SÉANCE

du mardi 18 juillet 2023

9e séance de la session extraordinaire 2022-2023

Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires : Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

?Comptabilisation des énergies renouvelables dans le calcul du ZAN

M. Philippe Bonnecarrère .  - Je ne ferai pas un point général sur le zéro artificialisation nette (ZAN) - même si j'aurais bien des observations à faire sur cet objectif punitif et cette logique de décroissance. Ma question porte sur le traitement réservé aux opérations de développement des énergies renouvelables dans ce cadre.

Beaucoup de maires se demandent si l'installation de panneaux photovoltaïques ou d'éoliennes sera ou non prise sur le compte d'artificialisation de la commune : ils agiront en conséquence. La question devait être traitée par voie législative, mais la proposition de loi ZAN comme le projet de loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables sont muets sur ce point. Qu'en est-il ? Votre réponse est très attendue par les élus locaux.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - La publication d'un décret est imminente, pour répondre à cette interrogation légitime.

La surface au sol d'une éolienne est le plus souvent inférieure à 50 m2, et ne sera donc pas considérée comme de l'artificialisation.

Pour le photovoltaïque, tant que les panneaux ne sont pas posés au sol et ne l'altèrent pas, mais sont à une hauteur qui préserve la faune et la flore en conservant les qualités écologiques du sol, l'opération ne sera pas considérée comme de l'artificialisation. Nous n'allons pas bloquer le développement d'une énergie précieuse, et attendue sur les territoires.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Il faudra être attentif aux détails dans la rédaction du décret. Il y a manifestement des subtilités techniques à prendre en compte. Nous devons développer les énergies renouvelables sans être entravés par les contraintes de l'artificialisation.

Plan France Ruralités et écoles rurales

M. Bruno Belin .  - Monsieur le Ministre, vous étiez présent à Saulgé, dans la Vienne, quand la Première ministre a présenté le plan France Ruralités. Elle y a notamment évoqué la question de l'école en milieu rural. Ma question est simple : quelle est la stratégie du gouvernement, dans le plan France Ruralités, pour préparer la rentrée scolaire 2024 ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Les territoires ruraux sont au coeur des attentions du Gouvernement. Nous accordons une attention particulière à la scolarisation en milieu rural.

Une nouveauté sera la visibilité à trois ans et la mise en place, dans chaque académie, d'une instance départementale de dialogue et de concertation, en amont des conseils départementaux de l'éducation nationale. Un appel à projet d'internat d'excellence spécifique aux territoires ruraux sera lancé, et nous généraliserons l'expérimentation des territoires éducatifs ruraux. Leur nombre sera porté de 63 à 185 d'ici 2024, avec au moins un territoire par département, hors Île-de-France. La concertation entre les autorités académiques et les élus permettra de définir les périmètres géographiques, les diagnostics et les plans d'action, pour une officialisation au plus tard début 2024.

Ces politiques s'appuieront sur des outils déjà déployés : stages de réussite, école ouverte, devoirs faits, cordées de la réussite, qui ont concerné plus de 37 000 élèves ruraux.

Enfin, le taux d'encadrement dans les écoles rurales est plus élevé que la moyenne nationale : 20,28 élèves par classe dans les communes rurales éloignées, 21,20 dans les communes rurales, contre 21,7 au niveau national.

M. Bruno Belin.  - Le plan France Ruralités manque de stratégie et de contenu. Un médicobus par département, un chargé de projet par département, 5 000 à 6 000 euros par commerce repris : c'est insuffisant.

Même avec 185 territoires éducatifs en milieu rural, on est à moins de deux par département. La cartographie des regroupements pédagogiques doit tenir compte du nombre d'élèves par classe et du temps considérable passé dans les transports scolaires.

La visibilité à trois ans est en effet essentielle. J'espère que la coordination se fera aussi avec les préfets, qui ont un peu plus de vision politique que les directeurs académiques... Avant de pouvoir se projeter, il faut commencer par renoncer à toute fermeture de classe à la rentrée 2024, et sanctuariser nos écoles rurales.

Suivi des élèves allophones nouvellement arrivés

M. Éric Gold .  - J'ai été interpellé par une équipe de soutien linguistique de mon département qui s'occupe de l'intégration des élèves non francophones en milieu scolaire. En effet, l'obligation d'instruction s'applique également aux nouveaux arrivants. Or les professeurs des unités pédagogiques pour élèves allophones rencontrent des difficultés croissantes en raison de l'augmentation continue du nombre d'élèves concernés : plus 50 % à Clermont-Ferrand, pour un nombre d'enseignants inchangé.

Les conditions d'enseignement se dégradent, au détriment de l'accompagnement des élèves, qui ont parfois connu des parcours de vie compliqués, voire traumatiques. Une circulaire préconise neuf heures minimum d'enseignement intensif du français, mais les enseignants, qui doivent couvrir plusieurs écoles, ne peuvent assurer qu'une à deux heures par semaine.

Les délais d'affectation dans ces unités spécialisées se sont fortement allongés, retardant de fait la scolarisation des nouveaux arrivants. Sans compter qu'il faut plusieurs années pour acquérir une langue, ce qui explique le retard de certains élèves à l'entrée en sixième.

Outre l'apprentissage de la langue, cet accompagnement permet aussi une découverte de la culture citoyenne de notre pays, indispensable à la bonne intégration de ces citoyens de demain. Au vu des enjeux, le Gouvernement compte-t-il augmenter les moyens humains pour le suivi des élèves allophones ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Le ministre de l'éducation nationale accorde une grande importance à la scolarisation et à l'accueil des élèves allophones nouvellement arrivés en France. Dans un contexte marqué notamment par l'accueil de réfugiés ukrainiens, tous les acteurs se mobilisent pour accueillir et scolariser chaque enfant au sein de l'école de la République.

Les unités pédagogiques pour élèves allophones nouvellement arrivés ne sont pas des classes exclusives, mais visent à permettre aux nouveaux arrivants d'atteindre rapidement un niveau de français suffisant pour suivre les cours en classe ordinaire. À ce stade, le ministère mobilise 1 570 professeurs pour ces structures.

Dans le Puy-de-Dôme, nous rencontrons de vraies difficultés dues à la forte augmentation du nombre d'élèves allophones nouvellement arrivés, scolarisés dans plus de trente écoles. Nous travaillons avec le rectorat et la direction des services départementaux de l'éducation nationale pour trouver des solutions. Le ministre de l'éducation nationale vous tiendra informé du dispositif qui sera mis en place à la rentrée.

Lutte contre les violences sexuelles dans les établissements de l'enseignement français à l'étranger

Mme Mélanie Vogel .  - Il y a quelques mois, j'ai rencontré des parents d'élèves à Barcelone qui étaient très inquiets et en colère. Leur petite fille avait été victime d'agressions sexuelles à l'école maternelle française. Ils avaient signalé des comportements inquiétants au proviseur, puis porté plainte quand la parole de la fillette s'est libérée et que les faits se sont précisés. La police catalane est alors intervenue et a arrêté l'individu en question. Mais pendant les mois entre leur premier signalement et l'intervention de la police, rien n'a été fait... Cet homme travaillait à l'école française de Barcelone depuis des années, il a peut-être fait d'autres victimes.

Ces faits ne sont pas isolés : 13 % des collégiens déclarent être victimes d'agressions sexuelles, et l'enseignement français à l'étranger ne fait sans doute pas exception.

En l'espèce, alors que la Catalogne a un droit local plutôt performant, que les parents se sont mobilisés, il n'y a pas eu de réaction adéquate. Il aurait fallu des formations, des protocoles, des procédures ! Le ministre Pap Ndiaye s'est engagé à apporter des améliorations. Qu'allez-vous faire pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) relaie les priorités éducatives du ministère de l'éducation, en tenant en compte des contextes juridiques locaux. La prévention et le traitement des agressions et violences sexuelles font l'objet de la même vigilance qu'en France.

Bien que le programme pHARe ne puisse être imposé dans tous les établissements, pour des raisons administratives et juridiques, l'AEFE n'admet aucune tolérance. La détection et la prévention des abus sexuels, des situations de violence et de harcèlement s'intègrent aux parcours citoyens et éducatifs de santé des élèves. Des partenariats avec le monde professionnel et associatif local sont également mis en place. Une attention particulière est accordée à la parole des élèves sur ces sujets, et de nouvelles exigences seront introduites dans les critères d'homologation dès l'année 2023-2024.

Chaque année, les plans régionaux de formation de l'AEFE intègrent des actions de formation sur les questions relatives aux signalements à caractère sexuel. Un protocole complet et précis a été élaboré pour tous les établissements du réseau afin d'avoir une réaction homogène en cas de signalement ; il sera mis en application dès la prochaine rentrée.

Compensation de la suppression de la CVAE

M. Rémi Cardon .  - En octobre, le ministre Jean-Noël Barrot m'indiquait que la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) serait compensée à l'euro près par l'attribution d'une fraction de TVA. Mais la compensation a été calculée sur la moyenne des recettes 2020-2023. Pourquoi intégrer 2021, année où la CVAE a connu une baisse exceptionnelle en raison de la crise sanitaire ? À l'heure où les collectivités se serrent la ceinture, font toujours plus avec toujours moins, et où le Gouvernement peine à boucler son budget, ce nouveau cadeau fiscal de 14 milliards d'euros aux entreprises se fait aux dépens des ménages.

Qu'en est-il de la mission flash des inspections générales sur la répartition de la compensation ? Le même problème se pose pour la compensation de la taxe d'habitation. Modifierez-vous les règles de calcul pour compenser à l'euro près et répondre ainsi à la promesse gouvernementale ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Depuis la suppression de la dotation globale de fonctionnement (DGF) entre 2012 et 2017 qui a conduit à une ponction sans précédent sur les finances des collectivités, les réformes de la fiscalité sont faites à l'euro près. Le calcul fictif de la taxe d'habitation pour la compensation répond à cette optique. Regardez la réalité des comptes des collectivités territoriales ! (M. Rémi Cardon secoue la tête.)

Jamais un impôt n'a été compensé en se basant sur une seule année, et la CVAE est particulièrement instable : à la différence de la taxe professionnelle, elle évolue en fonction des cycles économiques. La moyenne protège les collectivités. Prenons un cas extrême : lors de la révision sous contrainte d'une centrale nucléaire, la collectivité ne touche plus rien. L'effet de bord est considérable.

Le delta de 650 millions d'euros entre 2022, la meilleure année, et la moyenne, a été intégralement reversé : 150 millions d'euros ont été fléchés vers les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), et 500 millions d'euros ont abondé le fonds vert, reconstituant ainsi le niveau de CVAE des collectivités. Il y a donc compensation au-delà de la TVA, en tenant compte du dynamisme économique. Les collectivités qui ont reçu des recettes de TVA ne se plaignent pas : la compensation était plus dynamique que la CVAE, d'un point par an en moyenne !

M. Rémi Cardon.  - Je n'ai pas eu de lumières sur la mission flash ni de réponse à ma question. Les promesses n'engagent que ceux qui les croient... Après l'esprit centralisateur avec le zéro artificialisation nette (ZAN), il serait temps pour vous de redevenir élu local et de refuser l'État centralisateur, notamment pour la fiscalité locale. Après cent jours, revoyez votre copie.

Cession éventuelle du Stade de France

M. Fabien Gay .  - Auriez-vous l'idée de vendre la tour Eiffel ou le palais Garnier à une puissance étrangère ? Impensable ! Pourtant, depuis mars dernier, votre Gouvernement envisage discrètement de vendre le Stade de France à la fin du contrat de concession en 1995. Bien plus qu'une enceinte sportive, ce lieu est une part de notre histoire commune. Il incarne le génie français et renferme nos souvenirs communs : la première étoile de 1998, des matchs de foot et de rugby, des concerts pharaoniques... Les émotions et les souvenirs ne s'achètent pas, même à coups de milliards des pétromonarchies comme le Qatar.

Vendre le Stade de France serait brader notre patrimoine commun et renoncer à une pratique sportive et culturelle abordable. Le sport et la culture ne doivent pas être des marchandises bradées. Tous les élus doivent être associés à ces discussions. Pouvez-vous nous assurer que le Stade de France restera propriété de la Nation ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Deux procédures ont été lancées en mars pour désigner l'exploitant du Stade de France après 2025 : la cession, et le renouvellement de la concession d'exploitation. La cession n'est qu'une des hypothèses envisagées. L'État comparera les offres selon des critères précis. Le critère de l'avantage économique global est basé sur les prix, la valeur du stade, les investissements, les finances et la répartition des risques. Le critère technique et commercial vise à améliorer l'accueil des événements sportifs, en particulier ceux de la Fédération française de football et de la Fédération française de rugby.

Les événements continueront à être organisés, avec un droit de regard sur la tarification pour le grand public. Nous répondons ainsi au coeur de votre question : préserver le lien particulier entre le Stade de France et la nation.

M. Fabien Gay.  - Nous restons opposés à la vente. Je propose que les élus locaux et les parlementaires soient réunis autour de la table avec Bercy.

Autorisations annuelles de débits de boissons temporaires

M. Bernard Buis .  - L'article L. 3334-2 du code de la santé publique prévoit que les associations établissant des débits de boissons durant leurs manifestations publiques doivent obtenir une autorisation municipale, dans la limite de cinq autorisations annuelles. Cette limite est portée à dix pour les associations sportives agréées, selon l'article L. 3335-4 du même code.

Alors que les débits de boissons temporaires représentent une des sources principales de revenu pour les associations de loisirs, à l'image de nombreux comités des fêtes, quelles raisons justifient une telle différence ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - En toute chose, la modération est une bonne chose, notamment en cette période estivale. (Sourires)

Il existe deux régimes différents pour les débits de boissons temporaires. D'une part, un régime datant de la loi de finances rectificative pour 1998, qui prévoit dix autorisations annuelles pour les clubs sportifs. Selon l'étude d'impact, 30 % de leurs recettes proviennent de ces débits de boissons temporaires.

D'autre part, l'article 3334-2 du code de la santé publique, de 2001, qui permet cinq autorisations pour les autres associations. Pourquoi un tel décalage ? Il y a des centaines de milliers d'associations en France. Cela justifie un taux plus restrictif que pour les associations sportives, afin d'éviter une concurrence déloyale envers les lieux réglementés.

M. Bernard Buis.  - Merci pour cette clarification.