Immigration et intégration (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

Demande de réserve

M. Patrick Kanner.  - Avec les articles 2 bis et 2 ter, nous abordons des questions relatives au code de la nationalité. En vertu des articles 32 et 44 alinéa 6 de notre Règlement, je demande la réserve des articles 2 bis et 2 ter, afin de permettre au garde des sceaux d'être présent au banc des ministres lors de leur examen.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois.  - Avis défavorable. La commission a mené un long travail, y compris avec le cabinet de la Chancellerie, et il n'y a pas de difficulté particulière.

Le président Kanner est malicieux...

M. Patrick Kanner. - Facétieux !

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - ... mais j'agirais de même si l'un d'entre nous se trouvait dans une telle situation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer.  - Cette demande n'est pas nécessaire, elle est indélicate et sera sans effet. Lorsqu'un ministre est au banc, il s'exprime au nom de tout le Gouvernement. Que n'avez-vous demandé la réserve sur les articles qui concernaient le code du travail hier ! Vous auriez pu exiger la présence d'Olivier Dussopt !

Plusieurs voix sur les travées du groupe SER.  - Nous avons réclamé sa présence !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Votre demande est politicienne.

L'avis sera systématiquement défavorable sur les amendements relatifs au code de la nationalité, qui sont d'évidents cavaliers législatifs.

Défavorable à la demande de réserve, sur le fond comme sur la forme.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 44.

Le dysfonctionnement est total. Le garde des sceaux est jugé par la justice en ce moment même, et travaillerait le soir et la nuit ? Nous débattrions du droit du sol en son absence ?

Nous avons invoqué l'article 45 en commission, sans succès.

Vous nous taxez d'indélicatesse, mais il ne s'agit pas d'appliquer le manuel de savoir-vivre de Mme de Rothschild ! Il s'agit du fonctionnement du Gouvernement ! Monsieur le ministre, votre réponse est légère.

La réserve n'est pas ordonnée.

Demande de priorité

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - En application de l'article 44 de notre Règlement, la commission des lois demande la priorité d'examen des amendements nos655 à l'article 3 et 656 à l'article 4.

Nous demanderons en outre une suspension de quinze minutes après l'examen des amendements portant articles additionnels après l'article 2 ter afin d'examiner les sous-amendements déposés depuis la réunion de commission de ce matin.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis favorable.

La priorité est ordonnée.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 2 BIS

Mme Corinne Narassiguin .  - L'article 2 bis, introduit en commission par Les Républicains, est une régression inacceptable, en plus d'être cavalier législatif. Il vise à mettre fin à l'acquisition automatique de la nationalité, à leur majorité, des jeunes nés en France de parents étrangers. Le signal que nous leur adressons est terrible. Ils devront toujours prouver qu'ils méritent d'être français alors qu'ils n'ont connu que la France. (MM. André Reichardt et Roger Karoutchi manifestent leur agacement.)

Comment avoir envie de vous intégrer quand la République vous signifie qu'elle ne veut pas vous intégrer ? La volonté doit se manifester dans les deux sens !

La loi Pasqua a été abrogée en 1998 par Lionel Jospin, car cela ne fonctionnait pas. Et le rapport de Patrick Weil a montré l'inefficacité et l'injustice de telles mesures.

Mme Audrey Linkenheld .  - J'ajoute que les jeunes filles pourraient être empêchées de manifester leur volonté. En prenant une telle disposition, nous créerions des inégalités de traitement dans une même famille et irions au-devant de situations administratives complexes.

Cet article est en contradiction totale avec notre conception de la République. Nous aurions aimé entendre le garde des sceaux sur cette mesure qui n'a pas sa place dans un projet de loi relatif à l'immigration.

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux et Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset.

Supprimer cet article.

M. Henri Cabanel.  - Nous sommes résolument contre cet article 2 bis, résurgence de la loi Pasqua.

Une formalité administrative ne crée pas un attachement. Nous sommes attachés au droit du sol.

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir, vous aussi, déposé d'amendement de suppression ?

Mme la présidente.  - Amendement identique n°169, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Corinne Narassiguin.  - Le ministre l'a dit, il sera favorable à ces amendements de suppression, car cette mesure n'a pas sa place ici. Mais pourquoi n'avoir pas lui-même déposé un amendement de suppression ?

Cet article est d'autant plus inutile que le droit prévoit déjà que l'acquisition de la nationalité peut faire l'objet de la manifestation de sa volonté de la part du demandeur, entre 13 et 16 ans.

Nous allons créer une rupture d'égalité dans la République. C'est intolérable : s'il y a bien un domaine sur lequel nous ne pouvons transiger, c'est notre appartenance à la République.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°286 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

M. Guy Benarroche.  - On peut en effet s'étonner de l'absence du garde des sceaux.

Sur le fond, nous sommes choqués par ces modifications du droit du sol. La manifestation de volonté, qui n'est pas définie, risque d'être diversement interprétée. Et quid de ceux qui ne sauront pas qu'ils doivent se manifester ? De ceux qui se manifesteront trop tard ? De ceux qui seront partis un an à l'étranger avec leurs parents au cours des cinq ans ?

Mme la présidente.  - Amendement identique n°467, présenté par M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Pascal Savoldelli.  - Le combat de la droite contre le droit du sol n'est pas nouveau : c'est leur idée fixe. L'automaticité d'acquisition de la nationalité avait déjà été supprimée par Édouard Balladur, à la suite des travaux de la commission mise en place par Jacques Chirac et présidée par Marceau Long.

Pourtant, le droit du sol accompagne toute l'histoire de la République. (M. Roger Karoutchi le conteste.)

Mme Boyer a déposé de nombreux amendements.

Mme Frédérique Puissat.  - Elle travaille !

M. Pascal Savoldelli.  - Comment oublier que c'est Vichy qui a le premier remis en cause le droit du sol ? Et l'ordonnance de 1945, issue du combat des Français et des immigrés contre le nazisme, qui a instauré le droit du sol actuel.

La proposition de la droite sénatoriale est dangereuse : elle fait planer un doute sur l'avenir d'une partie de notre jeunesse.

Le droit du sol a supplanté celui du sang, mais je rappelle qu'à une époque, on parlait de sang impur... Le droit du sol doit être conçu comme une citoyenneté politique.

Mme Audrey Linkenheld.  - Très bien !

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois.  - Avis défavorable. Nous nous serions bien dispensés de ce rappel historique, d'autant que le droit du sol a commencé bien avant la Première Guerre mondiale. Les fondements juridiques ne sont pas exactement ceux que vous évoquez.

Cet article provient en effet d'un amendement de Mme Boyer, très investie sur ces sujets, qui « tangente » les limites de l'article 45 ; nous en sommes conscients.

Demander une manifestation de la volonté ne nous paraît pas anormal pour un jeune né en France de parents étrangers et qui a peut-être grandi dans une communauté dont il se sent proche. Il n'aura rien à prouver, juste à manifester sa volonté.

Personne ne cherche à faire vivre la mémoire de M. Pasqua, mais chacun se souvient de l'autorité morale de M. Marceau Long et de l'intégrité intellectuelle de M. Pierre Mazeaud.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Favorable à ces amendements de suppression : cet article n'a rien à faire dans un texte relatif à l'immigration.

M. Roger Karoutchi.  - Chacun votera en conscience, mais je ne suis pas d'accord avec le ministre, une fois n'est pas coutume.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Une fois n'est pas coutume ?

M. Roger Karoutchi.  - Monsieur le ministre, ayant appris que vous remodeliez la droite autour de vous, j'aimerais pouvoir m'adresser à vous. (Marques d'amusement sur plusieurs travées)

Il faut cesser de dire que le droit du sol est un principe républicain, c'est faux. Le premier texte sur l'acquisition de la nationalité et les mouvements migratoires date de 1889. À l'époque, nous avions besoin de plus de troupes, dans un contexte de grande faiblesse démographique par rapport à l'Allemagne. (MM. François-Noël Buffet et Philippe Bonnecarrère acquiescent.) C'est un principe de réalité, non un principe républicain. Cet article a toute sa place dans ce texte. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. André Reichardt.  - Bravo !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Le Gouvernement considère que cet article est un cavalier, mais vous êtes les seuls juges de son irrecevabilité...

Nous ne mélangeons pas le code civil avec le Ceseda : n'y ajoutons pas le code de la nationalité, aussi intéressants ces sujets soient-ils ! Nous pourrons en débattre dans un autre cadre.

Avis favorable sur ces amendements de suppression.

Mme Laurence Rossignol.  - Votre proposition est choquante et méconnaît ce qu'est un adolescent de 16 ou 17 ans. (Marques d'agacement à droite) Vous demandez à un mineur, qui peut être en conflit affectif avec ses parents, de faire une démarche d'adulte. Ensuite, la porte se ferme ! Combien d'adolescents sont informés de leurs droits ? Probablement très peu.

Ce texte est destiné à lutter contre ceux qui veulent rester alors qu'ils n'y ont pas droit, mais là, nous parlons d'enfants nés en France avec lesquels nous devons faire nation. Nos conceptions diffèrent.

M. Pascal Savoldelli.  - M. le rapporteur nous demande de mettre l'histoire de côté, mais lui ne le fait pas. Jamais Roger Karoutchi ne me demandera de mettre l'histoire de côté.

M. Roger Karoutchi.  - Heureusement !

M. Pascal Savoldelli.  - Dès qu'il y a eu peuple français, il y a eu droit du sol. À la Révolution, il suffisait d'avoir vécu un an en France pour obtenir la nationalité française, car la France n'est pas une nation religieuse ou ethnique, c'est une nation politique. Avant, les Français étaient sujets du roi, leur sang était soi-disant impur, contrairement au sang bleu de l'aristocratie. Remettre en cause le droit du sol, c'est remettre en cause les fondements de la République.

M. Guy Benarroche.  - Laurence Rossignol l'a dit : ces jeunes sont là pour faire nation, et ils la font déjà...

M. Roger Karoutchi.  - Pas toujours !

M. Guy Benarroche.  - ... depuis leur naissance, que ce soit à l'école ou dans leurs activités sportives et culturelles.

Ils sont, pour 99 % d'entre eux, naturellement français. Or leur demander d'exprimer une volonté suppose qu'ils ne le sont pas...

Le véritable sujet, c'est la lutte contre l'immigration irrégulière.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Je ne m'attendais pas à un débat sur les grands principes. (Murmures à gauche ; Mme Audrey Linkenheld s'exclame.)

Monsieur Savoldelli considère que le droit du sol fait partie de nos grands principes républicains. (M. Pascal Savoldelli le confirme.) La loi de 1993 a été soumise au Conseil constitutionnel, qui a estimé qu'elle ne portait atteinte à un aucun principe de valeur constitutionnelle : Monsieur Savoldelli, le Conseil constitutionnel vous a répondu.

Les amendements identiques nos22 rectifié bis, 169, 286 rectifié et 467 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°524 rectifié bis, présenté par M. Ravier.

Rédiger ainsi cet article :

Les articles 21-7, 21-8, 21-9, 21-10 et 21-11 du code civil sont abrogés.

M. Stéphane Ravier.  - Le droit du sol est devenu un dogme ; M Karoutchi l'a dit. (Exclamations sur les travées du GEST) J'ai le droit d'être d'accord avec lui sur des faits historiques !

Le droit du sol a été créé afin d'aligner autant d'hommes que l'Allemagne en cas de mobilisation générale. Mais la prochaine invasion ne viendra pas d'outre-Rhin...

Pourquoi donnerait-on la nationalité à quelqu'un qui vit comme un étranger, fût-il né en France ?

Avoir été à l'école de la République n'est en aucun cas suffisant puisqu'on y apprend que la France n'est plus une patrie charnelle. Selon l'Ifop, en 2020, 57 % des lycéens français musulmans plaçaient la charia au-dessus des lois de la République. (Murmures à gauche)

M. Roger Karoutchi.  - C'est vrai !

M. Stéphane Ravier.  - Un enfant sur six qui naît en France a deux parents étrangers hors Union européenne. Depuis 2017, cela représente 60 000 naissances annuelles : autant de personnes qui vont ainsi pouvoir demander le droit du sol, l'équivalent de la ville de Nice au bout de cinq ans !

Pourquoi ne pas suspendre le droit du sol en métropole, comme à Mayotte ?

En 2020, 58 % des Français étaient favorables à la suppression du droit du sol. Un veau qui naît dans une écurie ne devient pas un cheval. (Huées à gauche)

M. François Patriat.  - C'est abject !

Mme la présidente.  - Monsieur Ravier, veuillez rester correct.

M. Stéphane Ravier.  - Mes chers collègues, c'est à vous de mettre fin à cette stupide loi du sol : c'est une évidence et une urgence !

Mme la présidente.  - Amendement n°344 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Aeschlimann, MM. Allizard, Anglars, Bacci, Bas, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Brisson, Bruyen, Burgoa, Cadec et Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques et Josende, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Perrin, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon, Szpiner et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel et Cuypers et Mme Petrus.

Rédiger ainsi cet article :

Le code civil est ainsi modifié :

1° Le titre Ier bis du livre Ier est ainsi modifié :

a) Au second alinéa de l'article 20-5, la référence : « 21-11 » est remplacée par la référence : « 21-7 » ;

b) Le premier alinéa de l'article 21-7 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Tout enfant né en France de parents étrangers peut, à partir de l'âge de seize ans et jusqu'à l'âge de dix-huit ans, acquérir la nationalité française à condition qu'il en manifeste la volonté, qu'il réside en France à la date de sa manifestation de volonté et qu'il justifie d'une résidence habituelle en France pendant les dix années qui la précèdent.

« Dans les mêmes conditions, la nationalité française peut être réclamée, au nom de l'enfant mineur né en France de parents étrangers, à partir de l'âge de treize ans, la condition de résidence habituelle en France devant alors être remplie à partir de l'âge de trois ans. Le consentement du mineur est requis, sauf s'il est empêché d'exprimer sa volonté par une altération de ses facultés mentales ou corporelles constatée selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 17-3.

c) Les articles 21-10 et 21-11 sont abrogés ;

d) À la fin du premier alinéa de l'article 21-13-2, les mots : « des articles 21-7 ou 21-11 » sont remplacés par les mots : « de l'article 21-7 » ;

e) Au premier alinéa de l'article 21-28, la référence : « 21-11 » est supprimée ;

2° Le titre Ier du livre V est ainsi modifié :

a) À l'article 2493, les mots : « le premier alinéa de l'article 21-7 et l'article 21-11 » sont remplacés par les mots : « les premier et troisième alinéas de l'article 21-7 » ;

b) L'article 2494 est ainsi modifié :

- Au deuxième alinéa, les mots : « les articles 21-7 et 21-11 sont applicables » sont remplacés par les mots : « l'article 21-7 est applicable » ;

- Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, l'article 2493, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, s'applique à l'enfant né à Mayotte de parents étrangers entre l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 précitée et de la loi n°  du  pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. »

Mme Valérie Boyer.  - Mes amendements sont en discussion commune avec le précédent, mais je n'emploierai pas les mêmes termes que le précédent orateur.

Dès 2012, avec l'arrivée de François Hollande à l'Élysée, la France a perdu la maîtrise de son immigration - les chiffres le prouvent. Le nombre d'acquisitions de nationalité a également augmenté : plus 53,6 % entre 2017 et 2021.

Les conditions d'accès à la nationalité pour les mineurs restent favorables et contribuent à l'attractivité de notre territoire. La commission des lois a souhaité les resserrer. Je déplore que cette question ait été initialement absente d'un projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration : l'acquisition de la nationalité, c'est l'aboutissement de l'intégration.

Avec cet amendement, je souhaite que la durée de résidence habituelle sur le territoire soit portée à dix ans. En 1993, la loi Pasqua n'avait pas provoqué de désordre. L'amendement prévoit également des coordinations nécessaires pour Mayotte.

Députée, j'avais déjà présenté ces amendements lors du débat de la loi Collomb. Quand parlerons-nous de nationalité, sinon dans ce texte ?

Mme la présidente.  - Amendement n°66 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot, Genet, Saury et Klinger, Mmes Josende et Goy-Chavent et M. Gremillet.

Rédiger ainsi cet article :

Le code civil est ainsi modifié :

1° L'article 21-7 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa après le mot : « majorité », sont insérés les mots : « à condition qu'il en manifeste la volonté et qu'il justifie de son assimilation à la communauté française dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État » et le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix » ;

b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le premier alinéa n'est pas applicable à l'enfant ayant un casier judiciaire ni à l'enfant dont les parents étaient en situation irrégulière en France au moment de sa naissance. » ;

2° L'article 21-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'obtention de la nationalité française est soumise à l'assimilation du mineur et de ses responsables légaux à la communauté française, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »

Mme Valérie Boyer.  - Cet amendement restreint aussi les conditions d'acquisition de la nationalité au titre du droit du sol.

Mme la présidente.  - Amendement n°69 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mmes Garnier et P. Martin, MM. Genet et Saury, Mme Romagny, M. Klinger et Mmes Josende et Goy-Chavent.

Rédiger ainsi cet article :

I. - Le code civil est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article 21-7 est complété par les mots : « et, si, à la date de sa naissance, ses deux parents résidaient en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans » ;

2° Après l'article 21-7, il est inséré un article 21-7-... ainsi rédigé :

« Art 21-7-.... - À la demande des deux parents et sur présentation de justificatifs, la mention qu'au jour de la naissance de l'enfant, ils résident en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans est portée sur l'acte de naissance de l'enfant selon des conditions et modalités fixées par décret en Conseil d'État.

« Lorsque l'officier de l'état civil refuse d'apposer la mention, les deux parents peuvent saisir le procureur de la République, qui décide, s'il y a lieu, d'ordonner cette mesure de publicité en marge de l'acte, selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État. » ;

3° Au premier alinéa de l'article 21-11, après la première occurrence des mots : « sa résidence » sont insérés les mots : « , si, à la date de sa naissance, les deux parents résidaient en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans » ;

4° Les articles 2493, 2494 et 2495 sont abrogés. 

II.  -  Les articles 21-7 et 21-11 du code civil sont applicables, dans leur rédaction antérieure à la loi n° ... du ... pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, à l'enfant né en France de parents étrangers avant l'entrée en vigueur de ladite loi si les deux parents justifient avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-1. 

Mme Valérie Boyer.  - Il s'agit de subordonner en France métropolitaine le bénéfice du droit de sol à deux années de présence pour les deux parents.

Mme la présidente.  - Amendement n°70 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mmes Garnier et P. Martin, M. Genet, Mme Lassarade, MM. Szpiner, Saury et Chasseing, Mme Romagny, M. Klinger et Mmes Josende et Goy-Chavent.

Rédiger ainsi cet article :

I. - Le code civil est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article 21-7 est complété par les mots : « et, si, à la date de sa naissance, l'un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans » ;

2° Après l'article 21-7, il est inséré un article 21-7-... ainsi rédigé :

« Art 21-7-....  -  À la demande de l'un des parents et sur présentation de justificatifs, la mention qu'au jour de la naissance de l'enfant, il réside en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans est portée sur l'acte de naissance de l'enfant selon des conditions et modalités fixées par décret en Conseil d'État.

« Lorsque l'officier de l'état civil refuse d'apposer la mention, le parent peut saisir le procureur de la République, qui décide, s'il y a lieu, d'ordonner cette mesure de publicité en marge de l'acte, selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État. » ;

3° Au premier alinéa de l'article 21-11, après la première occurrence des mots : « sa résidence », sont insérés les mots : « , si, à la date de sa naissance, l'un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans » ;

4° Les articles 2493, 2494 et 2495 sont abrogés. 

II. - Les articles 21-7 et 21-11 du code civil sont applicables, dans leur rédaction antérieure à la loi n° ... du ... pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, à l'enfant né en France de parents étrangers avant l'entrée en vigueur de ladite loi si l'un des parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux articles 21-7 et 21-1 du code civil.

Mme Valérie Boyer.  - C'est un amendement de repli qui subordonne le bénéfice du droit du sol en France métropolitaine au séjour régulier de deux années, sur le territoire national, d'un des deux parents.

Actuellement, des jeunes filles mineures arrivent enceintes en France pour obtenir ce totem d'immunité : un enfant né en France. Cette situation désespérante contribue au trafic d'êtres humains. En restreignant le droit du sol, nous évitons de telles situations dramatiques.

À Mayotte, on distribue des kits d'accouchement pour les femmes qui arrivent en bateau !

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avis défavorable sur les amendements nos524 rectifié bis, 66 rectifié, 69 rectifié et 70 rectifié. Sagesse sur l'amendement n°344 rectifié.

Certaines déclarations sont excessives, monsieur Ravier. Sachons conserver la nécessaire sérénité de nos discussions.

L'amendement no 524 rectifié bis de M. Ravier est inconstitutionnel.

Madame Boyer, il a été suffisamment difficile de faire accepter par le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel une situation dérogatoire spécifique pour Mayotte. Vos amendements nos66 rectifié, 69 rectifié et 70 rectifié présentent des risques d'inconstitutionnalité majeurs.

Je donne un avis de sagesse du bout des lèvres sur l'amendement n°344 rectifié, qui fait passer la durée de résidence de cinq à dix ans. Certes, vous préparez la CMP, mais nous sommes déjà à la limite de l'article 45. (Vives protestations à gauche)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable. Le rapporteur reconnaît lui-même qu'on est à la limite de l'article 45. Le Conseil constitutionnel appréciera...

M. Ravier, vous avez comparé des humains à des animaux...

M. Stéphane Ravier.  - C'est une image !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vous auriez pu en prendre une autre, car elle ne vous honore pas. Le ministre de la République que je suis ne saurait rester sans réagir. (Bravos à gauche ; applaudissements sur plusieurs travées)

Madame Boyer, vous parlez d'un temps ancien pour Mayotte. Ce gouvernement a modifié les règles de régularisation et donc d'acquisition de la nationalité qui s'y appliquent : désormais, il faut que l'un au moins des deux parents soit en séjour régulier ou national, et que l'autre soit arrivé au moins trois mois avant la conception de l'enfant.

Faut-il aller plus loin ? Probablement. Les sénateurs de Mayotte envisagent de faire passer le délai à neuf mois avant la conception de l'enfant (marques d'amusement à gauche) et d'exiger que les deux parents soient en situation régulière.

Une telle disposition sera-t-elle constitutionnelle ? Le Conseil d'État avait émis des doutes lors de notre précédente réforme. Nous y travaillons.

M. Fabien Gay.  - Mon rappel au Règlement est fondé sur l'article 32. Notre groupe est attaché au débat démocratique et républicain. J'ai un désaccord avec M. Karoutchi, mais cela n'est pas grave : ce ne sera ni le premier ni le dernier... Mais ce qu'a dit notre collègue Ravier est indigne et intolérable : comparer des hommes et des femmes à des animaux est inacceptable. Tous les républicains ici présents doivent le condamner. Il est inadmissible de laisser un racisme décomplexé s'exprimer librement dans cet hémicycle.

Mon groupe condamne fermement ces propos. (Applaudissements sur de très nombreuses travées)

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois.  - L'étranger est le veau, et le Français le cheval ! Nous sommes tous ravalés au rang de bête dans cette histoire. Voilà qui n'est pas très élégant. (Exclamations à gauche)

Ce que dit M. Ravier est faux : la France est un pays universaliste, où l'on peut devenir français, quelles que soient sa religion, sa couleur de peau, son orientation sexuelle et son origine. En France, quelqu'un peut devenir français par assimilation, ce qui implique d'adhérer à la totalité de ce qu'est la France. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Valérie Boyer.  - Bravo !

M. Stéphane Ravier.  - Il ne s'agit pas de renvoyer des êtres humains au rang d'animaux : ni les étrangers, ni les Français. C'est une image. Je suis navré si j'ai froissé quelqu'un.

Mais quand même, recevoir une leçon de démocratie de la part d'un représentant du parti communiste, c'est un comble ! (Vives protestations à gauche) Cette idéologie a provoqué la mort de 100 millions de personnes et a privé de libertés fondamentales des millions d'individus. Monsieur Gay, vous devriez vous faire plus modeste ! (M. Fabien Gay s'exclame.)

Quand on se réclame du communisme, parler de démocratie et de libertés, c'est une honte ! Après le Nuremberg du nazisme, il faudra qu'il y ait un jour un Nuremberg du communisme ! (Exclamations exaspérées sur les travées du groupe CRCE-K) Quelque 100 millions de morts et vous osez nous faire la leçon : honte à vous ! (Les protestations redoublent.)

Mme la présidente.  - Je souhaite que nos débats conservent leur sérénité, marque de fabrique du Sénat. À cette fin, je n'hésiterai pas à faire usage des prérogatives de la présidence de séance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je souhaite que nos débats soient respectueux des personnes ; ce n'est pas le cas. Je demande une suspension de séance.

La séance est suspendue quelques instants.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je salue l'initiative du ministre d'avoir demandé une suspension de séance, car cette dernière prenait une tournure inacceptable. Nous nous associons totalement aux propos de Fabien Gay.

Nous voterons contre ces amendements.

Monsieur le rapporteur, je m'étonne de votre avis de sagesse. Si vous avez un doute sérieux sur la constitutionnalité d'un amendement, votre avis doit être défavorable. Que Mme Jourda banalise les propos de M. Ravier pose problème.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je les remets à leur juste place.

M. Bruno Retailleau.  - Je n'étais pas présent au début de l'incident de séance, mais Mme Jourda a remis les choses au point avec justesse.

Sous la Ve République, avec les articles 40, 41 et 45 de la Constitution, les pouvoirs du Parlement sont amoindris. Si nous nous autocensurons par crainte du Conseil constitutionnel, nous ne sommes plus législateurs !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Dites-le à Gérard Larcher !

M. Bruno Retailleau.  - Dans son texte de réforme des retraites, le Gouvernement avait bien présenté deux articles potentiellement inconstitutionnels...

Allons jusqu'au bout de nos convictions ! Parfois, le Conseil constitutionnel nous réserve de bonnes surprises.

L'amendement n°524 rectifié bis n'est pas adopté.

À la demande du GEST, l'amendement n°344 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°25 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 133
Contre 210

L'amendement n°344 n'est pas adopté.

L'amendement n°66 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos69 rectifié et 70 rectifié.

L'article 2 bis est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°345 rectifié, présenté par M. E. Blanc, Mme Aeschlimann, MM. Allizard, Anglars, Bacci, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen, Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer et Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mme Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Bouloux, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 21-2 du code civil est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « huit ».

Mme Frédérique Puissat.  - Défendu.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°345 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°62 rectifié quinquies, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet et Tabarot, Mme Lopez, MM. Saury, Szpiner, Sido et Klinger et Mmes Josende et Goy-Chavent.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 21-11 du code civil, il est inséré un article 21-11-... ainsi rédigé :

« Art. 21-11-.... - L'étranger perd le droit qui lui est reconnu à l'article 21-7 s'il n'est manifestement pas assimilé à la communauté française. » 

Mme Valérie Boyer.  - Il s'agit pour l'autorité publique de s'opposer à l'acquisition de la nationalité française par le droit du sol si elle peut prouver que l'étranger ne s'est manifestement pas assimilé à la communauté française - l'assimilation restant présumée.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Cet amendement reprend une condition qui existe déjà pour l'acquisition de la nationalité par naturalisation. Il pourrait toutefois être précisé dans sa rédaction. Sagesse.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°62 rectifié quinquies est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°628, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code civil est ainsi modifié :

1° À l'article 2493, les mots : « de trois mois » sont remplacés par les mots : « d'un an » ;

2° Sont ajoutés deux livres ainsi rédigés :

« Livre VI

« Dispositions applicables en Guyane

« Art. 2535.  -  Le présent code est applicable en Guyane dans les conditions définies au présent livre.

« Art. 2536.  -  Pour un enfant né en Guyane, les deux premiers alinéas de l'article 21-7 ne sont applicables que si, à la date de sa naissance, l'un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de neuf mois.

« Art. 2537.  -  L'article 2536 est applicable dans les conditions prévues à l'article 17-2.

« Toutefois, les articles 21-7 et 21-11 sont applicables à l'enfant né en Guyane de parents étrangers avant l'entrée en vigueur de la loi n°  du  pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, si l'un des parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-11 du présent code.

 » Livre VII

« Dispositions applicables à Saint-Martin

« Art. 2544.  -  Le présent code est applicable à Saint-Martin dans les conditions définies au présent livre.

« Art. 2545.  -  Pour un enfant né à Saint-Martin, les deux premiers alinéas de l'article 21-7 ne sont applicables que si, à la date de sa naissance, l'un de ses parents au moins résidait en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.

« Art. 2546.  -  L'article 2545 est applicable dans les conditions prévues à l'article 17-2.

« Toutefois, les articles 21-7 et 21-11 sont applicables à l'enfant né à Saint-Martin de parents étrangers avant l'entrée en vigueur de la loi n°  du  pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, si l'un des parents justifie avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-11 du présent code. »

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Mayotte, la Guyane et Saint-Martin rencontrent des difficultés particulières que le ministre de l'intérieur a exposées. Nous avons tous en mémoire l'amendement de Thani Mohamed Soilihi, sénateur de Mayotte, imposant une présence des parents des demandeurs sur le sol français depuis plus de trois mois pour l'application du droit du sol, exception validée par le Conseil d'État.

Au regard de la situation particulière de ce territoire, mais aussi de la Guyane, par sa frontière avec le Suriname et le Brésil, et de Saint-Martin, par sa proximité avec Haïti, nous proposons d'étendre le délai à an pour Mayotte et de créer un délai de neuf mois pour la Guyane et trois mois pour Saint-Martin.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je peux m'entendre avec les sénateurs mahorais et avec la commission sur des aménagements concernant l'acquisition de la nationalité à Mayotte, au vu de la situation particulière de ce territoire ; mais comme j'émettrai un avis de sagesse sur les amendements du sénateur Mohamed Soilihi demandant des rapports, je serai défavorable à celui-ci.

Le même problème se pose à Saint-Martin et en Guyane, c'est vrai ; à la Martinique également, à cause de la proximité de Sainte-Lucie. Nous y répondrons à l'Assemblée nationale ou en CMP. Mais nous parlons ici de simples régularisations, non du code de la nationalité. Ce serait mentir à nos concitoyens mahorais de laisser croire que le problème peut être réglé dans la loi ordinaire.

L'amendement n°628 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°73 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Houpert, Mmes Lopez et Lassarade, MM. Saury et Sido, Mme Romagny, M. Klinger et Mmes Josende, Goy-Chavent, Devésa et Aeschlimann.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 21-11 du code civil, il est inséré un article 21-11-... ainsi rédigé :

« Art 21-11-....  -  I.  -  Pour un enfant né en Guyane, le premier alinéa de l'article 21-7 et l'article 21-11 ne sont applicables que si, à la date de sa naissance, les deux parents au résidaient en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans.

« Toutefois, les articles 21-7 et 21-11 sont applicables à l'enfant né en Guyane de parents étrangers avant l'entrée en vigueur de la loi n° ... du ... pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, si les deux parents justifient avoir résidé en France de manière régulière pendant la période de cinq ans mentionnée aux mêmes articles 21-7 et 21-11.

« II.  -  À la demande des parents et sur présentation de justificatifs, la mention qu'au jour de la naissance de l'enfant, il réside en France de manière régulière, sous couvert d'un titre de séjour, et de manière ininterrompue depuis plus de deux ans est portée sur l'acte de naissance de l'enfant selon des conditions et modalités fixées par décret en Conseil d'État.

« Lorsque l'officier de l'état civil refuse d'apposer la mention, le parent peut saisir le procureur de la République, qui décide, s'il y a lieu, d'ordonner cette mesure de publicité en marge de l'acte, selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État. »

Mme Valérie Boyer.  - Cette situation n'est pas réservée à Mayotte ou à la Guyane ; on l'observe aussi, à une moindre échelle, dans de nombreux territoires métropolitains. Et la tendance s'aggrave, du fait de l'arrivée inédite de très jeunes femmes qui viennent acquérir ce totem d'immunité : accoucher en France. Il faut prendre le problème à bras-le-corps. Or ce texte ne comporte aucun élément sur la naturalisation ou sur les mineurs non accompagnés - qui ne sont souvent ni l'un ni l'autre.

À Mayotte, il y a plus de naissances étrangères que françaises ! La situation est hors de contrôle, tous les parlementaires mahorais le signalent.

Les amendements nos73 rectifié bis, 74 rectifié bis, 71 rectifié bis et 72 rectifié bis sont retirés.

Mme la présidente.  - Amendement n°481 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Bitz et Patriat, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un premier bilan de la mise en oeuvre des dispositions relatives aux conditions d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France des enfants nés à Mayotte de parents étrangers.

M. Olivier Bitz.  - La loi du 10 septembre 2018 a instauré des conditions dérogatoires à Mayotte. Ce dispositif produit ses effets. Avant de durcir ces mesures, il serait bon de les évaluer précisément.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - C'est une demande de rapport : retrait ou avis défavorable.

Le ministre a émis le souhait d'avoir ce débat à l'Assemblée nationale. La commission a essayé d'adapter le texte à la situation migratoire, en tenant compte, pour Mayotte, du rapport d'information de Mme Estelle Youssouffa.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°481 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°480 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Bitz et Patriat, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la campagne d'information menée à destination des candidats à l'émigration vers Mayotte à propos des nouvelles règles d'acquisition de la nationalité sur ce territoire, et de prévention à l'égard des Français, et des étrangers en situation régulière, sur les conséquences juridiques et financières encourues en cas de reconnaissances frauduleuses de paternité.

M. Bernard Buis.  - Dans son avis du 5 juin 2018 sur la proposition de loi de Thani Mohamed Soilihi, le Conseil d'État avait relevé l'intérêt d'une campagne d'information à Mayotte et dans les pays d'origine sur les changements de règles. Celle-ci n'a jamais eu lieu.

Cet amendement vise à faire connaître aux candidats à l'immigration clandestine les nouvelles règles d'acquisition de la nationalité sur ce territoire et les peines prévues en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité - cinq ans d'emprisonnement et, désormais, 75 000 euros d'amende - sans parler des obligations en matière civile.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°480 rectifié bis n'est pas adopté.

ARTICLE 2 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°21 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, Mme Girardin, M. Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset.

Supprimer cet article.

M. Henri Cabanel.  - Cet article prive du droit du sol un enfant né en France de parents étrangers s'il a été condamné d'une peine d'au moins six mois. Or une telle condamnation traduit d'abord une défaillance de notre système éducatif. Il est déraisonnable de conditionner l'avenir d'un enfant à la nationalité de ses parents.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°237, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jérôme Durain.  - Cette mesure est disproportionnée, car elle obture l'avenir d'un jeune pour des faits de faible gravité (M. Francis Szpiner s'étonne), au seul prétexte que ses parents sont étrangers.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°285 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

M. Guy Benarroche.  - Un article du code civil empêche l'acquisition de la nationalité en cas de condamnation, mais ne s'applique pas au droit du sol des enfants nés en France de parents étrangers. L'article 2 ter revient sur cette exception. Un jeune condamné pour agression sonore, par exemple (MM. Olivier Rietmann et Francis Szpiner protestent) - c'est passible de six mois de prison - ne pourrait plus, de sa vie entière, acquérir la nationalité française ! Nous devons bien nous fonder sur la loi pour écrire la loi ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le confirme.) Ayez bien conscience de ce que vous votez aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avis défavorable à tous ces amendements : la commission a en effet été convaincue par Mme Boyer qui a proposé cet article additionnel.

Le texte ne concerne pas la peine encourue, mais la peine prononcée. Tous les praticiens du droit savent qu'on ne prononce pas une peine ferme de six mois à l'égard d'un mineur pour des faits de faible gravité. (Protestations sur les travées du GEST)

Le texte de la commission ne prive pas à vie l'intéressé de la possibilité de demander la naturalisation ; simplement, il ne bénéficie plus du droit du sol.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis favorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous parlons d'un enfant né en France. S'il n'a pas la nationalité française, que devient-il ? La belle affaire, direz-vous, il aura celle de ses parents. C'est exact juridiquement, mais il aura vécu toute sa vie en France. Vous le condamnez donc à avoir la nationalité d'un pays qu'il ne connaît pas.

M. Guy Benarroche.  - Je connais bien la différence entre peine encourue et peine prononcée, mais une peine encourue peut être prononcée. (Mme Marie-Pierre de LGontrie le confirme.) Selon votre texte, une condamnation à une peine de six mois empêcherait l'application du droit du sol. (Mme Audrey Linkenheld renchérit.) Que ferions-nous de ces enfants qui sont nés et ont été éduqués en France ? Votre but est en réalité de compliquer encore davantage l'accès à la nationalité, assumez-le !

M. Francis Szpiner.  - Certains vivent dans les codes, d'autres dans la vie réelle. Tout magistrat vous le confirmera : si un mineur de 16 ans est condamné à six mois ferme, c'est qu'il s'agit de sa cinquième ou sixième comparution !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ça dépend !

M. Francis Szpiner.  - Il aura eu droit auparavant à un rappel à la loi, à une remise aux parents - dont je m'étonne, soit dit en passant, qu'elle soit considérée comme une sanction, à un avertissement... Six mois ferme, c'est une peine considérable. Évoquer les nuisances sonores, c'est une plaisanterie ! (Protestations sur les travées du GEST)

Les magistrats seront conscients des conséquences que cette peine aurait si le texte de la commission était adopté. Faites-leur confiance pour ne pas la prononcer à la légère.

Je m'étonne enfin d'entendre certains parler « d'enfants » de 16 ans, alors qu'ils veulent fixer la majorité à cet âge... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Les amendements identiques nos21 rectifié bis, 237 et 285 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 2 ter est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°121, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code civil est ainsi modifié :

1° Les articles 19-1, 19-3, 19-4 et 20-5 sont abrogés ;

2° Au deuxième alinéa de l'article 20, les références : « 19-1 », « 19-3 » et « 19-4 » sont supprimées.

II.  -  Les articles 23 et 25 de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité française et relative à certaines dispositions concernant la nationalité française sont abrogés.

M. Christopher Szczurek.  - Cet amendement supprime tous les articles de notre droit positif qui consacrent le droit du sol.

La nationalité est un pilier fondamental de notre nation. Être français s'hérite ou se mérite. Le droit du sol automatique revient à accorder la nationalité française à tous les étrangers nés en France, quels que soient leurs antécédents familiaux. La réforme constitutionnelle proposée pendant la campagne présidentielle par Marine Le Pen visait à rendre plus stricts les critères de l'acquisition de cette nationalité. Supprimer dès aujourd'hui les dispositions qui les concernent serait un signal fort. (Marques d'ironie à gauche) La nationalité doit rester un privilège réservé à ceux qui partagent nos valeurs.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. Tout peut être discuté, mais il me semble difficile de supprimer le droit du sol au détour d'un amendement.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°121 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°573 rectifié, présenté par Mme de Marco, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 21-14-1 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 21-14-....  -  La nationalité française est conférée par décret, sur proposition d'un député ou d'un sénateur, à tout étranger s'étant illustré par son courage ou son mérite, au service de la société française.

« En cas de décès de l'intéressé, dans les conditions prévues au premier alinéa, la même procédure est ouverte à ses enfants mineurs qui, au jour du décès, remplissaient la condition de résidence prévue à l'article 22-1. »

M. Guy Benarroche.  - C'est un amendement d'appel de Monique de Marco. En 1999, le législateur a introduit une nouvelle disposition dans le code civil permettant au ministre des armées d'accorder la nationalité française à des personnes étrangères blessées pour la France au cours d'un engagement opérationnel. Or de nombreux étrangers oeuvrent quotidiennement au service de la France, sous les drapeaux, mais aussi dans le civil.

La naturalisation relève du fait du prince si elle est confiée au seul Gouvernement. Les parlementaires, interlocuteurs privilégiés des élus, sont les témoins de la bonne intégration de nombreux étrangers qui représentent une certaine idée de la France. Cet amendement propose d'étendre aux parlementaires ce droit de naturalisation exceptionnel.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - On peut déjà accorder la naturalisation pour service rendu à la nation. Un parlementaire peut proposer un nom pour cette procédure, de même qu'il propose un nom pour une décoration, sans décider lui-même de son attribution. Avis défavorable à défaut d'un retrait.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°573 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°346 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, M. Le Rudulier, Mme Aeschlimann, MM. Allizard, Bacci, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Brisson, Bruyen, Burgoa, Cadec et Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, M. Milon, Mmes Muller-Bronn et Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Perrin, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon, Szpiner et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article 21-17 du code civil, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».

Mme Valérie Boyer.  - Cet amendement porte de cinq à dix ans le temps de résidence nécessaire pour obtenir une naturalisation, soit la durée de validité d'une carte de résident. Ce temps est de dix ans en Autriche, en Espagne, en Lituanie, en Pologne, en Slovénie et en Italie, de neuf ans au Danemark, de huit ans en Croatie, Estonie, Hongrie, Roumanie, Slovaquie et Allemagne, de sept ans à Chypre et en Grèce. Dans ce domaine comme dans d'autres, comme le regroupement familial, l'asile ou les mineurs isolés, la France est la plus généreuse - d'aucuns diraient la plus faible.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°521 rectifié ter, présenté par M. Ravier.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article 21-17 du code civil, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».

M. Stéphane Ravier.  - En 2022, 59 900 étrangers ont été naturalisés. L'Insee estime en 2021 à quatre millions le nombre d'immigrés légaux présents en France, qui pourront donc d'ici cinq ans demander leur naturalisation.

Or la nationalité française se mérite ! Ce n'est pas un titre de séjour à durée indéterminée, ni une fiction juridique. C'est un enracinement de l'âme, une communauté de destin. Nous pouvons assimiler des individus, non des masses ; dans le temps long, non dans la précipitation. Imaginez : une personne arrivée au début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron pourrait être naturalisée ! C'est court - même si cinq ans avec Macron, c'est long... (Rires à droite)

Mettons un terme à la déconstruction juridique des mots et des choses. Il y a une identité française, n'en déplaise au wokes ! Les standards européens sont beaucoup plus stricts que les nôtres. Face à la décivilisation et la désassimilation, notre responsabilité est historique !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La commission des lois a été convaincue par l'argument de Mme Boyer : dix ans permettent de passer de l'intégration à l'assimilation. Avis favorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Corinne Narassiguin.  - Je m'étonne de cet avis favorable de la commission sur des amendements qui émanent tant des Républicains que de Reconquête, à l'extrême-droite. Signe de la dérive de notre assemblée sur ce texte qui rendra la France de moins en moins accueillante.

M. Guy Benarroche.  - Comme hier, des amendements identiques sont déposés par Les Républicains et par Reconquête - même si seule Mme Boyer est citée. Les Républicains seraient-ils à la reconquête d'une absence de générosité ? (Sourires à gauche)

Avec tous les appels d'air que vous dénoncez, la France devrait être le pays qui accueille le plus d'immigrés ! En réalité, c'est une fable : salaire, conditions d'accueil, rien n'incite les gens à venir chez nous plutôt qu'ailleurs. Toutes les données scientifiques le prouvent.

Il faudrait dix ans de présence pour demander sa naturalisation ? Pourquoi pas vingt-cinq, ou même toute une vie ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Nos collègues s'affolent que des amendements identiques soient présentés par M. Ravier et des sénateurs Les Républicains. Mais la pensée politique ne doit pas s'articuler par rapport aux positions d'une autre personne !

Je remarque pourtant que le groupe SER a retiré avant la séance un amendement identique à un autre de M. Ravier...

M. Max Brisson.  - Oh !

Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin.  - C'était une demande de rapport !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Non. Modifier sa position en fonction de celles d'autres personnes est regrettable. (Protestations à gauche ; applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Stéphane Ravier applaudit également.)

Les amendements identiques nos346 rectifié bis et 521 rectifié ter sont adoptés et deviennent un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°122, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code civil est ainsi modifié :

1° L'article 21-27-1 est ainsi rédigé :

« Art. 21-27-1. - Lors de son acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique, l'intéressé perd sa ou ses autres nationalités.

« Le premier alinéa ne s'applique pas aux pays avec lesquels la France a signé des accords bilatéraux autorisant de posséder plusieurs nationalités. » ;

2° L'article 23 est ainsi rédigé :

« Art. 23.  -  Toute personne majeure de nationalité française, résidant habituellement à l'étranger, qui acquiert volontairement une nationalité étrangère perd automatiquement la nationalité française à compter de la date d'acquisition de la nouvelle nationalité.

« Le premier alinéa ne s'applique pas aux pays avec lesquels la France a signé des accords bilatéraux autorisant de posséder plusieurs nationalités.

« Dans le cas visé au deuxième alinéa du présent article, l'intéressé est libre de choisir entre garder ou perdre sa nationalité française. »

M. Joshua Hochart.  - Notre amendement supprime la binationalité et la multinationalité, qui soulèvent des questions de loyauté. Ce sujet complexe exige une réponse pragmatique.

Nous défendons depuis toujours l'assimilation. Épouser la nationalité française est un acte d'amour. Lorsqu'on demande la naturalisation, il est anormal qu'on conserve la nationalité du pays que l'on a voulu quitter.

Mais nous sommes pragmatiques : nous instaurons la possibilité de dérogation par le biais d'accords bilatéraux avec des pays entretenant des liens forts avec la France.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - C'est un amendement d'appel : impossible d'adopter ce genre de mesures au détour d'un amendement. Retrait ou avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°122 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°527 rectifié bis, présenté par M. Ravier.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 25 du code civil est ainsi rédigé :

« L'individu qui possède la nationalité française peut, par décret pris après avis en Conseil d'État, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride : ».

M. Stéphane Ravier.  - Un exemple pour justifier cet amendement : si Karim Benzema, qui aurait la double nationalité franco-algérienne, a, effectivement des liens avec les Frères musulmans, je demande la déchéance de sa nationalité française. (M. Akli Mellouli s'exclame.) Selon Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue au CNRS, cette organisation cherche à mettre tous les musulmans au service de l'établissement d'une société islamique mondiale. Si des binationaux affichent clairement leur allégeance à une autre nation, nous devons les déchoir de la nationalité française.

Rendons à César, et à notre excellente collègue Valérie Boyer (exclamations à gauche), ce qui lui appartient : faisons en sorte que les Français de papier soient déchus.

Mme la présidente.  - Amendement n°525 rectifié bis, présenté par M. Ravier.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 25 du code civil, les mots : « peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'État, être déchu de la nationalité française » sont remplacés par les mots : « est déchu de la nationalité française par décret pris après avis conforme du Conseil d'État ».

M. Stéphane Ravier.  - Être français s'hérite ou se mérite. À Marseille, 55 % des crimes et délits sont commis par des étrangers, 50 % à l'échelle de la France ; 25 % des détenus sont étrangers - sans compter les binationaux.

La déchéance de nationalité, proposée par François Hollande contre les terroristes, validée par la Cour européenne des droits de l'homme et à laquelle Robert Badinter (exclamations à gauche), si apprécié ici, était favorable, doit être étendue aux criminels - à ces narcoterroristes qui terrorisent les honnêtes gens et tuent des innocents.

Personne ici ne voudrait faire partie de la même communauté que ces criminels. Or la nation est une famille. Nous ne pouvons garder des pièces rapportées qui déchirent le contrat social. (Mme Cécile Cukierman proteste.)

Qui a inventé la déchéance de nationalité ? Raymond Poincaré, dont le ministre de l'intérieur était Albert Sarraut, un radical-socialiste, en 1927. Qui a pensé l'infliger aux criminels ? Édouard Daladier en 1938, avec le même ministre de l'intérieur. Vive le parti radical-socialiste, dont je dois être un des derniers représentants au Sénat ! (Protestations à gauche)

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous ne pouvons pas modifier si lourdement le code de la nationalité au détour d'un amendement.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°527 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°525 rectifié bis.

Mme la présidente.  - Amendement n°355 rectifié, présenté par Mmes Ciuntu et Aeschlimann, MM. Allizard, Anglars, Bacci, Bas et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc, Bonhomme, Bonnus et Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa et Cambon, Mmes Canayer et Chain-Larché, M. Chaize, Mme de Cidrac, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau, Frassa et Genet, Mme Gosselin, MM. Gremillet, Grosperrin, Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, MM. Milon et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Perrin, Mmes Pluchet et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A l'article 958 du code général des impôts, remplacer le montant :

55

par le montant :

250

Mme Marie-Carole Ciuntu.  - Cet amendement relève le niveau du droit de timbre pour une demande de naturalisation de 55 à 250 euros, plus conforme aux standards européens.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Il est exact que le montant du droit de timbre n'a pas évolué depuis 2011. Sagesse. (Marques d'ironie à gauche)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°355 rectifié est adopté et devient un article additionnel

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Je demande une suspension de quinze minutes pour permettre à la commission d'étudier les sous-amendements déposés ce matin sur l'amendement n°656.

La séance, suspendue à 18 h 20, reprend à 18 h 35.

AVANT L'ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°528 rectifié bis, présenté par M. Ravier.

Avant l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre I du livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° L'intitulé est ainsi rédigé :

« Assimilation à la République française » ;

2° Toutes les occurrences du mot : « intégration » sont remplacées par le mot : « assimilation ».

M. Stéphane Ravier.  - Je vous parle d'une République disparue, exigeante avec elle-même et ceux qui la composent : la IIIe République avait des défauts, mais elle n'a jamais failli sur la nation. Pour Renan, celle-ci est une âme, un principe spirituel ; à la fois une communauté de souvenirs et une volonté de faire vivre l'héritage reçu.

L'intégration, c'est simplement vivre ensemble - une sorte de colocation. L'assimilation, c'est être lié à jamais à une même famille, car le devoir moral de tout individu est de prendre soin de sa famille avant tout. L'assimilation n'est pas l'oubli de soi, mais la fusion avec un corps politique qui vous aime et vous soutient, si vous remplissez vos devoirs envers lui. Être français n'est pas qu'un droit ; c'est aussi une somme de devoirs pour en être digne. En remplaçant le mot « intégration » par « assimilation », faisons briller davantage ce beau mot : « Français » !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Je me réjouis que vos métaphores soient désormais plus entendables par cet hémicycle... (M. Stéphane Ravier sourit.) L'intégration est suffisante ; c'est la notion que retient le Ceseda. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°528 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°123 rectifié, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.

Avant l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 225-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il n'y a pas de discrimination en cas de distinction entre les personnes fondée sur la possession de la nationalité française dans les cas de mise en oeuvre du principe de priorité nationale, ou de celle d'un État membre de l'Union européenne pour l'application du droit de l'Union. »

M. Christopher Szczurek.  - Nous voulons exclure du champ des discriminations l'application du principe de priorité nationale. Cette notion a été plébiscitée par treize millions de Français à l'élection présidentielle. La priorité nationale, qui n'est pas une exclusivité, est la conséquence naturelle de la nationalité. Elle n'a rien de discriminatoire, et 95 % des pays l'appliquent. Elle fut défendue notamment par Roger Salengro ! (Exclamations à gauche)

Mme la présidente.  - Amendement identique n°529 rectifié bis, présenté par M. Ravier.

M. Stéphane Ravier.  - Adolphe Landry, ce nom ne vous dit sans doute rien. C'est celui d'un brave ministre radical-socialiste qui, en 1931, défendit la priorité nationale. Heureusement que je suis là pour défendre le radical-socialisme ! (Murmures à gauche ; Mme Maryse Carrère lève les yeux au ciel.)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vous êtes plus radical que socialiste...

M. Stéphane Ravier.  - Dans la fonction publique, on applique une exclusivité nationale ; nous célébrons volontiers notre exception culturelle. La priorité est la règle aux États-Unis ou encore dans le Brésil de M. Lula. Certes, elle ne résoudra pas tous les problèmes, mais n'aiderait-elle qu'un petit nombre de Français à retrouver un emploi, c'est-à-dire dignité et fierté, cela ferait ma joie !

La nation, c'est prendre soin d'abord des siens. Pour ma part, j'ai toujours préféré mes filles à mes cousines, mes cousines à mes voisines et mes voisines aux étrangères !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Le principe de priorité nationale n'existe pas. La loi prévoit déjà des différences entre les nationaux et les autres, c'est suffisant. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

M. Philippe Grosvalet.  - Ainsi donc, M. Ravier se revendique du radical-socialisme... Radical, le mot est faible en ce qui le concerne. Quant à socialiste, peut-être avec un préfixe ?

M. Stéphane Ravier.  - Ayez le courage de préciser votre pensée !

M. Philippe Grosvalet.  - Dans mon département, nombre d'entreprises cherchent à recruter, parfois 500 ou 1 000 salariés. Nous manquons de main-d'oeuvre, pour Airbus ou pour la construction navale. Heureusement qu'il y a des travailleurs étrangers - 30 % sur les chantiers navals -, sinon ces productions dont nous sommes fiers se feraient ailleurs ! (Applaudissements sur des travées du GEST ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Les amendements identiques nos123 rectifié et 529 rectifié bis ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°469, présenté par M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Avant l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport six mois après la promulgation de la présente loi sur l'application de la circulaire du 28 novembre 2012 relative à la régularisation par le travail et ses limites pour répondre aux réalités socio-économiques des territoires

Mme Cécile Cukierman.  - Nous demandons un rapport sur l'application de la circulaire Valls, dont les limites sont notoires. De nombreux préfets ont reporté des rendez-vous de régularisation. Le renouvellement des titres de séjour est privilégié à la naturalisation. L'expérimentation d'un nouveau titre de séjour de plein droit ne peut être débattue que sur la base d'une telle évaluation.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable à cette demande de rapport.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°469 n'est pas adopté.

ARTICLE 3

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois .  - Nous voici donc parvenus au fameux article 3. (Exclamations sur diverses travées) Nous avons eu des divergences, notamment sur sa portée. Le groupe Les Républicains n'y était pas favorable, pour ne pas ouvrir la voie à une régularisation importante, pour ne pas dire massive. D'autres collègues, notamment centristes, avaient une approche différente.

Les choses ont évolué. Un amendement portant article additionnel après l'article 4 a été déposé, qui rend possible la régularisation d'étrangers par la procédure d'admission exceptionnelle au séjour, avec des conditions supplémentaires de durée de présence sur le territoire, de respect des valeurs de la République au sens large et de vérification de la réalité de l'activité auprès de l'employeur.

La conséquence de cette initiative est évidemment la suppression de l'article 3, que nous voterons, de même que celle de l'article 4. J'insiste : la suppression de ces articles et l'amendement n°657 portant article additionnel après l'article 4 constituent un ensemble.

M. Patrick Kanner.  - Rappel au Règlement, sur la base de l'article 33, alinéa 2 ! Nous demandons une suspension de séance pour permettre à M. Dussopt de venir siéger au banc du Gouvernement. (Marques d'agacement à droite)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Absolument !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je suis là !

M. Patrick Kanner.  - Voilà quelques mois, MM. Darmanin et Dussopt nous vantaient l'équilibre entre les deux piliers du texte : maîtrise des flux migratoires et intégration par le travail. Mais le ministre du travail a disparu : que le ministre de l'intérieur lance un avis de recherche ! (Sourires) M. Dussopt n'étant pas, lui, devant une instance juridictionnelle, nous exigeons qu'il vienne défendre les articles 3 et 4, dont il est l'initiateur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme la présidente.  - Il revient à la présidence d'apprécier. Je ne donnerai pas suite à votre demande, compte tenu du nombre de prises de paroles prévues. (On s'en félicite à droite.)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je regrette de ne pas vous suffire !

M. Patrick Kanner.  - « Un seul être vous manque... »

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je remercie le président Buffet pour ses explications.

Actuellement, on ne peut régulariser une personne qui travaille si son employeur ne le veut pas. Les régularisations sur le fondement de la circulaire Valls concernent le volet famille plus que le travail. Malgré une volonté politique ou préfectorale, il n'est pas possible de régulariser ces personnes.

Le Gouvernement voulait mettre fin à ce servage des temps modernes, l'employeur pouvant s'opposer à la régularisation, en général pour qu'on ne découvre pas qu'il emploie une personne, et peut-être plusieurs, en situation irrégulière. L'article 3 faisait sauter ce verrou.

Je regrette que la commission des lois ait supprimé la sanction administrative très forte prévue par le Gouvernement pour les entreprises embauchant de nombreux travailleurs irréguliers.

D'autre part, l'article 3 vise à régulariser des personnes qui ne sont ni expulsables ni régularisables, dans certaines conditions - métiers en tension, zones géographiques tendues, présence minimale de trois ans sur le territoire. Elles bénéficieraient d'un titre de séjour d'un an, n'ouvrant pas droit au regroupement familial. Cette mesure s'appliquerait jusqu'en 2026, en sorte qu'il n'y aurait pas d'appel d'air - même si j'ai eu du mal à le démontrer dans le débat public, la caricature étant plus facile.

Nous entendons le compromis trouvé par la majorité sénatoriale ; il est acceptable par le Gouvernement.

M. Bruno Retailleau.  - Tant mieux !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Le dispositif devra être retravaillé. Je note d'ailleurs que M. Retailleau régularise davantage de personnes que le Gouvernement n'entendait le faire.

M. Bruno Retailleau.  - C'est faux !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je suis sûr qu'il votera le sous-amendement du Gouvernement à l'amendement n°657...

Le Gouvernement donnera un avis de sagesse à cet amendement n°657. Il continue de tenir à l'article 3, tout en comprenant qu'un compromis politique doit être trouvé. C'est la position de tout le Gouvernement, dont Olivier Dussopt, qui s'est exprimé cet après-midi.

Je remercie tous les groupes qui ont participé aux discussions, singulièrement M. Marseille, qui a défendu des propositions intéressantes, reprises du reste dans l'amendement visant à instaurer un article 4 bis.

Ce n'est pas le coeur du projet de loi : l'article 3 du Gouvernement concerne 7 000 personnes par an jusqu'en 2026, principalement des femmes. Il permettrait de mettre un terme à un écosystème d'embauches irrégulières. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Pierre Jean Rochette.  - Bravo !

Mme Audrey Linkenheld .  - Il n'est pas simple de s'exprimer sur cet article, tant la situation a évolué. Les articles 3 et 4 ont été réservés, puis dé-réservés ; il est maintenant question de leur substituer un article 4 bis...

L'article 3 contient une avancée : des travailleurs sans-papiers vivant en France depuis plus de trois ans et exerçant des métiers dont nous avons tous besoin - auxiliaires de vie, gardiens, agents de nettoyage, cuisiniers, plongeurs... - auraient droit à une carte de séjour temporaire de plein droit. Nous continuerons à défendre cette mesure et à proposer de l'élargir. (M. Patrick Kanner applaudit.)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Depuis des semaines, des travailleurs sans-papiers sont en grève dans une trentaine de sites d'Île-de-France, demandant ce que la justice et la raison devraient commander : la régularisation. La plupart exercent des métiers difficiles et dangereux.

Ils procèdent d'une immigration choisie, formalisée notamment par la circulaire Valls de 2012. Mais c'est encore trop pour vous : il faut durcir et durcir encore... Cette politique d'immigration jetable, à l'oeuvre depuis quinze ans, et que vous voulez rendre encore plus sévère, est inadaptée et humainement coûteuse.

Émeline Zougbédé, sociologue au CNRS, a montré que la liste officielle des métiers en tension ne correspond pas à ceux qui sont exercés par les travailleurs sans-papiers. La position raisonnable et humaniste, celle que défendent les écologistes, c'est la régularisation de plein droit de tous les travailleurs sans-papiers ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Yan Chantrel applaudit également.)

M. Patrick Kanner .  - Nous ne laisserons pas dénaturer l'article 3 ni l'article 4. Régulariser une personne qui vit et travaille en France, c'est reconnaître sa participation à notre société. J'ai rencontré lors de ma campagne électorale nombre de patrons du Nord qui réclament un encadrement juridique pour celles et ceux qui enrichissent ainsi notre pays. Nul pathos ici, je parle de réalité économique !

Mme Isabelle Florennes .  - Nous n'avons jamais été des fétichistes de l'article 3. Notre démarche est pragmatique, guidée par la recherche d'un compromis satisfaisant, où qu'il figure dans le texte.

Nous ne comprenons pas l'effervescence suscitée par la disposition relative aux métiers en tension. Notre ligne sur le sujet n'a pas varié : la solution la plus efficace est de conserver le pouvoir d'appréciation des préfets, pour une gestion au cas par cas. C'est ce que prévoit notre amendement déposé à l'article 3.

L'article 3 pose un problème symbolique ? Aucun problème, mettons cette disposition ailleurs ! La commission des lois propose un article additionnel après l'article 4. Cela nous convient parfaitement. Nous sommes attachés au fond, pas à la forme. L'essentiel est que le dispositif modifie le régime applicable en matière d'autorisation de travail.

Un salarié sans-papiers qui souhaite régulariser sa situation doit obtenir l'accord de son employeur à travers un formulaire Cerfa. Nous souhaitons la suppression de l'accord préalable de l'employeur pour les demandes de régularisation. Il n'y a là ni appel d'air ni déni de réalité ! (Applaudissements sur des travées du groupe UC)

M. Ian Brossat .  - L'article 3 n'était pas la panacée, mais nous avions de nombreuses propositions à faire pour en étendre l'application. Nous regrettons le sort que lui réserve la majorité sénatoriale.

Au moins permettait-il de commencer à sortir de l'hypocrisie. De nombreux travailleurs sans papier exercent des métiers difficiles dans des conditions rudes - femmes de ménage, éboueurs, employés des travaux publics. Ils se lèvent tôt, se couchent tard et bossent dur. Qu'il leur faille solliciter l'autorisation de l'employeur, qui avait souvent sciemment fait le choix de recruter un travailleur sans-papiers, a quelque chose d'absurde.

Je regrette que la majorité sénatoriale ait choisi de sacrifier cette disposition qui permettait d'avancer. Une satisfaction, néanmoins : les enquêtes d'opinion prouvent que les Français, pourtant durs sur les questions d'immigration, sont favorables à la régularisation des travailleurs sans-papiers. (On le conteste à droite ; applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Stéphane Ravier.  - Place du Colonel Fabien, peut-être...

M. Yannick Jadot .  - Nous arrivons à un point clé du débat. Monsieur le ministre, vous aviez dit vouloir être gentil avec les gentils et méchant avec les méchants... À l'arrivée, ce texte sera méchant avec les gentils !

Il ne repose que sur des mensonges et des contre-vérités. (Marques d'indignation à droite)

M. Philippe Bas. - Heureusement, vous êtes là !

M. Yannick Jadot. - Le mot-clé, c'est l'appel d'air : mais pas une étude, pas un expert, pas un chef d'entreprise, pas un syndicaliste ne confirme cette hypothèse ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Stéphane Ravier, Christopher Szczurek et Joshua Hochart protestent également.) Il faudrait limiter les mariages mixtes, le regroupement familial, réduire le nombre d'étudiants étrangers... Ce débat nous mène dans un monde parallèle !

M. Laurent Somon.  - Inutile de hausser la voix !

M. Philippe Mouiller.  - Nous sommes au Sénat, ici !

M. Yannick Jadot.  - Les Françaises et les Français attendent des réponses sur le fond, mais vous présentez un texte du désordre et du mensonge. Laisser dans l'illégalité des dizaines de milliers de personnes qui construisent la France est scandaleux ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER ; M. Ian Brossat applaudit également.)

M. Stéphane Ravier.  - Ce sont elles qui se sont mises dans l'illégalité !

M. Guy Benarroche .  - Le titre Ier s'intitule « Assurer une meilleure intégration des étrangers par le travail ». Avec Guillaume Gontard, j'ai été reçu par vous, monsieur le ministre - avec, à l'époque, M. Dussopt... Vous nous avez expliqué vos intentions ; nous vous avons répondu que nous les comprenions et que nous chercherions à les compléter. Mais avec le texte de la commission des lois, nous sommes passés d'un projet de loi destiné à faciliter l'intégration par le travail à un simple consensus politicien. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Mélanie Vogel .  - L'article 3 servait les éléments de langage du Gouvernement : un texte équilibré, marchant sur deux jambes - celle des horreurs et celle des douceurs. Les horreurs, nous les voyons bien. Et voici qu'il est question d'amputer celle des douceurs, qui pourtant ne consistait qu'à donner un peu de dignité à un petit nombre de personnes, pour un peu de temps. (Murmures désapprobateurs à droite)

De la part de la majorité sénatoriale, cela ne surprendra personne. Mais le Gouvernement a dit qu'il donnerait un avis de sagesse sur la suppression de l'article 3, si j'ai bien compris... (M. le ministre le conteste avec énergie.) Vous préférez perdre l'honneur pour faire voter une loi !

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) Oui, nous sommes à un moment clé de la discussion du texte. Depuis le départ, nous nous opposons aux articles 3 et 4 ; nous sommes cohérents.

Je sais qu'il faut parfois du culot en politique, mais M. le ministre ne manque pas d'air.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Vous pouvez parler !

M. Bruno Retailleau.  - Si ce que nous proposons était l'équivalent de ce que vous proposiez, les groupes de gauche ne s'y opposeraient pas !

L'article 3 ouvrait un droit automatique à la régularisation. La fraude devenait créatrice d'un droit automatique, auquel l'administration n'aurait pu s'opposer. (M. Thomas Dossus le conteste.) Ce dispositif risquait d'entraîner des dizaines de milliers de régularisations. Le nôtre est tenable et ne crée pas de droit automatique.

Si un sous-amendement vise à le restreindre, je suis prêt à le voter, même s'il vient du Gouvernement !

M. Patrick Kanner.  - Bel aveu !

M. Thomas Dossus .  - Le Gouvernement capitule en rase campagne sur un article qui ne représentait déjà pas grand-chose.

Nous, écologistes, sommes attachés à la valeur du travail et à l'égalité des droits. (Exclamations à droite) La droite, elle, préfère les clandestins et le travail au noir.

M. Retailleau avait dit qu'il ne souhaitait pas un jeu de bonneteau, avec une réécriture de l'article 3 ailleurs dans le texte. Mais que vous apprêtez-vous à faire ?

M. Bruno Retailleau.  - Vous voterez donc l'amendement de la commission ?

M. Thomas Dossus.  - Certainement pas ! Vous allez réécrire le dispositif, mais en pire. Le texte qui sortira du Sénat sera un vrai cabinet des horreurs, un accord scellé entre Les Républicains et le RN ! (Protestations indignées à droite ; applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - J'ai fait partie d'un rassemblement de parlementaires de toutes tendances politiques, y compris de Renaissance, qui ont soutenu l'article 3 pour mettre un terme à l'hypocrisie. Nous connaissons tous des personnes en situation irrégulière qui travaillent dans la restauration, la grande distribution ou le BTP. Soit il faut qu'elles quittent le territoire, soit nous en avons besoin pour faire tourner l'économie. Dans ce cas, est-il judicieux de les maintenir dans l'illégalité, donc dans la précarité ?

La circulaire Valls a pour défaut majeur de requérir l'autorisation de l'employeur. Autre défaut, elle fait dépendre les décisions du libre arbitre des préfets : les préfectures ont un comportement très hétérogène. Toutefois, elle a l'avantage de concerner tous les secteurs professionnels. Le dispositif proposé concerne, lui, les seuls métiers en tension.

Mme Cécile Cukierman .  - Dans sa version originelle, l'article 3 mettait fin au rôle des employeurs prévu par la circulaire Valls, qui pose de nombreuses difficultés.

Nombreux sont ceux qui craignent un appel d'air. Mais ne nous trompons pas de débat : ces femmes et ces hommes sont déjà présents sur le territoire, ils travaillent dans nos industries et nos entreprises agricoles, construisent le Paris des jeux Olympiques et Paralympiques 2024.

J'espère que vous sanctionnerez avec la même vigilance les entreprises qui emploient des travailleurs sans-papiers ! (Mme Gisèle Jourda applaudit.)

M. Guillaume Gontard .  - Qu'est-ce qu'un travailleur ou une travailleuse sans papiers ?

M. Stéphane Ravier.  - Un hors-la-loi !

M. Guillaume Gontard.  - Une travailleuse ou un travailleur, tout simplement, qui contribue à la marche de notre pays. Certes, ces personnes n'ont pas de papiers, mais elles travaillent. Qu'arrive-t-il à la droite ? Hier, la valeur famille a été descendue en règle. Aujourd'hui, elle s'en prend à la valeur travail... (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Ronan Dantec .  - Notre société ne fonctionnerait pas sans les dizaines de milliers de travailleurs sans-papiers qui se trouvent sur notre sol - tout le monde le sait. (Murmures désapprobateurs à droite) Sans ces travailleurs, la France serait une puissance affaiblie. Que la droite veuille d'une France affaiblie nous étonne, mais vous êtes constants dans l'effort...

À propos des travailleurs sans papiers, M. Retailleau a parlé de fraude.

M. Mickaël Vallet.  - Ils travaillent plus que Pénélope !

M. Ronan Dantec.  - Mais le patron d'un petit restaurant qui en emploie deux ou trois ou le grand groupe industriel qui en emploie des centaines à travers ses filiales ne sont-ils pas des fraudeurs ?

Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains.  - Si !

M. Ronan Dantec.  - Et quid de l'État, qui touche leurs cotisations ?

Vous renforcez la France du non-droit, qui déstabilise la société. Notre responsabilité de parlementaires, c'est au contraire d'assurer la cohésion de la société ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Yan Chantrel .  - Votre projet de loi était censé améliorer l'intégration : je ne vois pas la moindre ligne à ce sujet. Injustice partout, justice et humanité nulle part !

L'article 3 constituait une maigre ébauche ; vous l'avez rejeté, non sans hypocrisie manifestement, puisque le ministre dit avoir une liste des élus de droite demandant la régularisation de salariés qu'ils jugent donc utiles au pays ! À force de faire des immigrés de la chair à canon électorale, dans une course à l'échalote derrière l'extrême droite, vous finirez par n'avoir plus de républicain que le nom. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

C'est une pente fatale : plus vous allez vers l'extrême droite, plus vous la renforcez ! (M. Stéphane Ravier s'exclame.) Le problème n'est pas l'immigré, mais sa fiche de paie. Ces personnes participent pleinement à l'économie : la représentation nationale devrait faire preuve de reconnaissance envers eux, plutôt que les montrer du doigt. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Philippe Bas .  - Les postures accusatoires et moralisatrices sont totalement déplacées. Que ceux qui défendent l'idée que la fraude peut être créatrice de droit n'invoquent pas la morale en nous taxant d'hypocrisie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations indignées à gauche)

L'article 3 était la solution de la paresse de la puissance publique (M. Yannick Jadot et plusieurs sénateurs du GEST protestent), de la résignation à ne rien faire pour que ces emplois soient pourvus par des Français ou des étrangers réguliers.

Créer un droit à la régularisation, comme le voulait le Gouvernement, est insoutenable. Qu'un pouvoir discrétionnaire de l'État récompense une conduite exceptionnellement vertueuse, pourquoi pas (on se gausse à gauche), mais créer un droit opposable, c'est inacceptable - en raison des principes républicains qui sont les nôtres, et que j'aimerais voir mieux partagés ici. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Thomas Dossus proteste.)

M. Christian Bilhac .  - Au RDSE, nous adorons le débat (sourires). Nous aimons amender les textes imparfaits. Comment se passer des travailleurs étrangers qui sont dans nos champs, sur nos chantiers, dans les cuisines des restaurants ? Ne faisons pas l'autruche !

L'automatisme peut poser problème, c'est vrai. Avec cette réécriture, le préfet délivrera les titres. À la préfecture de Montpellier, la pile de dossiers en attente fait un mètre : mieux vaudrait sans doute donner au préfet un droit de véto.

Quoi qu'il en soit, supprimer cet article plutôt que l'amender est une solution de facilité. (M. Mickaël Vallet applaudit.)

M. Christopher Szczurek.  - L'article 3 est mort, vive l'article 3 ! À l'issue des tractations de la journée, la campagne de régularisation massive voulue par le Gouvernement n'est pas réellement remise en cause. La majorité sénatoriale laisse ouvertes les fenêtres d'une maison déjà offerte aux quatre vents.

Avec deux millions de chômeurs et trois millions de sous-employés, l'économie française peut répondre sans immigration à cette prétendue crise de main-d'oeuvre qui n'est qu'une crise des salaires et des conditions de travail.

N'en déplaise à la gauche, le texte valide posteriori des pratiques illégales, et l'exploitation de personnes précaires ! La gauche constitue son armée de réserve électorale - la même que Marx appelait l'armée de réserve du capitalisme. (Vives exclamations à gauche) Vous organisez le dumping social, et n'améliorerez en rien la situation des travailleurs français ou étrangers. Se défausser sur le préfet est une capitulation du politique indéfendable. (M. Stéphane Ravier et M. Joshua Hochart applaudissent.)

M. Mickaël Vallet.  - Vous préférez les armistices !

M. Francis Szpiner.  - Nous défendons la valeur du travail. (Vives protestations à gauche) La gauche devrait s'interroger sur le fait que des emplois ne sont pas pourvus par nos compatriotes (marques d'ironie à gauche) : faibles salaires, manque de formation, vous ne voulez pas voir le problème. Je vous renvoie aux propos de Georges Marchais sur l'immigration. (Vives exclamations à gauche) Vous dites qu'il y aurait une sorte de bonneteau juridique, et que l'article 3 abrogé et l'article 3 reconstitué seraient jumeaux. Le droit opposable défendu par le Gouvernement vous allait très bien : votre vision, c'est puisque nous ne pouvons rien, laissons faire ! (Vives protestations à gauche)

M. Guillaume Gontard.  - C'est vous !

M. Francis Szpiner.  - Vous pensez, comme Yannick Jadot, que l'immigration ne pose aucun problème ? Manifestement, nous ne vivons pas dans le même monde...

Nous disons que c'est l'autorité qui décide qui peut être régularisé, et non le droit opposable ! Oui, nous avons la volonté politique de contrôler l'immigration. (Mêmes mouvements) Respecter la dignité des personnes, ce n'est pas leur dire de venir en France et de rester dans la clandestinité pour être régularisés ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations à gauche)

M. Stéphane Ravier.  - La gauche Terra nova !

M. Pascal Savoldelli.  - Monsieur Szpiner, Georges Marchais n'était pas contre l'immigration, il était contre le capitalisme.

M. Stéphane Ravier.  - Il était aussi contre l'immigration !

M. Pascal Savoldelli.  - Le ministre et M. Retailleau disent bien la même chose : on ne peut régulariser une personne si son employeur ne le permet pas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Absolument.

M. Pascal Savoldelli.  - C'est vrai dans le secteur marchand, mais pas seulement. Dans mon département, des travailleurs sans-papiers de Chronopost tiennent un piquet de grève depuis 23 mois : pourquoi ne sont-ils pas régularisés ? L'État figure pourtant au capital de La Poste.

Pourquoi le Parlement et le Gouvernement font-ils mine d'ignorer ce conflit social qui concerne des milliers de travailleurs sans papiers ? (M. Guy Benarroche applaudit.)

Mme Michelle Gréaume .  - Ces sans-papiers qui travaillent, on ne les voit pas. Ils sont pourtant au Fouquet's, dans les filiales de La Poste, ou pour poser des panneaux photovoltaïques financés par des aides de l'État.

Le problème, c'est votre relation avec le Medef. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Moi, j'entends des patrons qui, ne trouvant pas à recruter, embauchent des étrangers courageux, prêts à travailler, qui se lèvent tôt et ne traînent pas dans la rue à vous demander une pièce. Il faut les régulariser ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER ; M. Stéphane Ravier s'exclame.)

M. David Ros .  - Cet article 3, si j'ai bien compris, est le tournant des débats. Les Échos d'hier citent une étude de l'Insead, l'Institut Descartes et le Human Capital Leadership Institute qui appelle la France à s'ouvrir davantage aux immigrants, comme l'ont fait le Canada ou Singapour. Les Échos, ce n'est pourtant pas la gauche...

Monsieur le ministre, vous êtes au volant : gare à ce que ce prétendu virage à gauche ne vous entraîne pas vers la droite - non celle de M. Ravier, mais celle qui nous mène dans les graviers ! (Exclamations ironiques à droite ; quelques applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Ce sujet est certes important, mais ce n'est pas le coeur du texte.

Je rappelle ma position, pour Mme Vogel : je suis favorable à conserver l'article 3 tel qu'il est, et donnerai un avis défavorable aux amendements de suppression ; je donnerai un avis de sagesse sur l'amendement de repli de la commission.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Sagesse ou paresse ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Ai-je voulu instaurer un droit opposable ? Non. J'ai seulement voulu donner au législateur des critères pour régulariser des personnes. En général, les parlementaires - je l'ai été - demandent à pouvoir agir à la place de l'État. Je vous en donne les moyens, et cela ne vous convient pas !

Hypocrisie ? Beaucoup d'entre vous sont intervenus pour faire régulariser certains travailleurs. Les courriers que je reçois le matin ne ressemblent pas au débat de ce soir, mais qu'importe...

Vous auriez pu modifier les critères, les durcir ; allonger la durée de séjour requise, imaginer des quotas, comme M. Szpiner. Vous avez refusé de prendre ce pouvoir parlementaire que je vous offrais, au profit d'un maintien des régularisations par le préfet, au cas par cas. L'hypocrisie arrange tout le monde : le ministre régularise, sur demande du maire ou du parlementaire, et il n'y a pas de droit opposable !

Monsieur Kanner, ne me faites pas croire que vous auriez voté ce texte si l'article 3 n'avait pas été supprimé. Idem pour les autres groupes de gauche. (On le conteste vigoureusement à gauche.)

Mme Audrey Linkenheld.  - Nous n'avons jamais dit cela !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Allons, cette astuce est transparente. Ce que vous voulez, et c'est normal, c'est que le Gouvernement échoue. Voudriez-vous que je fasse confiance à des personnes qui ne voteront pas le texte ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous aurions voté l'article 3.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - La politique se fait à l'épreuve de la réalité. Vous annoncez que vous ne voterez pas l'amendement de la majorité sénatoriale car il ne va pas assez loin. Vous refusez donc une avancée pour les travailleurs ! (Protestations à gauche)

Mme Audrey Linkenheld.  - C'est faux !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Cet article met pourtant fin au servage du travailleur vis-à-vis de l'employeur.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est faux !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Par hypocrisie ou par posture, vous refusez de petites avancées. Lorsque vous étiez aux responsabilités pendant dix ans, vous n'avez jamais régularisé de plein droit, jamais supprimé ces articles du code du travail. Vous avez tous, communistes exceptés, soutenu la circulaire Valls. Le Gouvernement vous propose d'avancer, et vous tendez le pied dans l'espoir qu'il se casse la figure ! Depuis votre alliance avec M. Mélenchon, vous avez quitté les rivages des partis de gouvernement.

Il y a une cohérence dans le texte du Gouvernement : l'article 2, l'article 3, l'article 5 et l'article 8. La commission des lois a supprimé l'article 2, heureusement rétabli hier, l'article 5 et l'article 8, mais conservé l'article 3. L'enfer, pour la majorité sénatoriale ! (Sourires)

L'article 5 supprimait la possibilité pour un étranger de créer une autoentreprise sans justifier de papiers, véritable filière d'immigration irrégulière : ces étrangers payent des impôts, cotisent, puis demandent la régularisation. Certes, cette suppression ne plaît pas aux entreprises qui profitent de ce dévoiement de l'autoentreprise pour y piocher une main-d'oeuvre bon marché...

La commission des lois a également supprimé l'article 8, qui impose la fermeture administrative des entreprises employant des personnes en situation irrégulière. Pourtant, elle n'a pas supprimé l'article 3, dont vous dites qu'il instaure un droit automatique ! J'espère que, par cohérence, vous voterez le rétablissement des articles 5 et 8. (M. Bruno Retailleau s'amuse.)

Monsieur Retailleau, vous ne vouliez pas d'article sur la régularisation. Vous avez obtenu un compromis politique, c'est bien normal dans une assemblée parlementaire.

M. Bruno Retailleau.  - Nous ne voulions pas d'un droit automatique ! L'amendement est différent de l'article 3.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Bien sûr, il s'appelle 4 bis, il doit donc être très différent... (Sourires) Vous vous êtes mis d'accord avec M. Marseille pour supprimer la notion d'automaticité. Le Gouvernement soutiendra ce compromis, mais ne faites pas croire que vous souhaitiez ardemment cette mesure !

Que s'est-il donc passé ? De la politique parlementaire ! Il y avait une majorité pour ne pas supprimer l'article 3, et une majorité pour voter contre le texte, puisque la gauche aurait été ravie de faire tomber le ministre de l'intérieur, après avoir voté pour l'article 3. (Sourires) Mais j'ai un instinct de survie assez développé. (Sourires) Accepter le compromis, c'est prendre ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe UC)

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois .  - Sortons de l'hypocrisie. Il y a une grande différence entre l'article 3 et l'amendement que nous avons déposé à l'article 4.

M. Bruno Retailleau.  - Bien sûr !

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - L'automaticité du titre de séjour, sur simple déclaration, sans vérification auprès de l'employeur, conduisait à régulariser largement et de plein droit. Cela ne nous convenait pas. Si l'article 3 n'a pas été supprimé, c'est que la commission a souhaité que le débat ait lieu en séance.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vous n'étiez pas d'accord entre vous !

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Nous voulons une régularisation au cas par cas, par le préfet, dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour ; il étudiera la situation et vérifiera la réalité de l'emploi auprès de l'employeur. Il me paraît vertueux de ne pas régulariser des gens qui travaillent pour des voyous ! (M. Bruno Retailleau renchérit ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; vives protestations à gauche)

Mme Silvana Silvani.  - Ce sont les patrons qu'il faut sanctionner !

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Cette distinction avec l'article d'origine est essentielle.

Comme dans tout compromis, chacun a fait valoir son point de vue. Nous ne refusons pas de régulariser des étrangers en situation irrégulière qui ont un contrat de travail, nous supprimons seulement l'automaticité. Que le débat ait lieu, mais sur la base de la vérité ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)