SÉANCE

du mercredi 25 octobre 2023

12e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Déplacement du Président de la République en Israël

M. François Bonneau .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains) Nos pensées volent vers l'Orient ensanglanté par les terroristes du Hamas, nourris par la haine et la barbarie.

Depuis 2007, la bande de Gaza est sous la coupe de ce mouvement islamiste qui veut détruire Israël. Sa population, sous la coupe des caciques du mouvement, souffre : blocus, frappes et victimes civiles. Comment recréer l'espoir d'un monde meilleur chez la jeunesse palestinienne ?

La solution à deux États, défendue avec constance par la France, paraissait caduque avec le morcellement de la Cisjordanie, transformée en gruyère par la colonisation massive.

Le Président de la République a émis l'idée d'une large coalition contre le Hamas. Quelle serait-elle ? L'ONU voterait-elle une résolution intégrant le Hamas à la résolution déjà votée contre l'État islamique ? Pourrait-elle protéger Israël et aboutir à la paix ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger .  - Je vous prie d'excuser la ministre de l'Europe et des affaires étrangères qui revient de New York. Le Président de la République l'a rappelé, nous sommes solidaires et exprimons notre émotion après cette attaque terroriste sans précédent dans l'histoire d'Israël. Il a rencontré les familles des victimes et des disparus français. La libération de tous les otages est une priorité.

Israël a bien sûr le droit de se défendre face à un groupe terroriste qui veut la détruire. C'est pour cela que le Président de la République a évoqué l'idée d'une coalition internationale comme nous l'avions fait contre Daech.

Il s'agit non seulement d'actions de terrain, mais aussi d'échanges d'informations en matière de renseignement et de lutte contre le financement du terrorisme et le djihadisme en ligne.

Le Président de la République a également rappelé que les actions menées doivent respecter le droit international, le droit de la guerre et le droit humanitaire. La France a apporté 20 millions d'euros d'aides à la population palestinienne et nous soutenons la solution à deux États, seule garante d'une paix durable. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

M. François Bonneau.  - Sans réponse claire à ces questions, les pleurs hanteront longtemps nos consciences. Il est urgent d'agir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Projet d'autoroute A69

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Monsieur Beaune, resterez-vous sourd aux appels à arrêter le projet d'autoroute A69 entre Toulouse et Castres ? (Protestations à droite ; applaudissements sur les travées du GEST) Vous annoncez depuis des mois l'arrêt de projets routiers à l'heure de la planification écologique : vous avez raison !

Alors, pourquoi ne refusez-vous pas ce projet daté, d'un temps révolu ? Le Conseil national de la protection de la nature a émis un avis défavorable. L'Autorité environnementale le juge anachronique. (Brouhaha à droite) Au moins 1 500 scientifiques vous disent qu'il faut y renoncer. Que vous faut-il de plus ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Hussein Bourgi.  - Ils ne savent même pas où c'est !

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Nous avons échangé avec vous sur bien des sujets, je connais votre honnêteté intellectuelle. Mais peut-on rester sourd aux besoins des habitants du Tarn et à la demande des élus, qui attendent cette autoroute depuis des décennies ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du RDSE ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

Monsieur Fernique, vous êtes un républicain. Peut-on rester sourd à l'impatience des élus de différentes sensibilités politiques : de Mme Delga et M. Ramon, socialistes, au maire de Castres, du parti Les Républicains ; même les écologistes ont dit qu'ils n'en feraient pas un motif de rupture avec Mme Delga...

Il y a eu plus de 500 réunions publiques. Tous les recours - une dizaine - ont été écartés par le juge. Nous sommes dans une démocratie et dans un État de droit.

On ne peut en revanche pas céder à la violence - j'attends une condamnation de votre part des débordements de samedi dernier. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE ; MM. Hussein Bourgi et Rachid Temal applaudissent également.)

M. François Bonhomme.  - Et Notre-Dame-des-Landes ?

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - On ne peut pas non plus accepter que la minorité dicte sa loi à la majorité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE ; MM. Hussein Bourgi et Rachid Temal applaudissent également.)

M. Jacques Fernique.  - Que ce soit clair, monsieur le ministre : mon groupe condamne ces violences intolérables. Ne les laissons pas étouffer le débat de fond. Certes il y a la légitimité des élus qui portent ce vieux projet et il y a l'État de droit, mais il y a aussi l'état d'urgence climatique et la légitimité des générations futures ! (Exclamations ironiques à droite ; applaudissements sur les travées du GEST)

Admettre ses erreurs fait l'excellence de la démocratie. Il n'est pas trop tard. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Assurance des collectivités

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Saïd Omar Oili applaudit également.) Les maires et les élus locaux sont lassés, voire désespérés : ils démissionnent en masse, car tout se complique et leurs moyens se réduisent. Ce qui était simple hier devient ardu.

Une nouvelle difficulté surgit : s'assurer. Les cotisations flambent. En Meurthe-et-Moselle, un maire reçoit une lettre de résiliation. Dans le Nord, un autre peine à obtenir réparation des années après une catastrophe naturelle. Après les émeutes, le maire d'Arcueil voit sa franchise passer à 2 millions d'euros.

Or les risques se multiplient - émeutes, inondations, entre autres. Les compagnies, de moins en moins nombreuses, leur font faux bond. Des communes se retrouvent sans assurance et ne peuvent plus prétendre au régime de catastrophe naturelle.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Vous avez raison : de nombreuses collectivités rencontrent des difficultés à s'assurer. C'est un problème, car toutes n'ont pas les moyens de s'autoassurer.

D'un autre côté, les assureurs ont leur propre modèle économique : on ne peut leur reprocher de résilier. C'est souvent lié à une hausse de la sinistralité.

Pour la Smacl Assurances, à la suite des émeutes, la facture s'élève à 46 millions d'euros cette année, contre 4 millions d'euros habituellement. Heureusement, la Maif a abondé le capital de la Smacl. (M. Fabien Genet s'exclame.)

Il est urgent de créer le dialogue. (« A! » à droite ; M. Didier Marie ironise.) Depuis septembre, la nouvelle médiation de l'assurance a permis de reporter certaines résiliations.

D'une part, il faut que les assureurs trouvent un équilibre de leur marché. De l'autre, il faut plus de prévention, notamment au niveau des bâtiments. (Murmures désapprobateurs) Avec Bruno Le Maire, nous avons demandé un rapport. (Marques d'ironie sur de nombreuses travées)

M. Mickaël Vallet.  - Un observatoire !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Je viendrai vous présenter le résultat de ce travail, qui nous sera rendu en février. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Laurent Somon.  - La situation est difficilement acceptable pour les maires. Déjà, en 2019, Sylviane Noël interrogeait le Gouvernement : rien n'a évolué depuis. (Exclamations approbatrices à droite)

Les petites communes attendent un soutien de l'État. J'aurais pu en citer d'autres : Saint-Brieuc, Saint-Omer. Devront-ils se vouer aux saints pour se protéger ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Crise de l'eau à Mayotte

M. Saïd Omar Oili .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Depuis des mois, les Mahorais subissent une crise majeure de l'eau, alors que 100 000 personnes n'ont déjà pas l'eau courante. J'ai constaté sur le terrain l'effet des premières mesures du Gouvernement, mais la crise est loin d'être terminée et il faudra les amplifier.

En cette période, tous les acteurs doivent tirer dans le même sens : les maires, les centres communaux d'action sociale (CCAS) et les fonctionnaires de l'État. Serrons-nous les coudes, loin des querelles de chapelle. Ainsi, les élus mahorais, après avoir rencontré le Président de la République, ont rédigé un courrier commun pour demander des infrastructures à la hauteur de la hausse démographique, la plus forte de la République. Quels investissements prévoyez-vous pour sortir de cette crise structurelle de l'eau ?

Une rumeur évoque une reprise en main des compétences des collectivités par l'État : qu'en est-il ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Veuillez excuser le ministre de l'intérieur et des outre-mer : Gérald Darmanin se rendra à Mayotte le 1er novembre et Philippe Vigier y était le 27 septembre.

Cette crise est la conséquence du déficit pluviométrique lié au dérèglement climatique, d'un afflux considérable de population - les infrastructures n'ont pas été prévues pour autant de personnes en situation irrégulière - et des travaux qui n'ont pas été conduits avec la célérité nécessaire.

Il faut d'abord répondre à l'urgence, ce que fait la cellule interministérielle de crise, avec les distributions de bouteilles d'eau.

Il y a ensuite la pérennité. Nous lançons un plan 2024-2027, doté de 400 millions d'euros. Dessalement, forage, retenues collinaires, réutilisation des eaux usées, toutes les pistes seront étudiées.

Quelle gouvernance ? La compétence eau appartient aux collectivités territoriales, mais tout ce qui devait être fait ne l'a pas été... Il n'y a pas de tabou. Nous n'avons pas décidé une renationalisation, mais un appui exceptionnel de l'État est indispensable. Son niveau reste à déterminer. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

Maladie hémorragique épizootique

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Depuis septembre, le cheptel bovin du grand Sud-Ouest est touché par la maladie hémorragique épizootique (MHE), transmise par un moucheron.

Les premières études font état d'un taux de mortalité de 0,3 à 3 %. Le plus souvent, la guérison intervient en quelques jours, grâce à un traitement très coûteux. Le confinement dans un rayon de 150 km aggrave les conséquences économiques de la crise, comme la fermeture des marchés italien et espagnol.

L'épizootie progresse, avec de lourdes conséquences financières pour nos éleveurs. Le problème sera national dans quelques semaines. Quelles mesures prophylactiques et financières le Gouvernement prévoit-il ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Pour la première fois, nos éleveurs sont confrontés à la MHE, avec 39 foyers le 29 septembre et près de 1 200 le 20 octobre.

Je tiens à faire part de ma solidarité avec les éleveurs. Notre priorité est l'accès aux marchés italien et espagnol - je remercie mes homologues de ces deux pays, avec lesquels nous avons débloqué la situation en quinze jours. Le confinement crédibilise notre démarche sanitaire ; 95 % de l'export a ainsi été débloqué.

Avec un comité de suivi et 40 fermes, nous évaluons les pertes économiques liées aux frais vétérinaires et à la morbidité. Ces résultats nous parviendront dans les prochains jours.

À moyen et long terme, nous devons repenser notre système sanitaire et son financement, car l'apparition de la MHE est un effet du changement climatique. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Pierre Médevielle.  - Il est encore trop tôt pour faire un bilan, mais l'évolution est rapide. La crise ukrainienne rappelle le besoin de souveraineté énergétique et alimentaire. La filière bovine est un de nos fleurons, mais les cheptels diminuent et les éleveurs souffrent. Je compte sur le Gouvernement pour les aider. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Territoires zéro chômeur de longue durée (I)

M. Philippe Grosvalet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER) C'est une grande joie, un nouveau départ : j'aurais pu commencer ainsi ma première prise de parole dans cet hémicycle, mais ce n'est pas moi qui parle, c'est Véronique, 50 ans, qui vient de signer son CDI grâce au projet Territoires zéro chômeur de longue durée, au sein d'une entreprise à but d'emploi de Pontchâteau, en Loire-Atlantique. (Applaudissements sur des travées du RDSE, du groupe SER et du GEST)

Comme elle, plus de 3 600 personnes ont retrouvé leur place dans la société et leur dignité grâce à ce dispositif, fondé sur trois grands principes que Louis Gallois rappelle inlassablement : personne n'est inemployable ; le travail ne manque pas ; l'argent pas davantage.

Depuis 2016, ce dispositif est une réussite. La loi du 14 décembre 2020 l'a étendu à quarante-huit nouveaux territoires et quatre-vingt-dix-huit autres sont candidats. Le Comité européen des régions, l'Italie et la Belgique sont intéressées.

Seulement voilà : cette expérience est mise à mal par des choix budgétaires incompréhensibles. Au 1er octobre, la contribution au développement de l'emploi est passée de 102 à 95 % du Smic. Et les crédits prévus pour ce dispositif l'année prochaine sont largement insuffisants, en dépit d'une apparente augmentation. Vingt millions d'euros manquent.

Quelles sont les mesures envisagées pour poursuivre le développement de ce projet exemplaire ? Ne condamnons pas les 3 600 salariés concernés à revenir à la case départ ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du GEST, sur de nombreuses travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe INDEP)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Monsieur le sénateur, je connais votre engagement en faveur de cette expérience et le développement des entreprises à but d'emploi.

L'expérimentation en cours s'appuie sur deux lois et cinquante-huit territoires sont agréés. Comme ma prédécesseure, j'ai agréé tous les territoires proposés par Louis Gallois. L'engagement de l'État se monte à 44 millions d'euros cette année pour 2 200 ETP, soit 20 000 euros par emploi. Nous devons évaluer le dispositif et travailler à des perspectives plus tenables, car le budget de l'État n'est pas élastique. (Murmures sur plusieurs travées à gauche)

Mme Audrey Linkenheld.  - Ça dépend pour qui !

M. Rachid Temal.  - On parle de 20 millions d'euros...

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Nous devons financer ces emplois, mais aussi connaître leur trajectoire ; il s'agit de prévoir pour budgéter.

Une voix à gauche.  - « Salauds de pauvres ! »

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Vous devriez avoir honte de parler ainsi ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; protestations sur de nombreuses travées à gauche) Il ne suffit pas de siéger à gauche pour en avoir les valeurs.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vous en êtes la parfaite démonstration...

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Nous sommes prêts à travailler à un meilleur pilotage, pour aller au-delà des soixante expérimentations en cours. Le budget passera l'année prochaine de 44 à 69 millions d'euros. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Glyphosate

M. Michaël Weber .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER) Les risques sanitaires liés à l'utilisation du glyphosate, scientifiquement avérés, ont conduit l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à le qualifier, dès 2015, de cancérogène probable.

Dans un avis controversé, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) cherche maladroitement à relativiser ces risques. Sur cette base, la Commission européenne propose de renouveler pour dix ans l'autorisation de cette substance, rejetée par deux tiers de nos concitoyens.

En 2017, la France a voté contre la prolongation de l'autorisation de cet herbicide, et le Président de la République s'est engagé à sortir la France du glyphosate en trois ans, promesse enterrée lors du grand débat. Un plan de sortie a bien été lancé en 2019, mais son efficacité est toute relative.

Par manque de courage, la France vient de s'abstenir sur la proposition de la Commission européenne, alors que deux voix manquaient pour interdire le glyphosate. Un nouveau vote est prévu dans quelques jours : allez-vous sortir du double discours sur cette question de santé publique ? Comment comptez-vous accompagner le monde agricole pour trouver des moyens de substitution ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K ; M. Ludovic Haye applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Cette question est parfois polémique et caricaturée. (Protestations sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Rachid Temal. - Ce n'est pas sérieux !

M. Marc Fesneau, ministre.  - Notre position est de tenir la trajectoire de réduction des produits phytosanitaires que nous avons amorcée lors du quinquennat précédent. Depuis 2017, nous avons réduit l'usage du glyphosate de près de 27 % : personne dans le monde n'a fait mieux ! (On le conteste sur les travées du GEST ; Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

Quand des alternatives existent, l'utilisation du glyphosate n'est plus possible : telle est la décision prise à l'échelle européenne. (MM. Guillaume Gontard et Yannick Jadot protestent.)

Dans certaines situations, il n'y a pas d'alternative, comme dans l'agriculture de conservation des sols. Sortons du « y'a qu'à, faut qu'on » et reconnaissons que nous avons besoin de recherches. Sans solution, pas d'interdiction : voilà notre ligne. (Applaudissements sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Les néonicotinoïdes sont interdits, mais nous n'avons toujours pas d'alternative. (Protestations sur plusieurs travées à gauche.) C'est beaucoup plus compliqué que vous ne pensez : parlez-en à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) !

Nous dégageons des moyens pour la recherche et l'innovation, afin de poursuivre notre trajectoire de réduction du glyphosate. Nous maintiendrons cette ligne, unique au monde. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; protestations sur plusieurs traes à gauche ; M. Thomas Dossus s'exaspère.)

M. Michaël Weber.  - Vous n'êtes pas au rendez-vous de l'histoire et du courage ! (Applaudissements nourris à gauche ; quelques huées à droite)

Évasion fiscale

M. Éric Bocquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Mille milliards de dollars : ce n'est pas une exclamation du capitaine Haddock, mais la somme, vertigineuse, des profits transférés l'année dernière par les grandes entreprises de la planète dans les paradis fiscaux, selon l'Observatoire européen de la fiscalité - soit trois fois les recettes de notre budget. (M. Didier Marie abonde.) Dans le même rapport, on apprend que les milliardaires du monde ont un taux effectif d'imposition compris entre 0 et 0,5 %...

À force de baisser constamment l'impôt sur les sociétés et les grands patrimoines, les gouvernements rognent leurs propres recettes ; le vôtre ne fait pas exception. L'évasion fiscale viendrait d'une imposition excessive ? L'argument libéral ne tient pas : les prélèvements sur les entreprises ne cessent de baisser, mais la fuite des profits s'accélère - y compris dans l'Union européenne, avec l'Irlande et les Pays-Bas.

N'est-il pas temps de mettre un terme à cette concurrence fiscale dévastatrice et d'ouvrir enfin le chantier de l'harmonisation fiscale européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, sur de nombreuses travées du GEST et sur des travées du groupe SER ; M. André Guiol et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme .  - Le ministre des comptes publics, Thomas Cazenave, m'a chargée de vous répondre.

Au printemps dernier, le Gouvernement a présenté un plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques. S'assurer que chacun s'acquitte de sa contribution est un enjeu de cohésion sociale comme de finances publiques. Ce plan prévoit 1 500 emplois supplémentaires directement consacrés à la lutte contre la fraude d'ici à 2027. Une vingtaine de dispositifs juridiques nouveaux seront soumis à votre examen, dont un renforcement de la lutte contre les prix de transfert abusifs.

Les résultats du contrôle fiscal confirment ces avancées : l'année dernière, 15 milliards d'euros éludés ont été mis en recouvrement, 25 % de plus qu'en 2018. Mais nous ne nous en satisfaisons pas. Le Conseil d'évaluation des fraudes vient de se réunir pour la première fois.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous sommes sauvés !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - L'objectif est un rapport d'ici à l'été prochain.

M. Philippe Bas.  - Encore !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Les parlementaires qui y siègent ont été désignés par les commissions des finances et des affaires sociales des deux chambres.

Des propositions complémentaires sont envisagées, comme un cadastre financier mondial et une imposition minimale des particuliers les plus fortunés à l'échelle internationale.

Nous voulons être intraitables contre les écornifleurs qui pratiquent la fraude sociale ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Cécile Cukierman. - Il y a de la marge !

M. Éric Bocquet.  - Je crains que notre pays ne soit une partie du problème, du fait des choix de votre majorité. Vous venez de faire adopter par l'Assemblée nationale un amendement exonérant d'impôt les fédérations sportives internationales : vous alimentez ainsi la course folle au moins-disant fiscal ! (Applaudissements à gauche ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Radicalisation dans le sport

M. Michel Bonnus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En cette période troublée, l'équipe de France de rugby nous a donné de la joie et nous a rendus fiers, parce qu'elle a eu du coeur.

Sur le terrain et en dehors, le sport véhicule des valeurs nobles : effort, respect, sens du collectif. Il n'a pas son pareil pour transformer les enfants et les adolescents en adultes responsables et attachés aux valeurs de la République. Je me réjouis que le Président de la République en ait fait la grande cause nationale de 2024.

Mais le sport, facteur d'émancipation et de liberté, est attaqué : il est devenu un milieu privilégié pour la promotion du séparatisme. Prières dans les vestiaires, port du voile sur le terrain, refus de la mixité : la République perd du terrain dans le sport.

Les islamistes ne se cachent plus. Voilà quelques semaines, 69 clubs de basket ont réclamé le port du voile en compétition.

Gabriel Attal n'a pas tremblé en interdisant l'abaya à l'école. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP ; Mme Cécile Cukierman s'exclame.) Madame la ministre des sports, êtes-vous prête à la même fermeté face à toute atteinte à la laïcité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes INDEP et UC ; M. Joshua Hochart applaudit également.)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques .  - La lutte contre le séparatisme dans le sport exige fermeté et lucidité. (Ironie à droite)

Sur les 3 500 contrôles menés l'année dernière, seuls 0,8 % ont mis au jour des signaux faibles de séparatisme. J'ai mis en oeuvre un plan d'action de manière résolue : 117 référents pour la prévention de la radicalisation, des référents citoyenneté dans les fédérations, 6 000 contrôles programmés cette année, un conventionnement entre onze fédérations et le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation. Des moyens supplémentaires sont aussi prévus : vingt postes cette année, près du double l'année prochaine.

S'agissant du port du voile, j'ai salué la décision du Conseil d'État de valider les statuts de la Fédération française de football permettant l'interdiction du voile en compétition pendant les matchs. J'ai conforté ce régime pour le basket et rappelé aux fédérations qu'elles ont la faculté d'ajuster leurs statuts pour se conformer à ces dispositions. (M. François Bonhomme s'exclame.) Nous les accompagnons en leur donnant toutes les clés utiles.

Ma main ne tremblera jamais pour faire respecter le contrat d'engagement républicain. Nous n'hésiterons pas à retirer des subventions et à suspendre des agréments, voire à fermer des établissements.

Le sport est un bien précieux : il doit être préservé des tentations séparatistes, mais aussi des propos inutilement polémiques ou anxiogènes. Lucidité, vigilance et la plus grande fermeté ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

M. Michel Bonnus.  - Rendre les fédérations autonomes sur ce sujet est très dangereux : on ne peut pas leur laisser les clés ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Dhersin et Olivier Cigolotti applaudissent également.)

M. Philippe Bas. - Très bien !

Territoires zéro chômeur de longue durée (II)

Mme Marion Canalès .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) J'associe Karine Daniel à ma question. Aucun répit face au chômage, aucun repli des territoires zéro chômeur, dont l'expérimentation a permis à 3 600 personnes de sortir de la privation d'emploi. Votée à deux reprises à l'unanimité au Parlement, cette solution d'insertion sur mesure est citée en exemple par la Commission européenne et adoptée par l'Italie et la Belgique.

Pourtant, à l'été, vous avez baissé la contribution de l'État de 1 500 euros par emploi et par an. À l'automne, vous présentez un budget dynamique, mais pas à la hauteur, ce qui menace les embauches. Or fragiliser le modèle, c'est précipiter l'échec ! Pourtant, les résultats sont partout visibles, au-delà même des emplois : à Thiers, en sept ans, le taux de réussite au brevet a augmenté de 12 %.

Le Parlement est unanime, les effets sont là et les territoires, les acteurs de l'économie sociale et solidaire sont au rendez-vous. Cela a un coût, mais cela n'a pas de prix. De l'argent, il en faut, mais il y en a. Il ne manque que 20 millions d'euros ; tiendrez-vous vos engagements ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Bernard Jomier.  - Vingt millions !

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Une fois n'est pas coutume, je répondrai avec des questions ; 95 % de prise en charge au niveau du Smic, c'est un taux inédit. Les départements, qui doivent payer 15 % de cette prise en charge, sont-ils prêts à accepter que le dispositif augmente sans maîtrise ? Nombre de présidents de département m'ont dit que non.

Le budget serait dynamique, mais insuffisant ? On passe de 44 à 69 millions d'euros, soit 53 % de hausse.

Mon cabinet a eu de nombreux échanges en octobre avec le conseil scientifique pour labéliser de nouveaux territoires. Mon directeur de cabinet a proposé à M. Gallois 10 millions d'euros de plus, afin d'anticiper les créations d'emploi. Nous avons essuyé un refus. (Mme Audrey Linkenheld en doute.)

Le budget de l'État, je le redis, n'est pas élastique. Nous sommes à un niveau d'intervention sans précédent. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Audrey Linkenheld et M. Hussein Bourgi protestent.)

Mme Marion Canalès.  - Vous passez d'une prise en charge de 102 % du Smic à 95 %. On ne change pas les règles en cours ! Des pistes il y en a : rétablissement de l'ISF, taxation des superprofits... (« Et allez ! » sur les travées du groupe Les Républicains) De l'argent, il y en a si on sait où chercher ! (Applaudissements à gauche)

Dotation d'équipement des territoires ruraux

M. Jean-Marc Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La moitié d'entre nous sort d'une campagne, et le constat est clair ; les maires ruraux ont besoin de soutien. Qui peut mieux s'en occuper que des élus ? Or vous avez supprimé à tort la réserve parlementaire (M. Jean-Michel Arnaud abonde) pour recentraliser cette aide dans les mains de l'État, car, nous le savons tous, les parlementaires n'ont qu'un avis consultatif dans les commissions qui attribuent la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Cette suppression a été vécue comme un abandon, les fonds de compensation promis n'ayant pas vu le jour.

Rétablirez-vous la réserve parlementaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur plusieurs travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Veuillez excuser le ministre de l'intérieur...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Où est-il ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - La DETR est essentielle à l'aménagement des territoires ruraux...

Plusieurs voix à droite.  - La réserve !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Elle a doublé en dix ans pour soutenir 22 000 projets dans plus de 15 000 communes, 800 EPCI, 550 syndicats... (Marques d'ironie à droite)

Ainsi, 1 milliard d'euros ont permis 4 milliards d'investissements : bel effet de levier.

M. Philippe Bas.  - Ce n'est pas la question !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - Les préfets sont vigilants (marques d''ironie redoublées à droite) pour que la DETR aille partout, même dans la ruralité la plus profonde. Ils consultent la commission avant toute décision. (Vives contestations et marques d'ironie à droite)

Il n'est pas nécessaire d'augmenter le nombre des membres des commissions : on ne décide pas mieux en étant plus nombreux ; mais nous tenons à ce que le préfet appelle tous les parlementaires, même ceux qui ne siègent pas à cette commission... (M. Olivier Rietmann lève les bras au ciel.)

Plusieurs voix à droite.  - Une réponse sur la réserve !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - En 105 visites en département, personne ne m'a parlé d'un problème de répartition de la DETR. (Hilarité générale à droite)

Ma collègue Prisca Thevenot a engagé un travail sur le fonds de développement de la vie associative ; nous pouvons y travailler tous ensemble ! (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

M. Jean-Marc Boyer.  - Je vous avais interrogée sur la réserve parlementaire... (Rires à droite) Il est temps de soutenir les territoires ruraux. Le Sénat avait adopté mon amendement rétablissant la réserve en 2020 et plus de 100 sénateurs ont cosigné ma proposition de loi. Notre démocratie a soif de décentralisation, de liens entre maire et parlementaire et de pouvoir rendu aux élus. Les maires ruraux le méritent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; MM. Hussein Bourgi et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)

Dépendance aux métaux chinois

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous troquons notre ancienne dépendance au pétrole contre celle aux métaux rares chinois. À partir du 1er décembre, la Chine demandera un permis d'exportation pour le graphite dont elle assure 70 % de la production mondiale et 90 % du raffinage. Or sans graphite, pas de batteries, et sans batteries, pas de transition énergétique. La Chine a pris des décisions similaires en juillet sur le gallium et le germanium.

Cette dépendance n'est pas une découverte. L'Union européenne tient une liste des matières premières critiques depuis 2011. Mme Blandin et moi-même avions écrit un rapport appelant au nécessaire recyclage des téléphones, Philippe Varin a également remis un rapport en 2022. La Commission a proposé deux textes et la France a créé un fonds d'investissement, mais ces initiatives restent embryonnaires.

Travaillez-vous à un plan d'urgence ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Claude Malhuret, Rachid Temal et Mickaël Vallet applaudissent également.)

M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger .  - La Chine, effectivement, a annoncé des mesures de contrôle à l'exportation du graphite, après le gallium et le germanium en juillet. Nous en étudions l'impact, avec la délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques et l'Observatoire français des ressources minérales.

Comment y répondre ? En se coordonnant avec les États membres de l'Union européenne et avec nos alliés - le G7 Commerce abordera la question à Osaka. Nous développons une diplomatie des matières premières et diversifions nos approvisionnements, d'où l'intérêt de nos accords avec d'autres pays du monde. Enfin, nous devons pouvoir traiter ces matières premières sur le sol européen. Le Gouvernement travaille également à une stratégie industrielle. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Tonnerre d'applaudissements !

Difficultés de la pêche

Mme Béatrice Gosselin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe Vivette Lopez à ma question.

Problèmes de carburant, Brexit : les pêcheurs vivent une crise sans précédent. Ils ont certes bénéficié de 100 millions d'euros sur les 736 millions alloués à la France pour l'ajustement au Brexit. Mais le 1er mars 2023, la France a demandé le transfert de 504 millions d'euros non dépensés pour financer le programme REpowerEU. Il aurait été pertinent d'augmenter les fonds dédiés à la pêche, afin de pérenniser l'aide au carburant autrement que par des mesures d'urgence, augmenter les plafonds des aides de minimis ou prévoir un dispositif par navire et non plus par entreprise, et accompagner la transition énergétique des navires.

Il faut aussi améliorer les services publics dans les ports : celui de Granville attend depuis trois ans un service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire (Sivep), faute duquel les navires doivent faire un détour par Saint-Malo.

La pêche participe à notre souveraineté alimentaire en pourvoyant des emplois non délocalisables. Pourquoi avoir laissé filer les crédits européens ? Quels engagements prenez-vous pour les pêcheurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Christine Herzog applaudit également.)

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer .  - La France n'a pas laissé filer 504 millions d'euros ; il n'y a pas de réserve magique ou cachée. La réserve Brexit a été utilisée conformément à son objet, dont 100 millions d'euros pour le ministère de la mer, effort salué par la Cour des comptes. (M. Rachid Temal ironise) Nous avons accompagné les pêcheurs avec 75 millions d'euros pour les carburants et fait passer le seuil des aides de 30 000 à 330 000 euros. (M. Rachid Temal ironise à nouveau.)

Nous réduisons aussi notre dépendance aux énergies fossiles, avec un plan de transition énergétique de la flotte de 450 millions d'euros issus de la taxe sur les éoliennes maritimes. Tenons les deux bouts de la chaîne : souveraineté alimentaire et énergétique ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Béatrice Gosselin.  - Il y aura revoyure en 2026 pour les contrats de pêche. Sans aide, ce sera très problématique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Critiques du Conseil de l'Europe envers la France

Mme Corinne Narassiguin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Le 10 octobre dernier, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) a largement adopté un rapport et une résolution très critiques envers la France, pointant l'usage abusif du 49.3, la surpopulation carcérale, la doctrine du maintien de l'ordre, des questionnements sur l'indépendance de la justice ou encore la concentration des médias.

Le 18 octobre, le Conseil d'État s'est opposé à l'interdiction systématique des manifestations propalestiniennes signifiée par le ministre de l'intérieur aux préfets.

Enfin, votre Gouvernement vient d'engager un treizième 49.3 sur le projet de loi de finances, battant des records de vitesse, en attendant le prochain, imminent, sur le PLFSS. Madame la Première ministre, où emmenez-vous ainsi notre démocratie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe .  - Ce rapport de l'APCE est rédigé par une commission de suivi composée de parlementaires. Si ses travaux sont de qualité, l'assemblée est consultative et les rapporteurs choisissent eux-mêmes le thème de leur rapport.

M. Hervé Gillé.  - Pas de chance !

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - Des considérations politiques pourraient avoir guidé le choix de la thématique... (Marques d'ironie à gauche) Ni l'avis du secrétaire général ni celui des autres organes décisionnaires ne sont engagés par ce rapport. Nous en étudions toutefois les recommandations. Vous noterez que sont salués les efforts de la France pour renforcer l'indépendance de la justice.

S'agissant du maintien de l'ordre, je suis un peu étonnée : l'IGPN et l'IGGN recensent le nombre de blessés pendant les missions de police : en 2022, il était de quatre...

Quant au 49.3, il fait partie de nos outils constitutionnels : 86 % des électeurs l'ont approuvé en 1958. (Exclamations amusées à gauche) Oui, c'est la Constitution.

M. Bernard Jomier.  - Ce n'est pas une réponse !

M. Mickaël Vallet.  - Vous êtes ministre des sports ? Vous sortez les rames !

Mme Corinne Narassiguin.  - Vous vous dédouanez bien vite ! La Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France à de multiples reprises pour sa surpopulation carcérale et sa politique migratoire. Votre projet de loi Immigration va restreindre encore les droits fondamentaux des personnes migrantes. M. Darmanin dit assumer ces condamnations et être prêt à soutenir les propositions de la droite visant à s'asseoir sur nos obligations européennes.

M. Michel Savin.  - Il revient à sa famille !

Mme Corinne Narassiguin.  - Pas à pas, vous emmenez la France vers un régime illibéral. (Huées à droite ; applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Centres d'hébergement d'urgence pour migrants

Mme Laurence Muller-Bronn .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En mai dernier, le maire de Saint-Brevin-les-Pins est victime d'un incendie criminel et de violences déclenchées par l'installation d'un centre d'accueil pour migrants.

Mme Laurence Rossignol.  - Non, par l'extrême droite !

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Il a démissionné, faute d'avoir été soutenu par les services de l'État. Le Gouvernement a fait son mea culpa et s'est engagé à travailler avec les élus pour assurer leur sécurité et prévenir les tensions, hélas prévisibles, dans ce type de projet.

M. Mickaël Vallet.  - Pourquoi « prévisibles » ?

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Or le 25 septembre, le Gouvernement a passé en force, contre l'avis unanime des élus locaux, un décret qui impose aux maires l'installation de centres d'hébergement d'urgence dans leur commune, sans avoir l'obligation de les consulter, ni même de les informer. N'est-ce pas une hypocrisie d'État ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - Ce décret pérennise un dispositif mis en place en juin 2021 pour faciliter certaines opérations, en les dispensant d'autorisation d'urbanisme pour une durée maximale de 24 mois. Il s'agit de constructions temporaires et démontables telles que les résidences universitaires, les résidences sociales, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale et les structures d'hébergement d'urgence. Ces dernières pourront ainsi être construites sur du foncier en attente d'urbanisation. Le champ d'application a été élargi aux constructions à l'usage de relogement temporaire, en cas d'opérations de réhabilitation du logement social par exemple.

Pour ce qui est de l'accueil des demandeurs d'asile, la création de places obéit à un schéma national décliné territorialement. Nous avons créé 30 000 nouvelles places depuis 2017, pour que cet accueil soit digne. Les préfets ont pour instruction d'associer étroitement les élus à la création de nouvelles places d'hébergement. (Dénégations sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Cette décision a été prise de façon autoritaire ! Les représentants des élus se sont prononcés, à l'unanimité et par deux fois, contre cette pérennisation d'une situation prévue pour durer trois mois. Les collectivités territoriales ne sont pas consultées, alors qu'elles sont en première ligne.

Mme Sophie Primas.  - Eh oui !

Mme Laurence Muller-Bronn.  - À Bruz en Bretagne, à Réalmont dans le Tarn, ces hébergements sont un échec, faute des services publics nécessaires à l'accompagnement, l'éducation, l'insertion et la sécurité. Le Gouvernement créé une nouvelle fois de la division et déstabilise les équilibres territoriaux.

M. le président.  - Merci de conclure.

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Votre politique ne peut conduire qu'au désordre et à l'échec. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Occupation de terrains par des gens du voyage

M. Damien Michallet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comme beaucoup d'entre nous, j'ai été maire, et j'ai été confronté à l'occupation illégale de terrains par les gens du voyage. Comme tant d'autres, je me suis retrouvé désarmé face à ces individus qui sont de fins connaisseurs de notre législation.

Que faire, sinon s'en remettre à la justice ? Or si la saisine du juge aboutit parfois à des décisions d'expulsion, celles-ci sont rarement assorties d'une autorisation de recours à la force publique. Ainsi, le tribunal a fait droit à la requête d'une intercommunalité demandant une expulsion sans délai sur la commune de La Verpillière - mais le préfet n'a pu y procéder : sur l'ordonnance, le magistrat avait rayé d'un coup de crayon l'autorisation de recours à la force publique !

Ces situations découragent les élus, dont l'intégrité physique est parfois menacée. Comment entendez-vous assurer l'application stricte des décisions d'expulsion, pour prouver aux élus que le recours à la justice n'est pas vain ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Je pensais que vous alliez m'interroger sur les rassemblements des gens du voyage ; vous soulevez en réalité la réelle difficulté pour les intercommunalités de faire appliquer la loi. Je prendrai contact avec vous à l'issue de la séance...

M. Mickaël Vallet.  - Chanceux !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée.  - ...car je suis désireuse de voir comment nous pourrions donner aux juges les moyens nécessaires. (Exclamations ironiques à droite)

S'agissant des rassemblements - je pensais que vous évoqueriez celui de Cessieu, dans votre département - les aires de nos communes ne sont pas forcément adaptées. Je vous fournirai là aussi des réponses et souhaite travailler avec vous pour que la loi soit appliquée de manière plus stricte.

M. François Bonhomme.  - Encore raté !

M. Fabien Genet.  - Il vous reste 30 secondes !

M. Damien Michallet.  - Je vous accueillerai avec grand plaisir en Isère, mais il s'agit d'une problématique nationale, tant pour les grands regroupements que pour la non-application des décisions judiciaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 15.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.