que jamais au destin commun entre la France et la Nouvelle-Calédonie, nourri par un destin, une langue, une histoire, des valeurs et une souveraineté partagée. C'est pourquoi le prochain accord devrait fusionner souveraineté et République.

Pouvez-vous nous confirmer que vous allez vous inscrire dans cette perspective, dans le respect des trois référendums, pour que vive la Nouvelle-Calédonie et que vive la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Les accords de Matignon, en 1988, ont manifesté la volonté des Calédoniens de mettre fin aux violences. Dix ans plus tard, les accords de Nouméa ont marqué une nouvelle étape. Les trois consultations référendaires prévues ont été organisées en 2018, 2020 et 2021.

À trois reprises, les Calédoniens ont fait la même réponse et le Président de la République a pris acte, le 12 décembre 2021, de la volonté des Néo-Calédoniens de rester dans la République et la nation françaises. Nous sommes déterminés à respecter les accords de Nouméa. Les transferts de compétence, tout comme le principe d'une citoyenneté calédonienne, n'ont pas vocation à être remis en cause, même si les conditions pour y accéder doivent être rediscutées.

Je vous confirme que le prochain accord respectera la volonté de la majorité des Calédoniens et ne remettra pas en cause le principe de partage de souveraineté qui figure dans le préambule des accords de Nouméa. Je forme le voeu qu'il ne soit pas que juridique, mais exprime l'ambition d'un destin commun.

Un cycle trilatéral va s'ouvrir. Nous préparons cette rencontre avec Gérald Darmanin et Sonia Backès. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Violences urbaines (VII)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le garde des sceaux, vous adressiez, il y a quelques semaines, une circulaire déterminant l'attitude à adopter en cas de manifestations. Le syndicat de la magistrature, tristement célèbre depuis dix ans pour le « mur des cons », a adressé une contre-circulaire, expliquant comment ne pas appliquer ces consignes. Après les événements de ces derniers jours, il a publié un communiqué expliquant que ce n'était pas à la magistrature d'éteindre la révolte.

La liberté syndicale doit s'arrêter là où le statut des magistrats l'arrête : ils ne doivent pas faire de politique. Comment comptez-vous faire respecter cette limite ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je partage vos inquiétudes. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Thomas Dossus.  - Très étonnant !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Sur le « mur des cons » figurait la photographie de M. Escarfail, dont le seul tort est d'avoir vu sa fille se faire assassiner. Le syndicat de la magistrature a dit que le deuxième tour de la présidentielle était un cauchemar. Le syndicat de la magistrature souhaite désormais choisir son ministre (M. Pierre Laurent proteste) et même qu'il n'y ait plus de ministère de la justice. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

J'aurais pu évoquer tout cela, mais je ne le ferai pas... (Rires sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)

Je m'arrête sur la fausse circulaire Canada Dry, qui ressemble à une circulaire du ministre de la justice, mais incite les magistrats à violer des textes de loi. J'y vois une forme d'humour à mon endroit... Je me bats au quotidien non pas pour le syndicat de la magistrature, mais pour les magistrats.

Je suis le seul ici à pouvoir prendre une circulaire de politique pénale, car je dois démocratiquement vous rendre des comptes, ce qui n'est pas le cas du syndicat de la magistrature. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)

Mme Muriel Jourda.  - Notre indignation doit aller au-delà de cet hémicycle.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Et le syndicat Alliance ?

Mme Muriel Jourda.  - Chaque institution, dans son rôle, doit rappeler l'État de droit. L'autorité judiciaire, pilier de notre démocratie, ne peut se transformer en pouvoir politique et contester l'autre pilier que constituent les forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis d'accord avec vous.

Urgences médicales cet été

Mme Annie Le Houerou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « La nuit dernière, quinze patients ont fait plus de 60 km pour venir aux urgences à Rennes. Chaque matin, ils sont une trentaine à avoir passé la nuit sur des brancards, faute de lits. Il faudrait les faire attendre dans des ambulances plus sécurisées, mais qui ira chercher les patients ? » Paroles d'urgentistes...

À Carhaix, les urgences seront fermées tout l'été, en plein festival des Vieilles Charrues, alors que le premier hôpital est à une heure de route. Les accouchements à la maternité de Guingamp sont suspendus pendant encore quatre mois, faute de personnel. Les manifestants disent se sentir abandonnés.

Vous reportez les activités des petits hôpitaux sur les CHU, eux-mêmes exsangues. À Pontivy, Avranches, aux Sables d'Olonne, les médecins hospitaliers sonnent l'alarme, se mettent en grève.

Les agences régionales de santé (ARS) rassurent, conseillent d'appeler le 15. Mais les équipes du 15 n'en peuvent plus ! Les urgentistes quittent l'hôpital. En ville, les cabines de consultation remplacent peu à peu la médecine de proximité.

La situation s'aggrave : nos concitoyens et nos élus sont angoissés. Quelle réponse concrète à la crise de l'hôpital public, dès cet été ? (Applaudissements à gauche)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Oui, nous manquons de professionnels de santé. Le diagnostic n'est pas nouveau. Oui, le Gouvernement agit, en formant plus de médecins, ce qui prend du temps, d'infirmiers, d'aides-soignants.

L'accès régulé aux services d'urgence s'explique par la pénurie de professionnels de santé. Il faut leur rendre du temps, les former.

Le renforcement des urgences est une priorité. Les solutions mises en place l'été dernier fonctionnent : la fréquentation a baissé de 5 %, du jamais vu depuis vingt ans. Cela passe d'abord par l'information de nos concitoyens, invités à appeler le 15 avant de se rendre aux urgences. Nous renforçons la régulation médicale, nous y intégrons les généralistes, nous augmentons leur rémunération. Nous transformons les assistants de régulation médicale en professionnels de santé. En ville, les actes réalisés à la suite de cette régulation sont revalorisés de 15 euros. Nous facilitons le transport vers les généralistes et renforçons les communautés professionnelles territoriales de santé.

À l'hôpital, nous prenons en compte la pénibilité en multipliant par deux l'indemnité de nuit du personnel paramédical, et par 1,5 celle des médecins. Nous adoptons une logique territoriale, tant pour les gardes, en associant public et privé, que pour la gestion des lits. Les solutions existent, elles fonctionnent. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Annie Le Houerou.  - Il y a urgence aux urgences ! L'accès aux soins pour tous, partout, fait partie de la promesse républicaine : vous ne la tenez pas. Le système est embolisé. Une remise à plat s'impose et ce ne sont pas vos propositions qui régleront le problème. (Applaudissements à gauche)

Violences urbaines (VIII)

M. Michel Bonnus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Plus de mille commerces pillés, 250 bureaux de tabac détruits, 1 milliard d'euros de dégâts : ces chiffres sont édifiants ; ils auraient pu être plus lourds sans nos forces de l'ordre, que je remercie.

Rien ne saurait justifier cette vague de violences et de pillages. Aucun commerce n'est à l'abri. Nos commerçants vivent une triple insécurité : matérielle - trouveront-ils leur outil de travail intact ? -, physique et psychologique, face à une situation hors de contrôle, et économique, car ils ne sont pas sûrs d'être soutenus par les banques et les assurances.

Cela n'a que trop duré. Gilets jaunes, manifestations contre la réforme des retraites et maintenant émeutes, qui s'ajoutent à l'inflation, à la crise de l'énergie et au remboursement des PGE. De tout cela, ils sont les premiers à pâtir.

Vous ne pouvez fermer les yeux sur les difficultés de cette France qui travaille, qui crée de l'emploi. L'État doit assurer sa fonction régalienne première : la sécurité. Les annulations de charges au cas par cas ne suffiront pas. Quelles mesures durables prévoyez-vous pour soutenir les commerçants dans ces épreuves ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - Je tiens également à remercier les forces de l'ordre grâce auxquelles nos commerçants ont pu rouvrir. Un mot de soutien et d'espoir : sur les 436 bars-tabacs touchés, 160 ont déjà rouvert et sont au boulot.

Mme Pascale Gruny.  - Ils sont courageux !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Avec Bruno Le Maire, nous avons les yeux grand ouverts. L'État a été aux côtés des commerçants pendant le covid, puis face à la hausse du prix de l'électricité ; c'est le cas depuis samedi.

Dès lundi, nous avons vu les assureurs, les banquiers, que nous avons mobilisés. Oui, il y aura des annulations de charges au cas par cas. Les commerçants touchés auront trente jours pour faire leur déclaration. Le réflexe doit être de porter plainte, d'appeler l'assureur.

Les conseillers départementaux à la sortie de crise sont à la disposition des commerçants et leur apporteront aussi un soutien psychologique, car ils sont sidérés.

Nous serons aux côtés des commerçants, sur le plan moral comme pour la reconstruction. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Michel Bonnus.  - On doit se préparer aux autres événements. Si nous devons subir de la sorte chaque fois, c'est plus qu'angoissant. Mobilisons-nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Politique du grand âge

M. le président.  - Je salue M. Bonne, qui a choisi de ne pas solliciter le renouvellement de son mandat. À la suite de son action comme président du conseil général de la Loire, il a notamment travaillé, au sein de notre commission des affaires sociales, sur la question du grand âge, et signé avec Michelle Meunier un rapport d'information sur le contrôle des Ehpad. Je le remercie d'avoir éveillé nos consciences sur ce sujet (Applaudissements)

M. Bernard Bonne .  - Voilà des années qu'on nous annonce une loi Grand Âge. Manifestement, il n'y aura pas de grand soir, puisque le Gouvernement a annoncé une réforme « en plusieurs briques ». J'aurais préféré une fusée à plusieurs étages, mais celle-ci a du mal à décoller...

La proposition de loi Bien vieillir, enrichie à l'Assemblée nationale, n'arrivera pas au Sénat avant de longues semaines. À la suite du Conseil national de la refondation (CNR), nous attendions pour début juin un plan d'actions. On attend toujours... Quant aux financements, nous verrons à l'automne, lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Selon le rapport Libault, il faudra 10 milliards d'euros supplémentaires par an dès 2030 pour financer la dépendance.

Quand allez-vous alimenter les moteurs de la fusée et répondre aux attentes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - À mon tour de saluer votre travail remarquable sur la protection de l'enfance comme sur le grand âge - engagements que nous partageons. J'ai un regret : ne pas vous avoir convaincu que la politique résolue du Gouvernement dépassait largement l'ambition d'un vaste projet de loi Grand Âge. (M. Jérôme Bascher ironise.)

Nous avons intégré dans le PLFSS plusieurs de vos préconisations pour moraliser le secteur des Ehpad et rétablir la confiance. Nous avons aussi pris des mesures d'urgence pour soutenir un secteur en grande difficulté ; nous y travaillons au quotidien avec les ARS et les départements.

Je présenterai prochainement une feuille de route interministérielle, issue des conclusions du CNR, pour adapter notre société au vieillissement. Elle traitera aussi bien des transports, du logement, du système de santé, de la prévention, de la citoyenneté et du lien social, de la transformation de l'offre médico-sociale... Elle se déclinera dans la proposition de loi Bien vieillir, ainsi que dans les textes budgétaires. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bernard Bonne.  - Je crains que le Gouvernement auquel vous appartenez ne soit pas aussi volontaire que vous. Nos aînés ont le droit de vieillir dans la dignité, nous le leur devons bien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

La séance est suspendue à 16 h 25.

Présidence de M. Alain Richard, vice-président

La séance reprend à 16 h 35.