Reconstruction des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l'accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur ce projet de loi ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Discussion générale

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Du 27 juin au 5 juillet, notre pays a été marqué par des pillages et des violences inqualifiables, dont le bilan dépasse le triste record de 2005.

Avec le Président de la République et la Première ministre, nous nous étions engagés à répondre par un texte aux besoins liés aux travaux d'urgence. Je salue le travail et l'état d'esprit du Sénat.

Ce texte n'est pas une réponse globale : nous gérons non les causes, mais les conséquences, en vue d'aller plus vite. Je souhaite l'union la plus grande ici, comme autour des victimes.

Le bilan des destructions est trois fois supérieur à celui de 2005, à 650 millions d'euros. Des symboles de la République ont été touchés : 274 commissariats ou brigades de gendarmerie, 105 mairies, 243 établissements scolaires dont dix écoles détruites, 47 établissements du ministère de la justice, trois centres hospitaliers et d'innombrables équipements urbains - bus, crèches, locaux associatifs... Autant de lieux qui font vivre les promesses de notre République.

Tout cela masque les attaques ignobles contre les forces de l'ordre. Je n'oublie pas non plus les 1 000 commerces vandalisés, notamment des bureaux de tabac et des pharmacies.

Cependant, ces statistiques pèsent peu par rapport à la réalité de ce qu'ont vécu nos concitoyens. Je pense à Vincent Jeanbrun, dont la femme et les enfants ont été agressés, aux parents de l'école Champollion de Dijon, cible d'une attaque alors que les enfants jouaient à proximité, à une maison de quartier à Angoulême, brûlée deux fois, aux élus et aux agents de la mairie de Mons-en-Baroeul, attaquée sans relâche au mortier pendant toute une nuit, à tous ceux qui ont perdu le fruit d'une vie honnête dans les attaques.

Nous ne lâcherons rien face à ceux qui ont la destruction facile et à ceux qui n'ont pas eu le courage d'appeler au calme. Nous devons être aux côtés de ceux qui veulent rebâtir.

Ce projet de loi est un appel à l'union nationale, dans un démenti cinglant aux émeutiers, aux délinquants et aux criminels.

Les pouvoirs publics doivent répondre de manière urgente. La circulaire de la Première ministre y pourvoit, mais nous devons aller plus loin en facilitant la reconstruction à l'identique avec des adaptations en matière de sécurité, d'accessibilité et d'environnement.

Les travaux préparatoires doivent pouvoir commencer dès l'instruction et les autorisations administratives seront accélérées, mais sans confondre vitesse et précipitation : les maires conserveront leur pouvoir d'appréciation. Les marchés publics de travaux et de conception-réalisation seront facilités.

Le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) pour les collectivités territoriales et leurs groupements sera mobilisé et, par dérogation, les travaux pourront être subventionnés en totalité.

Ces mesures sont temporaires et limitées aux seuls bâtiments touchés par les émeutes.

Ces ordonnances doivent être promulguées le plus tôt possible, au plus tard en septembre.

Cela forme un tout cohérent, de bon sens, un choc de simplification circonscrit aux collectivités territoriales les plus touchées. Reconstruire n'est ni gommer ni effacer, mais rendre justice à la majorité silencieuse, et ne pas laisser le dernier mot aux émeutiers.

Après le temps du retour au calme vient celui du traitement des conséquences. À la rentrée, nous agirons sur les causes.

Merci au Sénat de l'accueil réservé à ce projet. Nous ferons ensemble oeuvre législative efficace et utile. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Je me réjouis que nous fassions aboutir ce texte rapidement, in extremis. Le Sénat est soucieux du soutien aux maires, comme nous y assigne l'article 24 de la Constitution.

Les émeutes ont débouché sur des violences intolérables : attaques physiques contre les élus et leur famille, pillages, incendies, vandalisme, autant d'offenses à l'État de droit qui touchent durement nos concitoyens. Nous avons assisté au saccage d'équipements publics : 750 bâtiments dégradés, dont plus d'une centaine détruits.

Ce matin, je pense à Nicolas Dainville, maire de La Verrière, à Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines. Sont aussi touchées les communes moyennes, ne relevant pas des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

En apparence, la crise est éteinte, mais il faudra des solutions de long terme, et une réflexion sur la perte d'autorité, sur le maintien de l'ordre, sur les politiques publiques de logement, d'éducation et d'intégration, dans et hors QPV.

L'urgence républicaine est la reconstruction. Certes, je comprends la colère de nos concitoyens qui ne veulent plus payer pour ces dégâts, mais la République ne peut reculer. Nous ne pouvons pas abandonner ces jeunes à la spirale de la violence. Écoles, bibliothèques, maisons des arts sont autant d'équipements socles de l'émancipation républicaine.

Je remercie les sénateurs qui ont cosigné ma proposition de loi pour la reconstruction, déposée le 3 juillet. Avec le président Larcher, nous avons bataillé pour obtenir son examen. Avec succès, puisque dès le lendemain, devant les maires réunis à l'Élysée, le Président de la République annonçait un projet de loi d'habilitation à légiférer par ordonnances reprenant les principales dispositions de mon texte : adaptation des marchés publics, financement jusqu'à 100 % de la reconstruction, remboursement anticipé de la TVA, mesures dérogatoires aux règles d'urbanisme, entre autres.

L'article 1er étend des dispositions déjà présentes dans le code de l'urbanisme pour autoriser la réfection à l'identique des bâtiments, selon les règles en vigueur lors de leur construction, et non les règles actuelles. Le champ des modifications admises est élargi, notamment en matière de sécurité, d'accessibilité et de performance environnementale.

Les travaux préliminaires pourront être engagés dès la demande de permis. Les délais seraient réduits et la règle du silence valant refus renversée dans certains cas : je songe aux avis des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) et des architectes des bâtiments de France (ABF). C'est une mesure de bon sens. Les conditions de participation du public ne sont en revanche pas affectées.

Il faut poursuivre l'inventaire des dégradations. Pour une fois, le recours aux ordonnances est justifié, car ces mesures sont techniques et consensuelles : l'administration est la mieux placée pour agir.

Le délai d'habilitation de trois mois est assez court pour répondre à l'urgence, et assez long pour prendre en compte les cas particuliers.

Cela dit, il faut agir vite. C'est pourquoi notre commission n'a pas modifié l'article 1er, ni la commission des finances l'article 3 ; la commission des lois n'a amendé l'article 2 qu'à la marge.

Pour ma dernière intervention en tant que présidente de la commission des affaires économiques, je remercie le Gouvernement pour le dialogue fructueux avec ses services. Je remercie aussi nos collègues députés, avec qui nous avons dialogué en amont pour que le texte aboutisse le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.) Ce projet traite des conséquences des émeutes, mais pas des causes.

Je rends hommage à tous les élus et agents municipaux, dans l'Essonne et ailleurs, qui se sont mobilisés pour limiter les dégâts.

La commission des finances s'est vu déléguer au fond l'article 3, qui prévoit par ordonnance des mesures dérogatoires pour les investissements locaux. Pour financer les réparations, les collectivités bénéficieront de la responsabilité sans faute de l'État et de la participation des assureurs.

Actuellement, les collectivités perçoivent le FCTVA en année n+2 ou n+1. En l'espèce, le versement serait anticipé dès l'année n, ce qui est pleinement justifié. À titre personnel, j'estime même que cela devrait être le fonctionnement normal du fonds. Il est injuste que l'État préserve sa trésorerie au détriment de celle des collectivités territoriales...

Ensuite, il sera possible de déroger à la règle obligeant les collectivités à participer à hauteur de 20 % du montant de leurs projets d'investissement : les subventions pourraient donc aller jusqu'à 100 %. Une instruction ministérielle a déjà prévu un fonds spécial au sein de la mission Relations avec les collectivités territoriales, mais sa traduction budgétaire reste floue et son coût incertain. Le Gouvernement devra communiquer des informations au Parlement dès que possible. Une loi de finances rectificative aurait été plus adaptée.

Enfin, il sera possible de déroger à la règle du plafonnement des fonds de concours, ce qui offrira de la souplesse aux collectivités territoriales, pour un effet budgétaire neutre sur l'État.

L'habilitation suppose la vigilance des parlementaires. Ces mesures sont techniques et, je crois, consensuelles. La commission des finances vous propose d'adopter l'article 3 sans modification. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.) La commission des lois est saisie de l'article 2, qui prévoit des dérogations au code de la commande publique.

Lorsque la mairie, agora locale, et des services publics sont attaqués, c'est la République et le vivre-ensemble qui sont menacés. Il faut rapidement reconstruire l'ordre républicain.

Ces violences inadmissibles ont ciblé des personnes dépositaires de l'autorité publique. Les bâtiments publics représentent 30 % des bâtiments endommagés, soit 750 au total. Quelque 273 bâtiments des forces de l'ordre, 168 écoles et 105 mairies ont été détériorés. Le chantier national de reconstruction suppose un cadre juridique d'exception.

L'article 2 offre une assise juridique sûre. Les acheteurs publics pourront passer des marchés sans publicité mais avec mise en concurrence, sous un seuil fixé à 1 million d'euros, contre 100 000 euros actuellement, et les marchés globaux seront facilités. Le gain de temps est estimé, respectivement, à quatre semaines et quatre mois.

Ces dérogations sont justifiées et proportionnées. La commission des lois a adopté un amendement clarifiant le périmètre des dérogations et y incluant les bailleurs sociaux.

Ce n'est cependant pas un chèque en blanc, monsieur le ministre. Le seuil de 1 million d'euros est trop bas, alors que la réglementation européenne autorise les dérogations jusqu'à 5,3 millions d'euros. Nous avons ainsi modifié l'intitulé du projet de loi pour y inclure le terme de réfection.

Nous nous sommes interrogés sur l'étendue de l'amendement n°5 du Gouvernement, que la commission a examiné ce matin. Les services du ministère nous ont affirmé que les travaux de voirie ne relevaient pas des travaux d'équipements publics, mais l'objet de cet amendement suggère le contraire. Merci de nous préciser les choses, monsieur le ministre.

En outre, la dérogation au principe de publicité fait gagner quatre semaines, bien moins que le délai de deux mois demandé par le Gouvernement pour la publication de l'ordonnance. Il faudrait au moins que celle-ci soit examinée avant la pause estivale par le conseil des ministres. Monsieur le ministre, engagez-vous sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC et du RDPI)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Bruno Belin applaudit également.) Décidément, urgence et résilience sont devenues les impératifs de l'action publique. Il a fallu agir vite et fort face aux crises : sanitaire, écologique, émeutes. Ces dernières ne sont pas l'apanage de la France ; je songe aux épisodes au Royaume-Uni en 2011 et à Stuttgart en juin 2020.

Dans l'Yonne comme ailleurs, à Sens, à Migennes ou à Auxerre, nos compatriotes ont été sidérés par le déferlement de violence. J'ai une pensée pour Vincent Jeanbrun et sa famille, ainsi que pour Stéphanie Von Euw, maire de Pontoise. Sylvain Tesson a dit : « Nous sommes en présence des émeutes de l'iPhone ». Dans un consumérisme érigé en religion, je pille, donc je suis, semblent dire ceux qui nous narguent à coups d'emojis. Une violence aveugle et gratuite, donc. Enfin, pas tout à fait, car l'addition sera lourde.

Je rends hommage aux forces de sécurité, dont la police municipale, qui s'est souvent retrouvée à quelques dizaines contre des centaines d'émeutiers. L'ordre est revenu, et l'heure est à la reconstruction. Il faut en donner les moyens aux élus locaux.

Les trois habilitations sont justifiées par le contexte. Je me félicite que la commission des affaires économiques ait adopté ce texte dans le consensus.

Aller vite et bien, c'est déroger au droit en vigueur sur l'autorisation d'urbanisme, c'est le rescrit -  peut-être à systématiser  - , c'est simplifier le recours aux marchés globaux, limiter l'allotissement et, avec l'article 3, rendre possible le financement intégral des travaux par l'État.

L'amendement du Gouvernement élargit le périmètre des travaux à la voirie et à la vidéosurveillance : c'est heureux. Il y a des attentes et un besoin de liquidité. Des projets non encore aboutis, comme le centre social de Sens, sont partis en fumée.

Mais il y a un chantier plus considérable : la reconstruction républicaine. Ernest Renan qualifiait la nation de plébiscite de tous les jours : il faut reconstituer ce creuset, notamment avec un service national universel (SNU) format XXL. Il faut aussi tout simplement de l'ordre et du progrès, pour faire nôtre une autre devise nationale. La République ne doit pas tolérer de « zones à détruire » ni de zones de non-droit. Alors que 40 % des interpellés avaient des antécédents, ne laissons pas quelques dizaines de milliers de fauteurs de trouble désespérer la majorité silencieuse.

Aucun territoire ne saurait être abandonné ou perdu. Je pense aux maisons France Services (MFS) et au retour des services publics dans les territoires, avec des dotations significativement augmentées.

Ce texte n'épuise pas le débat, mais c'est un préalable indispensable. Le RDPI le votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Colette Mélot et M. Bruno Belin applaudissent également.)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel ont surpris par leur violence. Elles ont touché près de 500 communes, dégradé ou détruit près de 800 bâtiments publics. Des commerces ont été pillés.

Ce texte est la réponse du Gouvernement, sous la forme d'une habilitation, afin de créer un cadre juridique d'exception. Il est urgent de rouvrir les centres aérés et les bases de loisirs pour l'été, les écoles pour la rentrée, d'assurer la continuité des services publics.

Mais le texte souffre d'imprécisions criantes, sur le périmètre des habilitations comme sur ses aspects financiers. Ainsi, il prévoit une reconstruction « nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire ». Les installations provisoires entreront-elles dans le champ des ordonnances ? Quelle sera la durée des mesures d'urgence ? Tout au plus prévoit-on « une durée limitée »... Enfin, le délai de deux mois pour publier les ordonnances est en contradiction avec l'objectif d'urgence. Nous présenterons des amendements en ce sens.

Le groupe SER votera ce texte nécessaire, mais ses faiblesses exigent un contrôle parlementaire rigoureux.

De plus, le texte ne résoudra pas le problème de fond de la cohésion sociale. Contrairement aux émeutes de 2005, celles-ci ne peuvent être qualifiées d'urbaines : sur 553 communes touchées, 169 sont hors QPV. Nous n'en serions pas là si l'État avait répondu au déclassement d'une large partie de la population, ghettoïsée depuis trente ans. Les questions de racisme systémique au sein de la police n'ont jamais été traitées.

Depuis 1990, 90 milliards d'euros ont été investis dans les politiques de la ville, soit le montant annuel des exonérations de cotisations pour les entreprises. Il y a urgence, alors que le culte du zonage fait fuir la population.

Mais il faut aussi des réponses éducatives, familiales et sociales à la hauteur. L'urgence est d'éviter les explosions de violence et la fragmentation continue de notre société.

Nous proposons de renforcer la protection des élus locaux, les moyens des collèges et lycées, d'accompagner les familles monoparentales et le retour d'une véritable police du quotidien sur nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions ; Mme Éliane Assassi applaudit également.)

M. Fabien Gay .  - Le 27 juin à Nanterre, un policier a tué un jeune de 17 ans. Quarante ans après les Minguettes, dix-huit ans après Zyed et Bouna, la justice doit être au rendez-vous.

L'émotion s'est muée en colère, qui a détruit biens publics et privés. Ceux qui ont été privés de moyens financiers et humains sont ceux qui ont le plus souffert des dégradations, que nous avons condamnées. Ils subissent la double peine.

Au vu de l'urgence, ce texte était nécessaire, mais des interrogations demeurent. Tout semble possible, mais rien n'est sûr. Il faudra attendre les ordonnances. Un projet de loi de finances rectificative aurait été plus respectueux du Parlement.

L'égal accès aux services publics est l'un des piliers de cette République invoquée dans les discours, dans des « arcs » qui incluent ceux qui l'ont toujours combattue et excluent ceux qui la défendent. Un bouleversement des valeurs qui brouille le sens.

La République s'incarne dans ses services publics. Mais il faut aussi reconstruire la cohésion et la justice sociales, en commençant par le lien entre la politique et une partie de la population - ceux qu'un des principaux syndicats de police qualifie de « nuisibles », dans le silence assourdissant du Gouvernement.

Les quartiers populaires cumulent les difficultés. Il ne s'agit pas de se plaindre ni de vouloir plus que les autres, mais de satisfaire une soif d'égalité républicaine. Il est faux de dire que seuls 25 % des habitants des quartiers prioritaires paient des impôts : tout le monde, du millionnaire au smicard, paie cet impôt injuste qu'est la TVA. Ces citoyens paient les mêmes impôts que les autres, mais sans recevoir les mêmes services.

Les quartiers prioritaires ne sont pas le tonneau des Danaïdes décrit par certains : ils subissent les transports qui dysfonctionnent, les professeurs absents non remplacés - jusqu'à atteindre l'équivalent d'une année scolaire pour un élève de Seine-Saint-Denis, un taux de pauvreté trois fois plus élevé qu'ailleurs.

À cela s'ajoute un discours de stigmatisation et d'exclusion. Or opposer les citoyens entre eux, c'est fragmenter la République. Il faut retisser du lien, et non diviser, comme le font l'extrême droite et ses alliés. Il n'y a pas de Français de papier ; il y a le peuple français, la République française. Quartiers, territoires ultramarins ou ruraux subissent l'assèchement des services publics et les politiques libérales.

Unissons-nous, donnons aux élus les moyens de répondre aux besoins de la population autrement qu'avec trois bouts de ficelle. Continuons le combat pour que la République démocratique, sociale, laïque et féministe devienne réalité sur tout le territoire. (Mme Marie Mercier proteste ; applaudissements à gauche.)

Mme Françoise Férat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. René-Paul Savary applaudit également.) Le décès d'un jeune est toujours un drame, mais n'excuse en rien les violences, les pillages. La justice doit faire toute la lumière sur cette affaire, mais nos concitoyens n'ont pas à en payer le prix. Des délinquants l'ont prise comme prétexte pour mettre à sac des quartiers, s'attaquant à la concorde républicaine. Le groupe UC condamne vivement leurs agissements et affirme son soutien à tous les sinistrés, aux enfants qui ont vu leur école détruite et aux administrés des 105 mairies dégradées. Il y a eu 650 millions d'euros de dégâts en quatre jours, près de 850 bâtiments publics dégradés ou incendiés ; les émeutiers ont détruit leurs propres services publics, leurs commerces, les voitures de leur famille et de leurs voisins.

Le groupe UC fait des propositions pour mieux réussir notre politique de la ville. Il faut consolider notre politique familiale, le soutien à la parentalité et à la responsabilité des parents.

Au-delà de la réponse pénale et sécuritaire, le Gouvernement devait prendre sa part de la reconstruction. La dérogation au droit commun en matière de commande publique est salutaire.

Des pistes de soutien financier aux collectivités sont esquissées, mais non précisées ; nous aurions aussi voulu davantage de coconstructions dans la rédaction des ordonnances.

Le Gouvernement doit agir avec force et prudence, et s'inspirer de ce texte pour libérer nos élus des contraintes administratives.

Enfin, saisissons cette opportunité unique de massifier la rénovation énergétique, notamment dans ces quartiers prioritaires où la précarité énergétique est un facteur aggravant. C'est le sens d'un amendement que j'ai déposé et je remercie Mme la rapporteure d'en avoir tenu compte. Les investissements dans les économies d'énergie et la transition écologique permettront aux collectivités et aux entreprises de s'y retrouver économiquement, face à la flambée du prix des énergies.

Le groupe UC votera ce texte, mais il faudra tirer les enseignements de cette crise. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le drame de la mort de Nahel, tué par un policier à Nanterre, a ému la nation. Puis la colère a submergé le pays, une colère dont les ressorts profonds n'ont toujours pas été clairement analysés. Une partie s'est cristallisée dans le pillage et la violence. Rien ne justifie les intimidations, les agressions, la destruction de commerces et bâtiments publics. Les élus du GEST ont condamné ces violences, tout particulièrement lorsqu'elles ont visé des élus de la République. Mais rappelons que les pratiques des forces de l'ordre doivent être exemplaires, pour que la violence légitime ne devienne jamais une violence injustifiée.

Chacun s'accorde sur la nécessité de reconstruire vite : écoles, centres de loisirs, services d'état civil sont des services essentiels. Les élus attendent l'assouplissement et l'accélération des procédures.

Nous déplorons le recours à une loi d'habilitation, qui ne représente en rien un gain de temps et restreint le droit d'amendement.

Si les délais de procédure sont réduits, demeure la question essentielle de la disponibilité des matériaux. Reconstruire à l'identique serait préjudiciable, il faut améliorer le bâti en matière de performance thermique et de fonctionnalités. Ne confondons pas vitesse et précipitation ! Le projet de loi prévoit également des dérogations aux règles de passation de marchés publics : il faudra un contrôle strict, pour prévenir les conflits d'intérêts.

Le GEST votera ce texte, mais il n'apporte aucune réponse aux causes profondes. Depuis 2005, la politique de la ville s'est concentrée sur la rénovation urbaine - je songe au programme lancé en 2014. Les rénovations ont souvent été imposées et non concertées et l'accompagnement social laissé de côté. En France, on pense pouvoir traiter le social par le spatial. Dès lors, la question de la relégation sociale reste entière.

La sociologue Marie-Hélène Bacqué dénonce une politique de la ville bureaucratisée et affaiblie par les logiques de concurrence et d'appels d'offres. À quand une vraie politique de transformation sociale coconstruite avec les habitants, une vraie réforme de la police afin qu'elle retrouve son ancrage social et son rôle de gardienne de la paix ?

Il faudra régler les questions de l'égalité, de la démocratie, de la crise climatique, de l'héritage colonial. Pour cela, il faudra du courage politique. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions ; Mme Marie Mercier et M. Marc Laménie applaudissent également.) Le 27 juin, un contrôle de police a conduit à un décès dans des circonstances dramatiques. S'en sont ensuivis des dégradations et pillages sans rapport direct avec ce fait, le tout entretenu par les réseaux sociaux et les chaînes d'information en continu.

Les dégâts matériels, après une semaine, étaient comparables à ceux d'une catastrophe naturelle. Les compagnies d'assurances ont évalué le coût à 650 millions d'euros.

Face à cette éruption de violence parfois crapuleuse, aux pillages, les acteurs de terrain diront que le risque était prévisible. Nous avons manqué d'importants objectifs d'éducation et de vivre ensemble.

Éric Gold avait averti, en février, sur l'inquiétante banalisation des violences en milieu scolaire. Henri Cabanel a commis un rapport sur la jeunesse et la citoyenneté. On ne peut que regretter le manque d'attention porté au plan Borloo, remis en 2018.

Le RDSE votera ce texte, mais en s'interrogeant sur la réponse à plus long terme : que faire de ces incivilités qui fragilisent nos sociétés, contre le sentiment d'abandon qui touche les milieux urbains et ruraux, malgré les milliards consacrés à la politique de la ville ? Enfin, comment améliorer les relations entre les forces de l'ordre et la population, mais aussi entre les élus et la population, question sur laquelle Nathalie Delattre, avec le soutien du RDSE, a déposé une proposition de loi ?

Si nombre de bâtiments publics ont été touchés, la majorité des sinistres concerne des biens privés. Nous voterons le cadre exceptionnel créé par ce texte, mais il appelle la vigilance. Attention aux irrégularités qui risqueraient de saper la crédibilité des acteurs publics. Ce texte ne prévoit pas de nouvelles dépenses, en cohérence avec la volonté de maîtriser nos finances publiques.

Les membres du RDSE voteront ce texte et espèrent un vote conforme des députés. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Durant une semaine, la France s'est retrouvée plongée dans le chaos. De nombreuses villes ont été otage de la violence inouïe des émeutiers, qui voulaient en découdre avec les forces de l'ordre et mettre à terre les édifices représentatifs de cette France qu'ils ne respectent pas.

Certains observateurs ont prétendu que nous aurions abandonné les quartiers populaires, dont les habitants seraient victimes de la pauvreté, du racisme et de discriminations. Or c'est tout l'inverse, les élus le savent. Mon département, l'Essonne, a connu son lot de dégradations et de pillages : mairies, maisons de quartiers, bibliothèques, bus, voitures... Les maires ont eu l'intelligence collective de ne pas trop en parler, afin de ne pas nourrir la surenchère sur Snapchat.

Aujourd'hui, le constat est amer. Les émeutiers ont détruit des services publics indispensables pour leurs quartiers, preuve de leur aveuglement. Ils ont ciblé nos écoles, où les enfants apprennent la raison et l'esprit critique sous le regard bienveillant des professeurs, hussards noirs de la République abandonnés depuis trop longtemps par leur ministère. Boris Cyrulnik l'écrivait dans Le Point la semaine dernière : « ces enfants sont désespérés car ils ne sont pas tutorisés ». Ils en viennent à obéir à des rituels claniques.

Le plus triste est que ces délinquants ont surtout puni leurs petits frères et petites soeurs, privés des activités qu'auraient dû leur proposer pendant les vacances les médiathèques qu'ils ont détruites...

Les dégâts sont supérieurs, selon France Assurances, à ceux des quatre semaines d'émeutes de 2005 : 650 millions d'euros, dont 227,5 millions pour les biens des collectivités territoriales et 357,5 millions pour ceux des professionnels.

Le 5 juillet, la Première ministre a adressé une circulaire aux préfets afin d'accélérer les procédures de reconstruction et de réparation. Je salue cette initiative. La célérité doit prévaloir sur l'application tatillonne des normes, si fréquente dans notre pays.

L'article 1er habilite le Gouvernement à faciliter la reconstruction à l'identique en appliquant les règles d'urbanisme en vigueur à l'origine.

L'article 2 prévoit une autorisation à déroger aux règles de passation et d'attribution des marchés publics et des marchés globaux : les maîtres d'ouvrage publics pourront conclure un marché sans publicité en dessous de 1 million d'euros, et sans allotissement.

Enfin, l'habilitation de l'article 3 permettra de subventionner les collectivités au-delà du plafond des fonds de concours de 80 %.

Ces dispositions répondent aux demandes des élus locaux, qui veulent rendre accessibles les équipements à leurs administrés.

Notre groupe votera ce texte, mais nous devrons aussi améliorer la prévention de la délinquance, restaurer l'autorité de l'État dans des zones gangrenées par les trafics et renforcer l'éducation - y compris des parents - et l'accompagnement des personnes déclassées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions ; Mmes Nassimah Dindar et Colette Mélot applaudissent également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Un policier a ouvert le feu lors d'un contrôle routier. Le conducteur, mineur, est mort. Nous le déplorons. Depuis, le policier est en détention provisoire. Malgré l'enquête en cours, notre pays a connu une violence d'une grande intensité. Près de 800 membres des forces de l'ordre ont été blessés. Nous saluons leur professionnalisme.

Certains d'entre nous ont été la cible de cette violence, comme le maire de L'Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, à qui nous témoignons notre soutien. Les violences sont toujours inacceptables, mais lorsque les élus en sont la cible, c'est la République qui est attaquée.

Il est urgent de retrouver le chemin du dialogue républicain.

L'Aube n'a pas été épargnée, avec un bilan d'au moins 2 millions d'euros. À Troyes, la maison de quartier des Sénardes a été ravagée. Nous avons vu fleurir, en forme d'appel à la tribu, les défis les plus délétères sur les réseaux sociaux. Pourtant, la vraie puissance appartient non pas aux casseurs, mais aux bâtisseurs.

Outre des dégâts évalués à 650 millions d'euros, ces violences auraient coûté à notre économie plus de 300 millions ; 800 bâtiments publics ont été dégradés.

L'État doit-il mettre autant d'empressement à couvrir le coût des dégâts causés par ceux qui s'en sont pris à notre République ? Pour notre groupe, il est urgent de reconstruire non pas pour les émeutiers, mais pour tous les autres. Hormis quelques fanatiques encouragés par l'irresponsable France insoumise (on ironise à gauche), nos concitoyens souhaitent tous que le calme revienne. Seul le travail permet l'émancipation. Nous voulons dire à nos concitoyens qui choisissent de travailler plutôt que de piller que la République sera à leurs côtés.

Nous devons veiller à ce que les lois de la République soient appliquées sur tout le territoire. Le groupe Les Indépendants votera ce texte, pour un retour de l'État que nous appelons ardemment de nos voeux. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Claude Raynal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les violences urbaines coûteront plusieurs centaines de millions d'euros. À la suite des émeutes de 2005, certaines collectivités avaient demandé au juge de reconnaître la responsabilité sans faute de l'État, qui doit être au rendez-vous de la reconstruction.

L'article 3, bienvenu, prévoit le remboursement dans l'année du FCTVA, la suppression de la participation minimale des collectivités, et de la limite relative aux fonds de concours. Le Gouvernement ne précise pas, toutefois, si la location de structures temporaires entre dans le périmètre du FCTVA.

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Bonne question !

M. Claude Raynal.  - Nous pouvons nous interroger sur la formule « dommages directement causés », qui pourrait prêter à contestation, ainsi que sur la typologie des travaux pris en charge.

Les solutions budgétaires sont multiples, mais le flou demeure. Nous attendons des propositions concrètes. Dès la rentrée, le groupe SER en formulera pour soutenir nos élus locaux.

De manière générale, les ordonnances amenuisent le pouvoir du Parlement, qui ne doit pas être réduit au statut de chambre d'enregistrement. Il faut donc un comité de suivi de la reconstruction. Malgré ces réserves, le groupe SER votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Gérard Larcher, Président du Sénat, et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Daphné Ract-Madoux .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Arpajon, Athis-Mons, Bondoufle, Chilly-Mazarin, Corbeil-Essonnes, Dourdan, Draveil, Épinay-sous-Sénart, Étampes, Évry-Courcouronnes, Fleury-Mérogis, Gif-sur-Yvette, Grigny, Juvisy-sur-Orge, Les Ulis, Lisses, Massy, Saint-Germain-lès-Corbeil, Saint-Michel-sur-Orge, Sainte-Geneviève-des-Bois, Savigny-sur-Orge, Vigneux-sur-Seine ou Viry-Châtillon...

Ce n'est pas un cours de géographie essonnienne, mais une liste non exhaustive des communes de mon département touchées par les émeutes. Rien n'excuse les dégradations, les violences, les attaques contre des institutions qui sont le ciment de notre République. J'ai une pensée pour les élus et les agents de la mairie de Dourdan, les enfants qui ont vu leur école saccagée à Viry-Châtillon, les usagers de la maison de quartier d'Évry-Courcouronnes et les citoyens qui ont vu leurs commerces pillés et détruits.

Nous avons vu des pompiers encerclés, des policiers municipaux assiégés, des élus agressés. Tirons les enseignements de ces événements. Prenons le temps du débat et de l'échange. La gravité de ces événements ne doit être ni ignorée ni minimisée.

Le coût inédit des dégradations, mis en lumière par Françoise Férat, rendait ce texte nécessaire. Je salue le recours aux ordonnances, qui laissera à l'État le temps de consulter largement et de prendre les mesures adéquates pour l'accompagnement de chacun.

J'appelle à réfléchir aux causes de ce développement de violences. Une mission sénatoriale d'enquête ou d'information semble nécessaire.

Au-delà de la reconstruction matérielle, il faut que notre démocratie transforme la conflictualité brûlante de ces émeutes en ferment pour rebâtir de solides fondations républicaines dans nos communes. Les symboles de notre République ne doivent pas être des cibles de destruction, mais des facteurs de rassemblement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI)

M. Bruno Belin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC) Cette semaine de casse et d'émeutes aura eu, malgré tout, quelques vertus. D'abord, elle nous donne l'occasion de réaffirmer notre soutien total aux élus, aux pompiers, aux forces de l'ordre et à tous les services de l'État.

Ensuite, elle nous permet de parler simplification. C'était l'objet de la loi 3DS, qui est toutefois insuffisante - décevante, diront certains.

Les casseurs stupides et hors la loi qui ont brûlé leur mairie, leur école, leur pharmacie et jusqu'au bureau de poste où ils perçoivent leurs minima sociaux nous permettent de desserrer les trop nombreux freins qui limitent les initiatives, les respirations des territoires.

Donnons aux élus de nouvelles prérogatives et de nouvelles perspectives. Pour aller vite, faisons confiance à la France pratique ! Il faut reconstruire, mais aussi adopter de nouveaux textes pour généraliser la vidéosurveillance, instaurer - et appliquer - des peines plancher, faire payer ceux qui cassent.

Faisons de l'extraordinaire de ce matin l'ordinaire de demain : supprimons les normes, les dossiers, les comités de pilotage et de suivi, tout ce qui fait perdre du temps et use les élus. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Absolument !

M. Bruno Belin.  - Certaines mesures sont faciles à prendre : suppression du seuil de 20 % d'autofinancement, récupération de la TVA sans décalage, avances sans service fait.

Les élus ont besoin d'entendre ce message, à l'heure où les vocations se font rares. Donnons-leur les moyens et l'espérance de faire ce pour quoi ils s'engagent : façonner leur territoire et rendre le quotidien plus aisé. Liberté, égalité, fraternité, moins de papier ! La France de la paperasse doit faire place à la France de l'audace - celle de la facilité et de la rapidité, celle que nous voulons. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que du RDSE)

Mme Alexandra Borchio Fontimp .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.) Écoles, bibliothèques, commissariats, mairies, centres sociaux, pharmacies ont été attaqués, incendiés, démolis. Élèves, citoyens, pompiers, gendarmes, patrons, employés : la liste des victimes est longue. Au total, plus de 2 500 bâtiments ont été pillés par quelques milliers de criminels.

La nation doit s'unir autour de nos forces de sécurité et de nos élus locaux.

L'urgence est de reconstruire au plus vite. C'était l'objet de la proposition de loi de Sophie Primas, soutenue par le président Larcher. Je me réjouis de ce projet de loi qui en reprend les termes et que le groupe Les Républicains votera.

Certes, ce sont toujours les mêmes qui paient, mais n'ajoutons pas du chaos au chaos : nous ne pouvons laisser des enfants sans école, des citoyens sans service public.

Le 14 juillet, nous avons célébré notre pays. Mais était-ce un jour de gloire ou de défaite ? Il est urgent de protéger ceux qui sont en première ligne, de rétablir l'ordre, premier devoir de l'État. Ne cédons rien, ne baissons ni les bras ni les yeux. Un refus d'obtempérer toutes les vingt minutes : combien de temps accepterons-nous cette défiance manifeste envers l'État ? Rien de tel à l'étranger, où les difficultés sociales ne sont pas moindres que chez nous.

Alors que notre société bascule dans l'ensauvagement, nous devons rétablir une réponse pénale dissuasive, abaisser la majorité pénale à 16 ans, rendre les parents de mineurs délinquants pénalement responsables, soutenir sans relâche nos forces de sécurité - bref, remettre l'autorité au centre de notre société. Notre groupe, par l'intermédiaire du président Retailleau, a fait des propositions en ce sens.

Aujourd'hui, l'incendie semble maîtrisé, mais jusqu'à quand ? Des zones incandescentes menacent à tout moment de s'embraser. N'attendons pas, votons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Colette Mélot applaudit également.)

Discussion des articles

ARTICLE 1er

M. Michel Canévet .  - Comment autant de jeunes, très souvent mineurs, ont-ils pu se retrouver dans les rues aussi tard et s'y livrer à de pareilles dégradations ? Un travail collectif doit être mené autour de l'autorité parentale.

Je me réjouis que l'on accélère la remise en état des immeubles dégradés. Les mesures prévues visent essentiellement à alléger l'instruction, mais il faut aussi se préoccuper des éventuels recours, qui ne doivent pas retarder les opérations. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Céline Brulin .  - Cet article était-il indispensable ? Il semblerait que non, à en croire la circulaire du 5 juillet... Nous le voterons toutefois sans ergoter, comme les autres articles du texte.

Certes, il faut reconstruire les bâtiments, mais aussi l'ensemble des services à la population. Nous devons engager une reconquête républicaine à travers un réinvestissement des services publics, pour mettre fin au sentiment d'abandon, des quartiers aux zones rurales. La République invoquée dans les discours doit s'incarner dans une présence humaine de proximité.

À quelques semaines de la rentrée, nous savons que des classes resteront surchargées, que des enseignants ne seront pas remplacés... Voilà un chantier au moins aussi urgent que celui qui nous rassemble ce matin ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Pascal Savoldelli .  - La présidente Assassi avait demandé à Mme Borne la tenue d'un débat au Parlement sur les causes profondes des événements que notre pays vient de connaître. Il faut en tirer les enseignements, reconnaître et respecter toute la population française. Il y a trop d'inégalités dans la République, monsieur le ministre !

Rendez-vous doit être pris pour ce débat. Ces émeutes naissent aussi d'un vide politique et de l'absence de conflits démocratiques, c'est-à-dire de débats d'idées. Ce débat de fond est nécessaire pour corriger les inégalités et, j'insiste, respecter toute la population. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Annie Le Houerou applaudit également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - Le président Kanner a, lui aussi, demandé à la Première ministre un débat au titre de l'article 50-1 de la Constitution - sans obtenir de réponse... Hier, la Première ministre a décliné la proposition, expliquant qu'il fallait prendre le temps de réfléchir.

Soit, mais ce débat devra avoir lieu à la rentrée. Tout le monde débat partout de ces événements, et le Parlement n'en débattrait pas ? Ce n'est pas normal ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; M. Daniel Salmon applaudit également.)

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi

par les mots :

au plus tard jusqu'au 31 juillet 2023

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Le 4 juillet, le Président de la République annonçait aux maires ce projet de loi d'urgence, qui comporte des habilitations à légiférer par ordonnances. Dont acte. Mais les délais prévus pourraient conduire à l'adoption de mesures fin octobre, ce qui est contradictoire avec l'urgence. Nous proposons un délai au 31 juillet, ce qui est tout à fait réaliste. Il s'agit de garantir l'effectivité du critère d'urgence, qui justifie que nous légiférions dans des circonstances exceptionnelles. La dynamique de reconstruction doit être lancée rapidement, faute de quoi les habitants se sentiront de nouveau abandonnés. Nous devons en urgence restaurer leur cadre de vie et leurs services de proximité !

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Le délai d'habilitation de trois mois n'empêche nullement le Gouvernement de prendre des mesures dans les prochains jours. En revanche, il lui offre une marge de manoeuvre si d'autres adaptations s'avéraient nécessaires. Ce délai a d'ailleurs été recommandé par le Conseil d'État dans son avis. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre.  - En effet, c'est le Conseil d'État qui a suggéré ce délai de trois mois - à l'origine, nous proposions deux. Même si nous voulons aller vite, nous devons tenir compte de délais incompressibles : il faut consulter le Conseil national d'évaluation des normes, le Conseil d'État, examiner le texte en conseil des ministres.

Avec un vote conforme, nous gagnerions bien sûr quelques jours... (Sourires au banc des commissions) Mais, même dans ce cas, des textes écrits en dix jours ne rassureraient pas sur leur contenu ! Retrait ou avis défavorable.

Certes, nombre de mesures peuvent être prises par décret, mais intégrer les nouvelles normes environnementales, ce n'est pas tout à fait reconstruire à l'identique. D'où la nécessité d'en passer par la loi.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi

par les mots :

au plus tard jusqu'au 31 juillet 2023

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Défendu.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis.  - Je partage votre souhait d'aller vite. J'ai d'ailleurs invité le ministre à présenter ce texte lors du dernier conseil des ministres avant le congé estival, et je réitère ma demande... Toutefois, avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre.  - Je ne maîtrise pas l'ordre du jour du conseil des ministres, mais l'échéance fixée est un butoir : nous ferons au plus vite. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Après le mot :

bâtiments

insérer les mots :

et équipements publics

M. Christophe Béchu, ministre.  - Cet amendement répond à une demande formulée en discussion générale : en visant les équipements publics et non les seuls bâtiments, il englobe les éléments de voirie, l'éclairage public ou encore les réseaux de transport. Je remercie le Sénat pour ses remarques constructives, sur la forme et sur le fond.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis.  - Avis évidemment favorable mais, monsieur le ministre, je réitère ma question sur le seuil.

M. Christophe Béchu, ministre.  - Là aussi, nous vous écouterons. (Marques de satisfaction à droite) Nous n'irons pas jusqu'au seuil de 5,3 millions d'euros, notamment pour des raisons de réglementation européenne, mais nous irons au-delà de 1 million d'euros - 1,5 million pourrait être un point d'arrivée. (Mme Catherine Di Folco indique du geste qu'elle souhaiterait un seuil encore supérieur.) C'est une première réponse, madame Di Folco, et mes services travaillent sur la question. En tout cas, nous ne nous limiterons pas à 1 million d'euros.

L'amendement n°5 est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

M. Michel Canévet .  - Le Gouvernement propose que les collectivités bénéficient du remboursement au titre du FCTVA dès l'année d'investissement. Pourquoi cette excellente disposition ne s'appliquerait-elle pas en toutes circonstances ? À tout le moins, les remboursements ne devraient plus intervenir l'année n+2. Profitons du prochain projet de loi de finances pour définir un régime de FCTVA identique pour tous !

D'autre part, j'insiste pour que les ordonnances prévues par ce texte soient ratifiées par le Parlement, ce qui n'est pas toujours le cas... (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Alain Joyandet abonde.)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Pour ma dernière intervention au Sénat, je tiens à marquer mon grand attachement au bicamérisme et à notre assemblée. La généralisation de la procédure accélérée est délétère et porte atteinte à la qualité de la loi. L'usage excessif de l'article 45 de la Constitution pose problème, tout comme l'absence de ratification expresse des ordonnances.

Je terminerai en remerciant très chaleureusement les administrateurs et administrateurs-adjoints du Sénat, les fonctionnaires des trois comptes rendus et tous les autres personnels du Sénat ; au cours de mes vingt-deux ans de mandat, j'ai bénéficié de leur travail de grande qualité et de leur dévouement. De tout coeur, je leur dis : merci. (Applaudissements)

M. Pascal Savoldelli .  - J'ai été ému, mercredi dernier, lorsque le président Larcher a rendu hommage au travail de notre présidente de groupe - elle l'était aussi, vous l'avez remarqué. Merci pour cette belle marque d'attachement au pluralisme, cette belle marque d'humanité.

Notre groupe se réjouit que l'article 3 ait été élargi par la commission des lois aux bailleurs sociaux, qui viennent de se faire ponctionner 1,3 milliard d'euros avec la réduction du loyer de solidarité (RLS).

Monsieur le ministre, les élus demandent des garanties. Vous utiliserez les 40 millions d'euros de crédits provisionnels ouverts en loi de finances pour 2023, auxquels s'ajouteront les 12 millions d'euros de réserve de précaution du programme 122. Cela me semble bien loin des besoins... Pouvez-vous en dire plus sur le volume de l'aide de l'État ?

M. Christophe Béchu, ministre.  - Au Sénat, j'ai été accueilli à la commission des lois par Jean-Pierre Sueur. Je suis ému d'être présent le jour où il prononce ses derniers mots...

Mme Sophie Primas, rapporteur.  - Ses derniers mots au Sénat ! (Marques d'amusement)

M. le président.  - Longue vie au questeur Sueur !

M. Christophe Béchu, ministre.  - Le FCTVA n'est pas récent, et des ajustements lui ont déjà été apportés. Le coût de la mesure proposée est de l'ordre de 6 milliards d'euros : je vous laisse y songer...

Quelque 94 millions d'euros sont immédiatement disponibles, mais les collectivités territoriales ont jusqu'au 30 septembre pour nous faire connaître leurs besoins. Parallèlement, les préfets se chargeront d'évaluer les dégâts déclarés. J'ajoute qu'il conviendra de déduire les primes d'assurance.

Le détail des besoins ne sera connu qu'au mois d'octobre, période où s'ouvrira aussi le débat budgétaire. Les sommes prévues aujourd'hui ne constituent en aucun cas une limite à l'engagement de l'État.

M. Laurent Somon .  - Monsieur le ministre, l'article 3 prévoit la possibilité de déterminer le régime des dépenses éligibles au FCTVA. Des dépenses habituellement rejetées, comme les terrains synthétiques de sport, pourraient-elles être éligibles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Fabien Genet renchérit.)

M. Christophe Béchu, ministre.  - Une ordonnance ne peut défaire ce qu'une loi de finances a prévu. En revanche, une loi de finances peut défaire ce qu'a fait une loi de finances précédente... Nous pourrions faire oeuvre utile à ce sujet dans quelques semaines, à propos de certaines des exclusions du FCTVA dont les élus se plaignent. (Marques de satisfaction et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC) Le coût est de l'ordre de 200 millions d'euros, mais il peut correspondre aux besoins d'une nation sportive qui s'apprête à accueillir de grands événements internationaux.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi

par les mots :

au plus tard jusqu'au 31 juillet 2023

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Défendu.

M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis.  - Merci pour ces ouvertures sur le FCTVA, monsieur le ministre ; nous saurons nous en souvenir lors de l'examen du projet de loi de finances. (M. le ministre sourit.)

Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Mieux vaut que les ordonnances soient bien rédigées. Le délai de trois mois est nécessaire pour faire d'éventuelles corrections. Retrait ou avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme N. Goulet, M. Pellevat, Mme Schalck, MM. Perrin, Rietmann et Daubresse, Mme Muller-Bronn, MM. Genet et Chatillon, Mmes Gosselin, Berthet et Belrhiti, MM. Duplomb et Belin et Mme Drexler.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport dressant le bilan de son application ainsi que l'opportunité d'en tirer des mesures de simplification et d'adaptation du droit en vigueur.

M. Bruno Belin.  - Cet amendement vise à identifier des mesures possibles de simplification. Dans le département que j'ai présidé, il a fallu cinq ans d'études pour une simple route, et on dut les recommencer car elles étaient caduques ! Toutefois, je retire l'amendement, pour gagner du temps.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

M. Christophe Béchu, ministre.  - M. Belin m'a privé d'un argument : un sénateur qui prône le sans-papier, y compris dans sa manière de s'exprimer, ne pouvait demander de la paperasse supplémentaire ! (Sourires)

Je salue la réactivité du Sénat, notamment du président Larcher et de Mme Primas. Je me félicite de l'excellent état d'esprit dans lequel notre séance a été préparée, à rebours du calendrier qui avait été arrêté.

J'ai bien entendu la demande d'un débat sur les causes de ces événements. Je note que beaucoup pensent y voir la confirmation de ce qu'ils avaient annoncé - parfois avec des vues diamétralement opposées... Mettons à profit les semaines qui viennent pour un minimum de convergence.

Plus largement, nous devons être au côté des élus locaux, pour travailler sur leur statut, leur accompagnement et la manière de faciliter leur vie. Sur ces sujets, nous nous retrouverons à la rentrée. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que du RDPI et du RDSE)

Interventions sur l'ensemble

M. Thomas Dossus .  - Nous voterons ce texte d'urgence, mais il est symbolique que nous soyons forcés de légiférer dans des circonstances exceptionnelles à la suite d'une flambée de violences au terme des cent jours d'apaisement voulus par le Président de la République...

Notre société est à vif, et les causes du mal sont profondes. Ce débat, dont nous sommes aujourd'hui frustrés, devra avoir lieu. De nombreux élus locaux ont fait des propositions. Il faut agir sur les causes, pour que le baril de poudre ne s'enflamme pas de nouveau.

M. Bruno Retailleau .  - J'adresse un satisfecit au Gouvernement : si les copropriétés avaient été intégrées à ce texte, il aurait été beaucoup plus difficile de l'examiner dans le même délai.

Pour accélérer, simplifier, vous nous trouverez toujours à vos côtés. Comme l'a dit M. Belin, de l'audace plutôt que de la paperasse !

Mais j'ai aussi un regret : nous aurions voulu qu'un diagnostic soit posé, que ce texte soit mis en perspective par la parole présidentielle.

Nous devons reconstruire non seulement ce qui a brûlé en cinq jours, mais ce qui a été déconstruit pendant des décennies, à commencer par l'autorité - des parents, des maîtres, de la loi. Si nous voulons faire aimer la France, cessons aussi de la présenter comme vouée à une pénitence perpétuelle !

J'adresse enfin mes salutations au questeur Sueur, à la présidente Assassi et au président Requier. Nous avons pour eux une profonde estime, je le dis du fond du coeur ; le Sénat, c'est aussi cela. (Applaudissements)

À la demande de la commission des affaires économiques, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°333 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 344
Contre    0

Le projet de loi est adopté.

M. le président.  - Je constate que le projet de loi a été adopté à l'unanimité. (Applaudissements)