SÉANCE

du mercredi 8 novembre 2023

18e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire : Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Situation à Gaza et envoi d'armes

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Cela fait trente jours que Gaza est bombardée jour et nuit ; trente jours de siège, sans ressources ; trente jours pendant lesquels cette prison se transforme en cimetière à ciel ouvert. Au droit à se défendre succède une vengeance aveugle. (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Dominique de Villepin rappelait hier que « la force ne permet pas d'assurer la sécurité d'un peuple. Ce qui assure la paix et la sécurité, c'est la justice. » Voilà trente jours que nous attendons une parole forte de la France pour un cessez-le-feu et la libération des otages.

Le soutien inconditionnel aux opérations d'Israël est une erreur tragique et historique. Depuis dix ans, la France a vendu pour 209 millions d'euros d'armes vers Israël - bombes, roquettes - malgré le traité de l'ONU interdisant l'exportation si des armes sont utilisées pour commettre des crimes de guerre ou contre l'humanité.

À la veille de la conférence humanitaire, la France a l'occasion de faire entendre une voix forte et courageuse. Comptez-vous vous montrer à la hauteur du Général de Gaulle, qui avait décidé d'un embargo militaire au moment de la guerre de six jours ? Reconnaîtrez-vous l'État palestinien, selon ce que le Parlement a voté en 2014 ? Défendrez-vous la solution à deux États ? (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Depuis les terribles attaques terroristes perpétrées par le Hamas contre Israël, la situation dans la région est extrêmement préoccupante. Israël a le droit à la sécurité, mais dans le respect du droit international.

La situation à Gaza est dramatique. Le bilan est extrêmement lourd, avec de nombreuses victimes civiles, dont des enfants. Ils ne doivent pas payer les crimes du Hamas. La France n'a cessé de défendre le droit humanitaire, clair sur les principes de distinction, de nécessité, de proportionnalité et de précaution. Une trêve humanitaire immédiate et durable est absolument nécessaire en vue d'un cessez-le-feu.

La France est mobilisée pour la paix. Sur l'initiative du Président de la République, une conférence humanitaire internationale pour Gaza se tiendra demain à Paris.

Nous mettons tout en oeuvre pour que les ressortissants français soient rapatriés - plus de cent l'ont été depuis vendredi - et pour la libération des otages.

Notre position, invariable, est la solution à deux États. Le Président de la République la porte autour de trois piliers : la sécurité, le soutien humanitaire et un processus politique pour garantir à la fois la sécurité d'Israël et la création d'un État pour les populations palestiniennes.

La France ne ménage aucun effort pour protéger les civils et obtenir la paix. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Antisémitisme (I)

M. Dominique de Legge .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Plus de 1 000 actes antisémites ont été recensés depuis le 7 octobre, croix gammées, lettres de menaces ou agression de Français, parce qu'ils sont juifs, jusqu'à leur domicile. Comment la France en est-elle arrivée là ? Comment comptez-vous lutter contre cet antisémitisme d'atmosphère qui gangrène notre société ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Le nombre d'actes antisémites, déjà nombreux avant l'attaque du Hamas, explose. Avec 1 159 actes depuis le 7 octobre, nous sommes à plus du triple de l'ensemble de l'année 2022.

Croix gammées, étoiles de David taguées et autres agressions ont abouti à 518 interpellations. Dans les 950 lieux où les Français de confession juive ont l'habitude de se réunir, 11 000 policiers, gendarmes et militaires de la mission Sentinelle ont été déployés.

La haine est aussi en ligne, avec 7 726 signalements sur la plateforme Pharos et 296 individus identifiés.

J'ai pris des dispositions claires pour que les personnes étrangères concernées -  120 sur l'ensemble des interpellations  - se voient retirer leur titre de séjour. On ne peut pas toucher une personne de confession juive en France sans toucher toute la République : ils ont l'absolue protection de la République.

Les policiers et les gendarmes sont mobilisés dans ce but. (Applaudissements sur la plupart des travées, à l'exception de celles du groupe CRCE-K)

M. Dominique de Legge.  - Pour traiter le mal, il faut le prendre à la racine. L'antisémitisme déguisé en compassion palestinienne se nourrit du wokisme et de la haine de la culture occidentale. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Alain Marc applaudit également.) Dans ce domaine comme dans d'autres, il n'y a pas de place pour le « en même temps ». Il existe une culture française, qui puise ses valeurs dans la civilisation judéo-chrétienne. (« Oui ! » à droite ; marques de protestation à gauche)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Très bien !

M. Stéphane Ravier.  - Bravo !

M. Dominique de Legge.  - N'y renonçons pas au nom du multiculturalisme ! Nous avons fait trop d'accommodements raisonnables alors que, depuis de nombreuses années, des voix se sont élevées, que nous avons refusé d'entendre. (Marques de désapprobation à gauche)

M. Stéphane Ravier.  - La mienne !

M. Dominique de Legge.  - En 1894, Anatole France écrivait que l'antisémitisme était la mort de la civilisation européenne, des propos bien d'actualité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

Tempête Ciaran (I)

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les tempêtes Ciaran et Domingos ont déferlé du Pas-de-Calais à l'Occitanie, frappant particulièrement la Bretagne et le Nord - jusqu'à 207 km/h à la pointe du Raz. Trois personnes ont perdu la vie, dont Frédéric Despaux, agent d'Enedis mort en intervention à Pont-Aven.

Grâce au déclenchement de France Alerte, à l'action du préfet du Finistère et des services, des vies ont été sauvées. Je remercie tous les agents publics, nationaux et territoriaux, pour leur engagement.

Les Finistériens sont résilients et solidaires, mais l'inquiétude est forte dans le secteur agricole, entre serres brisées et manque d'eau pour les éleveurs. Le préjudice pour la ferme finistérienne dépasse les 200 millions d'euros. Comment soutiendrez-vous les agriculteurs, qui, toujours solidaires, dégagent des arbres comme ils aidaient l'an dernier les pompiers contre les incendies. À nous de nous tenir à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mmes Françoise Gatel et Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Je salue tous les services publics des collectivités et de l'État mobilisés durant cette tempête. Je rends hommage aux victimes, en particulier à l'agent d'Enedis venu en renfort. Je pense aux agriculteurs touchés, notamment dans le Pas-de-Calais encore aujourd'hui.

Je me rendrai la semaine prochaine dans le Finistère.

Nous prévoyons une palette de solutions. Ainsi, vous avez voté le nouveau système assurantiel qui va s'appliquer pour les pertes de récoltes, avec une indemnité de solidarité y compris pour les non-assurés. Le seuil de 50 % étant parfois insatisfaisant, nous réfléchissons à un fonds de soutien pour combler les trous dans la raquette.

Les pertes sont importantes. Certaines relèvent du régime des catastrophes naturelles, d'autres des calamités agricoles. Nous regardons comment aller plus loin, pour les fraises par exemple. Le président de la région Bretagne souhaitait soutenir l'investissement, nous pourrons l'appuyer. Dans tous les cas, il faut aller vite. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mineurs non accompagnés

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Alors que s'ouvrent les assises des Départements de France, l'afflux massif de mineurs isolés représente un véritable casse-tête pour les départements, qui consacrent pas moins de 1,5 milliard d'euros à leur prise en charge.

À l'heure où les droits de mutation à titre onéreux s'effondrent - moins 80 millions d'euros en Essonne -, l'État doit accroître son soutien.

Les départements recherchent de nouvelles solutions face à la saturation des structures d'accueil, accentuée par l'interdiction par la loi Taquet, dès 2024, de l'hébergement à l'hôtel des mineurs confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE). J'avais déposé deux amendements à ce sujet au projet de loi Immigration, déclarés irrecevables au titre de l'article 40.

Les départements demandent que la compétence de mise à l'abri des mineurs non accompagnés (MNA) revienne à l'État, ainsi que la compensation à l'euro près de leur prise en charge. L'immigration étant une compétence régalienne, l'État est-il prêt à le faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Nous sommes très attachés à la protection des enfants isolés, c'est pourquoi l'ASE prend en charge les MNA dans les mêmes conditions que les mineurs français.

Depuis 2016, l'État soutient les départements via une répartition des MNA sur le territoire et une aide financière. La loi Taquet a fait évoluer les critères pour lutter contre les abus et protéger les enfants. Nous augmentons les moyens des services de l'État, par exemple dans les Alpes-Maritimes, où le préfet a réquisitionné des locaux.

Nous avons lancé une enquête flash début septembre. Avec Charlotte Caubel et Éric Dupond-Moretti, nous recherchons des solutions de long terme. Nous rencontrerons l'Assemblée des départements de France (ADF) avec la Première ministre et discuterons des solutions à apporter. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Éligibilité des territoires ruraux au PTZ

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) « Mes amis, au secours ! » : c'était le cri d'alarme de l'abbé Pierre, il y a bientôt 70 ans, pour les sans-logis.

Les contraintes liées à la rénovation énergétique, le zéro artificialisation nette (ZAN), l'inflation, les taux d'intérêt élevés aggravent la crise du secteur du logement, qui représente plus d'un million de salariés et 400 000 entreprises artisanales. Diminution de 30 % des permis de construire, de 21 % des mises en chantier, chute d'un tiers des ventes... Quand le bâtiment va, tout va - mais quand il ne va pas ?

Il faut du temps entre le rallumage du moteur et la vitesse de croisière. Avec la fin du Pinel et l'exclusion des communes rurales du prêt à taux zéro (PTZ), les territoires ruraux sont une fois de plus oubliés. Pourtant, les besoins en logement y sont énormes et l'accès à la propriété est un facteur d'attractivité. Sans aides pour accéder à la propriété, plus de jeunes couples. Sans jeunes couples, plus d'écoles.

Je demande que les zones rurales soient éligibles aux nouvelles conditions du PTZ. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Jacques Fernique et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement .  - Nous devons faire évoluer notre modèle de développement territorial pour l'adapter aux nouveaux enjeux : transition énergétique, diversité des situations... Nous souhaitons faire évoluer notamment le PTZ. Dans le cadre du projet de loi de finances, nous proposons de le prolonger jusqu'en 2027 et de l'adapter aux différentes situations locales.

En zone tendue, là où il faut absolument construire, nous le concentrons sur le logement neuf. En zone détendue, nous maintenons l'accession sociale à la propriété dans le neuf (M. Marc-Philippe Daubresse s'exclame), notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV), ainsi que l'acquisition-rénovation.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Vous allez dans le mur, 300 000 emplois de moins !

M. Patrice Vergriete, ministre délégué.  - Par exemple, dans la Creuse, plus de la moitié des logements sont des passoires thermiques et le taux de vacance y est de 15 %. Il faut y privilégier l'acquisition-rénovation. N'oublions pas la prime de sortie de vacance. Avec Dominique Faure, je suis prêt à signer des pactes de rénovation avec les territoires volontaires pour engager cette transition. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Droit dans le mur !

Antisémitisme (II)

M. Hussein Bourgi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'écrivain martiniquais Frantz Fanon écrivait il y a soixante-dix ans : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l'oreille, on parle de vous. »

Cela fait cinq semaines que les Français dressent l'oreille : ils sont horrifiés, scandalisés par la résurgence de l'antisémitisme. Pas un jour sans une nouvelle agression, menace ou dégradation contre nos compatriotes de confession juive.

L'antisémitisme n'a jamais disparu de la société française ; désormais, il s'étale sans complexe et empoisonne la vie de nos compatriotes. Madame la Première ministre, toutes les forces politiques se lèvent.

M. Roger Karoutchi.  - Eh oui !

M. Hussein Bourgi.  - Le président du Sénat et la présidente de l'Assemblée nationale ont appelé à une manifestation dimanche prochain. Merci, monsieur le président ! (Applaudissements sur la plupart des travées)

Quels moyens le Gouvernement compte-t-il mobiliser pour que chacun prenne toute sa part pour lutter contre ce fléau ? (Applaudissements sur la plupart des travées)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Plus de 11 000 policiers sont mobilisés sur 950 sites fréquentés habituellement par les Français de confession juive. Des manifestations ont été interdites pour que Paris évite d'entendre « Mort aux Juifs » comme en 2013 ou que des synagogues soient attaquées au cocktail Molotov, comme à Berlin.

Malheureusement, ceux qui passent à l'acte sont souvent très jeunes. Je suis prêt à répondre sur ce sujet aux questions de votre commission des lois : ont été interpellées 120 personnes étrangères, dont une quarantaine en situation irrégulière et trois fichés S. (M. Marc-Philippe Daubresse le confirme.)

Sur les 500 interpellés, il y a de nombreux jeunes, voire des mineurs, comme ceux ayant chanté des chants nazis dans le métro, qui font l'objet d'une enquête très suivie par la préfecture de police.

Chaque acte antisémite, dans le monde physique ou sur internet, fait l'objet d'une procédure, dès le moindre graffiti.

La sévérité de la justice attend tous ceux qui ont proféré des menaces de mort, notamment contre des rabbins. À Levallois-Perret, en vingt minutes et via TikTok, la police a arrêté l'auteur.

Lorsque 75 % des contenus antisémites constatés sont visibles sur Twitter, nous devons tous réfléchir à l'accès à ces plateformes. (MM. Pierre Jean Rochette et Michel Savin applaudissent.)

Tout le monde doit prendre sa part. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Hussein Bourgi.  - Sur toutes nos travées, vous nous trouverez toujours mobilisés, à commencer par dimanche prochain. Nous sommes tous dépositaires de la phrase « Heureux comme un juif en France », qui nous oblige. (Applaudissements sur la plupart des travées)

Annonces du Gouvernement à la suite des émeutes de l'été 2023

M. Pierre Barros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) La mort du jeune Nahel, 17 ans, lors d'un contrôle policier, a été le point de départ de huit jours d'émeutes d'une rare intensité. Maire de Fosses, j'ai été, comme d'autres élus, témoin de graves violences. Je salue l'engagement des policiers et des gendarmes comme de tous les élus et agents du service public.

Quatre mois après ces tragiques événements, la présentation du plan gouvernemental était très attendue. Madame la Première ministre, j'étais à la Sorbonne : bien des élus en sont sortis déçus. Le tout-répressif et le contrôle social sont une double peine sur les familles monoparentales.

Avez-vous entendu les élus ? S'ils demandent à armer les polices municipales, c'est parce que les forces de l'ordre ont disparu de leurs territoires et que l'État n'y assure pas ses compétences régaliennes.

Quand on parle de la police de proximité, il faut non seulement augmenter les effectifs, mais aussi reconnaître la complexité de ce métier en termes de rémunérations et de carrière. Madame la Première ministre, vous donnez-vous ces moyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - Des actions immédiates de gestion de crise ont d'abord été prises pour rétablir l'ordre républicain, puis un projet de loi transpartisan a été consacré à la reconstruction.

En parallèle, le Gouvernement a pris le temps du diagnostic. Une concertation s'est tenue avec les élus locaux. La Première ministre a annoncé le 26 octobre des mesures qui ne concernent pas que la sécurité, à commencer par le déploiement des forces d'action républicaine, expérimenté à Besançon, Valence et Maubeuge. (M. Laurent Burgoa ironise.)

La responsabilisation des parents est un enjeu majeur : ils seront impliqués dans l'indemnisation des victimes. Les classes de défense et le service militaire volontaire participeront de la réinsertion des jeunes décrocheurs dans une citoyenneté active.

Nous avons aussi créé une peine complémentaire de suspension de compte d'utilisateur en cas d'infraction sur une plateforme en ligne.

M. le Président.  - Concluez !

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Il s'agit d'une réponse multiforme. Le Gouvernement déploie tous les leviers pour que ces événements ne se reproduisent plus. (MM. Olivier Bitz et François Patriat applaudissent.)

M. Pierre Barros.  - Nous avons lu le communiqué de presse. C'est bien d'expérimenter... mais il serait mieux que, à titre expérimental, l'État fasse son travail ! (Rires ; applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État.  - Faites le vôtre aussi.

Mariages d'étrangers en situation irrégulière

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Stéphane Wilmotte, maire d'Hautmont, dans le Nord, a obtenu, grâce à son courage et à l'aide du préfet et du ministre, l'expulsion d'un imam salafiste qui faisait l'apologie du terrorisme - aujourd'hui en Algérie. Demain, ce maire, à la suite d'une citation directe de ce triste individu, se trouvera devant le tribunal. Sans faire la moindre pression sur la justice, souveraine, je souhaite poser des questions que je crois légitimes.

Est-il opportun de modifier la législation ? C'est le sens de l'amendement que j'ai déposé avec Stéphane Demilly. Faut-il renforcer l'accompagnement des maires par les préfets et les procureurs ? Prolonger le délai d'enquête avant un mariage ?

Nous ne pouvons laisser les maires, ces soutiers de la République, seuls face au problème des mariages de complaisance, qui risquent de se multiplier avec le renforcement de notre législation sur l'immigration. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je salue le courage du maire d'Hautmont qui, en interpellant le préfet, ainsi que vous et moi, a obtenu l'expulsion de cet imam étranger qui défendait une version moyenâgeuse et radicale de l'islam ; il est désormais interdit de retour sur le territoire français. M. Wilmotte, qui paie cher ce courage, a l'entier soutien de la République, du ministère de l'intérieur et de ses services, et a reçu une protection face aux menaces qu'il reçoit.

Vous avez raison : les enquêtes doivent sans doute durer plus longtemps pour que les maires puissent agir en cas de doute sur la véracité du mariage d'un étranger. Par ailleurs, comme on l'a vu à Béziers, le droit de se marier ne peut en aucun cas être un obstacle à l'éloignement d'un étranger en situation irrégulière.

Dans le cadre de loi Immigration, vous avez adopté un amendement de M. Bitz qui porte la peine pour fraude documentaire concernant la reconnaissance de paternité à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Nous travaillons à un dispositif qui permettra aux maires d'empêcher qu'on se marie non par amour, mais par intérêt, contre la République. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes UC et INDEP)

M. Olivier Henno.  - Merci de saluer le courage de M. Wilmotte. Nous avons le devoir de ne pas laisser les maires seuls. Ce cas n'est pas isolé, et risque de se reproduire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Maintien d'Atos dans le giron français

M. Cédric Perrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la Première ministre, nous sommes entrés dans une ère où la compétition stratégique est la norme et la lutte contre les ingérences étrangères, une nécessité.

La délégation parlementaire au renseignement en a fait le thème de son dernier rapport. Son président, Sacha Houlié, membre de votre majorité, vous invite à sortir du déni. Dans le même sens, j'ai récemment publié avec d'autres parlementaires Les Républicains une tribune, « Cessons de vendre nos fleurons à des puissances étrangères », appelant à refuser la vente d'Atos à EP Equity Investment, la société du milliardaire tchèque Daniel K?etínský. Depuis, les déboires se sont succédé : chute vertigineuse de l'action d'Atos, plainte au parquet national financier, départ forcé du président-directeur général, arrivée opportune d'un nouvel investisseur...

Atos est une entreprise privée, mais ce n'est pas une entreprise comme les autres : c'est sur ses supercalculateurs que repose la sûreté de notre parc nucléaire. Cela fait peser un risque inacceptable sur notre souveraineté. Comment comprendre le silence assourdissant de votre Gouvernement ? Nous attendons une réponse claire. (« Bravo !» et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du numérique .  - Vous avez raison, Atos n'est pas une entreprise comme les autres, mais un fleuron industriel français : 100 000 emplois, présence dans plus de 70 pays et des savoir-faire français qui rayonnent dans le monde entier.

Pour une part minoritaire de ses activités, elle présente un intérêt stratégique : elle est la dernière entreprise européenne à concevoir des supercalculateurs et sera le premier partenaire des jeux Olympiques et Paralympiques pour la cybersécurité...

Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains.  - La réponse !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Je pense aussi à la supervision de notre parc nucléaire.

Contrairement à ce qui a été proposé à l'Assemblée nationale, le Gouvernement n'est pas favorable à la nationalisation d'Atos, qui ne réglerait pas les problèmes de l'entreprise. Atos a besoin de partenaires industriels et d'investisseurs, non de la tutelle de l'État.

Une prise de participation inférieure à 10 % aura une influence marginale sur la vie de l'entreprise. (Plusieurs voix à droite et M. Rachid Temal le contestent.)

Le code monétaire et financier soumet, de toute manière, toute prise de participation dans une entreprise stratégique à une autorisation du ministre de l'économie et des finances. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Rachid Temal.  - Que fera-t-il ?

Plusieurs voix à droite. - Où est-il ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - C'est rassurant...

M. Cédric Perrin.  - Ceux qui attendaient une réponse claire en sont pour leurs frais... À travers sa commission des affaires étrangères et de la défense et, si elle le souhaite, sa commission des affaires économiques, le Sénat remplira sa mission constitutionnelle de contrôle dans l'affaire Atos ! (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)

Aide médicale d'État

M. Patrick Kanner .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis sa création par Lionel Jospin, l'aide médicale d'État (AME) est combattue par les extrêmes droites, de Le Pen à Zemmour. Hier, le Sénat a voté sa suppression, sans opposition du Gouvernement : une digue de plus vient de sauter. (Murmures désapprobateurs à droite)

Le tout sur fond de cacophonie gouvernementale : début octobre, Gérald Darmanin s'est déclaré pour la suppression ; avant-hier, madame la Première ministre, vous avez indiqué y être défavorable, au nom de l'humanité et de la santé publique, dans l'attente du rapport Stefanini-Evin ; hier, après un plaidoyer presque émouvant en faveur de l'AME, la ministre Firmin Le Bodo s'est subitement dédite en émettant un avis de sagesse, blanc-seing pour la droite sénatoriale ; le soir même, son ministre de tutelle, Aurélien Rousseau, l'a désavouée, qualifiant la suppression de grave erreur. (Marques d'ironie à droite)

Nous partageons l'avis de votre ministre - le dernier dont j'ai parlé... (Rires à gauche) Nous dénonçons le calcul de la droite sénatoriale, prête à sacrifier la santé des étrangers et la santé publique par cynisme électoral ! (Applaudissements nourris sur les travées des groupes SER, CRCE-K, du GEST et du RDSE ; exclamations indignées à droite) L'ensemble du corps médical est révolté, une certaine idée de la République sociale est bafouée. (On continue de s'indigner à droite.)

Madame la Première ministre, à quelques heures de la prévisible suppression des articles 3 et 4 du projet de loi sur l'immigration, nous en sommes réduits à constater la recomposition de la droite, avec votre ministre de l'intérieur à la manoeuvre. Quelle est la position officielle du Gouvernement sur l'AME ? (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur les travées des groupes SER, CRCE-K, du GEST et du RDSE)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Le projet de loi Immigration, que vous examinez en ce moment, répond à un double objectif : éloigner plus rapidement ceux qui n'ont pas vocation à rester sur notre sol et mieux intégrer ceux que nous choisissons d'accueillir. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER)

M. Patrick Kanner.  - C'est mal parti !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - S'agissant de l'AME, la position du Gouvernement est sans ambiguïté ; elle a été exprimée clairement hier.

M. Rachid Temal.  - Par qui ? (On se gausse à gauche.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - L'AME est nécessaire et répond à un impératif de santé publique. (Exclamations à gauche)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et voilà !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Elle protège tous nos concitoyens en évitant la propagation de certaines maladies. (Vifs applaudissements et rires sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST ; applaudissements sur les travées du RDSE)

Ce dispositif est très encadré ; il est même le plus surveillé de l'assurance maladie. (« Bravo ! » ; vifs applaudissements et rires à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE ; marques de scepticisme à droite)

Nous avons besoin d'un diagnostic objectif et précis : c'est l'objet de la mission confiée à Patrick Stefanini et Claude Evin. La ministre déléguée vous l'a dit hier, cet état des lieux permettra, le cas échéant, de proposer des évolutions pour l'AME. Les conclusions de la mission, attendues pour début décembre, seront rendues publiques, et nous en tirerons les conséquences dans la suite du débat parlementaire.

L'AME a déjà été réformée, en 2019, dans le cadre naturel qu'est le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Monsieur Kanner, ma méthode est constante : les faits, le débat et la recherche d'efficacité - l'inverse du dogmatisme et des postures ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Dites-le à la droite !

M. Stéphane Ravier.  - Et le 49.3 !

Stocks de procédures judiciaires

Mme Françoise Dumont .  - Ma question s'adressait à M. le garde des sceaux. (Exclamations amusées sur plusieurs travées)

M. Rachid Temal.  -  Il est occupé ! (L'amusement redouble.)

Mme Françoise Dumont.  - Le 27 octobre dernier, RMC a dévoilé des éléments du rapport commun de l'IGPN, l'IGA et l'IGJ sur la gestion des stocks de procédures, remis au Gouvernement en juin. J'ai plusieurs fois demandé à le consulter, sans succès -  les journalistes, eux, ont pu s'en procurer un exemplaire.

Le rapport indiquerait que, l'année dernière, les commissariats disposaient d'un stock de 2,7 millions de plaintes, dont un tiers de plus de deux ans ; il faudrait y ajouter les 3,5 millions de plaintes déposées cette année. Il préciserait que des dossiers portant sur des faits graves dorment sans avoir fait l'objet d'investigations, alors que les auteurs présumés ont été identifiés. Le rapport conclurait que le stock de procédures pourrait atteindre 3,5 millions de plaintes en attente en 2030.

Dans un État de droit, on ne peut laisser des coupables impunis, il faut répondre au devoir de justice vis-à-vis des victimes. Cette situation est-elle liée à un manque de personnels ? Quelles sont les dix-sept recommandations du rapport ? Le Gouvernement entend-il y donner suite, et quand ? Surtout, les 2,7 millions de dossiers en souffrance seront-ils traités avant la fin des délais de prescription ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Le garde des sceaux et moi-même sommes conscients des grandes difficultés de la filière investigation. C'est pourquoi nous avons commandé cet état des lieux, qui sera naturellement rendu public.

Environ 3 millions de plaintes ne sont pas actuellement suivies. Je rappelle que 5 millions de plaintes sont déposées chaque année devant la police et la gendarmerie, ce qui est considérable, pour des faits très divers, des atteintes physiques, extrêmement graves, aux dégâts matériels, qui n'ont pas la même urgence.

Pourquoi un tel stock ? Il y a, en effet, un manque chronique de policiers et gendarmes. Grâce à votre soutien, nous avons augmenté les effectifs de 17 000 agents, réparant en cela beaucoup d'erreurs.

M. Rachid Temal.  - De Sarkozy ?

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur.  - Nous ne pouvons créer ex nihilo des officiers de police judiciaire (OPJ), il faut les former. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) permet de nommer des OPJ dès l'école de police.

En outre, le garde des sceaux a simplifié la procédure pénale. De mon côté, j'ai fait avancer la numérisation des procédures : désormais, plus de la moitié sont dématérialisées. Les moyens des parquets et des greffes ont été renforcés.

Bien sûr, nous traiterons l'ensemble des procédures ; il n'y aura pas de délai de prescription. J'ai donné pour consigne qu'on traite en priorité les plaintes visant des atteintes aux femmes et aux enfants. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent.)

Avenir des concessions autoroutières

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 22 mars dernier, le ministère de l'économie et des finances a publiquement annoncé qu'il interrogerait le Conseil d'État sur un possible raccourcissement de la durée des contrats de concession d'autoroute. Le 8 juin, le Conseil d'État a rendu son avis.

Entre ces deux dates, est-il exact que les sociétés d'autoroutes ont engagé un contentieux pour atteinte à leur image ? (M. Mickaël Vallet s'exclame.) Pensez-vous que cette procédure ait eu un effet sur l'avis du Conseil d'État ? Le Sénat a réclamé un sommet des autoroutes, maintes fois repoussé : quand aura-t-il lieu ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Mickaël Vallet.  - Bravo !

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Monsieur le sénateur, chacun connaît votre expertise dans le domaine autoroutier - votre passion, même.

Bruno Le Maire et moi avons, en effet, annoncé devant l'Assemblée nationale en mars que nous allions saisir le Conseil d'État sur la possibilité juridique de raccourcir la durée des concessions sans compensation massive, mais aussi sur la contribution des sociétés autoroutières à notre stratégie de décarbonation, dont vous serez saisis dans le cadre du projet de loi de finances.

En effet, les sociétés d'autoroute ont ouvert un contentieux. C'est leur droit. Le seul effet possible sur la saisine du Conseil d'État aurait été que celui-ci suspende ses travaux consultatifs, ce qu'il n'a pas fait. Il nous a remis son avis, que nous avons rapidement rendu public.

Bref, en aucun cas ce contentieux n'a pu affecter l'indépendance du Conseil d'État ; les règles ont été entièrement respectées. À supposer qu'il y ait eu pression, celle-ci ne fonctionne pas, puisque nous avons proposé au Parlement une contribution des sociétés d'autoroute.

D'ici à la fin de l'année, nous lancerons des travaux sur l'avenir des concessions, en y associant le Sénat et l'Assemblée nationale.

M. Vincent Delahaye.  - Mes informations allaient dans le sens d'une influence de ce recours sur le Conseil d'État, mais je prends acte de vos déclarations. Il est important que nous dialoguions avec vous et les sociétés d'autoroutes, qui ne sont pas très ouvertes au dialogue, sur l'équilibre financier de ces contrats.

Nous considérons qu'ils sont beaucoup trop profitables. En particulier, l'indexation des tarifs sur l'inflation est inadaptée, car les charges de ces sociétés dépendent peu de l'inflation. L'augmentation, cette année, a été très forte, de 4,75 %, soit 4 milliards d'euros de bénéfices supplémentaires d'ici à la fin des contrats.

Soyons vigilants sur ces augmentations et rappelons que, dans une concession, le patron, c'est l'État ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains)

Suites judiciaires des émeutes urbaines

Mme Marie-Carole Ciuntu .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait à M. le garde des sceaux, dont nous regrettons l'absence.

Le maire de L'Haÿ-les-Roses et sa famille attaqués à leur domicile, les mairies de Villeneuve-le-Roi et Valenton réduites en cendres, des commissariats pris pour cible, comme à Villecresnes et Sucy-en-Brie : le Val-de-Marne a payé un très lourd tribut aux récentes émeutes.

Si trois personnes ont été condamnées pour l'incendie du poste de police de Villecresnes, aucune autre suite judiciaire n'a été apportée à ces faits, à ma connaissance.

Alors que ces émeutes ont entraîné 650 millions d'euros de dégâts à un millier de bâtiments publics et que les symboles mêmes de la République ont été visés, la Première ministre a insisté, le 26 octobre, sur la nécessité d'une réponse pénale exemplaire. Nous ne pouvons que souscrire à l'objectif, mais, cet été, seulement 1 000 condamnations avaient été prononcées, le plus souvent à de courtes peines, pour 10 000 émeutiers.

Où en sommes-nous ? Nous demandons un bilan département par département du nombre de personnes condamnées, des peines prononcées et de leur exécution. Tous les moyens de l'État doivent être mobilisés, il y va de sa crédibilité et de celle des élus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville .  - Entre le 27 juin et le 6 juillet derniers, 516 communes de 66 départements ont été le théâtre de violences urbaines. Le 30 juin, le garde des sceaux a demandé par circulaire une réponse pénale rapide, ferme et systématique.

Le traitement juridique des affaires a été empreint de célérité. Le taux de réponse pénale s'élève à 92 %, le taux de déferrement de 90 % et le recours à la comparution immédiate a été massif. Près de 1 800 personnes ont été condamnées à une peine d'emprisonnement, d'un quantum moyen de neuf mois ferme.

Le garde des sceaux a présenté des mesures concrètes pour renforcer la répression envers les plus jeunes et responsabiliser leurs parents, dont un placement éducatif de jour ou de nuit pour les mineurs, un partenariat renforcé avec l'armée et la création d'une responsabilité civile de plein droit des deux parents d'un mineur, même séparés. Ces mesures fortes ont été saluées par de nombreux élus. (MM. François Patriat et Olivier Bitz applaudissent ; marques de scepticisme à droite.)

Mme Marie-Carole Ciuntu.  - Pour le maire de L'Haÿ-les-Roses, l'espoir d'une sanction de ses agresseurs s'éloigne encore. Vous l'aviez pourtant assuré, madame la Première ministre, qu'ils seraient punis. Nous l'espérons bien ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Tempête Ciaran (II)

M. Simon Uzenat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La tempête Ciarán a durement éprouvé la Bretagne. Nous saluons l'engagement des pompiers, des forces de l'ordre et de sécurité civile, des agents locaux ainsi que des opérateurs, et rendons hommage à Frédéric Despeaux, agent d'Enedis décédé dans l'exercice de ses fonctions.

Alors que le monde agricole est lourdement touché, le comité catastrophe naturelle ne se réunit que le 14 novembre, bien tard. Confirmez-vous que les dégâts de la tempête entrent dans ce champ de garantie ?

Le Gouvernement parle de quelques pourcents de foyers à raccorder, mais ce sont des dizaines de milliers de Bretons qui subissent les conséquences des promesses non tenues. Réseau cibi improvisé faute de téléphone satellitaire en Finistère, usine d'eau potable dépriorisée dans les Côtes-d'Armor, station d'épuration sans électricité dans le Morbihan... Des maires sont contraints d'appeler le copain d'un copain chez Enedis, d'utiliser leur propre véhicule pour aller chercher des groupes électrogènes, de multiplier les relances pour sécuriser des points critiques... Perdus au milieu de nulle part, obligés d'endosser des responsabilités majeures sans moyens ni informations, les élus sont à bout.

La sous-traitance de l'État confine désormais à la maltraitance. Nous voyons là les effets directs du sous-investissement chronique dans nos services publics. Face à la multiplication prévisible des catastrophes climatiques, il est urgent d'agir. Quelles mesures concrètes allez-vous prendre ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Les dommages causés par les vents violents sont couverts par la garantie tempête des polices d'assurance souscrites par les collectivités. Vendredi dernier dans le Finistère, le Président de la République a annoncé le déclenchement rapide de l'état de catastrophe naturelle et de l'état de calamité agricole.

Le comité catastrophe naturelle se réunira le 14 novembre, c'est très rapide. Le décret paraîtra bientôt. Le mécanisme couvrira notamment les dommages liés aux phénomènes de submersion ou de débordement des cours d'eau. En cas de difficulté, les collectivités peuvent saisir elles-mêmes le médiateur des assurances.

Enfin, la dotation de solidarité peut prendre en charge les dégâts subis par les biens des collectivités ; j'ai demandé à la direction générale des collectivités locales (DGCL) de rappeler les règles aux préfets, pour une prise en charge rapide. J'y veillerai personnellement. Par ailleurs, le ministre de l'agriculture poursuit l'évaluation des dégâts afin d'enclencher au plus vite la procédure de reconnaissance en calamité agricole. Les pertes de récoltes seront prises en charge pour les agriculteurs non assurés via l'indemnité de solidarité nationale.

Comme à chaque fois, nous serons aux côtés des collectivités, des agriculteurs et de tous nos concitoyens. (M. François Patriat applaudit.)

Harcèlement scolaire

Mme Agnès Evren .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur Attal, dès votre prise de fonction, vous avez eu des mots forts et courageux contre le harcèlement scolaire. L'omerta était devenue insupportable.

Les chiffres sont accablants. Un jeune sur cinq est victime de harcèlement scolaire, deux fois plus qu'avant ; la moitié des victimes ne parlent pas ; 80 % des parents sont inquiets. Les faits, démultipliés par les réseaux sociaux, ne s'arrêtent plus aux grilles de l'école, ne laissant aucun répit aux victimes.

Les 30 millions d'euros annoncés pour les brigades anti-harcèlement suffiront-ils, alors que les établissements manquent de médecins, de psychologues et d'infirmiers scolaires ? Tous les personnels seront-ils systématiquement formés à prévenir et détecter ? Allez-vous rendre obligatoire le questionnaire d'autoévaluation alors que les deux heures banalisées sont facultatives ?

Allez-vous mettre en place des mesures d'éloignement du harceleur pour protéger la victime, comme le propose Marie Mercier dans sa proposition de loi ? (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains) Face à ce drame humain, l'action doit être à la hauteur de la communication. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - S'il est une cause qui peut nous rassembler, c'est la lutte contre ce fléau. Des élèves vont à l'école la boule au ventre, certains finissent par se donner la mort.

Nous avons besoin de toutes les bonnes idées, et sommes bien sûr attentifs aux propositions du groupe Les Républicains et de Mme Mercier. (« Ah ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Sur la formation, nous généralisons le programme de lutte contre le harcèlement à l'école (pHARe), qui prévoit au moins cinq adultes formés par établissement - des enseignants, mais aussi par exemple des agents de la cantine, bien placés pour détecter.

Demain, journée nationale de lutte contre le harcèlement, tous les établissements scolaires organiseront une action. Les deux heures banalisées ne sont pas optionnelles : elles seront consacrées à débattre du sujet et à remplir le questionnaire d'autoévaluation élaboré avec Marcel Rufo, Éric Debarbieux et Nicole Catheline.

Sur les sanctions, je l'ai dit dès cet été, c'est aux harceleurs de quitter l'établissement et non aux harcelés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC et du RDSE) À Mont-de-Marsan, une semaine après le dépôt d'une plainte le 9 octobre, trois harceleurs ont été interpellés ; ils passeront devant le juge des enfants le 15 novembre. Entretemps, ils ont été exclus de l'établissement, comme plusieurs dizaines de jeunes harceleurs depuis que j'ai pris cette décision. La peur et la honte sont en train de changer de camp. Il y a encore du travail, mais vous pouvez compter sur ma mobilisation, comme je sais pouvoir compter sur la vôtre. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du GEST)

Mme Agnès Evren.  - Malgré les nombreuses annonces sur le respect de la laïcité à l'école, celle-ci est aujourd'hui fragilisée comme jamais. J'espère qu'il n'en sera pas de même pour la lutte contre le harcèlement scolaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Jurisprudence européenne sur le refoulement des migrants

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'article 78-2 du code de procédure pénale prévoit qu'un étranger qui ne dispose pas des documents nécessaires s'expose à un refus d'entrée sur le territoire et peut être placé en zone d'attente, le temps pour l'administration d'organiser son retour. Cette mesure a prouvé son efficacité.

Or dans un arrêt du 21 septembre 2023, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a considéré que la France ne pouvait refouler des personnes migrantes entrées illégalement sur son sol sans leur octroyer un délai pour quitter volontairement le territoire. Sur le terrain, cela se traduira par une procédure administrative de réadmission, à rebours du message de fermeté du Gouvernement.

Cette décision court-circuite notre droit national, dans un contexte d'augmentation des flux migratoires. Dans les Hautes-Alpes, où les migrants empruntent régulièrement les cols de l'Échelle et de Montgenèvre pour passer d'Italie en France, ni l'accueil ni la surveillance des frontières ne sont à la hauteur.

Comment la France prendra-t-elle en compte cette décision dans le contexte de l'examen du projet de loi Immigration ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Dans les Hautes-Alpes comme dans les Alpes-Maritimes, nous avons considérablement renforcé les moyens et expérimenté un commandement unique des forces qui protègent nos frontières. C'est très efficace : depuis le 1er juillet, nous avons augmenté de 70 % les retours dans les pays d'origine, et plus de 60 000 refus d'entrée ont été prononcés depuis le début de l'année.

Le Conseil d'État ayant saisi la CJUE sur cette question préjudicielle, à la demande d'associations militantes, il doit désormais interpréter sa décision. Je précise que celle-ci n'interdit pas aux États européens de rétablir les contrôles aux frontières intérieures, comme nous le faisons depuis 2015, au vu de la menace terroriste.

Nous espérons que le Conseil d'État reconnaîtra que les gendarmes et policiers ne peuvent être engoncés dans des procédures administratives ou judiciaires s'apparentant à la garde à vue, et considérons que l'expérimentation menée depuis juillet pour un refus d'admission rapide est compatible avec le droit européen.

J'attends avec confiance la décision du Conseil d'État.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Nous devons aussi accompagner dignement les migrants qui franchissent la frontière, accueillis dans des bungalows à 1 850 mètres d'altitude, et renforcer durablement le contrôle à la frontière italienne avec un escadron de gendarmerie permanent. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de Mme Sophie Primas, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 30.