Ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP, présentée par M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs de ses collègues. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. Vincent Capo-Canellas, auteur de la proposition de loi .  - Ce texte est le fruit du dialogue social mené par MM. Bailly et Grosset sur un sujet sensible, qu'il nous faut examiner avec responsabilité : l'ouverture à la concurrence du réseau de bus de la RATP à Paris et dans la première couronne.

Ce texte n'instaure pas la mise en concurrence, il en corrige les modalités. L'ouverture à la concurrence résulte du droit de l'Union européenne depuis plus de quinze ans. En 2019, la loi d'orientation des mobilités (LOM), texte sur lequel le Sénat a beaucoup travaillé, en a déterminé le calendrier et les modalités. L'ouverture à la concurrence du réseau francilien a alors été fixée pour la fin 2024.

Les enjeux sont vastes : la population concernée représente treize fois la ville de Rennes, à travers 4 800 bus desservant 1 300 points d'arrêt. Il nous revient de garantir une bonne qualité de service à tous les usagers. Des précisions doivent aussi être apportées sur le patrimoine transféré à Île-de-France Mobilités (IDFM). Il était important que la représentation nationale se saisisse du sujet, au moment où il devient concret.

Ce texte établit un cadre clair qui, pour une part - qu'on peut certes juger insuffisante -, va dans le sens des salariés : je pense au transfert des centres-bus plutôt que des lignes, au transfert de certains salariés à IDFM ou encore aux dispositions relatives au volontariat. La proposition de loi va aussi dans le sens de l'opérationnalité. De ce point de vue, détendre le calendrier est nécessaire pour éviter les difficultés.

Au total, ce texte apporte plus de sécurité aux salariés comme à la RATP et aux nouveaux entrants.

La commission a sécurisé davantage encore certaines dispositions : période de référence pour le calcul du nombre de salariés pour chaque lot, délai d'information des salariés porté de quatre à six mois, entre autres.

J'ai la conviction que nous sommes proches de trouver une formulation commune à la majorité sénatoriale et au Gouvernement.

Notre volonté commune est de réussir cette étape pour les voyageurs, avec les salariés. La place du bus mérite d'être réaffirmée dans la mobilité collective : il remplit une fonction sociale de desserte de proximité, en banlieue et à Paris comme en zone rurale. Il a une place singulière, irriguant les centres-villes et, en Île-de-France, complétant le RER et le métro. Le rôle des machinistes et personnels de maintenance de la RATP est donc essentiel.

Nous menons un travail de précision avec humilité et en recherchant les meilleurs compromis possible. Loin des discussions de doctrine, nous tâchons d'apporter des réponses utiles au plus près des réalités. J'espère que la navette aboutira dans un délai raisonnable, car, dans cette affaire, le temps est un paramètre majeur. (Applaudissements au banc des commissions ; M. Philippe Tabarot applaudit également.)

M. Franck Dhersin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Nous ne débattons pas d'un texte idéologique entérinant le passage à la concurrence : ce débat de principe a déjà eu lieu en 2019 avec la LOM et, avant cela, en 2009. Le législateur a traduit les obligations découlant du droit de l'Union européenne, fidèle au respect de nos engagements européens.

Le règlement européen de 2007 sur les obligations de service public, dit OSP, a tracé le chemin à suivre. En 2009, la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, dite ORTF, en a tiré les conséquences en fixant les échéances respectivement à 15, 20 et 30 ans pour le bus, le tramway et les transports ferrés. Le processus d'ouverture à la concurrence a été déterminé par la LOM, qui prévoit notamment la portabilité d'acquis sociaux de haut niveau - le fameux sac à dos social.

Faire croire que ce débat pourrait être rouvert serait malhonnête et irresponsable. Tous les acteurs se préparent à l'ouverture à la concurrence, et remettre en cause ce processus nous exposerait non seulement à un recours en manquement devant la Cour de justice de l'Union européenne, mais aussi aux réclamations légitimes des entreprises qui se préparent pour cette échéance.

Valérie Pécresse et Jean Castex nous l'ont confirmé : l'AOM et l'opérateur historique ne contestent ni le calendrier ni le principe de la mise à concurrence. Laisser croire qu'un moratoire serait possible n'est pas raisonnable.

Ce texte vise à instaurer un transfert équitable, socialement juste et qui améliore le service rendu aux usagers, pour que l'ouverture à la concurrence profite à tous. Il représente un point d'équilibre propre à rassurer les salariés - tous les acteurs me l'ont dit. MM. Bailly et Grosset, chargés d'une mission de préfiguration sociale, y retrouvent l'ensemble de leurs préconisations.

J'ai eu avec les syndicats un échange franc et courtois ; s'ils ont un désaccord principiel avec l'ouverture à la concurrence, ils reconnaissent que ce texte élargit le nombre de salariés bénéficiaires du sac à dos social. De fait, il comble les angles morts de la LOM, étend les délais d'information accordés aux salariés et prévient les problèmes qui naîtraient du transfert de 19 000 salariés en une seule nuit. C'est un texte de progrès et qui permet d'éviter la pagaille au 1er janvier 2025.

La proposition de loi limite la mobilité géographique obligatoire des salariés : le transfert s'effectue non plus par ligne, mais par centre-bus. Ainsi, 3 000 salariés ne risqueront plus de devoir changer de lieu de prise de poste. Une procédure de volontariat est confiée à IDFM, prévoyant des conditions spécifiques pour les conducteurs de bus de nuit qui ne voudraient pas être transférés sur des lignes de jour. Les salariés des entités filialisées ou mutualisées ne seront pas moins bien lotis que les agents transférés de la RATP. Le dialogue social se poursuivra sur le long terme - c'est le sens de l'article 6.

IDFM pourra échelonner le calendrier d'ouverture à la concurrence entre le 31 décembre 2024 et 31 décembre 2026. Cet aménagement, prévu à l'article 4, évitera la désorganisation des transports publics et laissera du temps aux candidats pour mieux calibrer leur offre. Nous éviterons aussi de désorganiser les transports durant les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), pendant lesquels ils seront sollicités de manière inédite.

Le texte prévoit un report de quinze mois du cadre social territorialisé, qui prévoit une amplitude maximale de travail de 11 heures - contre 13 à la RATP en vertu d'un accord d'entreprise. Sans cette mesure, il faudrait recruter de 500 à 700 conducteurs à court terme. Je présenterai un amendement visant à maintenir cette durée à 13 heures, sous réserve d'une négociation.

Les éventuels conflits entre IDFM et la RATP seront réglés par l'Autorité de régulation des transports (ART). Enfin, les employeurs seront mieux représentés au sein d'IDFM.

La commission s'est attachée à sécuriser juridiquement le texte tout en conservant l'esprit de son auteur et en assurant aux candidats des conditions équitables. Au total, ce texte opère une synthèse équilibrée pour une ouverture à la concurrence équitable, juste et bénéfique à tous.

M. Pascal Savoldelli.  - On croirait entendre l'auteur du texte...

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Ce texte vise certes moins de territoires que celui dont nous avons débattu cet après-midi, mais, compte tenu du nombre d'usagers concernés, il est d'intérêt national.

Le processus d'ouverture à la concurrence est engagé depuis la loi du 8 décembre 2009 et n'a été remis en cause depuis lors par aucune majorité. L'accord trouvé avec la Commission européenne pour l'application de cette décision remonte à 2013. En 2019, la LOM a fixé les dernières modalités de l'ouverture à la concurrence.

Ce processus n'est pas une privatisation : il s'inscrit dans le cadre du service public. (Murmures sur les travées du groupe CRCE-K) L'ouverture à la concurrence doit être réussie, pour les agents comme pour les usagers. Mais c'est un outil, pas une fin en soi. La révision de son calendrier et de certaines de ses modalités est nécessaire.

S'agissant du calendrier, une grande bascule au 1er janvier 2025 était impensable pour les agents. J'ai toujours dit qu'il fallait renforcer leurs garanties sociales. (M. Pascal Savoldelli ironise.) Des dispositions protectrices ont été arrêtées dans la LOM : transfert du contrat de travail au repreneur, maintien des conventions collectives ainsi que de la garantie d'emploi et du régime de retraite pour les agents statutaires.

Une mission a été confiée à deux grands noms du dialogue social, largement reconnus, MM. Bailly et Grosset. Leurs travaux se retrouvent dans ce texte, dont M. Capo-Canellas a bien voulu assurer la rédaction.

Sur le cadre social territorialisé (CST), il y a lieu de différer la date d'application du décret jusqu'à la date de reprise effective par le délégataire, mais aussi d'étaler la mise en concurrence effective et totale au 1er janvier 2025. Nous sommes favorables au délai de deux ans que prévoit la proposition de loi - et que prévoyait aussi celle du député communiste Stéphane Peu.

Nous soutenons le texte, mais aussi certains amendements : en particulier, la période de référence doit demeurer celle du texte initial.

Ce texte est nécessaire, mais aussi exemplaire dans sa méthode : il a fait l'objet d'un travail commun entre les grands opérateurs et son contenu découle du travail de deux grands noms du dialogue social. (M. Fabien Gay proteste.) Son objectif est simple : un meilleur service public sous la seule autorité d'IDFM - raison pour laquelle je récuse formellement le terme de privatisation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Pascal Savoldelli ironise.)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1 rectifiée, présentée par MM. Jacquin et Uzenat, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Devinaz, Fagnen, Gillé, Ouizille, M. Weber, Féraud, Temal et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Bourgi, Mmes Briquet et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, M. Darras, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Éblé, Mmes Espagnac et Féret, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, M. Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Tissot, M. Vallet, Vayssouze-Faure et Ziane.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP (n° 47, 2023-2024).

M. Simon Uzenat .  - Les réseaux de transport, particulièrement en Île-de-France, sont de la dentelle fine - même si 19 000 salariés et près de 300 lignes, ce n'est pas exactement l'épaisseur de la dentelle... Or vous leur appliquez un traitement des plus brutaux, un lavage à 90 degrés avec, certes, un quart de bouchon d'adoucissant - reconnaissons quelques efforts sur le sac à dos social.

On vante une initiative parlementaire, mais il s'agit d'un projet de loi déguisé, commandé par IDFM ; lors de son audition, sa présidente ne s'en est pas cachée. Ce lavage brutal risque de mettre à mal les coutures sociales et territoriales du réseau : nous craignons pour la qualité du service et pour son unité, avec douze à treize lots définis sans l'avis de la RATP et dont chacun a la taille de Rennes.

Monsieur le ministre, j'ai été surpris, pour ne pas dire plus, de vous entendre vanter une méthode exemplaire. Jeune parlementaire, j'ose espérer que ce n'est pas ainsi que vous concevez les rapports entre le Gouvernement le Parlement... Cette proposition de loi a été déposée il y a un peu plus de trois semaines ; nous sommes privés d'étude d'impact comme d'avis du Conseil d'État ; le rapport Bailly-Grosset n'a pas été transmis aux parlementaires, même si certains ont pu se le procurer, « tombé du camion »... J'ajoute que les auditions du rapporteur n'étaient pas ouvertes. L'opacité du processus est bien réelle.

S'agissant du calendrier, l'argument des JOP est douteux. Si l'ouverture à la concurrence était un remède à tous les maux des transports, pourquoi ne pas la mettre en oeuvre sans attendre ? En réalité, vous voulez éviter un crash industriel pendant cet événement important pour notre pays.

Monsieur le rapporteur, vous étiez pondéré en commission, mais avez employé dans l'hémicycle des mots très forts : irresponsable et malhonnête.

M. Fabien Genet.  - C'est la chaleur de l'hémicycle !

M. Simon Uzenat.  - Ce qu'une loi a fait, une autre peut le défaire. Et votre calendrier percutera les élections municipales de 2026. Au demeurant, les citoyens d'Île-de-France n'ont jamais été consultés sur cette ouverture à la concurrence.

Le règlement OSP ne fixe pas d'obligation en la matière, et, en tout état de cause, nous avons jusqu'en 2039. Si vous estimez qu'il faut décaler, nous estimons, nous, qu'il faut décaler le décalage. D'autant que, depuis 2020, la situation a bien changé, avec des tensions sociales et des difficultés de recrutement.

À la suite de la mise en concurrence en grande couronne, les retours sont très préoccupants : de Saclay à Melun, on nous rapporte que la qualité de service se dégrade. Usagers, élus et jusqu'aux entreprises se plaignent ; l'administrateur général d'Optile fait état de difficultés financières parfois insoutenables, susceptibles d'affecter le service, le climat social et la capacité à recruter.

Vous parlez de progrès pour le sac à dos social, mais par rapport à une situation de départ très mauvaise... Ce texte ne rassure en rien les organisations syndicales, dont l'opposition porte tant sur le principe que sur les modalités que vous proposez. Ainsi, le transfert du service de nuit en un seul lot entraînera, sans mauvais jeu de mots, une perte en ligne pour les chauffeurs qui ne feront pas ce choix.

Des inquiétudes s'expriment aussi sur la supervision et la gestion des incidents. À cet égard, le rapport Bailly-Grosset fait le service minimum. Au reste, les organisations syndicales nous ont déclaré que leur mission ne leur paraissait pas légitime.

Alors qu'un mur d'investissements attend IDFM, le coût des opérations pourrait reposer sur l'usager.

En votant cette motion, vous avez l'occasion d'agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

M. Olivier Jacquin.  - Bravo !

M. Didier Mandelli.  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDPI) Ne nous méprenons pas sur le sens de ce débat : le véhicule législatif ne serait pas le bon, car il priverait le Sénat d'une étude d'impact.

M. Hervé Gillé.  - C'est vrai !

M. Didier Mandelli.  - Mais le texte ne porte pas sur l'ouverture à la concurrence, en marche depuis de nombreuses années. Il vise à en fluidifier et à en sécuriser la mise en oeuvre, en apportant des garanties sociales aux salariés. (M. le rapporteur le confirme.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Très bien !

M. Didier Mandelli.  - L'article 1er élargit le champ des bénéficiaires du sac à dos social, qui assurera la portabilité d'une partie du statut. Il modifie aussi les modalités des transferts, qui auront lieu par centre-bus et non par ligne, ce qui permettra à 3 000 salariés de ne pas changer de lieu de prise de poste. Ces mesures consensuelles sont issues de la mission de préfiguration sociale.

L'amélioration de l'accompagnement des salariés est un élément essentiel. La commission a travaillé dans cet état d'esprit. En s'opposant au recul de la mise en concurrence, les opposants adoptent une position paradoxale. De fait, rejeter la proposition de loi conduirait à un transfert en une seule fois en 2024 - ce qui est contraire à leurs objectifs...

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Très juste !

M. Didier Mandelli.  - Cela conduirait à une désorganisation du réseau et à une rupture probable du service public, à la veille des JOP.

Ce texte prévoit un séquençage responsable du calendrier qui sécurise la mise en concurrence. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable l'a complété pour mieux préserver les acquis du dialogue social : je pense notamment au passage de quatre à six mois de la période d'information des salariés.

L'ancien rapporteur de la LOM vous le dit : ce texte améliorera les modalités de la mise en concurrence pour tous les acteurs. Je vous invite à repousser la motion. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que du RDPI et du RDSE)

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Le groupe SER souhaite ne pas poursuivre l'examen du texte. Mais comme l'a justement rappelé M. Mandelli, l'adoption de sa motion irait à l'opposé de ses objectifs... Mes chers collègues, le texte de M. Capo-Canellas mérite votre confiance. Avis défavorable à la motion.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Sans surprise, même avis. Si l'on veut être responsable, il faut dire ce qui se passerait sans ce texte. La mise en concurrence se ferait avec moins de garanties sociales et un calendrier beaucoup plus abrupt, au 1er janvier 2025. Le député Stéphane Peu lui-même a proposé un décalage dans la mise en oeuvre - rien de scandaleux, donc. Avis défavorable.

M. Jacques Fernique.  - Notre groupe considère, lui aussi, que le Sénat n'est pas en mesure de délibérer dans la clarté : trop d'incertitudes n'ont pas été levées. L'article 4 fixe une échéance à marche forcée, que l'article 40 nous empêche d'amender.

Je suis heureux d'apprendre que le rapport Bailly-Grosset a été rendu public... Dommage que nous en ayons été privés. Nous aurions aimé, par exemple, examiner l'allotissement pour savoir s'il est ou non équilibré. Ne nous précipitons pas sans discernement. (M. Roger Karoutchi rit.)

Mme Nadège Havet.  - Mon groupe votera contre cette motion. Ce texte est d'initiative parlementaire, et il est important d'en débattre. Il fait suite aux conclusions de la mission Bailly-Grosset, qui a associé toutes les parties prenantes. C'est un texte de bon sens : les acteurs nous disent que les conditions ne sont pas réunies pour la mise en concurrence, que les métiers sont en tension et qu'il serait dangereux d'ouvrir à la concurrence à l'approche des JOP.

M. Pascal Savoldelli.  - Nous voterons cette question préalable des deux mains - même si nos collègues votent rarement les nôtres...

M. Olivier Jacquin.  - Cela arrive !

M. Pascal Savoldelli.  - On nous demande de voter un calendrier d'accélération de la privatisation et de la casse de la RATP. (M. le ministre le conteste.)

Absence d'étude d'impact, d'éléments tangibles... Monsieur le ministre, preuve que nous ne refusons pas le débat, les élus socialistes, écologistes et communistes ont déposé des amendements.

M. Fabien Genet.  - Examinons-les !

M. Pascal Savoldelli.  - À vous écouter, on ne sait plus trop qui est l'auteur du texte, le rapporteur et le ministre...

La question préalable ne sera peut-être pas votée, mais, à gauche, nous aurons travaillé - nos amendements en témoignent.

À la demande du groupe SER, la motion 1 rectifiée est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°6 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption   98
Contre 246

La motion n°1 rectifiée n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Louis Vogel .  - L'ouverture à la concurrence d'un réseau de bus n'est pas un sujet anodin. Les conséquences sont importantes tant pour les usagers et les agents que pour ceux qui cèdent ou récupèrent le service.

Le contexte est particulier : JOP de 2024, tensions persistantes en matière de recrutement de conducteurs de bus, complexité d'une ouverture à une date unique d'un réseau considérable.

Les craintes sont légitimes, et je salue le travail de la commission, dont le résultat est équilibré : l'ouverture à la concurrence n'est pas remise en cause, mais elle est rendue acceptable, le processus facilité.

Il existe un consensus pour appeler à plus de flexibilité dans l'ouverture à la concurrence. C'est l'objet de l'article 4. Échelonner l'ouverture, c'est assurer la continuité du service public et faire face aux difficultés techniques. C'est une position de bon sens.

J'en viens aux conditions de transfert des salariés. Le texte organise le transfert des contrats de travail, étend le délai d'information des salariés, prévoit le volontariat pour le transfert sur un autre site, ainsi que des règles particulières pour les travailleurs de nuit.

Si l'ouverture à la concurrence est une bonne chose, il faut veiller à sa mise en oeuvre. J'en veux pour preuve quelques exemples locaux, en Seine-et-Marne. Selon la délégation de service public (DSP) n°18, un appel d'offres a été lancé pour Melun ; Transdev a remporté le lot dont elle était déjà délégataire - ce qui a rassuré les acteurs locaux. Mais tout s'est mal passé : en septembre 2021, les chauffeurs se sont mis en grève pendant plus de huit semaines, dénonçant les nouvelles conditions de travail issues du nouveau contrat.

En 2022, IDFM a attribué le réseau Pays Briard à Keolis. Il n'y a pas eu de grève, mais l'offre de transport s'est considérablement dégradée. Idem dans la communauté de communes Moret Seine et Loing, avec de nombreux dysfonctionnements depuis l'application de la nouvelle DSP.

M. Fabien Gay.  - Ça promet !

M. Louis Vogel.  - L'accompagnement et la sécurisation des agents sont essentiels pour une ouverture à la concurrence plus apaisée. Le groupe INDEP votera donc ce texte. (M. Franck Dhersin applaudit.)

Mme Isabelle Florennes .  - (Applaudissements au banc des commissions) D'un abord technique, cette proposition de loi est éminemment politique. Je salue le travail de Vincent Capo-Canellas pour faciliter la mise en oeuvre d'une réforme complexe, qui a des conséquences pratiques pour les Franciliens. Alors que 59 % des Français estiment que l'action politique n'a pas d'effet concret sur leur vie quotidienne, ce texte est la preuve que nous agissons.

Cette proposition de loi s'inscrit dans un processus lancé voilà quinze ans. Depuis l'adoption de la LOM en décembre 2019, les circonstances ont changé, tant du côté d'IDFM, qui a défini une nouvelle architecture, que de la RATP, qui a réorganisé son réseau de bus.

Dans ces conditions, IDFM a besoin d'un assouplissement du calendrier : comme les salariés, elle a besoin de plus de temps.

Le report de l'échéance au 31 décembre 2026 est un choix de tempérance. L'objectif est d'assurer la transition la plus fluide possible et la continuité du service public.

Ce texte organise le transfert de 19 000 agents de la RATP aux nouveaux opérateurs - l'équivalent de la population d'une ville moyenne. C'est un texte de protection des salariés, puisqu'on n'exigera pas d'eux une mobilité non consentie. L'article 1er soumet le changement de site au volontariat - enjeu sensible tant pour les agents que pour les Franciliens, qui ne doivent pas constater de dégradation du service, tant sur les grandes lignes que sur les navettes locales déléguées à la RATP. Vu les difficultés à recruter des machinistes, le risque est réel. Sans chauffeurs, difficile d'assurer un service de bus !

Ce texte est issu d'une concertation avec les agents concernés, le Gouvernement et la région, qui sont parvenus à un consensus - un processus d'élaboration exemplaire.

Le groupe UC votera cette proposition de loi, enrichie en commission, sous la houlette de Franck Dhersin, dont je salue le travail - sachant qu'il n'a pas eu une minute entre son arrivée au Sénat et ses premières auditions. Parmi ses apports, citons la modification de la période de référence pour la détermination du nombre de salariés transférés ou l'allongement à six mois de la période d'information des salariés pour le transfert du contrat de travail, notamment.

Notre rapporteur n'a pas bouleversé le savant équilibre du texte, qui concilie les spécificités du statut des agents de la RATP, les règles européennes et les contraintes opérationnelles de l'ouverture à la concurrence. Le groupe UC votera unanimement ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions)

M. Jacques Fernique .  - Puisque nous n'avons pas le droit de parler de « privatisation », comme le fait pourtant le collectif d'élus d'Île-de-France, nous parlerons de délégation de service public au privé. À un an de l'échéance, chacun reconnaît que les conditions matérielles, économiques et sociales ne sont pas réunies. Nous nous interrogeons sur la préservation des conditions de travail, l'intérêt des usagers et la continuité du service public.

Nous regrettons que l'option de régie publique, pourtant prévue par les règles européennes, n'ait pas été retenue. Mettre en concurrence des éléments d'un réseau aussi interconnecté que celui de la RATP exige de l'anticipation. Avec douze ou treize lots, des dépôts éclatés, c'est peut-être un fiasco qui se prépare. Les 19 000 agents ne sont pas sereins ; leurs syndicats alertent sur la situation. Monsieur le rapporteur, il faudra répondre à leurs arguments, justifier le bien-fondé de l'ouverture à la concurrence dans un contexte de difficultés de recrutement...

Dès lors, pourquoi ne pas se donner plus de temps ? À l'Assemblée nationale, une proposition de loi communiste proposait un compromis : elle a été balayée par un amendement rapprochant le délai.

L'autorité organisatrice a retenu le critère prix, qui compte pour 40 % de la note finale. Qui dit recherche du moins-disant économiquement dit moins-disant socialement. Or le report modal et la décarbonation des mobilités passent par l'attractivité des transports publics du quotidien.

Le défi est grand pour la région Île-de-France, qui devra absorber les charges d'exploitation tout en électrifiant la flotte...

Je m'interroge sur la constitution des allotissements, dont le détail est inconnu : quel équilibre entre lignes fragiles et lignes rentables ? L'ouverture à la concurrence risque d'amplifier la discrimination territoriale et de condamner les traverses dans les zones blanches mal desservies. La multiplication des opérateurs sera source de complexité ; l'attribution des lots pour cinq ans, source d'instabilité.

J'attends toujours de lire le rapport Bailly-Grosset. Tout cela est flou, d'autant que la dégradation de l'offre est déjà visible en grande couronne, n'en déplaise à la présidente de région.

Nous percevons de nombreux risques dans ce processus précipité et ne voterons donc pas ce texte.

M. Pierre Barros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) « Il est urgent de surseoir à la privatisation des transports en Île-de-France : c'est la condition sine qua non pour sauvegarder le réseau de transports francilien, investir, rétablir la qualité de service et préserver le pouvoir d'achat des usagers », écrivent 50 maires d'Île-de-France, 250 élus et 60 000 usagers franciliens.

Un mot d'ordre ressort : stop galère ! Après les retards, les suppressions de bus, nous allons maintenant vers la privatisation, la fin du travail de sape de ce bel outil qu'est la RATP.

Avec le découpage en treize lots, nous remontons le temps - avant la guerre, quand des compagnies privées géraient les transports en commun. À la Libération, elles avaient fait faillite, et l'on a créé la RATP... Quelles seront les conséquences de ce retour en arrière pour les usagers, quand on sait le résultat de l'ouverture de la concurrence pour l'électricité et la fibre optique ?

En audition, Valérie Pécresse a soutenu que la mise en concurrence serait gage d'amélioration du service, citant en exemple la grande couronne. Chauffeurs non formés, bus remplacés par des cars, dégradation de véhicules ou de mobilier urbain : la réalité est tout autre !

Mme Pécresse estime que le service public coûte cher et pense que l'ouverture à la concurrence dégagera des économies. Même le réseau Optile n'y croit pas et juge le coût sous-évalué. Les entreprises candidates se caleront sur un cahier des charges sous-estimé, puis réclameront des réévaluations. La région réalisera au mieux 1 % d'économies... Et il faut trouver 4,9 milliards d'euros pour racheter les biens de la RATP ! Nous aurons un service plus cher, équilibré par des baisses du niveau de service et des augmentations du passe Navigo.

La région Île-de-France a déjà décidé d'un report de l'ouverture à la concurrence. Les maires apprécieront de devoir gérer le mécontentement à la veille des élections municipales de 2026...

Qui peut croire que ce texte préservera la qualité des transports durant les JOP ? L'argent et le personnel manquent. Il existe pourtant des solutions : demander aux entreprises les plus riches une contribution mobilité supplémentaire, transformer IDFM en régie régionale, ou recentrer les activités de la RATP pour qu'elle échappe à l'ouverture à la concurrence - des voies compatibles avec la réglementation européenne.

Ne prenons pas un chemin coûteux, inefficace, d'une autre époque. Soutenons un service public moderne, adapté aux besoins des habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Simon Uzenat applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin .  - Après les services express régionaux métropolitains, place au réseau de bus de la RATP. Dans les deux cas, on vise une amélioration de l'offre de mobilité de proximité et une multimodalité efficace.

L'ouverture à la concurrence d'un monopole historique est toujours source de débat. Mais celle-ci est actée depuis longtemps, même si des incertitudes demeurent pour les treize lots restants. Il nous revient de trouver un juste équilibre entre respect de nos engagements européens et protection des salariés de la RATP, tout en veillant à la continuité du service public : dès lors, il faut échelonner le processus. Ce texte y pourvoit. Je salue le report de 2024 à 2026, qui laisse le temps d'agir.

L'ouverture à la concurrence vise à stimuler la compétitivité, élargir l'offre et la qualité du service, tout en faisant baisser les prix pour les usagers. Toutefois, restons vigilants : il faut non seulement répondre aux attentes fortes des agents, mais aussi faire face à la baisse de fréquentation et à la hausse des coûts d'exploitation, liée à celle de l'électricité, sans oublier les difficultés de recrutement - qui ne sont pas exclusives à l'Île-de-France, voyez dans le Grand Est. (M. Jean-François Longeot le confirme.)

Le RDSE salue un texte qui sécurise le sac à dos social, notamment, et comble des impensés de la LOM. Nous plaidons pour que les salariés transférés puissent conserver le bénéfice du plan d'épargne entreprise de la RATP, notamment si le nouvel exploitant n'en est pas doté d'un.

Mme Pécresse s'était engagée à inclure dans les nouveaux contrats de délégation de service public l'obligation pour les opérateurs de recruter des agents de sécurité supplémentaires. La présente proposition de loi ne prévoit pas le transfert des salariés de la RATP concourant aux missions de sécurité : qu'en est-il, monsieur le ministre ?

Le RDSE restera mobilisé sur les différentes étapes de cette ouverture à la concurrence et votera en majorité pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC)

Mme Nadège Havet .  - Cette proposition de loi entend fluidifier et allonger le calendrier de l'ouverture à la concurrence des bus de la RATP en petite couronne. Elle garantit que tous les salariés pourront bénéficier du sac à dos social. Une transition réussie plutôt qu'une bascule chaotique : notre groupe y est favorable. Elle traduit les pistes de la mission Bailly-Grosset, qui a associé toutes les parties prenantes.

Nous parlons du réseau le plus dense d'Europe ; le législateur a prévu sa mise en concurrence dès la loi ORTF. Après avoir ouvert à la concurrence les bus de grande couronne, l'AOM a engagé celle de la petite couronne. Quelque 308 lignes de bus et 800 véhicules sont concernés - le plus petit lot a la taille du réseau de Rennes. Cela représente un défi technique, opérationnel et social considérable.

Une rupture de continuité du service public pendant les JOP serait impensable. En avril, monsieur le ministre, vous vous êtes dit favorable à un report de deux ans, voté à l'Assemblée nationale ; Valérie Pécresse a donné son accord à une mise en oeuvre progressive. Un geste d'apaisement, car il faut assurer l'acceptabilité des conditions de transfert : absence de mobilité contrainte, différenciation en fonction des catégories d'emploi, adaptation du champ des garanties sociales ...

La proposition de loi élargit le bénéfice du sac à dos social à tous les agents transférés, y compris ceux qui le seront à IDFM. Les acquis sociaux seront sécurisés pour l'ensemble des salariés transférés.

Il est aussi prévu que le transfert se fasse par centre-bus et non par ligne, évitant à 3 000 salariés de changer de lieu de prise de poste ; le lissage des effectifs se fera sur la base du volontariat.

Le calendrier est échelonné entre fin 2024 et fin 2026.

Notre rapporteur a sécurisé les dispositions, en maintenant un bon équilibre entre garanties sociales, équité concurrentielle et respect de nos engagements européens. Le RDPI proposera quelques modifications, sur le délai d'information des salariés ou la période de référence retenue pour le calcul des ETP transférés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Simon Uzenat .  - Monsieur le rapporteur, vous parlez de mesures « consensuelles » ? Pas pour les organisations sociales et de nombreux élus, qui sont inquiets ! Vous avez rappelé que cette proposition de loi couvrait « certains » angles morts de la loi de 2019... Pas tous, donc ! C'est ce qui justifie l'opposition des représentants des salariés.

Certes, nous reconnaissons des avancées, mais trop timides pour rassurer les salariés et garantir une ouverture à la concurrence sereine. Le transfert des centres-bus est un progrès, mais beaucoup sont pleins et connaîtront des difficultés d'exploitation, surtout s'ils doivent accueillir plusieurs délégataires.

Concernant la réglementation européenne, la latitude existait et existe toujours. Vous défendez un assouplissement du calendrier, en consensus avec le ministre, le rapporteur et la présidente d'IDFM... Il aurait pu être assoupli davantage - la décision est à la main d'IDFM. Pour l'essentiel des lots, les choses iront beaucoup plus vite. Bref, le report est de l'affichage.

S'opposer à ce texte, c'est faire en sorte que tout se passe en une nuit, avez-vous répété... Répéter une chose inexacte n'en fait pas une vérité : il était possible de décaler le décalage. Nous avons déposé un amendement pour une possibilité d'ouverture à la concurrence au 31 décembre 2031, afin de laisser passer les échéances électorales de 2026 et 2028, et donner aux citoyens le droit de s'exprimer. Malheureusement, tout élargissement se heurtait à l'article 40.

Monsieur Vogel, vous avez dressé la liste des difficultés causées par la mise en concurrence... Je vous rejoins, mais n'en tire pas les mêmes conclusions. La présidente d'IDFM a dit : ne vous inquiétez pas, nous avons alloué 36 lots en trois ans en grande couronne, nous sommes sereins... Je ne sais pas sur quel bilan elle s'appuie pour être aussi confiante ! Elle a déclaré que le découpage en 12 lots était conforme aux souhaits de la RATP - ce n'est pas ce que ses représentants nous ont dit.

Il aurait été possible de décaler cette ouverture à la concurrence pour redonner de la sérénité aux citoyens et aux salariés. Nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce débat est un peu surréaliste. Il faudrait attendre l'élection des conseillers régionaux de 2028, dit l'orateur socialiste ?

Privilège de l'âge, j'étais déjà conseiller régional en 2004 ; M. Huchon, président du Conseil régional, défendait déjà l'ouverture à la concurrence. En 2009, quand je présidais le groupe UMP, c'était moi qui réclamais des garanties sociales : nous étions à front renversé ! (On ironise sur les travées du groupe CRCE-K) En 2012, alors que je présidais la commission des finances, le président Huchon et son vice-président chargé des transports, Serge Méry, m'assuraient que l'ouverture à la concurrence était cruciale pour sauver la RATP. À force d'entendre autant de socialistes plaider pour, j'ai fini par me laisser convaincre ! (Rires ; Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudit.)

La directive date de 2007 ; le premier texte, de 2009... On ne peut pas parler de précipitation ! Si nous attendons 2028, on aura attendu vingt ans !

Utilisateur moi-même des transports publics franciliens, je comprends bien sûr que l'on veille aux équilibres sociaux (M. Pascal Savoldelli proteste), que l'on se demande comment les machinistes vivent cela.

N'employons pas de grands mots. Parler de privatisation...

M. Pascal Savoldelli.  - Voilà le moment de vérité !

M. Roger Karoutchi.  - Peut-être pour vous.

Je peux comprendre l'hostilité à l'ouverture à la concurrence, même si la position socialiste a bien évolué.

Deux ans à partir du 1er janvier 2025, cela laisse trois ans pour qu'IDFM et les syndicats améliorent le sac à dos social - je déteste cette expression, parlons plutôt de garanties sociales.

Cette entreprise mérite mieux que ce qu'en pensent ses usagers. J'ai toujours été un défenseur des services publics de transport. J'ai été élevé dans le culte du chemin de fer, du métro et de l'autobus.

Faisons en sorte de ne pas bloquer le système. Les machinistes seraient mécontents ? Ils le sont depuis bien longtemps ! Je l'ai dit à tous les dirigeants de la RATP. J'ai même proposé de créer une entreprise unique des transports en Île-de-France, regroupant la SNCF et la RATP. On m'a dit, y compris à gauche, que ce grand bloc aurait été trop facile à privatiser. Et l'on me dit maintenant que l'ouverture à la concurrence serait une privatisation déguisée ? (M. Pascal Savoldelli proteste.)

Il faut penser à la satisfaction des usagers, car des usagers mécontents, c'est un drame pour le service public.

Je voterai ce texte, puisqu'il semblerait que ce délai soit nécessaire. Si nous ne mettons pas en concurrence, le service public est en danger. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Très bien !

M. Joshua Hochart .  - La fin du monopole de la RATP est actée de longue date par l'Union européenne, à laquelle la France est soumise. Bien sûr, le risque de mouvement social pendant les jeux Olympiques nous inquiète tous.

Malgré des années de préparation, les conditions de l'ouverture à la concurrence ne sont toujours pas réunies, avec des difficultés de tous ordres. Avec la RATP, c'est comme avec les impôts : moins ça va, plus on paie. Malgré l'annonce chaque mois d'un retour à la normale, le taux de ponctualité ne cesse de se dégrader. Ce sont souvent les plus précaires, ceux qui habitent loin de leur travail, qui souffrent de cette situation de monopole. L'ouverture à la concurrence améliorera le service et fera baisser les prix. Une véritable négociation sociale doit s'engager afin que nous ne votions pas le simple décalage du chaos annoncé.

Nous voterons en faveur de ce texte.

M. Philippe Tabarot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions) Les crises successives ont mis en lumière les faiblesses de la mise en concurrence ; pour autant, elle doit se poursuivre avec méthode.

La concurrence incite à l'innovation et à la performance. Ce n'est pas un gros mot mais une opportunité, qui mérite d'être menée à son terme.

Des difficultés opérationnelles dans la préparation de l'ouverture à la concurrence ont rendu ce texte nécessaire. Il fallait notamment garantir aux agents l'absence de mobilité géographique contrainte.

Ce texte démontre tout l'intérêt de l'initiative parlementaire : le législateur devance le problème et fixe un meilleur cadre.

La mobilité en Île-de-France constitue un enjeu immense. Nous formons le voeu que la gestion des transports pendant les JOP soit à la hauteur.

Ce texte consacre l'intérêt des agents et des usagers. L'ajustement du calendrier n'est ni un rétropédalage ni un abandon. Il était difficile de passer à la concurrence d'un seul coup. L'usager a tout à gagner à ce compromis raisonnable et apaisé.

La concurrence n'est ni la privatisation ni la précarisation sociale ; c'est une démarche vertueuse qui instaure un dialogue équilibré, ainsi que je l'ai constaté dans la Région Sud, première à mettre en concurrence les TER.

Il fallait garantir la continuité et la qualité du service, ainsi que l'acceptabilité sociale pour les salariés.

Le monde avance, le transport français ne doit pas reculer. Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Vincent Capo-Canellas.  - Très bien.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Bravo !

Discussion des articles

ARTICLE 1er

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par MM. Uzenat, Jacquin et Temal, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Devinaz, Fagnen, Gillé, Ouizille, M. Weber et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Bourgi, Mmes Briquet et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, M. Darras, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, M. Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Tissot, M. Vallet, Vayssouze-Faure et Ziane.

Alinéas 3 à 5

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé : 

a) Le premier alinéa de l'article L. 3111-16-1 du code des transports, est complété par une phrase ainsi rédigée: « La poursuite des contrats de travail s'accompagne du transfert de garanties sociales de haut niveau ainsi que du maintien des droits issus du statut ou du cadre collectif d'emploi pour l'ensemble des salariés précédemment employés sous le régime d'un statut particulier ou d'une convention collective, sans mise en cause possible de ces droits sauf si les nouvelles conditions d'emploi sont plus favorables au salarié » ;

M. Simon Uzenat.  - Je me répète : il s'agit de charger le sac à dos social pour rassurer les salariés, car il manque encore des garanties.

L'exemple du transfert au privé en grande couronne doit nous alerter : dégradation des conditions de travail et de rémunération des agents, moindre attractivité des métiers déjà en tension.... In fine, c'est la qualité du service rendu qui en pâtit.

Avec cet amendement, nous voulons que les garanties apportées aux agents soient les plus élevées possibles.

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

 Aucune modification du niveau de service, tel qu'il était assuré au 29 septembre 2023, ne peut être opérée à l'issue du changement d'exploitant.

M. Pierre Barros.  - Nous voulons maintenir le niveau de service constaté au 29 septembre 2023. Pourquoi ? Parce que, bizarrement, des lignes disparaissent depuis quelques mois. Évitons le dépouillement du réseau avant l'ouverture à la concurrence.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - L'amendement n°21 rectifié bis rigidifie la relation employeur-salarié. Le texte élargit le bénéfice du sac à dos à de nouveaux salariés et assure la portabilité des garanties. Il ne me semble pas opportun d'y toucher : avis défavorable.

L'amendement n°16 rectifié est incongru : pourquoi figer le schéma d'exploitation des bus ? Cet amendement est contraire au principe de mutabilité du service public, dégagé par le Conseil d'État en 1902. Le service public doit pouvoir s'adapter aux besoins : avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - La RATP connaît des difficultés de recrutement, mais celles-ci sont fortes partout en France. Point de différence entre les métropoles ayant choisi la régie et les DSP - plus nombreuses.

Monsieur Fernique, la DSP existe depuis 150 ans : une autorité organisatrice définit un cahier des charges et confie la gestion du service à un ou plusieurs opérateurs privés, qu'elle désigne ou qu'elle surveille. L'immense majorité des métropoles de France organise les choses ainsi - quelles que soient les tendances politiques des uns et des autres. Ce n'est pas un principe ultralibéral imposé depuis Bruxelles.

Vous avez parlé de galères, mais celles-ci sont indépendantes du sujet (M. Fabien Gay le conteste) : d'une part parce qu'elles existent aussi ailleurs ; et d'autre part parce que la RATP a lancé un plan de recrutement de 6 600 agents - le plus important de son histoire. Elle est en passe d'atteindre ce défi, alors que le calendrier de l'ouverture à la concurrence n'est pas encore définitif.

Avis défavorable à l'amendement n°21 rectifié bis : la proposition de loi prévoit de nombreuses garanties sociales ; le sac à dos est donc déjà bien rempli. Toutes les organisations syndicales étaient favorables au volontariat.

Je suis encore plus défavorable à l'amendement n°16 rectifié : on ne doit pas figer les choses indéfiniment et l'autorité organisatrice doit, bien évidemment, pouvoir définir son offre de services.

M. Fabien Gay.  - Je remercie le président Karoutchi, car il a dit une vérité : il a dit que l'ouverture à la concurrence préparait la privatisation.

M. Roger Karoutchi.  - Je n'ai jamais dit ça ! (Rires)

M. Fabien Gay.  - On va désintégrer le service public, démanteler les filiales, puis mettre en concurrence les salariés.

Monsieur le ministre, vous parlez du bien-être des usagers et des salariés. L'an dernier, il manquait 1 800 chauffeurs de bus. Pourquoi ? Les salaires sont tout petits, le statut est cassé, les retraites ont été réformées : cela ne donne pas très envie d'aller conduire un bus...

Un salarié en galère dans son bus, c'est aussi un usager qui en pâtit : cessons d'opposer les uns aux autres.

Votre seul objectif, c'est de réussir les JOP.

Si l'ouverture à la concurrence améliorait le service - on attend parfois 100 minutes le passage du RER B, cher collègue Capo-Canellas -, on signerait des deux mains. Mais non, ce sera un service encore dégradé avec un prix qui augmente !

M. Simon Uzenat.  - Oui, de nombreux territoires ont adopté la DSP pour organiser leur transport public, mais nulle comparaison possible avec la situation francilienne : l'échelle est sans commune mesure.

Les agents et les syndicats ont besoin de temps.

Vous le reconnaissez : les difficultés de recrutement touchent toutes les régions. Mais la mise en concurrence ne règle rien. À écouter certains, on pourrait penser que c'est la solution à tous les problèmes. Voyez les difficultés des entreprises attributaires des lots en grande couronne : elles nous disent que le modèle est insoutenable.

Nous appelons à un renforcement des garanties, en vue de garantir la qualité et la continuité du service public. (M. Jacques Fernique applaudit.)

Mme Cécile Cukierman.  - Monsieur le ministre, votre réponse à notre amendement me surprend. Ne vous méprenez pas.

Vous avez raison : dans quelques années, notre amendement sera dépassé. Mais nous sommes dans un débat de dupes : nous ne pouvons pas aggraver les charges, contrairement à vous.

Quoi que vous en disiez, l'ouverture à la concurrence ne règle rien. Certains lots ont été déclarés infructueux, alors qu'ils devaient être rentables.

Autre lecture possible de notre amendement : nous garantissons un minimum de services à la population, que nous pourrons développer ensuite.

M. Vincent Capo-Canellas.  - La proposition de loi vise à apporter des garanties. Lors de son audition publique, la présidente d'IDFM a annoncé qu'elle avait déjà commencé à les intégrer au cahier des charges.

De nombreux métiers connaissent des difficultés de recrutement - ce n'est pas propre à la RATP. En outre, cette dernière a indiqué avoir déjà atteint 80 % de son objectif.

Vendredi, j'étais au centre-bus d'Aubervilliers. Nous y avons fêté le millième bus au biométhane. Les machinistes, les techniciens de maintenance sont mobilisés pour assurer la transition écologique : ne noircissons pas le tableau !

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - La concurrence ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité. Elle ne sera pas l'alpha et l'oméga du transport public : c'est évident.

Monsieur Gay, vous avez parlé du RER B. C'est vrai que c'est la galère, mais il n'est en rien concerné par ce processus !

M. Fabien Gay.  - Vous le laissez crever !

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Il y a des choses à faire, notamment de l'investissement. La RATP recrute, augmente les salaires : l'ouverture à la concurrence n'a rien à voir là-dedans. Ne mettez pas le sujet à toutes les sauces idéologiques. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K)

La mise en concurrence apportera des bénéfices, avec un calendrier raisonnable et des garanties sociales renforcées. C'est l'objet de cette proposition de loi.

L'amendement n°21 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°16 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 19

Après le mot :

date

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

de publication des avis de concession, la date de notification de l'attribution directe ou la date de notification au cédant de la décision de l'autorité organisatrice de fournir elle-même le service ou d'en attribuer l'exécution à une entité juridiquement distincte sur laquelle elle exerce un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services.

Mme Nadège Havet.  - La période de référence du calcul des effectifs à transférer est problématique. Fixons plutôt cette période de référence à l'année qui précède le lancement des procédures, plus représentative des besoins en effectifs.

Cet amendement rétablit également les hypothèses de recours à l'attribution directe, à la régie et à la quasi-régie.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Cet amendement tend à revenir à la formulation initiale, qui présente des inconvénients, car les informations fournies aux entreprises candidates seraient relativement anciennes. Avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Avis favorable : cet amendement s'adapte aux différentes situations. Un délai trop long réduirait la période de choix du salarié pour l'affectation en centre-bus.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 34

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés : 

5° bis Le I de l'article L. 3111-16-5 est ainsi rédigé :

« I.  -  Le cédant informe, individuellement et par tout moyen conférant date certaine, le salarié dont le contrat de travail doit être transféré. Cette information est communiquée au plus tard :

« 1° Six mois avant la date prévue pour le changement effectif d'exploitant du service, lorsque le délai entre la date d'attribution du contrat et la date prévue pour le changement effectif d'exploitant du service est d'au moins douze mois ;

« 2° Quatre mois avant la date prévue pour le changement effectif d'exploitant du service, lorsque le délai entre la date d'attribution du contrat et la date prévue pour le changement effectif d'exploitant du service est inférieure à douze mois ;

« Le cédant indique les conditions du transfert du contrat de travail ainsi que les conséquences de son refus pour le salarié. » ;

Mme Nadège Havet.  - Les salariés devront être informés au moins six mois avant la date de changement d'exploitant du service. C'est sans problème lorsque le délai entre la notification d'attribution du contrat et le changement d'exploitant est suffisamment long, d'au moins douze mois. C'est plus problématique quand ce délai se réduit à dix, voire huit mois. Il conviendrait dans ce cas de prévoir un délai d'information du salarié d'au moins quatre mois.

M. le président.  - Amendement identique n°22, présenté par M. Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Nous avions souhaité améliorer les garanties accordées aux salariés, en portant de quatre à six mois le délai d'information. Mais ce délai de six mois peut être source de difficultés : c'est pourquoi nous proposons de maintenir le délai de quatre mois dans certains cas.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Le texte initial prévoyait un délai de quatre mois ; pour ma part, j'estime que le délai de six mois est préférable. Toutefois, je suis attentif aux arguments présentés : sagesse.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Avis favorable. Ces amendements parviennent à un point d'équilibre en ménageant une part de flexibilité.

M. Fabien Gay.  - Monsieur le ministre, le sac à dos social renforcé concerne-t-il tous les salariés ? Les machinistes sont-ils les seuls à en bénéficier ? Les personnels du centre de régulation et d'information voyageur (CRIV) sont-ils concernés ? Si 50 % des salariés refusent le transfert, que se passe-t-il, tant pour les salariés que pour le repreneur ?

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - La liste des garanties sociales concerne tous les agents au statut. (M. Fabien Gay est dubitatif.) Nous voulons que le délai laissé aux salariés soit le plus long possible, d'où les six mois prévus initialement. Toutefois, la flexibilité entre quatre et six mois permet de tenir compte de certaines situations.

Les amendements identiques nos4 et 22 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Laouedj et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Grosvalet, Guérini, Guiol et Masset et Mme Pantel.

Après l'alinéa 35

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le 2° de l'article L. 3111-16-10 du code des transports il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« ...° Le bénéfice de l'accès au plan d'épargne entreprise de la Régie autonome des transports parisiens, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les salariés employés par l'établissement public à caractère industriel et commercial de la Régie autonome des transports parisiens. » ;

Mme Maryse Carrère.  - S'il faut saluer les garanties sociales apportées par ce texte, nous proposons d'aller plus loin. En effet, la Cour de cassation a rappelé, le 19 mai 2016, que le nouvel employeur n'est pas tenu de conserver le plan d'épargne d'entreprise du précédent. Notre amendement y remédie.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - L'intention est louable, mais les salariés d'autres entreprises cotiseraient à un plan d'épargne géré par la RATP, ce qui est impossible. Le transfert du PEE sans perte du bénéfice de l'alimentation passée ni de l'ancienneté du plan eût été acceptable. Avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - S'il s'agit de préciser que les bénéfices acquis sont conservés, c'est déjà le cas. Mais il est impossible qu'un salarié puisse cotiser au plan d'épargne d'un ancien employeur. Avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. Marc Laménie .  - Je souhaite féliciter la commission pour son travail. Monsieur le ministre, vous avez évoqué des textes antérieurs. Contrairement à mon groupe, je n'avais pas voté le pacte ferroviaire en 2018. Si je persévère dans mes convictions, je relève que nous examinons une proposition de loi de notre collègue Capo-Canellas, qui connaît bien le sujet. Il convient de rester attentif aux conditions de travail. Je suivrai l'avis de la commission.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I.- Alinéa 1

Remplacer les mots : 

il est inséré un article L. 1241-13-1 ainsi rédigé 

par les mots : 

sont insérés deux articles L. 1241-13-1 et L. 1241-13-2 ainsi rédigés : 

II. - Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots : 

lorsque les fonctions exercées nécessitent une qualification technique spécialisée et concourent directement ou indirectement à l'exploitation d'un service régulier de transport public de voyageurs

III. - Alinéas 7 à 9 

Remplacer ces alinéas par neuf alinéas ainsi rédigés : 

« Art. L. 1241-13-2. - I. - Il est institué un comité social unique, compétent pour l'ensemble des personnels d'Île-de-France Mobilités. Ce comité est soumis aux dispositions des chapitres Ier à IV du titre V du livre II du code général de la fonction publique relatives au comité social territorial, ainsi qu'aux dispositions des chapitres II à V du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail relatives au comité social et économique, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d'État.

« II. - Le comité social unique est composé du président d'Île-de-France Mobilités ou de son représentant, qui le préside, et des représentants du personnel. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsque le comité est consulté.

« Les représentants du personnel siégeant au comité social unique sont élus par collège au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.

« Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions suivantes :

« 1° Pour le collège des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 1241-13-1, celles prévues aux articles L. 211-1 à L. 211-4 du code général de la fonction publique ;

« 2° Pour le collège des personnels mentionnés au 4° de l'article L. 1241-13-1, celles prévues à l'article L. 2314-5 du code du travail.

« La composition de la représentation du personnel au sein du comité social unique est fixée par décret en Conseil d'État de façon à permettre la représentation de chaque collège, en tenant compte des effectifs, d'une part, des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 1241-13-1 et, d'autre part, des personnels mentionnés au 4° du même article L. 1241-13-1.

« III. - Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

II. - L'article L. 1241-13-2 du code des transports, dans sa rédaction issue du présent article, entre en vigueur à l'expiration des mandats des représentants des personnels d'Île-de-France Mobilités mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 1241-13-1 en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi. Les mandats des représentants des personnels d'Île-de-France Mobilités mentionnés au 4° de l'article L. 1241-13-1 en cours à la date d'entrée en vigueur de l'article L. 1241-13-2 prennent fin à cette même date.

Mme Nadège Havet.  - Dans le contexte de l'ouverture prochaine à la concurrence des bus, IDFM a prévu de reprendre en régie certaines missions. Il faut faciliter les recrutements de droit privé. Nous voulons aussi créer une instance de dialogue social pour les agents de droit privé comme de droit public. À ces fins, cet amendement lève certaines difficultés juridiques et opérationnelles.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Capo-Canellas.

I. - Alinéa 1

Remplacer les mots : 

il est inséré un article L. 1241-13-1 ainsi rédigé

par les mots : 

sont insérés deux articles L. 1241-13-1 et L. 1241-13-2 ainsi rédigés

II. - Alinéa 6

Comple?ter cet aline?a par les mots :

, lorsque les fonctions exercées nécessitent une qualification technique spécialisée et concourent directement ou indirectement à l'exploitation d'un service régulier de transport public de voyageurs

II. - Compléter cet article par huit alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 1241-13-2.  -  I.  -  Le comité social unique est composé du président d'Île-de-France Mobilités ou de son représentant, qui le préside, et des représentants du personnel. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsque le comité est consulté.

« Les représentants du personnel siégeant au comité social unique sont élus par collège au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.

« Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions suivantes :

« 1° Pour le collège des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 1241-13-1, celles prévues aux articles L. 211-1 à L. 211-4 du code général de la fonction publique ;

« 2° Pour le collège des personnels mentionnés au 4° de l'article L. 1241-13-1, celles prévues à l'article L. 2314-5 du code du travail.

« La composition de la représentation du personnel au sein du comité social unique est fixée par décret en Conseil d'État de façon à permettre la représentation de chaque collège, en tenant compte des effectifs, d'une part, des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 1241-13-1 et, d'autre part, des personnels mentionnés au 4° du même article L. 1241-13-1.

« II.  -  Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

.... - L'article L. 1241-13-2 du code des transports, dans sa rédaction issue du présent article, entre en vigueur à l'expiration des mandats des représentants des personnels d'Ile-de-France Mobilités mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 1241-13-1 en cours à la date d'entrée en vigueur de la présente loi. Les mandats des représentants des personnels d'Ile-de-France Mobilités mentionnés au 4° de l'article L. 1241-13-1 en cours à la date d'entrée en vigueur de l'article L. 1241-13-2 prennent fin à cette même date.

M. Vincent Capo-Canellas.  - En effet, IDFM doit être attractif pour attirer les talents et assurer les fonctions de contrôle de la DSP. Cet amendement est un peu différent du précédent, mais l'objectif est le même.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. Dhersin, au nom de la commission.

Alinéa 7, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Il est institué, au sein d'Île-de-France Mobilités, un comité social unique, dont la composition, les règles de fonctionnement et les attributions sont fixées par décret en Conseil d'État.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Cet amendement rédactionnel clarifie les dispositions sur le comité social unique. L'amendement n°23 est bienvenu : avis favorable. Avis défavorable sur l'amendement n°6, incompatible avec mon amendement n°25.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Ces trois amendements ont le même objectif. Le Gouvernement préfère la rédaction cumulative des amendements nos6 et 23 au recours au décret envisagé par le rapporteur. Avis favorable sur les amendements nos6 et 23 et avis défavorable sur l'amendement n°25.

M. Fabien Gay.  - Quels sont les nouveaux métiers qui n'existeraient pas à la RATP et qui seraient nécessités par l'ouverture à la concurrence ? Vous savez que cela a été fait à La Poste et à France Télécom pour préparer la privatisation, avec un statut en extinction rapide. Tel est l'objectif de cet article 2. La création d'un CSE unique en est la marque. Avant le vote, monsieur le rapporteur, répondez à notre question. (On déplore vivement l'absence de réponse sur les travées du groupe CRCE-K.)

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'amendement n°23 est adopté, ainsi que l'amendement n°25.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par M. Dhersin, au nom de la commission.

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

demande

par le mot :

saisine

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Cet amendement rédactionnel clarifie le délai d'arbitrage de l'ART.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Monsieur Gay, les nouveaux métiers évoqués sont ceux qu'IDFM assurera, pas l'opérateur : sûreté, information aux voyageurs... Inutile de polémiquer. (On s'en étonne sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman.  - Il n'y a pas d'information ni de sécurité ?

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Vous posiez la question sur les métiers de l'opérateur, mais nous parlons bien de l'autorité organisatrice. (M. Fabien Gay le concède.)

Sagesse sur l'amendement n°26.

L'amendement n°26 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par MM. Temal, Uzenat et Jacquin, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Devinaz, Fagnen, Gillé, Ouizille, M. Weber et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Bourgi, Mmes Briquet et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, M. Darras, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, M. Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Tissot, M. Vallet, Vayssouze-Faure et Ziane.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'autorité organisatrice publie, dans un délai minimal de trois mois avant la mise en oeuvre de toute nouvelle procédure d'ouverture à la concurrence conformément au calendrier défini à l'article 4 de la présente loi, une analyse comparative chiffrée des différents modes de gestion existants et légalement possibles du réseau de bus francilien de la RATP.

M. Hervé Gillé.  - Nous réclamons une étude chiffrée avant l'ouverture à la concurrence. En effet, l'achat d'infrastructures représenterait un coût de plusieurs milliards d'euros, sans compter le mur d'investissements face auquel sera l'autorité organisatrice. Il ne faudrait pas que ces dépenses reposent sur les épaules des usagers.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Cet amendement revient sur des choix déjà faits par le législateur, et le règlement européen prévoit soit la régie, soit l'ouverture à la concurrence. Inutile d'avoir un débat à chaque marché public. Avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Même avis : l'objet n'est pas de débattre avant l'ouverture à la concurrence de chaque ligne.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant, tant sur le plan social que sur le plan de la qualité, y compris tarifaire, de l'offre des services de transport collectifs publics en Île de France, un bilan de l'ouverture à la concurrence du réseau de moyenne et grande couronne exploité par l'organisation professionnelle des transports d'Île-de-France.

M. Olivier Jacquin.  - Nous estimons nécessaire de dresser un bilan de la mise en concurrence des 1 400 lignes de bus du réseau Optile. Les organisations syndicales ont en effet dénoncé la dégradation des conditions de travail et de rémunération, ce qui crée de l'absentéisme et augmente le turnover. Le coût financier pour IDFM est en outre loin d'être neutre, avec l'achat de dépôts, notamment, alors que sa situation est déjà dégradée.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Avis favorable. (M. le ministre manifeste son étonnement amusé.)

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Avis très défavorable : c'est à l'autorité organisatrice de gérer et d'être auditionnée par le Parlement. Demander au Gouvernement de dresser le bilan relève d'une confusion des compétences.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

ARTICLE 4

M. Ian Brossat .  - (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Cet article repousse l'échéance de la mise en concurrence : quel aveu ! Si vous en étiez convaincus, vous ne la repousseriez pas.

Cher Roger Karoutchi, ...

M. Roger Karoutchi.  - Mais fichez-moi la paix !

M. Ian Brossat.  - ... si cette idée traîne depuis quinze ans, c'est peut-être qu'elle n'enthousiasme personne, pas même vous. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée s'exclame.)

J'ai bien compris que nous jouions au jeu de société Taboo : Nous n'avons pas le droit de parler de privatisation, le fond du sujet. Or le constat des Français, c'est que la mise en concurrence conduit à une dégradation des conditions de travail et du niveau de service. Nous sommes contre, non par idéologie, mais par expérience. Le pragmatisme est de notre côté ! (Protestations à droite)

La mise en concurrence des bus à Paris - ville chère à votre coeur, monsieur le ministre, comme au mien - est prévue pour après les élections municipales... Si vous étiez réellement convaincu de ses vertus, vous l'engageriez avant ! (Mme Cécile Cukierman abonde.)

M. Jacques Fernique .  - Cet article est le coeur du texte, qu'il nous est interdit d'amender du fait de l'article 40. C'est donc cette proposition de loi ou le chaos, puisque 2025, chacun en convient, est intenable. À l'Assemblée nationale, l'article 40 n'a pas empêché de discuter d'une échéance à 2028. Nous ne voterons pas cet article, inamendable.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par MM. Temal, Uzenat et Jacquin, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Devinaz, Fagnen, Gillé, Ouizille, M. Weber et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Bourgi, Mmes Briquet et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, M. Darras, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, M. Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Tissot, M. Vallet, Vayssouze-Faure et Ziane.

Alinéa 2

Après le signe : 

insérer les mots :

sous réserve pour le Gouvernement d'avoir, dans un délai de six mois préalable à toute ouverture de procédure, remis au Parlement une étude d'impact sur les conséquences de l'ouverture à la concurrence notamment en termes de garanties sociales et salariales, de qualité et de continuité de service public ainsi qu'en termes de soutenabilité financière et de capacités futures d'investissement de l'autorité organisatrice, Île-de-France Mobilités mentionnée à l'article L. 1241-1 du code des transports, 

M. Simon Uzenat.  - Nous l'avons dit, nous déplorons l'usage d'une proposition de loi formellement d'initiative parlementaire - même si on voit bien l'attente du Gouvernement et d'IDFM. Nous souhaitons donc obtenir l'étude d'impact dont cet usage nous prive. Nous en avons besoin pour rassurer les salariés, les usagers et pour connaître les conditions précises de la mise en concurrence.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Compte tenu du calendrier resserré, la proposition de loi a paru le véhicule approprié. Une étude d'impact ne peut être menée après la promulgation du texte. Avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Avis défavorable. Le Gouvernement a beaucoup de pouvoirs sous la Ve République, mais pas celui de se substituer aux autorités organisatrices pour définir le calendrier de répartition des lots ni celui de gérer l'application de l'article 40 au Sénat - ce qui est sans doute heureux...

Oui, monsieur Brossat, Paris est chère à mon coeur : j'y suis élu comme vous. J'ai repris les programmes des dernières campagnes électorales : ni la maire de Paris en 2014 et en 2020 ni l'adversaire de Mme Pécresse en 2015 n'ont proposé de revenir sur l'ouverture à la concurrence !

M. Philippe Tabarot.  - Bien envoyé !

M. Vincent Capo-Canellas.  - Ma proposition de loi est issue des travaux de MM. Bailly et Grosset, qui ont essayé d'évaluer concrètement les effets de l'application de la LOM et de trouver les moyens de surmonter les difficultés ; nul besoin d'étude d'impact. Notre objectif est d'apporter de meilleures garanties au personnel et d'assurer la continuité du service public.

Monsieur Brossat, vous êtes paradoxal : quand vous proposez un décalage, ce serait vertueux ; mais quand c'est nous, ce serait machiavélique... Nous essayons simplement d'agir au mieux, au plus près du réel.

M. Pascal Savoldelli.  - On nous demande de voter un calendrier de privatisation et de casse de la RATP. En 2021, l'entreprise a créé sa propre filiale pour se préparer à cette échéance.

Notre collègue Capo-Canellas a d'abord déposé son texte tout seul, ce qui est rare quand on n'est pas un non-inscrit. Il a été vite rejoint par son groupe et le groupe Les Républicains, puis par le Gouvernement. On pourrait penser qu'il s'agit d'une loi électoraliste, rédigée à plusieurs mains : Pécresse, Castex et Capo-Canellas, avec la bienveillance du ministre parisien... (M. le ministre se récrie.)

Le calendrier précis de la privatisation a été diffusé à la RATP : tout était déjà ficelé, et on comprend mieux la procédure accélérée. Les plus pauvres et les premiers de corvée d'abord, à l'est, au nord et au sud-est de Paris : ils serviront de crash test. À Paris, la droite et les macronistes ont des ambitions. Oui, c'est un texte électoraliste !

Nous refusons de vous suivre vers une Île-de-France fracturée et inégalitaire.

M. Simon Uzenat.  - Monsieur Capo-Canellas, la mission Bailly-Grosset est restée pour le moins confidentielle... J'ai eu accès par hasard à la synthèse des recommandations. Il y a eu un progrès minime sur les aspects sociaux, mais de nombreux angles morts demeurent. En réalité, c'est un texte de commande, destiné à mettre en oeuvre la demande politique de Valérie Pécresse. Il est très loin d'offrir les garanties de qualité et de continuité du service public dont vous parlez.

M. Fabien Gay.  - Pascal Savoldelli a raison : les classes populaires, ceux qui se lèvent tôt et se couchent tard, ceux qui tiennent le pays à bout de bras seront les premiers touchés, de la Seine-Saint-Denis au Val-d'Oise.

Le bus 148, qui passe près du Blanc-Mesnil : 60 minutes d'attente. Le bus 545, à Noisy-le-Sec : 80 minutes... Pouvez-vous dire à ces usagers que leur situation s'améliorera grâce à l'ouverture à la concurrence ? Non ! La réalité, c'est que l'ouverture à la concurrence est toujours une catastrophe - et pas seulement en France.

Vous repoussez la privatisation après les élections municipales et les JOP. La situation des usagers qui en souffriront après ces échéances, surtout les plus fragiles, ce n'est pas votre problème !

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

À la demande du groupe SER, l'article 4 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°7 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 243
Contre 100

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par M. Dhersin, au nom de la commission.

Alinéa 2

1° Seconde phrase

Remplacer les mots :

Toutefois, le

par le mot :

Le

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois, une convention, un accord collectif, un accord d'entreprise ou un accord d'établissement peut déterminer les modalités selon lesquelles il peut être dérogé aux dispositions relatives à l'amplitude quotidienne de travail des conducteurs d'autobus et d'autocars, sans pouvoir excéder treize heures.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Avec cet amendement, l'amplitude quotidienne maximale des conducteurs de bus pourra rester de 13 heures, si un accord d'entreprise le prévoit expressément.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Avis défavorable.

Monsieur Savoldelli, je suis au Parlement chaque fois qu'un texte sur les transports est débattu, qu'il s'agisse de Paris ou non.

M. Fabien Gay.  - Cette dérogation est prévue à la RATP en raison du statut protecteur qui existait, intimement lié à la retraite. Mais vous avez cassé le statut et la retraite. Et vous voudriez en plus conserver la dérogation ? Franchement, ce n'est pas admissible ! Si vous parvenez à enfoncer ce coin, vous vous attaquerez ensuite à d'autres métiers. Pour une fois, monsieur le ministre, nous nous retrouvons.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté, de même que l'article 6.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois, le Gouvernement remet un rapport évaluant les coûts des transferts prévus à l'article L. 2142-8 du code des transports. À la remise du rapport, le Gouvernement présente un plan de financement établi en lien avec Île-de-France Mobilités et la Régie Autonome des Transports Parisiens. Ce plan de financement ne prévoit pas de hausse des tarifs pour les services à destination des usagers.

M. Pierre Barros.  - Un rapport est nécessaire en l'absence d'étude d'impact. Le transfert des biens de la RATP à IDFM coûtera 4,9 milliards d'euros, soit plus de trois ans de dépenses d'investissement ! Une hausse des tarifs est à craindre. Des informations sur le financement de cette opération sont indispensables.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Je suis favorable au rapport, mais plus mitigé sur un plan de financement qui exclut par principe une hausse des tarifs. Protéger l'usager contre toute hausse ne me paraît pas la meilleure façon de promouvoir un service public de qualité. Avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Même avis. Il est étrange et peu sain que l'amendement prévoie un rapport du Gouvernement sur la relation entre une autorité organisatrice et des opérateurs. Le Parlement dispose de moyens suffisants pour s'informer.

M. Pascal Savoldelli.  - Si je suis votre raisonnement, monsieur le rapporteur, lors de l'examen du projet de loi de finances, vous ne voterez pas les financements dont aura besoin IDFM ?

Monsieur le ministre, il est vrai que vous venez souvent ; nous pouvons apprécier votre ténacité. Souvenez-vous : un soir, vous nous disiez que c'était impossible et, le lendemain, on arrivait à trouver 150 millions...

Cet amendement de repli demande un rapport sur l'impact financier des mesures proposées. Où est le risque ? La sagesse serait de l'adopter. Sinon, nous serons tous bridés pour trouver des financements.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Le financement d'IDFM fera l'objet d'un débat en projet de loi de finances.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

des trois principales organisations représentatives des salariés,

M. Pierre Barros.  - L'article 8 vise à intégrer les représentants des employeurs au sein du conseil d'administration d'IDFM. Or ceux-ci ont déjà une voix à travers la chambre de commerce et d'industrie. Puisque les chefs d'entreprise ont deux représentants, nous proposons d'inclure ceux des trois principales organisations syndicales.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

des organisations représentatives des salariés,

M. Pierre Barros.  - Amendement de repli qui acte le principe de la représentation des salariés, sans fixer de nombre précis.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Ces amendements sont louables, mais ils modifieraient subrepticement et sans débat le droit de la fonction publique. En effet, IDFM est un établissement public administratif : des fonctionnaires seraient associés à des élus locaux, et leurs obligations de neutralité et de réserve seraient mises à mal. Avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Même avis. La présence des représentants des entreprises se justifie par le versement mobilité. Si des entreprises imposaient leur loi sur le financement d'IDFM, l'accord que j'ai signé avec Valérie Pécresse voilà quelques semaines n'aurait pas été tout à fait le même... Les associations d'usagers sont bien présentes au conseil d'administration.

L'amendement n°12 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°13.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « L'État participe également au conseil, à titre consultatif. »

M. Pierre Barros.  - Nous proposons d'intégrer l'État dans le conseil d'administration d'IDFM, à titre consultatif, afin de mesurer les enjeux de financement supplémentaire. Une revalorisation de sa dotation - actuellement de moins de 10 % - éviterait de trop augmenter les tarifs comme l'année dernière et encore cette année et comme, semble-t-il, dans les années à venir.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - L'article 1241-11 du code des transports prévoit que le représentant de l'État en Île-de-France peut déjà être entendu à sa demande par le conseil d'administration du syndicat. En vertu du principe de décentralisation, il n'est pas opportun que l'État siège en tant que tel dans le conseil d'administration d'IDFM, AOM qui fonctionne sur le modèle des syndicats mixtes.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Avis défavorable : l'autorité organisatrice, aussi importante soit-elle, doit garder son autonomie. Néanmoins, compte tenu des enjeux financiers et stratégiques du réseau francilien, la question des rapports entre l'État et IDFM doit être repensée, et le débat sur la gouvernance est pertinent. Je suis prêt à y travailler avec la région, mais une simple présence silencieuse n'est pas opportune.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par M. Dhersin, au nom de la commission.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Après le mot : « membres, », la fin de la première phrase du premier alinéa du IV de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France est ainsi rédigée : « de la chambre régionale de commerce et d'industrie d'Île-de-France, des organisations représentatives des employeurs, des associations d'usagers et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale. »

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Amendement de coordination qui fixe la composition du conseil d'administration d'IDFM.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Au IV de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France, les mots : « d'un représentant de la chambre régionale de commerce et d'industrie d'Ile-de-France et d'un représentant des présidents des établissements publics de coopération intercommunale élu par le collège des présidents des établissements publics de coopération intercommunale de la région d'Ile-de-France au scrutin majoritaire à deux tours » sont remplacés par les mots : « de la chambre régionale de commerce et d'industrie d'Ile-de-France, des organisations représentatives d'employeurs au niveau national , des associations d'usagers et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale ».

Mme Nadège Havet.  - Défendu.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - L'amendement n°7 n'est pas compatible avec celui de la commission : avis défavorable.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Avis favorable sur ces amendements similaires.

L'amendement n°28 est adopté.

L'amendement n°7 n'a plus d'objet.

L'article 8, modifié, est adopté.

À la demande des groupes SER, UC et CRCE-K, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°8 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 243
Contre 100

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.  - Merci aux collègues présents pour ces débats studieux. Je salue le ministre, l'auteur et le rapporteur.

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Merci à tous d'être restés tard ce soir : ce texte en valait la peine.

La séance est levée à 1 h 10.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 24 octobre 2023, à 14 h 30.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 24 octobre 2023

Séance publique

À 14 h 30, 17 h 30 et le soir

Présidence : Mme Sophie Primas, vice-présidente, M. Gérard Larcher, président, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Secrétaires : M. Philippe Tabarot - Mme Véronique Guillotin

1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels (texte de la commission n°49, 2023-2024)

2. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la situation au Proche?Orient

3. Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels (texte de la commission n°49, 2023-2024)