SÉANCE

du jeudi 23 novembre 2023

29e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Secrétaires : M. François Bonhomme, Mme Nicole Bonnefoy.

La séance est ouverte à 9 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Culture citoyenne

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne, présentée par M. Henri Cabanel et plusieurs de ses collègues, à la demande du RDSE.

Discussion générale

M. Henri Cabanel, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI) Savez-vous ce qu'est la citoyenneté ? Seuls 28 % des jeunes des lycées Henri IV et Mermoz, à Béziers, ont répondu oui.

Un chiffre qui ferait frémir les rédacteurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC), qui déclaraient en 1791 : « Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. »

Deux siècles et demi plus tard, en cette ère de défiance, qu'est devenue la notion de bonheur pour tous ?

En mars 2023, 75 % des Français disent ne pas faire confiance au Gouvernement. Pour le Parlement, c'est entre 68 et 72 %. Les violences envers les élus ont progressé de 32 % l'an dernier. Pour les journalistes, 57 % de défiance !

Comment revenir aux valeurs communes de notre République ? Tel est l'objet de notre proposition de loi, issue de la mission d'information présidée par Stéphane Piednoir, organisée autour de trois axes : mieux éduquer, encourager une citoyenneté active et repenser les pratiques démocratiques pour rapprocher les citoyens des institutions.

Premier axe : mieux éduquer. Notre parti pris, c'est de nous préoccuper des jeunes, car la citoyenneté se construit et s'enseigne. L'enseignement moral et civique (EMC), au gré des réformes successives, est devenu une matière instable.

En 2018, Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, déplorait son statut très secondaire.

Il recommandait d'abord de développer les liens entre les jeunes et les institutions. Dans mon département, j'ai initié un binôme d'élus dans les établissements scolaires. Nous avons soutenu ce projet avec Sophie Béjean, rectrice de l'académie de Montpellier. Le but : que les élus portent d'une même voix auprès des jeunes scolarisés les valeurs de notre République.

Ensuite, Jean-Marc Sauvé expliquait que la refondation du pacte de citoyenneté devrait passer par la réaffirmation des valeurs qui sont à sa racine, et demandait que l'on intègre les jeunes en amont dans la construction des politiques publiques qui les concernent.

La citoyenneté se construit à l'école, mais comment se sentir citoyen quand l'égalité des chances n'est pas la même pour tous ? C'est pourquoi je travaille avec des jeunes de Paris, Melun, Marseille, Toulouse... Je salue particulièrement le travail remarquable conduit par l'association Une voie pour tous.

Nous avons auditionné des experts, mais surtout des jeunes, ce dont je suis particulièrement fier. Si nous ne les écoutons pas, il ne sert à rien de légiférer. J'ai organisé un déplacement à Montpellier, où nous avons entendu les jeunes parler de leur vie, de la vraie vie. L'un d'entre eux nous a dit se sentir exclu de la société.

Deuxième axe de la mission d'information : encourager une citoyenneté active. Pour faire citoyenneté, il faut pouvoir être acteur. C'était le but de la création du service civique. La création du service national universel (SNU) s'est inscrite dans une démarche similaire. Les critiques sur l'aspect militaire du dispositif sont de faux arguments. Faisons cohabiter les deux dispositifs. Voyons le service civique comme un complément du SNU : le SNU offre les bases, le service civique les nourrit, lui qui est si important pour les jeunes décrocheurs.

Troisième axe : repenser les pratiques démocratiques, pour rapprocher les citoyens des institutions.

Qu'avons-nous raté ? L'abstention est devenue aujourd'hui le premier parti de France. Des maires de grande ville n'ont été élus qu'avec 18 % des suffrages.

J'aurais aimé aller plus loin sur la reconnaissance du vote blanc et le vote obligatoire, mais j'ai dû composer.

Adopté à l'unanimité le 7 juin 2022, le rapport d'information est assorti de vingt-trois recommandations, dont six ont une traduction législative, sur l'EMC, la Journée défense et citoyenneté (JDC), les Établissements pour l'insertion dans l'emploi (Epide), la double procuration, la profession de foi électronique et le statut de l'étudiant élu.

Cette proposition de loi est limitée, car elle n'a pour ambition que de faire progresser quelques recommandations ; mais ainsi elle améliorera l'existant, dans l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; M. Laurent Lafon applaudit également.)

M. Bernard Fialaire, rapporteur de la commission de la culture .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) « Rien n'est moins naturel que la démocratie, qui consiste à remplacer la violence, verbale ou physique, par des discussions, des compromis et des efforts collectifs. » Ces propos de Dominique Schnapper nous rappellent la nécessité d'entretenir la flamme de la citoyenneté.

La mission d'information a identifié un parcours citoyen constitué de cinq étapes clés, fondements d'un projet collectif autour valeurs partagées. Mais chaque étape s'étiole. Il en résulte une « archipélisation de la société », pour reprendre les termes de Jérôme Fourquet.

La mission d'information a formulé vingt-trois propositions. Henri Cabanel reprend celles à portée législative. Nous sommes conscients que ce texte ne suffira pas à réconcilier tous les jeunes avec la démocratie, mais il améliorera la formation des jeunes à la citoyenneté.

Il y a 120 ans, Ferdinand Buisson disait : « Le premier devoir d'une République, c'est de faire des républicains. »

Nous voulons resserrer l'EMC sur des objectifs concis. Son contenu est désormais pléthorique, et manquent des heures dédiées. L'enseignant pioche des points dans le programme, selon son appétence et ses compétences : une forme de vision collective en pâtit.

La formation des enseignants n'est pas l'objet de ce texte, même si le sujet est primordial. Je suis ainsi frappé que le Capes d'histoire-géographie ne comporte aucune épreuve d'EMC ; les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) n'incluent pas cette matière dans la formation initiale des enseignants. L'État doit reprendre la main, en tant que futur employeur. Par ailleurs, la défense des valeurs de la République ne peut se limiter aux seuls enseignants d'histoire géographie, il faut l'étendre à toute la communauté éducative.

La JDC devait être un rendez-vous obligatoire, pour l'ensemble d'une classe d'âge, avec ceux qui assurent la défense du pays. Or trois heures seulement y sont consacrées. Lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), un amendement de M. Henri Cabanel, reprenant l'article 2 du présent texte, avait été voté, mais censuré comme cavalier.

L'article 3 de la proposition de loi vise l'intégration des jeunes via les Epide. Je me suis rendu dans un établissement et ai pu constater l'importance de ce dispositif. Mais les places sont limitées ; le taux d'occupation est de 90 à 95 %. Il convient de mieux faire connaître les établissements et de renforcer le maillage territorial. Une dizaine de départements ont envoyé moins de cinq jeunes en cinq ans en Epide, à cause d'un maillage insuffisant.

Les articles 4 et 5 visent à moderniser le processus électoral. La société évolue, je me réjouis donc que le Sénat se saisisse de cette question. La double procuration adapte notre système électoral aux réalités des mobilités actuelles. Quant à l'envoi dématérialisé de propagande, il ne sera pas généralisé, pour ne pas pénaliser ceux qui ne maîtrisent pas le numérique. Les jeunes sont particulièrement intéressés par cet envoi numérique. La commission a élargi cette possibilité pour les élections locales et européennes.

Difficile, pour les jeunes élus, de concilier études et mandat électif. Pourtant, l'engagement associatif, militaire et civil ou le travail étudiant sont pris en compte. Nous voulons donc étendre ces dispositions aux jeunes élus. La commission a réécrit l'article 6 en ce sens, et étendu ce dispositif aux mandats nationaux et européens.

Cette proposition de loi contribuera à guérir les fractures entre les citoyens et nos institutions. J'en profite pour saluer l'ensemble des élus, notamment les maires, qui sont un maillon essentiel de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI ; M. Laurent Lafon applaudit également.)

Mme Prisca Thevenot, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Je suis honorée de m'exprimer pour la première fois à cette tribune en tant que secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du SNU. J'aime penser ce ministère comme un ministère du lien, notamment entre les jeunes et nos institutions.

La citoyenneté est le socle de notre nation. Je remercie donc le RDSE d'avoir mis à l'ordre du jour ce texte constructif, transpartisan et rigoureux. Le Gouvernement en partage les constats et la philosophie. Le goût des jeunes pour l'engagement doit être renforcé. Nous ne sommes pas une somme d'individus mais une équipe de citoyens, sous un même drapeau, partageant les mêmes valeurs : liberté, égalité, fraternité. Nous devons construire ces valeurs dans une société plus tolérante et plus unie.

Notre jeunesse est confrontée à la grande bascule, pour reprendre les mots du Président de la République : crise écologique, difficultés économiques, retour de la guerre en Europe, conflits sociaux et religieux, transformation numérique. Cette jeunesse ne veut pas être administrée, mais responsabilisée. En l'émancipant, rendons-la actrice de son destin.

Avec Gabriel Attal, nous avons lancé le SNU en 2019. Quelque 90 000 jeunes y ont participé. En 2024, nous ouvrons 80 000 places. Cette année, le SNU franchit un pas de plus, avec les « classes et lycées engagés », autour d'un projet pédagogique annuel. Nous visons en priorité les quartiers prioritaires de la politique de la ville, dont sont issus la moitié des bénéficiaires.

Vendredi dernier, nous avons lancé les brigades citoyennes SNU, qui ont vocation à venir en aide aux collectivités territoriales dans les territoires frappés par les intempéries. Dès le lendemain, les premiers volontaires étaient sur le terrain dans le Pas-de-Calais.

En 2024, nous ambitionnons 150 000 volontaires. Il s'agit du premier poste de dépenses de mon ministère, avec 518,8 millions d'euros.

Favoriser les échanges, c'est aussi le but du dispositif Engagement seniors. J'ai annoncé le doublement du service civique pour que les jeunes puissent intervenir en Ehpad, l'objectif étant d'intervenir auprès de 200 000 personnes âgées d'ici à 2027.

Pour reprendre les mots du rapport, redynamiser la culture citoyenne, c'est permettre aux jeunes de s'investir dans les associations. Nous allons augmenter le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) : il passera de 50 millions d'euros en 2023 à 70 millions en 2024.

Nous traversons de profondes mutations auxquelles le secteur associatif n'est pas hermétique. Nous l'accompagnons autour de quatre grands axes : simplification, reconnaissance, facilitation et accompagnement des acteurs.

Le contenu de l'EMC doit être recentré sur l'éducation aux institutions, sur nos grandes valeurs et sur les grands sujets sociétaux. L'apprentissage d'une attitude réfléchie et éclairée face aux informations est une exigence démocratique. C'est pour cela que Gabriel Attal a annoncé que l'EMC serait renforcé dès 2024. Au collège, les heures seront doublées.

Le Conseil supérieur des programmes y travaille. Il serait prudent d'attendre ses conclusions, prévues pour début décembre, avant de modifier la loi. Cette matière, qui a fait l'objet de nombreuses modifications ces dernières années, ne peut se limiter à un enseignement historique. Elle doit favoriser une relation de confiance envers les institutions. Elle doit être aussi morale que civique.

La JDC doit aussi retrouver sa vocation initiale, celle d'un rendez-vous entre nos jeunes et nos armées. Le ministère des armées y travaille, pour la recentrer sur ses missions premières : enseigner les enjeux de défense, renforcer le lien armée-nation, accroître l'attractivité des métiers de défense. Les travaux sont en cours, c'est pourquoi le ministère des armées est réservé quant à la temporalité de l'article 2.

Le dispositif des Epide présente d'excellents résultats. Le Gouvernement est favorable à cet article 3, sous réserve de l'adoption de l'amendement de réécriture du rapporteur.

Le Gouvernement émettra un avis défavorable aux deux articles suivants. Le vote par procuration déroge déjà au secret du vote. La double procuration a été rendue possible durant la crise sanitaire, dans des conditions particulières. Mais seulement 7 % des mandataires détenaient une double procuration. Par ailleurs, la procuration a déjà été assouplie : depuis 2022, il est possible de détenir une procuration d'un électeur d'une autre commune.

Il semble prématuré d'inscrire l'envoi dématérialisé de la propagande électorale dans la loi. Cela impliquerait une collecte massive de données, car seuls 25 % des électeurs ont donné leur adresse e-mail.

Nous devons tout faire pour faciliter la vie des jeunes élus et les aider à concilier leurs études avec leur mandat. Je partage pleinement l'objet de l'article 6. Cependant, son inscription dans le code général des collectivités territoriales ne semble pas opportune.

Je souhaite que nous poursuivions le renforcement du parcours citoyen tout au long de la vie, sujet capital pour notre pays. Faisons-le ensemble, pour nos jeunes, et avec eux.

M. Gérard Lahellec .  - Je salue la volonté de cette proposition de loi de renforcer la culture de la citoyenneté. La création d'un statut d'étudiant élu ou le souci de moderniser le processus électoral sont de bonnes avancées.

L'EMC doit s'attacher à transmettre les valeurs de la République ; nous en avons grandement besoin. Je pense à nos enseignants, et à nos professeurs d'histoire-géographie en particulier, en grande souffrance jusque dans leurs classes. Il faut instruire notre jeunesse du sens profond de notre République, car c'est à cette seule condition qu'elle s'engagera pour la défendre.

Comme le disait Jean Jaurès, dans son discours de 1903 à la jeunesse : « L'histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l'invincible espoir. » Nous ne parviendrons pas à relever cet immense défi par quelques mesures symboliques, ni en revenant au temps du tableau noir, où la journée d'école commençait par une leçon de morale... Instituer la République, c'est proclamer que des millions d'hommes sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et l'ordre. À cet égard, cette proposition de loi nous semble peu ambitieuse.

Notre République n'est pas née de la transposition de la République romaine. Elle est celle d'un grand peuple de citoyens réputés égaux. Elle est celle de la démocratie et du suffrage universel - nouveauté magnifique, et émouvante. Nous devons en instruire notre jeunesse.

Nous ne voulons pas lui proposer un rêve décevant ou affaiblissant, mais le rêve éveillé d'une République à défendre face aux menaces ou aux illuminations. En votant cette proposition de loi, nous continuerons donc à nourrir cette grande ambition. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST, du groupe INDEP et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

Mme Annick Girardin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cette proposition de loi se veut pratique et pragmatique.

Depuis des décennies, nous inventons des dispositifs pour réaffirmer la citoyenneté et l'appartenance à la République. La France, pays des Lumières et des droits de l'homme et du citoyen, a porté face au monde la liberté, l'égalité et la fraternité. Mais les héritiers de ces combats s'en détachent en méconnaissant la valeur de cet héritage. Même la volonté de vivre ensemble, de faire nation, est en perte de vitesse.

Cette citoyenneté est une construction perpétuelle, mais encore faut-il en avoir les bases ! Nous ne nous facilitons pas la tâche en complexifiant le contenu de nos apprentissages, qu'il s'agisse de l'EMC ou de la JDC.

La citoyenneté, c'est aussi l'expérience et l'engagement. Les écodélégués, le SNU, le service civique, le volontariat international en entreprise (VIE) ou en administration (VIA), les conseils municipaux des jeunes... Les dispositifs sont nombreux. Pourquoi ne sont-ils pas suffisamment sollicités ? Parce qu'il est difficile d'y accéder, et qu'ils sont insuffisamment complémentaires.

J'ai entendu ce que le Gouvernement souhaitait faire pour valoriser cet engagement. Mais il faut aller vite.

Être citoyen, c'est aussi faire des choix politiques. Cela passe par le vote. La progression de l'abstention doit nous faire réagir. La double procuration ou l'envoi électronique des professions de foi sont des mesures de bon sens.

Voter cette loi, c'est aussi favoriser l'engagement des jeunes, en protégeant les étudiants élus ou en accompagnant des jeunes sans diplôme dans leur insertion. À cet égard, le service militaire adapté, en vigueur outre-mer, peut nous inspirer.

C'est avec beaucoup de fierté que notre groupe présente cette proposition de loi qui sera, je l'espère, largement votée. Je salue Henri Cabanel, son auteur, et Bernard Fialaire, son rapporteur. Ce travail devra se poursuivre par la matérialisation d'un parcours citoyen tout au long de la vie, sous la forme d'un passeport qui viendra sceller les droits et les devoirs des citoyens. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Martin Lévrier .  - La culture citoyenne est cruciale pour le renforcement du lien entre citoyens et institutions. Le RDPI partage cette préoccupation.

La mission d'information sur le renforcement de la culture citoyenne a identifié cinq étapes essentielles pour inscrire les citoyens dans un parcours collectif : l'école, la JDC, les dispositifs d'insertion sociale, l'engagement citoyen et les élections.

La proposition de loi entend améliorer la formation à la citoyenneté, moderniser le processus électoral et faciliter le mandat des jeunes.

Nous saluons les principales avancées du texte, comme la révision de l'EMC, le recentrage de la JDC sur la défense, la sécurité et l'orientation des jeunes vers ces métiers, ou encore la prolongation de trois mois de l'accompagnement au sein des Epide.

Une partie de notre groupe est défavorable au rétablissement de la double procuration prévu à l'article 4, contraire au secret du vote. Par ailleurs, adapter nos processus électoraux à la dématérialisation n'est pas forcément bénéfique. N'oublions pas que 15,4 % des Français de plus de 15 ans, selon l'Insee, sont en situation d'illectronisme.

Enfin, la création d'un statut d'élu étudiant est à saluer.

Comme bon nombre de sénateurs de notre groupe, je regrette que l'on n'ait pas attendu les conclusions des travaux du Conseil supérieur des programmes sur le contenu de l'EMC. La lettre de saisine du ministre souligne le rôle crucial de cet enseignement dans la formation de citoyens éclairés, l'importance de l'autonomie du citoyen et de son appartenance à une communauté politique. L'EMC sera enrichi de dispositions relatives à l'éducation aux médias et aux réseaux sociaux et à l'apprentissage du discernement. La non-articulation de la présente proposition de loi avec cette lettre de mission nous interroge.

Par ailleurs, les articles 4 et 5 soulèvent des questionnements qui ne permettent pas à notre groupe de voter unanimement.

M. Adel Ziane .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La citoyenneté est un concept essentiel, ciment de notre République. Inspiré de l'Antiquité, mûri par les Lumières et concrétisé en 1789, ce concept excluait autrefois les femmes ou les hommes ne pouvant s'acquitter du cens. Il a fallu attendre 1848 pour que soit instauré le suffrage universel, imparfait, et 1945 pour un suffrage vraiment universel, après un âpre et long débat sur le vote des femmes.

En 2023, ce combat continue, car la citoyenneté est bien plus qu'un statut administratif. Au concept d'un individu citoyen détenteur de droits et devoirs se substitue celui d'un individu consommateur de biens et services. La mondialisation et les crises environnementales remettent en question notre rôle de citoyen, tandis que l'abstention démontre un désintérêt pour nos institutions et qu'émergent des modes d'action autres que le vote.

L'enjeu est majeur : l'adhésion aux valeurs de la République, de liberté, d'égalité et de fraternité.

Il aurait fallu une approche plus ambitieuse pour renforcer l'engagement citoyen. Malgré l'absence d'avancées substantielles, nous saluons néanmoins cette proposition de loi.

Rendre l'EMC plus opérationnel est positif. L'article 4 pérennisant la double procuration nous semble intéressant, mais la vigilance sera de mise pour éviter les usages frauduleux. La création d'un statut d'élu étudiant est bienvenue. La commission l'a utilement étendu aux mandats nationaux et européens.

Partisan du progrès et de l'égalité, je reconnais que ce texte, même modeste, comporte des avancées.

Il faut explorer des pistes complémentaires : réformes éducatives audacieuses, réflexion sur la représentativité des institutions et la démocratie directe. La proposition de loi de Yan Chantrel sur le référendum d'initiative partagée, hélas rejetée hier, allait en ce sens.

Nous devons aussi nous attaquer à la désinformation et promouvoir une éducation aux médias.

Le groupe SER votera cette proposition de loi. Les premiers pas, même les plus modestes, ont leur importance. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE)

Mme Sabine Drexler .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis 1789, nous sommes tous reconnus comme citoyens et faisons partie d'une même nation démocratique, où la souveraineté appartient au peuple.

La crise démocratique que nous vivons se manifeste par une lente érosion de la participation aux élections. L'abstention est devenue le premier parti de France, le record ayant été atteint en 2021 aux élections départementales et régionales, avec seulement un tiers de votants.

Mais ne soyons pas défaitistes. Cet état des lieux est plutôt le signe d'un mécontentement et d'une méconnaissance du paysage institutionnel français, rendu illisible par les réformes successives. L'incohérente et complexe répartition des compétences entre collectivités territoriales et services de l'État y est pour beaucoup. En cherchant à y remédier, on complexifie encore. La dégradation du débat public, où l'invective a remplacé la parole, joue aussi.

Cette proposition de loi est une première étape, qui en appelle d'autres, pour retisser les fils de la confiance perdue. Il s'agit de recentrer, faciliter, encourager.

D'abord recentrer. L'école est un terreau, à condition que l'éducation morale et civique soit, comme autrefois, une discipline à part entière et non un enseignement « strapontin ». L'EMC doit être recentré sur ses fondamentaux : l'esprit républicain et la morale. Nos élèves doivent être formés à la connaissance des institutions et au fonctionnement de l'administration et des instances de gouvernement.

La JDC est l'occasion d'un contact direct avec les militaires et de sensibilisation aux sujets de défense : son contenu doit être recentré sur les enjeux de sécurité et sur les différentes formes d'engagement, pour faire de nos jeunes des citoyens responsables et éclairés. L'ignorance et le déni font le lit des guerres !

Les Epide ont fait leurs preuves depuis dix-huit ans : 50 000 jeunes en sont sortis, avec un taux d'insertion dans l'emploi de 40 %. Cette solution doit être développée. La proposition du rapporteur de prolonger la durée d'hébergement des jeunes travailleurs de trois mois est une excellente chose.

Nous ne pouvons qu'adhérer à la facilitation des démarches pour les électeurs : avec la double procuration, nous répondons aux attentes des citoyens. La diffusion par voie électronique de la propagande électorale devrait faire repartir la participation à la hausse, notamment chez les jeunes. Cela évitera aussi le gâchis de tonnes de papier et d'encre, la mise sous pli chronophage et les problèmes de distribution.

Les jeunes générations se détournent de plus en plus de l'engagement associatif ou politique, faute de temps. À l'heure où nous vivons une crise profonde des vocations, avec un nombre record de démissions d'élus, ouvrir un statut d'élu étudiant incitera les jeunes à s'engager dans la vie locale.

Nous devons dépasser les clivages politiques, la santé de notre démocratie est en jeu. Cette première étape en appellera d'autres. Suscitons l'envie de s'exprimer et de s'engager, d'être en toute connaissance de cause un citoyen français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE ; Mme Monique de Marco applaudit également.)

Mme Laure Darcos .  - Je salue en tribunes l'élu Pierrick Courilleau, porteur de handicaps lourds, qui me suivra toute la journée. Très dynamique, il illustre tout ce que l'on peut apporter à la vie municipale tout en ayant ces handicaps. (Applaudissements)

Cette proposition de loi reprend les préconisations de la mission d'information d'Henri Cabanel visant à restaurer le lien entre les citoyens et les institutions. Elle apporte des réponses concrètes au désengagement démocratique des Français, dont témoignent les taux d'abstention. C'est d'autant plus vrai pour les jeunes, malgré l'EMC. Nous nous inquiétons du fossé grandissant entre élus et citoyens, de la fatigue républicaine qui s'est emparée de notre pays.

Ce texte formule des propositions réalistes et pertinentes. Je salue ainsi la création de la double procuration et la diffusion électronique des professions de foi, avancée écologique et logistique. Certains électeurs reçoivent la propagande après l'élection !

Afin de rapprocher les plus jeunes de la vie citoyenne, la proposition de loi recentre le contenu de l'EMC, dont les programmes actuels sont incohérents et les objectifs disparates.

La création d'un statut d'élu étudiant est une excellente mesure. Nous devons encourager les vocations. En cette semaine consacrée aux maires de France, je salue les plus jeunes d'entre eux.

Bien que non mentionné dans le texte, le SNU est un moyen de valoriser la citoyenneté et le sens de l'engagement. Le séjour de cohésion permet un brassage social qui n'existe plus depuis la conscription. Je salue l'initiative de Mme la secrétaire d'État de déployer les brigades SNU auprès des collectivités territoriales et des associations venant en aide aux victimes des inondations dans les Hauts-de-France.

Le SNU fait grandir les jeunes en tant que citoyens. Je suis favorable à son extension à l'ensemble d'une classe d'âge, même si je n'ignore pas les défis. Avec un peu de bon sens, nous pourrions dégager une marge de manoeuvre financière en les déployant à proximité de leur domicile. En revanche, la saisine du Parlement sera nécessaire pour trancher sur sa nature volontaire ou obligatoire, militaire ou civique.

Le groupe INDEP soutiendra la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Jean Hingray .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je félicite Henri Cabanel et Stéphane Piednoir pour leur travail. Alors qu'un fossé se creuse entre élus et citoyens, cette proposition de loi apporte une traduction législative aux recommandations de la mission.

Nous saluons la réforme du code de l'éducation, qui intègre une formation aux valeurs de la République dans le cadre de l'EMC, afin de sacraliser la pédagogie sur nos institutions et sur le principe de laïcité. Plus les jeunes connaîtront le rôle de chaque élu, plus ils voteront.

Nous nous félicitons du recentrage de la JDC. Les sensibilisations sur l'égalité femmes-hommes ou sur le don d'organes existent dans les établissements scolaires. Se focaliser sur l'engagement au sein des forces armées, des réserves ou des sapeurs-pompiers pourra même susciter des vocations.

La proposition de loi réforme également le processus électoral. La double procuration fonctionne, nous l'avons vu en 2021, et pourrait réduire l'abstention chez les jeunes en études loin du domicile familial.

L'envoi dématérialisé de la propagande électorale est encourageant, mais arrêter le courrier serait prématuré. Il faudrait envoyer d'abord par courriel, pour que les électeurs disposent de davantage de temps pour lire les professions de foi.

Le statut d'élu étudiant, sur le modèle de l'étudiant salarié, apporterait des facilités pour combiner études et mandat. S'il est difficile d'agir sur l'éloignement entre le lieu d'élection et le lieu d'études, on peut néanmoins aider les étudiants à dégager du temps pour un mandat.

Le groupe UC votera cette proposition de loi et vous encourage à faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Mathilde Ollivier .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Marie-Pierre Monier et M. Gérard Lahellec applaudissent également.) Notre pays est plus fracturé que jamais. Les causes sont complexes : crises à répétition, difficultés économiques et sociales, exemplarité de la classe politique.

Nous, écologistes, sommes convaincus que le vivre ensemble doit se conjuguer au faire ensemble. Nous devons travailler la question du lien, dans nos villes et villages. Le principe du faire société se trouve actuellement dans une impasse.

Vous évoquez à raison la forte fluctuation législative : faut-il légiférer encore et encore sur l'EMC et la JDC ? La liberté d'enseignement de nos professeurs permettra un meilleur résultat. Faisons-leur confiance. Pour la JDC, je regrette la disparition de la mention de la lutte contre les préjugés sexistes et contre les violences sexuelles et sexistes.

La dématérialisation de la propagande électorale est une bonne chose. Souvenons-nous du fiasco de la distribution lors des législatives ! Elle réduira le risque de dysfonctionnement et l'empreinte carbone des élections, mais doit rester facultative pour ne pas aggraver la fracture numérique. De même, la double procuration de vote est bénéfique, elle a fait ses preuves pour les Français de l'étranger. Encore faut-il bien communiquer sur le fonctionnement.

L'abstention affolante est le symptôme d'une société malade. Aux dernières présidentielles, 42 % des 18-24 ans ne se sont pas déplacés ; 70 % lors des législatives. Cette proposition de loi s'engage à mieux reconnaître l'engagement des jeunes dans les mandats politiques. Le concilier avec les études et la vie personnelle exige de surmonter de nombreux obstacles. Le taux de maires de plus de 60 ans est de 55,3 %. Il y a de l'espoir ; des jeunes sautent le pas dans les conseils départementaux et régionaux, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Leur permettre de libérer du temps pour leur mandat est une bonne chose.

Combattre le frein de l'engagement politique des jeunes, c'est leur laisser la place. Faire et vivre en société, c'est favoriser l'engagement de toutes et tous, quel que soit l'âge, le genre ou le milieu social. La jeunesse est notre pilier, donnons-lui sa chance.

Le GEST votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe SER et du RDSE)

Discussion des articles

Article 1er

M. Pierre Ouzoulias .  - Je salue cette nouvelle rédaction, sobre et efficace, de l'article L. 312-15 du code de l'éducation.

L'enseignement obligatoire des principes de la laïcité dans les établissements sous contrat sera désormais d'ordre législatif et non réglementaire. Un arrêté de juillet 2021 prévoit bien que tous les personnels des établissements, y compris hors contrat, soient formés à la laïcité, mais il n'est pas appliqué. J'ai été saisi par des syndicats d'enseignants qui regrettent le très faible nombre de formateurs sur la laïcité, malgré les consignes du secrétariat général de l'enseignement catholique (SGEC). Trop d'établissements estiment qu'enseigner la laïcité est optionnel. Avant même l'adoption de cette proposition de loi, votre ministère doit s'assurer de la pleine effectivité de son arrêté.

M. Patrick Kanner.  -  Très bien !

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

à la

par les mots :

aux principes de la République visés au premier alinéa de l'article 1er de la Constitution dont celui de

M. Adel Ziane.  - Nous nous félicitons du toilettage de l'article L. 312-15, qui avait enflé pour intégrer de nombreuses préoccupations sans rapport évident avec l'EMC. Néanmoins, en le restreignant autant, certains sujets cruciaux sont supprimés.

Il faut rappeler les principes de la République figurant à l'article 1er de la Constitution, notamment son caractère indivisible, laïc, démocratique et social. Nous n'avons pas compris le raisonnement du rapporteur en commission, arguant que les principes de la République seraient contenus dans ses valeurs. Pour nous, l'indivisibilité de la République signifie que les lois s'appliquent de la même manière que pour tous. La laïcité découle de l'application de la loi de 1905. La démocratie signifie que le peuple détient le pouvoir qu'il confie à ses représentants élus. La République sociale implique que l'État a le devoir de satisfaire les besoins des citoyens en matière d'éducation, de logement et de santé.

L'État est garant des principes de la République, qui ne sont pas inclus dans les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité. Ces valeurs obligent l'État, mais aussi les citoyens. L'EMC doit éclairer sur ces deux facettes de la vie citoyenne : les principes du ressort de l'État protecteur et les valeurs partagées par toutes et tous.

M. Patrick Kanner.  - Très bien !

M. Bernard Fialaire, rapporteur.  - La commission souhaite conserver l'esprit de ce texte : rassembler sur les valeurs de la République un EMC plus concentré. Au RDSE, nous défendons les principes de la République, qui, selon nous, constituent les valeurs de la République. Que serait la laïcité sans la liberté ? Qu'est-ce que la fraternité, sinon la solidarité, le contraire du communautarisme ? Retrait, pour ne pas alourdir. À défaut, avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, secrétaire d'État.  - Les programmes en vigueur prévoient cet enseignement du CP à la Terminale. La saisine du Conseil supérieur des programmes mentionne bien la transmission des valeurs fondamentales et des principes inscrits dans la Constitution. Retrait, sinon avis défavorable. Inutile de réécrire ce qui est déjà écrit.

M. Patrick Kanner.  - Je connais une grande élue du Nord qui dit que quand c'est flou... Vous connaissez la suite.

M. Pierre Ouzoulias.  - Bien vu !

M. Patrick Kanner.  - Pourquoi ne pas mentionner les principes de la République ? La volonté de toilettage ne doit pas conduire à réduire à la portion congrue ce qui fait notre pacte républicain, notre vivre ensemble. De quoi avez-vous peur ?

Mme Prisca Thevenot, secrétaire d'État.  - Nous n'avons pas peur !

M. Patrick Kanner.  - La rédaction proposée est claire et nette : il faut montrer notre engagement. Je me souviens de propositions du Gouvernement pour identifier parfaitement la laïcité.

M. Pierre Ouzoulias.  - M. Jean-Raymond Hugonet nous a instruits sur les différences entre valeurs et principes de la République. La valeur, en latin, c'est ce qui vaut, qui se mesure. Le principe, c'est ce qui est premier. Faire référence à l'article 1er de la Constitution me semble une évidence. Je ne comprends pas votre opposition.

Je laisse M. Hugonet compléter... (Sourires)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Je suis heureux de ce débat. Depuis six ans, je me bats pour rappeler le distinguo subtil, mais pourtant évident, entre les valeurs de la République - liberté, égalité et fraternité - et les principes de la République énoncés dans la Constitution, au nombre desquels la laïcité.

En six ans, j'ai repris les deux ministres de l'éducation nationale qui, sciemment ou par incompétence, commettaient cette confusion. C'est une erreur fondamentale !

Bien entendu, notre pays est laïc et nous en sommes fiers. Nous avons même inventé cette laïcité.

Il ne faut pas toucher à ce qui est clair : les valeurs sont très claires et sont premières. Je remercie Pierre Ouzoulias et le président Lafon pour notre travail commun. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias.  - Notre combat !

M. Henri Cabanel.  - J'ai bien entendu ce qui vient d'être dit. Il est important de penser laïcité, mais surtout de le dire. Je voterai cet amendement.

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

Mme Sylvie Robert.  - Bravo !

M. Philippe Grosvalet.  - Le monde va mal. Quand on le parcourt, on nous parle du patrimoine de la France, mais n'oublions pas son patrimoine immatériel que sont les grands principes de la République, et notamment la laïcité. On peut interpréter une valeur à sa façon. Mais les principes, eux, sont intangibles.

Si nous avons quelque chose d'exceptionnel à faire valoir, c'est bien la laïcité. Quand un principe est bien énoncé, il s'entend mieux. Je voterai cet amendement.

Mme Prisca Thevenot, secrétaire d'État.  - Bien évidemment, nous devons en permanence rappeler les valeurs et les principes de notre République. Ce n'est pas moi qui dirais le contraire. Toutefois, ils figurent dans nos textes. Inutile de les réécrire : il convient avant tout de faire appliquer ce qui est écrit.

Il est vrai qu'il y avait un flou, mais ce n'est plus le cas.

M. Patrick Kanner.  - Ce n'est pas clair du tout !

Mme Prisca Thevenot, secrétaire d'État.  - Dès sa nomination, Gabriel Attal a voulu sortir des zones grises sur ces sujets. (M. Patrick Kanner proteste.) Nous sommes tous d'accord ici sur les valeurs et les principes de la République : faisons en sorte qu'ils soient appliqués en dehors de cet hémicycle.

M. Patrick Kanner.  - Nous ne sommes pas convaincus !

L'amendement n°1 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Cet enseignement sensibilise les élèves aux dangers d'internet et de la manipulation de l'information ainsi qu'aux droits et devoirs des enfants et à toute forme de maltraitance et de harcèlement les concernant.

M. Adel Ziane.  - Si le recentrage de l'EMC est bienvenu, certains sujets importants en sont désormais exclus : c'est le cas de la sensibilisation aux dangers d'internet et au harcèlement, pourtant grande cause du ministère de l'Éducation nationale. En informer les élèves est essentiel à la formation de citoyens libres, égaux et fraternels.

L'article liminaire du code de l'éducation dispose qu'aucun élève ne doit subir de harcèlement, mais cela n'empêche pas un enseignement spécifique. Nous souhaitons que ce sujet soit gravé dans la loi comme relevant de l'EMC.

M. Bernard Fialaire, rapporteur.  - Avis défavorable. Le ministre nous a dit qu'il voulait faire de l'éducation aux médias et à l'information (EMI) l'une des priorités des programmes d'enseignement. Appelons un chat un chat : l'EMC doit enseigner les valeurs de la République, et l'EMI se concentrer sur l'éducation aux médias.

Mme Prisca Thevenot, secrétaire d'État.  - Vous le dites très justement : le risque est de tout demander à l'EMC, au risque de manquer de temps. La certification Pix, désormais déployée dès la 6e, permet de développer la capacité à se saisir des outils numériques et donc d'intégrer la question du harcèlement et du cyberharcèlement.

Votre amendement est satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Laure Darcos.  - Dans l'absolu, il faudrait parler à l'école du harcèlement, du respect du corps, de la sexualité. Mais nous ne pouvons tout intégrer au programme de l'EMC, doté de quelques heures seulement. Recentrons-le sur la citoyenneté et les valeurs de la République. Je vous rejoins toutefois : l'école doit aborder ces sujets primordiaux.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport de bilan sur l'effectivité de l'organisation de l'enseignement moral complémentaire auquel les élèves des établissements du premier degré dispensés d'enseignement religieux, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, doivent être soumis. Il propose, le cas échéant, des pistes pour rendre plus effectif cet enseignement complémentaire. 

Mme Marie-Pierre Monier.  - Si le Concordat prévoit un enseignement religieux à l'école publique dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle, une dispense est possible. Le code de l'éducation prévoit pour ces enfants dispensés un complément d'enseignement moral, mais celui-ci n'est pas effectif : en pratique, ce temps est consacré à des coloriages, dessins ou lectures libres... Soit 180 heures d'enseignement obligatoire perdues, et ce pour plus de 50 % des élèves, puisque les élèves dispensés sont désormais majoritaires.

Nous demandons un rapport sur l'effectivité de cet enseignement.

M. Bernard Fialaire, rapporteur.  - Avis défavorable : la coutume du Sénat est de refuser les rapports. Toutefois, nous attendons au moins des informations de la part du Gouvernement sur ce sujet.

Mme Prisca Thevenot, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Pierre Ouzoulias.  - C'est un peu court ! L'enseignement religieux en Alsace-Moselle n'a rien à voir avec le Concordat : il est imposé par une loi allemande du 10 juillet 1873 qui vise l'enseignement de « la » religion, et non des religions comme en France « de l'intérieur ».

En 2022, en Moselle, l'enseignement de la religion était suivi par 35 % des élèves de primaire, 7 % des collégiens et aucun lycéen. En Alsace, 20 % des lycéens suivent ces cours.

Cet enseignement est obligatoire, mais les élèves dispensés sont majoritaires. Il est certes difficile de toucher au droit local allemand, mais nous pourrions rapprocher cet enseignement de l'enseignement du fait religieux, qui favorise la distanciation critique. Je vous conseille l'excellent rapport de Régis Debray sur le sujet.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Madame la ministre, pouvez-vous répondre ?

Mme Prisca Thevenot, secrétaire d'État.  - Je vous propose de saisir l'inspection générale pour faire un état des lieux.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Merci !

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 9, première phrase

Après le mot :

citoyenneté 

Rédiger ainsi la fin de cette phrase :

, aux enjeux du renforcement de la cohésion nationale, de la mixité sociale et de l'égalité femmes-hommes ainsi qu'à la lutte contre les préjugés sexistes et homophobes et à celle contre la violence au sein des couples.

M. Adel Ziane .  - Cet amendement réintroduit certaines exigences relatives à la JDC qui, dans un esprit de rationalisation, en ont été exclues. Il nous semble important que l'égalité hommes-femmes soit abordée, de même que la lutte contre les préjugés sexistes et homophobes ainsi que la sensibilisation aux violences conjugales.

M. Bernard Fialaire, rapporteur.  - Ces sujets sont très importants. Mais ont-ils leur place dans la JDC ? La proposition de loi la recentre sur l'essentiel, à savoir la défense et la citoyenneté. Les sujets que vous évoquez doivent être traités au cours de toute la scolarité. Les trois heures d'enseignement de la JDC ne permettent pas de faire plus. Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Fialaire, au nom de la commission.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

et dans la limite des places disponibles

M. Bernard Fialaire, rapporteur.  - Cet amendement vise à rassurer et fait suite à une remarque de Stéphane Piednoir en commission.

La prolongation du séjour en Epide pour les jeunes sans hébergement se ferait dans la limite des places disponibles - soit 5 à 10 %. Un grand progrès a déjà été acquis : les jeunes sont désormais accueillis le week-end, quand ils se retrouvaient parfois à la rue...

Mme Prisca Thevenot, secrétaire d'État.  - En toute logique, avis favorable. En lien étroit avec ce texte, qui vise à faire vivre la citoyenneté au quotidien, dans un souci d'inclusion, je salue Thomas, qui m'accompagne aujourd'hui dans le cadre du DuoDay, au Sénat puis à Bruxelles. (Applaudissements)

M. Adel Ziane.  - Cet amendement est réducteur, car il limite l'accès à ces établissements au nombre de places disponibles. Or le taux d'occupation moyen dans les Epide est de 90 à 95 %. Sans obligation, le dispositif se résume à une déclaration de principe. Nous ne voterons pas cet amendement.

L'amendement n°5 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article 4 est adopté.

Article 5

Mme Cécile Cukierman .  - L'accélération de la dématérialisation de la propagande électorale est une fausse bonne idée. Alors que nous traversons une crise politique et de confiance, n'allons pas assimiler ces éléments à des prospectus de réclame ! Le risque est que les citoyens ne regardent plus du tout les professions de foi. Il convient de faire preuve de prudence - souvenez-vous de l'émotion, lors des élections départementales et régionales de 2021, quand une grande partie de nos concitoyens n'avait pu recevoir ces documents qui éclairent le vote.

Nous ne nous opposons pas à cet article, mais n'accélérons pas trop sur la dématérialisation pour n'exclure personne.

L'article 5 est adopté.

L'article 6 est adopté, ainsi que l'article 7.

Vote sur l'ensemble

M. Henri Cabanel, auteur de la proposition de loi .  - Cette proposition de loi n'est certes pas très ambitieuse, mais elle résulte d'un compromis. Pour aller plus loin, il convient d'aller doucement. (M. André Guiol renchérit.) Nous faisons un premier pas.

Je ne comprends pas vos arguments, madame la ministre, sur le statut de l'étudiant élu. La Convention nationale de la démocratie locale, engagée par Dominique Faure, répond à la volonté des élus locaux de jouir d'un véritable statut.

Nous souhaitons créer un statut similaire pour les jeunes élus, pour favoriser leur engagement. Nous les avons écoutés, faisons-leur de la place ! Cette mesure constitue une avancée. Il faudra aller plus loin, en faisant des compromis. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Adel Ziane .  - Je salue le travail en commission. Il était essentiel pour nous que certaines thématiques de l'EMC ne soient pas renvoyées à d'autres dispositifs aux contours encore peu clairs.

Par ailleurs, le sujet des principes de la République est primordial et nous nous réjouissons d'en avoir débattu sereinement.

La question du statut de l'étudiant fait aussi écho au Congrès des maires. Nous devons proposer aux étudiants qui souhaitent s'engager un statut pour les y aider. (Mme Mathilde Ollivier applaudit.)

Mme Prisca Thevenot, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Sur le statut des étudiants élus, je vous rejoins sur le principe. Le texte est au début de son parcours législatif. Je suis à votre disposition pour avancer sur cette mesure dans la suite de la navette, en lien avec le ministre de l'intérieur.

M. Henri Cabanel.  - Merci !

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI, du groupe SER et du GEST)

La séance est suspendue quelques instants.