Déclaration du Gouvernement relative à la situation au Proche-Orient

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la situation au Proche?Orient.

Rappel au Règlement

M. Hervé Marseille.  - Mon rappel au Règlement, fondé sur l'article 29 bis, concerne la proposition de résolution cosignée par quatre présidents de groupe : MM. Retailleau, Malhuret, Patriat et moi-même. Nous nous étonnons que le Gouvernement ne l'ait pas inscrite à notre ordre du jour, de surcroît sans nous prévenir - voilà qui marque une certaine réserve à l'égard du Parlement.

Cette proposition de résolution affirme que le Hamas est un groupe terroriste et que les crimes ignobles qu'il a commis constituent un crime contre l'humanité devant être porté devant la justice internationale. Ce qui a été fait pour les Bouddhas de Bâmiyân doit l'être pour les victimes de ces attentats tragiques.

L'examen de ce texte aurait permis un vote, au lieu de quoi nous nous bornerons à débattre ; c'est mieux que rien, mais nous ne saurons pas ce que pensent les uns et les autres. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, Les Républicains et du RDPI, ainsi que sur des travées du RDSE ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

Déclaration du Gouvernement et débat

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous assistons au retour tragique de la violence au Proche-Orient ; ses lourdes conséquences inquiètent nombre de nos compatriotes. Il relève d'un impératif démocratique de débattre de cette situation, au demeurant évolutive.

Le 7 octobre, une attaque terroriste barbare a été menée par le Hamas et le Djihad islamique contre Israël. Des centaines de civils ont été massacrés, des jeunes sauvagement assassinés au cours d'une fête, des actes odieux perpétrés dans les kibboutz de Beeri, Kfar Aza ou Réïm. Des femmes, des personnes âgées et des enfants ont été assassinés ou enlevés. Près de 1 400 personnes ont été tuées, et plus de 200 sont retenues comme otages. Trente de nos compatriotes ont été tués, et neuf sont otages ou portés disparus.

Ce déchaînement de barbarie, prémédité, n'est pas comparable aux épisodes de violence précédents. Il visait à atteindre Israël et sa population au coeur.

Je redis notre solidarité envers le peuple israélien dans cette épreuve. J'ai une pensée particulière pour les victimes françaises et leurs proches. Le Président de la République a rencontré leurs familles dès son arrivée sur place pour les assurer de notre plein soutien.

Minimiser, justifier, voire absoudre le terrorisme, c'est accepter qu'il frappe encore, en Israël, en France et partout ailleurs. Nous ne devons faire preuve d'aucune ambiguïté face à de tels crimes.

Israël a le droit à la sécurité, le droit de se défendre, dans le respect du droit international. Ceux qui confondent le droit du peuple palestinien à disposer d'un État et la justification du terrorisme commettent une faute morale et politique. Car le Hamas ne porte pas la cause palestinienne : il expose délibérément la population civile, dont il se sert comme bouclier humain. Notre interlocuteur est l'Autorité palestinienne, qui se bat depuis des années pour la paix.

Ne perdons pas de vue la gravité de la tragédie qui se joue. Il n'y a pas de victimes qu'il conviendrait de pleurer moins que d'autres. Toutes les vies ont une égale valeur. Nous nous tenons aussi au côté des familles palestiniennes endeuillées.

Je fais confiance au Sénat pour débattre de cette situation grave avec mesure et hauteur de vue.

Le Président de la République l'a dit clairement : Israël a le droit de se défendre face au terrorisme, mais la réponse militaire doit épargner les civils et respecter le droit international. La population ne doit pas payer pour les crimes des terroristes.

Le terrorisme doit être combattu, mais la réponse des démocraties doit être juste ; même dans les combats les plus âpres, n'oublions pas ce que nous sommes.

Notre amitié avec le peuple israélien est sans faille mais nous oblige aussi à lancer cet appel : Israël ne doit pas tomber dans le piège du Hamas. Plusieurs milliers de Palestiniens sont morts à Gaza, dont de nombreux enfants. Les deux millions d'habitants de Gaza sont dans une situation gravissime, qui nous touche au coeur.

Dans ce contexte, le Gouvernement se mobilise sur plusieurs fronts.

Depuis les premières heures, nous agissons pour la sécurité de nos ressortissants. Notre ambassade et notre consulat travaillent jour et nuit pour soutenir nos compatriotes victimes. Nous sommes en liaison permanente avec les familles touchées. Le Président de la République a rappelé que notre première priorité est la libération des otages : nous mettons tout en oeuvre pour l'obtenir au plus vite et sans condition.

En deux semaines, nous avons permis à 3 600 de nos compatriotes de regagner le territoire national, avec le soutien de nos armées. Nous sommes en contact avec les Français bloqués à Gaza, dans des conditions très dures. Je rends hommage aux diplomates, militaires et fonctionnaires français qui oeuvrent sans relâche.

La France se mobilise aussi pour aider la population de Gaza, en proie à une catastrophe humanitaire. Plus d'un million de personnes ont été déplacées, l'eau et la nourriture manquent, les hôpitaux sont saturés. Nul ne peut rester insensible devant ce drame. Il n'y a pas de nationalité qui compte quand des civils meurent, et toute vie civile perdue est un échec pour la communauté internationale.

Notre solidarité avec les populations palestiniennes ne saurait être mise en cause. Nous demandons une trêve humanitaire pour permettre un acheminement sûr de l'aide, sous l'égide de l'ONU. Plusieurs convois ont pu passer le poste de Rafah, mais c'est insuffisant.

Cette trêve doit être mise en oeuvre au plus vite ; elle pourra déboucher sur un cessez-le-feu. Contrairement aux contrevérités propagées notamment par la propagande russe, la France a soutenu la proposition de résolution présentée au Conseil de sécurité par le Brésil. Catherine Colonna est en ce moment même à New York pour participer aux négociations.

La France a toujours soutenu la population civile palestinienne. En 2022, notre aide s'est montée à 100 millions d'euros, principalement pour l'eau, la santé, l'éducation et l'agriculture. Nous avons annoncé 10 millions d'euros d'aide supplémentaire pour Gaza, où l'urgence est de rétablir l'électricité dans les hôpitaux. L'Union européenne aussi répond présent : elle triple son aide humanitaire à Gaza, et deux vols ont déjà acheminé 50 tonnes d'aide à la frontière.

Il est légitime de veiller à ce que notre aide ne tombe pas entre de mauvaises mains, mais gardons-nous des jugements hâtifs fondés sur des faits biaisés. Les procédures de contrôle prévues sont scrupuleusement suivies. Notre aide est fournie selon des procédures agréées par la communauté internationale, dont Israël ; elle est mise en oeuvre par les agences de l'ONU, bénéficie à des projets concrets et est contrôlée par l'administration israélienne.

Enfin, la France se mobilise en faveur d'un processus politique pour éviter l'escalade, qui pourrait conduire à un embrasement régional. Nous multiplions les échanges avec les États voisins d'Israël. Le Président de la République a appelé de ses voeux la construction d'une coalition régionale et internationale pour lutter contre les groupes terroristes qui nous menacent tous.

La France plaide pour un règlement durable du conflit par une solution à deux États. Des garanties de sécurité solides pour Israël, un État pour les Palestiniens : la France défend cette ligne avec constance. La normalisation des relations d'Israël avec plusieurs États de la région est souhaitable, mais doit s'accompagner d'une relance du processus politique avec les Palestiniens.

Notre responsabilité est grande, et nous l'assumons. La France est en mesure de parler à tout le monde - le Président de la République sera ce soir à Amman. Notre position d'indépendance nous donne un rôle pivot pour aider à tracer le chemin de la paix.

Complexe et dramatique, la situation au Proche-Orient pèse lourdement sur la sécurité internationale. La France est porteuse d'une voix singulière au service de la justice. Nous n'avons pas le droit de renoncer : la seule solution, c'est la paix ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur certaines travées des groupes UC, SER et CRCE-K)

M. Bruno Retailleau .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je m'associe au rappel au Règlement d'Hervé Marseille : l'examen de notre proposition de résolution aurait débouché sur un vote, permettant à chacun de s'engager. La raison d'être du Parlement, c'est la délibération.

Voilà quelques jours, un professeur de français a été tué, frappé par la bête immonde islamiste sur le sol sacré de l'école de la République. Après cet événement monstrueux, il est d'autant plus nécessaire que notre assemblée s'exprime. Tout est lié : ce qui se passe là-bas nous concerne ici.

Notre réponse ne saurait souffrir la moindre ambiguïté, la moindre hésitation. Pourquoi sommes-nous directement concernés par ce qui se passe en Israël ?

D'abord, nous partageons avec le peuple juif, comme avec tous les peuples du monde, la même condition humaine. Rien de ce qui arrive d'inhumain ne peut nous rester étranger. Comment ne pas être horrifié par les femmes et les enfants décapités - décapités parce que juifs ? Oui, ces exactions sont un crime contre l'humanité. Cette violence paroxystique est la poursuite de l'entreprise génocidaire, après le massacre des Tutsis à l'arme blanche.

Notre alliance avec Israël est irrévocable, forgée dans le creuset de nos racines judéo-chrétiennes et fondée sur nos communes valeurs démocratiques, si rares au Proche-Orient. Au nom de cette amitié spirituelle et civique, les terroristes frappent Israël comme ils nous frappent : peuple juif et État laïc, nous sommes pour eux au sommet de la mécréance.

Nous sommes liés aussi par le sang français versé : trente de nos compatriotes sont morts, quelques jours avant que Dominique Bernard ne soit lâchement assassiné. Et les images nous hantent encore des attentats commis sur notre sol. Nous nous tenons au côté du peuple juif car nous avons subi la même morsure du totalitarisme islamiste.

L'inouïe violence du Hamas n'est pas l'expression désespérée d'une cause : c'est la résurgence du totalitarisme islamiste. Le Hamas défigure la cause palestinienne en l'islamisant et en la déshumanisant. Rappelons à tous les islamo-gauchistes qui se déshonorent en refusant de qualifier les crimes commis de terroristes que le Hamas n'est pas un mouvement de résistance. Son credo n'est pas de libérer la Palestine, mais de la soumettre à la charia. Il sabote avec constance tous les efforts de paix et s'emploie à empêcher toute réconciliation, pour le plus grand bénéfice de l'Iran, qui se trouve certainement, d'une manière ou d'une autre, derrière l'attaque menée.

Tirons de ces événements tous les enseignements nécessaires. La tolérance zéro s'impose contre l'antisémitisme, même quand il avance avec le masque de l'antisionisme. L'antisionisme, c'est l'antisémitisme sans le racisme : Jankélévitch avait raison, ô combien. Madame la Première ministre, je vous demande une tolérance zéro contre les nouvelles formes d'antisémitisme.

Ensuite, pas un euro ne doit aller à une organisation terroriste. Nous ne pouvons pas retenir les fonds humanitaires, mais l'aide française et européenne doit être scrupuleusement vérifiée.

Nous pouvons parfaitement être au côté d'Israël et lui reconnaître le droit de se défendre tout en rappelant que toute vie civile perdue est un drame, que la vie des uns vaut celle des autres et que l'honneur des démocraties est de ne pas se laisser abaisser par leurs ennemis.

Se tenir avec détermination au côté d'Israël, c'est lui reconnaître le droit d'éradiquer le Hamas, mais aussi lui tenir un langage de vérité : depuis trente ans, aucune guerre n'a été gagnée sans solution politique - les Américains l'ont appris en Irak et en Afghanistan, nous au Sahel.

Une espérance doit se lever. La solution à deux États semble aujourd'hui bien lointaine, mais ne la perdons pas de vue : c'est la ligne du Sénat et celle de la France.

Alors que la violence est de retour, n'oublions pas que c'est le Hamas qui a déclenché les hostilités ; que c'est lui qui abolit la frontière entre civils et militaires, en usant de boucliers humains. (M. Jean-François Husson renchérit.)

La France a une responsabilité particulière. Nous devons déployer tous nos efforts diplomatiques pour promouvoir la solution à deux États.

Ce combat est le combat sans cesse recommencé contre le totalitarisme islamiste, qui ne s'est jamais si bien porté dans le monde : il règne à Kaboul, revient en Irak, se répand en Afrique et frappe en France.

Intraitable, notre réponse doit être globale : policière, judiciaire, législative peut-être. En nous désignant comme leur ennemi, en ciblant l'école laïque, les terroristes islamistes nous montrent un chemin de résistance : la République et son école, qui transmet une grammaire collective et un idéal français.

Pour l'heure, réaffirmons solennellement, en mémoire des victimes israéliennes, notre soutien indéfectible au peuple juif, qui porte au Proche-Orient le flambeau de la démocratie, au prix du sang. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP ; M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « La violence, il faut la dénoncer, il faut la vomir, il faut l'isoler. Ce n'est pas la voie des démocraties. » Ainsi parlait Yitzhak Rabin le 4 novembre 1995, quelques minutes avant d'être assassiné.

Les heures sombres de l'obscurantisme sont de retour. Les actes terroristes doivent nous révolter. Voici le témoignage, d'une grande dureté, du colonel Weissberg, chargé de l'identification des victimes : « Que dire lorsque vous découvrez le corps d'une femme enceinte éventrée, dont on a coupé la tête ainsi que celle de son bébé, lorsque vous découvrez des mères et des grands-mères sauvagement violées ? » Ces massacres doivent nous révolter, comme les enfants morts sous les bombardements et la situation de la population de Gaza, prise en étau. Il faut nommer et dénoncer ces atrocités ; s'y refuser est inexcusable.

Le Hamas tyrannise le peuple qu'il prétend défendre. Israël a le droit d'éradiquer cette émanation sanguinaire de l'hydre islamiste, qui vient de commettre les pires horreurs que l'humanité ait connues depuis le génocide au Rwanda et le massacre de Srebrenica.

Le Président de la République a proposé la participation de la coalition contre Daech à la lutte contre le Hamas. Madame la Première ministre, nous avons besoin de précisions sur cette annonce.

Les morts civils parmi les Palestiniens sont aussi insupportables. Toute vie sacrifiée est un drame pour l'humanité.

Nous devons nous élever contre les forces obscurantistes, à commencer par le Hamas, qui vise l'extermination de tous ceux qui ne se soumettent pas à sa loi. Que ceux qui n'en sont pas convaincus relisent sa charte !

Aucune négociation n'est possible, mais nous devons agir pour les otages. Je présume que c'est l'objet de la visite du Président de la République - même si nous aurions préféré qu'elle ait lieu après le débat au Parlement.

Comme Daech, le Hezbollah ou Boko Haram, le Hamas est un avatar du mouvement islamiste qui parvient, grâce au soutien du Qatar ou de l'Iran, à toujours se réinventer.

Les victimes françaises sont trente, au moins. C'est la première fois depuis les terribles attentats de Nice qu'autant de nos compatriotes sont tués.

Mais ne faisons pas d'amalgame : dans notre pays, les partisans d'un État islamique sont une infime minorité. Le conflit au Proche-Orient ne doit pas être importé sur notre sol.

Pas d'amalgame, mais pas non plus d'angélisme. La tolérance zéro est de mise face à l'antisémitisme, comme face à toute discrimination à l'encontre de nos compatriotes de confession musulmane.

Aristide Briand disait : « La loi protège la foi tant que la foi ne dicte pas sa loi. » Cette formule qui vous est chère, monsieur le président, résume notre laïcité. Aucun précepte religieux n'est supérieur à la loi de la République.

Transiger avec ces principes, c'est faire mourir une deuxième fois Samuel Paty et Dominique Bernard. La sanction est nécessaire, mais quels sont les moyens de lutter contre la radicalisation ? Exclure des élèves pour un comportement inacceptable au cours de l'hommage à ces deux professeurs, bien sûr : mais après ?

La prévention du poison totalitaire doit être au coeur de notre action républicaine. S'il existe des proies dans nos quartiers, c'est qu'il existe des prédateurs. À cet égard, n'oublions pas que 75 % des attentats islamistes commis sur notre sol l'ont été par des Français. Les semeurs de terreur ont en horreur nos lumières, la laïcité, la liberté d'expression et le droit des femmes à disposer de leur corps.

Au Proche-Orient, depuis trente ans, la solution à deux États n'est toujours pas mise en oeuvre. Depuis 1995 et l'assassinat d'Yitzhak Rabin par un ultra-nationaliste, l'esprit des accords d'Oslo se dissipe. La politique actuelle du gouvernement israélien n'est pas exempte de critiques. Il nous faut condamner avec fermeté les choix qui exacerbent les tensions et privent de perspectives la jeunesse palestinienne. Cet engrenage sans fin condamne toute avancée sur le chemin de la paix.

J'ai été horrifié par ces mots d'un père vivant dans un village du sud-Liban dirigé par le Hezbollah, dont le fils venait d'être tué lors d'une incursion en Israël : « La Palestine a besoin du sang de ses martyrs ».

Socialistes, nous soutenons la reconnaissance de deux États souverains. Les progressistes palestiniens comme la gauche israélienne doivent oeuvrer à une résolution durable du conflit, avec notre soutien. Nous devons appuyer les démarches positives, comme celles de Women Wage Peace et de tous ceux qui bâtissent des ponts plutôt que des murs.

Du côté palestinien, une construction politique tournant le dos à la corruption est nécessaire.

La France et l'Europe doivent tout mettre en oeuvre pour favoriser la désescalade. Le rapport publié en décembre dernier par notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous l'égide de Christian Cambon est une source d'inspiration précieuse. Les conditions d'une nouvelle feuille de route pour la paix y sont clairement définies.

En attendant le retour à la raison, ce sont les peuples d'Israël et de Palestine qui sont pris en otage, leurs enfants qui sont marqués au fer rouge de la guerre. Pourtant, ce sont les enfants de ces deux peuples qui auront la lourde charge de mettre un terme à cette guerre sans fin. Les solutions existent, fondées sur le respect mutuel et la foi inébranlable en un avenir de paix. Shalom, salam ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST, des groupes UC et Les Républicains)

M. Olivier Cadic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Plus de deux semaines après les attaques du Hamas qui ont fait plus de 1 400 morts, nous sommes toujours sous le choc. Au nom du groupe UC, j'ai une pensée pour toutes les victimes, dont nos trente compatriotes. Nous comptons toujours neuf Français disparus : nous soutenons les efforts du Gouvernement pour leur libération. Nous pensons aux blessés et à toutes les victimes civiles en Israël ou à Gaza.

Nous pensions avoir atteint le sommet de la monstruosité avec les attentats d'Al-Qaïda du 11 septembre 2001 ou de Daech à Paris. Mais voici que le Hamas s'inscrit dans cette compétition barbare.

Massacres de masse, actes de torture, enlèvements : les mots sont impuissants face à l'ignominie. Israël est en droit de se défendre et de chercher à éradiquer le Hamas. Ne nous y trompons pas : le Hamas, comme Daech ou Al-Qaïda, hait nos valeurs et veut en finir avec la civilisation occidentale. On comprend donc que le Président de la République ait proposé que la coalition internationale contre l'État islamique lutte aussi contre le Hamas.

Rien ne serait pire que de confondre le Hamas avec la cause palestinienne et sa légitime revendication d'un État. Le Hamas a franchi une ligne rouge, mais quelle solution pour Israël à Gaza ? Envoyer les Palestiniens en Égypte ou au Qatar ? Aucun État ne l'accepterait. Bombarder indistinctement la population de Gaza ? C'est le piège tendu par le Hamas. Les démocraties doivent combattre dans le respect du droit international, mais les terroristes du Hamas se cachent parmi la population et bénéficient du soutien de l'Iran. La déclaration récente du ministre des affaires étrangères iranien appelant à tuer les Juifs rejoint en tout point la doctrine du Hamas. La Russie jubile ; quant à la Chine, c'est le banquier de l'attelage.

Si Israël bombarde Gaza, qui gérera Gaza en ruines, devenue un immense bidonville ? Qui empêchera que sa jeunesse ne rejoigne le terrorisme ? Qui empêchera l'escalade avec le Hezbollah, proxy de l'Iran ? Hier, j'assistais à la prise d'armes aux Invalides en mémoire des victimes de l'attentat du Drakkar, sous la présidence du ministre Lecornu. N'oublions pas nos militaires tombés. Nos 700 soldats stationnés au Liban seraient les premières victimes d'un embrasement.

Le rapport de M. Cambon « Israël - Palestine : redonner un horizon politique au processus de paix » avait anticipé la situation actuelle.

Le gouvernement de M. Netanyahou comprend des suprémacistes juifs, partisans de l'expansionnisme et qui veulent soumettre l'État à la loi religieuse. C'est une menace pour les fondements de la démocratie israélienne.

De nombreux articles de presse ont sonné l'alarme. En février dernier, dans Le Monde, Sophie Bessis dressait ce constat : « D'un côté, les provocations délibérées de ministres israéliens pressés de montrer aux Palestiniens de quel côté se situe la force ; de l'autre, la montée d'un désespoir mortifère devant la dégradation des conditions de vie en Cisjordanie et l'absence de toute perspective de paix ». Une addition de haines n'a jamais donné un bon résultat pour les peuples.

La solution à deux États est la seule viable pour la paix. Je me réjouis que le Président de la République soit aujourd'hui à Tel-Aviv pour réaffirmer la position exprimée par le général de Gaulle dans sa conférence de presse du 27 novembre 1967.

Président du groupe d'amitié France-Pays du Golfe, je me suis réjoui des accords d'Abraham. Mais s'ils ont vocation à promouvoir la paix, tous mes interlocuteurs du Golfe m'ont dit que la cause palestinienne restait essentielle pour leur population.

En 2003, la France a prouvé son indépendance. Elle est aujourd'hui un tiers de confiance naturel, qui peut ouvrir un nouvel horizon au processus de paix. Pour cela, nous devons en finir avec la cécité volontaire et le déni de réalité. La paix supposera, pour Israël, d'abandonner la colonisation ; pour la Palestine, d'organiser un calendrier démocratique.

La France doit être l'aiguillon d'un nouveau dialogue, l'Union européenne investir le volet politique après le volet humanitaire. Je salue le rôle de l'Égypte, qui a autorisé le passage de l'aide après des jours de fermeture de la frontière. Vendredi prochain, un vol spécial apportera du fret médical, nous nous en réjouissons.

Être aux côtés de ceux qui souffrent pour porter l'espoir : c'est la démarche d'apaisement du Président de la République, dont j'espère qu'elle sera fructueuse. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du RDSE ; MMRachid Temal et Rémi Féraud applaudissent également.)

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le Proche-Orient est le théâtre de défis et de conflits persistants depuis 75 ans. Avec la résolution 181 de 1947, l'Assemblée générale des Nations unies a posé le principe de deux États indépendants. En 1948, l'État d'Israël est créé et les conflits commencent : guerres israélo-arabes, guerre du Kippour, intifadas. Les accords d'Oslo de 1993 ont apporté un vent d'espoir, mais le processus reste inachevé. Depuis, les tensions se succèdent.

L'attaque d'il y a trois semaines est inédite par sa violence, d'une barbarie sans précédent. « C'est une séquence nouvelle d'un conflit qui ne s'est pas éteint », selon Bertrand Badie. Notre colère est immense est les mots ne sont pas assez forts pour dénoncer ces actes terroristes. Rien ne justifie le terrorisme, nulle part, jamais : une évidence, sauf pour certains. Pourtant, notre pays a aussi été frappé par le terrorisme, encore dernièrement avec l'assassinat de Dominique Bernard.

La France a une amitié profonde et ancienne avec Israël, ce dont témoigne la visite d'Emmanuel Macron. Nous pensons aussi au peuple palestinien, pris en étau entre l'armée israélienne et le Hamas. Vous avez raison, madame la Première ministre, les Palestiniens ne sont pas le Hamas, et le Hamas n'est pas les Palestiniens.

En juin 2022, je me suis rendue à Gaza et en Cisjordanie. La mission avait pour thème l'avenir du processus de paix au Proche-Orient. (M. Christian Cambon le confirme.) La tension à Gaza et à Hébron était très grande, les perspectives bouchées. Dans notre rapport, nous avons estimé que la solution à deux États restait la seule viable pour répondre aux aspirations de chacun et à la sécurité de tous. Un an après, la situation s'est embrasée.

Le Hamas et le Djihad islamiste balaient tous les efforts de paix des deux peuples, semant la désolation et la mort. Le Hamas doit être éradiqué. Notre pays est une nouvelle fois endeuillé, car le terrorisme n'a pas de frontière. Depuis Israël, notre Président de la République adresse un message fort aux familles des victimes.

À Gaza, la porte de Rafah doit rester ouverte et l'aide humanitaire accrue - la France l'augmente de 10 millions d'euros.

Ce n'est pas une guerre conventionnelle. Israël a le droit de se défendre, mais sa riposte ne peut se faire contre le droit international et humanitaire. Un second front menace avec le Hezbollah et l'Iran, mais il faut tout faire pour la désescalade. L'Iran menace Israël d'une action préventive et des soldats américains ont été inquiétés. Nous craignons des conflits dans tout le Proche-Orient et l'embrasement général.

Madame la Première ministre, nous sommes, comme vous, convaincus que la France est un artisan de paix, ce dont témoignent les déclarations du Président de la République. La ministre de l'Europe et des affaires étrangères a rappelé, lors du sommet pour la paix au Caire, que la seule solution viable était à deux États.

Nous devons nous unir derrière la bannière commune de la paix. Le seul combat, c'est celui pour la paix.

Selon Raymond Poincaré, la paix est une création continue : continuons donc d'en être les artisans. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Mme Cécile Cukierman .  - (M. Pierre Ouzoulias applaudit.) Rien ne justifie l'horreur du samedi 7 octobre 2023. À l'heure où le soleil se lève, la barbarie a frappé Israël, volonté du Hamas qui a revendiqué ces actes terroristes. Ces enfants, femmes et hommes qui ne demandaient qu'à vivre ont été tués et pris en otage. Ce 7 octobre était le jour de Sim'hat Torah, la joie de la Torah. Mais la joie s'est tue. Le Hamas veut « tuer du juif », renvoyant à un antisémitisme multiséculaire. La douleur du peuple israélien est profonde, nous nous y associons.

L'engrenage de la violence s'amplifie. Dominique de Villepin l'a bien dit : « Le droit à la légitime défense n'est pas un droit à une vengeance indiscriminée. » Nous nous refuserons toujours à opposer les morts.

La situation à Gaza n'est pas soutenable. Deux millions de personnes y sont privées d'eau, de nourriture, de carburant, certains boivent de l'eau de mer. Des centaines de camions quotidiens seraient nécessaires, loin des vingt actuels.

Elle n'est pas soutenable pour le peuple israélien, car la situation est le terreau de la radicalisation à venir.

Elle n'est pas soutenable à l'échelon international, car se joue aussi l'avenir de la sécurité du Proche-Orient et du monde.

Oui, la France doit agir contre cette guerre, elle doit oeuvrer pour la paix. Pas de « oui, mais », mais le respect du droit international, dont la résolution des Nations unies actant la solution à deux États et la fin de la colonisation. Prix Nobel de la paix 1994, Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabbin se sont battus pour la paix. Ce dernier l'a payé de sa vie.

Nous saluons le déplacement du Président de la République en Israël, mais nous sommes surpris par ses propos de ce jour, qui laissent penser à une nouvelle intervention militaire de la coalition contre Daech. Un débat et un vote au Parlement seraient alors absolument nécessaires.

La France doit être à l'initiative d'une nouvelle résolution à l'ONU et doit redemander à Israël la libération de Marwan Barghouti.

Surtout, la France doit s'attaquer au Hamas, qui ne peut être l'avenir du peuple palestinien. La barbarie du 7 octobre expose ses liens avec le Djihad islamique et le place parmi les adversaires de la démocratie. Détruire Gaza ne l'affaiblira pas, car ses dirigeants sont au Qatar. Cessons nos relations diplomatiques et invitons d'autres pays à le faire.

Les auteurs et les instigateurs des attentats devront être traduits devant la justice internationale.

Nous demandons un cessez-le-feu immédiat pour mettre fin au massacre des civils et libérer les otages. Sans cela, c'est l'embrasement de tout le Proche-Orient qui se prépare. Personne ne domine la guerre, personne ne sait au profit de qui elle se finit.

La France est attendue par les habitants d'Israël et de Palestine, qui veulent vivre en paix. Je salue les habitants de Haïfa, de Nazareth et d'ailleurs qui se réunissent, au-delà de leurs origines, pour réclamer la fin de cette logique mortifère. Aux enfants d'Israël et de Palestine, je dis que nous ne les oublions pas : nous voulons qu'ils grandissent heureux pour voir chaque jour le soleil se lever.

L'affirmation de la paix est le plus grand des combats, disait Jean Jaurès. Qu'elle soit celui de nous tous. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du RDSE, du RDPI et du groupe UC)

M. Claude Malhuret .  - Je condamne cet effroyable massacre et je dénonce ceux qui s'y refusent.

Peu importent notre colère et notre douleur, nous avons un devoir : comprendre pour agir. Il y aura un avant et un après le 7 octobre 2023, comme pour le 11 septembre 2001 et le 24 février 2022.

Le visage du monde actuel se dessine. À la chute du mur de Berlin, les démocraties pensaient avoir gagné. Le 11 septembre 2001 a révélé leur vulnérabilité. Aujourd'hui, l'Internationale des dictatures - Russie, Chine, Corée du Nord, Iran - se reforme dans sa guerre contre l'Ukraine. Le 7 octobre 2023, les mêmes quatre cavaliers de l'Apocalypse sont solidaires dans le refus de dénoncer le terrorisme islamiste. Le monde bipolaire du XXe siècle et le monde unipolaire qui l'a suivi ont vécu. Dictatures et démocraties s'affrontent à nouveau dans un monde multipolaire où ces dernières ont perdu beaucoup de terrain.

Tordons le cou à la propagande de la sous-intelligentsia des pseudo-experts : le Sud global n'existe pas. Dix pays africains, huit pays sud-américains et l'Inde ont condamné les exactions du Hamas. D'autres se sont abstenus. Ce Sud global, le rêve des dictatures, n'est qu'un rêve. Qu'il ne devienne pas une réalité, voilà notre devoir.

Les raisons qui ont poussé le Hamas sont avant tout d'anéantir les accords d'Abraham. Si les mains qui ont égorgé les enfants sont à Gaza, le cerveau est à Téhéran. La réaction de Joe Biden doit être saluée. Sans succès pour l'heure, il essaie de rencontrer les dirigeants arabes modérés.

Nul besoin d'être un spécialiste pour savoir ce qu'il a vraiment dit au Premier ministre israélien : le 11 septembre 2001 a été pour les Américains le même choc que le 7 octobre 2023 pour les Israéliens, et l'Afghanistan et l'Irak sont deux erreurs qui ont embrasé le Moyen-Orient, le souhait de Ben Laden. Qu'Israël ne fasse pas la même erreur. Ce conseil, c'est le seul qui pourrait faire échouer le plan du Hamas. Aujourd'hui, le Président de la République délivre le même message. Portera-t-il ses fruits ? Ce sera extrêmement difficile.

Quelles seront les options à moyen terme ? Remplacer le Hamas par le Fatah, une force arabe d'interposition... Aucune n'est crédible. Une guerre totale contre le peuple palestinien ruinerait la détente amorcée par les accords d'Abraham, seul espoir pour le Moyen-Orient et pour sa prospérité. L'échec du sommet pour la paix du Caire montre le coup qu'elle a subi.

À long terme, il faudra réussir la coexistence pacifiée d'Israël avec ses voisins, non un choix, mais une obligation. Les accords d'Abraham sont la première pierre. La prise en compte du sort des Palestiniens, point aveugle des accords, doit les compléter.

Les massacres du 7 octobre nous éloignent de la paix, et j'espère que le vertige d'un nouvel embrasement aux conséquences dramatiques pourrait nous faire retrouver le chemin de la raison. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE, des groupes SER, UC et Les Républicains)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le 7 octobre dernier, la violence du Hamas fut abjecte : 1 400 tués, 3 000 blessés, plus de 200 otages. Je réitère notre condamnation la plus ferme de ces atrocités.

Le 7 octobre 2023 est déjà entré dans l'Histoire. Là s'est enclenché le piège du Hamas. La riposte du Gouvernement israélien s'apparente à une punition collective. Le tapis de bombes tue indistinctement. Les victimes civiles, dont de nombreux enfants, se comptent par milliers.

Le droit de la sécurité d'Israël ne peut exister que dans le respect du droit humanitaire. Ce n'est pas un droit à une vengeance aveugle. On ne gagne pas la guerre contre la terreur, car le terrorisme se nourrit du désespoir et de la haine. On peut tuer des combattants, mais pas une idéologie, contre laquelle le combat ne peut être que politique. Or la haine et le ressentiment sont à leur paroxysme, excités par le Hamas ou l'extrême droite messianique.

La perspective de paix s'éloigne pour toute la région. Au nord d'Israël, les échanges de tirs se multiplient avec le Hezbollah, tandis que les États-Unis répondent aux menaces de l'Iran.

Entre dissuasion et peur d'un conflit généralisé, le monde vit dans l'expectative. Les empires autoritaires observent avec intérêt cette dégradation pour poursuivre leurs velléités expansionnistes, comme en Ukraine. Tout cela doit cesser. Une intervention terrestre de Tsahal serait dramatique.

Si l'inflexion de votre discours sur la trêve humanitaire est bienvenue, madame la Première ministre, les propos du Président de la République à Tel-Aviv nous inquiètent grandement. Que signifie faire participer « la coalition internationale de lutte contre Daech à la lutte contre le Hamas » ? Bombarder Gaza ? Ce serait inacceptable.

Livrer des armes ? Inacceptable également, alors que les bombardements contre Daech avaient fait entre 1 300 et 12 000 victimes civiles dans des territoires bien moins denses que Gaza.

Loin de telles velléités belliqueuses, la France doit retrouver la voix forte qui fut celle de Jacques Chirac, qui refusait la guerre en Irak, saluée partout dans le monde arabe. Or l'Europe a de longue date fait sienne le principe d'Henri Queuille : il n'y a pas de problème qu'une absence de solution ne finisse par résoudre. Mais dans ce cas, cela se fait dans la douleur et la violence.

Nous avons laissé prospérer le Hamas sur les ruines du processus de paix, anéanti par l'assassinat d'Yitzhak Rabin et la dévitalisation de l'Autorité palestinienne. Le peuple palestinien a le choix entre un suicide à petit feu ou une explosion de violence.

Nous faisons nôtre la démonstration magistrale de Jean-Louis Bourlanges à l'Assemblée nationale, avec le refus de la colonisation qui ghettoïse la Cisjordanie. Le Président de la République semble partager ce constat, mais chat échaudé craint l'eau froide. Nous demandons au Président de la République de reconnaître l'État palestinien, comme 138 États, et de plaider pour la libération des prisonniers politiques palestiniens. Notre pensée, comme celle de Dominique de Villepin, va à Marwan Barghouti. Sans transition politique, toute la Cisjordanie risque le chaos à la mort de Mahmoud Abbas.

Il est encore temps d'agir avec force en jouant une autre partition que les États-Unis. L'exemple de l'Union européenne montre que les ennemis irréductibles d'hier peuvent devenir les amis de demain. Il est encore temps d'agir pour la paix, une juste cause qui finira par triompher, comme le disait Yitzhak Rabin. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE-K)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le 4 mars 1983, le président Mitterrand disait à la Knesset : « Je ne sais s'il y a une réponse acceptable par tous au problème palestinien. Mais nul doute qu'il y a problème et que non résolu il pèsera d'un poids tragique et durable sur cette région du monde. »

Israël a vécu le 7 octobre un drame absolu : l'assassinat de 1 400 personnes et la prise d'otage de plus de 200 personnes. Ces atrocités ne laissent de place ni à la nuance ni à la polémique : le RDSE condamne sans réserve ces actes terroristes et nous pensons aux familles de victimes. Il faut libérer nos neuf compatriotes retenus en otage. Une fois de plus, le terrorisme islamiste a montré qu'il était sans égard pour la vie humaine, après le 11 septembre et les attentats de novembre 2015.

Ce drame du 7 octobre a conduit à un autre drame : celui de la population de Gaza, assiégée par Tsahal. Deux peuples souffrent. Comment ne pas comprendre la défense d'Israël alors que les actes du Hamas portent les germes du génocide ? Mais la souffrance des Israéliens entraîne celle des Palestiniens : la douleur n'a ni frontières ni religion. À Gaza, on compterait plus de 4 000 morts et des centaines de milliers de déplacés. L'objectif du Hamas était clair : semer une discorde irréconciliable entre Israéliens et Palestiniens, alors que ses têtes pensantes sont confortablement installées à l'étranger.

Parce que le Hamas est l'ennemi de la paix, parce qu'il est l'ennemi du peuple palestinien, parce qu'il parie sur le chaos, la communauté internationale doit sortir de ce piège. La solution n'est pas militaire, mais l'équilibre est difficile à trouver entre droit à se défendre et respect du droit international. Le droit de la guerre est un oxymore.

Alors que Biden a demandé à Netanyahou de ne pas commettre les mêmes erreurs qu'après le 11 septembre, la diplomatie doit reprendre le dessus face au risque d'embrasement. En effet, du Hamas au Hezbollah, puis du Hezbollah à Téhéran, il n'y a qu'un pas.

Vous l'avez dit, madame la Première ministre, préserver les civils est essentiel. Une trêve humanitaire serait conforme aux valeurs humanistes de la France. L'eau et la nourriture doivent circuler.

La solution à deux États refait surface. Après les accords d'Abraham, cependant, Benyamin Netanyahu s'était bercé d'illusions sur la sécurité d'Israël. Nous devons combler le vide diplomatique et les Palestiniens doivent restaurer une autorité politique claire.

La vengeance n'apportera pas la paix, mais le sommet de la paix qui s'est tenu en Égypte montre que nous ne convergeons pas, tant l'épée de Damoclès d'un assaut sur Gaza est lourde.

Enfin, il est de notre responsabilité, comme élus de la République, de ne pas faire de la Palestine un enjeu national. Notre pays doit tenir un langage de vérité, notamment auprès des jeunes, pour qu'ils ne regardent pas le monde à travers un prisme culturel ou religieux.

D'une façon générale, ne baissons pas les bras face à l'obscurantisme. Madame la Première ministre, nous serons à vos côtés. En 1919, à Verdun, Georges Clemenceau disait qu'il est plus compliqué de faire la paix que la guerre. La paix doit être la boussole des peuples.

Gardons aussi à l'esprit les mots de Saint Exupéry : « Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible. » (Applaudissements)

M. Aymeric Durox .  - À l'heure où les regards du monde se portent sur la poudrière du Proche-Orient, j'ai une pensée émue pour les victimes du Hamas et en particulier nos compatriotes, assassinés et pris en otages.

Oui, le Hamas est une organisation terroriste, parmi les plus horribles, en témoigne l'abject massacre du 7 octobre. Il est indigne, par calcul électoral ou par idéologie, de considérer le Hamas comme un mouvement de résistance, souillant ce beau mot.

Israël a le devoir de protéger sa population. Dans ce contexte, on aurait pu attendre une voix forte de la France. Hélas, trois fois hélas (M. Mickaël Vallet s'exclame), le Président de la République, selon qui il n'y a pas de culture française, ne comprend pas la singularité de notre pays. Il a préféré se rendre en Allemagne, puis en Albanie, attendant 17 jours pour atterrir enfin en Israël. Et que dira-t-il d'autre qu'un Olaf Scholz ou qu'une Ursula von der Leyen, qui se prend pour une cheffe d'État ?

Pour que la voix de la France porte à nouveau, elle doit renouer avec sa tradition diplomatique, forte, car libre ! Ainsi, la déclaration des droits des Nations et des peuples que propose Marine Le Pen pourrait servir de guide à la normalisation des relations interétatiques au Proche-Orient.

Notre pays pourrait retrouver sa place dans le concert des Nations pour protéger les Français et peser sur la scène internationale. Comme Clemenceau le disait à cette tribune le 11 novembre 1918, la France sera toujours le soldat de l'idéal.

M. Mickaël Vallet.  - Encore un effort pour Jean Jaurès !

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger .  - Vous nous interrogez sur la forme que pourrait prendre l'extension à la lutte contre le Hamas de la coalition internationale contre le terrorisme. Celle-ci n'est pas que militaire : il s'agit de renseignement, de lutte contre le financement du terrorisme et contre le djihadisme en ligne.

La lutte contre le terrorisme et pour la paix nécessite la coopération de tous. Je rassure le président Retailleau, notre politique est la tolérance zéro contre l'antisémitisme.

Pas un euro de l'aide humanitaire ne va au Hamas. Notre aide passe par les agences des Nations unies et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Je remercie Olivier Cadic d'avoir mentionné les trente Français tués par le Hamas et les neuf otages. Nous déployons tous nos efforts pour les libérer.

Je vous rassure également, monsieur Malhuret, madame Carrère : notre diplomatie travaille à éviter toute escalade et à préserver les accords d'Abraham.

Enfin, si la ministre de l'Europe et des affaires étrangères n'est pas là, c'est parce qu'elle se trouve au Conseil de sécurité des Nations unies, où nous demandons une trêve humanitaire depuis une semaine. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Alors que ce débat touche à sa fin, je remercie tous les orateurs. La situation est grave et exigeait un débat respectueux : cela a été le cas. Nos sensibilités diffèrent, c'est la démocratie, mais nous nous rejoignons sur l'essentiel.

Tout d'abord, je constate un large consensus pour condamner l'attaque terroriste du Hamas et pour dénoncer l'horreur et la barbarie de ces actes. Les mots ont un sens, refuser de les prononcer également. Je salue votre condamnation, sans état d'âme, de l'attaque du Hamas. Nous reconnaissons à Israël le droit d'assurer sa défense, dans le cadre du droit international.

Ensuite, nous sommes d'accord pour dire que les civils palestiniens sont également les victimes du Hamas, avec des milliers de morts. Il n'y a pas de double standard. Nous appelons à la trêve humanitaire, au cessez-le-feu et à un accès immédiat de l'aide.

Autre point d'accord, nous devons tout faire pour éviter un embrasement régional. Par notre histoire, notre voix indépendante, la France a un rôle à jouer pour bâtir la paix. Dans cette optique, le Président de la République fait tout contre l'escalade et pour défendre une solution à deux États. Comme il vient de le déclarer après son entretien avec Mahmoud Abbas, nous sommes convaincus qu'une initiative forte pour la paix doit être conduite.

Vous faites part d'inquiétudes sur l'importation du conflit dans notre pays. Nous combattons l'antisémitisme, un poison qui n'a pas sa place en démocratie, sous toutes ses formes. Notre engagement est total : dès l'attaque, avec le Président de la République, nous avons demandé au ministre de l'intérieur de s'adresser aux préfets et aux forces de l'ordre et avons renforcé la sécurité des écoles et lieux de cultes grâce à Sentinelle. Plus de 300 personnes ont été arrêtées pour des actes antisémites. Des 4 000 signalements reçus sur la plateforme Pharos, 300 sont entre les mains de la justice. Nous ne laissons rien passer, en ligne comme dans la rue.

Je condamne les outrances et les dérives à des fins électoralistes. Elles sont irresponsables. Je me réjouis que le Sénat partage cette position. Les circonstances sont graves ; nous avons un devoir de cohésion nationale et de solidarité.

Avec le Président de la République, nous défendrons toujours le chemin de la justice et de la paix. C'est l'honneur de la France de se tenir aux côtés du peuple israélien comme du peuple palestinien. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 19 h 25.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance reprend à 21 heures.