Objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer l'accompagnement des élus locaux dans la mise en oeuvre de la lutte contre l'artificialisation des sols.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Jeudi dernier, nous sommes parvenus à un accord en CMP sur cette proposition de loi. L'Assemblée nationale en a adopté les conclusions hier.

Trouver un accord n'a pas été sans mal, et la CMP a failli ne pas aboutir. Le chemin de ce texte a été semé d'embûches, et bien des compromis ont été nécessaires pour le porter sur les fonts baptismaux... Je salue l'engagement et la ténacité de la présidente Valérie Létard (applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et CRCE, du RDSE et du RDPI) et des membres de la commission spéciale. Les territoires leur doivent beaucoup.

Nous avons défendu ce texte dans un esprit transpartisan, dès la mission conjointe de contrôle dont il est l'aboutissement, puis au sein de la commission spéciale. Dès son adoption, en mars, nous avons bataillé pour son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Le ministre Christophe Béchu nous a fait une proposition assez baroque : faire passer la moitié des articles par voie réglementaire. Cela revient à demander au législateur de se dessaisir de son pouvoir. Après des échanges nourris, nous avons accepté, faisant le choix de la responsabilité et de la confiance.

Responsabilité, parce que les élus attendent la garantie communale de développement, le droit de préemption élargi, le sursis à statuer et le décompte à part des grands projets.

Confiance, parce que c'est un travail partenarial qui a été mené avec le ministère pour rédiger les décrets, sur des dispositions essentielles comme la non-prescriptivité du schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (Sraddet), la prise en compte des efforts passés et le traitement des jardins pavillonnaires.

Les décrets ont été ouverts à la consultation publique le 13 juin, et le Conseil national d'évaluation des normes (Cnen) va se prononcer. Nous resterons très vigilants jusqu'à leur publication. Idem pour le décret sur la commission de conciliation sur les grands projets. Les décrets ne sauraient être la variable d'ajustement des imperfections de la loi Climat et résilience. À la première alerte, nous rouvrirons le chantier législatif.

La CMP a préservé les points essentiels. Nous avons obtenu le report de la modification des documents de planification et d'urbanisme, préservé le rôle central des collectivités territoriales dans la gouvernance du ZAN, avec une conférence régionale pour piloter sa mise en oeuvre, et le droit pour les régions de proposer les projets d'envergure nationale.

Nous avons redonné des marges de manoeuvre aux élus locaux avec le sursis à statuer, le droit de préemption élargi, la prise en compte de la renaturation dès 2021. Nous avons aussi rétabli l'universalité de la garantie communale. Les grands projets seront comptabilisés à part. Certes, ils ne sont pas exclus, mais un bon compromis, n'est-ce pas quand tout le monde est mécontent ? La loi précise que la mutualisation sera limitée à 10 000 hectares, pas un de plus.

Il faudra maintenant beaucoup de pédagogie pour que nos élus s'emparent pleinement de ces nouveaux outils. Le levier de la fiscalité sera le prochain grand chantier. (Applaudissements sur toutes les travées à l'exception de celles du GEST)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Je vous prie d'excuser Christophe Béchu, retenu en Conseil des ministres pour présenter le projet de loi d'urgence d'accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des émeutes.

La lutte contre l'artificialisation des sols est décisive pour limiter notre empreinte environnementale : un sol artificialisé ne stocke plus de CO2 ; il est stérile pour la biodiversité ; imperméable, il dérègle le cycle de l'eau.

Depuis 1981, les terres artificialisées seraient passées de 3 à 5,1 millions d'hectares - bien plus que la croissance de la population.

Face à cette urgence, le Parlement a adopté la trajectoire « zéro artificialisation nette » dans la loi Climat et résilience. L'engagement est double : diviser par deux la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) sur la décennie 2021-2031, ce qui revient à prolonger la baisse avec un effort supplémentaire, mais limité, pour un objectif moyen de consommation de 12 500 hectares par an d'ici 2031.

La marche d'après, c'est de parvenir au ZAN à l'horizon 2050. Cela revient à faire le solde entre surfaces nouvellement artificialisées et surfaces rendues à la nature.

Nous ne sommes pas seuls : de nombreux pays européens ont pris des mesures en ce sens. L'horizon fixé au niveau européen est le ZAN en 2050.

Notre objectif constant a été de garantir l'application de la trajectoire, mais aussi de privilégier la concertation avec les élus locaux pour sa mise en oeuvre territorialisée.

La proposition de loi a fait l'objet de plus de treize heures d'examen en séance au Sénat, quinze heures à l'Assemblée nationale et six heures en CMP. Mais un chemin de consensus s'est dessiné, nourri d'échanges avec les associations d'élus.

Ce texte contient des mesures de bon sens : prise en compte de la renaturation avant 2021, droit de préemption élargi et sursis à statuer pour les communes, anticipation du recul du trait de côte, notamment.

Il y avait aussi des dispositions d'ordre réglementaire, comme les liens juridiques entre documents d'urbanisme ou la prise en compte des efforts passés. Elles ont été intégrées dans la réécriture des décrets du 29 avril 2022, soumis à consultation publique.

Comme la Première ministre l'avait annoncé lors du Congrès des maires, la prise en compte des communes les plus petites est assurée, avec une garantie rurale universelle fixée à un hectare.

Les plus grandes villes sont aussi prises en compte, avec la comptabilisation spécifique des grands progrès d'envergure nationale, comme les LGV ou le canal Seine-Nord, qui consomment beaucoup d'espace. Selon le compromis trouvé en CMP, la liste des projets restera définie par l'État, après consultations, avec un droit de proposition des régions. Au sein du forfait de 12 500 hectares, 10 000 hectares seront mutualisés entre les régions couvertes par un Sraddet.

C'est bien un texte de compromis, qui adapte la loi Climat et résilience aux réalités des territoires, sans revenir sur les objectifs et la trajectoire collectivement fixés en 2021. Souhaitons que les territoires se l'approprient : c'est la condition de son efficacité.

Nous nous reverrons sur ces sujets. L'État sera au rendez-vous pour accompagner les collectivités, notamment les plus petites, en matière d'ingénierie. Il faut également poursuivre la réflexion sur la fiscalité comme outil de lutte contre l'artificialisation. La transition écologique est un défi qui mérite que l'on dépasse les clivages. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions)

Discussion du texte de la proposition de loi élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12 du Règlement, le Sénat examinant le texte après l'Assemblée nationale, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble en ne retenant que les amendements présentés par le Gouvernement.

ARTICLE 1er

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Après les mots :

du 5°,

insérer les mots :

les mots : « et le plan » sont supprimés et

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Tous ces amendements sont rédactionnels.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

I.  -  L'article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du 4° du III, les mots : « au V » sont remplacés par les mots : « à l'article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales » ;

2° Le V est abrogé.

II.  -  Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

II.  -  Après l'article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1111-9-2 ainsi rédigé :

III.  -  Alinéa 2

Remplacer la référence :

V.

par la référence :

Art. L. 1111-9-2. -

IV.  -  Alinéa 15

Supprimer les mots :

le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse,

V.  -  Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En Corse, la chambre des territoires prévue à l'article L. 4421-3 du code général des collectivités territoriales se substitue à la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols.

IV.  -  Alinéa 16

Après le mot :

mentionnées

Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

selon les cas aux articles L. 4251-5, L. 4424-13 et L. 4433-10 du présent code et à l'article L. 123-7 du code de l'urbanisme.

V.  -  Alinéa 17

Après le mot :

prévues

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

au 8° du III de l'article 194 n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

VI.  -  Alinéa 18

Remplacer la référence :

V

par le mot :

article

VII.  -  Alinéa 20

1° Première phrase

Remplacer les mots :

du code général des collectivités territoriales

par les mots :

du présent code

2° Deuxième phrase

Après le mot :

infrarégionaux

supprimer la fin de cette phrase ;

3° Troisième phrase

Remplacer la référence :

V

par le mot :

article

VIII.  -  Alinéa 24

Remplacer les mots :

mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales, au quatrième alinéa du I de l'article L. 4424-9 du même code, au troisième alinéa de l'article L. 4433-7 dudit code et au dernier alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme

par les mots :

prévue pour les documents de planification régionale

IX.  -  Alinéa 27

1° Remplacer les mots :

1er juillet et le 31 décembre 2027

par les mots :

1er janvier et le 30 juin 2027

2° Remplacer la référence :

V

par le mot :

article

X.  -  Alinéa 28

Supprimer cet alinéa.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Défendu.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 14

Après le mot :

opérations

insérer les mots :

de construction ou

II.  -  Alinéa 17

1° Première phrase

Remplacer les mots :

au V

par les mots :

à l'article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales

2° Deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

qui présentent un intérêt général majeur

III.  -  Alinéa 18

Remplacer la référence :

au V

par les mots :

à l'article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales

IV.  -  Alinéa 21

Remplacer la première occurrence du mot :

et

par le signe :

,

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Défendu.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 6

Supprimer les mots :

mentionnées au présent 3° bis

II.  -  Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

III.  -  Alinéa 9

1° Au début

Supprimer la référence :

G. - 

2° Après le mot :

conférence

insérer les mots :

régionale mentionnée à l'article L. 1111-9-2 du code général des collectivités territoriales

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Défendu.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 10

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

I.  -  Après l'article L. 321-15 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 321-15-1 ainsi rédigé :

II.  -  Alinéa 2

1° Remplacer la référence :

3° ter

par la référence :

Art. L. 321-15-1. -

2° Après le mot :

sols

insérer les mots :

dans les documents de planification régionale et d'urbanisme

3° Remplacer les mots :

code de l'environnement

par les mots :

du présent code

III.  -  Alinéa 3

Remplacer les mots :

Pour l'évaluation des objectifs chiffrés de lutte contre l'artificialisation des sols fixés dans les documents de planification et d'urbanisme

par les mots :

Pour l'atteinte de ces objectifs

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Défendu.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 7

Après le mot :

artificialisation

insérer les mots :

des sols

II.  -  Alinéa 15

Remplacer les mots :

de l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme

par les mots :

du 5° du III du présent article

III.  -  Alinéa 17

Après les mots :

sursis à statuer

insérer les mots :

mentionné à l'alinéa précédent

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Défendu.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 14

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

1° Après le mot :

européenne

insérer les mots :

qui présentent un intérêt général majeur

2° Remplacer la référence :

par la référence :

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Défendu.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Avis favorable.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par le Gouvernement.

Deuxième phrase

Remplacer les mots :

de zéro artificialisation nette

par les mots :

d'absence de toute artificialisation nette des sols mentionné au 6° bis de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Défendu.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Avis favorable.

Explications de vote

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce vote marque l'aboutissement d'un long processus. La seule constance fut celle du Sénat, qui a toujours voulu une mise en oeuvre pragmatique du ZAN, sans idéologie.

Les limites de la loi Climat et résilience sont vite apparues : calendrier trop contraint, manque d'association des communes... Nous étions dans l'impasse. D'où ma proposition de loi de décembre 2021, puis celle de Philippe Bas, suivies d'une consultation des élus locaux et des travaux de Jean-Marc Boyer, Daniel Laurent et Anne Ventalon.

Les travaux de la mission préfigurant la commission spéciale, présidée par Valérie Létard et rapportée par Jean-Baptiste Blanc, ont abouti à la proposition de loi que nous examinons. De nombreux apports du Sénat sont conservés, dont la mutualisation entre régions et la forfaitisation des grands projets nationaux, réduite à 10 000 hectares, ou encore le droit au projet avec la garantie rurale d'un hectare. Les maires auront six mois supplémentaires pour inscrire le ZAN dans leurs documents d'urbanisme.

En revanche, les bâtiments agricoles devaient être exclus des surfaces artificialisées, à la suite de mon amendement et selon l'accord trouvé en CMP : le risque qu'ils ne le soient pas demeure du fait de la rédaction du décret prévue par le Gouvernement. Pourquoi ? Est-ce une volonté du Gouvernement ou de l'administration ? Le Gouvernement sera seul responsable de ce coup porté aux agriculteurs.

Considérant l'urgence, Les Républicains voteront en faveur du texte, non comme un satisfecit du Gouvernement, car nous ne partageons pas sa vision d'une France sous cloche, mais comme validation des travaux du Sénat. Nous restons vigilants. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)

M. Emmanuel Capus .  - Heureusement, la sobriété foncière fait aujourd'hui consensus. Mais fin juin 2021, Pierre Médevielle, lors des explications de vote de la loi Climat et résilience, exprimait déjà des inquiétudes en matière de développement des territoires.

Nos amendements visaient alors à rééquilibrer cette politique. Il s'agit, depuis, de trouver la ligne de crête : aider les élus et les services de l'État à mettre en pratique les objectifs, sans qu'aucun territoire ou document d'urbanisme ne prennent le pas sur les autres, sans opposition entre rural et urbain.

Oui, le sujet est complexe. C'est pourquoi je salue le travail de la présidente Valérie Létard et du rapporteur Jean-Baptiste Blanc, ainsi que des membres de la mission et de la commission spéciale. Je sais aussi l'engagement de Christophe Béchu, dont l'écoute, la connaissance de cette maison et des dossiers ont permis de trouver un terrain d'entente - je salue la ministre Faure, aujourd'hui au banc.

Le texte améliore l'application du ZAN. La chambre des territoires se devait de faciliter l'action des élus locaux : ils auront plus de temps pour adapter les Sraddet et la conférence régionale décentralisera la gouvernance.

Je me réjouis que les projets industriels majeurs pour la souveraineté de la nation soient rattachés aux projets nationaux d'envergure, comme c'est le cas en Maine-et-Loire, à Noyant-Villages notamment. Cette commune nouvelle bénéficiera d'ailleurs de la garantie rurale, rassurante. Le droit de préemption urbain est bienvenu. Les Indépendants voteront ce texte, qui compense un déséquilibre. (M. Ludovic Haye applaudit.)

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Réduire, puis stopper l'artificialisation est une priorité écologique : la diminution des espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) est une cause majeure de perte de biodiversité et de stockage de CO2. Une priorité économique aussi : les défenseurs de la ferme France et de notre autonomie alimentaire devraient être en première ligne pour accélérer le ZAN.

Proposition de la Convention citoyenne pour le climat, il en est l'une des rares mesures ayant passé le tamis serré qu'est devenu le fameux « sans-filtre »... mais sa mise en oeuvre est complexe. Le Sénat a donc fait oeuvre utile avec sa proposition de loi - j'en remercie Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc.

Mais de l'amélioration au détricotage, il n'y a parfois qu'une virgule... Le Sénat en a fait perdre son calme olympien à Christophe Béchu. Ainsi, les pelouses des pavillons individuels n'étaient même plus considérées comme artificialisées à partir de 2031, une aberration. (M. Laurent Burgoa proteste.)

L'Assemblée nationale a donc bien amélioré le texte... À saluer tout de même, le Sénat a voté une enveloppe nationale de grands projets, mutualisée au niveau régional par l'assemblée. À l'État de ne pas dépasser les 12 500 hectares, madame la ministre.

L'Assemblée nationale a aussi ramassé le calendrier des schémas de cohérente territoriale (Scot) et des plans locaux d'urbanisme (PLU), avec une proposition assez proche de mon amendement, monsieur Blanc...

J'entends le scepticisme de la Fédération des Scot, mais ne revenons pas en arrière : la somme des intérêts communaux n'est pas l'intérêt régional. Ce qui compte est la robustesse des Sraddet et des Scot : les premiers doivent être prescriptifs.

La nomenclature reste floue : sortir les pelouses avec 25 % de plantation du décompte ouvre la porte aux contournements. J'aimerais des clarifications sur ce point. En outre, elle changera en 2031 : mieux valait conserver la logique de préservation des Enaf, au lieu d'inventer une autre manière de comptabiliser. (M. Jean-Claude Anglars applaudit.)

Des plus, des moins, et surtout des points qui seront décidés par décret : le GEST s'abstiendra, par prudence. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. Ludovic Haye .  - L'accord en CMP est utile aux élus locaux. La lutte contre l'artificialisation est un combat dans nos territoires et pour eux, sans quoi ils en subiront les conséquences, comme l'amplification des inondations.

La captation de carbone est essentielle, comme la souveraineté alimentaire. Or l'artificialisation consomme les Enaf. La guerre en Ukraine et le changement climatique nous en rappellent l'urgence.

Le plan Biodiversité de 2018, la Convention citoyenne et la loi Climat et résilience portent la lutte contre l'artificialisation, qui suppose une approche territorialisée et pragmatique. Mais il n'y a pas une ruralité monolithique. L'honneur du Parlement est de trouver le plus petit dénominateur commun : c'est chose faite.

Je salue l'écoute du Gouvernement et remercie les ministres concernés.

La souplesse d'application du ZAN n'obère pas les objectifs, ni le développement du territoire. Ainsi de la garantie rurale et de la mutualisation entre communes.

Quant aux grands projets, ils ne sauraient être entravés ni bloquer les plus petits : le compromis de la forfaitisation nationale offre donc une visibilité, sans renoncement.

Nous avons aussi abouti sur les délais de modification des documents d'urbanisme, les communes littorales et la prise en compte de l'effort de renaturation, tout en simplifiant la conférence régionale du ZAN.

Une partie du texte initial sera mise en oeuvre par voie réglementaire, pour gagner du temps. Nous avons dépassé nos divergences : le RDPI votera ce texte de consensus. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC ; Mme Maryse Carrère applaudit également.)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu'au banc des commissions) Depuis deux ans, notre assemblée s'investit pour répondre aux préoccupations des élus sur le ZAN. La difficile articulation entre sobriété foncière et développement des territoires suscite des craintes : freins aux projets, répartition des efforts entre les territoires, association des communes aux Sraddet et place des grands projets.

La CMP aura trouvé une issue favorable, mais les heures d'échanges montrent que les arbitrages n'avaient rien d'évident. Le groupe SER s'est attaché à l'équité entre territoires et à la mise en oeuvre apaisée d'une réforme structurante.

La première avancée majeure est le report des dates d'entrée en vigueur des Sraddet de neuf mois, au 22 novembre 2024. Les Scot et les PLUi devront être à jour respectivement en février 2027 et février 2028.

Le dialogue territorial est renforcé grâce à la conférence régionale, qui assurera la gouvernance. Les associations seront consultées en tant que personnalités associées. La garantie rurale d'un hectare doit permettre aux petites communes de dessiner des perspectives. Aucune commune n'en sera exclue, qu'elle soit couverte ou non par un document d'urbanisme, et sans condition de densité. Les communes au règlement national d'urbanisme (RNU) doivent approuver un PLU ou une carte communale avant le 22 août 2026.

Enfin, le forfait national d'artificialisation de 10 000 hectares est important. In fine, le dialogue entre président du conseil régional, conférence régionale et État devrait prévaloir pour identifier les projets d'envergure nationale.

En parallèle de l'examen au Parlement, les négociations ont continué sur les décrets de nomenclature du ZAN et d'application des Sraddet. Le décret n°2022-763 a contourné nos travaux en prévoyant le caractère prescriptif du Sraddet, dans une logique de verticalisation. Cela a depuis été supprimé. Nous saluons les efforts de négociation.

L'accompagnement des élus et le financement restent en suspens. Le groupe SER défend depuis des années ce sujet en projet de loi de finances, notamment sur la revalorisation des friches et du bâti ancien des communes rurales. Satisfaits d'un compromis équilibré, nous voterons le texte. (Applaudissements)

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements au banc des commissions) Nous voulions tous clarifier les objectifs du ZAN sans entraver la libre administration des collectivités territoriales. Il fallait garantir aux élus une meilleure prise en compte des déséquilibres, sans fragiliser les territoires. Il fallait agir clairement pour pérenniser la transition écologique et les Enaf. Il y a urgence à préserver la perméabilité des sols, les nappes phréatiques et la biodiversité.

Cette loi ne fera pas tout. Le droit à l'hectare est important, mais sans financement, sans rééquilibrage des investissements, même avec des droits à construire, il ne se construira rien.

Ainsi, 67 % des intercommunalités ont refusé des projets faute de foncier, selon le Cerema. Rapprocher le salarié de son lieu de travail, mieux aménager pour moins polluer : voilà un enjeu qui demeurera, comme la préservation des sols.

Il n'y a pas d'écologie sans égalité : les grands projets d'intérêt national sont au coeur de ces enjeux. Pour une planète vivable, les collectivités doivent avoir leur voix. Il faudra aussi des moyens, mais avec le fonds d'investissement, nous en sommes très loin - d'autant qu'il serait utilisé pour la reconstruction à la suite des émeutes. Je renvoie aussi aux propos de Cédric Vial sur le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA)...

Ainsi, nos travaux ne sont pas l'alpha et l'oméga de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais le Sénat aura rendu le texte plus efficace. Madame la ministre, le droit à l'hectare doit demeurer communal, et les grands projets doivent relever des 10 000 hectares, avec un droit de proposition et de contestation pour les régions.

Le droit de préemption étendu est aussi un progrès, comme les six mois supplémentaires pour décliner les objectifs du ZAN.

Restent des points de vigilance, comme le décompte des bâtiments agricoles, la réindustrialisation, la souveraineté alimentaire, le logement.

Au-delà du dogmatisme, le texte fera date dans notre façon de penser l'aménagement du territoire. Notre groupe le votera et salue le travail de la présidente et du rapporteur : le consensus, sans nivellement par le bas, permet une sortie par le haut. Madame la ministre, je fais le voeu que cette méthode du travail soit l'occasion de repenser la politique dans notre pays. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du GEST)

Mme Valérie Létard .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, du RDSE et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Avant tout, je remercie particulièrement le rapporteur Jean-Baptiste Blanc pour le travail passionné et inlassable accompli ces derniers mois. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Je remercie également l'ensemble des membres de la commission spéciale : notre travail transpartisan, c'est la marque du Sénat, pour travailler à la défense de l'intérêt général. Merci aussi à la présidente de la commission des affaires économiques, qui a toujours alerté sur la nécessité de conserver cette boussole. Je remercie enfin nos administrateurs, qui ont joué leur rôle avec ardeur en tandem avec les élus.

Madame la ministre, avec votre collègue Christophe Béchu vous avez également contribué à l'atteinte de ce compromis. Il était essentiel de faire en sorte que nos collectivités puissent agir et non subir. Agir en partenariat avec l'État, mais sans devenir des agents privés du droit de penser.

Ce texte est une victoire, une avancée pour nos territoires. Ses dispositions sont acceptables, soutenables et équilibrées. L'Assemblée nationale a introduit des améliorations utiles, comme la possibilité de mutualiser 7 hectares à l'échelle de l'intercommunalité. L'objectif de sobriété foncière devient atteignable. Il faudra soutenir financièrement les collectivités pour qu'elles améliorent leurs documents d'urbanisme.

Sursis à statuer, allongement des délais, droit de préemption élargi, décompte de l'artificialisation nette dès 2021 et non 2031, ces avancées étaient attendues. Le point sur lequel nous avons buté le plus durement est l'incidence des grands projets d'envergure nationale ou européenne.

Notre ambition était que l'objectif intermédiaire de 2031 puisse être atteint.

Ce texte est une première étape nécessaire, mais non suffisante. Je quitterai l'aventure, mais les textes futurs, projet de loi de finances notamment, feront la réussite du projet ZAN. Il faut des moyens. L'État ne doit pas oublier qu'il a besoin de sa deuxième jambe, les collectivités. (Mme Sonia de La Provôté renchérit.) L'État doit travailler non pas à leur place, mais avec elles, solidairement.

Mes chers collègues, je vous souhaite le meilleur pour la suite, avec un pincement au coeur au moment de terminer cette ultime intervention. (Applaudissements nourris et prolongés ; Mme Valérie Létard est saisie d'une vive émotion.)

Présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

Mme la présidente.  - Il ne sied pas à la présidence, d'ordinaire, de se joindre aux applaudissements de l'hémicycle, mais je suis, moi aussi, très émue par votre dernière intervention.

Mme Valérie Létard.  - Merci, madame la présidente, mes chers collègues. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Il aurait mieux valu que Mme Létard parle en dernier...

Cette proposition de loi est une illustration parfaite du rôle du Sénat. L'objectif du ZAN a été imposé sans réelle concertation avec les élus locaux. Ses modalités de mise en oeuvre ont inquiété, crispé même. Le Sénat s'est saisi de cette question, dans une démarche transpartisane. Le texte issu de la CMP conserve plusieurs de ses apports. Le ministre a proposé de retirer certaines dispositions de la proposition de loi pour les renvoyer au domaine réglementaire, avec la promesse d'y associer les parlementaires. Nous serons vigilants.

Sur le fond, nous saluons la préservation de certains acquis : le fameux hectare communal, l'allongement des délais, la mutualisation de l'artificialisation induite par les grands projets, la suppression de la condition de la densité pour la garantie communale...

Nous saluons la comptabilisation nette dès la première décennie ou encore le sursis à statuer.

Nous regrettons de ne pas être allés au bout des attentes des maires sur les périmètres de densification, le recul du trait de côte ou les dents creuses, mais je me félicite du texte auquel nous sommes parvenus. Notre groupe le votera.

Je conclurai par un message tout particulier à Mme Létard. Plus jeune maire d'une grande ville du Nord-Pas-de-Calais en 1995, je vous ai accueillie dans ma commune quelques années plus tard, quand vous étiez secrétaire d'État à la solidarité. Nous avons partagé la même passion pour l'aménagement du territoire au sein de l'aire métropolitaine de Lille. Vous retrouver ici en 2017 a été un vrai bonheur. Vous nous quittez - comme disait Alain Barrière, « Tu t'en vas... » -, mais n'allez pas trop loin ! Nous aurons encore besoin de votre oeil avisé. (Applaudissements)

À la demande de la commission spéciale, le texte élaboré par la CMP est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°332 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 327
Pour l'adoption 326
Contre     1

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Au nom du Président de la République, de la Première ministre et du Gouvernement, je remercie Mme Létard pour sa compétence, sa persévérance, sa sincérité dans son engagement et sa contribution à l'adoption de ce texte à la quasi-unanimité. (Applaudissements)