Attribution des logements sociaux

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux, présentée par Mme Sophie Primas et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.

Discussion générale

Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe INDEP) Je salue le président Darnaud, dont c'est la première journée au plateau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC, INDEP, RDPI et du RDSE)

Je remercie Bruno Retailleau et les nombreux cosignataires de ce texte. En l'inscrivant d'emblée à notre ordre du jour, nous reconnaissons l'importance de ce sujet, qui s'intéresse au peuplement de nos communes et répond aux événements de juin dernier.

Je commence par ce que ce texte n'est pas. Il n'est pas l'alpha et l'oméga de la question du logement, car la crise est le fruit des décisions prises en silo depuis six ans en matière de fiscalité, de la réduction du loyer de solidarité (RLS), de la politique d'attribution, de la descente aux enfers de certains quartiers, de la hausse des taux d'intérêt... alors que le Sénat alerte, alerte, alerte depuis des années.

Il n'est pas non plus une réponse aux errements de la politique de la ville, qui n'obéit qu'à des impératifs budgétaires. Vous restreignez toujours plus les moyens des communes.

Enfin, ce texte n'est ni le grand soir de la décentralisation de la politique du logement ni le retour d'un clientélisme local - le reproche vient de personnes qui n'ont pas assumé de responsabilité dans les commissions d'attribution.

M. André Reichardt.  - Très bien !

Mme Sophie Primas.  - Les maires ont le sens des responsabilités. (Mme Dominique Estrosi Sassone le confirme.) À Montigny-le-Bretonneux, depuis que Saint-Quentin-en-Yvelines donne une voix prépondérante au maire, la ville accueille plus de familles fragiles qu'avant. On parle de sélection par le nom ? J'ai été maire de la commune où j'habite depuis plus de soixante ans, dans cette Vallée de Seine où la diversité est une réalité : je suis outrée par cette défiance vis-à-vis des maires.

Ce texte est un premier pas, modeste mais urgent, vers une décentralisation qui redonnera aux maires la responsabilité de la qualité de vie et de la bonne intégration dans leurs communes. Nous préférons les services des mairies aux algorithmes des bailleurs sociaux. Combien d'idioties voyons-nous, par exemple des personnes à mobilité réduite se voyant attribuer un logement au deuxième étage sans ascenseur ?

Ce texte fait confiance aux maires et aidera à ce que chacun soit bien accueilli dans une mixité véritable, pas celle de Twitter ou des plateaux télé, mais d'âge, d'éducation ou de structure familiale. C'est éviter de mettre la misère sur la misère, les turbulents sur les turbulents.

Aider les maires à convaincre une population parfois réticente au logement social, c'est aider ceux qui habitent ou travaillent dans la commune.

Si le clientélisme, c'est attribuer du logement à un enfant de la commune qui veut y rester, je l'assume. Si c'est loger nos agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), nos policiers, nos soignants, je l'assume.

M. Max Brisson.  - Très bien.

Mme Sophie Primas.  - Et ne me parlez pas des priorités de la loi SRU, si nombreuses qu'elles n'ont plus de sens.

Quand l'attribution n'est pas faite par les maires, les quartiers se déshumanisent, se déséquilibrent, s'électrisent. Nos compatriotes en rendent les maires responsables : cela va trop loin. Les maires veulent avoir la pleine responsabilité des équilibres de leur commune, qu'ils connaissent mieux que toutes les commissions d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements (Caleol) et tous les algorithmes.

Ce premier pas, ce premier texte est fondamental. Faites confiance aux maires et à leurs équipes, qui font un travail de dentellière, famille par famille. Répondez à l'engagement du Président de la République devant le président du Sénat le 3 juillet dernier, sans attendre le grand soir du logement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Notre commission a validé la proposition de loi de Mme Primas et renforcé les prérogatives des maires.

Je commence par le diagnostic. Les maires sont centraux dans le développement du logement social, mais ne sont pas reconnus. L'attribution des logements leur échappe, d'où un sentiment de dépossession qui fragilise leur volonté de construire et l'acceptation des nouveaux programmes. La défiance de nos concitoyens est palpable et alimentée par quatre facteurs.

Premièrement, la pénurie de logements sociaux est patente et le parcours résidentiel est bloqué. Deuxièmement, la montée de politiques publiques comme le renouvellement urbain ou le Dalo préempte le peu de logements disponibles. Troisièmement, la gestion en flux, complexe, et la cotation des demandes, qui entrent en vigueur fin 2023, suscitent des inquiétudes. Enfin, la montée en puissance des intercommunalités complexifie la prise de décision.

Les émeutes de l'été corroborent ces constats. Le 25 juin, le Président de la République n'a-t-il pas dit devant 220 maires vouloir leur laisser plus de marge de manoeuvre ?

Ce texte identifie un problème central : la marginalisation des maires dans les commissions d'attribution. Pour y répondre, nous avons retenu trois leviers : la présidence des Caleol au maire ou au président d'intercommunalité, un droit de veto motivé et la généralisation de la délégation du contingent de l'État au maire lors de la première mise en location d'un programme neuf. Cette mesure existe déjà, mais n'est pas assez connue. Ainsi, nous légitimerons la construction de nouveaux logements sociaux.

Je réponds à trois critiques sur ce texte.

D'abord, il ne répondrait pas à la pénurie de logements sociaux. En effet : elle est directement liée à la politique menée par Emmanuel Macron depuis 2017. Les bailleurs sociaux en sont les premières victimes, notamment à cause de la RLS. Ce texte débloquera néanmoins des projets.

Ensuite, il ne répondrait pas aux émeutes. Il n'en a pas la prétention, mais va dans la bonne direction. Je vous renvoie au rapport sur la politique de la ville rédigé en 2022 avec Mmes Artigalas et Létard.

Enfin, ce texte favoriserait le clientélisme et la discrimination des demandeurs sur des critères non républicains. Ce soupçon est insultant et blessant pour les maires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Amel Gacquerre, Évelyne Perrot et Laure Darcos applaudissent également.) Pas d'anathèmes ! Comment reprocher à un maire de vouloir loger les habitants de sa commune, a fortiori les ménages Dalo ? (M. André Reichardt acquiesce.) Pas d'ambiguïté : le maire devra appliquer la loi. Les règles définissant les publics prioritaires sont inchangées.

Le droit de veto du maire se fondera désormais sur la base légale du travail de qualification du parc social, travail réalisé par les bailleurs sociaux en concertation avec les collectivités territoriales.

L'Union sociale de l'habitat (USH) a édité un document de cadrage qui identifie cinquante critères objectifs, appliqués de Valenciennes à Limoges ou Plaine commune, communes républicaines que je sache.

Pour réussir la mixité sociale, il faut accueillir des ménages fragiles, mais aussi favoriser ceux qui apportent de la stabilité. Redonnons la main aux maires, et confortons-les dans leur rôle central au bien vivre ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le 4 juillet dernier, le Président de la République recevait les élus des communes les plus touchées par les émeutes. Il a pris huit engagements, objets d'un suivi du Gouvernement et du dernier Conseil national de la refondation (CNR) sur les suites données aux violences urbaines. Parmi ces engagements, la primauté donnée au maire dans l'attribution de logements sociaux.

L'empilement successif de règles détaillées, tant législatives que réglementaires, est peu lisible. L'attribution des logements sociaux doit concilier la recherche de mixité sociale, en particulier dans les quartiers de la politique de la ville (QPV) et l'accès au logement pour les publics prioritaires - parmi lesquels les ménages Dalo et les personnes sortant de l'hébergement et autres ménages définis comme prioritaires.

L'État et les bailleurs sociaux sont responsables de l'atteinte des objectifs et peuvent être sanctionnés en cas de manquement.

Les attributions se font à trois niveaux : inscription des demandeurs de logements sociaux et reconnaissance de l'éligibilité, identification des réservataires des logements sociaux et décision d'attribution, de non-attribution ou de refus. Ces actions relèvent de Caleol.

Toute réforme des attributions nécessite de réfléchir aux conséquences sur les objectifs de la politique d'attribution et à la mise en oeuvre opérationnelle. L'engagement du Président de la République doit s'apprécier à cette aune.

Donner plus de pouvoir aux maires, c'est favoriser la mixité sociale. Qui, sinon un maire, connaît aussi finement les populations et les enjeux ?

C'est aussi les responsabiliser sur le logement des plus défavorisés, principalement en dehors des QPV et des résidences à enjeu de mixité sociale. Il n'y a pas de politique juste et solidaire sans accès des plus modestes au logement. Les dispositifs existants, notamment ceux créés en 2017, ne fonctionnent pas. La loi Égalité et citoyenneté n'a pas inversé les tendances. Les sanctions ne sont pas une solution et la responsabilité est trop diluée.

La responsabilisation proposée par le Président de la République, dans une logique gagnant-gagnant, vise à loger les plus défavorisés hors des quartiers déjà fragiles.

Les élus locaux, décisionnaires, accepteront davantage voire encourageront les nouveaux programmes de logements sociaux.

Le Gouvernement a commencé à travailler à un projet de loi de décentralisation qui sera présenté au printemps 2024.

Nous devons adopter une approche globale, simplifier les procédures, mieux répartir les pouvoirs et les responsabilités dans le respect de l'égalité des droits.

Seule cette logique globale clarifiera les lieux de prise de décision et responsabilisera les acteurs publics. C'est pourquoi cette proposition de loi nous semble légèrement incomplète, car elle confère plus de pouvoir aux maires sans augmenter leurs responsabilités.

Mme Sophie Primas.  - Les élus locaux gèrent la responsabilité tous les jours !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Néanmoins, ce texte a fait l'objet d'un travail important en commission - dont je salue la nouvelle présidente, aussi rapporteure.

La commission privilégie un pouvoir d'opposition du maire à l'attribution d'un logement plutôt qu'une hausse du nombre de représentants de la commune, et a automatisé la délégation du contingent préfectoral lors de la première mise en location d'un ensemble neuf. Nous rejoignons ce mouvement de décentralisation.

Au-delà de la légère réserve que j'ai exprimée, nous souhaitons travailler sur ce texte.

Le maire est membre de droit et a une voix prépondérante dans les Caleol. Il peut présenter un candidat en cas d'échec d'attribution.

Mme Sophie Primas.  - Les élus locaux sont minoritaires !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Comme il apporte une garantie d'emprunt ou un prêt, il a un droit de réservation de 20 à 50 %.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Heureusement !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Il dispose dès lors déjà d'un droit de regard important sur le peuplement des ensembles.

M. Laurent Duplomb.  - C'est bon, alors ? Merci, madame la ministre !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le pouvoir non encadré du maire peut générer la vacance locative, qui pèserait financièrement sur les bailleurs sociaux et engendrerait un risque de squat. Les oppositions doivent être justifiées, notamment auprès du réservataire.

Le Gouvernement propose ainsi deux amendements pour un pouvoir d'opposition efficace. Le premier limite le droit de veto du maire à une attribution de logement, en contrepartie d'une concertation préalable à la mise en location entre le maire, le bailleur social et les réservataires. Le Gouvernement est favorable au dialogue local dans le cas d'ouverture de nouvelles résidences sociales. Cette coordination, actuellement facultative au niveau réglementaire, sera désormais obligatoire au niveau législatif. Une notification de non-attribution sera envoyée au réservataire qui pourra, le cas échéant, la contester devant la commission de coordination.

La proposition de loi prévoit une délégation automatique du contingent préfectoral au maire, hors part dévolue aux fonctionnaires de l'État. Le Gouvernement ne le souhaite pas : notre amendement laisse cette délégation à la main du préfet.

M. André Reichardt.  - Bel exemple de décentralisation !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Cette pratique est déjà en vigueur dans certains territoires, et pourrait être étendue à d'autres. La responsabilité de l'accès des plus défavorisés ne pèse que sur l'État et les bailleurs sociaux. Dans l'hypothèse d'une refonte plus globale liée à une décentralisation, ce point pourrait évoluer.

Les agendas des élus ne leur permettent pas de participer à toutes les réunions organisées par les bailleurs, parfois hebdomadaires : le Gouvernement a donc déposé un amendement pour y remédier.

Le Gouvernement donnera un avis favorable à la proposition de loi sous réserve de l'adoption de ses amendements. Nous espérons surtout pouvoir poursuivre les travaux initiés sur ce sujet pour le renforcement du pouvoir local, l'attribution de responsabilités claires et la simplification des processus. Pouvoir et responsabilité doivent être indissociables.

Le Gouvernement est mobilisé et à votre écoute sur cet enjeu majeur. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Médevielle .  - La politique du logement est au carrefour d'enjeux sociaux, environnementaux et économiques. Assurer à tous nos concitoyens un logement décent adapté à leurs besoins est un enjeu essentiel.

D'autres défis existent : améliorer les performances énergétiques, rénover l'existant, garantir l'accession à la propriété et la mixité sociale.

Les collectivités territoriales doivent disposer d'un parc de logements sociaux salubres important pour accueillir les populations fragiles sans les concentrer dans le même espace.

Notre pays connaît une grave crise du logement. Il faut y apporter une réponse locale adaptée à la diversité des territoires. Ce sont les maires qui ont la main. La montée en puissance récente des intercommunalités a diminué leur pouvoir, alors qu'ils connaissent les besoins de leur commune. L'attribution des logements sociaux est une décision cruciale dans la vie d'une commune. Ce texte revient à une prise de décision à l'échelon communal, le plus pertinent. Ce sont vers les maires que les Français se tournent pour comprendre l'attribution des logements sociaux.

Je remercie l'auteur du texte, Mme Primas et son rapporteur, Mme Estrosi Sassone.

Il y a urgence à agir. Les maires attendaient un signal fort : cette proposition de loi leur donne une première satisfaction. Le groupe INDEP, dont plusieurs membres ont cosigné ce texte, le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Mme Amel Gacquerre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) On connait le contexte : l'explosion de la bombe sociale, annoncée de longue date par les différents acteurs. Notre pays devrait construire chaque année 198 000 nouveaux logements sociaux, or il n'y en aura que 80 000 cette année. Cela dit tout de la situation critique de la France.

Nous saluons l'annonce par le ministre d'un fonds de 1,2 milliard d'euros pour la rénovation annuelle de 120 000 logements sociaux. Nous serons attentifs à ses modalités de financement et à sa mise en oeuvre concrète, et aurions aimé d'autres annonces sur la construction.

Le logement social est un baromètre de la capacité de la France à loger les plus modestes. Or nous en avons fait une contrainte, là où l'incitation devrait être la règle.

Les maires ont un rôle central dans le développement du logement social, avec l'attribution du permis de construire ou la garantie des emprunts, notamment. Or ce rôle n'est pas reconnu.

Je salue ce texte qui reflète le sentiment des élus locaux, qui n'ont pas la main pour choisir les locataires, en dépit des investissements considérables réalisés. (Mme Nathalie Goulet renchérit.) Les maires sont seuls dans les Caleol parmi une dizaine de membres. Il faut en faire de véritables décideurs.

Je salue le travail de Mme Estrosi Sassone, qui met en lumière les limites de la politique actuelle et rend compte du sentiment de dépossession des communes. Le droit de veto attribué au maire, la délégation systématique aux maires du droit de réservation de l'État sont bienvenus. Ceux qui redoutent le clientélisme ne connaissent pas les maires. Je préfère leur faire confiance.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Très bien !

Mme Amel Gacquerre.  - Ce texte enverra un signal pour les inciter à construire. Mais plusieurs questions opérationnelles restent en suspens, comme la présidence tournante pour les commissions intercommunales.

Le groupe UC votera sans hésitation ce texte qui revalorise la place des élus locaux. Certes il ne résoudra pas la crise du logement, mais c'est un pas dans cette direction, en attendant une vraie loi de décentralisation de la politique du logement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

M. Yannick Jadot .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Gisèle Jourda applaudit également.) L'abbé Pierre disait : « Gouverner, c'est d'abord loger son peuple ». Nous commémorerons bientôt les 70 ans de l'hiver 1954 mais la situation reste dramatique : plus de 4 millions de mal-logés, 2,4 millions de familles attendant un logement social, 12 % de concitoyens en situation de précarité énergétique.

La politique du logement est catastrophique : chute de la construction de logements neufs, sociaux ou non, logique de prédation fiscale avec la ponction de 10 milliards d'euros sur les acteurs du logement social, notamment Action Logement. Signe dramatique, alors que nous devrions embaucher, 100 000 emplois sont menacés dans le bâtiment.

Ce n'est pas avec une loi antisquat contre des personnes ayant du mal à payer leur loyer qu'on réglera les problèmes. (Mme Dominique Estrosi Sassone s'indigne.) Ce serait la faute à l'écologie ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - C'est un peu réducteur !

M. Yannick Jadot.  - À chaque fois que nous traitons d'un sujet un peu lourd, va-t-on accuser « l'écologie punitive » ? (Mme Dominique Estrosi Sassone le récuse.) Il y a 70 ans, nous étions pourtant confrontés au même problème. (Quelques protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Madame la ministre, vous avez fait travailler intelligemment les acteurs pendant des mois, pour trouver des solutions opérationnelles pour les collectivités comme pour l'État. Tous, de la fondation Abbé Pierre à la Fédération française du bâtiment, se sont sentis humiliés, car vous avez méprisé leurs conclusions. (Mme la ministre le conteste.) Comment les remobiliser ensuite ?

Les enjeux sont connus : quels moyens pour la rénovation des six millions de passoires énergétiques, hiver comme été, quand 70 % des locataires dans les QPV étouffent ? (Mme Sophie Primas proteste.)

Qu'attendez-vous, Madame la ministre, pour exiger des préfets qu'ils appliquent la loi SRU - dans les Alpes-Maritimes, par exemple, où la quasi-totalité des communes sont hors des clous ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Je n'ai pas de leçons à recevoir de vous !

M. Laurent Somon.  - C'est n'importe quoi !

M. Yannick Jadot.  - La collégialité est le moyen de résister au clientélisme ; l'objectivité des critères, le moyen de répondre à la discrimination. Le GEST s'opposera à ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER. ; huées sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Stéphane Piednoir et Bruno Belin frappent sur leur pupitre.)

M. Fabien Gay .  - Ce projet de loi vise à renforcer le pouvoir des maires dans l'attribution de logements sociaux, sujet qui concerne près de 80 % des rendez-vous en mairie.

Il ne répond pas à la pénurie de logements, qui s'accentue : 2,4 millions de personnes sont en attente d'un logement ; seules 20 % des demandes de logement social sont satisfaites chaque année ; le délai moyen pour obtenir un logement ne cesse de s'allonger et atteint trois ans minimum en Île-de-France. Les personnes quittent moins souvent qu'avant un logement social. Le parcours résidentiel est devenu un parcours du combattant : les petits salaires ne peuvent accéder à la propriété. Surtout, on ne construit plus assez de logements sociaux. En 2017, on comptait 105 000 mises en chantier, contre 85 000 en 2022, alors que les besoins s'élèveraient à 200 000.

C'est le résultat de la politique du Gouvernement : 10 milliards d'euros ponctionnés sur les bailleurs sociaux, et partant, moins de rénovations et de constructions.

Ce texte n'aura aucun effet sur les difficultés de fond et le maire restera tributaire de l'offre. Il y a dix ans, on attribuait 500 000 logements sociaux par an, contre 400 000 aujourd'hui.

Nous sommes opposés au droit de veto introduit en commission, qui rendrait les maires responsables de l'échec de la politique du logement du Gouvernement. Chacun doit accéder à un habitat digne, public ou privé ! La collégialité prévient les dérives - même si les excès sont marginaux.

Mme Sophie Primas.  - Merci !

M. Fabien Gay.  - La commission confie aux maires l'attribution de l'intégralité des logements neufs. Mais quid des ménages Dalo, des personnes handicapées, des femmes victimes de violences ? Un transfert de compétences sans transfert de ressources est un cadeau empoisonné aux maires sur lesquels l'État se défausse.

Nous proposons au Gouvernement d'agir : réunissez le comité interministériel des villes. Notre groupe ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-Kanaky, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; M. Thomas Dossus applaudit également.)

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Maires et logement : deux priorités qui animent cet hémicycle. C'est un signe fort adressé aux collectivités qui vivent un malaise sans précédent.

La réflexion sur le logement  doit être globale : nous ne pouvons plus gérer les problèmes par des politiques en silo. À quand un texte général couvrant tous les enjeux ? La mixité sociale est une nécessité.

Le Président de la République a annoncé aux 220 maires reçus à l'Élysée le 4 juillet dernier qu'il souhaite leur confier la gestion des logements sociaux. D'où cette proposition de loi, faute de texte gouvernemental...

Le maire a un rôle central dans le développement des logements sociaux, moindre dans leur attribution : il est isolé et dispose de peu de voix au sein de la Caleol.

La commission a instauré un droit de veto. C'est là que le bât blesse : en cas de refus, le maire sera seul face à ses administrés.

Dans un monde parfait, le clientélisme n'existerait pas ; mais il existe parfois. Plus de 1 100 communes ne respectent pas leurs obligations en matière de logement social. (Mme Sophie Primas le conteste.) Même si elles rattrapent progressivement leur retard, 631 d'entre elles s'acquittent de pénalités, pour 85,4 millions d'euros.

Mon groupe est mitigé. Vu la nouvelle composition de la commission d'attribution, le quorum sera difficile à atteindre.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Vous avez raison !

M. Henri Cabanel.  - Nous proposons de se limiter à trois conseillers municipaux.

Nul besoin d'un droit de veto, mais nous devons respecter les équilibres. Inventons un contrat gagnant-gagnant. Le logement va devenir un sujet majeur, avec l'inflation et la crise énergétique, qui mérite un texte d'ampleur. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je salue le travail de Sophie Primas et de Dominique Estrosi Sassone, présidente et rapporteure, dont nous connaissons l'engagement sur le sujet. (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.)

La commission a réécrit le texte : le droit de veto du maire s'est substitué à l'élargissement de la représentation de la commune. La présidence de la commission d'attribution est confiée au maire, sauf lorsque l'EPCI en est à l'origine. En outre, la commission a supprimé la voix prépondérante du maire et systématisé la délégation des droits de réservation.

Nous partageons la volonté de renforcer le pouvoir du maire, mais pas la logique du veto : permettre aux maires de refuser des locataires revient à renforcer leur pouvoir d'exclusion du logement social. Bref, nous partageons l'objectif, mais pas la méthode.

Le groupe RDPI privilégie un renforcement du contingent communal en intégrant deux représentants supplémentaires - dont un issu de l'opposition municipale - avec double voix pour être à parité avec les organismes HLM, afin de rééquilibrer les pouvoirs au sein de la Caleol. Nous souscrivons à l'idée d'en confier au maire la présidence de la commission.

Notre groupe propose d'intégrer un représentant du conseil départemental. Le département n'est pas un inconnu en matière de logement social : dans la Drôme, le Fonds unique logement et habitat facilite l'octroi d'une aide financière aux ménages modestes. En outre, les départements jouent un rôle important dans la construction, via les aides à la pierre, notamment. Enfin, ils connaissent les populations les plus fragiles. Leur expertise sera bienvenue.

Patrice Vergriete a annoncé une nouvelle étape de décentralisation de la politique du logement. Vérifions au préalable que les collectivités ont les capacités, financières et d'ingénierie, pour assumer ce transfert. Or elles ne sont pas suffisamment informées sur les accompagnements possibles en matière d'ingénierie, notamment de la part de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Chaque délégation de compétence suppose un travail préalable : nous ne pouvons pas nous permettre plusieurs années d'adaptation.

Notre groupe, ouvert au compromis, se prononcera en fonction des débats. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée du discours du Président de la République après les émeutes, appelant à redonner du pouvoir aux maires. Il nous avait promis des réponses, nous les attendons toujours, comme le pacte de confiance entre l'État et l'USH.

Le droit de veto introduit un risque d'arbitraire, et menacerait l'indépendance des organismes HLM, qui doivent répondre aux besoins des personnes prioritaires et assurer les objectifs de mixité sociale.

Les outils existants gagneraient à être améliorés : les collectivités peuvent instaurer des plans partenariaux de gestion des demandes, définir des priorités dans la cotation de la demande, éclairer les Caleol sur l'équilibre des résidences et définir un cadre commun par le biais des commissions intercommunales d'attribution.

Cette proposition de loi exposerait davantage les maires aux poursuites. Favorisons plutôt une meilleure coopération entre l'État et les élus. Le groupe de travail du Sénat sur la décentralisation, présidé par Gérard Larcher, proposait ainsi de conclure des pactes territoriaux entre l'État et les EPCI ou des conventions territoriales de coopération entre l'État et les bailleurs sociaux.

Ce texte risque fort d'être incompatible avec la gestion en flux des logements sociaux. Y ajouter un nouvel intervenant - le maire - complexifierait les choses.

La priorité n'est pas tant l'attribution que la construction de logements ! Or, en dépit de quelques annonces au congrès de l'USH, les promesses restent lettre morte. En témoignent l'annulation de la réunion du comité interministériel des villes du 9 octobre et la tenue d'un CNR à la dernière minute, qui ont exaspéré les élus des quartiers populaires.

Cette proposition de loi ne résoudra pas les véritables problèmes que sont le manque d'accompagnement social du « logement d'abord », la baisse de la construction ou l'insuffisance de l'offre de logement social. Belle affaire pour les maires d'avoir un plus grand pouvoir d'attribution s'il n'y a pas de logements ! Nous réclamons inlassablement un véritable travail global. Il faut rendre leurs moyens aux bailleurs sociaux. Le groupe SER ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER ; M. Daniel Salmon applaudit également.)

Mme Laurence Garnier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte, d'apparence technique, représente un véritable levier pour clarifier le processus d'attribution des logements.

Les maires sont les premiers acteurs de la construction de logements sociaux, et nombre d'entre eux sont concernés par la loi SRU. Pourtant, leur rôle dans l'attribution des logements sociaux est restreint, d'où des difficultés. Les maires sont les mieux placés pour garantir l'équilibre entre les attributions. Tous n'ont qu'un objectif : accueillir au mieux les habitants.

En Loire-Atlantique, le maire de Mesquer s'est vu imposer un habitant par un bailleur social, quand lui souhaitait attribuer le logement à un homme qui vivait dans sa voiture, et qui est décédé quinze jours plus tard : voilà pourquoi les maires doivent être replacés au coeur du processus. Leur légitimité et leur crédibilité sont en jeu.

Nos concitoyens ne connaissent pas le fonctionnement des Caleol et pensent que le maire décide ; ils lui en veulent en cas de refus. Cela suscite incompréhension et colère. Une élue du vignoble nantais en a fait les frais récemment. Reproches, agressions verbales voire physiques : certes, rien ne saurait excuser de telles attitudes mais renforcer la place du maire conforterait sa position.

Il ne s'agit pas de trier les bons ou les mauvais habitants, mais bien de mettre à profit la connaissance qu'a le maire de son territoire.

Ce texte améliorera donc le fonctionnement de notre démocratie. Je salue le travail de Sophie Primas, qui a traduit de nombreuses attentes des élus, et remercie la rapporteure pour son travail. Le groupe Les Républicains votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Joshua Hochart .  - Onze millions de personnes vivent en HLM, près d'un Français sur deux a vécu ou vit dans un tel logement. Les HLM pâtissent d'une image entachée par l'insécurité, le tapage ou l'insalubrité. De fait, le nombre de locataires posant problème ne cesse d'augmenter. Violences, trafics, incendies de véhicules et de poubelles, menaces détériorent le quotidien d'habitants qui n'aspirent qu'à vivre tranquillement.

Le maire est souvent l'élu le plus accessible ; il est aussi le garant de la tranquillité publique. Les élus communaux, les plus informés de la situation locale, sont les plus à même de juger de l'opportunité de l'installation de nouveaux habitants dans des HLM. Or la commune étant sous-représentée dans les commissions d'attribution, le maire peut se voir imposer des habitants susceptibles de poser des problèmes de tranquillité ou de salubrité publique.

Ce texte vise à rendre un peu de pouvoir aux élus locaux et à poser les bases d'un contrat républicain plus respectueux des élus municipaux.

Il faut également intégrer les places de prison dans les minima de la loi SRU afin d'en finir avec la double peine des communes et élargir les possibilités d'expulsion des délinquants condamnés. Pour toutes ces réformes, les sénateurs du Rassemblement national seront en première ligne ! (MM. Aymeric Durox, Christopher Szczurek et Stéphane Ravier applaudissent.)

M. Denis Bouad .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Yannick Jadot applaudit également.) Alors que 2,42 millions de personnes attendaient un logement social à la fin de l'année dernière, les constructions sont nettement insuffisantes - la ministre l'a reconnu. Nous sommes loin des 250 000 logements annoncés sur deux ans : il ne suffit pas de décréter un objectif pour que, comme par magie, il se réalise...

Nous appelons plus que jamais à un plan Marshall du logement, car la situation est de plus en plus alarmante.

C'est la pénurie de logements sociaux qui contribue à la perte d'influence des maires. En réalité, nous prenons les choses à l'envers : le coeur du problème, ce sont la production de logement, la capacité des bailleurs sociaux à investir, la RLS et les 15 milliards d'euros d'économies réalisées sur la politique du logement.

Nous ne sommes pas opposés à la prise en compte de la connaissance fine qu'ont les maires de leur territoire, mais les principales dispositions de ce texte ne nous semblent ni réalistes (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste) ni souhaitables. Des problèmes d'organisation se poseront, car le patrimoine des bailleurs sociaux ne s'arrête pas à la frontière des communes.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Exactement !

M. Denis Bouad.  - Notre politique du logement social doit reposer sur un équilibre entre respect des élus locaux et objectifs nationaux. Au lieu de renverser le balancier en sens inverse, renforçons la cohérence globale de notre action. Nous craignons aussi une mise en cause de la responsabilité juridique des maires.

Le président du Sénat nous a appelés voilà quelques jours à moins légiférer pour mieux légiférer : c'est dans cet esprit que nous nous opposerons à la proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-Kanaky)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Étant donné la brutalité de la crise qui frappe les secteurs de la construction et de la location, le logement est l'un des thèmes politiques les plus scrutés du moment.

Ce texte vise à donner enfin aux maires un poids cohérent avec leurs responsabilités politiques et juridiques. Le Sénat est convaincu de longue date de cette absolue nécessité.

En juillet dernier, le président Larcher a souligné que le logement devait être la première des politiques à rendre aux maires. Le Président de la République semble l'avoir entendu, qui dit vouloir donner aux maires une plus grande maîtrise du peuplement de leur commune.

La place des maires dans les Caleol n'est pas à la mesure de leur rôle dans le développement du logement dit social. L'attribution des logements leur échappe largement : ils pèsent peu par rapport à l'État et aux organismes d'HLM.

À défaut d'établir l'égalité numérique, la commission des affaires économiques a adopté un amendement de la rapporteure instaurant un droit de veto motivé au lieu de l'actuelle voix prépondérante. En outre, le texte attribue aux maires la présidence des commissions tout en préservant le cadre intercommunal là où il est établi. Enfin, lors de la première mise en location d'un logement neuf, le maire aura des pouvoirs accrus : il pourra attribuer environ la moitié des nouveaux logements.

Il serait inconcevable de réformer la France en se coupant des maires, qui sont la clé du bien-vivre quotidien. Alors que le lien de confiance entre les élus et l'État a été durablement endommagé, il nous faut recréer des ponts entre les collectivités territoriales et l'exécutif : votons ce texte, qui y contribue ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) Les municipalités sont le lieu de l'intégration à l'État-nation et de la consolidation du lien politique. De façon logique, les maires assurent donc un rôle crucial.

C'est sur eux que repose en particulier la mise en oeuvre des politiques du logement. Chacun connaît les difficultés posées par l'article 55 de la loi SRU ou encore les contraintes procédurales liées par exemple à l'exercice du droit de préemption.

Dans ce contexte, la simple participation des maires aux commissions est un minimum dont il faut se débarrasser. Les maires doivent avoir une place égale à celle des autres acteurs dans les décisions de construction et d'attribution. Confier la présidence des commissions aux maires est un enjeu d'efficacité des politiques comme d'investissement de ces derniers.

Repoussons les objections faciles, comme les soupçons de favoritisme ou de clientélisme : accorder une place prééminente aux maires ne crée pas plus de risques de décision solitaire, car les décisions d'attribution sont communales, donc collectives. (On acquiesce sur plusieurs travées à droite.)

Plus qu'un enjeu de politiques publiques, c'est une question, cruciale, de proximité ! Nous sommes nombreux à avoir été maires, rôle qui nécessite une connaissance approfondie du territoire et de ses spécificités : développons les outils à leur disposition.

En Alsace, une disposition du droit local oblige les nouveaux arrivés à se signaler en mairie.

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

M. André Reichardt. - Elle n'est malheureusement pas appliquée, du fait d'une loi scélérate. L'attribution des logements sociaux fait partie des chemins qui permettent aux maires de connaître leur population.

N'attendons pas une hypothétique loi de décentralisation, dont on annonce qu'elle pourrait renforcer le rôle des préfets... Faisons confiance aux maires et votons cette proposition de loi ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur de nombreuses travées du groupe UC ; Mme Françoise Gatel acquiesce avec énergie.)

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

Supprimer cet article.

M. Yannick Jadot.  - Cet amendement vise à supprimer le droit de veto accordé au maire ; c'est de fait un droit d'exclure, qui ne renforce pas le pouvoir d'attribution. La collégialité est un moyen de prévenir les risques de détournement de pouvoir. (Exclamations à droite) En mettant le maire au coeur du dispositif, nous accroissons aussi la pression sur lui.

À Hénin-Beaumont comme ailleurs, nous craignons que cette mesure ne renforce le clientélisme sur des critères ethniques et religieux. (Mme Dominique Estrosi Sassone proteste vigoureusement.)

Le travail du maire est de créer une sociologie harmonieuse de la ville, certainement pas d'exclure. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article unique.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Monsieur Jadot, vous allez rapidement apprendre comment nous travaillons dans cet hémicycle... Les raccourcis faciles n'y ont pas leur place. Nous avons chacun nos convictions et nos valeurs, mais nous nous respectons et refusons les invectives et les anathèmes ! (Applaudissements à droite et au centre)

Nous sommes défavorables à votre amendement, qui reviendrait à supprimer l'article unique, et donc la proposition de loi de Mme Primas.

Vous faites une fixation sur ce droit de veto, mais l'actuelle voix prépondérante est très peu utilisée et, en outre, non motivée. Il s'agit de conforter la base légale permettant de s'opposer à une demande selon des critères parfaitement républicains, fixés par l'USH.

Les maires sont responsables. Leur intérêt est de répondre au mieux aux attentes de leurs habitants. Ils n'exerceront pas leur droit de veto de manière discrétionnaire.

En outre, il s'agit surtout de leur donner un pouvoir de négociation avant de faire jouer le droit de veto. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le Président de la République a déclaré vouloir renforcer le contrôle de l'attribution des logements sociaux par les maires, afin qu'ils apportent leur expertise de terrain. C'est l'objet de cette proposition de loi : nous ne pouvons donc pas souscrire à votre amendement, qui la supprime. Nous avons déposé des amendements pour l'encadrer, mais nous la jugeons pertinente. Avis défavorable.

M. Fabien Gay.  - Nous voterons l'amendement défendu par M. Jadot. Cette proposition de loi réglera-t-elle la question du logement social ? Vous-mêmes avez répondu non. En Seine-Saint-Denis, dans une ville de 58 000 habitants, le maire peut attribuer 200 logements alors que 8 000 familles sont en attente : il y en aura 7 800 sur le carreau... La question centrale, c'est la pénurie de logements neufs !

Cette proposition doit s'inscrire dans le budget à venir. Dix milliards d'euros ont été ponctionnés en six ans par les gouvernements macronistes : la droite s'engage-t-elle à rétablir ces moyens ? Ce rétablissement serait bien plus utile aux maires que la proposition de loi ! (Applaudissements à gauche)

À la demande du GEST, l'amendement n°9 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°1 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption   99
Contre 246

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

(On s'en félicite sur plusieurs travées à droite.)

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 4 à 6

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

...) Le 4° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La présidence de la commission d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements est exercée par le maire, ou, lorsque la commission est créée dans les conditions du deuxième alinéa du I, par le membre visé au 4°. Lorsque la commission d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements examine dans une même séance des attributions dans des logements situés dans plusieurs communes sans entrer dans le cas régis par le deuxième alinéa du I, la présidence est exercée successivement par les différents maires concernés. Lorsque le maire est absent, les membres désignés dans les conditions du 1° élisent en leur sein un président. » ;

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Cet amendement complète les dispositions adoptées en commission sur la présidence des Caleol, avec une présidence tournante lorsque la commission ne se réunit ni au niveau communal ni au niveau intercommunal.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« 2° Du maire de la commune où sont implantés les logements attribués ou de son représentant. Il dispose de deux voix lors des délibérations et d'une voix prépondérante en cas d'égalité des voix. Il préside la commission, sauf lorsqu'elle est créée en application du second alinéa du I du présent article ;

« ... ° De deux membres du conseil municipal élus en son sein, dont au moins un a déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale. Ils disposent chacun de deux voix lors des délibérations ; »

M. Bernard Buis.  - Cet amendement supprime le droit de veto ; nous proposons d'augmenter le poids des communes dans la commission par l'ajout de deux conseillers municipaux et d'instaurer le principe de deux voix pour chaque représentant de la commune.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Daubet.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° Du maire, ou de son représentant, qui exerce la fonction de président et dispose d'une voix prépondérante en cas d'égalité des voix, et de deux membres représentant la commune où sont implantés les logements attribués. Les deux membres sont élus par le conseil municipal en son sein à la représentation proportionnelle au plus fort reste ; »

M. Henri Cabanel.  - Nous recherchons une meilleure mixité dans nos quartiers. Pour que la politique du logement social soit efficace, elle doit être mise en oeuvre en concertation entre l'État, les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux. Nous souhaitons préserver une vision collective de la mise en oeuvre de cette politique. L'amendement n°7 rectifié bis remplace le droit de veto par un renforcement du rôle des communes au sein des Caleol.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mmes M. Carrère et Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Laouedj et Mme Pantel.

Alinéa 5

1° Deuxième phrase

Après le mot :

Il

insérer les mots :

dispose d'une voix prépondérante en cas d'égalité des voix et

2° Dernière phrase

Supprimer cette phrase.

M. Henri Cabanel.  - Amendement de repli.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

II. - Après l'alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Elle s'appuie sur les demandes et informations enregistrées dans le système national d'enregistrement mentionné à l'article L. 441-2-1, ainsi que, pour ce qui concerne la première mise en service d'un programme, sur le résultat de la concertation que l'organisme d'habitations à loyer modéré organise avec le maire de la commune et l'ensemble des réservataires concernés.

« En cas d'opposition motivée du membre désigné au 2° du II, la commission ne peut pas décider de l'attribution d'un logement. Cette faculté ne peut s'exercer qu'une fois par logement neuf ou libéré. » ;

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Lors de la première mise en service d'un programme, une concertation doit être menée entre l'organisme bailleur et les réservataires. Par ailleurs, le droit de veto communal ne pourrait être exercé qu'une fois par logement neuf ou libéré.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste - Kanaky.

Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

M. Fabien Gay.  - Il s'agit de supprimer le droit de veto. Qu'adviendrait-il d'une famille qui en serait frappée ? Stoppée net dans son parcours locatif, elle serait, en quelque sorte, fichée rouge. (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste.)

D'autre part, si tous les élus ne sont pas clientélistes - M. Jadot ne l'a d'ailleurs pas prétendu -, des dérives peuvent exister. Dans le logement privé, les testings menés par des associations ont prouvé que des discriminations ont cours.

Nous proposons donc d'anonymiser les demandes, comme cela se pratique à Paris depuis 2014.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Les amendements du Gouvernement nos11 et 12 comportent des précisions utiles, s'agissant notamment de la présidence tournante. Ils reviennent malheureusement sur le droit de veto des maires, auquel nous tenons absolument. S'il ne pouvait être utilisé qu'une fois, ce serait un sabre de bois, facile à contourner. Avis défavorable aux deux.

Avis défavorable aussi à l'amendement n°1 : en sollicitant fréquemment les élus, nous créerions des problèmes de quorum, au détriment des petites communes.

Avis défavorable aux amendements nos6 rectifié et 7 rectifié bis : nous souhaitons conserver le droit de veto - la voix prépondérante est très peu utilisée, et au demeurant non motivée.

Même avis sur l'amendement n°3, qui supprime le droit de veto. Les critères de qualification déterminés par le vademecum de l'USH sont parfaitement républicains. Le veto portant sur un logement déterminé, les ménages évincés ne seront nullement marqués ; ils pourront se repositionner sur un autre logement. (M. Fabien Gay est dubitatif.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Retrait des amendements nos1, 7 rectifié bis et 6 rectifié au profit de l'amendement du Gouvernement n°11 ; retrait de l'amendement n°3 au profit de l'amendement du Gouvernement n°12.

M. Lucien Stanzione.  - Le législateur se penche sur la composition des commissions d'attribution depuis une dizaine d'années. Les règles, certes perfectibles, visent à favoriser la concertation en amont et à assurer l'impartialité des commissions. Pour notre part, nous ne souhaitons pas retirer la présidence aux organismes d'HLM.

M. Fabien Gay.  - Madame la ministre, nous ne retirerons pas notre amendement au profit du vôtre.

Madame la rapporteure, les critères motivant les vetos seront-ils discrétionnaires ou une liste précise sera-t-elle établie ? Par exemple, pourra-t-on plus facilement refuser quelqu'un qui n'habite pas la commune ? Cela ne changera pas fondamentalement notre position (Mme Dominique Estrosi Sassone sourit), mais nous apprécierions d'être éclairés...

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Le vademecum de l'USH sur la qualification du parc social est à la disposition de tous les élus. Différents critères pouvant étayer un refus y sont énumérés : revenus, composition du foyer, activités des majeurs, aide au logement... Le maire pourra s'appuyer sur ces critères de référence.

L'amendement n°1 est retiré.

L'amendement n°11 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos7 rectifié bis, 6 rectifié, 12 et 3.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Fouassin et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« ...) Un représentant du conseil départemental élu en son sein où sont implantés les logements attribués. » ;

M. Stéphane Fouassin.  - Nous voulons intégrer à la Caleol un conseiller départemental, avec voix consultative, afin de reconnaître le rôle des départements en matière de soutien à la construction et aux populations en difficulté.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Avis favorable. Les services sociaux départementaux peuvent déjà être consultés, mais cette disposition n'est pas inutile. Les départements sont parties prenantes de la construction et de la politique de l'habitat. La mesure prévue ne modifie pas l'équilibre des Caleol ni n'en alourdit le fonctionnement.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le président peut déjà appeler un représentant des services sociaux du département à siéger au sein de la Caleol, avec droit de vote. C'est cohérent avec le rôle de chef de file des départements en matière d'action sociale. Avis favorable. (Mme Sophie Primas s'en félicite.)

M. Denis Bouad.  - Pour avoir été longtemps conseiller départemental, je suis gêné par cet amendement. Les départements apportent aussi des garanties d'emprunt, ne l'oublions pas. (M. Laurent Somon abonde.) Dans ces conditions, comment demander à un conseiller départemental de siéger deux fois par semaine, voire davantage, avec une voix simplement consultative ? Nous voterons contre.

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste-Kanaky.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Au premier alinéa, le mot : « nominativement » est remplacé par le mot : « anonymement » ;

M. Fabien Gay.  - Nous proposons d'anonymiser les candidatures pour éviter toute forme de discrimination - même si les cas sont rares. Nous y reviendrons dans le cadre d'un débat plus large sur le logement social.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - L'anonymisation est déjà de mise, jusqu'à la réunion de la Caleol, qui doit logiquement examiner les critères que vous souhaitez anonymiser pour prendre des décisions cohérentes avec les logements à disposition. J'ose penser que les discriminations fondées sur le nom n'existent pas ou plus. Avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Le Gouvernement est très inquiet du constat dressé par SOS Racisme. Nous prenons le sujet très au sérieux, et différentes analyses sont en cours. Dans l'immédiat, la mesure que vous proposez n'atteindrait pas sa cible. Pour éviter les risques de refus, le réservataire fait souvent visiter le bien ; maintenir l'anonymat aussi tardivement est une gageure.

M. Pascal Savoldelli. - Sagesse ? (Sourires)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Retrait ou avis défavorable.

M. Fabien Gay.  - Soit il y a un problème, soit il n'y en a pas ! Or vous reconnaissez vous-même qu'il y en a un... Je ne vois pas ce qu'apporte le fait de connaître le nom, à moins que l'élu connaisse nommément tous les demandeurs de logement social de sa ville... Moi qui ne connais pas les prénoms de mes 347 collègues, comment connaîtrais-je les noms des 8 000 demandeurs de logement de ma commune ?

Ce que nous vous proposons, la mairie de Paris le fait.

Mme Sophie Primas.  - Ce n'est pas notre référence !

M. Fabien Gay.  - Nous continuerons à en discuter.

Mme Nathalie Goulet.  - Pour ma part, je voterai cet amendement. Un de nos collègues a été victime de racisme : il s'est vu refuser un logement - non social - dans le quartier du Sénat en raison de son nom. Cela a fait quelques remous, à juste titre... La solution proposée me paraît très bonne.

Mme Sophie Primas.  - Dans la vallée de Seine, où j'habite et où la mixité est très forte - 32 nationalités dans ma commune -, je ne vois pas de discriminations. Les associations dénoncent des cas : il y a peut-être un sujet, mais je ne suis pas sûre que la solution proposée soit la bonne.

Madame Goulet, le sénateur auquel vous faites référence s'est vu refuser un logement privé. L'amendement de M. Gay n'y aurait rien changé.

Mme Nathalie Goulet.  - Certes, mais ces cas existent !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Le code de la construction et de l'habitat dispose : « La commission attribue nominativement chaque logement locatif. » Vous voudriez le modifier pour prévoir une attribution anonyme ? (MYannick Jadot proteste.)

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste-Kanaky.

Alinéas 8 et 9

Supprimer ces alinéas.

M. Fabien Gay.  - Nous n'avons pas compris l'introduction de cette disposition en commission. Si la priorité est donnée au logement neuf, ceux qui ont déjà du mal à accéder au logement social - Dalo, personnes en situation de handicap, victimes de violences conjugales, notamment - seront plus pénalisés encore.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lors de la mise en location initiale des logements neufs, sauf lorsqu'une telle délégation existe déjà en application du V de l'article L. 301-5-1, l'État peut déléguer à la commune tout ou partie des réservations de logements dont il bénéficie en application de l'article L. 441-1, à l'exception des logements réservés au bénéfice des agents civils et militaires de l'État. » ;

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Nous transformons en une faculté l'obligation de délégation du contingent préfectoral pour les nouvelles constructions, et corrigeons un problème de coordination entre différentes dispositions du code de la construction et de l'habitation.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Avis défavorable à ces deux amendements, qui remettent en cause l'un des leviers du texte.

M. Gay feint de ne pas comprendre... (M. Fabien Gay s'en défend.) Je n'ose y croire ! La délégation du contingent de l'État au maire n'empêchera pas que soient logés les publics prioritaires, mais conduira à loger d'abord ceux qui se trouvent déjà sur la commune - mal-logés, hébergés ou à la rue.

Nous voulons une délégation automatique, non une simple faculté à la discrétion du préfet, d'autant qu'avec les résidences neuves, les déséquilibres sont rapidement importants. Le maire doit pouvoir disposer aussi du contingent de l'État. Nous généralisons une pratique qui fonctionne dans de nombreux territoires. Faisons confiance aux maires !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - J'entends l'argumentaire du sénateur Gay : la tentation d'évincer les publics prioritaires des programmes neufs peut en effet exister. Pour autant, nous avons fait le choix de faire confiance aux maires, qui, dans leur immense majorité, ne sont pas insensibles à ces publics.

Les amendements nos12, 13 et 14 du Gouvernement confirmaient cette confiance aux maires tout en sécurisant le dispositif contre des tentations discrétionnaires, afin qu'il soit impossible de mener une politique systématique de non-attribution aux publics défavorisés.

Retrait de l'amendement n°5 au profit de celui du Gouvernement.

Mme Viviane Artigalas.  - Nous sommes plutôt favorables à ces mesures, mais pourquoi légiférer puisque cette délégation existe ? Nous sommes contre l'automaticité. Dans les communes carencées, on ne saurait laisser tous les logements neufs à la discrétion du maire.

L'amendement n°5 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°13.

M. Pascal Savoldelli.  - Débattre de la place des communes dans l'attribution des logements sociaux, c'est bien. Mais encore faut-il qu'il y en ait ! (On renchérit à gauche.) Dans le Val-de-Marne, il y a 100 000 demandeurs - un chiffre inédit ! Parmi eux, combien sont insolvables ? Votre texte n'évoque jamais les demandeurs de logement - manifestement, ce vocabulaire vous est étranger.

Il n'y a jamais eu autant de demandeurs, ni aussi peu de constructions, ont rappelé les acteurs du logement lors du Congrès HLM. En 2017, l'État a prélevé 1,3 milliard d'euros aux bailleurs sociaux à son profit - ce que le Sénat n'a pas voulu empêcher.

Dans une proposition de loi de 2016, notre ancien collègue Christian Favier proposait de construire 70 000 logements par an autour des gares du Grand Paris Express. Mais la majorité sénatoriale s'y est opposée. Mme Primas était rapporteur...

Mme Sophie Primas.  - Je le referais !

M. Pascal Savoldelli.  - Cela conduit à s'interroger sur les véritables intentions des auteurs de la présente proposition de loi.

Nous voterons contre cet article, en souhaitant que, lors du projet de loi de finances, le Sénat vote une TVA à 5,5 % pour le logement social. On verra alors, dans la vérité des votes, qui veut véritablement rassembler les maires, les bailleurs et les demandeurs de logement !

L'article unique, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme Aeschlimann.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 411-1 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article L. 411-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 411-1-....  -  Il est créé, dans chaque organisme d'habitations à loyer modéré, une commission de concertation chargée de suivre les programmes de constructions neuves jusqu'à leur date de livraison.

« La commission est composée d'un représentant de chaque réservataire. Elle est présidée de droit par le maire de la commune où sont implantés les logements en construction, ou par son représentant. »

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Je m'associe aux orateurs qui ont rappelé combien le renforcement du rôle du maire dans l'attribution des logements sociaux était attendu, tout comme la qualité du dialogue au sein des Caleol.

La délégation du contingent préfectoral au maire est décisive, mais il faut que les enjeux soient partagés par l'ensemble des réservataires. Je propose donc la création d'une commission de concertation, présidée par le maire, pour formaliser ce dialogue.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Avis favorable. C'est utile pour la bonne insertion du programme neuf dans la commune. Ces entités de concertation sont de la responsabilité du bailleur ; il est bon que le maire préside et suive le programme jusqu'à la livraison.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - La création d'une telle commission figurait dans notre amendement n°12 : sagesse, pour des raisons de rédaction.

Mme Amel Gacquerre.  - Je salue la volonté de privilégier la concertation, mais je reste sur la volonté de simplifier.

M. Denis Bouad.  - Bravo !

Mme Amel Gacquerre.  - Cette pratique existe, inutile donc de légiférer.

L'amendement n°8 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié ter, présenté par Mme Noël, MM. Bonhomme et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Anglars, Mandelli et Reichardt, Mmes Petrus, Berthet et Gosselin et MM. D. Laurent, Gremillet et Reynaud.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 4° du II de l'article L. 441-2 du code de la construction et de l'habitation, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cas d'une convention intercommunale d'attribution mentionnée à l'article 441-1-6 ou d'une conférence intercommunale d'attribution des logements mentionnée à l'article 441-1-5, la commission est composée :

« a) Du président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du président du conseil de territoire de l'établissement public territorial de la métropole du Grand Paris, qui exerce la fonction de président et dispose d'une voix prépondérante ;

« b) Du maire de chaque commune ou de son représentant appartenant à l'établissement public de coopération intercommunale mentionné au a. »

Mme Sylviane Noël.  - Dans un souci de parallélisme des formes, nous proposons que dans le cadre d'une convention intercommunale d'attribution, la Caleol soit présidée par le président de l'EPCI, et qu'il bénéficie d'une voix prépondérante.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Je suis sensible à cette logique, mais votre rédaction interdirait de fait la participation du bailleur social, de l'État et des membres consultatifs. Avis défavorable.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Les EPCI peuvent demander une Caleol intercommunale. Votre amendement est satisfait par le texte de la commission. Il supprimerait en outre la possibilité de conserver une Caleol communale ou intercommunale sur un autre périmètre que celui de l'EPCI. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°10 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 441-2-2 du code de la construction et de l'habitation est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Tout rejet d'une demande d'attribution suivie d'une radiation de la demande effectuée dans les conditions prévues par l'article L. 441-2-9 doit être notifié par écrit au demandeur par le président de la commission d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements, dans un document exposant le ou les motifs du refus d'attribution. 

« En cas de gestion non déléguée des réservations, la décision de ne pas donner suite à la proposition d'un réservataire ou de changer l'ordre de priorité parmi les propositions effectuées doit être motivée. Elle est notifiée au réservataire par le président de la commission d'attribution des logements et d'examen de l'occupation des logements. En cas de contestation, le réservataire soumet le cas à la commission de coordination prévue au douzième alinéa de l'article L. 441-1-6 qui agit comme instance de précontentieux. »

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - La Caleol doit motiver ses décisions de refus, afin d'assurer la plus grande transparence pour les demandeurs comme pour les réservataires, qui comprendraient ainsi mieux la politique d'attribution.

La contestation des décisions pourrait être portée devant les commissions de concertation prévues par les commissions intercommunales d'attribution.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur.  - Avis favorable à ces précisions bienvenues. Les conséquences du rejet d'une demande ou d'un refus d'attribution ne sont pas les mêmes. La plupart du temps, le veto du maire conduira à un refus sans radiation et non à un rejet.

L'amendement n°14 est adopté et devient un article additionnel.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - À titre personnel, je voterai cette proposition de loi à laquelle des correctifs ont été apportés en commission comme en séance. Le texte initial risquait d'entraîner des lourdeurs, sachant que les Caleol peuvent regrouper jusqu'à 80 communes.

Je salue le travail conduit pour rendre effectif l'engagement du Président de la République de renforcer le rôle du maire dans l'attribution des logements. Je voterai ce texte, même s'il faudra sans doute le compléter, voire l'amodier.

M. Stéphane Ravier .  - La loi SRU impose des quotas mathématiques et brutaux de logements sociaux souvent inatteignables. Dans les Bouches-du-Rhône, 50 % des communes sont carencées !

Un récent rapport signé par deux députés de la majorité préconise d'imposer aux communes l'attribution d'un nombre de logements pour les demandeurs d'asile et d'inciter les collectivités territoriales à favoriser l'implantation de lieux d'accueil des demandeurs d'asile. Outre son caractère immigrationniste forcené, véritable provocation envers nos compatriotes qui n'arrivent pas à se loger, une telle mesure représenterait une nouvelle atteinte aux libertés communales.

Cet étatisme outrancier, qui instaure une préférence étrangère au logement, et le pouvoir croissant des intercommunalités dépossèdent les maires de leur autonomie de gestion. Ils doivent à tout le moins pouvoir maîtriser la politique de peuplement des logements sociaux de leur commune, pour en préserver l'équilibre et l'avenir. Je voterai donc cette proposition de loi renforçant la représentation de la commune dans les commissions d'attribution. (M. Yannick Jadot s'offusque.)

M. Daniel Salmon .  - Bien entendu, les élus municipaux connaissent leur territoire - parfois même certaines cages d'escalier. Mais nous préférons une décision collégiale, qui s'appuie sur des critères objectivables, garante d'équité. Nous n'aimons pas la décision jupitérienne !

Cette proposition de loi organise de potentielles dérives. Je ne dis pas qu'elles seront massives, mais il y en aura.

La crise du logement est une catastrophe annoncée que le Gouvernement n'a fait qu'empirer. La vraie question est celle de la pénurie de logements. Cette proposition de loi n'apporte aucune solution. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Claude Tissot applaudit également.)

M. Henri Cabanel .  - Nous sommes favorables à l'accroissement du nombre de conseillers municipaux dans les commissions d'attribution, même si cela risque de poser des problèmes d'organisation.

Le droit de veto a fait l'objet d'un débat au sein du RDSE. Bien sûr nous préférerions penser que tous les maires sont intègres ; mais certains risquent d'abuser de leur pouvoir. Notre groupe s'abstiendra.

Mme Sophie Primas .  - Je remercie la rapporteure et la ministre - qui excusera ma fougue !

Non, cette proposition de loi ne résoudra pas le problème du logement, lié à l'absence de construction.

À ceux qui craignent les décisions verticales du maire, je rappelle que jamais un maire ne prend une décision seul ; il a travaillé avec ses services sociaux, avec son adjoint, avec le bailleur, avec l'État. Les anciennes pratiques n'ont plus cours !

Monsieur Savoldelli, je n'ai pas parlé de « demandeurs de logement », mais je vous ai parlé des gens - ces gens qui vivent chez moi, dans le Far West des Yvelines et qui travaillent à Aulnay-sous-Bois, à deux heures de là ! (M. Pascal Savoldelli proteste.) Je les connais, je les rencontre ! Nous voulons l'intégration de toutes les populations, y compris les plus modestes, dans nos communes.

Mme Audrey Linkenheld.  - L'intégration ?

Mme Sophie Primas.  - Merci pour ce débat sur un sujet d'ampleur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Fabien Gay .  - Nous voulons donner du pouvoir aux maires, mais un pouvoir sans moyens est comme une voiture sans essence... (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.) Cette proposition de loi ne fait que gérer la pénurie !

La question fondamentale est celle des moyens pour construire. Allons-nous rendre aux bailleurs sociaux les 10 milliards d'euros qui leur ont été volés en six ans de pouvoir macroniste ? La proposition de loi tape à côté. Sur le fond, nous sommes en désaccord sur le droit de veto et sur la question du logement neuf, qui va conduire à exclure les plus précaires. Nous voterons contre.

M. Yannick Jadot .  - (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, où l'on fait valoir que le GEST a déjà expliqué son vote par la voix de M. Daniel Salmon.) Partout, dans nos territoires, les maires font de leur mieux pour gérer les problèmes de nos concitoyens. Nombre d'entre eux estiment que le système de gouvernance actuel est bon, et que le droit de veto ne serait pas un bon levier. N'opposons pas les maires et le reste du monde ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Duplomb.  - Vous avez été maire ?

M. Yannick Jadot.  - J'espère que, lors du projet de loi de finances, notre assemblée votera des moyens pour la construction et l'attribution de logements sociaux en masse. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Viviane Artigalas .  - Nous ne voterons pas cette proposition de loi. Plutôt que le droit de veto, nous privilégions la concertation associant les maires en amont. Améliorons les outils existants.

Voilà six ans que nous alertons sur la bombe sociale que représente le logement et que nous dénonçons la politique du Gouvernement et les 11 milliards d'euros ponctionnés avec la RLS ! Il faudra avoir un vrai débat sur le logement - en présence du ministre du logement... (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)

Mme Amel Gacquerre .  - Nous voterons avec enthousiasme ce texte, dont je suis ravie qu'il soit le premier inscrit à notre ordre du jour. Lors de la campagne électorale, les maires nous ont fait passer un message : qu'on leur redonne le pouvoir d'agir ! Merci, et bravo ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur .  - Je remercie Mme Primas, ainsi que le président Retailleau, qui a inscrit ce texte en priorité à notre ordre du jour. Preuve de l'intérêt de la droite et du centre, mais aussi de tout le Sénat, pour cette question.

Le logement est notre priorité numéro un - hélas, pas celle des gouvernements depuis 2017. Nous avons été les premiers à dénoncer la ponction sur les bailleurs sociaux via la RLS. Faute de pouvoir en obtenir la suppression, article 40 oblige, nous avons demandé une clause de revoyure, qui n'est jamais venue. Nos inquiétudes se sont confirmées.

Amendement après amendement, nous avons demandé la baisse de la TVA sur les logements sociaux, monsieur Savoldelli. La droite n'a cessé de dénoncer les coupes claires pratiquées par le Gouvernement.

Le sujet doit être abordé dans toutes ses dimensions - l'accession à la propriété, mais aussi le statut du bailleur privé. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP)

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La séance est suspendue quelques instants.